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Contamination des eaux en milieu professionnel Water contamination in working place P. Hartemann (Professeur) Département environnement et santé publique SERES, École de santé publique, 9, avenue de la Forêt-de-Haye, BP 184, 54505 Vandœuvre-lès-Nancy, France MOTS CLÉS Eau ; Contamination biologique ; Contamination chimique ; Exposition professionnelle ; Prévention ; Milieu professionnel KEYWORDS Water; Biological contamination; Chemical contamination; Professional exposure; Prevention; Working place Résumé L’eau est aussi indispensable à l’activité industrielle qu’à la vie de l’homme. À l’intérieur des entreprises, cette eau est utilisée à de très nombreux usages, de la boisson à la tour aéroréfrigérante en passant par de nombreux « process ». Selon la ressource qui sert à alimenter l’entreprise, la qualité chimique et microbiologique est différente. Selon les usages, les voies d’exposition pourront être variées : voie orale, voie respiratoire, voie cutanéomuqueuse. Les dangers microbiologiques sont de nature bactérienne, virale, parasitaire. Ils sont caractérisés par leur virulence, leur toxinogenèse ; et éventuellement leur résistance aux antibiotiques. Les dangers chimiques peuvent être classés en deux catégories: non cancérogènes et cancérogènes; cette distinction entraînant une approche différente pour la détermination des concentrations maximales admissibles pour les personnes exposées. Le danger radioactif n’est pas à écarter. Les expositions en milieu professionnel sont très diverses : boisson, inhalation, contact, et touchent des professions aussi diverses que les employés de bureau (climatisation), les employés de station d’épuration, les mineurs, les maîtres-nageurs, etc. La prévention repose sur des mesures de questions technique et sanitaire afin d’assurer une bonne qualité de l’eau et de son contrôle, la mise en œuvre de procédures techniques adéquates et la surveillance épidémiologique. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Water is as essential to industrial activity as for human life. Inside workrooms, water is necessary for many uses : drinking, refrigeration, various process. Depending on the water resource used for feeding working place, chemical and microbiological qualities may be different. Depending on uses, exposure routes will be various : oral route, respiratory route, cutaneous contact. The microbiological hazards are bacteria, viruses, parasites, characterized by their virulence, their toxicogenesis, or even their resistance against antibiotics. The chemical hazards may be ranged into two categories : non carcinogenic and carcinogenic ; this distinction leads to a different approach for the cohulation of maximal acceptable concentrations for the exposed populations. The radioactive hazard must also be taken into account. The professional exposures are very numerous : drinking, inhalation, contact and include various professions as office wor- kers, wasterwater works amployees, miners, swimming instructors etc. Prevention inclu- des provisions for both technical and sanitary control for insuring a good water quality and its surveillance, a putting into practice of adequate technical procedures and an epide- miological survey. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Adresse e-mail : [email protected] (P. Hartemann). EMC-Toxicologie Pathologie 1 (2004) 63–78 www.elsevier.com/locate/emctp © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emctp.2003.12.002

Contamination des eaux en milieu professionnel

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Contamination des eaux en milieu professionnel

Water contamination in working place

P. Hartemann (Professeur)Département environnement et santé publique SERES, École de santé publique,9, avenue de la Forêt-de-Haye, BP 184, 54505 Vandœuvre-lès-Nancy, France

MOTS CLÉSEau ;Contaminationbiologique ;Contaminationchimique ;Expositionprofessionnelle ;Prévention ;Milieu professionnel

KEYWORDSWater;Biologicalcontamination;Chemicalcontamination;Professional exposure;Prevention;Working place

Résumé L’eau est aussi indispensable à l’activité industrielle qu’à la vie de l’homme. Àl’intérieur des entreprises, cette eau est utilisée à de très nombreux usages, de la boissonà la tour aéroréfrigérante en passant par de nombreux « process ». Selon la ressource quisert à alimenter l’entreprise, la qualité chimique et microbiologique est différente. Selonles usages, les voies d’exposition pourront être variées : voie orale, voie respiratoire, voiecutanéomuqueuse. Les dangers microbiologiques sont de nature bactérienne, virale,parasitaire. Ils sont caractérisés par leur virulence, leur toxinogenèse ; et éventuellementleur résistance aux antibiotiques. Les dangers chimiques peuvent être classés en deuxcatégories: non cancérogènes et cancérogènes; cette distinction entraînant une approchedifférente pour la détermination des concentrations maximales admissibles pour lespersonnes exposées. Le danger radioactif n’est pas à écarter. Les expositions en milieuprofessionnel sont très diverses : boisson, inhalation, contact, et touchent des professionsaussi diverses que les employés de bureau (climatisation), les employés de stationd’épuration, les mineurs, les maîtres-nageurs, etc. La prévention repose sur des mesuresde questions technique et sanitaire afin d’assurer une bonne qualité de l’eau et de soncontrôle, la mise en œuvre de procédures techniques adéquates et la surveillanceépidémiologique.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract Water is as essential to industrial activity as for human life. Inside workrooms,water is necessary for many uses : drinking, refrigeration, various process. Depending onthe water resource used for feeding working place, chemical and microbiological qualitiesmay be different. Depending on uses, exposure routes will be various : oral route,respiratory route, cutaneous contact. The microbiological hazards are bacteria, viruses,parasites, characterized by their virulence, their toxicogenesis, or even their resistanceagainst antibiotics. The chemical hazards may be ranged into two categories : noncarcinogenic and carcinogenic ; this distinction leads to a different approach for thecohulation of maximal acceptable concentrations for the exposed populations. Theradioactive hazard must also be taken into account. The professional exposures are verynumerous : drinking, inhalation, contact and include various professions as office wor-kers, wasterwater works amployees, miners, swimming instructors etc. Prevention inclu-des provisions for both technical and sanitary control for insuring a good water quality andits surveillance, a putting into practice of adequate technical procedures and an epide-miological survey.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Adresse e-mail : [email protected] (P. Hartemann).

EMC-Toxicologie Pathologie 1 (2004) 63–78

www.elsevier.com/locate/emctp

© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi: 10.1016/j.emctp.2003.12.002

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Introduction

L’eau est un élément aussi indispensable à la viequ’à l’activité industrielle. En effet, outre sa qua-lité de premier aliment absolument nécessaire àapporter à un travailleur, surtout si ce dernier estsoumis à une ambiance ou à une activité favorisantla déshydratation, l’eau est aussi un remarquablesolvant, très employé dans de nombreuses activitéset un excellent fluide caloporteur, très utilisé pourle refroidissement d’innombrables machines et ins-tallations. On retrouve donc l’eau partout en milieuindustriel, du robinet auquel le salarié viendra sedésaltérer à la tour aéroréfrigérante, en passantpar l’humidification de l’eau dans la climatisationet le rinçage des puces électroniques, des textiles,etc.L’eau ainsi utilisée dans une usine ou un atelier

provient soit d’un réseau de distribution publique,soit d’une ressource autonome (de plus en plusfréquemment pour les grosses unités de produc-tion) et sa qualité initiale est parfois insatisfaisantepar rapport aux exigences du process industriel,d’où de nombreux traitements, de plus en plussophistiqués, que l’industriel doit installer, fairefonctionner correctement et surveiller.Les dangers sont microbiologiques, chimiques ou

physiques. Le risque est mal connu, sauf pour lesmaladies à déclaration obligatoire, et difficile àapprécier même pour des professions très exposées(employés des stations d’épuration des eaux usées,spécialistes de la ventilation-climatisation).L’homme est exposé à cette eau et à la contami-

nation qu’elle peut véhiculer, soit par voie orale(boisson ou utilisation en cuisine collective), soitpar voie respiratoire (aérosols liés aux douches, auxsystèmes de pulvérisation ou de refroidissement),soit enfin par voie cutanéomuqueuse (pulvérisationsur le visage ou les mains, contact cutané corporel,etc.).La prévention passe par une maîtrise de la filière

d’utilisation de l’eau et par une surveillance atten-tive dans le cadre de la médecine du travail.Ces différents chapitres seront successivement

envisagés dans cet ordre.

Sources

Introduction

Plus la civilisation évolue, plus la quantité consom-mée d’eau destinée à la consommation humaine(EDCH ou eau du « robinet ») par habitant aug-mente. Elle est de l’ordre de 150 à 200 l par jour en

France, mais peut atteindre 300 à 400 l en Améri-que du Nord. Cette eau, distribuée par un réseaupublic, doit être conforme à des normes de potabi-lité définies par la réglementation de l’État, pourun usage destiné à la boisson. Mais dans les faits,l’usage boisson ou cuisine ne concerne que quel-ques litres par jour, tandis que les besoins domes-tiques portent plus sur la toilette, l’élimination desexcreta, le lavage (vaisselle, linge, automobile,etc.), l’arrosage, les loisirs, etc. et ce, pour desquantités croissantes, et que les besoins industrielsne cessent eux aussi de se développer. Pour cesusages, les critères de potabilité ne sont pas tou-jours adaptés : usage hospitalier (soins aux mala-des, dialyse rénale, etc.), industrie agroalimen-taire, activités de fabrication très diverses(électronique, etc.) et nécessitent le plus souventl’adjonction d’une phase supplémentaire de traite-ment.En milieu industriel, compte tenu du prix de

l’eau fournie par la collectivité publique, il estsouvent envisagé de faire appel à une autre sourced’approvisionnement en eau directement issue dumilieu naturel (captage, source, voire eau superfi-cielle). Lorsque cette eau est mise à disposition dupersonnel (boisson, sanitaires) elle doit êtreconforme aux critères de potabilité. Pour les usagesindustriels, les critères de qualité sont très diffé-rents selon les usages, parfois supérieurs à ceux del’eau de boisson, sur le plan microbiologique(exemple : agroalimentaire) ou sur le plan chimique(microélectronique), parfois largement inférieurs(sidérurgie, travaux de forage, etc.).Selon le type de ressource, la pollution peut être

plus ou moins importante et variée, impliquant destraitements allant du plus simple au plus complexe.Le réseau de distribution peut intégrer des post-traitements et doit faire l’objet d’une surveillanceapprofondie.

Ressources en eau

Les nappes phréatiques sont couramment utiliséesen milieu rural par forage de puits. Mais l’eau quiles constitue n’a traversé qu’une épaisseur limitéede terrain : la filtration est insuffisante et la nappesouvent contaminée. Les nappes alluvionnairessont des eaux souterraines circulant parallèlementau lit des rivières, dans des alluvions sableuses ;elles peuvent fournir des quantités d’eau beaucoupplus importantes que les nappes profondes. Cepen-dant, elles sont sujettes à des contaminations parles infiltrations superficielles et un traitement esttoujours nécessaire. Les « eaux vauclusiennes »sont des eaux superficielles pénétrant par des fis-sures ou des failles, à travers des roches imperméa-

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bles, et qui vont émerger, sans aucune filtration,sous forme de « résurgence ». Ces « fausses sour-ces » sont souvent abondantes, mais très fréquem-ment contaminées par les souillures du sol, et re-présentent une cause classique de maladieshydriques.Le point de captage (source ou prélèvement en

rivière) doit être protégé par un triple périmètre deprotection. S’il s’agit d’utiliser un cours d’eau, onapprécie le volume et le degré de pollution deseaux usées reçues par celui-ci et des analyses com-plètes apportent des indications sur la qualité bac-tériologique et chimique, en fonction de laquelleon juge, en conformité avec les directives, du trai-tement à leur appliquer.Tout captage d’une eau souterraine (source ou

forage) nécessite une enquête hydrogéologiquemenée par un géologue officiel en vue de détermi-ner :

• l’origine des eaux que l’on se propose de cap-ter et leurs caractéristiques ;

• les réserves de la nappe et le débit de lasource ;

• les contaminations que l’eau est susceptible derecevoir ;

• la délimitation des périmètres de protection,zones légalement protégées où sont interditstous travaux, dépôts ou installations suscepti-bles d’être une cause de nuisance pour la qua-lité de l’eau.Les débits nécessaires peuvent être très impor-

tants par rapport à ce qui est disponible. Cepen-dant, il convient de choisir une ressource garantis-sant la quantité d’eau nécessaire de qualitésuffisante, à toute période de l’année, les derniersévénements climatiques montrant bien la fragilitéde notre système et l’importance des étiages enpériode de sécheresse.

Traitement de l’eau

Il est inexistant en cas d’utilisation d’eau souter-raine bien protégée et conforme aux normes depotabilité et pour un court réseau de distribution. Ilpeut comporter simplement une étape de filtrationcouplée à une postdésinfection au chlore. Il peut, àl’inverse, comporter toute une série d’étapes lors-que la ressource est d’origine superficielle, conte-nant donc divers polluants chimiques et biologi-ques. Il est composé en général des étapessuivantes (le nombre et le choix des étapes variantselon la qualité de l’eau brute) :

• décantation : celle-ci peut être accélérée parl’addition d’un floculant (sels de fer ou d’alu-minium) ;

• filtration sur lit de sable, cette opération étantparfois combinée à la première, ou plus récem-

ment sur filtres en matériaux céramiques oucellulosiques ;

• élimination des composés organiques ou miné-raux indésirables ou en excès, par passage surcharbon actif (adsorption des molécules orga-niques) ou sur résine échangeuse d’ions (élimi-nation des sels minéraux) ;

• désinfection par traitement oxydant à l’ozone,au chlore, au dioxyde de chlore ou aux chlora-mines qui élimine les micro-organismes ;

• postchloration, avant envoi dans le réseau oules réservoirs, de façon à maintenir une teneurrésiduelle en chlore libre actif de 0,1 mg l–1

environ.Une assurance qualité est mise en place par le

producteur et respecte la règle des cinq M : matiè-res, matériaux, méthodes, main-d’œuvre et mi-lieu.Tout procédé de traitement de l’EDCH doit avoir

été préalablement agréé en France par le ministèrechargé de la Santé. Dans ce cadre, l’évolutionactuelle va dans le sens d’une diminution de l’im-portance des étapes faisant appel à des procédéschimiques et divers réactifs, au profit d’une remiseen œuvre de procédés physiques, parfois anciens,telle la filtration lente sur sable, car ils sont plusparfaitement maîtrisables et comportent des éta-pes biologiques d’épuration dont le rôle apparaîtassez difficilement remplaçable. De même, la dé-sinfection chimique perd une partie de son « aura »au profit de la filtration car elle conduit à former uncertain nombre de contaminants sous-produits dela désinfection, potentiellement toxiques, qu’ilssoient dus au chlore, au dioxyde de chlore ou àl’ozone. Les membranes de filtration et leur miseen œuvre ont connu de grands progrès et l’ultrafil-tration, voire plus récemment la nanofiltration (quiélimine non seulement les micro-organismes maisaussi de nombreuses molécules organiques et miné-rales) sont de plus en plus souvent utilisées pour laproduction d’eau à l’échelle industrielle. Si un in-dustriel utilise une ressource en eau spécifique ets’il met cette eau à la disposition de son personnel,il doit garantir à celui-ci une qualité d’eau deboisson et sera soumis à toutes les contraintes d’unproducteur et d’un distributeur d’eau. Cela mériteréflexion... avant par exemple de réutiliser l’eaude pluie pour alimenter les douches des ouvriers,même en cas de chantier extérieur. La garantie dequalité de ce traitement est apportée par unedéclaration aux autorités sanitaires chargées ducontrôle, par l’emploi de procédés, produits etéquipements agréés, par une démarche qualitédans la production et son suivi, par la réalisation decontrôle analytiques périodiques.De même, la fourniture d’eau de boisson sous

forme de bornes « fontaines » avec ou sans réser-

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voir implique l’assurance du respect de toutes lesexigences de la norme de potabilité.

Distribution jusqu’au robinet de l’utilisateur

Les canalisations constituent une partie vulnérable,car elles sont exposées aux souillures les plus diver-ses, et les temps de transit sont parfois très longs(1 semaine ou plus). Le saturnisme peut être lié,par exemple, à la stagnation d’eau peu minéraliséeet acide dans les canalisations en plomb.En raison de la difficulté croissante à fournir en

quantité suffisante une eau d’alimentation parfai-tement conforme aux critères de qualité de l’EDCH,certains ont proposé un double réseau de canalisa-tions. En effet, l’eau nécessaire pour l’alimenta-tion (boisson et cuisine) ne représente que moins de1 % de la consommation ; le reste des besoinspourrait être couvert par une eau de moins bonnequalité, mais suffisante pour les usages « externes »privés et publics (bains, chasse d’eau, lavage, arro-sage, etc.). Malgré son apparence séduisante, ceprojet n’est pas raisonnable : coût élevé, débit troprestreint du réseau d’eau de boisson, erreurs à peuprès inévitables des usagers et des installateurs,fraudes, etc.On s’attache donc à améliorer la qualité des

canalisations constituant les réseaux (résistance àla corrosion, matériaux non toxiques), la qualité del’eau envoyée dans le réseau (correction d’uneéventuelle agressivité, pauvreté en éléments miné-raux et organiques pouvant servir de nutrimentsaux micro-organismes, postchloration pour éviterune prolifération excessive) afin d’éviter la conta-mination microbiologique et chimique de l’eau par-venant au consommateur. Dans ce cadre, l’usagede l’amiante-ciment, des goudrons (HAP) ou mêmede plastiques fait l’objet de craintes. Le maillagedu réseau (interconnexions, absence de stagnation,etc.), sa surveillance et son entretien (désinfec-tions, purges, détection des fuites, etc.) et lecontrôle de la qualité de l’eau sont d’autres pointstrès importants pour obtenir un résultat qui satis-fasse le personnel et la santé publique.Si le réseau public de distribution est de plus en

plus pris en compte, la partie privative à l’intérieurdes immeubles est du ressort du propriétaire dontla vigilance et le niveau d’information ne sont pastoujours satisfaisants. Des traitements sont parfoisajoutés sans grand discernement (adoucissant, an-titartre, anticorrosion), tant sur les eaux froidesque les eaux chaudes. Celles-ci doivent répondreaux critères de potabilité de l’EDCH mais, souvent,leur température est insuffisante et Legionella sp.prolifère dans les ballons de stockage et les tuyau-teries dont la température est de l’ordre de 40 à

50 °C. Là également, la maintenance de l’installa-tion (celle-ci devant, bien sûr, avoir été choisie defaçon adéquate) et la surveillance des systèmes etde la qualité sont des paramètres très importantspour garantir la sécurité sanitaire des usagers.Les fontaines réfrigérantes dans les lieux ac-

cueillant du public doivent délivrer de l’eauconforme à la norme de potabilité, cette fournitureétant de la responsabilité de l’exploitant des lieux,ainsi que les contrôles permettant de garantir cettequalité.Il y a actuellement deux types de fontaines :

celles branchées sur le réseau de distribution, etcelles d’apparition plus récente (en provenance despays anglo-saxons) comportant un réservoir d’eau(19,7 l) livré par un distributeur. Dans le premiercas, on peut espérer que l’eau fournie par le réseaude distribution est potable (eau du réseau munici-pal ou ressource privative). Dans les deux hypothè-ses, l’exploitant doit s’inquiéter de cette confor-mité en vérifiant la qualité des résultats descontrôles réglementaires sur l’eau de la commune(auprès de la mairie, du distributeur ou de la Direc-tion départementale des affaires sanitaires et so-ciales [DDASS]), ou en procédant, à ses frais, auxcontrôles réglementaires sur l’eau de la ressourceprivative. L’eau étant potable à son introductiondans le réseau de distribution de l’atelier, elle lereste sur le plan chimique (sauf si le réseau estinadapté et peut être soumis à corrosion). Elle peutse dégrader sur le plan microbiologique (présencede biofilms dans les réseaux) et il semble utile deprocéder périodiquement à une analyse simple decontrôle bactériologique (deux à trois fois par anpar exemple) sur les points les plus distaux ou lesmoins utilisés. Le laboratoire départemental agrééest le seul habilité à effectuer cette analyse pourqu’elle ait une valeur légale (coliformes totaux etfécaux et numération de la flore aérobie revivifia-ble à 22 et 36 °C).Dans le second cas, on peut aussi penser que

l’eau présente dans les réservoirs est potable et lereste durant le temps d’utilisation. La notion deresponsabilité est plus délicate car il conviendraitde préciser par une convention ce qui ressort dufournisseur de la fontaine et des bidons d’eau et del’exploitant des locaux. Il en découle la notion decontrôle de qualité et d’entretien de l’installation.

Dangers liés à la pollution des eaux

Dangers microbiologiques

GénéralitésPar ingestion (eaux et aliments), le danger est essen-tiellement d’ordre « fécal ». Le contact cutanéomu-

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queux à risque microbiologique concerne surtout leseaux de loisirs, les eaux et boues thermales, les eauxhospitalières, les eaux usées, les eaux superficielles(Leptospira) ; le contact avec la muqueuse oculairepeut être en cause pour des amibes libres (lentillescornéennes contaminées par lavage). L’inhalationd’aérosol biologiquement contaminé peut concernerles milieux hospitalier, thermal ou hôtelier (Legio-nella, Flavobacterium et Actinomyces sp., endo-toxines bactériennes), et les milieux professionnelsen contact avec les eaux usées.Certains auteurs font une distinction entre infec-

tions « transmises » par l’eau et « associées » àl’eau. Les premières sont considérées comme tellescar l’eau est le véhicule de l’agent infectieux ouparasitaire et le moyen principal de sa transmis-sion. Il faut noter que le rôle joué par l’eau dans latransmission de certains agents a été parfois sures-timé (virus poliomyélitique). La liste des principa-les infections d’origine hydrique et des agents res-ponsables est présentée sur le Tableau 1 par typede pathologie.Le degré de gravité des atteintes pour la santé

est très variable selon les cas : il va des gastroen-térites plus ou moins graves et des parasitoses(risque fécal en général), aux atteintes cutanées oupulmonaires parfois très graves (Legionella pneu-mophila). Il est à noter que le risque microbien etparasitaire est fortement lié à la sensibilité immu-nologique des individus, donc à leur statut vaccinal(dans certains cas) ou physiopathologique (sujetsimmunodéprimés, avec l’exemple du syndromed’immunodéficience acquise [sida] pour les micros-poridies ou cryptosporidies). Ajoutons que le risque(micro/biologique s’enrichit progressivement au fildes connaissances : c’est notamment le cas pourcertaines bactéries « non fécales », pour des virus,de plus en plus nombreux en cause, pour les proto-zoaires mais aussi pour des (micro)-algues et leurstoxines, les plaçant à la frontière des aspects mi-crobiologiques et toxicologiques.1,2

Les micro-organismes pathogènes sont présentschez les individus à des niveaux différents selon lesconditions socioéconomiques, sanitaires et envi-ronnementales prévalentes dans le milieu. Le tauxendémique dans une population est le niveau decontamination de base de cette population dans lesconditions « normales » de ce milieu. Ainsi, le tauxhabituel de gastroentérites est de moins d’un épi-sode par année et par personne dans la plupart despays industrialisés de la Communauté économiqueeuropéenne, du Canada et des États-Unis.3,4 Dansles pays tropicaux, en Amérique latine et en Amé-rique du Sud, ce taux peut facilement atteindre10 épisodes par année et par personne, particuliè-rement dans les zones défavorisées. Les animaux

peuvent être aussi porteurs de micro-organismespathogènes pour l’homme et ils les éliminent dansl’environnement.L’eau est un véhicule idéal pour la transmission

des micro-organismes pathogènes (virus, bactéries,parasites, champignons, etc.) ; certains (virus etparasites entériques) ont une faible dose minimaleinfectante (DMI) caractéristique de leur infecti-vité : il suffit de une à 10 unités viables pourinfecter un individu sensible ; d’autres (bactéries,champignons, algues) doivent être présents enquantité beaucoup plus importante pour initierl’infection et la morbidité. La DMI rapportée pour la

Tableau 1 Principales infections humaines transmissiblespar l’eau (modifié d’après3).

Agentresponsable

Origine la plusfréquente

Pathologie digestive• Fièvres typhoïdes Salmonella typhi Aliments

(PARA A – B) Eau de boisson (EB)

• Gastroentérites • E. coli

{EB

Salmonella sp.

Shigella sp. Aliments crus

Yersinia

Campylobacter Baignades

• GiardiaCryptosporidium

• Rotavirus {• Choléra Vibrio cholerae EB, Aliments

• Hépatites A, E Virus

Pathologie respiratoire-ORL• Légionellose Legionella sp. { Eaux aérosolisées• Mycoses pulmonaires Aspergillus sp. Compostage

Actinomycetes

Thermophiles

• Affections ORL Adénovirus { PiscinesReovirus Baignades

• Méningoencéphalitesamibiennes

Baignades (eaudouce)

Pathologie cutanéomuqueuse• Dermatomycoses Dermatophytes

{Métiers au contact

de l’eau :

• Candidoses Candida albicans

piscines,

• Leptospirose Leptospires baignades,

eaux usées,

terrassement

• Suppurationsbactériennes

• Streptocoquehémolytique dugroupe A

• Staphylococcus• Pseudomonas

Dermatites Furcocercaires

ORL : Oto-rhino-laryngologique.

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plupart des agents bactériens dépasse 1 000 unitésviables. De plus, les bactéries, contrairement auxvirus et parasites, sont beaucoup plus sensibles à ladésinfection par le chlore, ce qui diminue considé-rablement le risque d’épidémies dues à des agentsbactériens.Les eaux usées sont très chargées en micro-

organismes pathogènes et les concentrations envirus, bactéries et parasites peuvent atteindre plu-sieurs milliers par litre et même le million dans lespays en voie de développement et ceux où l’eau estplus rare. Le traitement des eaux usées, là où il esteffectué, peut réduire ces concentrations de un oudeux ordres de grandeur mais les effluents sontencore très chargés. Dans les eaux de rivières et leslacs, la dilution des eaux usées réduit cette concen-tration à des niveaux dépassant rarement la cen-taine par litre. Les eaux de surface contaminées pardes micro-organismes pathogènes, en particulierles virus et parasites, très résistants aux traite-ments, présentent souvent encore une possibilitéde contamination, qui peut être directe lors d’unebaignade ou d’activités récréatives, ou indirectelors de la consommation d’eau non ou insuffisam-ment traitée. L’évaluation de ce risque prend encompte le nombre de micro-organismes requis pourinitier l’infection, donnée parfois obtenue à partird’études sur des volontaires. Elles ont l’avantagesur les modèles toxicologiques de ne pas être desextrapolations faites à partir d’animaux. Des modè-les mathématiques, développés pour estimer cerisque, sont utilisés aux États-Unis pour atteindredes objectifs de santé publique : ainsi on vise àréduire le risque lié à l’eau de consommation àmoins d’un cas de pathologie (gastro-entérite, GI)annuelle pour 10 000 consommateurs : cette normea été établie aux États-Unis (surface treatmentregulation rules) pour l’eau potable produite àpartir d’eau de surface.Cependant, l’infection ne constitue pas le seul

problème. La virulence du micro-organisme, c’est-à-dire la probabilité qu’a un sujet infecté de manifes-ter des troubles cliniques, est un autre paramètrepertinent. Elle dépend, outre du micro-organismelui-même, de la susceptibilité de l’hôte. Peu dedonnées sont disponibles sur la virulence. Ainsi, dansla famille des entérovirus, compte tenu de la largegamme de virulence observée (1-97 %), il a étérecommandé de prendre 50 % comme estimationcentrale pour l’ensemble de ces pathogènes.5 PourCryptosporidium sp.6 des chercheurs américains ontsupposé une virulence de 100 % pour estimer lerisque consécutif à la contamination de Milwaukeeau printemps 1993, et ils ont calculé un impact quis’est avéré voisin de celui réellement observé.Différents modèles de fonction dose-réponse (in-

fection) ont été testés. Les modèles « log normal »,

« exponentiel » ou « bêta-Poisson » se sont avérésapprocher le mieux les données expérimentaleschez l’animal ou chez des hommes volontaires, etles très rares données épidémiologiques disponi-bles.6 Certaines de ces données sont présentées surle Tableau 2 tiré de Rose et Gerba.7

Infections bactériennes transmises par l’eauSelon le mode d’exposition, ces infections peuventêtre liées à la boisson, à l’inhalation ou au contact.

Infections bactériennes transmises par la boissonLa probabilité de contracter ce type d’infection quise traduit par une diarrhée sévère est très minimeen France métropolitaine mais les travailleurs ex-patriés doivent penser à ce risque, en particulierpour le choléra, la typhoïde, la dysenterie bacil-laire et les salmonelloses.Les professions en rapport avec la mer peuvent

rencontrer Vibrio parahemoliticus, également res-ponsable de diarrhées aqueuses.Dans les pays développés, il reste un risque rési-

duel, faible mais non nul, de dysenterie bacillaire,de campylobactériose dont le réservoir est animal(en particulier les volailles), et l’eau est un vecteurreconnu de salmonellose car l’eau contenant desSalmonella peut contaminer des aliments où labactérie peut se multiplier et atteindre la doseinfectante, avec plus de 2 300 sérotypes de Salmo-nella enterica.Certaines souches de E. coli, ayant un équipe-

ment génétique approprié, peuvent causer des pa-thologies. Les E. coli agents de diarrhées sont :

• entéropathogènes (EPEC), responsables de gas-troentérites infantiles et ayant le gène d’adhé-sion ;

Tableau 2 Probabilité d’infection par quelques biocontami-nants des eaux.7.

Micro-organisme Probabilitéd’infection parexposition à1 organisme

Dose pour 1 %d’infection

Campylobacter 7.10-3 1,4Salmonella (typhi) 2,3.10-3

(3,8.10-5)4,3 (263)

Shigella (dys.1) 1.10-3

(4,97.10-4)10 (20)

Shigella (flexn.2A) (1.10-4) (100)Vibrio choléra (el tor) 7.10-6 (1,5.10-5) 1 428 (667)Poliovirus 13 1,5.10-2

(3,1.10-2)0,67 (0,32)

Échovirus 12 1,7.10-2 0,59Rotavirus 3,1.10-1 0,03Entamoeba coli(histolytica)

9,1.10-2

(2,8.10-1)0,1 (0,04)

Giardia lamblia 1,98.10-2 0,5

68 P. Hartemann

Page 7: Contamination des eaux en milieu professionnel

• entérotoxiques (ETEC), produisant une toxinethermostable ou thermolabile ;

• entéroinvasifs (EIEC) ayant le même plasmided’invasivité que les Shigella ;

• entérohémorragiques (EHEC), produisant unevérotoxine similaire à la toxine de Shigella etayant le gène d’adhésion-effacement ;

• entéroadhérents (EAEC), montrant une adhé-rence diffuse ou localisée. D’autres facteurs depathogénicité permettent aux E. coli de causerdes infections urinaires, des septicémies ou desméningites néonatales. Les E. coli entérotoxi-ques sont fréquemment transmis par l’eaudans les pays tropicaux. Dans les pays dévelop-pés, les E. coli entérohémorragiques, et enparticulier le sérotype 0157 : H7, sont d’appa-rition récente. La complication essentielle estle syndrome hémolytique et urémique. Le ré-servoir est animal (côlon des bovins, ovins,caprins). Ils sont transmis par l’eau, la viandecontaminée (hamburger) et par les produitslaitiers.Plus récemment ont été décrites des intoxica-

tions liées aux cyanobactéries, dont de nombreusessouches contiennent des hépatotoxines, qui peu-vent être responsables de diarrhées ou de lésionshépatiques graves ; les microcystines (sept acidesaminés), dont on connaît à peu près 60 variants, etles nodularines (cinq acides aminés) sont de petitspeptides cycliques, synthétisés par voie enzymati-que non ribosomique. Ces toxines inhibent les phos-phatases. Un alcaloïde hépatotoxique, la cylindro-spermopsine, fréquente dans les souchestropicales, a été récemment décelé en France.Les neurotoxines, dont certaines ont des effets

que l’on peut confondre avec ceux du botulisme,ont un mécanisme d’action différent selon les toxi-nes en cause, mais provoquent les mêmes effets :les muscles sont stimulés en permanence, d’oùl’apparition de crampes, puis de paralysies ; lesanatoxines jouent un rôle sur le métabolisme del’acétylcholine. Les saxitoxines, présentes aussidans les dinoflagellés, empêchent leurs neuronesde libérer l’acétylcholine.L’incidence sur la santé humaine est mal appré-

ciée, alors que l’on connaît bien leur responsabilitédans la mortalité animale. Après absorption d’eaucontaminée, des épisodes de gastroentérites ontété décrits, qu’il s’agisse de boisson volontaire, oud’ingestion involontaire lors d’une baignade. Cescyanobactéries prolifèrent dans les cours d’eau(blooms algaux), en particulier en période chaude.

Infections bactériennes transmises par les aérosolsLa légionellose est une pneumonie atypique due àplusieurs espèces du genre Legionella, mais une

seule (L. pneumophila) est en cause dans les épidé-mies. Il existe aussi une forme nosocomiale chez lesmalades immunodéficients et une forme fébrilepure (bénigne) appelée fièvre de Pontiac. Les Le-gionella ont toujours vécu dans l’eau, en associa-tion avec des protozoaires (amibes saprophytes,ciliés). Des cas d’infections sporadiques ont proba-blement existé dans le passé. C’est la généralisa-tion des systèmes d’aérosolisation qui a donné lapossibilité à cette bactérie de rencontrer sa cible,le poumon. Les systèmes de climatisation (tours derefroidissement, humidificateurs), génèrent desaérosols. Si des Legionella et des protozoaires semultiplient dans l’eau qui est à l’origine de cesaérosols, il peut y avoir contamination humaine(dans des bâtiments climatisés, sur le trottoir d’untel bâtiment).8

Il en est de même avec l’exposition aux douchestant à domicile que sur le lieu de travail,9 ou à desaérosols générés lors des activités professionnellessoit pour accélérer la sédimentation des poussières(exemple : haveuses dans les mines), soit pourrefroidir (exemple : instrument rotatif des dentis-tes ou toute autre activité de fraisage ou de polis-sage).

Infections bactériennes transmises par contactSi le risque de leptospirose est bien connu en milieuprofessionnel par contact avec la peau et les mu-queuses et provoque une maladie professionnelleque l’on peut rencontrer chez tout professionneltravaillant au contact de l’eau ou en milieu humide(égoutiers, travailleurs d’épurement de tunnels,etc.) non vacciné, les réactions cutanées liées auxcyanobactéries sont bien moins connues. Les der-matoxines, présentes dans certaines cyanobacté-ries marines, provoquent des dermatoses et lescyanobactéries contiennent des lipopolysacchari-des qui peuvent être responsables d’allergies, defièvre ou de diarrhée.

Infections parasitairesSelon Derouin,10 les relations eau-parasites peu-vent être schématiquement réparties en cinq rubri-ques correspondant à des modalités épidémiologi-ques différentes et, en conséquence, à des moyensde lutte spécifiques.

Groupe I : eau et parasitoses à transmissionvectorielleDans ce cas, l’eau intervient comme facteur essen-tiel de la biologie de l’insecte vecteur de la maladieparasitaire. Les exemples les plus représentatifssont le paludisme et les filarioses lymphatiques,maladies transmises par des moustiques (Anophè-les, Culex, Aedes), dont les larves se développent

69Contamination des eaux en milieu professionnel

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dans l’eau ; on peut également citer l’onchocer-cose, filariose responsable d’atteintes oculairesgraves dont la transmission est assurée par lessimulies, insectes hématophages dont les gîtes lar-vaires sont aquatiques. Pour ces parasitoses, larépartition géographique dans le monde est direc-tement dépendante de celle de l’insecte vecteur.L’un des principaux moyens de lutte contre ces

parasitoses à transmission vectorielle consiste doncà éliminer ou à traiter les gîtes larvaires en asso-ciant des mesures d’assainissement et l’applicationde larvicides ou l’utilisation d’agents de lutte bio-logique tels que des prédateurs larvivores ou desbactéries spécifiquement pathogènes ou toxiquespour les larves d’insectes.

Groupe II : l’eau héberge des hôtes intermédiairesindispensables au cycle parasitairePour un certain nombre de parasites, le cycle évo-lutif fait obligatoirement intervenir un hôte inter-médiaire dans lequel se multiplient les formes pa-rasitaires embryonnaires qui donnent ensuitenaissance aux formes infectantes. Dans le cas de labilharziose ou de la schistosomiase, l’hôte intermé-diaire est un mollusque d’eau douce qui se conta-mine à partir des parasites libérés par les selles oules urines des sujets infectés. Chez le mollusques’effectue une multiplication parasitaire, puisl’émission de formes infectantes appelées cercai-res, qui, libérées dans l’eau, contaminent l’hommepar pénétration transcutanée. Cela explique lesimportantes variations d’incidence observées à lasuite de remaniements hydrographiques ayant fa-vorisé la prolifération des mollusques et l’exposi-tion de la population dans des zones nouvellementirriguées.

Groupe III : l’eau est un milieu favorableou indispensable à la maturation parasitaireC’est le cas de plusieurs parasitoses intestinales àvers, telles l’anguillulose et l’ankylostomose, dontles prévalences sont élevées dans toute la zoneintertropicale. Pour ces deux parasitoses, des œufsou des formes larvaires non infectantes sont émisesavec les selles des sujets infectés, mais elles ledeviennent après une maturation de quelques joursdans l’eau ou la boue (cycle direct long). La conta-mination humaine s’effectue ensuite par pénétra-tion transcutanée des formes larvaires infectantes.On peut associer à ce groupe certains helminthes

(ascaris, trichocéphale) et protozoaires (Isosporabelli, Cyclospora) dont la maturation des œufs oudes oocystes s’effectue sur le sol mais est favoriséepar un environnement humide. Les formes infec-tantes entraînées par les eaux de ruissellementcontaminent fréquemment les eaux de surface. Le

risque n’est pas nul en France, en particulier pourles travailleurs exposés qui « oublient » de se laverles mains.

Groupe IV : l’eau est un milieu favorable àla multiplication parasitaire

Dans ce groupe ne figurent que les amibes libres,dont les genres les plus importants sont Acantha-moeba et Naegleria, responsables respectivementd’atteintes oculaires et de méningoencéphalites.Ces amibes ont la particularité de se multiplier dansles eaux chaudes et d’être très résistantes à laplupart des agents physiques ou chimiques de dé-sinfection. Elles sont présentes en abondance dansles eaux réchauffées par les rejets industriels (cen-trales thermiques en particulier), mais peuventêtre retrouvées dans les piscines (spa, jacuzzi).

Groupe V : l’eau est le véhicule des formesinfectantes

C’est un groupe très important qui intègre les para-sites dont les hôtes intermédiaires libèrent desformes infectantes, ceux pour lesquels la matura-tion ou la multiplication des formes infectantess’effectue dans l’eau et ceux dont les formes infec-tantes telluriques contaminent les ressources d’eau(groupes II à IV). À cette liste déjà importante, ilfaut adjoindre la plupart des parasitoses digestivesdues à des protozoaires dont les amibes parasites,les cryptosporidies, Giardia et certaines microspo-ridies. La caractéristique de ces protozoaires estd’exister dans le milieu extérieur sous des formesde résistance (kyste ou spore) directement conta-minantes dès leur émission (cycle direct court). Deplus, pour les cryptosporidies, et probablementaussi pour Giardia, il existe un réservoir animal,domestique ou sauvage. Ces différents facteursexpliquent la très large distribution géographiquede ces parasitoses et le fait qu’elles surviennentsouvent sur un mode endémique associé à des pous-sées épidémiques par transmission interhumaineet/ou contamination importante de l’environne-ment. Les exemples sont multiples, allant des peti-tes épidémies familiales de giardiase chez l’enfant,où la transmission interhumaine directe est trèsprobable, aux contaminations massives de la popu-lation par les cryptosporidies (405 000 personnes en1993 à Milwaukee11 ou par les toxoplasmes (plu-sieurs milliers de cas en 1995 au Canada). Dans cesdeux derniers exemples, il est probable que lacontamination des ressources d’eau par des parasi-tes d’origine animale, associée à un traitementinsuffisant ou défaillant de l’eau destinée à laconsommation, était en cause.

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Infections viralesLes virus le plus souvent en cause dans les infec-tions transmises par l’eau sont les virus transmispar voie féco-orale, qui se répliquent abondam-ment dans l’intestin et sont éliminés par l’intermé-diaire des selles dans les eaux usées. Ces virusrésistent aux conditions drastiques du tractus di-gestif, des eaux de surface, et pour certains, no-tamment le virus de l’hépatite A et le virus deNorwalk, aux faibles doses de chlore utilisées pourle traitement de l’eau.Une bonne centaine de virus entériques, pré-

sents dans les excréments humains, ont été décrits.Seuls quelques-uns sont, de façon certaine, impli-qués dans des épidémies sévères à transmissionhydrique. Ils sont le plus souvent à l’origine d’hépa-tites (hépatites A et E) ou de gastroentérites.Les agents des gastroentérites sont les rotavirus,

les calicivirus, les adénovirus et les astrovirus. Lescalicivirus, dont le prototype est le virus deNorwalk, qui affecte tous les âges mais surtoutl’adulte, sont responsables de 40 % des épidémiesde gastroentérite aux États-Unis. Cette famillecomporte plusieurs pathogènes pour l’homme, lessapporovirus, le virus de Norwalk et certains calici-virus marins. De nombreux calicivirus infectant desmammifères marins pourraient constituer un réser-voir de nouvelles souches pathogènes pourl’homme ou pour d’autres espèces animales. Cer-taines données font penser que les poissons pour-raient être un vecteur dans la transmission de cesvirus marins aux animaux terrestres.Cela explique que les contaminations profession-

nelles vont toucher en priorité les personnels aucontact des eaux usées ou des animaux.Les verrues plantaires ou des mains sont fréquen-

tes ; dues à des papillomavirus très contagieux,elles sont transmises à partir des sols, en particulierdes piscines, ou par contact interhumain et favori-sées par le ramollissement de la peau et un mauvaisséchage. Le molluscum contagiosum, dû à un poxvi-rus, caractérisé par des papules au niveau de laceinture pelvienne, est lié à l’échange des serviet-tes.Des affections oculaires, de type conjonctivite,

sont à rattacher à des adénovirus. Les affectionsoto-rhino-laryngologiques (ORL), fréquentes, se ré-vèlent à l’occasion chez des sujets hébergeant desvirus pathogènes : rhinites, rhinopharyngites, sinu-sites (adénovirus), et peuvent toucher les person-nels des établissements de type piscine, therma-lisme, loisirs aquatiques etc. De nombreux facteursconditionnent (in)directement les risques précé-dents :

• la qualité de l’établissement : conception, usa-ges, entretien général (sol, annexes), gestionet qualité de l’eau ;

• le comportement des professionnels.Les conditions d’exposition sont difficilement

quantifiables car, la plupart du temps, on ne dis-pose généralement que des niveaux des indicateursde qualité de l’eau, notamment bactériens obser-vés lors des contrôles.

Dangers chimiques

Le risque hydrique d’origine chimique a été princi-palement étudié pour l’eau destinée à la consom-mation humaine. À moyen terme, des pathologiesont été identifiées, induites par le fluor (fluorosedentaire) ou les nitrates (méthémoglobinose). Àlong terme, le rôle néfaste de macroconstituantsdes eaux (sodium, dureté, etc.) n’a pas étéconfirmé ; en revanche, certains microconstituantssont réellement impliqués dans un risque hydrique,tels des métaux lourds (plomb, cadmium) ; desinterrogations subsistent pour certaines moléculesorganiques (pesticides, haloformes) et, d’une ma-nière plus générale, pour les sous-produits miné-raux ou organiques de la désinfection (chlorationsurtout) des eaux, en termes de risque cancéro-gène.12,13 Le risque d’origine chimique est très malconnu pour les autres voies d’exposition : inhala-tion et contact.D’une façon générale, le risque chimique peut

être lié, soit à la contamination de l’eau brute, soità un traitement de l’eau (dérivés de coagulants,sous-produits de désinfection), soit au transport del’eau par des contaminants présents dans lestuyaux tels que plomb, amiante, hydrocarburesaromatiques polycycliques, soit à une contamina-tion spécifique lié au process.L’évaluation du risque d’origine chimique est

utilisée principalement lors de la détermination desnormes ou recommandations de qualité d’eau pota-ble (Organisation mondiale de la santé [OMS]).14

Cette démarche peut être aussi utilisée en cas dedépassement de normes afin de déterminer l’im-portance et le type de mesure à prendre pourprotéger la santé de la population exposée. Lapremière étape utilisée habituellement dans l’éva-luation de risques consiste à évaluer si la substanceà l’étude a un caractère cancérogène et si celui-ciest suffisamment documenté (cancérogène certainou probable pour l’humain). En fonction de cesdonnées, on réalise, par la méthode décrite ci-après, une démarche permettant de proposer uneconcentration maximale dans l’eau.

Cas des substances considérées comme noncancérogènesDans le cas de ces substances, la première étapeconsiste à déterminer le niveau (ou la dose) pour

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Page 10: Contamination des eaux en milieu professionnel

laquelle il n’y a pas d’effets nocifs observés(DSENO) communément appelés en anglais NOAEL(no observed adverse effect level). La dose sanseffet observé est la dose la plus importante pourlaquelle aucun effet nocif n’a été observé dans lesétudes de toxicité habituellement réalisées chezl’animal. Idéalement, ces études doivent être me-nées suite à une exposition chronique. En revanche,lorsque les études de toxicité chronique ne sont pasdisponibles, on peut utiliser des études de toxicitéd’exposition plus courte. Dans le cas de substancespour lesquelles la toxicité aiguë ou subaiguë estplus importante, la détermination du NOAEL estfaite en regard de l’exposition aiguë ou subaiguë.Le NOAEL est défini habituellement sous forme dedose, c’est-à-dire sous forme de mg kg–1 de poids.L’étape suivante consiste à déterminer la dosejournalière acceptable (DJA), appelée aussi en an-glais ADI («acceptable daily intake »). Cette doseest calculée habituellement en divisant le NOAELpar un certain nombre de facteurs, parfois appelés« facteurs de sécurité » ou encore « facteurs d’in-certitude ». Il est habituel de considérer un facteurallant de 1 à 10 pour l’extrapolation interespèces,un facteur allant de 1 à 10 pour l’extrapolationintra-espèces pour tenir compte des individus lesplus sensibles. Lorsqu’on utilise un LOAEL (lowerobserved adverse effect level) plutôt qu’un NOAEL,ou lorsqu’on utilise des études de toxicité subchro-nique à la place de chronique, on peut être amenéà incorporer un facteur de sécurité supplémen-taire. Si bien que pour certaines substances, desfacteurs de sécurité très importants sont utiliséslorsqu’il y a beaucoup d’incertitude ; par exemple,un facteur de 10 000 est utilisé au Canada pour letrichloréthylène alors qu’un facteur de 1 à 2 estutilisé pour le plomb et les nitrates. Une fois la DJAdéterminée, il faut calculer la concentration maxi-male acceptable en tenant compte du poids moyende l’individu, s’il s’agit d’un adulte, habituelle-ment 70 (ou 60) kg. Il faut ensuite considérer laconsommation d’eau, au niveau international, 2 lj–1. Le dernier facteur consiste à déterminer quelleest la proportion de cette substance qui est absor-bée via l’eau potable : habituellement il s’agit d’unfacteur allant de 20 à 80 %. La concentration maxi-male acceptable en mg l–1 est donc déterminéeavec la formule suivante :

Dose journalière admissible �DJA� �en mg par kg�

× poids moyen en kg

Ingestion moyenne d’eau potable par jour �en litres�

× proportion d’exposition provenant de l’eau

Cas des substances cancérogènesDans le cas des substances cancérogènes, étantdonné qu’il n’y a pas de niveau habituellement

considéré sans effet, on doit viser à produire unrisque minimal. Ce risque considéré comme « ac-ceptable », suite à une ingestion prolongée pendanttoute la vie, est habituellement considéré commeinférieur à 10–5 ou 10–6. Les autres éléments pris enconsidération pour l’établissement de la concen-tration maximale acceptable pour les substancescancérogènes sont les méthodes courantes de trai-tement de l’eau pouvant être utilisées pour réduirecette concentration au minimum et les méthodesdisponibles pour l’analyse de cette substance dansl’eau potable. On voit donc qu’habituellement, ondoit toujours viser l’exposition minimale aux sub-stances cancérogènes mais que les aspects de ges-tion de risque sont pris en considération de façonimportante, comme par exemple pour l’arsenic.15

Pour le personnel des piscines, des dangers d’or-dre « chimique » sont souvent relatés à propos desdésinfectants et sous-produits : chloramines(trichloramine volatile et irritante) et bromaminesou haloformes volatils (chloroforme, bromo-forme, ...). Ces (sous)-produits, passant en phaseatmosphérique et témoins d’une gestion imparfaitedes bassins, produisent des odeurs et des irritationsoculaires, respiratoires et cutanéomuqueuses queressentent les usagers et les professionnels despiscines. Il ne semble pas que le caractère muta-gène de certaines de ces molécules (chloroformepar exemple) puisse faire craindre une augmenta-tion des cancers chez les personnels de ces instal-lations.

Dangers physiques : radioactivité

S’agissant du risque radiologique, les émetteurs derayonnement alpha (226Ra,234U,238U, ...) sont géné-ralement d’origine naturelle et susceptibles d’êtreprésents dans les eaux souterraines de zones géolo-giques déterminées, granitiques pour le Radon. Lesémetteurs bêta sont en général associés à des acti-vités humaines (90Sr,134Cs,131I, ...) ; la radio-contamination provient de déversements hydriquesvolontaires ou accidentels et de retombées atmos-phériques. La plupart des radionucléides s’adsor-bent facilement sur des particules (sédiments deseaux, boues d’épuration) ; en outre, des organis-mes vivants (poissons, mollusques, crustacés, ...)sont capables d’accumuler certains radioéléments,créant une contamination de la chaîne alimentaire.Cependant, ce danger ne semble pas pouvoirconduire à un risque significatif compte tenu desfaibles doses, sauf dans les industries utilisant laradioactivité et faisant alors l’objet d’une sur-veillance particulière.

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Expositions en milieu professionnel

La contamination par la boisson ne présente pasl’exposition la plus spécifique du milieu profession-nel et il semble donc logique de consacrer prioritai-rement cet article aux expositions respiratoires etcutanées.Sur le plan de l’exposition respiratoire, le rôle

des aérosols biologiques est le plus intéressant àétudier. Les particules pénètrent dans l’arbre res-piratoire et s’y déposent à différents niveaux selonleur granulométrie et des paramètres physiologi-ques et anatomiques. Certaines, parmi les plusfines, sont exhalées. D’autres, qui se sont déposéesau niveau rhinopharyngé ou trachéobronchique,sont dégluties ou évacuées par expectoration oumouchage. Les micro-organismes peuvent pénétrerdans le tractus respiratoire, fixés à des particules,ou peuvent être parfois libres dans le flux d’air. Ilspeuvent donc être déposés et exercer leur pouvoirinfectieux à tous les niveaux des voies respiratoi-res. L’exemple de Legionella pneumophila seradéveloppé.La voie cutanéomuqueuse concerne surtout des

surfaces découvertes avec pénétration transcuta-née ou transmuqueuse des agents biologiques, faci-litée par la possession par certains d’entre eux decapacités enzymatiques (facteurs de virulence) etde substances chimiques contenues dans l’eau. Ellea fait l’objet de très peu d’études, sauf dans le casde revêtements lésés par des dermatoses, des brû-lures ou des plaies, qui seront autant de facteursfavorisants.La voie digestive peut correspondre à l’ingestion

de particules de l’air ou à la déglutition de mucusrespiratoire souillé par des particules d’origine aé-rienne. Cette voie est évoquée en milieu profes-sionnel lors de la manipulation de déchets ou deliquides et de boues contaminés par des germesfécaux ;16 certaines pathologies digestives présen-tées par des travailleurs de station d’épurationpourraient ainsi résulter d’une exposition respira-toire.Ainsi les boues de station d’épuration pourraient

être responsables :• de pathologies professionnelles liées à la mani-pulation de ces boues (personnels des stationsd’épuration et personnes travaillant à leurcontact : élimination ou valorisation) ;

• de pathologies éventuellement liées à la valo-risation de ces boues en usage agricole pour lesconsommateurs ou les promeneurs.Il y a plusieurs synthèses disponibles relatives

aux pathologies professionnelles et aux précautionsà prendre durant le travail et les pauses-repas. Ledanger est avant tout microbiologique : bactéries,

virus mais surtout levures et champignons qui vontproliférer lors des périodes de traitement thermi-que (compostage) dont l’objectif va être de dimi-nuer la charge microbienne de ces boues en germespathogènes classiques (bactéries, virus et proto-zoaires). Les pathogènes classiques sont responsa-bles, en cas d’ingestion, de gastroentérites, voireplus (exemple : Salmonella typhi et para-typhi) ; ilssont en général thermosensibles et/ou chimiosensi-bles, aussi va-t-on chercher à traiter les boues pourles inactiver. Lors de certains de ces processus, onfavorise la prolifération de levures et champignonsthermophiles, qui provoqueront des allergies (ouautres symptômes respiratoires) après sensibilisa-tion liée à leur dispersion par voie aérienne (exem-ple : Aspergillus). Des dermatoses ont été signaléessans généralement que l’origine précise en soitdéterminée (métaux ?, substances organiques ?,micro-organismes ?).17

La situation est quasi inconnue pour ce quiconcerne les promeneurs en zone agricole lors del’épandage de boues et les consommateurs de pro-duits cultivés sur ces sols. Divers scénarios ont étéutilisés pour réaliser des évaluations de risque etfixer des concentrations maximales admissiblesdans les boues ou les eaux usées valorisées enagriculture. Les valeurs retenues sont très basses etl’on peut penser avoir ainsi évité la survenue deproblèmes sanitaires : Salmonella < 8 nombre leplus probable (NPP)/10 g, enterovirus < 3 nombre leplus probable d’unités de croissance (NPPUC)/10 get œufs d’helminthes < 3/10 g (Conseil supérieurd’hygiène publique de France [CHSPF]).18

Le problème de l’exposition aux bioaérosols, eten particulier à ceux contenant des Legionella estmieux connu. Leur production, à partir d’humidifi-cateurs, douches, fontaines, pulvérisation etc., estparfaitement démontrée,19 et il n’est pas néces-saire que les volumes d’eau mobilisés soient impor-tants pour augmenter sensiblement les concentra-tions de bactéries de l’air dans les locaux. Àl’extérieur, les activités de type agriculture, épu-ration, épandage d’eaux usées et de boues etsurtout tours aéroréfrigérantes sont fortement gé-nératrices d’aérosols contaminés microbiologique-ment. La dispersion, en particulier à partir desémissions de tours aéroréfrigérantes, varie selonles conditions météorologiques (hygrométrie, di-rection et force des vents) et des cas de légionel-lose ont pu être observés à des distances de quel-ques centaines de mètres à plus d’un kilomètre dupoint d’émission.20,21 Ces aérosols peuvent péné-trer à l’intérieur des locaux par contamination desprises d’air situées à proximité et être responsablesde pathologies à l’intérieur des locaux.21

Les légionelloses surviennent de manière spora-dique ou à l’occasion de bouffées épidémiques

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(environ 20 % des cas sont groupés) et la contami-nation semble n’avoir lieu que par l’inhalation d’unaérosol contenant l’agent, avec une notion de ré-ceptivité très importante (fumeurs, personnesâgées ou à terrain fragilisé). Dans le cas d’unedouche, la source émettrice est fixe, le volume dedispersion de l’aérosol est faible. Dans le cas destours aéroréfrigérantes, la production de l’aérosolest continue, des dispositifs tels que des sépara-teurs de gouttelettes sont le plus souvent utiliséspour limiter les pertes d’eau, mais les quantitésd’eau émises restent cependant considérables(exemple : tours de refroidissement de centralesproductrices d’électricité). La dispersion est largeet on a pu mesurer des concentrations en Legio-nella pneumophila de l’ordre de 2 300 unités for-mant colonie (UFC)/m3 pour une concentrationdans l’eau de l’installation d’un immeuble de 107

UFC l–1.22 La littérature montre que la fréquence decontamination par L. pneumophila des eaux destours de refroidissement varie de 0 à 100 % selon lesprocédures d’entretien de ces installations. L’im-portance du risque a conduit les autorités françai-ses à préconiser un contrôle systématique, un ni-veau d’alerte à 103 UFC l–1 et un niveau maximumde 105 UFC l–1 au-delà duquel l’installation doit êtrearrêtée.Sur le plan chimique, l’exposition profession-

nelle à des molécules d’origine hydrique est parfai-tement démontrée pour les maîtres-nageurs. Lasensation de gêne respiratoire et d’irritation ocu-laire décrite par un maître-nageur exerçant dansune piscine couverte chlorée est tout à fait classi-que et il peut, selon toute vraisemblance, êtrerapporté la présence dans l’air de dérivés chlorés.23

Ceux-ci sont formés dans l’eau du bassin parréaction entre le chlore et les matières organiquesnaturelles ou apportées par les baigneurs (sueur,urine, salive etc.). Avec les molécules à courtechaîne carbonée se forment des haloformes (chlo-roforme et autres) très volatils ; avec les moléculesazotées (exemple : urée) se forment des chlorami-nes (mono-, di- et trichloramines). Un travail del’Institut national de recherche en sécurité (INRS) apermis en parallèle de mesurer la présence detrichlorure d’azote dans l’air et de faire une en-quête épidémiologique auprès des salariés de di-verses piscines. Les symptômes décrits sont en rela-tion avec la présence de chloramines dans l’air. Leshaloformes ont aussi un rôle, mais le travail lesconcernant n’est pas terminé.24

La concentration de ces molécules irritantes aété augmentée par la politique de maîtrise del’énergie qui a conduit à calfeutrer les piscinescouvertes, autrefois gouffres énergétiques, au dé-triment de la qualité de l’air ainsi moins renouvelé.

Ce sont les nageurs qui, par leurs mouvements,« dégazent » l’eau et augmentent la contaminationde l’air ; ils sont d’ailleurs les premiers touchéspuisque les concentrations mesurées sont maxima-les à l’interface eau-air.25

À long terme, on note une aggravation de cer-tains phénomènes irritatoires prenant des alluresde (fausse) allergie très handicapante.26

Prévention

Gestion

Pour assurer une protection du personnel vis-à-visdes risques hydriques, la gestion technique et sani-taire doit être la plus préventive possible et, à cetitre, s’appliquer dès le choix de la ressource, puislors de la conception et de la réalisation des instal-lations. En fonctionnement quotidien, elle doit êtredynamique pour permettre des actions adaptéesaux difficultés : celles-ci peuvent apparaître lorsd’une dérive légère de la qualité qui reste encorecomprise dans les « zones de sécurité » des règlesfixées, ou lors d’un dysfonctionnement majeur dontles effets sont constatés sur la santé d’utilisateurs.Elle doit tenir compte de l’inertie des systèmes deproduction et de distribution d’eau qui peut secompter en jours pour les réseaux ou en années oudizaines d’années pour des ressources souterraines.Cette gestion des risques sanitaires nécessite

une analyse et des solutions répondant aux carac-téristiques de chaque cas ; toutefois, l’expérienceacquise au cours des dernières décennies a permisde dégager des règles générales qui facilitent cetteapproche particulière et qui garantissent déjà unbon niveau de sécurité lorsqu’elles sont mises enœuvre.Ces règles générales ne se résument pas aux

seules limites de qualité correspondant à une listede paramètres, mais elles comportent un ensemblede dispositions qui s’appliquent de la ressource aupoint d’usage. Elles portent également sur les mo-dalités de gestion des situations non conformes etsur l’information. En fonction du cadre juridiquedans lequel se situe la structure qui établit lesdispositions (OMS, Union européenne, État, organi-sation professionnelle, etc.), leur expression et,surtout, leur degré de contrainte réglementairevarie. Selon les pays, certaines responsabilités sontréparties différemment mais, globalement, l’en-semble des règles applicables est voisin. Pour per-mettre la meilleure adaptation au contexte local, ilfaut toujours essayer d’établir les règles en termesde résultats à atteindre, mais la complexité com-mande d’exprimer certaines règles sous forme de

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moyens à mettre en œuvre ou de procédures àsuivre, notamment lorsqu’il est estimé que l’auto-rité publique doit intervenir à un moment ou à unautre dans la conception ou le fonctionnement.Au travers de l’expérience accumulée au cours

des années, peuvent être décrites les principalesrègles suivantes.27

Mise en œuvre des procéduresLes règles s’appliquent essentiellement au momentde la conception des installations de productiond’eau. Chaque installation est soumise à autorisa-tion administrative préalable : elle porte sur lechoix du captage, sur l’éventuelle filière de traite-ment, et elle détermine les périmètres de protec-tion des captages dans lesquels des constructions,des installations, des activités potentiellement pol-luantes sont interdites ou réglementées.

Obligation de moyensLes règles concernent essentiellement la concep-tion et la réalisation des différentes installations :captage, traitement, dans les réseaux intérieursaux immeubles. De plus en plus souvent, ces règlessont contenues dans des normes telles celles élabo-rées par le Comité européen de normalisation :procédés ou produits de traitement, matériaux derevêtement au contact de l’eau, etc.

Obligation de résultatsElles portent sur la qualité de l’eau au point de miseà disposition de l’usager et se traduisent par deslimites de qualité fixées pour des séries de paramè-tres caractérisant l’eau. Pour l’eau de distributionpublique, suite aux recommandations de l’OMS,14

l’approche sanitaire sur ce point tend à distinguer,d’une part des paramètres microbiologiques pourlesquels sont fixées des valeurs pour des germesindicateurs de contaminations, souvent fécales, ouindicateurs de l’efficacité des traitements de dé-sinfection qui doivent les éliminer, d’autre part lesparamètres chimiques qui, par leur nature, peuventavoir un effet sur la santé et, enfin, les paramètresqui ne sont pas en relation directe avec le risquesanitaire mais qui peuvent influencer l’acceptabi-lité de l’eau par l’utilisateur ou qui constituent desindicateurs d’efficacité technologique impor-tants.28

En elle-même, l’existence des règles n’est passuffisante et il faut pouvoir s’assurer que celles-cisont appliquées et efficaces. L’organisation du suivide qualité de l’eau est donc un point essentiel de lagestion technique et sanitaire. Ce suivi comprend lasurveillance ou l’autosurveillance que doit mettreen place le producteur-distributeur d’eau et lecontrôle sanitaire exercé par l’autorité sanitaire à

ce niveau. En France, ce dernier repose sur la visiterégulière des installations et sur la réalisation d’unprogramme de prélèvements soumis à analysesdans des laboratoires agréés. L’ampleur du pro-gramme de contrôle sanitaire est liée à la taille desinstallations, à l’importance de la population des-servie mais aussi à la qualité habituelle de l’eau etau degré de sûreté des installations. Au vu desrésultats des visites et des analyses, une interpré-tation sanitaire est faite de la situation et, si néces-saire, des décisions sont prises pour corriger dessituations de non-conformité. En revanche, l’orga-nisation du suivi de la qualité au sein des installa-tions industrielles est du ressort de l’exploitant.Certaines règles existent mais le domaine des utili-sations est encore peu réglementé, souvent parmanque de connaissances réelles sur les risquesencourus.

Gestion sanitaire. Surveillanceépidémiologique

Idéalement, il conviendrait que les services de mé-decine du personnel aient mis en place des systè-mes de veille épidémiologique qui permettent dedétecter et d’identifier des problèmes sporadiquesou chroniques de pollution microbiologique ou chi-mique. Le souci constant d’améliorer la protectionsanitaire, notamment des populations les plus sen-sibles, et de mieux maîtriser les risques, ainsi quel’amélioration des connaissances conduisent à s’in-terroger sur les risques sanitaires persistants oususceptibles d’émerger du fait de la transformationde l’environnement. Malheureusement, parallèle-ment à des données profuses sur la qualité de l’eau,celles concernant la morbidité liée à ses diversusages sont très variables d’un pays à l’autre etrestent très fragmentaires en France. Pour ce quiconcerne le milieu professionnel, il ne semble pasexister de données connues, en dehors des mala-dies professionnelles dont l’origine peut être rap-portée à l’eau.

Prévention technique

Objectifs

Mesures de prévention techniquesElle ont plusieurs objectifs :

• assurer la sécurité des personnes aux différen-tes étapes du processus :C la conception : comme dans tous les établis-sements recevant du public, la sécurité doitêtre pensée dès la conception de l’établisse-ment ;

C l’entretien et la maintenance ;

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C la surveillance et l’éducation sanitaire ;• éviter les sources de pollution des différentsmilieux (air, sols et eau). Les personnes sontune source importante de contamination (mi-crobiologique en particulier) mais d’autressources interviennent : l’eau, l’air ambiant etles matières ;

• traiter la contamination résiduelle de l’eau : laréduire suppose :C le respect des règles d’hygiène : avec unrèglement à diffuser par les moyens d’infor-mation adaptés aux différents publicsconcernés et le faire respecter ;

C un traitement correct de l’eau : il vise àéliminer les impuretés et particules et àdétruire les micro-organismes au fur et àmesure de leur arrivée. Il peut comporterune filtration, une désinfection et d’éven-tuels traitements complémentaires (luttecontre l’entartrage et les algues, etc.), enmaintenant un résiduel de désinfectant suf-fisant pour que l’eau soit désinfectante. Lechoix du désinfectant et de ses modalités demise en œuvre est guidé par ces objectifsd’efficacité mais aussi par des objectifs d’in-nocuité vis-à-vis de l’exposition des utilisa-teurs à ces produits ou aux sous-produitsqu’ils génèrent ;

C l’entretien et la maintenance : ces opéra-tions sont essentielles pour le fonctionne-ment et la sécurité sanitaire de l’établisse-ment. Elles sont conditionnées par unebonne conception des installations : pré-sence de siphons de sol, de débitmètres,facilité d’accès et d’intervention, etc. Ellesnécessitent un personnel formé, l’établisse-ment d’un cahier des charges rigoureux et unsuivi par le gestionnaire, avec traçabilité desopérations effectuées.

Contrôle de qualité des eauxLa détection et la numération des bactéries patho-gènes ou indicatrices se fait à l’aide de méthodesrelativement simples de filtration de volumes d’eaude 100 à 1 000 ml sur des membranes filtrantes deporosité faible (moins de 0,45 lm) et l’utilisationde milieux de culture artificiels. L’analyse chimi-que est également bien codifiée et assez facile àréaliser. La détection et le dénombrement des vi-rus, des protozoaires et de leurs kystes ou oocystesrelèvent de méthodes sophistiquées à partird’échantillons beaucoup plus volumineux (10 à1 000 l). Les protozoaires sont mis en évidence pardes méthodes microscopiques alors que les virus lesont par culture de cellules humaines ou animales.Plus récemment, et pour tous ces micro-

organismes, des méthodes de détection des acidesnucléiques ont été développées ; elles sont trèssensibles, mais elles renseignent peu ou pas sur laviabilité des micro-organismes détectés.Dans certaines circonstances (voisinage de cen-

trales électriques avec rejets d’eaux de refroidisse-ment), des évaluations portent sur les dénombre-ments d’amibes libres et, notamment, de Naegleriafowleri potentiellement responsables de ménin-goencéphalite. La recherche et l’identification deces protozoaires sont longues et difficiles et réser-vées à des études ou à des risques particuliers, quel’on a cherché à évaluer en France, en aval decertains sites de production d’électricité.29

Une question souvent posée dans les entreprisesa trait à la qualité exigée pour l’eau destinée à lapropreté des salariés (exemple : douche), alorsque, bien sûr, nul ne conteste la nécessaire confor-mité de l’eau de boisson ou utilisée en cuisine avecla norme de potabilité (décret 2001/1220). La no-tion « d’eaux destinée à la consommation hu-maine » dépasse largement le seul concept d’eaupour la boisson. En effet, dans le décret2001/1220 du 20 décembre 2001, publié au Journalofficiel du 22 décembre 2001, il est précisé que lechamp d’application comprend « toutes les eaux ...destinée à la boisson, à la cuisson, à la préparationd’aliments ou à d’autres usages domestiques ... ».Les autres usages domestiques comprennent toutce qui touche à l’hygiène corporelle, c’est-à-direles usages anciennement dénommés sanitaires, ycompris la douche. Il n’y a pas de texte plus expli-cite, mais on peut remarquer que l’eau destinée auremplissage des piscines publiques doit égalementêtre conforme aux mêmes critères (décret n °81-224 du 7 avril 1981 titre 1, section 2, article3 « l’alimentation en eau des bassins doit êtreassurée à partir d’un réseau de distribution publi-que. Toute utilisation d’eau d’une autre originedoit faire l’objet d’une autorisation prise par arrêtépréfectoral sur proposition du directeur départe-mental des affaires sanitaires et sociales après avisdu conseil départemental d’hygiène »). Cette eaudans les bassins est ensuite filtrée, désinfectée etdésinfectante ; pour les douches elle est bien sûrutilisée sans traitement complémentaire (hormis leconditionnement en température).Il y avait dans le règlement sanitaire départe-

mental type du 9 août 1978 (adopté et remplacépar le décret précité) un article tout à fait clair surle sujet (article 15). Article 15 : « il est interdit auxpropriétaires, (...) gérants des immeubles et éta-blissements ou de l’eau chaude ou froide est mise àla disposition des usagers, de livrer aux utilisateursune autre eau que celle de la distribution publique,

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exception faite pour les eaux minérales naturelleset les eaux conditionnées autorisées :

• pour tous les usages ayant un rapport direct oumême indirect avec l’alimentation (...) ;

• pour tous les usages à but sanitaire tels que latoilette, le lavage de linge de table, de corps,de couchage.Lorsque pour un motif dont la gravité est recon-

nue par le préfet, l’eau délivrée aux consomma-teurs ou utilisée pour des usages connexes ne peutêtre celle d’une distribution publique, les person-nes ci-dessus désignées doivent s’assurer que cetteeau est potable... »Ainsi la réglementation stipule bien que l’eau

destinée au lavage corporel et aux ablutions doitêtre conforme à la norme de potabilité, même sicela apparaît quelque part économiquement irra-tionnel. En effet, les critères de potabilité sontextrêmement sévères, fondés sur des données denon-toxicité ou de risque acceptable de l’ordre de10–6 vie entière, entraînant des contraintes de trai-tement et de distribution très lourdes et coûteu-ses... alors que moins de 1 % du volume distribuéest effectivement bu. Dans les entreprises, il n’estdonc pas possible d’utiliser pour la propreté dessalariés une eau de qualité insuffisante, par exem-ple pompée dans le milieu extérieur sans mise enplace d’une surveillance analytique identique àcette appliquée à une eau de distribution publique.Pour répondre à la norme de potabilité (décret

n° 2001-1220), il faut mettre en œuvre un traite-ment adapté à la qualité initiale de l’eau (matriceconstitutive minérale et organique plus impuretés àéliminer) agréé par le ministère de la Santé (filièreet produits) dès que l’on distribue de l’eau aupublic. Dans le domaine privé chacun est libre defaire ce qu’il veut (à condition de se limiter à sonpropre foyer), ce qui entraîne une offre surabon-dante de divers dispositifs plus ou moins onéreux etefficaces dont la quasi-totalité ne dispose pasd’agrément pour un usage de type collectif.Il est donc irréaliste, voire dangereux, de propo-

ser à une petite entreprise d’utiliser une eau brute(puits, forage, source, etc.) et de se transformer entraiteur d’eau (c’est un métier !). Il est très proba-ble que le traitement ne sera pas adapté faute d’undiagnostic initial approfondi et qu’il ne sera pasconstant dans sa mise en œuvre, sauf en de raresexceptions, dont on peut rencontrer quelques casauprès de quasi-spécialistes gérant leur installationavec sérieux et compétence.Pour des entreprises désireuses de mettre en

place un traitement, il n’y a pas de liste de fournis-seurs agréés par le ministère de la Santé. Il y a enrevanche une liste de produits et procédés agrééspar ce même ministère pour le domaine public, en

ligne sur son site Internet ou disponible auprès de laDirection générale de la Santé, bureau 7D. On com-prend bien le souci du ministère de ne pas mettre ledoigt dans un dangereux engrenage, car qui peutgarantir ensuite que l’usage inapproprié fait de ceprocédé ne conduira pas à un résultat néfaste pourla santé ?

Conclusion

L’eau est un domaine où de nombreuses valeurslimites de qualité ont été fixées. Cette situation estfavorable pour la gestion au quotidien d’installa-tions, mais elle présente un risque souvent rencon-tré qui est celui de voir certains responsables consi-dérer que l’action à mener consiste uniquement àvérifier que ces limites sont respectées. Dans sesrecommandations, l’OMS insiste largement sur lanécessité d’adapter les valeurs guides au contextesanitaire local. Ainsi, la politique sanitaire dans ledomaine de l’eau doit reposer sur une analyse desrisques réels et sur la définition de priorités quipourront d’ailleurs varier entre pays, et entre typesd’entreprises.Cette politique doit aussi intégrer largement le

fait, d’une part, que l’eau suit des cycles quiconduisent à sa réutilisation fréquente dans desconditions plus ou moins évidentes car plus oumoins directes et, d’autre part, qu’elle fait l’objetde nombreux usages qui ne comportent pas forcé-ment d’enjeux sanitaires mais qui peuvent êtrecause de dégradation de sa qualité. La politiquesanitaire dans le domaine de l’eau doit donc êtreconçue et menée en relation étroite avec cellerelative plus spécifiquement à la gestion de l’eau.L’approche sanitaire doit permettre de fixer cer-tains objectifs prioritaires et apporter des élémentsd’aide à la gestion de l’eau, notamment pour ladéfinition des priorités concrètes d’améliorationdes situations, en fournissant les informations is-sues du suivi sanitaire. Il faut également penser auxrelations avec les autres milieux, notamment lessols et l’air. La gestion des problèmes sanitaires liésaux eaux ne doit pas conduire à des transferts decontaminations vers les autres milieux, par exem-ple lors du traitement des eaux usées : productiond’aérosols ou de gaz, dissémination de contami-nants microbiologiques ou chimiques par les bouesd’épuration. Par ailleurs, en soi, la protection dessols vis-à-vis des pollutions est un élément de pro-tection des ressources en eaux souterraines qui s’ytrouvent fréquemment : elle évite la dégradationdes ressources en eaux superficielles par ruisselle-ment, entraînant une pollution diffuse très fré-quente dans les industries du siècle dernier, très

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difficile ensuite à corriger. Ainsi, la gestion sani-taire de l’eau doit être conçue d’une façon ouvertevers d’autres domaines de l’environnement.Sur le plan technique, pour assurer une sécurité

aux usagers, la gestion sanitaire de l’eau doit pré-voir la mise en place de dispositifs « multibarriè-res » permettant au moins une alerte en cas desurvenue d’un problème, et une protection mini-male contre les effets à court ou moyen termes.Elle peut s’appuyer sur des outils tels que desobligations de moyens, des obligations de résultats,exprimés par des valeurs de référence, des modali-tés de traitement, mais aussi sur une surveillanceenvironnementale des milieux et sur une sur-veillance épidémiologique comportant l’analysedes incidents et des accidents. Un accent importantdoit être mis sur la réalisation de bilans périodiquesde la qualité des eaux et de l’efficacité des mesuresprises, et sur leur publication.

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