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N°114 ANNÉE 2003 MODERNE MODERNE

construction modern 114

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N ° 1 1 4 AA NN NN ÉÉ EE 22 00 00 33 MODERNEMODERNE

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7, place de la Défense • 92974 Paris-la-Défense CedexTé l . : 01 55 23 01 00 • Fax : 01 55 23 01 10

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CONCEPTION,RÉDACTION ET RÉALISATION :ALTEDIA EDITING

5,rue de Milan – 75319 Paris Cedex 09

RÉDACTEUR EN CHEF : Norbert Laurent RÉDACTRICE EN CHEFADJOINTE :Maryse Mondain

SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : Philippe François MAQUETTISTE : Sylvie Conchon

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MODERNEMODERNE

La revue Construction moderne est consultable sur www.infociments.fr

Au cours des deux dernières décennies,le béton a connu une formidable évolutionqui a ouvert la voie à une véritable“pluralité” du matériau. Que l’on parle de bétons à hautes performances ou de bétons autoplaçants, il existeaujourd’hui un large choix de bétonsmodernes qui ne sont pas réservés auxouvrages exceptionnels mais sont,au contraire, très adaptés à la réalisationdes ouvrages courants. Le gain deproductivité lié à la facilité de la mise enœuvre et à la suppression de la vibration,les gains en matériel de levage, ladiminution de la pénibilité et les gains desécurité qui en résultent, ou encore ladurée plus courte des travaux, sont autantd’arguments qui plaident en faveur dudéveloppement des bétons autoplaçants.Bref,“économie”,“esthétique”,“sécurité”,“respect du voisinage” et “productivité”sont les mots clés qui vont désormaisprésider à une très grande généralisationde ces bétons modernes.

YVES MALIER,Président de l’EFB

(École française du béton)

Sommaire – n° 114

r é a l i s a t i o n s ROISSY – Terminal EPAGES

0104Architecte : Paul Andreu, ADP

Symphonie achevée en béton majeur

TROIS PISCINESPAGES

0509Architecte : Jean-Louis Berthomieu

Le renouveaudes équipements nautiques

LIMOGES – Faculté de droitPAGES

1014Architectes : P. Bolze et S. Rodriguez-Pagès

L’universitéreconquiert son droit de cité

Architecte : CITArchitecture

Le verbe “habiter”conjugué à tous les modes

REIMS – École maternellePAGES

2730Architectes : D. Coulon et P. Richter

Preuve de caractère

r é a l i s a t i o n s PLÉRIN – Logements collectifsPAGES

2326

a c t u a l i t é s• Résultats du concours

Cimbéton 2002-2003

PAGES

3537

>>> En couverture : terminal E à Roissy-

Charles-de-GaullePhoto : Hervé Abbadie

éditorial

s o l u t i o n s b é t o n BAPPAGES

1522La haute technologie

au quotidien

por t r a i t RUDY RICCIOTTIPAGES

3134La maturité

d’un libre-penseur

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r é a l i s a t i o n ROISSY – Terminal E

Symphonieachevée en béton majeur● ● ● Récemment mis en service, le terminal E parachève la composition de Roissy 2. L’ensemble E + F

constitue désormais l’outil principal du hub d’Air France. Ce nouveau terminal, composé de trois

bâtiments distincts, témoigne d’un sens du geste assez magistral, pour le plus grand plaisir des

voyageurs. C’est aussi le dernier édifice de son architecte, Paul Andreu, pour le compte d’ADP

(Aéroports de Paris). Car l’auteur de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle prend aujourd’hui sa

retraite, au terme d’un partenariat on ne peut plus fructueux, qui aura duré plus de trente années.

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réé il y a dix ans, sous laprésidence de Christian

Blanc, le “hub” d’Air France aété pensé pour être le lieu deconcentration de la majeurepartie des vols de la compagnie,sur le modèle de ce qui se faisaitdéjà outre-Atlantique. Lors d’untransit voyageur, ces plates-formesd’échange ont la particularité de per-mettre à un passager de ne pas mettre

plus de 45 min entre la sortie de son pre-mier avion et l’entrée dans le suivant,bagages inclus. Un record quand on saitles distances à parcourir dans un aéro-port, et un record qu’il faut pouvoirappliquer et vérifier en tout point. À laclé, un meilleur service, une satisfactionaccrue du passager, et un taux de rota-tion plus élevé des avions. Le modèle afait ses preuves en termes d’efficacité etde résultats. La compagnie Air France lui

doit aujourd’hui une bonne part de sonsuccès et de sa santé financière.Pour parachever la mise en place de cehub,Air France se dote aujourd’hui d’unoutil exceptionnel à Roissy-Charles-de-Gaulle, qui réunit autour d’une mêmeellipse le terminal 2 F, voué à l’espaceSchengen, et le 2 E, pour les long-cour-riers internationaux.

● Une similitude trompeuse

Le terminal 2 F, inauguré en 1998,déploie sa longue voûte en béton sur uncorps central allongé et incurvé sur larocade centrale. Deux bras, ou “pénin-sules d’embarquement”, viennent segreffer sur cet axe ; à leur jonction avecce dernier sont situées les zones decontrôle de sécurité et d’identité. Seulerestriction, cette disposition en pénin-sules ne permet pas de recevoir les long-courriers à gros gabarit.

L’ordonnancement au sol de cette caté-gorie d’avions a donc déterminé la formedu terminal 2 E, dont le plan répond àune double contrainte : celle de la géo-métrie, pour former un espace homo-gène autour de la rocade ellipsoïdalecentrale ; celle de l’usage – selon unedisposition déjà en usage à Osaka ou à Shanghaï –, pour l’accostage de18 avions de type Airbus A 380. Au jeudes comparaisons, notons que le termi-nal 2 F représente 130 000 m2, tandisque le 2 E, nouvellement achevé, encompte 220 000. Il aura néanmoins falluun an de moins pour réaliser ce dernier :3 ans et demi au lieu de 4 ans et demi.Si pour un voyageur, et au premier abord,la similitude est grande entre ces deuxterminaux, c’est que le 2 E dissimule sonorganisation et projette ses masses versl’arrière. Schématiquement, il pourraits’agir d’un H posé sur le flanc dont lesdeux barres verticales – désormais à

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>>> Les jeux de lumière créés par les caissons de la “jetée”

se propagent dans un espace marqué par le matériau béton.

et La voûte en béton est capotée par une paroi continue

en verre, posée sur une armature métallique tenue à distance par

des entretoises rayonnantes. La jetée d’embarquement, rythmée

par des verrières où se connectent les passerelles d’accès aux avions.

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32

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r é a l i s a t i o n ROISSY – Terminal E

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C

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l’horizontale – seraient concaves etsymétriques, de telle sorte que celle duhaut épouse l’ellipse de la rocade tandisque celle du bas fait face aux pistes. Uncorps central perpendiculaire assure laliaison entre ces deux éléments. Cestrois parties représentent effectivementtrois corps de bâtiments bien distincts,dans leur usage, dans leur mode cons-tructif, et dans leur expression architec-turale. Trois équipes de concepteurs yont travaillé, et les trois chantiers furentmenés en totale indépendance.

Si l’on reprend ces trois parties, celle quiest située en pourtour de rocade estdévolue aux halls de départ et d’arrivée,la médiane constitue un isthme où sontconcentrés services et contrôles, et latroisième, au contact des pistes, à l’em-barquement et à son corollaire, l’attente.

● Un esprit nouveau

La vitesse d’exécution de ce nouveauterminal, déjà évoquée, a donné lieu àune recherche de solutions techniques

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Extraits d’une interview accordée fin 2002 par Paul Andreu

Roissy 2 E sera inauguré dansquelques mois. Ce bâtiment a-t-il unevaleur particulière dans un ensembleque vous créez pas à pas depuis 1967 ?

Paul Andreu : Au niveau del’invention, il n’est pas supérieur àRoissy 2 F. C’est son frère, en somme.Le F bouleversait quelque chose ; là, le bouleversement est moins fort.La partie la plus novatrice, la plusdéconcertante, est la jetée en verre. La construction tout entière est faitepour qu’il y ait une lumière, uneambiance […]. Avec le temps, je

deviens plus sensible aux qualitéssecondes qu’aux qualités premièresdes matériaux. Le verre, par exemple,est transparent, mais il est aussiparfaitement étanche. Le béton a degrandes qualités mécaniques, mais il a aussi la propriété de permettre dessurfaces infinies. Ce bâtiment quicombine béton, acier, verre et bois aquelque chose d’inédit, où l’importantest dans la forme, le symbole.

À propos de l’aéroport de Roissy,vous avez écrit : “C’est comme s’iln’y avait au total qu’un seul projet

qui, petit à petit, irrégulièrement, sedécouvre. J’y réfléchis parfois pourtenter de comprendre quelle vérité,extérieure à moi-même, s’exprimeainsi, secrètement.”

P. A. : En fait, tout se passe comme siles projets s’éclairaient mutuellement.L’ensemble compose une unité. J’ai le sentiment que tout cela est trèspersonnel, au sens que tout est requisde vous […] Il existe quelque chosequi fait que tout se met en place, queles objets se répondent. C’est commesi l’on se laissait pénétrer d’une

certaine réalité. Cela vous traverse,pour renaître ensuite ailleurs. Créer,c’est être le lieu de la création.

On est tenté de vous poser la questionde vos sources d’inspiration…

P. A. : Il faut la chercher chez lescisterciens, par exemple. Mais maprincipale source d’inspiration, cesont les primitifs : l’art égyptien, l’artmexicain... Je pense aussi aux“socles” chinois ou indiens.

Propos recueillis par Philippe François

innovantes, sollicitant des matériauxjusqu’alors peu présents sur ce site : si le2 F semble encore perpétuer l’esthétiquedes terminaux précédents, le 2 E opèreune rupture avec les codes de ses pré-décesseurs. Là où régnaient le blanc, leverre et le métal, signes d’une moder-nité glorieuse mais parfois ressentiecomme aseptisée, apparaît une immensevoûte en bois massif. Ce gigantesquedrapé de lattes fixées une à une à unestructure métallique procure une sensa-tion de bien-être. La chaleur du bois

accentue la fonction d’accueil de ce pre-mier volume abritant 156 banques d’en-registrement disposées en peigne (et nonplus longitudinalement comme au 2 Fqui en totalise 72).La partie intermédiaire, ou isthme, est unparallélépipède rectangle dont on pour-rait hâtivement… ne rien dire. Pour unbâtiment de quelque 70 000 m2, où sontregroupés centres de contrôle, de sûreté,bureaux, salons VIP, restaurants du per-sonnel, centre commercial… c’est unegageure. L’habileté a justement consisté

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à faire oublier cet espace. D’une longuevolute, la voûte en bois accompagne lecheminement du voyageur. Celui-ci fran-chit les contrôles dans un espace géné-reux, permettant aux services de policede concentrer leur dispositif en un seulpoint du parcours.La troisième partie, surnommée “lajetée”, est une immense nef voûtée de30 m de portée et de 700 m de long.Elleest séquencée en dix éléments recti-lignes disposés en arc de cercle, articulésentre eux par des espaces vitrés sur lesquels se connectent 13 bras (pour26 passerelles d’accès). Ces coques sontconstituées de trois panneaux clavés etautostables de béton, de 30 cm d’épais-seur et de 4 m de large, préfabriqués sur place. Le béton utilisé est un B 40 for-mulé spécialement pour ce chantier.La formule comporte 400 kg/m3 deCEM1 52.5 et 83 kg/m3 de filler calcairepour 195 l/m3 d’eau totale, les granulatssont des matériaux alluvionnaires deSeine semi-concassés.Tandis que l’intra-dos de la voûte laisse visible le coffragede petits liteaux de bois, l’extérieur de lanef est recouvert d’une enveloppe de

verre sur laquelle une sérigraphie vientmoduler l’intensité des rayons lumineux,en fonction de la position du vitrage.L’ensemble créé par cette jetée estimpressionnant ; agréable dans ses cir-culations – trottoirs roulants au centre –,elle offre une vision assez irréelle, presqueabstraite,qui produit l’émotion.

● L’empreinte d’un homme

La personnalité de Paul Andreu marqueune nouvelle fois le site aéroportuaire deRoissy. On retrouve au 2 E la force de seschoix architecturaux. Son goût pour lebéton gris, sa connaissance de la mise enœuvre d’un matériau auquel il voue unevraie fidélité, sont pour beaucoup dansl’identité même de l’ensemble de l’aé-roport Charles-de-Gaulle. Cette sorte

d’”estampille ADP” façonne durable-ment l’image de ce site. Cette dernièreréalisation laisse aussi entrevoir d’autresréférences. On songe à d’autres gestesarchitecturaux, et non des moindres :l’ampleur de la jetée, ses dimensionsexceptionnelles associées à cette sortede simplicité de traits et de volumes, lespercements de sa voûte qui constituentautant de caissons par lesquels filtrentdes rayons de lumière… Voilà autantd’indices qui évoquent les architectesfrançais de la Révolution, et plus particu-lièrement Étienne Louis Boullée. Les pro-jets utopistes de Boullée sont restésdans leurs cartons, mais ils témoignentde la recherche d’un idéal antique dansl’expression du caractère d’un édifice. Enun mot, il y a quelque chose de romaindans cette jetée aéroportuaire à laquelleviennent s’amarrer des aéronefs. ❚

TEXTE : VINCENT BORIE

PHOTOS : HERVÉ ABBADIE

>>> Comme un manifeste architectural, la jetée

d’embarquement se place sous le double signe de l’abstraction et de

la géométrie. Les caissons de sa voûte évoquent le Panthéon romain.

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r é a l i s a t i o n ROISSY – Terminal E

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Maître d’ouvrage :ADP

Maître d’œuvre :ADP

Architectes :Paul Andreu, assisté de Jean-Michel Fourcade,

Anne Brison, Jean-Paul Back,Gilles Goix

BET :ADP, Sechaud et Bossuyt

Entreprises principales :Besix, Léon Grosse, Hervé,

Watson et Bredy,GTM Construction,

Dumez-GTM, Campenon Bernard TPI, Gartner, Eiffel,Laubeuf, ICE, France Sols

Coût :

650 M€

(aérogare, parkings, aires de stationnement avions,

tri des bagages)

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r é a l i s a t i o n TROIS PISCINES

Le renouveau des équipements nautiques● ● ● Nouveaux lieux du temps libre, où se regroupent espaces sportifs et lieux de décontraction,

les équipements nautiques constituent un marché devenu florissant. Au point de constituer une

activité majeure pour certains architectes, à l’image de Jean-Louis Berthomieu. À travers trois

de ses réalisations, cet homme aux multiples talents démontre qu’au-delà des questions techniques,

pour lesquelles le béton constitue un précieux atout, simplicité formelle et simplicité constructive

restent un gage de pérennité pour ces ouvrages soumis à des contraintes sévères.

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n jour j’ai quitté la vie pari-sienne et je me suis ins-

tallé au Mans. C’était il y a dixans. Je m’étais associé avecThierry Nabères qui venait dechez Sarfati, et nous avons gagné leconcours du centre aquatique Les Atlan-tides”, raconte J.-L. Berthomieu. Depuis,l’architecte exerce à Nantes, dans un belimmeuble proche de la gare. Ses activitésdépassent largement la région : archi-tecte-conseil en Guadeloupe, urbanisteavec Alexandre Chemetov sur le projetd’aménagement de l’île de Nantes,concepteur d’architecture, il partage sontemps entre les études urbaines et, pourune bonne partie, la réalisation de pis-cines. Une spécialisation qu’il n’a pasrecherchée, qu’il déplore presque, regret-tant parfois qu’il lui soit plus difficiled’être missionné sur une école de quatreclasses que sur un équipement aqua-tique de cinq millions d’euros.

● Un cocon totalementétanche, sans pont thermique

Refusant de se ranger derrière l’idéed’une spécialisation dont il considèrequ’elle n’a pas lieu d’être, J.-L. Bertho-mieu affirme haut et fort : “Une piscine,

c’est très simple ; il y a quelques prin-cipes techniques directeurs, et pour lereste c’est une question d’architecture.”Pour ces ouvrages qui subissent deschocs thermiques continus, un des pointsessentiels est de concevoir un cocon tota-lement étanche.Alors que les tempéra-tures extérieures varient entre – 15 °C et+30 °C au long de l’année, la tempéra-ture intérieure doit demeurer constam-ment autour de 26 °C. L’absence totalede pont thermique est ainsi impérativepour assurer la pérennité de l’ouvrage.C’est évidemment une question qui s’ins-crit en parfaite conformité avec la nou-velle réglementation thermique RT 2000,pour laquelle le béton possède toutes lesqualités. L’enveloppe est ainsi conçuecomme un ensemble continu, exempt deliaisons, si minimes soient-elles,entre l’in-térieur et l’extérieur, et qui auraient pourconséquence l’apparition immédiate depoints de condensation. Le principe estgénéralement le même : l’enveloppe estconstituée d’une peau étanche continueentre le toit et la façade, et comportantune isolation thermique hydrophobe. Letraitement acoustique des volumes estréglé par l’application, côté intérieur,d’une laine de roche protégée par unmatériau de parement.

Il s’agit d’une sorte de meccano qui per-met d’utiliser des produits différents suivant les situations. Et notamment lebéton armé qui, comme le rappelleJ.-L. Berthomieu, “est un outil mer-veilleux, parfait pour être enveloppé parl’extérieur, par l’intérieur, ou encoredoublé par un autre matériau, commeen témoignent nos réalisations etnotamment la piscine sports-loisirs deCarhaix, qui est tout en béton.”

● Une piscine tout en béton

Le bâtiment, un peu neutre, estimplanté dans un site boisé, à proximitéd’un lotissement et d’un petit centred’activité. Il est positionné à l’aligne-ment et accompagné d’une contre-alléeplantée qui permet d’accueillir l’en-semble des places de stationnement

demandées. On y accède directementdepuis la rue, par un hall qui offre auxutilisateurs une vue attractive sur lesbassins. L’espace détente, à l’écart desflux de circulation, dessert une mezza-nine offrant une vue plongeante surl’espace ludique. Sur la rue, le bâtimentprésente un soubassement de pan-neaux préfabriqués porteurs en bétonrevêtu de granit, en relation avec lesarchitectures que l’on trouve dans larégion. L’édifice se développe ensuitepar des volumes plus importants souslesquels sont disposés les bassins.Profitant de la déclivité du terrain, cesderniers sont disposés à des niveauxdifférents. Ils sont couverts par deuxstructures accolées, constituées depoutres préfabriquées précontraintesen “I” de 21 m de portée entre les-quelles sont lancées les dalles alvéo-

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>>> Carhaix – Sur la rue, le bâtiment présente un soubassement

de panneaux préfabriqués porteurs en béton revêtus de granit, en

relation avec les architectures de la région. L’édifice se développe

par des volumes plus importants où sont les bassins. Largement

vitré, le hall d’accès offre une vue attractive sur les bassins.

Le bassin sportif est implanté sous une halle en béton constituée

de poutres préfabriquées précontraintes en “I” de 21 m de portée,

entre lesquelles sont lancées les dalles alvéolaires de la couverture.

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Des façades en béton de pierre équipées de rupteurs de ponts thermiquesL’ambiance tropicale qui règne dans une piscine impose un traite-

ment rigoureux des risques de ponts thermiques. À Carhaix, l’utilisa-

tion d’une enveloppe en béton a permis de créer un cocon entière-

ment isolé, en toiture par l’extérieur et en élévation par l’intérieur. La

continuité de l’isolation est assurée, au niveau de la jonction entre les

éléments verticaux et les éléments horizontaux, par des rupteurs de

ponts thermiques. La couverture des deux halles qui abritent les bas-

sins est réalisée au moyen de poutres précontraintes en béton de

21 m de portée, entre lesquelles sont lancées des dalles alvéolaires

en béton. Décollés des éléments de structure, les plafonds acous-

tiques laissent l’enveloppe en béton apparente à l’intérieur, tandis

qu’un bardage composite isolant vient la protéger à l’extérieur.

Les façades d’entrée inversent cette règle. Elles sont formées d’élé-

ments structurels en béton préfabriqué incluant un parement de gra-

nit de 10 à 12 cm d’épaisseur posé à joint sec. Ces éléments porteurs

sont réalisés en usine sur tables coffrantes. De fait, l’isolation est

positionnée côté intérieur. Sa continuité est assurée par des rupteurs

de ponts thermiques placés en about de dalle, au niveau des points

de rupture. Ces produits sont constitués d’un bloc d’isolant traversé

par des armatures en acier qui permettent de transmettre les efforts

de traction, de compression et de flexion tout en assurant une isola-

tion parfaitement continue.

PISCINE SPORTS-LOISIRS – CARHAIXcouvertine aluminium

relevé d’étanchéité

isolation sur toiturebéton avec rupteursde ponts thermiques

panneaux préfabriquéspierres granit + béton

lame d’air 1 cm

isolant polystyrène

lame d’air 2 cm

doublage carrobric+ peinture respirante

isolant extérieur

étanchéité enterrée

❙❙❙ Détail de la façade vue en coupe Pour répondre aux contraintes d’isolation thermique, deux systèmes sont mis en

œuvre : soit par l’intérieur, avec des rupteurs de ponts thermiques au niveau des nez

de plancher, soit par l’extérieur, avec une protection au moyen d’un bardage en CCV.

couvertine aluminium

patte pour gardecorps provisoire

poutre bétonprécontrainte

réservation pourpassage réseaux

plafond suspendu

châssis aluminium

bardage extérieur en CCV sur ossature bois

isolation extérieur

mur béton

isolation acoustique

bois perforé

airchaud

Page 10: construction modern 114

laires de la couverture. Une premièrehalle de 640 m2 abrite le bassin sportifet une seconde de 550 m2, l’espaceludique. Ces volumes réunis par une filecentrale de poteaux en béton armérépondent aux principes de conceptionque se donne J.-L. Berthomieu pour leconfort des usagers : le bassin sportifest positionné sous une halle opaque,éclairée par une lumière zénithalehomogène, tandis que la halle ludiqueest orientée vers le sud et vers l’ouest.

● Réglementation exigeante

Les bassins, mais aussi les locaux et lesgaleries techniques, constituent desouvrages d’infrastructure conséquents,soumis à de fortes exigences en matièrede qualité. Que ce soit à Carhaix, Muretou au Mans, le matériau béton démontrelà aussi toutes ses qualités. Les normesconcernant l’étanchéité sont en effet

extrêmement strictes, et les maîtres d’ou-vrage demandent de manière systéma-tique des bassins étanches dans lamasse qui répondent au fascicule 74de l’Institut technique du bâtiment etdes travaux publics. Cette contrainteimplique une mise en œuvre et desbétons très sophistiqués, à la manièredes châteaux d’eau. Comme l’exprimeFranck Gilles, le directeur des travaux del’agence,”les bassins sont entièrementcoulés en place avec des bétons spéciaux,et chaque reprise de bétonnage, que cesoit pour les liaisons verticales ou les liai-sons horizontales, est traitée par un jointhydrogonflant, qui se distend avec l’hu-midité et bouche tous les vides.”Et à cesexigences qui concernent la formulationdu béton et les reprises de bétonnage,s’ajoutent encore celles relatives à l’in-clusion de nombreux appareillages des-tinés à produire des bulles, des courants,des jets d’eau,des éclairages.

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>>> Le Mans – Le centre aquatique est une construction en

équerre, largement ouverte sur l’extérieur. et Muret

– Les programmes associent des attentes sportives et ludiques. Les

bassins sont entièrement coulés en place avec des bétons spéciaux.

Chaque reprise de bétonnage est traitée par un joint hydrogonflant qui

s’expanse avec l’humidité et bouche tous les vides.

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Une innovation : des façades légères en béton de fibresInstallé sur un terrain rectangulaire, entre la rocade de contourne-

ment et les bords de l’Huisne, le centre aquatique du Mans est une

construction en équerre, accompagnée d’un parking inondable

planté de bosquets. Largement ouvert sur l’extérieur, l’ouvrage est

ceinturé par un soubassement en béton de pierre qui réduit l’échelle

du bâtiment et établit le lien avec le quartier.

La partie supérieure de l’équipement est enveloppée dans une façade

en complexe ciment-verre (CCV). Ces panneaux très légers sont d’un

aspect proche du béton poli. Ils sont positionnés en usine sur une

ossature en acier galvanisé et sont livrés sur chantier sous forme

d’éléments de 6 m x 3,50 m, en correspondance avec la trame de

structure du bâtiment. Derrière ce parement de 1,5 cm d’épaisseur,

un panneau de Viroc (composant bois-ciment) sert de support à un

isolant thermique hydrophobe. Enfin, un pare-vapeur est développé

sur la totalité de la surface pour l’isoler de l’humidité.

Cette façade innovante, de 12 cm d’épaisseur au total, a fait l’objet

d’un avis technique expérimental (ATE) sur l’étanchéité thermique,

qui couvre l’ensemble de la paroi (du pied de façade à l’acrotère). Une

démonstration pertinente des qualités des nouveaux produits de l’in-

dustrie cimentière lorsqu’on connaît les contraintes en milieu humide.

CENTREAQUATIQUE LESATLANTIDES – LE MANS

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Reste enfin la question du respect de ladimension des ouvrages. Qu’il s’agissede la longueur, de la rectitude, de la pro-fondeur ou de l’aplomb des bassins, lesentreprises de gros œuvre doiventdéployer tout leur savoir-faire pour res-ter dans les critères d’homologation desfédérations sportives. La tolérance delongueur sur un bassin de 25 m de longétant d’un centimètre maximum, onimagine les qualités de précisiondemandées aux entreprises pour l’exé-cution de ces ouvrages qui seront systé-matiquement contrôlés par relevé géo-mètre en fin de coulage.

● La question de l’image et de la forme

Parallèlement à l’évolution de la techno-logie, l’autre question centrale de laconception des centres nautiques d’au-jourd’hui reste celle de la forme et del’image. Les programmes,de plus en plusmultiples, associent des attentes spor-tives et mais aussi ludiques. Dans unmême centre aquatique se mélangentbassin sportif, bassin d’apprentissage,bassin ludique, balnéo, pentaglisse, bas-sins extérieurs pour l’été, etc.Attaché àune certaine simplicité de l’architecture,

J.-L. Berthomieu, tout en restant per-suadé que l’on pourrait faire des pro-grammes absolument polyvalents dansdes bassins rectangulaires, affirme sansdétour : “Il est difficile de gagner unconcours si l’on ne dessine pas un bassinludique un peu mou dans sa forme.”

● Un architecte attaché au “bien construit”

Sa démarche n’en demeure pas moinsportée par quelques invariants architec-turaux dénudés de tout effet de mode :affirmation du bâtiment dans le site,lumière naturelle, rapport direct à l’exté-rieur, forme et géométrie simples. Atta-ché au “bien construit”, il défend lasimplicité formelle comme gage depérennité et de polyvalence pour l’ou-vrage. ”Je ne suis pas un architecte quidéveloppe l’idée de la forme architec-turale comme geste. Notre métier estd’analyser un site et un programme,d’essayer d’avoir du bon sens et defabriquer un bâtiment dont on peut jus-tifier chaque composant.”Le résultat est là.Au-delà des invariantstechniques, les ouvrages du Mans, deCarhaix ou du Muret apparaissent radi-calement différents les uns des autres.

Ils répondent à une démarche architec-turale somme toute classique, basée surune observation du territoire, des orien-tations, de la topographie et des qua-lités propres aux sites dans lesquels ilss’inscrivent, et sur une volonté farouchede répondre aux usages. À Carhaix, leparti architectural se plie à l’élaborationd’un quartier en devenir en positionnantle bâtiment à l’alignement, tandis qu’àMuret, il exploite un site en surplomb dela Garonne pour réaliser un équipementouvert sur la vallée. Enfin au Mans, dansla courbe d’une rocade, l’équipement sereplie sur lui-même pour protéger lesespaces d’accompagnement des bas-sins extérieurs.Dans tous les cas, conception architec-turale et réponses techniques tendentvers les mêmes buts : adéquation auprogramme, pérennité de l’ouvrage etfacilité d’entretien. Des objectifs que leconcepteur atteint en concevant desédifices rigoureux, dessinés et construitsen béton suivant l’idée que dans laconception des centres nautiquescomme ailleurs, architecture et tech-nique constituent un tout au service duconfort et du bien-être des usagers. ❚

TEXTE : HERVÉ CIVIDINO

PHOTOS : JEAN-MARIE MONTHIERS

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PISCINE DE CARHAIX

Maître d’ouvrage :communauté de communes

du Poher

Maître d’œuvre :Berthomieu Architectes ;

J.-L.Berthomieu,T.Cantin,F.Gilles

BET structures :Sigma

Entreprise gros œuvre :CMA

CENTREAQUATIQUE DU MANS

Maître d’ouvrage :ville du Mans

Maître d’œuvre :Berthomieu Architectes ;

mandataires J.-L.Berthomieu,J.Le Haret,F.Gilles ;

TNA architectes associés,T.Nabères,C.Masson

BET structures :Sigma

Entreprise gros œuvre :Sareg GTM

CENTRE NAUTIQUE DE MURET

Maître d’ouvrage :communauté de communes

du Muretain

Maître d’œuvre :BPS & Berthomieu Architectes ;

mandataire J.-L.Berthomieu,F.Magnien ;

TNA architectes associés,T.Nabères,F.Baudelot

BET structures :Serige

Entreprise gros œuvre :EI – GCC

Page 12: construction modern 114

r é a l i s a t i o n LIMOGES – Faculté

L’universitéreconquiert son droit de cité● ● ● Le nouveau bâtiment de la faculté de droit et de sciences économiques se situe dans

le cœur historique de Limoges. Sa présence répond à la volonté de l’université de faire revenir

au sein de la ville les futurs gestionnaires de la cité que sont les étudiants en droit

et en sciences économiques, afin qu’ils demeurent en contact direct avec des institutions

comme le palais de justice ou en liaison, tout simplement, avec le tissu économique local.

Au final, les architectes ont conçu leur bâtiment à l’image d’un véritable campus en centre-ville.

10 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 4

Page 13: construction modern 114

‘université reconquiert sondroit de cité”. À en croire

les maîtres d’œuvre, lourds sontles enjeux urbains et symbo-liques qui sont à l’œuvre dans le nou-veau bâtiment de la faculté de droit etde sciences économiques de Limoges.Ce projet répond à la volonté des res-ponsables de l’université de faire revenirles étudiants en droit et en sciences éco-nomiques dans le centre-ville pour qu’ilssoient immergés dans la vie de la cité. Àcela s’ajoute, dans le cadre de sa poli-tique de renouvellement urbain, le sou-hait de la municipalité de redonner saplace, dans le centre-ville, à une popula-tion estudiantine jeune et dynamique.

● Un édifice-îlot

Le nouvel édifice universitaire prendplace au cœur historique et urbain deLimoges. Il s’inscrit dans la ZAC de l’Hôtel de Ville, aménagée sur l’emprisede l’ancien Hôpital général, à l’empla-cement même du centre de la villeromaine, au croisement de ses deux axesprincipaux, le cardo et le décumanus.Situé dans le prolongement de la Biblio-thèque francophone multimédia, unnouvel équipement culturel majeur deLimoges dessiné par Pierre Riboulet, leterrain d’assise du projet a la forme d’unrectangle de 50 x 100 m, dont le grandaxe est orienté nord-sud. Il descend enpente douce vers le sud en direction dela Vienne qui s’écoule à quelques cen-

taines de mètres. Son côté “est” estdominé par le plateau de l’ancien forumromain, aujourd’hui occupé par la mairieet la cité administrative.Développé sur l’ensemble de la parcelle,le bâtiment dessiné par les architectesPierre Bolze et Simon Rodriguez-Pagès,associés à Nicole Génégou, se présentesous la forme d’un parfait parallélépi-pède rectangle. Le monolithe de béton etde pierre installe le projet à l’échelle d’unîlot urbain et donne la dimension institu-tionnelle qui sied à un édifice universi-taire de cette nature. Le soulèvement dupignon “nord” ouvre le bâtiment sur laville et l’offre au regard, laissant ainsideviner la richesse de la spatialité inté-rieure et de la vie qui s’y déroule. La lec-ture de l’ensemble est actuellementincomplète, car la parcelle située àl’ouest du projet est encore en friche. Elledoit être en grande partie bâtie dans unproche avenir. À l’horizon 2004-2005, leprojet devrait être complété par un pôlede recherche en sciences économiques,relié au bâtiment principal par une passe-relle franchissant la rue.

● Portiques architectoniques

Cet ouvrage à la géométrie régulièreet tenue abrite des éléments de pro-gramme de nature diverse, où varient les dimensions, les volumes, les usages,les logiques structurelles et enfin lessujétions techniques. Conçu pour rece-voir 1 600 étudiants, le bâtiment pos-

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 4 11

❙❙❙ Coupe longitudinale

L“ sède un amphithéâtre de 600 places,trois amphithéâtres de 400 places et unautre de 250 places, une bibliothèque de500 places, une bibliothèque réservéeaux chercheurs, des salles de cours et detravaux dirigés, des locaux administra-tifs, une cafétéria, etc.

● Des espaces lisibles

Le programme, somme toute classiquepour un bâtiment universitaire, présentecependant une imbrication fonctionnellecomplexe à régler, du fait de la densitéinduite par la situation urbaine du projet.Les architectes ont développé des prin-cipes d’organisation et des principesarchitectoniques qui offrent une grandelisibilité des espaces et du fonctionne-ment général de l’édifice. “En coupe lon-gitudinale, le bâtiment s’organise endeux nappes. La nappe basse, traitée enplan libre, est libérée au maximum despoints porteurs et des opacités. Associéeau niveau du sol romain, elle accueilleessentiellement les lieux les plus ouvertsau public, le parvis, le hall d’entrée, la bibliothèque universitaire, le grandamphi... La nappe haute, associée au ciel,contient un parcours rythmé par la pré-sence des patios autour desquels pren-nent place les amphis ‘400’ et les ailes dessalles de travaux dirigés (TD). Le grand jardin suspendu articule l’administration,la salle des enseignants et la future pas-serelle vers le bâtiment de recherche”,précise Simon Rodriguez-Pagès.

Page 14: construction modern 114

Le système des portiques de structure etle principe de façade à double paroiassurent l’ordonnancement du projet etqualifient son écriture architecturale.”Dix portiques transversaux en bétonstructurent et rythment le bâtiment. IIssont constitués chacun de trois poteauxet d’une poutre-voile et libèrent l’espaceau niveau de la nappe basse. Dans lanappe haute, les poutres-voiles structu-rent l’espace. Leurs parois constituentles enveloppes des différents lieux, am-phithéâtres, ailes des salles de TD, jardinsuspendu, puits de lumière, etc.”, sou-ligne Simon Rodriguez-Pagès. La façadedouble paroi, entre le premier et le der-nier niveau, aménage une sorte de che-min de ronde en périphérie, qui abrite les

circulations et les escaliers d’évacuationdes amphis “400” et des salles de TD,ainsi que des lieux de déambulation oudes prolongements d’espaces intérieurscomme la terrasse de la cafétéria. Entrele sol naturel du rez-de-chaussée et leniveau du sol romain restitué en contre-bas (rez-de-chaussée bas), cette épais-seur devient cour anglaise.

● Comme un campus en centre-ville

“Les différents éléments du programmesont installés sur l’étendue des deuxstrates comme autant de pavillons oud’espaces intérieurs à découvrir le longd’une promenade architecturale propo-

sant plusieurs parcours. Ceux-ci sontponctués par des stations, des vuescadrées, des points de vue variésproches ou lointains, des jeux d’ombreet de lumière.” Comme le précise iciSimon Rodriguez-Pagès, l’enchaînementdes espaces et le paysage architecturalintérieur fabriquent une véritable pro-menade architecturale qui d’un lieu à unautre anime, qualifie, donne du sens auxdéplacements des usagers. Le jeu destransparences et des vues aménagéesentre les espaces, les volumes, lesniveaux, accompagné par les arrivéesdirectes et indirectes de lumière natu-

relle, permet dès le hall d’entrée de lire lebâtiment et de se repérer.Véritable foyerspatial de l’édifice, ce hall s’ouvre sur deslieux majeurs comme la bibliothèque oul’amphithéâtre “600”. Dans cet espacegénéreux (8 m sous plafond) se déve-loppe un escalier en pas d’âne qui con-duit au premier étage. Là, une véritablerue intérieure parcourt le bâtiment danstoute sa longueur. Pontuée de patios etd’espaces de respiration, elle dessert lestrois amphis “400”, le jardin suspendu,l’administration et la cafétéria.Au deuxième étage, le même schéma deprincipe est retenu. Un couloir longitudi-nal et des circulations transversales don-nent accès au salles de cours et de TD. Iciaussi les déplacements sont agrémentésde vues en plongée sur la rue intérieureou sur le jardin suspendu, comme sur lesparties de toiture plantées de cedumsituées entre les volumes en redents dessalles de cours. La bibliothèque est unlieu d’une certaine majesté, où le savoirest protégé. Éclairée par de grandesbaies vitrées sur la cour anglaise (à l’est)et au sud, ainsi que par des verrièreszénithales, elle bénéficie d’une lumière

12 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 4

>>> Le soulèvement du pignon “nord” ouvre le bâtiment

sur la ville et l’offre au regard, laissant ainsi deviner la richesse

de la spatialité intérieure et de la vie qui s’y déroule.

1

r é a l i s a t i o n LIMOGES – Faculté

1

>>> Ponctuée de patios, une

véritable rue intérieure dessert,

au premier étage, les trois

amphithéâtres, le jardin suspendu,

l’administration et la cafétéria.

Page 15: construction modern 114

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 4 13

Construction moderne : Pouvez-vousnous indiquer les points du projet lesplus remarqués par le jury ? Cela seconfirme-t-il après une première annéeuniversitaire ?

Pascal Texier : Sans trahir lesdélibérations du jury, je crois pouvoiraffirmer que le projet lauréat s’estdistingué par sa simplicité, sonimmédiateté. Il existait dans leprogramme quelques points durs quiont été très bien traités, comme laproximité de la bibliothèque avec leslocaux d’enseignement. L’ensemblede la consultation s’est caractérisépar une grande richesse depropositions. Celle qui a été retenuese distingue par sa simplicité, sacompacité, sa grande lisibilité et parle fait qu’elle semblait porteuse d’une appréciable facilité defonctionnement et de maintenance. Alain Sauviat : Une première annéeuniversitaire est en train de s’acheverdans ce nouveau bâtiment, ce quinous donne un certain recul. Lasimplicité du schéma fonctionnel et lalisibilité des espaces précédemmentévoqués sont confirmées et se viventau quotidien. Chaque utilisateur sait à tout moment où il est et où il va : il n’existe pas de longs couloirsobscurs, d’interminablescheminements monotones ou decirculations en cul-de-sac. Un aspectd’autant plus appréciable que cebâtiment est vaste, compact etcomplexe du point de vue de sonprogramme. J’aime à dire qu’il estclair à la fois dans sa lecture et par laprésence de la lumière naturelle quipénètre dans son épaisseur. La clartéet la transparence du bâtiment sontfort appréciables, elles permettent depercevoir les dimensions de l’édificeet des espaces qui le composent. Les utilisateurs ressentent fortementla générosité et les proportionséquilibrées des espaces qui leur sontofferts. La bibliothèque est un lieu de grande qualité par sonarchitecture et sa spatialité, et nous

sommes renforcés dans cetteconviction par les témoignages desvisiteurs qui la découvrent et disentqu’ils lui connaissent peud’équivalents en milieu universitaire.

C. M. : Pouvez-vous nous préciser à quels étudiants ce bâtiment estdestiné ?

A. S. : En droit, nous n’avons sur cesite que les étudiants de premiercycle, et dans les filières de scienceséconomiques et gestion, les étudiantsdes trois cycles. Nous bénéficionsdans ce nouveau bâtiment d’uneconfiguration confortable en ce quiconcerne le nombre de places enamphithéâtres, d’autant plus quenous n’atteignons pas aujourd’huinotre capacité maximale. En cedomaine, cependant, les choses nerestent jamais figées très longtemps.Ainsi le passage à la réforme “LMD”(licence, mastère, doctorat) se traduitpar une augmentation des travauxdirigés (50 % du temps enseigné), cequi nécessite d’avoir un nombresuffisant de petites salles adaptées.Nous comptons sur la réalisation dela seconde tranche du projet, dédiéeau pôle de recherche, pour libérer lessalles qui nous seront utiles dans lecadre de l’application de la réforme.

P. T. : En termes de programmation etde conception, nous touchons ici unpoint très important. Une fois réalisé,en effet, un bâtiment reste… tandis que la conception de l’enseignementet de la pédagogie évolue. Il est fondamental que l’un et l’autrepuissent s’adapter et fonctionnerharmonieusement. Nous ne savonspas quelle forme prendra l’enseignement dans 20 ans. Dans le cas présent, au niveau de laprogrammation comme dans le choixdu projet, nous avons cherché unéquilibre entre des élémentsinvariants, comme les grandsamphithéâtres, et des lieux de tailleplus petite qui sont susceptiblesdévoluer. Je crois que notre nouvellefaculté, tout en conservant lapermanence de son architecture,possède un fort potentiel d’adaptationpar l’avenir.

C. M. : Êtes-vous déjà confrontés à certaines évolutions en termesd’usage ou de programme ?

A. S. : Oui. Par exemple la configurationde l’amphithéâtre “600” nous est utilepour organiser les examens écrits. Par contre, nous n’en avons pasbesoin pour accueillir 600 étudiantspour un cours magistral, car

Pascal Texier était le doyen de la faculté lors du lancement du projet. Il a participé au jury duconcours et suivi le début des travaux. Alain Sauviat est son successeur. Il a suivi une grande partiedes travaux et termine la première année universitaire du nouveau bâtiment.Tous deux ont acceptéde répondre à nos questions.

actuellement les promotions sontmoins importantes. Cependant, noussommes très heureux de disposer decet équipement qui permet d’organiserdes événements à l’échelle del’université, voire au-delà. Il nous estde plus en plus demandé pourorganiser des colloques, des forumsou des manifestations culturelles, parexemple, événements pour lesquels il convient parfaitement du fait de sonéquipement et de son accèsautonome. Ainsi notre universités’inscrit dans la vie de la cité.

C. M. : Nous sommes ici dans unbâtiment où le béton brut est trèsprésent. Comment le percevez-vous ?

A. S. : Comme la plupart despersonnes qui découvrent le bâtimentpour la première fois, je ne vouscache pas que je ne fus pasenthousiasmé par la présence du béton brut. Mais en vivant le bâtiment au quotidien, la présencedu béton brut ne choque pas du tout,elle semble même parfaitementnaturelle. Elle est totalementcohérente avec l’architecture et la spatialité intérieure de l’édifice.

Propos recueillis par Norbert Laurent

Entretien avec les doyens de la faculté de droit et de sciences économiques

« Le projet a été apprécié pour sa simplicité »

>>> Dans l’espace ouvert

et lumineux du hall d’entrée se

développe l’escalier en pas d’âne

qui conduit au premier étage.

Vue sur le jardin suspendu.3

2

2 3

Page 16: construction modern 114

naturelle aux ambiances riches etvariées. Le volume, qui se développe auxrez-de-chaussée haut et bas, se caracté-rise par la présence d’une généreusemezzanine qui marque et ponctue cetespace ouvert, dans lequel s’organisentdifférents lieux : grande salle de lecture,salles de travail, espaces de consulta-tion, espaces des périodiques, etc. “Lesutilisateurs sont sensibles aux volumes,à la diversité des espaces et à l’ambiancegénérale, constate Marie-France Pales-tro, la bibliothécaire.Très impliquée dansl’aménagement de la bibliothèque, elleprend d’ailleurs soin de prolonger, auquotidien, l’esprit du projet.Les façades déclinent des éléments enbéton brut coulés en place ou préfabri-qués et des panneaux préfabriqués dontle parement est constitué de pavés decompeix (une pierre de la région) incrus-tés dans le béton. “Nous avons voulurejeter tout effet de mode et de styledans le dessin des façades. Nous avonsrecherché un côté intemporel”, préci-sent les architectes. L’écriture architectu-rale donne à l’édifice sa dimension insti-tutionnelle, avec la volonté de l’inscriredans le temps. La faculté de droit etsciences économique s’installe dans laville comme un temple du savoir. ❚

TEXTE : NORBERT LAURENT

PHOTOS : JEAN-MARIE MONTHIERS

14 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 4

r é a l i s a t i o n LIMOGES – Faculté

Maître d’ouvrage :ministère de l’Enseignementsupérieur et de la Recherche,

université de Limoges,rectorat,DDE

Maîtres d’œuvre :Pierre Bolze et

Simon Rodriguez-Pagès,architectes ;Nicole Guénégou,

architecte associée ;Olivier Rousseau,chef de projet

BET structures :Maron

Entreprise gros œuvre :SOCAE Limousin Vienne

(Groupe Eiffage)

BET structure (entreprise) :AT Ingénierie

Préfabricant des panneauxde façade :

Gallaud Limousin SA

Surface :14 000 m2 (SDO),29 000 m2 (SHOB),parking 400 places

Coût :

15 M€ (travaux)❙❙❙ Vue axonométrique

TECHNIQUE

>>> Monumental, le nouveau bâtiment s’inscrit dans la ville

de Limoges en jouant la double carte du béton et de l’intemporalité.

Des solutions de génie civilLes voiles-portiques de structure sont entièrement en béton coulé en

place, la partie voile d’une hauteur d’étage (3,40 m) mesurant 40 cm

d’épaisseur. D’une longueur totale de 50 m, les portiques ont deux

points porteurs aux extrémités et un point central décalé ; la plus

grande portée est de 26,40 m entre poteaux. Les dix portiques ont tous

le même écartement de 10,20 m entre axes. Des poutres transversales

relient les portiques au niveau du jardin, de la bibliothèque, de la ver-

rière longitudinale, etc. L’enchevêtrement des poutres fut une des diffi-

cultés de la mise en œuvre. Les bétons sont des B35 ou des B40. Le

poteau rond décentré, d’un diamètre de 80 cm, est en B60. Sans entrer

dans le détail, il faut savoir que de nombreuses solutions constructives

retenues dans ce projet sont plutôt appliquées habituellement en génie

civil, comme les systèmes de coupleurs, les appuis néoprène pour l’en-

chevêtrement des poutres au droit des joints de dilatation, les man-

chons, etc. Tous les voiles et toutes les sous-faces en béton brut restant

visibles sont calepinés. Les coffrages utilisés pour toutes les parties

visibles sont en bois, conformément à la demande des architectes. Lon-

gitudinalement et transversalement, le calepinage est tramé sur un pas

de 30 cm, 60 cm, 120 cm ou 240 cm, et verticalement, sur un pas de

85 cm, 170 cm, 255 cm ou 340 cm. La fabrication des panneaux de

façade a aussi nécessité des précautions particulières. Les pavés de

Compeix, préalablement calibrés, sont posés sur un maillage en fond de

moule, pour avoir un parfait alignement horizontal et vertical des pavés

sur la face visible du panneau,et d’un panneau à l’autre.Un lit de sable est

mis entre les pavés, pour éviter que la laitance du béton s’écoule en

façade du panneau et aussi pour marquer les joints creux entre les

modules. L’armature est positionnée et le béton du panneau est coulé

ensuite, la face arrière étant talochée selon la finition souhaitée. Ces pan-

neaux font tous 1,20 m de large et les plus grands,sur le pignon

nord,ont une hauteur de 7,40 m.

Ils sont fixés par clavetage

traditionnel.

Page 17: construction modern 114

B É T O N

● ● ● DE LA MAISON INDIVIDUELLE À L’OUVRAGE D’ART, LES PROGRÈS

ACCOMPLIS PAR LE MATÉRIAU BÉTON DEPUIS LE DÉBUT DES ANNÉES

QUATRE-VINGT SONT NOMBREUX. RÉSISTANCE, DURABILITÉ, ASPECT DE

SURFACE, POROSITÉ INTERNE, OUVRABILITÉ, COULEURS, SONT PARMI

LES PLUS GRANDS BÉNÉFICIAIRES DES AVANCÉES SCIENTIFIQUES

ET TECHNIQUES RÉALISÉES EN LA MATIÈRE. DE CETTE DIVERSIFICATION

EST NÉ LE CONCEPT DE “PLURALITÉ DES BÉTONS”, DONT LES BÉTONS

AUTO-PLAÇANTS (BAP) CONSTITUENT UN EXEMPLE D’APPLICATION.

➜ PontoiseLes salles d’audience du palais de justice

s’habillent de BAP blanc. p. 16

➜ VersaillesQualité absolue pour l’Institut supérieur

des industries du parfum. p. 18

➜ Le Kremlin-BicêtreLe BAP libère l’imagination des architectes

de l’école maternelle Robert-Desnos. p.19

➜ Vichy Hautes performances techniques

et économiques pour le nouveau stade. p.21

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 4 15

solutionssolutions

Bétons auto-plaçants :la haute technologie au quotidien

Page 18: construction modern 114

es bétons autoplaçants (BAP) sontdes bétons très fluides, homogènes

et stables, qui se mettent en œuvre sansvibration et qui confèrent à la structureune qualité au moins équivalente à celledes bétons traditionnels. En France, les pre-mières expérimentations de BAP remontent à 1995,suivies en 1998 d’une première application impor-tante sur le chantier d’Océanopolis à Brest. Depuislors, nombreuses sont les réalisations qui ont vu l’uti-lisation du BAP, pour l’essentiel dans le secteur dubâtiment. Les uns après les autres, les principauxacteurs de la filière béton ont concocté leurs propresformulations “autoplaçantes”. Après une phase derecherche-développement, l’offre s’est aujourd’huistabilisée, avec un matériau parfaitement au pointen toutes circonstances. L’offre commerciale est très

sence de nombreuses réservations. Les reprises debétonnage verticales, inévitables, ont été masquéesgrâce à un jeu astucieux d’engravures dessinant demanière aléatoire des carrés et des rectangles sur lasurface du béton. Et Hubert Callec de reprendre :“Nous sommes fiers d’avoir construit ce bâtiment.”Cet exemple démontre que l’utilisation du BAP sur un chantier est une réponse adaptée à plus d’untitre : réponse technique (densité d’armatures, rem-plissage de coffrages complexes), réponse esthétique(qualité de parement, uniformité de teinte), réponseéconomique, qu’il s’agisse de délais à respecter oud’amélioration des conditions de travail. Cetteréponse apportée à différentes contraintes de chan-tier fait du BAP un béton considéré comme un bétonuniversel, un béton pour tous.Ainsi, à Cesson-Sévigné, commune proche de Rennes,l’entreprise Legendre a fait appel à une solution BAP

étendue avec des BAP aux performances mécaniquesde courantes à très élevées, et permettant d’obtenirdifférents aspects de surface et différentes teintes.Les entrepreneurs qui emploient les BAP font état deleurs nombreux avantages : la mise en place est faci-litée, la qualité générale accrue, les délais mieux res-pectés, la continuité des parements mieux garantie.Des certitudes parfaitement justes et justifiées.“L’utilisation du BAP nous permet de démontrernotre capacité d’innovation”, souligne Hubert Cal-lec, gérant de l’entreprise éponyme. Cette PME origi-naire du Pas-de-Calais a mis en œuvre du BAP pourla première fois sur le chantier du CHU d’Amiens. Lestravaux visaient à l’extension de l’Institut de forma-tion en soins infirmiers. Signé par l’agence d’archi-tecture Deprick et Maniaque, le bâtiment, tout enlongueur, s’encastre dans un terrain en forte pente.Ses deux niveaux, chacun de plain-pied avec le ter-rain naturel, comptent nombre d’ouvertures, toutesde dimensions différentes. “Je voulais un bétonimpeccable”, souligne Philippe Deprick.La mise en œuvre du BAP, apparue comme une évi-dence, associée à des coulages sur la hauteur totaledu bâtiment (8 m), a permis de répondre aux exi-gences de parement tout en s’affranchissant des dif-ficultés de remplissage des coffrages liées à la pré-

16 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 4

s o l u t i o n s b é t o n

➜ Le secteur du bâtiment adopte les nouveaux bétons

L

LES BÉTONS AUTOPLAÇANTS MARQUENT

UNE NOUVELLE ÉTAPE DANS L’HISTOIRE

DU MATÉRIAU. LEUR PRINCIPAL ATOUT :UNE MISE EN ŒUVRE FACILITÉE, SANS

VIBRATION, QUI ENGENDRE TOUTE UNE

CHAÎNE D’AVANTAGES.

>>> Deprick et Maniaque,

extension de l’Institut de formation en soins

infirmiers d’Amiens. Les deux niveaux du

bâtiment ont été coulés en une seule phase afin

d’éviter les reprises de bétonnage.

21

1 2

Page 19: construction modern 114

sence de vibration”, résume Jean-François Bertin,codirigeant de l’entreprise Bertin. Et Armand Bernard,directeur général de l’entreprise Planche, de confir-mer : “Couler puis vibrer un béton traditionnel resteune opération beaucoup plus laborieuse qu’avec unBAP.” Et davantage encore lorsque les formes sontcomplexes. En supprimant la vibration, c’est aussi unepart non négligeable des nuisances sonores qui dis-paraît des chantiers. “Le BAP peut être qualifié dematériau ‘haute qualité environnementale’ au niveaudu bruit”, avance Pascal Quintard-Hofstein, archi-tecte. Même opinion pour Jean-François Bertin :“Dans le cadre de l’extension du centre anticancé-reux François-Baclesse de Caen, l’utilisation du BAP apermis de réduire de manière importante les nui-sances sonores, à la grande satisfaction de l’équipemédicale.” Ce qui rappelle que le confort, toutcomme les nuisances sonores, dépasse les limites duchantier. Un critère qui sera certainement au cœurdes préoccupations pour les années qui viennent.La principale caractéristique d’un BAP reste sonextrême fluidité, ce qui lui donne sa capacité d’écou-lement exceptionnelle. “On est en présence du

pour la réalisation des voiles extérieurs du siège deTrium Mitsubishi Electric France. “La complexité desvoiles était liée à la présence d’importantes ouvertureshorizontales de 2,60 m de long pour 20 ou 25 cm dehaut, très rapprochées les unes des autres, expliquePatrick Le Huerou, directeur de travaux. De plus, cesvoiles, d’une hauteur de 7,35 m pour 17 m de long,ont été coulés en une seule opération.” La solutionBAP a permis de réaliser un remplissage optimal despièces d’appui des ouvertures. Elle a aussi garanti lerespect des délais (8 mois), grâce au pompage. Il apermis de supprimer la vibration et, de ce fait, de libé-rer la grue nécessaire aux travaux de mise en œuvre,tout en réduisant les risques d’accident.

● Réduction des nuisances sonores

Les effets sur la moindre pénibilité du travail repré-sentent un argument d’importance dans le choix duBAP. “La facilité de mise en œuvre de ce matériauapporte un grand confort d’utilisation lié à la dispari-tion du bruit et des efforts physiques grâce à l’ab-

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 4 17

s o l u t i o n s b é t o n

Tout savoir sur le BAP•Le BAP assureLe béton auto-plaçant (BAP) ou les bétons tra-

ditionnels répondent aux exigences des normes

en vigueur sur les bétons (XP P 18-305 et

EN 206). Le maître d’œuvre est assuré que ces

bétons sont conformes à la qualité exigée pour

la réalisation des ouvrages, et conformes aux

textes réglementaires.

•Coffrages “aux petits soins”En usage courant – voile de 2,80 m de haut –, la

poussée lors du coulage d’un BAP ne dépasse

pas les limites de résistance des coffrages. Pour

une mise en œuvre réussie, il suffit donc d’utiliser

des coffrages soignés, rigides, étanches et résis-

tants.Pour les voiles de grande hauteur,quelques

précautions doivent être prises.Dans tous les cas

de figure, il faudra adapter la vitesse de béton-

nage et limiter la hauteur de chute. Enfin et sur-

tout, c’est l’aspect du parement recherché qui

aura une influence sur la nature du coffrage à uti-

liser qui, le cas échéant,pourra être spécifique.

•Résistance au feuLes BAP sont également couverts par la DTU Feu

Béton, qui permet de calculer un ouvrage résis-

tant au feu.

•Gérer un coût global“Il faut savoir gérer l’enveloppe financière globale

d’un projet”, rappelle l’architecte Jacques

Dubois. La mise en œuvre d’un BAP génère des

économies : gain de main-d’œuvre lors du cou-

lage (suppression de la vibration), élimination du

ragréage grâce à un aspect de parement plus fin,

possibilité de pompage, ce qui permet de libérer

la grue.L’ensemble de ces données doit donc être

pris en compte pour valider le coût réel d’un BAP,

quelle que soit la taille du chantier.

TECHNIQUE

>>> Ciriani, palais de justice de

Pontoise. L’utilisation du BAP blanc est réservée

aux salles d’audience. Le mur du fond de

chacune de ces salles – celui qui supporte

l’inscription engravée – est évidé en son milieu

afin de cacher le passage de la ventilation.

Siège de Trium Mitsubishi Electric France.

Le BAP a permis un remplissage optimum des

pièces d’appui des ouvertures.

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Page 20: construction modern 114

concept de la pierre liquide, remarque Pascal Quin-tard-Hofstein. C’est très philosophique commeapproche de la construction.”Pour caractériser cette “auto-mise en place”, on neparle plus d’affaissement au cône d’Abrams maisd’étalement. Celui-ci doit être compris entre 60 et75 cm de diamètre. Pour autant, ce n’est pas unvolume d’eau plus important qui donne sa propriétéau BAP. Bien au contraire. Comme tous les bétons for-mulés conformément aux normes en vigueur(XP P 18-305 et EN 206), ce béton particulier afficheun rapport eau/ciment en liaison avec les classesd’environnement et les classes de résistance recher-chées. La fluidité du BAP est due à l’utilisation desuperplastifiants. Ces adjuvants spécifiques issus detechnologies moléculaires récentes permettent deréduire de manière importante le volume d’eau, touten conférant au BAP une importante fluidité. Ils assu-rent aussi le maintien de l’ouvrabilité du béton durantun temps déterminé. Les superplastifiants ont un rôleprimordial dans la formulation des BAP, en adéquationavec la formulation des différents composants dubéton afin d’éviter toute ségrégation (quantité impor-tante d’éléments fins, squelette granulaire adapté).

Sur le marché français, il en existe plus de quarante-trois. De quoi formuler tous les types de BAP ! Les BAP, comme les bétons traditionnels, répondent àtoutes les exigences de durabilité telles que la résis-tance au gel, la résistance aux eaux agressives, etc.Les BAP sont durables, à condition de respectertoutes les règles de l’art, de prévoir une cure adaptéepour éliminer tout risque de fissuration, d’éviter toutrajout d’eau et, bien sûr, de ne pas vibrer le béton. Enmatière de durabilité, le BAP a prouvé ses qualités :“Il est régulier en termes d’aspect, de couleur et derésistance, souligne Michel Guérinet, directeur scien-tifique d’Eiffage Construction. Je suis confiant quantà sa qualité intrinsèque.” Côté homogénéité, la qua-lité est également au rendez-vous.

● Des parements de qualité

Une des caractéristiques majeures du BAP est sonaptitude à la réalisation de beaux parements dèslors que sont prises en compte les règles de l’art :mode de mise en place adapté, coffrages propres etde bonne qualité, etc. Ses caractéristiques intrin-

18 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 4

s o l u t i o n s b é t o n

Innover et motiverVolonté d’innovation, de découverte et de pro-

grès, telle est la motivation profonde qui a

amené la société Bertin à s’intéresser aux BAP.

Comme le résume Jean-François Bertin, l’un

des codirigeants : “Ce sont des matériaux qui

correspondent à notre philosophie d’entre-

prise. Si on veut être un entrepreneur moderne,

il faut savoir innover. Cette démarche permet de

tirer la profession vers le haut tout en attirant

les jeunes.” Depuis plusieurs années déjà,

cette entreprise utilise le BAP. “Nous travaillons

en partenariat étroit avec notre fournisseur de

BPE attitré, et ce, depuis nos premiers coulages

de BAP. Cette collaboration nous permet de pro-

gresser ensemble.”

Ainsi, le BAP facilite la mise en œuvre, ce qui

aboutit à un plus grand confort d’utilisation, à

une nette diminution du bruit et à une réduction

des efforts physiques, d’où une moindre péni-

bilité du travail.

Le BAP supprime également des opérations

éprouvantes : le fait d’être en permanence

baissé, de tirer le béton à la règle, de lisser la

surface à l’hélicoptère. “Avec ce béton, on

coule, on répand le produit de cure et c’est

fini”, résume Jean-François Bertin. L’approche

est vraie quel que soit le type de construction. À

l’image des maisons individuelles, où « la pla-

nimétrie des dalles est parfaite. De fait, le surfa-

çage, qui doit parfois être fait de nuit, n’est plus

nécessaire ». C’est aussi cette grande facilité

d’utilisation qui rend le BAP universel.

ENTREPRISE BERTIN

6

Page 21: construction modern 114

hauteur des attentes de l’architecte. Au Kremlin-Bicêtre (94), les architectes Isabelle Richard et Frédé-ric Schoeller ont eu sensiblement la même démarchepour le projet de l’école maternelle Robert-Desnos.Le bâtiment est construit en béton, seule matièrecapable de donner corps à leurs ambitions esthé-tiques. Les voiles, percés d’ouvertures de formes etde tailles multiples, dont des fentes horizontales ouobliques pouvant atteindre 6 m de long pour 30 cmde haut, sont en quelque sorte animés : une modula-tion de la surface par le biais de bossages sinusoï-daux permet la création d’effets d’ombre et delumière. La complexité de ces façades a naturelle-ment conduit l’entreprise TGM vers une solution enBAP. Ce béton était le seul à garantir un remplissageoptimal des coffrages où les mannequins succèdentaux réservations. Sans compter les éléments en

contreplaqué légèrement convexes ou concaves fai-sant office de peaux coffrantes et destinés à créer lamodulation. Ici aussi, la préparation des outils decoffrage, leur nettoyage et leur stockage ainsi queles méthodes d’application de l’huile de démoulageet de coulage du béton sont à l’origine de la qualitédu parement des voiles. À la très grande satisfactiondes architectes. ❚

TEXTE : ANTOINE VAVEL

PHOTOS : 1 et 2 DEPRICK ET MANIAQUE, 3 et 4 ANTOINE VAVEL,

5 LAFARGE BÉTONS, 6 et 7 LUC BOËGLY,

8 et 9 JEAN-MARIE MONTHIERS

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 4 19

s o l u t i o n s b é t o n

sèques – principalement l’absence de vibration –permettent d’assurer de manière naturelle l’homo-généité de la teinte et sont à l’origine d’un aspect“brut de décoffrage” de belle qualité.C’est d’ailleurs cette aptitude qui pousse nombred’architectes à prescrire de plus en plus souvent leBAP comme garantie du résultat souhaité, commel’illustre l’Institut supérieur des industries du parfum,à Versailles (78). Pour cette extension, l’architecteJacques Dubois avait comme objectif un rendu dematière bien précis. “Sur ce bâtiment emblématique,l’aspect du parement devait présenter une qualitéabsolue et être réalisé en béton clair ‘brut de décof-frage’”, résume Jacques Dubois. Le BAP était doncmentionné dans le cahier des charges. L’entrepriseSNRB a relevé le défi, sachant que c’était sa pre-mière rencontre avec ce béton. Le résultat a été à la

>>> Dubois et Ameller, Institut supérieur des industries du parfum à Versailles.

La structure en béton clair “brut de décoffrage” a déterminé le choix du BAP.

Richard et Schoeller, école maternelle au Kremlin-Bicêtre. Seul un BAP autorise

ces voiles percés de fentes pouvant aller jusqu’à 6 m de long.

98

76

7 8

9

Page 22: construction modern 114

ne grande partie des préfabri-cants se sont emparés très tôt du

phénomène BAP. Installée près de Pau,Préfabos est un spécialiste des structuresen béton. L’entreprise a intégré très tôt leBAP dans son processus de fabrication.“Ce matériau nous permet d’offrir des produitsd’une esthétique irréprochable et d’une précisionincomparable”, explique René Labadiole, P-DG del’entreprise. La réalisation d’éléments précontraintsne pose pas de difficultés à l’industriel. “Nousn’avons rencontré aucun problème de fluage sur nospoutres précontraintes coulées en BAP”, préciseYoann Paulien, responsable de la qualité. Des proposconfirmés par Patrick Rougeau, chef du départementMatériaux du Cerib (Centre d’études et de recher-ches de l’industrie du béton) : “L’étude récente quenous avons menée n’a révélé aucun problème parti-culier quant au fluage des BAP.” Et pour Préfabos,l’introduction de ce matériau a aussi été appréciée

vage vapeur car il laisse des traces sur le parement”,explique Pierre Bollard. Dernière innovation, lesbancs sont isolés et intègrent un système d’étuvageélectrique.Dans un tel processus, l’introduction du BAP appa-raît comme une évidence. “Depuis plusieurs années,nous mettons en œuvre des bétons adjuvantéspour nous permettre d’obtenir d’importantes résis-tances au jeune âge, rappelle Jean-Marc Fardeau,directeur régional de Rector. Mais l’adjuvantationclassique et la vibration ne font pas forcément bonménage, car elles peuvent être à l’origine d’un bullage plus important.” Le BAP a permis d’élimi-ner ces deux problèmes – la vibration et le bullage– tout en améliorant la qualité des parements.“Nous ne reviendrons pas en arrière”, conclutPierre Bollard. ❚

PHOTOS : ANTOINE VAVEL

au niveau social : “Avec la suppression de la vibra-tion, nous avons gagné en sérénité et en confort detravail”, affirme Yoann Paulien.Même réaction chez Industrielle du Béton, entrepriseinstallée près de Chantilly (Oise). “L’approche socialedu produit est importante”, insiste Patrice Lannoy,directeur général. Là aussi, l’utilisation du BAP réduitla pénibilité du travail en éliminant les opérations delissage du béton et de ragréage d’éléments décof-frés. Aujourd’hui, l’entreprise a basculé l’ensemblede sa production vers le BAP, exception faite desdalles alvéolaires, démoulage immédiat oblige.“Nous ne pourrons plus revenir à la vibration”,constate Patrice Lannoy. Daniel Le Hyaric, P-DG dePerrin & Cie, unité de préfabrication installée àRedon (35), constate aussi que “le BAP est le pro-duit idéal pour la réalisation d’éléments moulés”.Tout en améliorant l’ergonomie du poste de travail, ilassure un gain de temps et surtout une meilleure fia-bilité dans les résistances.

● Où l’approche sociale est importanteQualité toujours, l’unité Rector de Voreppe (38) vientd’intégrer le BAP dans son processus industriel. “Cebéton, c’est un peu la cerise sur le gâteau”, com-mente Pierre Bollard, responsable de production del’usine. En effet, le matériau accompagne l’arrivéed’un nouvel outil de fabrication pour poutres précon-traintes. “Nous avions le souhait de supprimer l’étu-

20 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 4

s o l u t i o n s b é t o n

➜ PréfabricationLes industriels banalisent le BAP

U

>>> L’absence de vibrations crée une

ambiance de travail sereine dans les unités

de préfabrication. Le BAP n’occasionne

aucun problème lié au fluage. Une étude récente

du Cerib le démontre. Construction

d’un multiplex à partir d’éléments préfabriqués

en béton autoplaçant.

3

2

1

1 2 3

LE COULAGE DU BÉTON EST LEUR

QUOTIDIEN. PLACÉS EN PREMIÈRE LIGNE

QUAND IL EST QUESTION DE VIBRATION

ET DE QUALITÉ DE PAREMENT, LES

PRÉFABRICANTS ONT VITE PRIS LA MESURE

DES AVANTAGES APPORTÉS PAR LES BAP.LE PERSONNEL S’EN FÉLICITE.

Page 23: construction modern 114

l’échelle de la ville, c’est une réalisa-tion exceptionnelle”, insiste l’archi-

tecte Philippe Déro. Le nouveau stade deVichy, considéré comme le plus importantchantier exécuté récemment dans l’Allier,constitue aussi le premier exemple d’utilisation du BAPdans ce département. En effet, les crémaillères, aunombre de 24, sont toutes coulées à l’aide de ce béton.L’initiative est venue de l’entreprise Planche, chargéedes travaux. Une démarche dictée par la complexitédes structures en termes d’exécution. “Il s’agissait deréaliser des poutres inclinées supportées par des seg-ments de voiles ou des poteaux, résume Armand Ber-nard, ingénieur et directeur général de l’entreprise. Enfait, chaque structure comportait un minimum d’ap-puis afin de libérer le plus possible le rez-de-chaus-sée.” Cette partie d’ouvrage étant dédiée aux ves-tiaires des joueurs et donc exempte, autant quepossible, de tout obstacle.

● Qualités techniques et économiques

La solution BAP s’est révélée la meilleure au plan tech-nique comme au plan économique. “Grâce à ce béton,nous avons pu couler chaque crémaillère en moins dedeux heures, à raison d’une tous les trois jours”, pour-suit Armand Bernard. La suppression de l’ensemble desenduits de façade a constitué une autre source de gainde temps et d’argent.Au niveau technique, le coulage s’est effectué en deuxphases successives avec, entre-temps, la fermeture dela dernière hauteur de coffrage. L’ensemble coffrant sedéveloppe sur près de 14 m de haut pour une largeurde 9 m environ. L’épaisseur des voiles atteint 30 cm. Denombreux gabarits intérieurs complètent le dispositif.L’utilisation du BAP a surtout permis de garantir unparfait remplissage, ce pour quoi il a été choisi. “Les

importantes surpressions dans la partie basse des cré-maillères ont nécessité de lester les coffrages pour pal-lier tout risque de soulèvement”, complète ArmandBernard. Les outils étaient aussi ancrés en pied. L’en-treprise a confié à Béton du Centre la mise au point duBAP. “C’était une première pour nous, confie MichelPinel, gérant de la société. Pour la formulation, nousavons travaillé en collaboration avec un adjuvantier.”Testé dans un premier temps sur un autre chantier, lebéton a ensuite été utilisé sur le site du stade de Vichy :“Ce chantier nous a permis de réaliser un bel ouvragetechnique, reprend Armand Bernard. Nous sommesfiers d’avoir contribué à sa construction.” ❚

TEXTE : ANTOINE VAVEL

PHOTOS : JEAN-MICHEL LANDECY

Maître d’ouvrage : Ville de VichyMaître d’œuvre : atelier d’architecture “Les Indiens blancs”Architecte : Philippe Déro Bureau d’études : ProjexEntreprise générale : Planche SAMontant des travaux : 3,35 millions d’euros

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 4 21

s o l u t i o n s b é t o n

➜ Stade de Vichy Meilleure performance sur le terrain

A

LE NOUVEAU STADE DE VICHY ÉTAIT

UN CHANTIER MAJEUR POUR LE

DÉPARTEMENT DE L’ALLIER. IL FUT AUSSI

L’OCCASION, POUR LE BAP, DE FAIRE

LA PREUVE DE SES MULTIPLES QUALITÉS.

1

2

3

>>> À Vichy, le BAP constituait la

réponse technique à une contrainte constructive.

Chaque crémaillère a pu être coulée

en moins de 2 h grâce à l’utilisation du BAP.

32

1

Page 24: construction modern 114

22 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 4

s o l u t i o n s b é t o n

GROUPE SCOLAIRE PAUL-LANGEVIN, BAGNOLET

➜ Les voiles matricés font écoleAfin de donner une nouvelle dynamique aux deux

bâtiments du groupe scolaire Paul-Langevin (mater-

nelle et primaire) à Bagnolet (93), l’architecte Pascal

Quintard-Hofstein a imaginé une construction cen-

trale “soulevée” où le premier étage est désolida-

risé du rez-de-chaussée. “Nous voulions réaliser

quelque chose qui sorte de l’ordinaire”, explique

Olivier Hotte, technicien territorial attaché à la mai-

rie de Bagnolet. Une approche qui prend toute sa

dimension dans un secteur dominé par les HLM des

années soixante-dix.

LE GRIGNAN À MARSEILLE

➜ Six étages en centre-ville

A Marseille, l’entreprise SECTP a opté pour un BAP

dans le cadre de la construction du “Grignan”, un

immeuble R + 6 comprenant 70 logements, des

bureaux et des commerces, soit un total de 7 000 m2

de planchers. Les délais très serrés (douze mois pour

l’ensemble de l’opération) et le manque de place

pour installer deux grues ont déterminé ce choix. Au

cœur du vieux Marseille, près du vieux port, le bâti-

ment est bordé à l’est par une ruelle que surplom-

bent les sept niveaux de la façade la plus haute. Au

nord, il s’ouvre sur une rue à sens unique qui consti-

tue le seul accès au chantier. Au sud et à l’ouest,

deux façades aveugles sont adossées à l’existant.

Grâce au BAP, SECTP a pu tenir les délais imposés

tout en s’affranchissant de la seconde grue : “Nous

avons réduit à six jours par niveau le délai de onze

jours prévu avec un béton classique, précise Michel

Fama, directeur de travaux. Chaque jour, nous réali-

sions à cinq personnes environ 50 à 60 mètres

linéaires de voiles.” Un total de 5 000 m3 de BAP a

été mis en œuvre sur le chantier. L’ensemble des cou-

lages a été exécuté à la pompe par tuyau manupor-

table, opération qui n’est possible qu’avec un BAP.

De par ses qualités intrinsèques, le BAP a aussi

apporté une réponse satisfaisante quant à la qualité

des surfaces après décoffrage : il n’y avait pas de

poste “ragréage” sur le chantier.

PHOTOS : LAFARGE BÉTONS

Maître d’ouvrage : SogimaMaître d’œuvre : BECTArchitecte : Cabinet Poissonnier et Ferran Bureau d’études : BET Garnier

Entreprise générale : SECTP

L’extension constitue le nouveau réfectoire du

groupe scolaire. Le rez-de-chaussée se compose,

pour l’essentiel, de poteaux qui supportent la dalle

du niveau 1. Les voiles du premier étage, d’une hau-

teur de 7 m, sont positionnés à l’extrémité de la

dalle, sur un important porte-à-faux côté rue. Coulés

en une seule levée, bruts de décoffrage, ils présen-

tent un fini matricé façon planchettes en bois.

Compte tenu de l’aspect de parement souhaité,

Pascal Quintard-Hofstein a orienté l’entreprise

Franco-portugaise de bâtiment (FPB) vers un BAP

pour la réalisation des voiles. “C’était une bonne

occasion, pour nous, de tester ce béton”, précise

Philippe Sarrazin, conducteur de travaux chez FPB.

Les voiles ont été coulés à la benne à manche par

segments de 7,50 m de large. L’entreprise a utilisé

des coffrages à peau en contreplaqué bakélisé sur

lesquels étaient directement vissés les supports bois

des matrices (uniquement sur les banches exté-

rieures). Une réussite, d’autant que ce bâtiment

constitue le premier exemple d’un BAP matricé réa-

lisé en Île-de-France.

PHOTOS : ANTOINE VAVEL

Maître d’ouvrage : mairie de Bagnolet

Architecte : Pascal Quintard-Hofstein

Entreprise générale : Franco-portugaise

de bâtiment (FPB)

Matrice : Reckli

Page 25: construction modern 114

Le verbe “habiter”conjugué à tous les modes● ● ● Quarante logements HLM présentés sous quatre typologies différentes et qui seraient une

démonstration des divers modes d’habitat : le petit collectif et l’individuel, l’appartement

et la maison particulière. Ce concept est devenu réalité à Plérin-les-Bains, dans les Côtes-d’Armor.

Mais son origine remonte à un projet présenté au concours d’idées Europan III quelques années

plus tôt pour la ville de Saintes, en Charente-Maritime. Reste que le béton, tout en conférant son

indispensable unité au programme, contribue largement à cette diversité réussie de l’ensemble.

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 4 23

Page 26: construction modern 114

une époque où le recy-clage est une des con-

ditions de la sauvegarde de laplanète, l’équipe d’architectesCITArchitecture vient de termi-ner une opération de quarantelogements à Plérin-les-Bains, dansles Côtes-d’Armor, qui n’est autre qu’unprojet “recyclé”.En 1993, le thème du concours d’idéesEuropan III s’intitule “Chez soi en ville”.CITArchitecture arrive deuxième sur leprojet de réaménagement d’un site en

cœur d’îlot à Saintes, en Charente-Mari-time. Mais cette équipe n’est pas rete-nue pour la réalisation de son projet, quireste dans les cartons pendant plusieursannées. C’est en 1996 que les plans sontressortis et remaniés, pour s’adapter àun nouvel espace urbain, dans un autredépartement.Un maître d’ouvrage – la SA HLM d’Ar-morique, dans le Finistère – souhaites’implanter dans les Côtes-d’Armor. Pourcela, son directeur entend monter uneopération de logements exemplaire.

Il connaît bien Europan, plonge dans lesdossiers et sélectionne trois équipes,dontles approches architecturales expérimen-tales sur l’habitat semblent correspondreà son souhait. Il retient finalement CITAr-chitecture, qui réalise une étude de faisa-bilité et de transfert de site, financéeconjointement par la municipalité de Plé-rin, la société HLM d’Armorique et Euro-pan, pour réaffecter un secteur ZAC enrésidentiel. L’environnement est très dif-férent : on passe d’un bâti dense encentre-ville (Saintes) à un espace péri-urbain situé sur un coteau face à Saint-Brieuc. Les principes fondateurs restentcependant les mêmes ; il s’agit d’unintermédiaire entre le petit collectif et lamaison individuelle, orienté vers unediversification du mode d’habitat.Les quarante logements sont répartis enquatre grands types d’habitations, surun plan conçu en neuf séquences. Trois

bâtiments de logements collectifs àR + 4 forment des blocs orientés nord-sud. Ils abritent vingt-huit appartementsen duplex et triplex. Ceux qui sont situésen rez-de-chaussée sont dotés de jar-dins privatifs, les autres disposent cha-cun d’une terrasse avec vue. En retourdes collectifs, trois maisons individuellesen rez-de-jardin plus une chambre à l’étage sont situées dans le prolon-gement des venelles qui distribuentchaque immeuble.

● Une même résidence etplusieurs manières d’habiter

Côté nord, trois “maisons plots”à R + 2,dont le rez-de-chaussée abrite deslocaux de service, surplombent six “lon-gères” individuelles de plain-pied, pour-vues de petits jardins. Les architectesproposent ainsi, au sein d’une même

24 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 4

>>> Des éléments de béton verticaux et horizontaux

ponctuent les perspectives extérieures. Les coursives extérieures

se prolongent en passerelles légères et forment des circulations

parallèles. Les logements collectifs côtoient les habitations

individuelles (à droite). Des murs de pierre et de bois ponctuent

les lignes orthogonales des éléments de béton. La façade des

immeubles présente un rythme vertical.

5

4

3

2

1

r é a l i s a t i o n PLÉRIN – Logements collectifs

1 2 3

À

Page 27: construction modern 114

résidence à loyers modérés, différentesmanières d’habiter ; la maison indivi-duelle ou l’appartement. L’ensemble duprojet répond à une conception originaleconsistant en un découpage des espacesextérieurs et intérieurs “en lanières”. Leterrain est divisé en trois sections, sépa-rées du nord au sud par deux ruelles pié-tonnes. Le système de circulation pié-tonne et automobile au sein de larésidence a été l’objet d’une réelleréflexion. Le cisaillage en parcelleslongues et étroites permettait, d’unepart, d’attribuer à chaque logement unjardin de dimension correcte ou une ter-rasse, et, d’autre part, de faire profiterchaque habitation de l’orientation ausud ou à l’ouest.Le système de circulation intérieure envenelles longues et étroites, marquéespar des murs de pierre sèche ou des pan-neaux de bois, et en coursives hautes,souligne l’effet longitudinal en créantdes perspectives et des vues. D’autrepart, les murs de refend porteurs enbéton des immeubles sont prolongés enfaçade pour former des sortes de para-vents protégeant chaque porte d’entrée.La trame structurelle apparente contri-bue également à l’expression de cedécoupage “en lanières”.

La seconde particularité de cet ensembleconsiste en un maillage des élévations etdu plan par strates verticales et horizon-tales, procédé mis en évidence par l’utili-sation presque exclusive du béton. Lesystème de découpage en lanières desespaces se lit également en élévation.

● Jeu vertical

Au sud, la façade des immeubles pré-sente un rythme vertical, produit par lespanneaux préfabriqués de “bétonplanche” superposés, et par les ban-deaux de fenêtres verticaux. L’effet decréneaux formé par les échancruresdans les toitures pour ouvrir les terrassesaccentue ce jeu sur la verticalité.Côté nord, ces mêmes immeubles pré-sentent des avancées en plots verticauxsur les deux niveaux supérieurs, renfor-çant le jeu des créneaux. Les auvents for-més par ces éléments débordants ser-vent de perron aux appartements.Les pignons aveugles et les structureshautes recevant les brise-soleil des“maisons plots” s’opposent à unetrame horizontale nettement percep-tible depuis les venelles. Tout un travailsur les débords de toitures en béton,brut ou enduit blanc, en particulier ceux

des “longères” qui forment des traitsd’union avec les parties verticales, et surle glissement des dalles de plancher,pour passer d’un niveau – ou d’undemi-niveau – à un autre, rend lisible lasuperposition des différents plans.

● Un espace “aérien”lumineux et léger

Une coursive, qui court le long desimmeubles et s’appuie sur les refendsdébordants, constitue des passerelles

au-dessus des ruelles et accentuel’effet de “grillotage” de l’îlot. Songarde-corps métallique confère unecertaine légèreté à cet élément aérien.Par opposition, toutes les partiesbasses des bâtiments, conçues commeautant de socles, sont couvertes d’unenduit gris qui souligne le contrasteavec les parties verticales supérieures,plus lumineuses.À l’arrière, les cuisines des appartementsdu rez-de-chaussée sortent sur les jar-dins et se referment sur un patio intime.

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 4 25

4 5

Soutenir et animerAlain Coquet, chargé des réalisations expérimentales à Europan

France, livre quelques éléments d’information sur ce concours origi-

nal dans son principe.

“Le concours Europan est un concours d’idées. Il faut savoir, cepen-

dant, qu’environ 50 % des projets présentés sont réalisés, ce qui n’est

pas négligeable. Il est intéressant pour les maîtres d’ouvrage de pou-

voir faire appel à des équipes dont l’expérience en matière de

construction est parfois limitée, mais dont on sait qu’elles ont une cer-

taine valeur.C’est un peu une carte de visite. Le rôle d’Europan,au-delà

du concours, c’est aussi d’animer un réseau de maîtres d’ouvrage, de

le mettre en relation avec les jeunes architectes, mais également de

transférer les compétences à partir des idées émises lors du concours.

Ce qui a été le cas pour ce projet de Plérin-les-Bains.”

CONCOURS EUROPAN

Page 28: construction modern 114

Les maisons individuelles situées en fondde parcelle sont également conçues touten longueur ; au nord, deux chambressuperposées, au sud un séjour en rez-de-chaussée. Ces éléments en avancée,plats et bas, contredisent la verticalitédes façades et affirment les correspon-dances, les rapports existant entre lesplans et les élévations.

● Le béton, matériau souple et unitaire

À l’intérieur, les volumes sont bien uneréponse aux imbrications des deuxdimensions. L’homogénéité de l’en-semble des différentes typologies(immeubles collectifs, maisons indivi-duelles, “maisons plots”, “longères”)réside dans la souplesse d’utilisation etdans les possibilités esthétiques etarchitectoniques du béton, matériau pri-vilégié de l’opération, qui donne au pro-jet son unité constructive. L’orthogo-nalité des masses est soulignée par la

présence des murs pignons et desrefends débordants, et la profusion desnez de dalles formant des débords detoiture, le tout marquant les perspec-tives d’un rythme rigoureux.En ce qui concerne l’agencement inté-rieur des logements, il paraissait évi-dent aux architectes que le point dedépart de la réflexion sur la notion du“chez-soi” passait par une préservationmaximale de l’intimité des habitants.Ainsi, chaque logement est doté d’aumoins un espace extérieur privatif – jar-din ou terrasse –, protégé du voisinagepar des murs, des panneaux de bois,des garde-corps en béton, ou parl’aménagement de patios.

● Des volumes fonctionnels et réfléchis

Les volumes intérieurs, à l’image de laconception extérieure, sont à la fois fonc-tionnels – les architectes ont tiré parti dela moindre surface bâtie pour agencer ici

un placard, là une mezzanine – et inspi-rés d’une réelle réflexion sur la manièreindividuelle d’appréhender son habitat.Le résultat est une conception originale,qui passe d’abord par la disposition enlongueur du plan de tous les logements,individuels ou collectifs, et l’imbricationdes volumes intérieurs.Dans les “longères”, les pièces de séjourprésentent des échappées visuellesd’une pièce sur l’autre par un système debaies intérieures, et entre autres par l’in-termédiaire de patios intérieurs plantés.Certains appartements sont dotés demezzanines donnant sur le séjour orientéau sud dans les immeubles, et à l’ouestdans les “longères”. Ici, pas de clivagenet entre les parties jour et nuit, le pointnévralgique de la maison étant la piècede séjour.Et dans cette optique, qui sort un peu dela répartition habituelle des espacesintérieurs et extérieurs, les quarantelogements de Plérin-les-Bains sont bienune opération expérimentale, où le verbe“habiter” est au cœur de la réflexionarchitecturale, et le béton le support àl’expression de la diversité des solutionsconstructives. ❚

TEXTE : CLOTILDE FOUSSARD

PHOTOS : HEIDI MEISTER

26 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 4

>>> Les immeubles collectifs s’élèvent à R + 3. Chaque

appartement est marqué au nord par la présence de plots verticaux

formant une série de créneaux. À l’intérieur, des échappées

visuelles sont créées grâce aux mezzanines, aux larges espaces

de circulation et aux patios qui s’ouvrent sur différentes pièces.

7

6

r é a l i s a t i o n PLÉRIN – Logements collectifs

6 7

Maître d’ouvrage :Armorique Habitat,

ville de Plérin,Europan

Maître d’œuvre :CITArchitecture

(Olivier de Boismenu,Denis Cronier, Pascal Lefebvre,

Lucas Meister,Jean-Michel Veillerot)

Programme :40 logements PLA,

un parc de stationnement,des venelles publiques

BET structures :Adam,BSO

Entreprises :CMA

SHON :3 963 m2

Coût :

3,2 M€TTC

Page 29: construction modern 114

Preuve de caractère● ● ● La nouvelle école maternelle

de ce quartier de Reims a une

identité qui lui est propre.

Ce caractère très fort, c’est

précisément ce qui la différencie

du contexte architectural existant.

À commencer par l’école primaire

sa voisine, sortie de terre il y a

quarante ans, et dont elle ne

partage aucun des traits. Le nouvel

ensemble, d’ailleurs, ne manque

ni d’élégance ni de cohérence.

Un bel exemple de réflexion

architecturale, en somme, où la

ténacité des concepteurs n’est pas

absente de la réussite…

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Page 30: construction modern 114

ne rue banale de ban-lieue, une façade au profil

anonyme, une barre sans carac-tère, monotone et témoin d’unecertaine époque, et une écoleprimaire construite dans unquartier résidentiel résultant desprogrammes radicaux lancés dans lesannées soixante. Quarante ans plus tard,ce masque anodin cache un nouvel éta-blissement dont la ville profite peu. Est-ce dommage ? Juste dévoilée, à l’anglede la parcelle qui l’accueille, cette écolematernelle a des pouvoirs magiques…Elle a l’audace de créer une rue semi-pri-

vée, une perspective animée, dans unenvironnement où les habitants viventau cœur d’une composition de dominosbien rangés et sans surprise. Seuls, lesparents, les enseignants et les élèvesprofitent de cet événement spatial, maiscela vaut la surprise que cette positionprocure. Car l’espace disponible laissaitpeu de place au hasard. Chaque mètrecarré se devait d’être exploité avec uneconscience spatiale de l’effet créé.Le parti adopté par Dominique Coulonfut d’implanter l’école maternelle enmitoyen côté ouest, et ce, pour deux rai-sons. La première relève d’une certaine

éthique urbaine qui considère qu’il fautrecréer un morceau d’urbanité quel quesoit le contexte. Et donc qu’un fond deparcelle ne doit pas forcément être consi-déré comme un arrière sans intérêt, maiscomme un sous-ensemble cohérent.

● Forme et fond

La seconde raison découle de cette pre-mière. La position choisie donnait l’occa-sion de délimiter une cour spacieuse,orientée au sud – un périmètre protégé,abritant les enfants du vent et du bruitdes grands (ceux de l’école primaire !).En effet, pour augmenter la qualité spa-tiale de cet espace, le bâtiment est conçuen L, avec dans son redent l’espace de lacour. Conséquence non négligeable, lessalles de classe peuvent ainsi être orien-tées vers le nord-est, une orientationavantageuse dans la mesure où le soleil

pénètre uniquement le matin dans lessalles, qui demeurent aussi fraîches quepossible l’après-midi !

● Faire face

Grâce au profil et à l’implantation dubâtiment, l’école maternelle a une iden-tité très forte, totalement démarquée desa voisine. Le dessin des volumes y estpour beaucoup. La façade avant, sculp-turale, exhibe un jeu de parois plutôt fer-mées et légèrement chahutées, suffi-samment pour exprimer un caractèrefondamentalement différent du contextearchitectural existant. Le choix de placerdes parois inclinées, des pans décalés,invite au questionnement. Que sepasse-t-il derrière ces voiles ? Bien sûr,inclinaisons et porte-à-faux étirent leregard, le portent à saisir une perspec-tive plus riche, mais surtout signalent les

28 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 4

>>> Au premier plan, la cour de l’école primaire, protégée

par un préau et une configuration en L. La façade d’entrée de

l’école, qui structure très fortement, par son architecture, la rue

intérieure séparant les deux écoles. Dans le hall d’entrée,

l’escalier d’accès aux étages fonctionne comme un centre d’attraction,

un événement ludique en harmonie avec la fantaisie des petits.

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r é a l i s a t i o n REIMS – École maternelle

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U

❙❙❙ Plan du rez-de-chaussée

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petits accidents qui rendent les espacesintérieurs plus dynamiques et plusludiques, en particulier le hall d’entrée.Point de rencontre, il en est le reflet leplus évident. Situé à la jonction entre lesdifférents éléments de programme, ilmet le corps en suspension, par la com-binaison de deux effets : la mise enscène de lignes brisées, de surfaces frac-turées, de parois qui semblent bouger enrésonance avec les mouvements appa-remment désordonnés des enfants. S’yajoute la mise en lumière, omniprésente.Les rayons pénètrent par de larges baies,glissent le long de parois colorées pourmodifier leur couleur et égayer l’atmo-sphère de tons très gais, ou sont mêmecapturés dans le ciel pour être projetésdans les salles de classe, grâce à un astu-cieux système qui complète l’éclairementpar une source de lumière zénithalevenant du sud-ouest, laquelle illumine lesmezzanines-bibliothèques installées danschaque classe et conçues comme desespaces tranquilles où l’enfant peut lire.“En apportant la lumière jusqu’aux mez-zanines, nous obtenons une perma-nence de l’homogénéité lumineuse,complétant les grandes baies à l’opposéet dilatant visuellement l’espace dessalles.” Tel était le désir de Dominique

Coulon.Ainsi, les volumes des salles declasse sont bien plus que de simplescubes. Ces derniers sont divisés pourrépondre à la nécessité d’y mener desactivités très variées, de créer des sous-ensembles adaptés à l’échelle de l’en-fant, à l’instar du dessous de la mezza-nine où s’est glissé un bloc coloré, unemaison à jouer, inaccessible aux adultesen position debout mais idéal pour don-ner à l’enfant la sensation de jouer dansun espace qui lui est propre.

● Omniprésente pédagogie

De façon générale, la prise en compte deleurs besoins est indéniable, à la foisd’un point de vue spatial et dans le choixdes matières, guidé par la volonté decréer des séquences, un parcours richeen sensations. La variété des sols compo-sant la cour de récréation a un rôle péda-gogique. Dans le même ordre d’idées,l’intégration d’une dimension “nature”,le souci d’une organisation spatiale trèsclaire et fonctionnelle.Dans cette réalisation, ce n’est pas tantl’apparence de ce matériau que sa capa-cité à exprimer toute forme d’une façontrès fidèle qui est mise en valeur. Ici, eneffet, le béton est ressenti comme l’élé-

ment créateur de parois qui semblentavoir été modelées. On ressent particu-lièrement la masse de ces parois, ce quiappuie la volumétrie riche et sculpturalede l’ensemble. La structure en béton aété coulée en place. À l’exception desdalles de plancher de grandes portées,constituées d’éléments alvéolaires pré-contraints industrialisés, des dalles de120 cm de large connectées en partiehaute à une poutre coulée en place, utili-sée comme un hourdis de compression en

béton armé. Les décisions générales destructure ont été mûrement réfléchies etprises très en amont, par l’associationclassique mais particulièrement efficacede l’architecte et de l’ingénieur spécialisé.Ce dernier exprime très clairement le partiadopté d’un point de vue structurel :“L’approche architecturale et économi-que des contraintes programmatiques aconduit, dans un véritable souci de péren-nité, de solidité et de durabilité, à retenirun schéma constructif simple, cohérent et

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2 3

La force de la méthodologiePhilippe Clément, ingénieur pour Batiserf, commente les quelques

événements marquants de l’histoire structurelle de ce bâtiment :

“Sans cette volonté de l’équipe de maîtrise d’œuvre et son approche

pédagogique, le porte-à-faux aurait été dénaturé par l’ajout d’un

poteau dans le volume du préau. La modélisation spatiale a permis,

avec une grande précision, de définir les ferraillages hauts et bas, les

contre-flèches de fabrication ainsi que les procédés et méthodologies

de décintrement. Afin que l’équilibre statique de l’ensemble des

ouvrages soit effectif, des tours d’étaiement de stabilité ont été instal-

lées pendant les travaux, puis déposées après la réalisation de la toi-

ture-terrasse. Une modélisation tridimensionnelle a été également

nécessaire pour justifier des mezzanines-bibliothèques, suspendues

en un seul point. Une épreuve de chargement (2,5 kN/m) a été exigée

par le contrôleur technique afin de valider les déformées théoriques.”

TECHNIQUE

Page 32: construction modern 114

largement éprouvé, à base d’ossaturesgénérales en béton armé du type porteurslinéaires coulés en place reprenant les dif-férents niveaux de plancher.”

● Éléments péfabriqués

La branche du L comprenant les salles declasse est caractérisée par cette structure“classique”, tramée et constituée devoiles porteurs. L’autre branche accueillela salle d’évolution et la salle de restau-ration. Ces deux éléments du program-me devaient offrir une surface plus libreet donc des portées plus longues, quiexpliquent l’insertion de quelques élé-ments de dalles préfabriqués. Outrel’idée de proposer des surfaces libérées,le dessin du projet intégrait un porte-à-faux permettant de créer un deuxièmepréau, obtenu en plaçant une partie dela salle de restauration en surplomb. Leporte-à-faux monumental d’une portéemaximale d’environ 9,50 m a été égale-ment réalisé à base de coffrages et debéton courant. Seule une étude structu-

relle extrêmement fine et tridimension-nelle, réalisée dès la phase de concep-tion, a permis de réaliser cet ouvragedessiné dès la phase de concours. Legeste, apparemment audacieux, a ainsipu être traduit et transformé, sans modi-fier sa forme, notamment grâce à l’utili-sation de moyens informatiques, en unmodèle “simple”. Il reprend notammentle principe du voile en drapeau venantsoulager le mur d’appui sur lequelrepose le fameux porte-à-faux.De cette approche structurelle a découléle choix des bétons. Ils devaient répondreessentiellement aux critères de plasticitéet de résistance à la compression, sansexigence particulière sur la qualité desparements décoffrés, les surfaces étantenduites puis peintes pour assurer lacontinuité des volumes intérieurs etextérieurs. Pour satisfaire ces deux cri-tères, l’ensemble des ouvrages a étéconfectionné à l’aide d’un béton de typeBCN (béton de centrale normalisé) àbase de granulats régionaux, d’unerésistance à la compression de 30 MPa à

28 jours. Sa mise en œuvre n’a pasdemandé d’éléments particuliers. Lescoffrages sont standards – ossaturesmétalliques revêtues de peaux en tôleépaisse – et la vibration interne – à l’ai-guille vibrante – tout aussi classique. Lesquelques voiles inclinés ont été réalisés àl’aide d’outils coffrants métalliques équi-pés de peaux en bois ou simplementréalisés sur les platelages de travail,munis en pied de rehausses spécifiquessuivant les degrés d’inclinaison requis.

● De la ténacité

Pas de réel problème technique, donc,mais une démonstration de volonté de lapart des concepteurs pour que lesmodèles dessinés ne soient pas modi-fiés, avec un travail de concertation, pastoujours facile, entre l’équipe de maîtrised’œuvre, l’entreprise et le contrôleurtechnique, tout cela sous le regard de lamaîtrise d’ouvrage. La récompense n’estpas négligeable puisqu’elle est la cléd’une plus grande liberté formelle auservice de l’architecture… Grâce à unbéton coulé en place et utilisé jusqu’àses limites mécaniques. Il permetd’aboutir à cet ensemble monolithe maisélégant, à la manière d’un bloc découpé,

30 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 4

>>> Les salles de classe sont toutes équipées d’une

mezzanine sous laquelle seuls les enfants peuvent jouer.

À l’étage, les espaces de circulation, colorés par la simple

présence du revêtement de sol, bénéficient tous d’une lumière naturelle.

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r é a l i s a t i o n REIMS – École maternelle

4 5

Maître d’ouvrage :ville de Reims

Maître d’œuvre :Dominique Coulon et PascaleRichter (concours),Dominique

Coulon (phases suivantes)

BET structures :Batiserf

Économiste et OPC :C2BI

Bureau de contrôle :Socotec

SHON :1 828 m2

Coût :

2,1 M€

dans la masse duquel se dégagent lesdifférents volumes de l’école, qui s’en-chaînent en toute logique. ❚

TEXTE : BÉATRICE HOUZELLE

PHOTOS : JEAN-MARIE MONTHIERS

Page 33: construction modern 114

p o r t r a i t RUDY RICCIOTTI

La maturitéd’un libre-penseur● ● ● Ses racines sont méditerranéennes, son activité est européenne, le voyage et la rencontre

transcendent sa pensée créatrice. Personnage haut en couleur, Rudy Ricciotti porte un regard ambigu

sur notre société et fuit les évidences trop faciles. Éloigné d’un régionalisme contextuel

qu’il juge réactionnaire, l’homme ne défend pas pour autant une position moderniste à tout prix.

Sans refuser la question identitaire, il revendique le devoir critique de l’architecte et s’insurge

contre l’architecture de “collaboration”. Il se veut un architecte qui pense librement.

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 4 31

Page 34: construction modern 114

n évoque souvent, lorsquel’on parle de Rudy Ric-

ciotti, ses origines italiennes,quelque part du côté de l’Om-brie. Né à Alger, l’homme a vécuson enfance en Camargue, unpeu gitan, pour résider et travailleraujourd’hui à Bandol. Quelques projetsrécents retracent l’évolution de cetarchitecte, entre le désir de simplicité etl’efficacité des matériaux : le minimumplutôt que le minimalisme, la modestiedes matériaux comme préoccupationmorale, avec une dose d’instinct sub-versif, pour ne pas tomber dans le rêvepieux ! Dans ces projets, la valeur d’uncontexte, d’un patrimoine, d’un clientprivé, a permis, bien souvent, de canali-ser ce tempérament impétueux.

● “Dom-ino” dominé

Après le projet polémique et puissant ducélèbre Stadium de Vitrolles (CM n° 85,4e trimestre 1995), la base nautique deBandol, réalisée en 1996, fait figured’œuvre bien rangée ! C’est une élé-gante construction de type poteaux-dallesur le thème de l’ossature Dom-ino théo-risée par Le Corbusier. Les références aumonde maritime y sont nombreuses :

bardage en iroko, filets de pêche pourles garde-corps, potelets métalliquescomme des mâts de bateaux. L’en-semble s’insère parfaitement dans sonenvironnement, sur une étroite bandede sable entre la plage et le port.Plus que dans son enveloppe, la parti-cularité de cette réalisation réside dansses choix structurels, qui vont à l’en-contre des principes constructifs clas-siques, avec une trame porteuse consti-tuée de fins potelets d’acier remplis debéton de 20 cm de diamètre qui suppor-tent des dalles de plancher en béton grisclair de 38 cm d’épaisseur, sans poutresapparentes, mais fortement ferraillées.De ce surdimensionnement des plan-chers résulte un parfait équilibre entreles horizontales, soulignées par leslarges débords des dalles de béton quiassurent la protection solaire, et les verti-cales, ponctuées par le rythme despoteaux métalliques.Qu’importe si le béton n’est pas parfait :pour l’architecte, utiliser les matériauxnaturels sans masquer les imperfectionsest essentiel. Cette attitude traduit unesprit de modernité et de liberté qu’évo-quent le plan libre, la fluidité des par-cours, la disparition de la façade, ou lahiérarchie précise entre remplissage et

structure. Mais ici, pas de gesticulationinutile : une écriture formelle simpledans l’espace tridimensionnel.

● La noblesse du pauvre

À l’abbaye de Montmajour, austèremonument perché sur un promontoirepierreux, surplombant les marécages quiceinturent la ville d’Arles, Rudy Ricciottiplaide pour le degré zéro du design.Pourorganiser l’accueil des visiteurs, il pro-pose une intervention contemporaineradicale tout en restituant le bâtimentdans son état d’origine. Le programmeprévoyait l’aménagement d’une billette-rie et d’un comptoir de vente, l’organisa-tion d’un parcours de visite, et la créa-tion de sanitaires. L’architecte refuse lepiège formaliste, et préfère mettre enplace un dispositif scénographique pourlequel il fait appel à des artistes contem-porains : le Hollandais Joep van Lishoutpour la banque d’accueil et les sani-

taires, la Marseillaise Élysabeth Cresse-veur pour le guichet, et l’architecte Fran-çois Deslaugiers pour les passerellesmétalliques. Ici, point de matériauxluxueux ni de détails sophistiqués. Dansle vaste volume de la zone d’accueil, lapierre a été simplement nettoyée, et lesol traité comme un tapis : une chape debéton noir coulée en place et polie auquartz. “Tous les sols sont en bétonbrut, ce qui est assez inhabituel pour unmonument historique ou un musée. Latradition moderniste n’a reconnu lanoblesse du béton qu’en position verti-cale. Cela est dû à la tradition Beaux-Arts qui ne célèbre la position d’unepeinture qu’accrochée au mur… Or, leproblème était de faire accepter que lebéton était le seul matériau pertinentpour le plan horizontal, et que, commedans l’arte povera, il y avait égalementune noblesse du pauvre”, explique l’ar-chitecte. C’est donc un projet tenu pardes matériaux pauvres et une construc-

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>>> Base nautique de Bandol : le surdimensionnement des

planchers limite les contreventements. Abbaye de Montmajour :

un tapis de béton noir guide le visiteur dans sa promenade à l’intérieur

de l’abbaye. et Villa Le Goff : une simple structure

de béton ancrée dans la pente conjugue modernité et art de vivre.

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p o r t r a i t RUDY RICCIOTTI

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O

Page 35: construction modern 114

tion simple, qui bouscule les conventionschères aux Monuments historiques, touten respectant la valeur patrimoniale dulieu : toutes les interventions sont réver-sibles, les passerelles de métal et deverre et les dalles de béton sont désoli-darisées du mur. Si Rudy Ricciotti estperçu comme subversif, il défend pour-tant, ici, une éthique faite de calme et demodestie revendiquée.Depuis Bandol, Rudy Ricciotti a acquisune renommée internationale dans laconception de villas privées, activitérégulière de l’agence. Son architectureradicale et essentielle rencontre néan-moins quelques difficultés pour l’ob-tention des permis de construire ; saténacité naturelle et son pouvoir deconviction arrivent à surmonter lespréjugés locaux, trop souvent enclinsau pastiche régionaliste ! Les villasLyprendi à Toulon et Le Goff à Marseillesont révélatrices à cet égard. Construitesrespectivement en 1998 et 2000, ellessont toutes deux accrochées à un reliefescarpé, jouant sur le registre de l’ex-trême simplicité dans un seul objectif :s’ouvrir et se fondre dans l’éblouissantpaysage de la Méditerranée. Elles tradui-sent, chacune à leur manière, la positionaffirmée de l’architecte face à l’environ-

nement naturel, n’hésitant pas à citerPicasso à ce sujet : “On doit prendre laplace de la nature, et ne pas dépendredes informations qu’elle nous offre.”Ainsi le paysage est-il, pour Rudy Ric-ciotti, un prétexte conceptuel. Unebonne intégration n’est possible, selonlui, qu’à la faveur d’une franche rupture :“Moins un site est horizontal, plus lebâtiment se doit de l’être. Je déteste lesgesticulations qui simulent l’intégrationphysique au paysage, celle qui ne s’ob-tient qu’en imitant la topographie.”

● Terrain pentu et boisé

La maison Le Goff, située dans un quar-tier résidentiel sur les hauteurs de Mar-seille, est la maison d’un couple d’ama-teurs d’art qui souhaitaient pouvoir yintégrer leur collection. L’architecte y aexploité les potentialités d’un site excep-tionnel, à la fois très en pente et boisé,grâce à une réglementation autorisantune construction haute pour échapperaux arbres et capter la vue.La villa se présente en léger retrait de larue, bien calée en haut du terrain, der-rière son mur de clôture. Le portailmétallique franchi, l’accès se fait laté-ralement et par le haut, le long d’une

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 4 33

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❙❙❙ Villa Le Goff,plan de masse

❙❙❙ Villa Le Goff, coupetransversale

Page 36: construction modern 114

façade presque opaque, par le glisse-ment de deux murs qui créent la faille del’entrée. L’espace s’ouvre alors généreu-sement selon un plan en L sur le pano-rama, par l’intermédiaire d’une façadevitrée autour d’une terrasse en teck,dans laquelle vient s’insérer le couloir denage dominant la mer. La partie réservéeà l’habitat – cuisine, salle à manger etchambres à l’étage – se développe surdeux niveaux parallèlement à la rue etaux courbes de niveau, tandis que lesalon et la piscine sont littéralement pro-jetés perpendiculairement au-dessus duvide, en partie sur pilotis pour dépasserla cime des arbres. La pièce du salon estune galerie qui offre un mur d’expositionde 20 m de long, dont la toiture consti-tue, pour les chambres du dessus, ungrand belvédère sur le paysage. Le réper-toire des matériaux est réduit : le sou-bassement, qui assure l’ancrage dans leterrain et contient les pièces de service etla cave, est en béton brut, les façadesnord et est sont enduites de ciment gris,tandis que les façades intérieures du L

sont entièrement vitrées du sol au pla-fond, rythmées par les colonnes debéton laquées noir, les fines menuiseriesd’acier et les garde-corps en câble inox.Le sol est une fois encore en béton poliau quartz, et les murs intérieurs enduitsde plâtre blanc. Contrastant avec cetterigueur, certains éléments apportent unetouche primitive et archaïque à l’en-semble ; ainsi, les terrasses extérieuresde bois exotique semblent flotter au-dessus des cimes sur de grossiers troncsd’arbres à peine équarris. De même, lesrideaux extérieurs, suspendus à destringles d’acier, utilisent encore desimples filets de camouflage de l’arméepour protéger de l’ardeur des rayons dusoleil et donner, de jour comme de nuit,une texture à la lumière.

● Un geste minimal

À Toulon, c’est un projet d’une grandejustesse que l’architecte a conçu. Encas-trée dans le versant de la colline, la mai-son Lyprendi regarde la rade et le mont

Faron. On y accède d’en bas, par un petitporche d’entrée de béton brut, et unescalier qui gravit la colline jusqu’au toit-terrasse. Dans ce quartier résidentiel oùprolifèrent les constructions néo-proven-çales, elle se singularise par un volumesimple et une unique façade vitrée de35 m de long. Vu de la mer, ce gesteminimal révèle la topographie mieuxque toute crispation stylistique, et meten crise la production locale des mai-sons individuelles, qui détruit progres-sivement la côte méditerranéenne.Construite en béton banché, la maisonse prolonge à l’extérieur d’un large deckde 3 m, supporté par des poutrellesmétalliques en console, augmentantainsi la faible profondeur (6 m) desespaces intérieurs. Solution économique,esthétique et efficace, le deck estombragé par des filets de camouflagetendus sur une structure métallique.Le toit-terrasse recouvert par la collineparachève la disparition de la maisondans le paysage. Un couloir de nage encontrebas et un garage viendront com-pléter ultérieurement l’ancrage au site. Àl’intérieur, les espaces s’organisent enlinéaire avec la cuisine et le séjour – unemoitié de la surface habitable –, et leschambres et les sanitaires, disposés le

long d’un vide sanitaire faisant office decave. Le sol est traité entièrement enbéton poli au quartz.

● Nouveau langage

Plusieurs attitudes sont décelables dansle travail de Rudy Ricciotti.Après les ma-ladresses du début, il s’invente un nou-veau langage de simplicité et de véritéconstructive, sans sacrifier la valeur spa-tiale de ses bâtiments. Son discours pro-vocateur est une façade, destinée avanttout à déranger le politique, le potentatlocal “bien pensant”, ou le “bon goût”de certains de ses confrères ; la dérisionet la vulgarité sont alors manipuléesavec délectation ! Rudy Ricciotti estaussi un cœur généreux, collectionneuret mécène à ses heures, capable de fairecoïncider modernité et art de vivre. Maisil ne confond pas son amour de l’art etson métier d’architecte. Reste une ques-tion qu’il serait légitime de se poser àson sujet : comment éviter, chez cet épi-curien, les dérives un peu trop “kitsch”de certaines de ses créations, et lui fairedire le meilleur de lui-même ? ❚

TEXTE : NATHALIE RÉGNIER

PHOTOS : PHILIPPE RUAULT

PHOTO D’OUVERTURE : CHRISTIAN MICHEL

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>>> Villa Lyprendi : la maison est une fine lame de béton

qui incise la colline d’un trait précis. L’efficacité

d’un espace en porte-à-faux entièrement voué au paysage, ombragé

par de simples filets de camouflage, comme une mantille.

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p o r t r a i t RUDY RICCIOTTI

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a c t u a l i t é s

Bétons, matière d’architecture:les résultats du concours 2002-2003

vec 446 équipes inscrites comprenant 815 candidats et 147 projets rendus, leconcours “Bétons, matière d’architecture” confirme son succès auprès des étu-

diants des écoles d’architecture. Cette 6e session a été l’occasion d’inaugurer la partici-pation d’équipes mixtes intégrant également des élèves d’écoles d’ingénieurs. Les liensainsi noués entre ces futurs professionnels sont porteurs d’espoirs quant à leur capacitéà travailler ensemble au service de la qualité du cadre bâti de demain. Le thème “Unemaison des cultures nouvelles” se réfère à quelques réalisations pilotes, comme le Lieuunique (LU) à Nantes, créé et dirigé par Jean Blaise, et réalisé par l’architecte PatrickBouchain. L’idée est de dépasser les clivages traditionnels entre culture noble et arts dela rue, entre création intellectuelle et pratiques sportives créatives. L’objectif était defaire réfléchir les étudiants sur la culture aujourd’hui et sur la manière dont l’architecturepeut répondre aux dynamiques de création.

Trois villes partenaires, Lens, Nice et Reims, ont chacune proposé un site réel. Qu’ils’agisse de construire un bâtiment sur une vaste friche ou d’intervenir sur des construc-tions existantes, l’originalité et la richesse des projets démontrent que les nouvelles géné-rations sont prêtes à répondre avec talent aux enjeux architecturaux et urbains futurs.

Le jury, présidé par Hermann Hertzberger, architecte, a fait une première sélection dequarante projets regroupés par “familles” formelles ou urbaines, ville par ville, puis effec-tué un premier choix sur chaque site, conduisant à la sélection de seize projets fina-listes. Les votes ont ensuite désigné trois lauréats, six mentions dont deux mentions inti-tulées “Technique et architecture” récompensant des approches techniques trèsdifférentes, et six citations. La cérémonie de remise des prix s’est déroulée le 19 juin2003 à l’Espace Drouot-Montaigne à Paris. Sous le haut patronage des ministères de laCulture et de l’Équipement, représentés par Michel Clément et François Kosciusko-Morizet, et en présence de Jean-Marc Domange, président de Cimbéton, le palmarès aété proclamé. La remise des diplômes et des récompenses a été suivie d’un cocktail. ❚

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➜ • 1 – Hermann Hertzberger, président du jury. • 2 – Michel Clément et François Kosciusko-Morizet,représentant les ministères de la Culture et de l’Équipement. • 3 – Jean-Marc Domange et Anne Bernard-Gély, président et directeur général de Cimbéton. • 4/5/6 – Jacques Moussafir, architecte membre du jury,Roland Dallemagne (Cimbéton) et Hermann Hertzberger en discussion avec les étudiants. • 7/8/9/10 – Aprèsl’annonce du palmarès, chacun a pu étudier de plus près les projets.

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36 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 4

a c t u a l i t é s

Les projets primés du concours 2002-2003

➜ Les lauréats

➜ Les citations

JEAN-HUBERT CHOW

ET SERGE RODRIGUES

École d’architecture deParis-Val-de-Seine

REIMS

MAXIME CHARLIN

École d’architecture de Lyon

LENS

DOUCHAN PALACIOS

ET JÉRÔME BARDOU

École d’architecture de Toulouse

NICE

CHRYSTEL CANNONE ET PHILIPPE REACH

École d’architecture de Paris-Malaquais

NICE

FRANCK RÉNY

École d’architecture de Nancy

NICE

AURÉLIA ANTONINI ET TOM DARMON

École d’architecture de Paris-Val-de-Seine

REIMS

AUGUSTIN CORNET

École d’architecture de Paris-Belleville

LENS

Page 39: construction modern 114

Les mentions Architecture

➜Les mentions

Technique et Architecture

CYRIL TALON

École d’architecture de Paris-la-Villette

REIMS

MARINE ROMAN, CHLOÉ DUFLOS ET

AUGUSTIN FAUCHEUR

École d’architecture de Paris-Belleville

LENS

YANNICK DELBECK ET ALEXANDRE ZANON

École d’architecture de Nancy

LENS

BENOÎT MAIGNIAL ET LAURENCE CALAFAT

École d’architecture de Montpellier

NICE

CHARLOTTE SCHOEPEN

ET JOSEPH BELLETANTE

École d’architecture de Lyon

REIMS

DANIEL GASSER, VÉRONIQUE SCHOENY

ET SÉBASTIEN ARNOLD

École d’architecture de Strasbourg

LENS

RAPHAËL GABRION

École d’architecture de Normandie

LENS

4e de couverture : école maternelle de Reims.

➜ Soirée d’anniversaire au palais d’IénaBetocib fêtera son trentième anniversaire le 6 novembre 2003, au palais d’Iéna. L’Institutfrançais d’architecture et Docomomointernational sont les partenaires de cettesoirée dont le programme sera une mise envaleur du patrimoine architectural en béton.À cette occasion sera présenté le livre réalisépar les adhérents de Betocib et publié auxéditions du Moniteur sur le thème“Architectures en béton de ciment blanc”.

info

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