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Constructions verbales et pronominalisation : un essai de clarification (0) 0. Chapitre introductif dimanche 3 décembre 2006 , par Jean-Claude Rolland In memoriam Maurice Gross Pour les étrangers – et dans une moindre mesure pour les jeunes francophones –, s’il est, en français, un domaine grammatical complexe, c’est bien celui de la “pronominalisation”. Le signifiant est long, lourd, difficile à prononcer, mais il donne d’emblée une bonne idée du signifié. Pourquoi cette question est-elle aussi complexe ? Parce qu’elle met en jeu une demi-douzaine de paramètres qui, tous, ont en quelque sorte "leur mot à dire". Jugeons-en : 1 – la construction du verbe principal : penser à, dire à ... que, se souvenir de 2 – le genre et 3 – le nombre du nom à pronominaliser 4 – son déterminant : défini ou indéfini ? 5 – sa classe sémantique : humain ou non-humain ? 6 – sa fonction dans la phrase : complément d’objet direct ? indirect ? circonstanciel ? Chaque paramètre fournirait un mode d’entrée dans le sujet. Après avoir hésité à le traiter à partir des mots qui résultent de la pronominalisation, à savoir les pronoms-adverbes y et en et les pronoms personnels, nous avons finalement opté pour l’entrée par les constructions verbales, à cause du rôle central du verbe dans la phrase. Il est en effet bien possible qu’une question traditionnellement traitée comme purement grammaticale relève en fait plus du lexique des verbes que de la grammaire des pronoms. Et comme les verbes sont nombreux et leurs constructions diverses, on perçoit la nécessité de mettre un peu d’ordre en la matière en opérant des classements, en regroupant les verbes qui ont des comportements syntaxiques identiques ou comparables. S’il est des domaines où le terme lexique-grammaire – inventé par le regretté Maurice Gross – est de rigueur, c’est donc bien dans celui des constructions verbales et dans celui, qui lui est connexe, de la pronominalisation. Avant d’entrer dans le vif du sujet, il ne sera pas inutile, si l’on n’est pas très versé dans la codification et le métalangage grammatico- linguistiques généralement admis, de se familiariser avec un certain nombre de termes et de signes dont nous allons user au cours de cet exposé. Les items apparaissent dans l’ordre alphabétique, pour permettre au lecteur de s’y reporter facilement à tout moment en cas de besoin au fil des chapitres qui vont suivre. 1

Constructions Verbales Et Pronominalisation

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Le verbe

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Constructions verbales et pronominalisation : un essai de clarification (0)0. Chapitre introductifdimanche 3 décembre 2006 , par Jean-Claude Rolland  In memoriam Maurice Gross

Pour les étrangers – et dans une moindre mesure pour les jeunes francophones –, s’il est, en français, un domaine grammatical complexe, c’est bien celui de la “pronominalisation”. Le signifiant est long, lourd, difficile à prononcer, mais il donne d’emblée une bonne idée du signifié. Pourquoi cette question est-elle aussi complexe ? Parce qu’elle met en jeu une demi-douzaine de paramètres qui, tous, ont en quelque sorte "leur mot à dire". Jugeons-en :

1 – la construction du verbe principal : penser à, dire à ... que, se souvenir de 2 – le genre et 3 – le nombre du nom à pronominaliser 4 – son déterminant : défini ou indéfini ? 5 – sa classe sémantique : humain ou non-humain ? 6 – sa fonction dans la phrase : complément d’objet direct ? indirect ? circonstanciel ?

Chaque paramètre fournirait un mode d’entrée dans le sujet. Après avoir hésité à le traiter à partir des mots qui résultent de la pronominalisation, à savoir les pronoms-adverbes y et en et les pronoms personnels, nous avons finalement opté pour l’entrée par les constructions verbales, à cause du rôle central du verbe dans la phrase.

Il est en effet bien possible qu’une question traditionnellement traitée comme purement grammaticale relève en fait plus du lexique des verbes que de la grammaire des pronoms. Et comme les verbes sont nombreux et leurs constructions diverses, on perçoit la nécessité de mettre un peu d’ordre en la matière en opérant des classements, en regroupant les verbes qui ont des comportements syntaxiques identiques ou comparables. S’il est des domaines où le terme lexique-grammaire – inventé par le regretté Maurice Gross – est de rigueur, c’est donc bien dans celui des constructions verbales et dans celui, qui lui est connexe, de la pronominalisation.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il ne sera pas inutile, si l’on n’est pas très versé dans la codification et le métalangage grammatico-linguistiques généralement admis, de se familiariser avec un certain nombre de termes et de signes dont nous allons user au cours de cet exposé. Les items apparaissent dans l’ordre alphabétique, pour permettre au lecteur de s’y reporter facilement à tout moment en cas de besoin au fil des chapitres qui vont suivre.

 Det  : déterminant. On distingue deux grandes catégories de déterminants, les déterminants « définis » : articles définis, adjectifs démonstratifs, adjectifs possessifs ; et les déterminants « indéfinis » : articles indéfinis et partitifs, et une longue liste de déterminants adjectivaux et composés qu’il n’y a pas lieu d’énumérer ici [1]. , mais dont voici tout de même, à titre d’exemples, quelques-uns des plus fréquents : certains, plusieurs, divers, quelques, beaucoup de, un peu de, une sorte de, un certain nombre de, un petit bout de, toutes sortes de.

 Extraction : procédure transformationnelle, symbolisée par le simple signe « –> », qui consiste à extraire un élément de la place qu’il occupe normalement dans la phrase pour le mettre au début.

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Ex. Max a dit ça à Luc –> Ça, Max l’a dit à Luc.

Dans notre exposé nous utiliserons systématiquement cette procédure, qui présente le double avantage de produire des phrases brèves assez naturelles, et d’y faire apparaître la forme de la pronominalisation.

 Inter P : proposition subordonnée interrogative introduite par quand, où, pourquoi, comment, etc.

Ex. Max ne comprend pas pourquoi Luc est parti.

 LUI-ap = lui, leur. Antéposé, il est placé avant le verbe et sans la préposition ; lui et leur valent pour le féminin aussi bien que pour le masculin.

 LUI-pp : = lui, elle, eux, elles. Postposé, il est placé après le verbe et précédé de la préposition.

 N0 : groupe nominal sujet du verbe, sans influence sur le choix du substitut de N1 ou de N2.

 N1 : groupe nominal objet, qui peut être « direct », à savoir sans préposition entre V et N1,

ex. Max aime Léa ,

ou « indirect », c-à-d. avec préposition entre V et N1,

ex. Max parle à Luc.

 N2 : certains verbes exigent ou admettent un deuxième groupe nominal objet, celui-ci alors forcément « indirect », le français n’admettant pas deux compléments directs,

ex. Max a donné de l’argent à Luc .

 Nh : nom d’humain (Max, Luc, Léa, le coiffeur, le facteur, etc.)

 N-h : nom de non-humain, concret (table, chaise, voiture, etc.) ou abstrait (politique, musique, etc.).

 Prep : toute préposition autre que à et de.

(Notes : 1. La préposition de lieu en est une variante de à devant les noms de lieux féminins sans articles (en France, à La Martinique). Mais en n’est pas qu’une préposition de lieu. 2. On verra que l’extraction peut transformer certaines prépositions, sur devenant dessus, dans devenant dedans, etc. La grammaire traditionnelle donne à cette nouvelle forme l’appellation d’ « adverbe ». Ce n’est pas une position infondée mais comme il s’agit de cas particuliers et non du cas général, nous préfèrerons quant à nous parler de « variante de la préposition due à l’extraction », ex. La peine de mort, Max est contre. Votre rapport, je m’assois dessus.)

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  que P(subj)  : propositions subordonnées complétives dont le verbe est à l’indicatif (ou au subjonctif). Elles peuvent, selon les verbes principaux, occuper les places de N0, N1 ou N2.

 V : verbe, dont la forme peut être simple (aimer), pronominale (se souvenir), ou composée (en vouloir à qqn de qqch).

(Notes : 1. On verra que la forme de V n’est pas sans incidence sur le choix du substitut ou même sur la possibilité qu’il y en ait un. 2. Nous préférons, à l’instar de M.Gross, le terme de “verbe composé” à celui de “locution verbale”.)

 Vinf : infinitif. Peut occuper, selon les constructions du verbe principal, les places de N0, N1 ou N2.

 X : mot ou groupe de mots présents ou facultatifs, et sans incidence sur la pronominalisation.

 *  : l’astérisque placé devant un énoncé signifie que cet énoncé n’est pas possible.

Par exemple : * La fin, Max a commencé par.

  ?  : le point d’interrogation placé devant un énoncé signifie que cet énoncé est douteux.

Petite bibliographie

Elle est déjà ancienne mais, à notre connaissance, rien de bien nouveau n’a été écrit sur le sujet depuis ces années-là.

 Gross (M.), Méthodes en syntaxe : régime des constructions complétives , Paris, Hermann, 1975.  Gross (M.), Grammaire transformationnelle du français, 1 - Syntaxe du verbe , Paris,

Cantilène, 1986 (réédition).  Gross (M.), Grammaire transformationnelle du français, 2 - Syntaxe du nom , Paris,

Cantilène, 1986 (réédition).  Le Goffic (P.) et Combe-Mac Bride (N.), Les constructions fondamentales du français

, Paris, Hachette-Larousse, 1975.  Maillard (J.-P.) et Célérier (P.), Dictionnaire des structures fondamentales du

français , Paris, Cle international, 1979.  Réquédat (F.), Les constructions verbales avec l’infinitif , Paris, Hachette, 1980.

Remerciements à Michèle Debrenne pour avoir attentivement relu tout cet exposé et fait les judicieuses remarques qui ont permis de l’améliorer.

À suivre. Prochains chapitres :

1.La construction « N0 V à N1 » 2.La construction « N0 V de N1 » 3.La construction « N0 V Prep N1 » 4.La construction « N0 V Det N1 »

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5.Les constructions doubles 6.Questions diverses

[1] On trouvera une liste exhaustive des déterminants dans Gross (M.), Grammaire transformationnelle du français, 2 - Syntaxe du nom, Paris, Cantilène, 1986 (réédition)

Constructions verbales et pronominalisation : un essai de clarification (1)1. La construction « N0 V à N1 »vendredi 22 décembre 2006 , par Jean-Claude Rolland  

Plan du chapitre

1.1. N1 est non-humain : il se pronominalise en “y”. 1.1.1. Le groupe “à N1” est un simple complément circonstanciel. 1.1.2. Le groupe “à N1” est le complément essentiel d’un verbe de résidence ou de déplacement. 1.1.3. Le groupe “à N1” est le complément essentiel de V.

1.2. N1 est humain 1.2.1. Le groupe “à N1” est le complément essentiel d’un verbe n’admettant qu’un seul complément. 1.2.2. Le groupe “à N1” est le complément essentiel d’un verbe admettant implicitement un deuxième complément.

1.3. Questions connexes 1.3.1. À propos de la construction “N0 V à Vinf”. 1.3.2. À propos du pronom-adverbe “y”. 1.3.3. À propos du pronom personnel “LUI”.

1.1. N1 est non-humain : il se pronominalise en “y”.

Nous pouvons, pour toute cette partie, énoncer la règle générale suivante :

Règle : N0 V à N1 –> N1, N0 y V

Les sous-parties ci-dessous permettent de décliner cette règle générale en fonction du statut du groupe “à N1” dans la phrase. On voit que le pronom-adverbe “ y ” se place juste avant le verbe. Ce “ y ”, l’un des plus petits mots de la langue française, est parfois aussi appelé “particule préverbale” justement à cause de cette place dans la phrase.

1.1.1. Le groupe “à N1” est un simple complément circonstanciel.

Le schéma de la phrase est, dans ce cas-là et plus précisément, « N0 V (X) à N1 ». Les mots occupant éventuellement la place de X, à savoir celle des compléments d’objet direct ou indirect, ne jouent aucun rôle. Le groupe “ à N1” n’étant ici qu’un simple complément circonstanciel de lieu – le lieu où se trouve N0, ou bien, si l’on

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préfère, celui où se déroule l’action exprimée par V –, il est probable que tous les verbes du lexique peuvent occuper la place de V.

Règle : N0 V X à Nlieu1 –> Nlieu1, N0 y V X

Max a une maison aux Baléares. –> Les Baléares, Max y a une maison. Luc a passé ses vacances en Italie. –> L’Italie, Luc y a passé ses vacances.

Notes :

1. Rappelons en effet que la préposition en s’impose comme variante de à avec les noms de lieux féminins qui ne comportent pas d’article dans leurs composants (par ex. en France, en Espagne, mais à La Martinique, mais cela est sans incidence sur la pronominalisation, qui se fait par y dans tous les cas.

2. Comme on le verra au chapitre 3, le groupe “dans N1” peut aussi donner lieu à une pronominalisation par y : Obélix est tombé dans la marmite. –> Obélix est tombé dedans ou Obélix y est tombé. Fam. Obélix y est tombé dedans . Idem pour d’autres prépositions : Mon sac est sur le siège arrière ? – Non, il n’y est pas. Etc.

3. Avec le verbe “passer ses vacances à Nlieu” de notre deuxième exemple, on est ici un peu embarrassé pour dire si “à Nlieu” est un complément circonstanciel ou essentiel. Il est effectivement difficile de trouver des énoncés simples du genre “Luc a passé ses vacances, son temps, le mois de mars, une durée quelconque” sans préciser où. D’où l’on peut conclure que nous avons bel et bien affaire ici à un verbe à deux compléments obligatoires. (cf. 5.1.2. )

4. Au risque de choquer nos collègues linguistes, nous avons préféré, dans cette sous-partie, adopter la formule “N0 V X à N1” plutôt que celle, théoriquement plus juste, de “N0 V N1 à N2”. Nous l’avons fait pour ne pas apporter de complication supplémentaire à un exposé qui se veut avant tout pédagogique, et qui, tel quel, en comporte déjà suffisamment.

1.1.2. Le groupe “à N1” est le complément essentiel d’un verbe de résidence ou de déplacement.

Le groupe « à N1 » peut indiquer aussi bien le « lieu où l’on est, où l’on réside » (comme in ou at en anglais) que le « lieu où l’on va » (comme to en anglais). Comme on vient de le voir, ce complément, appelé “circonstanciel” dans les grammaires traditionnelles, l’est effectivement pour la plupart des verbes, mais il est bel et bien “essentiel” – car ils auraient du mal à s’en passer – avec ceux du type habiter à, vivre à, s’installer à, demeurer à, se trouver à, ... (lieu où l’on est) et aller à, arriver à, se rendre à, (re)venir à, retourner à, ... (lieu où l’on va).

Règle : N0 V à Nlieu1 –> Nlieu1, N0 y V.

Max réside aux Baléares. –> Les Baléares, Max y réside. Luc est allé en Italie l’an dernier. –> L’Italie, Luc y est allé l’an dernier.

Notes :

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1. Aux formes du futur et du conditionnel du verbe aller, « y » est effacé : la forme théorique *J’y irai(s), etc. devient J’irai(s), etc. Pour plus de clarté, il vaudra mieux alors utiliser un synonyme du verbe aller : Max ira bientôt en Italie. –> L’Italie, Max s’y rendra bientôt.

2. Remarque sur le verbe arriver : si l’on excepte les verbes aller et venir dont on connaît le rôle d’auxiliaires grammaticaux dans le système des temps verbaux (Max va partir, Max vient de partir) et dont les infinitifs qui les suivent ne peuvent pas être pronominalisés, le verbe arriver à présente dans ce groupe la particularité de se construire aussi avec un infinitif dont la pronominalisation se fait également par y  : Max est arrivé à résoudre le problème. –> Max y est arrivé.

Nous trouverons ci-après plusieurs verbes ayant la même propriété syntaxique.

1.1.3. Le groupe “à N1” est le complément essentiel de V.

C’est le cas de – verbes simples comme croire à, jouer à, consentir à, penser à, rêver à, songer à, tenir à, renoncer à, ... – verbes pronominaux comme s’associer à, s’attendre à, s’engager à, s’essayer à, s’intéresser à, s’opposer à, se (re)mettre à, se donner à, se faire à, se refuser à, se rendre à, ... – de verbes composés comme prendre plaisir à, voir un inconvénient à, faire attention à, ...

Règle : N0 V à N-h1 –> N-h1, N0 y V.

Max ne croit pas à la chance. –> La chance, Max n’y croit pas. Luc joue aux cartes mais Max n’y joue pas. Max pense à son travail. –> Son travail, Max y pense. Max a renoncé à son voyage. –> Son voyage, Max y a renoncé. Max s’est opposé au projet. –> Le projet, Max s’y est opposé. Max s’intéresse à la philatélie. –> La philatélie, Max s’y intéresse.

Pour certains verbes, N1 peut aussi être un infinitif ou une complétive :

Max prend plaisir à regarder les étoiles ? – Oui, il y prend plaisir. Vous croyez vraiment à ce que vous venez de dire ? – Oui, j’y crois. Vous tenez vraiment à la voir ? – Oui, j’y tiens. Vous vous attendiez à ce que je me taise ? – Oui, je m’y attendais. Tu t’engages à faire ce que je te demande ? – Oui, je m’y engage.

Notes :

1. La construction “N0 V à Vinf” n’est pas propre aux verbes ayant la construction “N0 V à N1”, comme on le verra ci-après en 1.3.1. et au chapitre 4.

2. Le verbe penser, selon son sens, peut se construire en “penser Vinf” ou “penser à Vinf” : – Max pense partir bientôt (= il en a l’intention.) Pronominalisation impossible.(Voir aussi 1.3.1. , note 1). – Max, tu as pensé à écrire à Luc ? (= tu n’as pas oublié ?) Pronominalisation normale : Max y a pensé.

3. Les verbes composés en “en”, comme en appeler à, en arriver à, en venir à, s’en prendre à, s’en remettre à, n’autorisent pas l’emploi de “ y ” pour la pronominalisation de leur objet non-humain. Nous ne donnerons pas ici de

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règle car la substitution du seul « N1 » après l’extraction – “à” étant alors conservé ¬– peut se faire de diverses façons :

o Max s’en est pris à la bêtise. –> La bêtise, voilà à quoi Max s’en est pris. Ou : La bêtise, c’est à ça que Max s’en est pris. Ou encore, mais plus rarement : La bêtise, Max s’en est pris à ça.

1.2. N1 est humain

1.2.1. Le groupe “à N1” est le complément essentiel d’un verbe n’admettant qu’un seul complément.

C’est le cas de – verbes simples comme penser à, rêver à, songer à, tenir à, renoncer à, ... – verbes pronominaux comme s’associer à, s’intéresser à, s’opposer à, se donner à, se faire à, se refuser à, se rendre à, se joindre à, ... – verbes composés comme faire attention à, en appeler à, s’en prendre à, s’en remettre à, ...

Règle : N0 V à Nh1 –> Nh1, N0 V à LUI-pp.

LUI-pp = lui, elle, eux, elles. Rappelons que “LUI-pp” signifie que ces quatre pronoms sont postposés, c-à-d. placés après le verbe et ici précédés de la préposition “à”.

Max pense à Léa. –> Léa, Max pense à elle. Léa tient à Luc. –> Luc, Léa tient à lui. Max s’est joint à ses amis. –> Ses amis, Max s’est joint à eux. Luc s’intéresse à Léa. –> Léa, Luc s’intéresse à elle. Max s’en est pris à Luc. –> Luc, Max s’en est pris à lui.

1.2.2. Le groupe “à N1” est le complément essentiel d’un verbe admettant implicitement un deuxième complément.

Parmi ces verbes, nous avons – des verbes simples : parler à, écrire à, répondre à, téléphoner à, ... où sont sous-entendues les choses dites ou écrites – on parle toujours à qqn de qqch et on écrit toujours qqch à qqn, même si on ne dit pas quel est ce qqch –, mais aussi manquer à, succéder à, où le deuxième complément n’est pas aussi évident. – des verbes composés comme faire confiance à, donner raison à, ... où l’on voit que les noms confiance et raison fonctionnent en fait comme deuxième complément, ce qui n’est pas le cas pour attention dans faire attention à, vu ci-dessus en 1.2.1.

Règle : N0 V à Nh1 –> Nh1, N0 LUI-ap V.

LUI-ap = lui, leur. Rappelons que “LUI-ap” signifie que ces deux pronoms sont antéposés, c-à-d. placés avant le verbe et sans la préposition à. Rappelons aussi que lui et leur valent pour le féminin aussi bien que pour le masculin. (Voir ci-dessous 1.3.3. )

Max parle à Léa. –> Léa, Max lui parle. Max fait confiance à Luc. –> Luc, Max lui fait confiance.

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On verra au chapitre 5, qu’avec les verbes qui admettent un deuxième complément, le pronom LUI-ap, ainsi antéposé et sans préposition, permet facilement une deuxième pronominalisation :

Max parle à Léa de son travail. –> Max lui en parle. Max parle à Luc de Léa. –> Max lui parle d’elle.

1.3. Questions connexes

1.3.1. À propos de la construction “N0 V à Vinf”.

Nous avons vu en 1.1.3. un certain nombre de verbes pour lesquels, dans cette construction, Vinf se comporte comme un non-humain et où le groupe “à Vinf” est pronominalisé par un “y”. Ce n’est pas une règle générale. Nous donnons dans le tableau ci-après un certain nombre d’autres verbes pour lesquels les choses se passent différemment. Pour information, nous avons également indiqué si ces verbes admettent des complétives (que P(subj)) et/ou des interrogatives (Inter P) :

V N1 àVinf que P(subj) Pdemander + + + +chercher + + +commencer + + continuer + + apprendre + + + +

Max a-t-il demandé à voir un médecin ? – Oui, il a demandé. Max a-t-il cherché à comprendre ? – Oui, il a cherché. Max a-t-il commencé à écrire un roman ? – Oui, il a commencé. Max a-t-il continué à / de manger ? – Oui, il a continué. Max a-t-il appris à nager ? – Oui, il a appris.

On remarquera tout d’abord, en observant le tableau, que ces cinq verbes ne relèvent pas de la construction “N0 V à N1”, traitée prioritairement dans ce chapitre, mais de la construction “N0 V N1” (ch. 4) où nous les retrouverons donc pour en parler plus en détail. On remarquera ensuite, en observant les exemples, qu’on peut parler pour ces verbes d’une pronominalisation “zéro”, laquelle est sans doute facilitée par la possibilité qu’ils offrent d’être employés intransitivement, ou avec un complément implicite. Dans certains cas – mais pas dans tous – on rencontrera une autre forme de pronominalisation par “le faire” :

Max a-t-il appris à bien se tenir ? – Oui, il a appris à le faire.

Notes :

1. Nous distinguons la pronominalisation “zéro” de la pronominalisation impossible par le fait que, dans le premier cas, l’extraction est possible, alors qu’elle est impossible dans le deuxième. Il est par exemple impossible de dire *Partir, Max pense.

2. Continuer : on dit aussi bien, et sans changement de sens, continuer à Vinf – le plus fréquent des deux – que continuer de Vinf. On a dans les deux cas une pronominalisation “zéro”.

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3. Par ailleurs et plus généralement, il peut sembler étrange que des verbes se construisant directement avec un nom aient besoin d’intercaler une préposition devant l’infinitif qui les suit. (C’est aussi ce que fait l’anglais avec “to”.) Ce qu’il faut se demander, c’est pourquoi on a “à” dans certains cas, “de” dans d’autres, et rien ailleurs. Il semble bien que l’explication soit purement et simplement historique, les trois possibilités étant apparues dans l’ordre “rien-à-de” au cours des siècles depuis le latin jusqu’au français moderne, lequel conserve toutes les traces de cette évolution. D’où encore un certain flottement pour quelques verbes, comme aimer Vinf et aimer à Vinf (littér.), continuer à Vinf et continuer de Vinf, etc. De toutes façons, dans la plupart des cas, à et de sont alors, comme leur équivalent anglais, purement explétifs.

1.3.2. À propos du pronom-adverbe “y”.

Il serait sans doute possible de rattacher chacune des lexies ci-après à l’un ou l’autre des groupes de verbes que nous avons constitués dans les paragraphes qui précèdent, par exemple de citer Allez-y ! Allons-y ! Vas-y ! là où nous avons parlé des verbes de déplacement ( 1.1.2. ) et en particulier du verbe aller. Mais ces considérations diachroniques auraient alourdi un exposé dont la seule ambition est de faciliter l’accès à une question déjà suffisamment complexe. On se contentera donc de dire, ici comme ailleurs, que ces verbes et locutions sont des figements comportant le pronom-adverbe “y” parmi leurs composants. Ces lexies qui ne relèvent plus de la grammaire mais du lexique, figurent généralement dans les dictionnaires monolingues ou bilingues à l’article “y” ou à celui de leur composant principal, généralement le verbe.

AVOIR : Il y a ... ÊTRE : Ça y est ! J’y suis ! Max n’y est pour rien (dans cette affaire, dans cette histoire, etc.) ... pendant que tu y es ! (Fam. ... pendant que t’y es !) ALLER : Allez-y ! Allons-y ! Vas-y ! Comme tu y vas ! Il y va de ma vie. /de mon honneur. / de votre santé. etc. Max n’y va pas de main morte. / avec le dos de la cuiller. / par quatre chemins. Autres verbes : Max y regarde à deux fois avant de Vinf Max y voit clair. Max s’y connaît / s’y entend (en peinture, en musique, etc.) Max s’y prend bien / mal (pour Vinf) On ne m’y reprendra pas / plus ! Rien n’y fait Si tu t’y mets aussi ... !

1.3.3. À propos du pronom personnel “LUI”.

Pour ne pas alourdir cet exposé, nous n’avons parlé ci-dessus que des pronoms personnels de la troisième personne en fonction “objet indirect” avec ou sans la préposition “à”, à savoir, – LUI-pp (postposé avec préposition) = lui, elle, eux, elles, et – LUI-ap (antéposé sans préposition) = lui, leur. Mais le lecteur appréciera peut-être de voir réunis ici dans un même tableau, et sans autre commentaire, tous les pronoms personnels ayant cette fonction :

antéposé postposé antéposé postposéSingulier Pluriel

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1ère personne me à moi 1ère personne nous à nous2ème personne te à toi 2ème personne vous à vous3e p. masculin lui à lui 3e p. masculin leur à eux3e p. féminin lui à elle 3e p. féminin leur à elles

À suivre. Prochain chapitre : 2. La construction « N0 V de N1 »

Constructions verbales et pronominalisation : un essai de clarification (2)2. La construction « N0 V de N1 »vendredi 12 janvier 2007 , par Jean-Claude Rolland  

Plan du chapitre

Notes préliminaires

2.1. Le groupe “de N1” est un complément circonstanciel de lieu

2.2. Le groupe “de N1” est un complément “circonstanciel” ... essentiel

2.3. Le groupe “de N1” est un complément essentiel 2.3.1. N1 = N-h (ou Nh général ou indéfini) 2.3.2. N1 = Nh défini

2.4. Questions connexes 2.4.1. À propos de la construction “N0 V de Vinf” 2.4.2. À propos du pronom-adverbe “en” 2.4.3. À propos du pronom personnel “LUI”

Notes préliminaires :

1. Pour la clarté de l’exposé, pour éviter des renvois fastidieux, et pour quiconque lirait ce chapitre avant d’avoir lu le précédent, nous avons repris textuellement les notes portant aussi bien sur cette construction que sur la construction “N0 V à N1”. On voudra bien nous excuser de ces redites qui n’ont donc d’autre vertu que celle – pédagogique – de la répétition.

2. Nous pouvons, pour presque tout ce chapitre, énoncer la règle suivante : N0 V de N1 –> N1, N0 en V. Les parties ci-dessous permettent de décliner cette règle générale en fonction du statut du groupe “de N1” dans la phrase. On voit que le pronom-adverbe “ en ” se place, tout comme “y” vu au chapitre précédent, juste avant le verbe.

2.1. Le groupe “de N1” est un complément circonstanciel de lieu.

N1 est un nom de lieu, et V un verbe transitif direct du type extraire qqch de N1. Le schéma de la phrase est alors plutôt « N0 V X de N1 », où N1 indique toujours une provenance, et où la place de X est occupée par le complément d’objet direct de V. Le groupe “de N1” est donc un complément circonstanciel de lieu. Citons quelques

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verbes de ce type : rapporter X de, ramener X de, sortir X de, tirer X de, extraire X de, éloigner X de, ...

Règle : N0 V X de Nlieu1 → Nlieu1, N0 en V X.

J’ai rapporté une statuette du Mexique. → Le Mexique, j’en ai rapporté une statuette.

Note :

Au risque de choquer nos collègues linguistes, nous avons préféré, dans cette partie, adopter la formule “N0 V X de N1” plutôt que celle, théoriquement plus juste, de “N0 V N1 de N2”. Nous l’avons fait pour ne pas apporter de complication supplémentaire à un exposé qui se veut avant tout pédagogique, et qui, tel quel, en comporte déjà suffisamment.

2.2. Le groupe “de N1” est un complément “circonstanciel” ... essentiel.

S’il était normal d’appeler le groupe “de N1” “complément “circonstanciel” dans le paragraphe 2.1., comme le font les grammaires traditionnelles, il l’est déjà beaucoup moins pour des verbes comme descendre de, partir de, (re)venir de, sortir de, s’éloigner de, ... verbes pour lesquels il vaudrait mieux parler de complément “essentiel”, comme en 2.3., car il leur est souvent difficile de s’en passer. En tout cas, ici, un “de N1” est toujours au moins implicite. La nature de N1, nom de lieu comme en 2.1., nous incite à placer ce groupe de verbes à mi-chemin entre le groupe précédent et le suivant, et à ne le fondre ni dans l’un ni dans l’autre.

Règle : N0 V de Nlieu1 → Nlieu1, N0 en V.

Max vient des Baléares. → Les Baléares, Max en vient.

Notes :

1. Remarque portant sur 2.1. et 2.2. : un cas particulier – et linguistiquement intéressant, car il prouve combien la syntaxe l’emporte souvent sur le sens – est celui des verbes (r)approcher de et se (r)approcher de. Ils relèvent sémantiquement des verbes du type aller à, mais syntaxiquement ils se comportent bien comme ceux du type venir de : Bientôt les vacances, chaque jour nous en rapproche.

2. Un autre cas intéressant est celui du verbe arriver. On peut non seulement dire N0 arrive à N1, comme nous l’avons vu, mais aussi – et avec un sens évidemment différent ¬– N0 arrive de N1. La préposition “de” de cette dernière construction se retrouve d’ailleurs dans le “en” figé du verbe composé en arriver à. Il est bien possible que ce phénomène rende difficiles ou peu usuelles des phrases du genre ? Les Baléares, Max en arrive. On remarquera aussi que lorsque N1 est un infinitif, c’est la construction avec à qui est sélectionnée : Max est arrivé à résoudre le problème. → Max y est arrivé. (On verra plus loin (ch. 6) le cas de la forme impersonnelle : il arrive que Psubj.)

2.3. Le groupe “de N1” est un complément essentiel.

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Page 12: Constructions Verbales Et Pronominalisation

2.3.1. N1 = N-h1 (ou Nh général ou indéfini)

Citons quelques verbes se construisant avec ce « N-h1 » :  des verbes simples : changer de, jouer de, manquer de, mourir de, parler de, rêver

de (voir note 2), rire de, souffrir de, vivre de, ...  des verbes pronominaux : s’apercevoir de, s’assurer de, s’emparer de, s’occuper

de, se garder de, se jouer de, se moquer de, se passer de, se remettre de, se servir de, se souvenir de ...  et aussi des verbes composés : tenir compte de, se rendre compte de, ... parmi

lesquels ceux, assez nombreux, du type « être Adjectif de » : être heureux / content / satisfait de, être capable / incapable de, être digne / indigne de, être fou de, ...

Règle : N0 V de N-h1 → N-h1, N0 en V.

J’ai parlé du climat. → Le climat, j’en ai parlé. Je me passe de vos conseils. → Vos conseils, je m’en passe. Léa se moque des garçons (en général). → Les garçons, Léa s’en moque.

Pour plusieurs de ces verbes, comme on le voit dans le tableau ci-après, N1 peut être un infinitif ou une complétive, voire même, pour se souvenir, une interrogative indirecte, et ce en conservant la même forme de pronominalisation :

de N de Vinf que P Inter Pse souvenir + + + +s’assurer + + +s’occuper + +se garder + +se passer + +s’apercevoir + +

En guise d’exemples, les microdialogues ci-après sembleront probablement plus naturels que l’extraction :

Tu t’occupes de préparer la réunion ? – Je m’en occupe. Je m’aperçois que les choses ont bien changé. – Je m’en aperçois aussi. Tu te souviens où tu as mis l’argent ? – Non, je ne m’en souviens pas.

Notes :

1. Les verbes se retenir de Vinf, ne pas pouvoir s’empêcher de Vinf, se donner la peine de Vinf, ne se construisent qu’avec un infinitif ; ils ignorent donc la construction “N0 V de N1”, mais la pronominalisation de leur complément est régulière : Max s’est donné la peine d’aider Luc. → Aider Luc, Max s’en est donné la peine. J’ai dit tout ce que j’avais sur le cœur, je n’ai pas pu m’en empêcher. (en = de dire ...).

2. À propos du verbe rêver, on notera les couples sémantiquement et syntaxiquement différenciés “N0 a rêvé à N1 / N0 a rêvé que P” d’une part (ch. 1) et “N0 rêve de N1 / N0 rêve de Vinf” d’autre part (ch. 2).

2.3.2. N1 = Nh1 défini

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Page 13: Constructions Verbales Et Pronominalisation

Citons quelques verbes se construisant avec ce « Nh1 » :  des verbes simples : parler de, rire de, ... (Pour rêver de, voir note 3)  des verbes pronominaux : s’emparer de, s’occuper de, se jouer de, se moquer de,

se passer de, se servir de, se souvenir de, ...  et aussi des verbes composés : tenir compte de, ... et ceux, assez nombreux, du

type « être Adj de » : être content / satisfait de, être digne / indigne de, être fou de, ...

Règle : N0 V de Nh1 → Nh1, N0 V de LUI-pp.

Max se passe de Luc / de Léa. → Luc, Max se passe de lui / d’elle. Léa se moque des garçons. (Pierre, Paul, ...). → Les garçons, Léa se moque d’eux.

Notes :

1. En expression, il vaut mieux respecter cette “règle”, mais en compréhension il ne faudra pas s’étonner de lire ou d’entendre, de la part de francophones même cultivés, des contre-exemples du genre “Ce type-là, je m’en occupe.” ou “Max, je m’en moque.” Il est d’ailleurs possible d’expliquer cet usage de “en” en parlant d’un humain par l’objectivisation plus ou moins consciente de ce dernier dans l’esprit du locuteur.

2. LUI-ap, qui contient la préposition à et nulle autre, n’a évidemment rien à faire dans ce chapitre.

3. Pour revenir ici au verbe rêver, il semble bien qu’il y ait chez certains francophones quelque affectation à dire, par exemple, “J’ai rêvé de toi la nuit dernière” au lieu de “J’ai rêvé à toi.”

2.4. Questions connexes

2.4.1. À propos de la construction “N0 V de Vinf”.

Nous avons vu ci-dessus un certain nombre de verbes pour lesquels, dans cette construction, “de Vinf” se comporte comme “de N-h” (2.3.1.) et est donc pronominalisé par “en”. Ce n’est pas une règle générale. Nous donnons ci-après un certain nombre d’autres verbes également construits avec “de Vinf” mais pour lesquels les choses se passent différemment. Pour information, nous avons également indiqué si ces verbes admettent des complétives.

VERBE N1 de Vinf que Poublier + + +attendre + + +subjrefuser + + +subjarrêter + +continuer + +essayer + +finir + +se permettre + +

On remarquera tout d’abord que ces verbes ne relèvent pas de la construction “N0 V de N1”, prioritairement traitée dans ce chapitre, mais de la construction “N0 V N1” (ch. 4) où nous les retrouverons donc pour en parler plus en détail. Pour la majorité d’entre eux, on peut parler d’une pronominalisation “zéro”, sans pronom ni

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Page 14: Constructions Verbales Et Pronominalisation

préposition, sans doute facilitée par la possibilité qu’ils offrent d’être employés intransitivement, ou avec un complément d’objet implicite.

Max a-t-il oublié de fermer la fenêtre ? – Oui, il a oublié.

Il semble bien que le verbe se permettre soit le seul de cette petite liste à déclencher une pronominalisation en “le” de son objet, notamment dans la réponse assez figée “(Faire telle ou telle chose), je ne me le permettrais pas”.

On rencontrera également des pronominalisations par “le faire” :

Max a-t-il oublié de fermer la fenêtre ? – Oui, il a oublié de le faire.

Notes :

1. Continuer : on dit aussi bien continuer à Vinf que continuer de Vinf. Dans tous les cas, la pronominalisation est “zéro”.

2. Il peut sembler étrange que des verbes se construisant par ailleurs directement avec un nom aient besoin d’intercaler une préposition devant l’infinitif qui les suit. C’est ce que fait pourtant l’anglais avec “to”. Ce qu’il faudra se demander, c’est pourquoi on a en français à dans certains cas, de dans d’autres, et parfois rien. Il semble bien que l’explication soit simplement historique, les trois possibilités étant apparues dans l’ordre “rien-à-de” au cours des siècles depuis le latin jusqu’au français moderne, lequel conserve toutes les traces de cette évolution. D’où encore un certain flottement pour quelques verbes, comme aimer Vinf et aimer à Vinf, continuer à Vinf et continuer de Vinf, etc. Dans la plupart des cas, ce à et ce de sont aussi explétifs que l’est leur équivalent anglais, notamment lorsque, comme ici en 2.4.1., les verbes se construisent parallèlement avec un complément d’objet direct nominal.

3. Le verbe pronominal s’arrêter ignore la construction “N0 V N1” mais pour le reste, il se comporte comme le verbe simple arrêter.

2.4.2. À propos du pronom-adverbe “en”.

Il serait possible de rattacher chacune des lexies qui suivent à l’une ou l’autre des constructions ci-dessus, par exemple de citer “Nh ne s’en sort pas” là où nous avons parlé des compléments “circonstanciels” de lieu de certains verbes ( 2.2.). Mais ces considérations diachroniques seraient déplacées dans un exposé dont la seule ambition est de faciliter l’accès à une question déjà suffisamment complexe telle quelle. On se contentera donc de dire, ici comme ailleurs, que les verbes et locutions ci-dessous sont des figements comportant le pronom-adverbe “ en ” parmi leurs composants. Ces lexies, qui ne relèvent plus de la grammaire, figurent généralement dans les dictionnaires monolingues ou bilingues à l’article “ en , pronom ou adverbe, pronom adverbial” (à ne pas confondre avec la préposition en), ou à celui de leur composant principal, généralement le verbe.

FAIRE : C’en est fait (de notre projet). Max en fait trop. Max ne s’en fait pas. Max en fait voir (de toutes les couleurs) à Luc. ALLER :

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Page 15: Constructions Verbales Et Pronominalisation

Max s’en va. Il en va de même pour Max et Luc. Divers : Je m’en tiens là. Max en impose à Luc. Max en veut à Luc. Max n’en peut plus. Max ne s’en sort pas. Max s’en prend à Luc. Max s’en remet à Luc.

Note :

Il est temps de signaler que pour le couple en / y nous devons l’appellation de “pronom-adverbe” à Georges Gougenheim, Système grammatical de la langue française, Éditions d’Artrey, Paris, 1963, p. 73, et celle de “particule préverbale” à Maurice Gross, Grammaire transformationnelle du français, 1 – Syntaxe du verbe, Cantilène, Paris, 1986, p. 22.

2.4.3. À propos du pronom personnel “LUI”.

Pour ne pas alourdir cet exposé, nous n’avons parlé en 2.3.2. que des pronoms personnels de la troisième personne en fonction “objet indirect” avec la préposition “de”, à savoir LUI-pp (postposé avec préposition) = lui, elle, eux, elles. Mais le lecteur appréciera peut-être de voir réunis ici dans un même tableau, et sans autre commentaire, tous les pronoms personnels ayant cette fonction :

Singulier Pluriel 1ère personne de moi 1ère personne de nous2ème personne de toi 2ème personne de vous3e p. masculin de lui 3e p. masculin d’eux3e p. féminin d’elle 3e p. féminin d’elles

À suivre. Prochain chapitre : La construction « N0 V Prep N1 »

Constructions verbales et pronominalisation : un essai de clarification (3)3. La construction « N0 V Prep N1 »mercredi 24 janvier 2007 , par Jean-Claude Rolland  

Plan du chapitre

3.1. Préambule sur les prépositions 3.1.1. Les trois “Prep” que la pronominalisation transforme. 3.1.2. Les “Prep” que la pronominalisation ne transforme pas. 3.1.3. Les “Prep” qui ne sont ni transformables ni détachables de N1.

3.2. “Prep N1” est un complément circonstanciel.

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Page 16: Constructions Verbales Et Pronominalisation

3.3. “Prep N1” est un complément essentiel. 3.3.1. N1 est non-humain (N-h1) 3.3.2. N1 est humain (Nh1)

3.1. Préambule sur les prépositions

Après avoir examiné  dans le chapitre 1, le cas des N1 précédés de la préposition à et constaté que la

pronominalisation de “à N-h1” se faisait à l’aide d’un y placé avant le verbe,  dans le chapitre 2, le cas des N1 précédés de la préposition de et constaté que la

pronominalisation de “de N-h1” se faisait à l’aide d’un en placé avant le verbe, n’oublions pas qu’il existe au sein du lexique français, outre à et de, bien d’autres prépositions – que nous appellerons collectivement Prep –, et que nous devons alors nous demander, sachant que en et y sont les seuls pronoms-adverbes existants, comment se fait la pronominalisation de “Prep N-h1”.

Commençons par faire une liste de la vingtaine de prépositions collectivement représentées par Prep. Nous avons répertorié : après, avant, avec, chez, contre, dans, depuis, derrière, dès, devant, en, entre, jusque, hors, par, pendant, pour, sans, sous, sur, vers, ...

Les choses seraient évidemment trop simples si, dans la pronominalisation de N1, toutes ces prépositions se comportaient de la même façon. Nous avons cependant pu constituer trois groupes au sein desquels les comportements sont relativements comparables.

3.1.1. Les trois “Prep” que la pronominalisation transforme. = dans, sur, sous.

N0 V dans N-h1 → N-h1, N0 V dedans. N0 V sur N-h1→ N-h1, N0 V dessus. N0 V sous N-h1→ N-h1, N0 V dessous.

Obélix est tombé dans la marmite. → La marmite, Obélix est tombé dedans. Max est monté sur cette table. → Cette table, Max est monté dessus. Luc est caché sous le lit . → Le lit, Luc est caché dessous.

Outre la transformation particulière subie par ces trois prépositions, on voit qu’il se produit ici une forme de pronominalisation que nous n’avions pas encore rencontrée, qui est commune à d’autres prépositions (cf. 3.2.), et qui est, en quelque sorte, une pronominalisation ... sans pronom, ou plutôt sans pronom-adverbe ! En l’absence d’un tel pronom-adverbe qui se placerait avant le verbe, comme c’était le cas pour y et en, c’est la préposition elle-même qui se place après, mais seule.

Notes :

1. La grammaire traditionnelle donne à ces prépositions transformées et placées après le verbe l’appellation d’ « adverbes », ou bien elle parle d’ “emploi adverbial de la préposition”. Ce n’est pas une position infondée mais comme il s’agit plutôt de cas particuliers (3) que du cas général (17), nous préférons quant à nous leur conserver à toutes – et ce, quelle que soit leur

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Page 17: Constructions Verbales Et Pronominalisation

place dans la phrase – l’appellation de “préposition”, tout en signalant que trois d’entre elles subissent exceptionnellement une transformation par suite de la pronominalisation de N1.

2. En d’autres temps nous aurions pu inclure dans ce groupe le couple “hors / dehors” ; il aurait constitué un beau pendant à “dans / dedans” et complété harmonieusement la série. Ce n’est malheureusement plus possible depuis que la préposition “hors” a pratiquement cessé d’être employée librement pour laisser la place aux prépositions composées “au dehors de” (= à l’extérieur de) et “en dehors de” (= à part). “Hors (de)” est néanmoins encore bien vivante dans un certain nombre de locutions adjectivales : “hors-les-murs”, “hors concours”, “hors service”, “hors piste”, “hors catégorie”, “hors du coup”, “hors d’âge”, “hors d’état de nuire”, “hors de soi”, ... Quant à “dehors”, s’il a cessé d’être une humble préposition, il n’en conserve pas moins les mêmes emplois nominaux et adverbiaux que connaît également son antonyme “dedans”.

3.1.2. Les “Prep” que la pronominalisation ne transforme pas. = avec, sans, pour, contre, avant, après, devant, derrière, depuis.

Quelques exemples suffiront :

N0 V avec N-h1→ N-h1, N0 V avec  : Ses vêtements, Max dort avec. N0 V contre N-h1→ N-h1, N0 V contre  : La peine de mort, Léa est contre. N0 V depuis N-h1→ N-h1, N0 V depuis  : Luc est sorti à 8 h, et je ne l’ai pas vu depuis.

On voit que ces prépositions ne sont pas transformées par la pronominalisation, mais que la forme de cette pronominalisation est la même que ci-dessus, sans pronom-adverbe, la préposition se plaçant après le verbe, et seule.

Notes :

1. On aimerait bien qu’il n’y ait pas d’exceptions mais force est de constater que, pour certains verbes, les choses ne se passent pas ainsi. C’est notamment le cas de en finir avec, passer pour, se frapper pour, se prendre pour, où les Prep ne sont pas détachables et relèvent donc de 3.1.3.

2. On remarquera la forme des prépositions devant, derrière, et depuis ; elles commencent par de-, ce qui leur donne un fort air de ressemblance avec les prépositions devant, dessus et dessous vues plus haut. Mais à la différence de ces dernières, elles conservent ce de- quelle que soit leur place dans la phrase, avant et après la pronominalisation ; de plus l’adverbe puis n’a syntaxiquement plus rien à voir avec depuis.

3.1.3. Les “Prep” qui ne sont ni transformables ni détachables de N1. = en, entre, par, chez, dès, vers, pendant, jusque Et parfois : avec, pour (cf. 3.1.2. note 1)

Pour ces prépositions, toute pronominalisation classique est impossible, sauf à recourir à ça ou là ou à d’autres tournures.

Deux exemples suffiront. Prenons d’abord la préposition par  : Max a commencé par le haut. → * Le haut, Max a commencé par est impossible.

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Page 18: Constructions Verbales Et Pronominalisation

On dira : Le haut, Max a commencé par là. (ou : par ça ). Ou encore mieux : Le haut, c’est par là que Max a commencé.

Deuxième exemple : nous avons mis la préposition en dans ce groupe alors que nous l’avons déjà rencontrée dans le chapitre 1. Mais elle n’était là qu’une variante formelle de à (par ex. Max est allé en Italie). Elle est employée dans bien d’autres circonstances, par exemple : Nous avons voyagé en train → * Le train, nous avons voyagé en est impossible. On pourra dire : Le train, c’est ce que nous avons pris pour voyager.

Notes :

1. Nous avons inclus la préposition chez dans ce groupe car elle connaît la même contrainte, mais, à la différence des autres prépositions, elle ne précède que des N1 humains. (Voir 3.3.2. ci-après)

2. Il peut être utile, dans certaines occasions, de regrouper les prépositions dites “locatives” : dans, sur, sous, devant derrière, chez, ... On verra en effet ci-après qu’à l’instar de à, la première d’entre elles, elles entraînent souvent une pronominalisation par “y”. (Voir 3.2. note 3)

3.2. “Prep N1” est un complément circonstanciel.

Après avoir fait le tour d’horizon des différentes prépositions entrant en jeu dans la construction « N0 V Prep N1 » passons maintenant à l’application des règles énoncées plus haut selon les différents types de complément, en commençant par le cas où le groupe “Prep N1” n’est qu’un simple complément circonstanciel.

Par rapport à notre schéma-titre – N0 V Prep N1 – le schéma de la phrase doit ici se lire « N0 V X Prep N-h1 », où N-h1 peut certes représenter un “lieu”, au sens large du terme, mais également bien d’autres choses selon la préposition concernée. Les compléments d’objet direct ou indirect occupant éventuellement la place de X ne jouent aucun rôle dans la pronominalisation de N1.

Notes :

1. Au risque de choquer nos collègues linguistes, nous avons préféré la formule “N0 V X Prep N1” à celle, théoriquement plus juste, de “N0 V N1 Prep N2”. Nous l’avons fait pour ne pas apporter de complication supplémentaire à un exposé qui se veut avant tout pédagogique, et qui, tel quel, en comporte déjà suffisamment.

2. On nous objectera peut-être que N1 pourrait bien être également humain. On peut effectivement “monter sur Nh” ou “lui rentrer dedans” ce qui prouverait la nature locative de Nh. Nous reviendrons sur ce point en 3.3.2.

Le groupe “Prep N-h1” n’étant ici qu’un simple complément circonstanciel, beaucoup de verbes du lexique peuvent occuper la place de V. Citons-en quelques-uns à titre d’exemples :  verbes intransitifs : aller / courir / marcher / passer derrière ou devant, venir /

arriver / partir avant ou après, se poser sur, monter sur / dans, se jeter dans, tomber dans, rester dans, regarder sous / sur / dans, partir avec, passer sous / sur / dans, ...  verbes transitifs directs : chercher X sous / sur / dans, passer X sous / sur / dans,

...

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Page 19: Constructions Verbales Et Pronominalisation

Pour les règles, on se reportera ci-dessus en 3.1. ; on les appliquera selon la préposition concernée. Nous nous limiterons donc ici à redonner quelques exemples :

La marmite, Obélix est tombé dedans. Ses vêtements, Max dort avec. Le haut, Max a commencé par là.

Notes (suite) :

3. “N0 V dans N-h1” peut donner lieu à “N-h1, N0 V dedans”, mais aussi à “N-h1, N0 y V”. Il est bien difficile d’émettre une règle. Et cette remarque vaut en fait pour toutes les prépositions locatives : en, sur, sous, devant, derrière, chez, ...

3.3. “Prep N1” est un complément essentiel.

3.3.1. N1 est non-humain (N-h1)

Plusieurs verbes fréquents sont construits avec la préposition sur  : agir sur, compter sur, porter sur, tomber sur, s’arrêter sur, se jeter sur, ... ... mais aussi avec d’autres prépositions : aller avec, faire avec, en finir avec, se battre avec / contre / pour, s’assurer contre, être contre / pour, courir après, ...

Pour les règles, on se reportera ci-dessus en 3.1. ; on les appliquera selon la préposition concernée. Nous nous limiterons donc ici à donner ou redonner quelques exemples :

Je suis tombé sur ce livre par hasard. → Ce livre, je suis tombé dessus par hasard. Max court sans cesse après l’argent. → L’argent, Max court sans cesse après. Luc veut en finir avec les problèmes. → Les problèmes, Luc veut en finir avec ça.

Notes :

1. Pour ce dernier exemple, voir note 3.1.2. note 1. 2. Le verbe compter, qui se construit directement – c.-à-d. sans préposition –

aussi bien avec l’infinitif qu’avec une complétive au futur ou au subjonctif, entraîne curieusement une pronominalisation de son objet par y , comme si son complément nominal était “à N1” au lieu de “sur N1” : Vous comptez gagner ? / qu’il avoue(ra) ? / sur une victoire ? – J’y compte bien ! Familièrement on dit aussi : Compte (là-)dessus !

3.3.2. N1 est humain (Nh1)

Plusieurs verbes sont construits avec la préposition sur : agir sur, compter sur, tomber sur, se jeter sur, ... ... mais aussi avec d’autres prépositions : s’entendre avec, voter pour, se présenter contre, sortir avec, coucher avec, se battre avec / contre / pour, être contre / pour, venir / arriver / partir avant ou après, passer devant / derrière, habiter / aller chez, ...

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Page 20: Constructions Verbales Et Pronominalisation

Quant à la pronominalisation de N1, les choses semblent ici plus simples : quelle que soit la préposition et pour la plupart des verbes, la règle est la même :

Règle, N0 V Prep Nh1 → N1, N0 V Prep LUI-pp

Je compte sur Max. → Max, je compte sur lui. Max sort / couche avec Léa. → Léa, Max sort / couche avec elle. Luc habite chez ses parents. → Ses parents, Luc habite chez eux.

Cela dit, surtout dans la langue familière, un certain nombre de verbes fonctionnent un peu différemment. Par exemple :

 “Nh1, Nh0 lui court après” : expression familière courante signifiant que Nh0 cherche à obtenir les faveurs de Nh1. On pourrait croire à une sorte de pronominalisation de la phrase “Nh0 court après Nh1”. Or on dit en fait beaucoup plus couramment Léa, Max lui court après que Max court après Léa. Il semble bien qu’on ait ici affaire à un figement qui fait de ce verbe “LUI-ap courir après” un véritable verbe composé ayant un tout autre sens que celui de “courir après N-h” que nous avons vu en 3.3.1.

 “Nh1, Nh0 lui est rentré dedans” : expression familière courante signifiant que Nh0 s’est montré physiquement ou verbalement hostile à Nh1. On pourrait ici aussi croire à la pronominalisation de la phrase “Nh0 est rentré dans Nh1”. Or il n’en est rien, on n’entendra jamais * Max est rentré dans Luc. On a donc aussi affaire à un figement qui fait de “LUI-ap rentrer dedans” un véritable verbe composé.

 Idem avec “Nh1, Nh0 lui est tombé dessus” : expression familière courante signifiant que Nh0 s’en est pris verbalement à Nh1 de façon subite et violente. On entendra souvent ce verbe “LUI-ap tomber dessus ...” complété par “... comme la misère sur le pauvre homme.”

Note :

Dans un contexte d’échange d’idées ou d’élections, on ne sera pas surpris d’entendre “Nh1, je suis contre” ou “Nh1, je vote pour”, etc. On a ici probablement affaire, pensons-nous, à un fait de langue comparable à celui déjà relevé antérieurement (Ce type-là, je m’en occupe, 2.3.2. note 1), à savoir une forme d’objectivisation de Nh1.

À suivre. Prochain chapitre : La construction « N0 V N1 »

Constructions verbales et pronominalisation : un essai de clarification (4)4. La construction « N0 V Det N1 »mercredi 14 mars 2007 , par Jean-Claude Rolland  

Plan du chapitre

4.1. Les éléments à prendre en compte 4.1.1. Les verbes 4.1.2. Les déterminants

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Page 21: Constructions Verbales Et Pronominalisation

4.2. La pronominalisation de N1 4.2.1. Det est défini, la construction s’écrit : « N0 V Detdef N1 » 4.2.2. Det est indéfini, la construction s’écrit : « N0 V Detindef N1 » 4.2.3. N1 est un infinitif (Vinf) 4.2.4. N1 est une complétive (que P) 4.2.5. Les pronominalisations figées

4.1. Les éléments à prendre en compte

4.1.1. Les verbes

Les verbes qui se contruisent avec un complément d’objet direct sont très nombreux. La liste non exhaustive que nous en donnons ci-après sera valable pour l’ensemble du chapitre et nous n’aurons donc pas, sauf exception, à la reproduire dans chaque partie :

 Verbes simples : aimer, apercevoir, appeler, apprendre, arrêter, attendre, avoir, baisser, battre, changer, chercher, commencer, comprendre, compter, conduire, connaître, continuer, croire, demander, descendre, dire, écouter, écrire, élever, entendre, essayer, faire, fermer, finir, frapper, gagner, garder, imaginer, jeter, jouer, laisser, lever, lire, manger, manquer, mener, mettre, monter, occuper, oser, oublier, perdre, permettre, porter, pousser, prendre, présenter, produire, quitter, rappeler, recevoir, reconnaître, refuser, regarder, remarquer, remettre, rencontrer, rentrer, reprendre, représenter, retenir, retrouver, revoir, savoir, sentir, servir, sortir, suivre, tenir, tirer, toucher, traverser, trouver, tuer, valoir, voir, vouloir, ...  Verbes pronominaux : se payer, se permettre, se rappeler, s’expliquer, ...  Verbes composés : faire attendre / marcher / parler, ... ; mettre en question / en

cause / de côté / en place / à mort / au monde / au point, ... ; prendre au mot / au sérieux / sur le fait, ...

Certains de ces verbes se construisent seulement avec un N1 humain (faire attendre), d’autres seulement avec un N1 non-humain (produire), et le reste indifféremment avec l’un ou l’autre (aimer).

Certains de ces verbes, comme on le verra, se construisent parallèlement avec une complétive ou un infinitif, ou les deux.

Note :

Le verbe croire, riche en constructions puisqu’on peut aussi bien croire N1, croire à N1, croire en N1, croire Vinf et croire que P, fera l’objet d’un traitement particulier au chapitre “6. Questions diverses”.

4.1.2. Les déterminants

Pour la pronominalisation de N1, nous avons vu dans les chapitres précédents que ses déterminants ne jouaient aucun rôle. En revanche, avec celle-ci, « N0 V Det N1 », ils jouent un rôle ... déterminant ! D’où leur apparition pour la première fois dans le schéma phrastique qui constitue l’intitulé de nos chapitres.

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Page 22: Constructions Verbales Et Pronominalisation

Rappelons que la classe des déterminants se subdivise en deux sous-groupes principaux, les déterminants définis (ci-après Detdef) et les déterminants indéfinis (ci-après Detindef).

 Les déterminants définis (Detdef) :

les articles le, la, les les adjectifs possessifs mon, ton, son, mes, tes, ses, etc. les adjectifs démonstratifs : ce, cet, cette, ces.

 Les déterminants indéfinis (Detindef) : trop nombreux pour être tous cités, et qui se subdivisent à leur tour en déterminants

numéraux : un(e), deux, trois, etc. adjectivaux : certains, plusieurs, divers, quelques, ... adverbiaux : assez de, autant de, beaucoup de, moins de, peu de, plus de,

trop de, ... ; beaucoup moins / plus de, de moins en moins de, de plus en plus de, pas mal de, très peu de, un peu trop de, etc.

nominaux : une quantité de, un grand / certain nombre de, une bande de, un (petit) coup de, un bout de, une gorgée de, etc.

et les “articles partitifs”. Au sein des déterminants indéfinis, il nous faut effectivement faire une place à part à un petit groupe ainsi appelé en grammaire traditionnelle : du (pour *de le), de la, des (pour *de les).

Notes :

1. un(e) est à la fois le plus fréquent et le plus simple des « articles indéfinis » et le premier des nombres ; il partage à ce titre – et très régulièrement – le comportement syntaxique des autres déterminants numéraux. (Voir 4.2.3. )

2. La pronominalisation transforme quelques en quelques-un(e)s : Max a reçu chez lui quelques ami(e)s → Max en a reçu quelques-un(e)s.

4.2. La pronominalisation de N1

4.2.1. Det est défini, la construction s’écrit : « N0 V Detdef N1 »

Il faut distinguer à ce niveau les cas où N1 désigne un référent bien particulier et ceux où il a un sens général désignant le concept :

 N1 désigne un référent bien particulier (N1part), à commencer par les noms propres : Max, Luc, Léa, mes amis, les amis de Max, ces livres, les livres de ma bibliothèque, le beurre qui est sur la table, la politique du gouvernement, ...

Detdef peut être n’importe lequel des déterminants de ce groupe. (voir liste en 4.1.2. )

Règle : N0 V Detdef N1part → Detdef N1part, N0 LE V.

LE = les trois pronoms le, la, les ... dont les formes – ce n’est pas un hasard – sont identiques à celles de l’article défini.

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Page 23: Constructions Verbales Et Pronominalisation

J’ai appris le russe au collège. → Le russe, je l’ai appris au collège. Max sait où retrouver ses amis. → Ses amis, Max sait où les retrouver. Les livres anciens (que tu vois, là), je les ai achetés en Allemagne. Le beurre qui est sur la table, tu peux le mettre au frigo ? La politique du gouvernement, j’ai du mal à la comprendre.

 N1 a un sens général (N1gener) : les amis, les livres, le beurre, le courage

Règle : N0 V LE N1gener → LE N1gener, N0 V ça.

LE = les trois articles définis le, la, les ... dont les formes – comme nous venons de le voir ci-dessus – sont identiques à celles du pronom personnel objet de la troisième personne.

Je laisse les livres pour plus tard. → Les livres (= la lecture), je laisse ça pour plus tard. Max n’aime pas le beurre. → Le beurre, Max n’aime pas ça. Max suit la politique de très près. → La politique, Max suit ça de très près. Les amis (= l’amitié), je connais ça.

Note :

À l’oral, on entend de plus en plus souvent “LE N1génér, j’aime / j’adore, etc.” avec une pronominalisation “zéro”.

4.2.2. Det est indéfini, la construction s’écrit : « N0 V Detindef N1 »

Detindef peut être n’importe quel déterminant de ce groupe. (voir liste non exhaustive en 4.1.2. )

Règle : N0 V Detindef N1 → DU N1, N0 en V Detindef.

DU = du, de la, des

Max a lu beaucoup de livres. → Des livres, Max en a lu beaucoup. Max a mangé un peu trop de beurre. → Du beurre, Max en a mangé un peu trop.

Léa a une bonne dose de courage. → Du courage, Léa en a une bonne dose. De la viande, je viens d’en acheter un petit bout. / une grande quantité. Des amis, Max en a perdu un / trois / plusieurs / quelques-uns.

Avec les articles partitifs, la pronominalisation se réduit à : → DU N1, N0 en V.

Léa a du courage. → Du courage, Léa en a. J’ai des livres à revendre. → Des livres, j’en ai à revendre. Max ne mange plus de beurre. → Du beurre, Max n’en mange plus. Des amis, Max en reçoit encore de temps en temps.

4.2.3. N1 est un infinitif (Vinf)

Quelques-uns des verbes que nous avons cités au début de ce chapitre peuvent avoir un infinitif à la place de N1, voire, pour certains, une complétive ou une interrogative

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Page 24: Constructions Verbales Et Pronominalisation

indirecte. Citons : savoir, se rappeler, avouer, espérer, reconnaître, aimer, croire, vouloir, devoir, oser, pouvoir, ...

Note :

Les seuls “N1” possibles pour pouvoir semblent n’être que quelque chose, tout et rien. Mais cela suffit pour que ce verbe figure dans ce groupe.

Règle : N0 V Vinf → Vinf, (Ça,) N0 V.

Autrement dit, c’est ce que nous avons appelé (voir 1.3.1. , et note 1) une pronominalisation “zéro”, avec tout de même la possibilité, à l’oral, de l’insertion d’un ça de rappel placé avant N0.

Vous savez nager ? – (Ça,) Je sais. Max viendra ? – (Ça,) Je ne sais pas. Vous aurez quelques jours de libres en été ? – (Ça,) J’espère. Vous voulez vous assoir ? – (Ça,) Je veux bien.

Variante pour certains verbes : → Vinf, N0 V ça.

Dire du mal des gens, je n’aime pas ça du tout.

Rappelons (cf. 1.3.1. ) que certains des verbes cités ici plus haut en 4.1.1. se construisent quant à eux non pas directement avec “Vinf” mais avec “ à Vinf”, où “à” est à l’évidence aussi explétif que le “to” anglais. Il s’agit notamment de : apprendre, chercher, commencer, continuer, demander, ... La forme de pronominalisation est la même que ci-dessus, à savoir la pronominalisation “zéro” :

Max a-t-il demandé à voir un médecin ? – Oui, il a demandé.

Dans certains cas – mais pas dans tous – on rencontrera une autre forme de pronominalisation par “le faire” :

Max a-t-il appris à bien se tenir ? – Oui, il a appris à le faire.

Rappelons aussi (cf. 2.4.1. ) que certains des verbes cités ici plus haut en 4.1.1. se construisent quant à eux avec “ de Vinf”, où “de” est tout aussi explétif que le “à” que nous venons de voir. Il s’agit notamment de : oublier, attendre, refuser, arrêter, continuer, essayer, finir, se permettre, ... La forme de pronominalisation est la même que pour “Vinf” et “à Vinf”, c’est toujours la pronominalisation “zéro” ou par “le faire” :

Max a-t-il oublié de fermer la porte ? – Oui, il a oublié (de le faire).

Dans de rares cas on rencontrera une pronominalisation par “le”, qui est normalement plus propre aux complétives qu’aux infinitifs (cf. 4.2.5. ) :

Max se permet-il de courtiser Léa ? – Oui, il se le permet.

4.2.4. N1 est une complétive (que P)

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Page 25: Constructions Verbales Et Pronominalisation

D’autres verbes cités au début de ce chapitre peuvent avoir, à la place de N1, une complétive, voire parfois une interrogative indirecte, mais pas d’infinitif. Citons : comprendre, expliquer, imaginer, trouver, voir, lire, remarquer, supposer, sentir, s’imaginer, ...

Règle : N0 V que P → que P, N0 le V.

le  : pronom personnel neutre et invariable.

Tu as remarqué que Léa n’a pas l’air heureuse ? – Je l’ai remarqué. Que tu ne veuilles pas travailler pour le roi de Prusse, je peux le comprendre. Que Léa soit de mauvaise humeur, Max ne se l’explique pas.

4.2.5. Les pronominalisations figées

Elles ne sont pas très nombreuses. On peut le plus souvent deviner assez facilement quel N1 est sous-entendu. Citons les plus connues :

On ne me la fait pas. (= cette sorte de plaisanterie) Max l’a trouvée plutôt mauvaise. (= la plaisanterie qu’on lui a faite) Tu me la copieras ! (= l’histoire que tu viens de me raconter, de me faire vivre) Max l’a emporté sur Luc. (= la victoire ?) Je l’ai échappé(e) belle !

Note orthographique :

Pour les deux dernières locutions, si le participe emporté est toujours au masculin, faute d’indice tangible, il n’en est pas de même pour échappé qui est laissé au masculin par ceux qui arguent d’un figement ancien, et mis au féminin par ceux qui s’appuient sur “belle” et sur la règle d’accord du participe.

À suivre. Prochain chapitre : Les constructions doubles

Constructions verbales et pronominalisation : un essai de clarification (5)5. Les doubles pronominalisationssamedi 7 avril 2007 , par Jean-Claude Rolland  

Plan du chapitre

Note préliminaire 5.1. La construction « N0 V N1 à N2 » 5.2. La construction « N0 V N1 de N2 » 5.3. La construction « N0 V N1 Prep N2 » 5.4. La construction « N0 V à N1 de N2 »

Note préliminaire

On aura eu l’occasion, au cours des chapitres précédents, de se rendre compte de la complexité du sujet traité. On peut donc imaginer qu’avec la double

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Page 26: Constructions Verbales Et Pronominalisation

pronominalisation on atteint le summum de cette complexité. Cela dit, si les règles ci-dessous sont généralement respectées dans la langue écrite, il n’en est pas de même à l’oral, où l’on répète plus facilement l’un des deux compléments au lieu de le pronominaliser, et où l’expression se relâche au point que le pronom objet direct est carrément escamoté. On ne sera donc pas surpris d’entendre des répliques comme :

Tu l’as dit à Max ? – Oui, je lui ai dit au lieu de Oui, je le lui ai dit.

Nous avertissons par ailleurs le lecteur que nous conservons bien évidemment notre système de “règles” mais qu’à la différence des chapitres précédents, nous ne reprenons pas, après la flèche, les deux compléments pronominalisés car les phrases ainsi obtenues auraient été lourdes et bien peu naturelles ; nous compensons cette absence par un jeu de couleurs différentes qui permet de relier les pronoms (à droite) à ce qui est pronominalisé (à gauche).

5.1. La construction « N0 V N1 à N2 »

Parmi les assez nombreux verbes ayant cette construction, citons :  ceux pour lesquels N2 est humain : amener, apporter, apprendre, avouer,

conduire, demander, devoir, dire, donner, envoyer, expliquer, faire, laisser, mener, montrer, offrir, passer, payer, porter, prendre, présenter, raconter, rappeler, remettre, rendre, reprendre, servir, sortir, ...  et, parmi ceux-là, ceux pour lesquels N2 peut aussi être non-humain : amener,

apporter, conduire, envoyer, laisser, mener, porter, remettre, ...

Pour que sa pronominalisation soit possible, N2 doit être défini. Il peut aussi être un “à Vinf”. (voir ci-dessous 5.1.6. )

N1 peut être défini ou indéfini. Qu’il soit humain ou non-humain n’est pas pertinent. Il peut aussi être un “de Vinf”, une “que P” ou une “Inter P”. (voir ci-dessous 5.1.5. et 5.1.6. )

On a donc les combinaisons suivantes :

5.1.1. N1 est défini et N2 est humain :

Notes :

1. L’ordre des pronoms est différent lorsque N2 est un pronom du dialogue (c-à-d. de la première ou de la deuxième personne) : Léa, Max me/te l’a présentée.

2. On remarquera un effet “collatéral” de la pronominalisation : les exemples ci-dessus se prêtent également bien à une illustration de la règle d’accord

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Page 27: Constructions Verbales Et Pronominalisation

du participe passé employé avec avoir  : invariable à gauche de la flèche, il s’accorde à droite puisque le COD le précède.

5.1.2. N1 est défini et N2 est non-humain :

5.1.3. N1 est indéfini et N2 est humain :

5.1.4. N1 est indéfini et N2 est non-humain :

Note :

Nous avons vu dans un chapitre précédent ( 1.1.3. , note 3) que la combinaison *en y n’était pas admise. On voit ici que, curieusement, la combinaison inverse y en, bien qu’un peu lourde, est quant à elle possible. Elle est notamment très fréquente avec le verbe composé impersonnel il y a (ex. il y en a beaucoup, etc.).

5.1.5. N1 est un “de Vinf”, une “que P” ou une “Inter P” :

 Verbes se construisant avec “de Vinf” : demander, dire, écrire, permettre, (dé)conseiller, recommander, rappeler, ordonner, défendre, interdire, ...  Verbes se construisant avec “que P” ou “Inter P” : apprendre, avouer, demander,

dire, écrire, expliquer, montrer, raconter, rappeler, répondre, ...

Note :

Dans les cas où, avec les verbes ci-dessus, le groupe “de Vinf” occupe la place de “N1”, la préposition est un mot explétif qui sert de simple support à l’infinitif, à la manière du to anglais. On ne sera donc pas surpris de trouver ici ce groupe en fonction et place d’objet direct, et pronominalisé comme tel. Il faudra donc bien se défier des apparences et ne pas confondre cette construction avec la construction “N0 V à N1 de N2”. (voir 5.4.)

Dans la règle ci-après : le est un pronom personnel neutre et invariable.

La règle théorique est donc la suivante :

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Page 28: Constructions Verbales Et Pronominalisation

... mais le plus souvent, dans la pratique, le complément “à Nh2” étant plus court que tout ce qui peut occuper la place de N1, N1 et N2 sont inversés à gauche de la flèche, mais conservent leur place à droite :

5.1.6. N2 est un “à Vinf” :

Verbes se construisant avec “à Vinf” : amener, conduire, pousser, forcer, contraindre, obliger, inviter, ...

Notes :

1. Dans le groupe “à Vinf” – contrairement à ce qui se passe pour le groupe “de Vinf” vu ci-dessus – la préposition n’est ici pas du tout explétive, c’est celle qui entre dans la construction générale “N0 V N1 à N2” examinée dans cette partie. Il est donc normal de trouver ici ce groupe en fonction et place d’objet indirect, et pronominalisé comme tel.

2. Il serait théoriquement possible d’avoir un groupe “à ce que P ” à la place de “N2”, mais dans la pratique, avec ces verbes, N1 humain étant de facto à la fois l’objet du verbe principal et le sujet du verbe de la complétive, la grammaire impose l’infinitif.

Notes (suite) :

3. On aura tout intérêt à faire étudier les sous-parties 5.1.5. et 5.1.6. en opposition l’une à l’autre, à y faire observer la place – identique – des divers actants, la place – différente – de la préposition à, le rôle explétif de la préposition de, et les pronominalisations respectives. (Max a dit à Luc de venir. # Max a invité Luc à venir.)

5.2. La construction « N0 V N1 de N2 »

Parmi les verbes ayant cette construction, citons : arracher, assurer, éloigner, extraire, obtenir, priver, ramener, rapporter, recevoir, sauver, sortir, tenir, tirer, ... (cf. 2.1.)

Notons une double pronominalisation impossible, celle où N1 est indéfini et N2 non-humain ; elle génèrerait en effet théoriquement l’emploi de deux “en” successifs. Jugeons-en :

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Page 29: Constructions Verbales Et Pronominalisation

Ne subsiste donc que la combinatoire suivante :

5.2.1. N1 est défini et N2 est humain :

5.2.2. N1 est défini et N2 est non-humain :

5.2.3. N1 est indéfini et N2 est humain :

5.2.4. N2 est un “de Vinf” :

Il semble bien que le verbe empêcher soit l’un des rares verbes usuels à pouvoir se construire ainsi.

“de” n’est pas ici explétif comme il l’était en 5.1.5. , mais bien la préposition à part entière propre à la construction.

N1 peut être défini ou indéfini. Selon les cas, la pronominalisation est différente :

5.3. La construction « N0 V N1 Prep N2 »

Les verbes sont les mêmes que ceux vus en 5.1. Rappelons-en quelques-uns : chercher, coller, conduire, emmener, envoyer, jeter, laisser, mettre, passer, poser, remettre, trouver, ... (Pour les diverses “Prep”, voir 3.1.)

5.3.1. N1 est défini et N2 est humain :

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Page 30: Constructions Verbales Et Pronominalisation

5.3.2. N1 est défini et N2 est non-humain :

5.3.3. N1 est indéfini et N2 est humain :

5.3.4. N1 est indéfini et N2 est non-humain :

5.4. La construction « N0 V à Nh1 de N2 »

Les choses sont ici beaucoup plus simples. Cette construction ne concerne en effet qu’un très petit nombre de verbes usuels, essentiellement parler et servir, que nous allons examiner successivement.

Pour l’un comme pour l’autre, il semble bien que N1 ne puisse être qu’humain. Réglons d’abord le cas de servir.

  servir  : il est plus usuel de dire “N0 sert de N2 à Nh1” que “N0 sert à Nh1 de N2” ; en effet, “servir de N2” est semi-figé avec un N2 sans déterminant (servir d’esclave, de mari, de faire-valoir, etc.), ce qui en rend la pronominalisation impossible. Seul Nh1 restant pronominalisable, il n’y a donc plus que la possibilité d’avoir des phrases comme :

Max sert de faire-valoir à Luc. → Luc, Max lui sert de faire-valoir.

Il vaut donc mieux carrément verser le verbe “servir de Nfigé” au nombre des verbes composés construits avec “à N1” (cf. 1.2.1.).

Si bien qu’il ne nous reste plus qu’à examiner le cas de parler :

  parler  : il semble bien que, pour être pronominalisables, N1 et N2 ne puissent être que définis, ce qui limite la combinatoire aux deux cas suivants :

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Page 31: Constructions Verbales Et Pronominalisation

À suivre. Prochain chapitre et dernier : Questions diverses

Constructions verbales et pronominalisation : un essai de clarification (6)6. Questions diversesdimanche 6 mai 2007 , par Jean-Claude Rolland  

Plan du chapitre

Note préliminaire

6.1. Les constructions des principaux verbes impersonnels 6.1.1. La construction “Il V Det N1” 6.1.2. Les constructions “Il V Vinf / à Vinf / de Vinf” 6.1.3. Les constructions “Il V que P” et “Il V que Psubj”

6.2. La pronominalisation du complément de nom 6.2.1. La pronominalisation est possible 6.2.2. La pronominalisation est impossible

6.3. Récapitulatif 6.3.1. Les principaux exemples 6.3.2. Les pronoms personnels : formes et fonctions

6.4. Annexes 6.4.1. Le cas du verbe croire. 6.4.2. La pronominalisation de l’attribut.

Note préliminaire

Comme son titre l’indique, ce chapitre manque certainement de cohérence dans la mesure où s’y trouvent rassemblées un certain nombre de questions diverses qui n’ont pas pu être traitées dans les chapitres précédents, et qui le sont donc ici par souci d’embrasser le plus largement possible les nombreux aspects posés par le vaste et complexe sujet de la pronominalisation. Entrer dans ce sujet par les constructions verbales nous a semblé la moins mauvaise solution, mais cela n’en permettait évidemment pas un traitement exhaustif, et nous ne sommes d’ailleurs pas persuadé qu’une autre entrée eût donné de bien meilleurs résultats. Nous avons certainement omis de traiter certains points importants. Merci d’avance à qui voudra bien nous les signaler. Mais disons-le d’emblée : sera ajouté tout – et seulement – ce qui nous semblera vraiment utile pour l’enseignement du français aux étrangers.

6.1. Les constructions des principaux verbes impersonnels

Le tableau ci-dessous fait l’inventaire des constructions – parfois simples et parfois doubles – d’une petite liste de verbes impersonnels parmi les plus fréquents. Nous y

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Page 32: Constructions Verbales Et Pronominalisation

avons inclus les présentateurs “voici” et “voilà”, qui, bien que ne se conjuguant pas, possèdent plusieurs caractéristiques des verbes impersonnels.

VERBES Det N1 Vinf à Vinf de Vinf que P que PsubjIl arrive (à N2) + +Il faut (à N2) + + +Il manque (à N2) + + +Il n’empêche +Il paraît +Il reste (à N2) + + +Il s’agit +Il se peut +Il semble +Il vaut mieux + +Il y a +Voici / Voilà + +

Nous nous bornerons, pour chaque verbe, à donner un ou deux exemples illustrant ses constructions les plus courantes, en renvoyant éventuellement aux chapitres et paragraphes où ces dernières ont été traitées.

6.1.1. La construction “Il V Det N1 (à N2)”

 Il faut Det N1 (à N2) :

Cet homme, à Max, il le lui faut. (Mais : Cet homme, à moi, il me le faut.) (cf. 5.1.1. )

De la chance, (à Max), il (lui) en faudrait beaucoup. (cf. 5.1.3. ) Combien faut-il d’hommes au général ? – Il lui en faut mille de plus.

 Il reste Det N1 (à N2) :

De l’argent, (à Max), il (lui) en reste un peu. (cf. 5.1.3. )

 Il manque Det N1 (à N2) :

Des vêtements, (à Max), il (lui) en manque plusieurs. (cf. 5.1.3. )

C’est donc un petit groupe assez homogène, auquel nous pouvons associer

  Voici / Voilà Det N1 :

Montre-moi tes mains. – Les voilà. (Molière, L’avare) (cf. 4.2.1. ) Tu veux du pain ? En voici (un morceau). (cf. 4.2.2. et 4.2.3. )

6.1.2. Les constructions “Il V Vinf / à Vinf / de Vinf”

 Il faut Vinf : Faut-il donc tout laisser ? – Il le faut.

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Page 33: Constructions Verbales Et Pronominalisation

 Il vaut mieux Vinf : Vaut-il mieux partir ? – Ça vaut mieux. (Var. Il vaut mieux ça .)

Ces deux formes de pronominalisation, que nous n’avions pas encore rencontrées, montrent bien qu’il existe deux types de verbes impersonnels, ceux du type il faut, qui admettent bel et bien un Vinf complément d’objet direct, et ceux du type il vaut mieux, où, sous l’apparence d’un Vinf complément d’objet direct, se cache en fait un Vinf sujet qui est le véritable sujet du verbe. La grammaire traditionnelle appelle ici le pronom il le “sujet apparent” du verbe, par opposition à son “sujet réel”, l’infinitif postposé.

 Il reste à Vinf : Il reste à examiner beaucoup d’autres sujets. Malgré l’emploi – probablement explétif – de la préposition à, l’infinitif semble bien être ici aussi le sujet réel du verbe, mais sa pronominalisation est difficile ; on ne peut pas dire *Examiner beaucoup d’autres sujets, ça reste. Mais on peut dire, à la rigueur, Examiner beaucoup d’autres sujets, il reste ça (à faire).

 Il ne manque plus que de Vinf : La préposition change – c’est de au lieu de à – mais la pronominalisation est aussi difficile que pour il reste. On dira donc : Il ne manque plus que de fermer l’eau (avant de partir). → Il ne manque plus que ça (à faire).

Note :

Pour “Il ne manquerait plus que ça !” (= ce serait le bouquet ! / un comble !), phrase figée exclamative où ça représente une action redoutée, envisagée comme venant éventuellement s’ajouter à d’autres déjà réalisées et tout aussi néfastes, voir 6.1.3. ci-après.

 Il arrive à N2 de Vinf : Il m’arrive de fumer. → Fumer, ça m’arrive. L’infinitif est ici le sujet réel du verbe et sa pronominalisation est possible, preuve que de est bien ici un mot explétif, comme nous l’avons vu d’autres fois tout au long de cet exposé.

 Il s’agit de Vinf / de N1 : Il s’agit d’être ou de ne pas être. L’infinitif est bien ici le complément essentiel du verbe et non son sujet, comme le prouve la construction “de N1” en regard, et sa pronominalisation est tout aussi impossible ; on tourne de diverses façons : Être ou ne pas être, voilà de quoi il s’agit / c’est de ça qu’il s’agit / il s’agit de ça. Idem avec un complément nominal : De quoi s’agit-il ? – Il s’agit de notre rendez-vous. → Notre rendez-vous, voilà de quoi il s’agit. Etc.

6.1.3. Les constructions “Il V que P” et “Il V que Psubj”

La pronominalisation des “que P”, complétives à l’indicatif, est impossible :

 Il (n’en) reste (pas moins) que P : Il (n’en) reste (pas moins) que tu m’as menti.   Voici / Voilà que P : Voici que l’hiver approche.

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Page 34: Constructions Verbales Et Pronominalisation

 Il n’empêche que P : Il n’empêche que j’avais raison.  Il paraît que P : Il paraît qu’il va faire beau.  Il y a que P : Tu ne manges pas ? Qu’est-ce qu’il y a ? – Il y a que je n’ai pas faim.

La pronominalisation est également impossible pour

 Il semble que Psubj : Il semble que le temps soit en train de changer. Ce verbe, qui ne connaît donc pas de construction avec Vinf., s’apparente ainsi aux verbes suivis d’une complétive à l’indicatif. Il y a d’ailleurs dans l’usage un certain flottement quant au mode de la complétive ; on ne s’étonnera donc pas de tomber, à l’oral tout du moins, sur des il semble que P + indicatif : Il semble que le temps est en train de changer.

En revanche, la pronominalisation des “que Psubj”, complétives au subjonctif, est, grosso modo, la même que celle des infinitifs (6.1.2.), ce qui montre bien, une fois de plus, que le subjonctif est en quelque sorte une “forme conjuguée” de l’infinitif. (cf. notre série d’articles sur le Système verbal sur le site EduFLE.net, et notamment le ch. VI, 3).

 Il faut que Psubj : Faut-il que j’aille voir le médecin ? – Il le faut.  Il vaut mieux que Psubj : Il vaut mieux que je me taise. → Je me tais, ça vaut

mieux.  Il arrive que Psubj : Il arrive qu’on se trompe. → On se trompe, ça arrive.  Il ne manque(rait) plus que Psubj : Que Max vienne ? Il ne manquerait plus que

ça !  Il se peut / se pourrait (bien) que Psubj : Qu’il pleuve ? Ça se pourrait bien.

6.2. La pronominalisation du complément de nom

Notre entrée dans le sujet par les constructions verbales nous a permis d’en traiter la plus grande partie. Cet exposé reste néanmoins à compléter par un aspect de la pronominalisation qui échappe aux constructions verbales et qui est celui de la pronominalisation du complément de nom.

Le groupe formé par un nom et son complément est de la forme « Nx de Ny », où « de Ny » est le complément du nom « Nx ». Le groupe nominal « Nx de Ny » peut avoir dans la phrase diverses fonctions et occuper diverses places.

Note :

Ny est généralement un N-h ou un Nh général, et non un Nh particulier : Max a réparé la voiture de Luc. → * Luc, Max en a réparé la voiture est impossible. On dit : Luc, Max lui a réparé sa voiture. Fam. et régional (sud de la France) : Max lui a réparé la voiture. Autre exemple, où un Ny humain est visiblement “objectivisé” : Ma mère était à moi, personne ne m’en contestait la tranquille possession. (Sartre)

6.2.1. La pronominalisation – qui se fait donc par le pronom-adverbe en dont on connaît bien maintenant les affinités avec la préposition de – est possible dans les cas suivants :

 « Nx de Ny » est le sujet d’un verbe d’état : La solution de ce problème est simple. → Ce problème, la solution en est simple.

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Page 35: Constructions Verbales Et Pronominalisation

 « Nx de Ny » est le sujet d’un verbe intransitif : La durée de la vie augmente. → La vie, la durée en augmente.  « Nx de Ny » est le complément d’un verbe transitif direct :

Max a réparé le moteur de sa voiture. → Sa voiture, Max en a réparé le moteur.  « Nx de Ny » est l’attribut d’un verbe d’état :

Max est l’âme de son groupe d’amis. → Son groupe d’amis, Max en est l’âme.

6.2.2. La pronominalisation est impossible – mais compensée par le recours à l’adjectif possessif – dans les cas suivants :

 « Nx de Ny » est le sujet d’un verbe transitif : Le soleil se leva : ses rayons caressèrent la cime de la montagne.  « Nx de Ny » est le complément d’un verbe transitif indirect :

Si cette pièce était un tableau, comme on s’extasierait sur sa matière.  « Nx de Ny de Nz », ou “la cascade” de compléments :

Je revoyais (...) l’antique château (...), la rivière qui baignait le pied de ses murailles.

6.3. Récapitulatif

6.3.1. Les principaux exemples

Conscient des imperfections de cet “essai de clarification”, et de la difficulté qu’il peut y avoir à passer de la théorie à la pratique, il nous a semblé utile de rappeler ci-dessous les 25 principaux exemples qui ont jalonné notre exposé, et dont la liste pourrait, faute de mieux, être proposée comme aide-mémoire à des apprenants, et ce, dans l’ordre qu’on voudra. Volontairement, nous ne les avons conservés ici ni sous leur forme originale, ni dans leur ordre chronologique d’apparition, ni référencés ; ils ont été homogénéisés, simplifiés et alphabétiquement ordonnés. Libre à chacun d’opérer des regroupements comme bon lui semblera en fonction des constructions verbales, des formes de pronominalisation, des caractéristiques des actants, etc. Il sera même utile de battre et de rebattre ce jeu de 25 cartes de diverses façons et à plusieurs reprises car personne n’imagine qu’un tel sujet puisse être assimilé – sauf par un génie de type mozartien – en une seule fois.

Il faut cet homme à Max. → Cet homme, à Max, il le lui faut.Il me faut cet homme. → Cet homme, à moi, il me le faut.Max a obtenu un prêt de son banquier. → Max en a obtenu un de lui.Max a parlé à Luc. → Luc, Max lui a parlé.Max a parlé à Luc de sa femme. → Max lui a parlé d’elle.Max a parlé à Luc de son travail. → Max lui en a parlé.Max a parlé du climat. → Le climat, Max en a parlé.Max a présenté Léa à Luc. → Max la lui a présentée.Max a présenté une amie à Luc. → Max lui en a présenté une.Max a remis le tableau à sa place. → Max l’y a remis.Max a retrouvé ses amis. → Ses amis, Max les a retrouvés.Max a une bonne dose de courage. → Du courage, Max en a une bonne dose.Max a une maison aux Baléares. → Les Baléares, Max y a une maison.Max assure Luc de sa sympathie. → Max l’en assure.Max compte sur Luc. → Luc, Max compte sur lui. Max court après l’argent. → L’argent, Max court après.Max n’aime pas le beurre. → Le beurre, Max n’aime pas ça.

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Max ne croit pas à la chance. → La chance, Max n’y croit pas.Max pense à Léa. → Léa, Max pense à elle. Max pense à son travail. → Son travail, Max y pense.Max reçoit des amis ce soir. → Des amis, Max en reçoit ce soir.Max se passe de Luc / de Léa. → Luc, Max se passe de lui / d’elle.Max tient la nouvelle de Luc. → Max la tient de lui.Max vient des Baléares. → Les Baléares, Max en vient.Obélix est tombé dans la marmite. → La marmite, Obélix est tombé dedans.

6.3.2. Les pronoms personnels : formes et fonctions

A B C DSingulier1ère personne je me me moi (*)2e personne tu te te toi (*)3e p. mascul. il le lui lui3e p. féminin elle la lui ellePluriel1ère personne nous nous nous nous2e personne vous vous vous vous3e p. mascul. ils les leur eux3e p. féminin elles les leur elles

A  : forme utilisée en fonction « sujet ». B  : forme utilisée en fonction « objet direct ». C  : forme utilisée en fonction « objet indirect antéposé », sans préposition. D  : forme utilisée en fonction « objet indirect postposé », avec préposition, ou en fonction « apposition du sujet ». (*)  : formes également utilisées en fonction « objet direct » après un impératif.

On soulignera notamment l’existence des deux lui , l’un, en D, uniquement masculin (membre du groupe LUI-pp), et l’autre, en C, valant pour les deux genres (membre du groupe LUI-ap) ; et on attirera l’attention, dans les deux premiers exemples cités plus haut en 6.3.1., sur les places respectives des pronoms selon les cas :

On n’oubliera pas enfin de compléter l’information donnée ici par l’examen des mêmes phénomènes lorsque les verbes sont à l’impératif. (Donne-lui-en un morceau, Donne-le-lui, etc.). Cette question est généralement bien traitée dans les grammaires.

6.4. Annexes

6.4.1. Le cas du verbe croire.

Comme nous le disions en note de 4.1.1. , le verbe croire est riche en constructions puisqu’on peut aussi bien croire N1, croire à N1, croire en N1, croire Vinf, croire que P, ... Quelques exemples vaudront mieux que de longues explications :

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N1 est humain :

Nh0 croit Nh1 : Max croit Luc. → Luc, Max le croit. (= Max pense que Luc lui dit la vérité)

Nh0 croit en Nh1 : Max croit en ses enfants. → Ses enfants, Max croit en eux. (= Il a de l’espoir pour eux)

Cas particulier de Nh : Max croit en Dieu, il croit en Lui. (= Il Lui fait confiance)

N1 est non-humain :

Nh0 croit à N-h1 : Max croit à la réincarnation. → La réincarnation, Max y croit.

Plus rarement, Nh0 croit N-h1, sauf si ce N-h1 est un Vinf ou une que P :

o Tu crois qu’il va pleuvoir ? – Oui, je crois. o Max croit avoir été le seul à ..., du moins c’est ce qu’il croit.

Locutions figées :

À vous en croire, ... Je n’en crois pas mes yeux / oreilles !

6.4.2. La pronominalisation de l’attribut.

Il y a effectivement une construction verbale à laquelle nous n’avons pas jugé nécessaire de consacrer un chapitre mais que nous ne pouvons pas passer ici totalement sous silence : la construction “N0 Vétat N1”, où Vétat est un verbe d’état et où N1 est donc, dans les termes de la grammaire traditionnelle, “attribut” de N0. Ici, les choses sont extrêmement simples puisque la règle s’écrit en toutes circonstances :

Règle : N0 Vétat N1→ N1, N0 le Vétat

le  : pronom personnel neutre et invariable.

La petite liste des verbes d’état est bien connue : être, rester, demeurer, paraître, sembler, devenir, ...

L’attribut N1 peut être un nom, un adjectif, un participe passé, ou encore une locution adjectivale.

 Max est-il ici le maître ? – Il l’a été et il le reste.  Léa est-elle intéressante ? – Je ne sais pas si elle l’est mais elle le paraît.  Léa a-t-elle été aimée par Max ou par Luc ? – Elle l’a été par Luc, en tout cas.  Luc est-il de bonne compagnie ? – Il ne l’a pas toujours été mais il l’est devenu.

FIN

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