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Contes Et Mécomptes

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Un studiu de Abdou-Latif Coulibaly

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© L’Harmattan, 20095-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris

http://[email protected]

[email protected]

ISBN : 978-2-296-10010-7EAN : 9782296100107

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Sociétés Africaines et DiasporaCollection dirigée par Babacar SALL

Sociétés Africaines et Diaspora est une collection universitaire àvocation pluridisciplinaire orientée principalement sur l'Afrique et sadiaspora. Elle accueille également des essais et témoignages pouvantservir de matière à la recherche. Elle complète la revue du même nom etcherche à contribuer à une meilleure connaissance des réalités historiqueset actuelles du continent. Elle entend également œuvrer pour une bonnevisibilité de la recherche africaine tout en restant ouverte et s'appuie, de cefait, sur des travaux individuels ou collectifs, des actes de colloque ou desthèmes qu'elle initie.

Déjà parus

Me Boucounta DIALLO, La crise casamaçaise. Problématique etvoies de solutions, 2009.Seidik ABBA, La presse au Niger. Etat des lieux et perspectives,2009.Momar Sokhna DIOP, Quelles alternatives pour l’Afrique ?, 2008.Kodou WADE, Sexualité et fécondité dans la grande villeafricaine, la cas de Ouakam, 2008.Ndiassé SAMBE, El Hadji Diouf, footballeur et rebelle, 2008.Seidik ABBA, Le Niger face au Sida : atouts et faiblesses de lastratégie nationale contre la pandémie, 2008.Mame Marie FAYE, L’immolation par le feu de la petite-fille duprésident Wade, 2008.Thierno DIOP, Marxisme et critique de la modernité en Afrique,2007.Jean Joseph PALMIER, La femme noire dans le cinémacontemporain, 2006.Emmanuel EBEN-MOUSSI, L’Afrique doit se refaire une santé.Témoignage et réflexion sur 4 décennies de développementsanitaire, 2006.Vincent FOUDA, Eglises chrétiennes et Etats-nations en Afrique,2005.Antoine WONGO AHANDA, La communication au Cameroun,2005.Issa Laye THIAW, La femme Seereer (Sénégal), 2005.

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Les personnes auxquelles je dois beaucoup et sanslesquelles cet ouvrage n’aurait certainement pas existé nepeuvent pas toutes être citées ici. Certaines, pour des raisonsde sécurité et de protection de sources précieuses, ne peuventpas l’être, d’autres n’auraient jamais apprécié que je lesnomme, car pour elles, m’aider à faire ce travail est undevoir, auquel elles se sont astreintes, avec le sentiment et lafierté de s’acquitter d’une responsabilité morale. Ma dette estgrande envers de nombreuses autres personnes. Je mepermettrai d’en distinguer et d’en nommer certaines. Je penseici à mon ami et frère Abdoulaye Ndiaga Sylla qui a acceptéde lire le manuscrit, afin d’en extraire les scories et autresmaladresses qui auraient pu amoindrir la qualité del’ouvrage. Pour ses conseils avisés, pour son travailfastidieux de correction et d’édition, je ne saurai jamais leremercier à la mesure de son apport. Je manquerais à mesdevoirs, si je n’exprimais pas ma gratitude à mon épousepour sa patience et mes à enfants, pour accepter les arrivéestardives à la maison et les départs inopinés, alors qu’ilsaimeraient apprécier davantage la présence d’un père souventparti. J’exprime la même gratitude à l’égard de mes frères etsœurs pour leur soutien, je sais que j’en aurai encore besoin àla sortie de cet ouvrage qui ne manquera pas de déranger.Mes remerciements vont également aux amis et aux plusproches d’entre eux, je n’ai jamais rien entrepris sans leursconseils éclairés. Je n’oublie pas Abdou Aziz Diop,enseignant à l’Issic qui a lu avec beaucoup de rigueur monmanuscrit et m’a convaincu d’en extirper certainesaffirmations ou des allégations qui auraient pu allonger letexte, sans nécessairement lui apporter quelque chosed’essentiel. Je remercie le technicien qui s’est occupé de

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l’infographie et du montage graphique des textes, AliouneBâ. Mon complice de toujours qui a souvent été décisif danstous mes ouvrages, Paul Négem, je dis encore une fois deplus merci. Merci pour tout. Je confonds dans les mêmesremerciements tous ceux et toutes celles qui ont directementou indirectement rendu possible, grâce à leur présence à mescôtés, à leurs encouragements ou à leur sollicitude, larédaction de ce livre.

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Au défunt confrère Norbert Zongo, je dédie ce documentd’enquête. A chaque fois que je commence un travaild’investigation, je ne peux m’empêcher de penser à cetteconversation que nous avons eue, en février 1998, chez toi,au Burkina Faso. Nous parlions tous les deux de notrepassion commune pour le journalisme d’enquête et de sonavenir dans notre continent. Nous discutions des risques,mais nous évoquions surtout les difficultés qui empêchentencore cette pratique journalistique de se répandre dans nospays. On en a pourtant besoin sur cette terre d’Afrique, oùnos dirigeants rusent la plupart du temps avec le peuple et secomportent souvent avec le bien public comme de véritablesbrigands. Et cela, plus qu’ailleurs dans le monde. Nousavions tort, je le reconnais aujourd’hui, de croire que lesrisques liés à la pratique de notre passion, n’étaient pas aussiréels que certains nous le disaient. Nous avions tort, dis-je,car dix ans après notre rencontre, je revenais chez toi, aupays des « hommes intègres » et me voyais désigné, par plusde cinq cents journalistes, pour rédiger et prononcer le textede l’hommage qu’ils tenaient à te rendre sur ta tombe. Ce futfait dans un bel élan de solidarité avec ta femme, tes enfantset avec toute ta famille. Nous étions venus nombreux de tousles pays du continent, et d’ailleurs, pour nous incliner sur tatombe et dire haut et fort : plus jamais ça ! J’ai pensé, dansun souci permanent de perpétuer à jamais ta mémoire,proposer en guise de prologue à cet ouvrage, le texte lu cejour sur ta tombe. Nous rappelions quelques faits teconcernant. Treize décembre 1998. Norbert, tu es tombé, cejour, sous les balles de tes assassins qui n’auront jamais lecourage, comme tous les lâches, d’assumer leurs actes. Ilséchappent, pour l’instant du moins, à la justice des hommes,

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protégés qu’ils sont par ceux-là mêmes qui avaient laresponsabilité suprême de veiller sur ta vie et sur celle detous tes compatriotes. Nous espérons que cette Justice deshommes, jusqu’ici défaillante, par un heureux et salutaireretournement de l’histoire les rattrapera pour les châtiersévèrement. En attendant le jugement infaillible que leurréserve le Tout Puissant. Quand ces criminels retourneront àLui pour rendre compte de leurs gestes ignobles. Latransition est toute trouvée. Et elle s’offre à nous et nouspermet de mettre en évidence le symbolisme qui s’attache àce chiffre 13, dans la croyance chrétienne qui t’a vu naître etgrandir. Les valeurs les plus nobles et les plus humanistes decette foi ont toujours inspiré ton action professionnelle.Aussi, au risque de commettre un blasphème, vais-jem’autoriser une comparaison que d’aucuns pourraienttrouver audacieuse, voire saugrenue. Mais que non ! Commele Christ, ce chiffre vous aura été fatal. Lui, le Sauveur, denos âmes, en payant de sa personne. Et toi, cher Norbert,pour le triomphe de la liberté d’informer, sur cette terre duBurkina Faso et au-delà de ses frontières. Tu es mort pourque cette liberté ne soit plus un simple credo professionnelinscrit au fronton de nos organes d’information, ni unesimple pétition de principe politique destinée à apaiser lesconsciences malmenées de nos dirigeants, dont les discoursen la matière n’ont aucune prise sur la réalité et sur lequotidien des citoyens. Ta liberté d’informer et la passion deton métier ont toujours été mises au service d’un idéal :contribuer à éclairer ton peuple, en l’informant en profondeuret correctement. Et dans le seul et unique souci de fairereculer les frontières de l’ignorance. L’aider ainsi às’affranchir de toutes les dominations, en particulier de celledes détenteurs du pouvoir. Pari audacieux et périlleux surcette terre d’Afrique ! Cette terre où les ennemis de la libertéet du progrès des hommes, n’ont pas encore compris, hélas,qu’on ne tue pas des idées en supprimant les personnes quiles portent. Faut-il, alors, leur rappeler, ici, qu’on y arrive à

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la condition de leur opposer des idées supérieures aux leurs.Comment ces ignorants qui nous gouvernent peuvent-ils lesavoir ? Norbert, de la carcasse calcinée de ta voiture danslaquelle tes assassins ont abandonné ton corps carbonisé,s’élève une voix mystérieuse et grave, dans cet après-midi oùtu as rendu l’âme. Et celle-ci répétant avec une force inouïe,le propos du philosophe qui martèle avec la même intensitéde voix l’idée que :

« La liberté est le sentiment des âmes élevées : elleproduit les grandes actions, crée les grandes patries, etfonde les institutions durables ; elle se plaît dans l’ordreet la majesté ; elle s’allie avec tous les gouvernements,en dehors du despotisme. »

Tes assassins qui sont les alliés de ces despotes,commanditaires de leurs actes criminels, ne pouvaient pasnaturellement entendre cette voix grave. Celle-ci ne rentrepas dans les oreilles des êtres non capables de générosité etqui restent aveuglés par leur quête de puissance et depouvoir. Puissance et pouvoir souvent mis au service du mal.Le mal ? Oui, le mal. Et je te savais quelque peu préoccupépar le mal qu’ils étaient capables d’organiser et de perpétuerautour de toi. Préoccupé donc, par les risques auxquelsexpose la pratique du journalisme d’enquête, ici, en Afrique.Tu étais certes conscient de ces risques, mais tu n’as jamaisété pris par cette peur paralysante qui devient finalement unobstacle insurmontable, pour tous ceux qui désirents’engager dans cette voie du journalisme d’enquête. Sans êtretéméraire, tu faisais preuve d’un courage étonnant. Uncourage marqué du sceau de cette lucidité et de cetteclairvoyance qui ont permis au journaliste perspicace que tuas été de nous laisser des enseignements utiles. Et qui plusest, sont toujours d’une étonnante actualité. Je relisaujourd’hui avec admiration l’éditorial que tu as publié ce 25juillet 1995. Tu écrivais avec élégance et avec beaucoup debonheur pour nous lecteurs:

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« Cette capacité de se définir et d’exprimer saconscience, nous l’avons perdue. Des intellectuels, jadisde renom, aux anonymes travailleurs, nous n’avons plusde personnalité au Burkina. Inutile d’indexer uncoupable, cela ne nous soignera pas. Il faut s’attaquer aumal : il part de chacun de nous, il est en chacun de nous.Malicieusement ancré. »

Autrement dit, tu expliquais, non sans raison, que chaqueBurkinabé avait renoncé au combat pour l’avènement d’uneauthentique citoyenneté. Celle qui fait de lui un acteur de sapropre histoire, non un sujet passif contemplant sondéroulement. Tu pouvais, d’une certaine manière, le dire duMalien, mais aussi du Guinéen, du Sénégalais et del’Ivoirien. Et de, que sais-je, encore ? Allons, Norbert ! Toi,tu n’as jamais renoncé. Tu n’as jamais déserté tesresponsabilités. Et comme pour paraphraser Fanon, tu as sudécouvrir la mission de ta génération, assumer avec courageet lucidité ta part dans la conduite de cette mission. Et lesactions que tu as engagées durant ta courte vie montrent quetu as bien compris le philosophe africain quand il enseigne:qu’« il n’y a pas de destins forclos, il n’y a que desresponsabilités désertées ». Revenons à ce fameux éditorialsigné par toi, ce 25 juillet et déjà cité en référence dans cetexte. Tu l’avais titré : « La quête ». La quête, disais-tu.Toute ta vie, tu as été en quête permanente de cette véritéutile et indispensable à la marche de toute sociétédémocratique. Tu écrivais dans ce texte d’une très grandebeauté poétique et philosophique, avec conviction et fortopportunément, ce qui suit :

« (…) Seule cette quête de nouvelle citoyenneté sauverace pays. Il faut s’y attacher. La personnalité d’unenation est bien la somme des personnalités de sescitoyens. La quête individuelle est aussi collective. Elleest à elle seule une raison de vivre et de mourir. »

Mourir ! Un terrible mot. C’est toi-même qui le prononce,comme dans une sorte d’adresse prémonitoire. La mort est là,arrivée assez prématurément ce samedi 13 décembre 1998.

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Elle est intervenue dans des conditions atroces etinhumaines. Et c’est ce qui pousse ta vieille mère às’interroger, dans ce remarquable documentaire, « BoryBana », dédié à ta mémoire par nos deux confrères, lesréalisateurs : Abdoulaye Diallo et Luc Damiba. Stoïque etdigne, la vieille dame, écrasée par le poids de la douleur del’être inconsolable qui pleure l’irremplaçable, lâche devant lacaméra:

« Je m’explique qu’ils te tuent, sans pouvoir jamais lejustifier. En revanche, qu’ils s’acharnent à brûler toncorps… Là, je ne comprends pas pourquoi ils se sontcomportés ainsi. Je ne m’explique pas ce niveau decruauté, ni cette bêtise humaine. »

Ta mère est toujours en quête d’une réponse qui neviendra certainement jamais. Nous aussi, comme elle, tafemme et tes enfants, sommes en quête d’une hypothétiquejustice. Une justice pour toi. Une justice pour ceux quicroient à la liberté et aux valeurs humaines. Nous sommescependant sans illusions dans cette quête. Nous savons que tues mort pour avoir si souvent dénoncé les dérives du« Prince » et mis en évidence la corruption dans laquelle cemême « Prince » et son entourage sont englués et ont plongéune bonne partie de l’élite de ton pays. Comme disait l’autreautour de nous :

« Tout cède aux ravages de cette corruption, rien n’ypeut mettre un obstacle. La fortune et l’arrogance duprince montrent leur pouvoir là où aucune résistance n’aété préparée, et portent leurs fureurs là où elles saventqu’il n’y a point d’obstacles disposés pour les arrêter ».1

La Justice -le Prince en est tout à fait conscient- est unobstacle à son désir de puissance et de pouvoir. Il ne peutdonc, de bon gré, renoncer au contrôle de celle-ci. La raisonest simple : la Justice, la vraie, disons-nous, est naturellementcette force qui concourt avec les autres à la vertu d’une cité ?

1 Voir Machiavel : chapitre XXV du Prince.

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Si l’on en croit Platon (livre IV de la République). Ce type dejustice nous manque encore dans nos pays. Inclinés sur tatombe, nous professionnels d’Afrique et d’ailleurs,renouvelons un engagement : nous ferons tout ce qui est dansnos possibilités pour que justice te soit rendue :

« La lumière de la petite lampe à pétrole trônant dans lehall du centre qui porte si majestueusement ton nom,s’éteindra le jour où cette justice te sera, enfin, rendue. »

Nous ne désespérons pas ! Pour conclure, nousréaffirmons le même engagement pour que Justice soit aussirendue à notre confrère gambien Deyda Aïdara, lâchementassassiné par les despotes qui ont pris en otage son pays.Nous n’oublions pas Tahar Djaoud l’Algérien. Nous nousengageons à mener le combat le plus important : plus jamaisça sur cette terre d’Afrique. Nous nous battrons pour qued’autres confrères ne subissent pas le sort qui a été le vôtre.Nous vaincrons, car notre combat est juste et noble. Je suiségalement sûr que les faits que nous dénonçons dans cetouvrage trouveront un jour écho auprès des juges et serontpunis à la mesure des fautes commises. Je rappelle, enfin,qu’aux Etats-Unis, dans les années 40, lorsque le premierjournaliste qui enquêtait sur cette pieuvre qu’est la mafia, esttombé sous les balles de ses tueurs, les membres del’Association nationale des journalistes d’investigation ontfait sur son corps le serment suivant : « nous continuerons, tamort ne nous arrêtera pas ». Tu es parti, nous continuons !C’est aussi le sens de cet ouvrage. Sans perdre de vue que tesassassins sont aussi chez nous et reçoivent parfois leursordres de tuer des mal pensants comme toi, de personneshaut placées.

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« On nous dépeint en justiciers : je sais l’injustice quivoit le faible subir la loi tandis que les plus fortsagissent avec un sentiment d’impunité qui dépassel’entendement »2 Eva Joly

J’ai décidé d’ouvrir cet ouvrage sur cette adresse queFénelon - il fut prélat, théologien, écrivain français et grandéducateur - a faite en 1694 à Louis XIV, le « Roi Soleil », enlui envoyant une lettre anonyme, via Mme de Maintenon, sonépouse morganatique, pour attirer l’attention de Sa Majesté,sur la vanité de son pouvoir et sur ses graves dérives quirisquent à tout moment de compromettre durablement laFrance, en tant qu’entité nationale. Si nous avons pensé auxmots de ce grand éducateur, après avoir fini d’enquêter sur lagestion de l’Agence nationale pour l’organisation de laconférence islamique (Anoci), par le fils du chef de l’Etat,c’est parce que nous sommes aujourd’hui profondémenthabités par la conviction que le Sénégal vit dans une quasi-monarchie qui emprunte beaucoup de ses méthodes au règnedu « Roi Soleil ». S’adressant donc au roi, Fénelon qui seprésente comme l’un de ses plus fidèles sujets, lui dit :

« Tout le monde le voit, et personne n'ose vous le fairevoir. Vous le verrez peut-être trop tard. Le vrai courageconsiste à ne se point flatter, et à prendre un pari fermesur la nécessité. Vous ne prêtez volontiers l'oreille, Sire,

2 Citation d’Eva Joly, in Transparency International (2002) : Combattre lacorruption : enjeux et perspectives, Karthala, Paris 2002. P.153. Elle a étéjuge d’instruction au pôle financier du tribunal de Grande instance de Paris.Elle a instruit les dossiers ELF, avant de démissionner. Elle a été Prixd’intégrité 2001 décerné chaque année par l’organisation nongouvernementale Transparency international. Eva Joly a été élue députéeuropéenne en juin 2009 sur la liste des écologistes français.

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qu'à ceux qui vous flattent de vaines espérances. Lesgens que vous estimez les plus solides sont ceux quevous craignez et que vous évitez le plus. Il faudrait allerau-devant de la vérité, puisque vous êtes roi, presser lesgens de vous la dire sans adoucissement, et encouragerceux qui sont trop timides. Tout au contraire, vous necherchez qu'à ne point approfondir; mais Dieu saurabien enfin lever le voile qui vous couvre les yeux, etvous montrer ce que vous évitez de voir ».

Nous avons pris le pari de dire au « roi » sansadoucissement ce que son fils a fait de la mission qui lui a étéconfiée pendant quatre ans. Est-ce qu’il écoutera etentendra ? Pas sûr. Peu importe, d’ailleurs ! Le Peuple, lui,écoutera et entendra. Tant mieux ! En terminant la rédactionde cet ouvrage, j’en suis arrivé à la conclusion que ce quis’est passé avec la création de l’Anoci et la manière dontl’agence a été gérée par le fils du chef de l’Etat, n’étaitpossible au Sénégal que parce que nous vivons dans un Etat,où le président de la République, ses pratiques de gestion del’Etat, comme celles observées par certains membres de sonentourage proche, ne déparent pas trop certaines chosesconnues sous le règne du « Roi Soleil » en France etrapportées par les historiens. Ce qui était dénoncé dans lalettre de Fénelon, ce grand éducateur est, à certains égards,semblable à ce que nous avons constaté, en examinant et ensoumettant à la critique juste le vrai bilan de l’Anoci. Unbilan exposé dans le détail dans cet ouvrage, pour que nul nel’ignore. Seulement, à force d’écrire sur le pouvoir, d’endénoncer les travers et de stigmatiser les innombrablesmanquements dans la gestion de l’Etat, j’en suis parfois sortiavec le sentiment qu’il est inutile de continuer. Inutile, tantl’indifférence apparente affichée par de nombreuxSénégalais, face aux dérives du régime en place que la pressen’a de cesse de dénoncer, est parfois déroutante pour tous lesdémocrates. Après avoir rédigé mon livre sur la gestion de laLoterie nationale sénégalaise et en ayant constatél’indifférence avec laquelle les citoyens considèrent les

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agissements des responsables de cette société d’Etat, j’enétais arrivé à me poser sérieusement des questions surl’utilité de mon travail. Cette indifférence affichée presquepar tous est à certains égards difficilement compréhensible.Sauf qu’on n’a jamais vu dans l’histoire un peuple menerspontanément un combat essentiel. Il a toujours eu besoin, àcette fin, de la direction d’une élite qui le conduise, l’encadresur ce chemin et l’amène éventuellement à des victoiresdécisives. C’est cela qui rassure. J’ai également compris quele but de tous les régimes autoritaires est d’arriver à fairecéder par l’intimidation, mais aussi souvent et surtout par ledécouragement savamment entretenu, tous ceux quis’opposent à eux. Ils éliminent ainsi toux ceux qui leuropposent un point de vue critique. Je refuse de céder audécouragement et avons décidé de reprendre la plume pourjeter la lumière sur l’Anoci et sur la conduite des travaux dela Conférence islamique. Certains, par leur manière deconsidérer et d’apprécier votre travail, vous dépeignentcomme un justicier impénitent. Et en arrivent même àsuggérer que vous menez un combat personnel. Un combatpersonnel qui, comme pensent les plus pervers d’entre noscritiques, est celui d’un homme frustré. Celui d’une personneaigrie, déçue de n’avoir pas reçu sa part du gâteau. A ceux-là, j’oppose cette belle réflexion de l’ancienne juge Eva Jolyqui explique bien le sens d’un engagement au service d’unidéal de progrès et de justice. Et cet engagement est d’autantplus fort et ira crescendo à mesure que notre payss’enfoncera chaque jour davantage dans la corruption. Lasituation vécue à ce sujet renforce le sentiment chez denombreux citoyens que l’intégrité n’est plus une valeur debase du service public et de la conduite des élites politico-administratives. Or, comme disait Aristote: « Seul le meilleurdoit servir l’Etat ». Est-ce que ce sont les meilleurs qui ontservi l’Anoci pendant les quatre années où elle a existé,comme entité administrative, chargée de conduire uneimportante mission de service public ? Beaucoup de faits

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constatés au cours de nos enquêtes laissent penser que non.En tout état de cause, le bilan dressé par les autorités del’Agence, le mardi 16 juin 2009, devant le Conseil deSurveillance ne suffira pas pour prouver aux Sénégalais queles responsables de l’agence ont été loyaux et corrects avecles deniers de l’Etat. Beaucoup de citoyens, cela a toujoursété le cas, depuis que les rideaux ont été tirés sur le 11ème

sommet de l’Organisation de la conférence islamique (Oci),nourrissent de fortes suspicions, quant à la transparence et àla probité des actes de gestion posés pour conduire la missionde l’’Anoci. Pour ma part, j’ai pris la responsabilité dem’intéresser de près à la gestion de l’Anoci. En le faisant, jesuis certain de soulever le courroux et la vindicte despartisans du régime. Je suis de ce point de vue conscient desrisques que je prends de nouveau. Il n’a jamais été aisé deparler du régime en place autrement qu’en chantant le chef eten participant à l’œuvre de construction de la mythologiepersonnelle de ce même chef. Critiquer le comportement deses plus hauts responsables apparaît toujours, aux yeux debeaucoup de nos compatriotes, comme suicidaire. Ceux-ci nesont pas pourtant des modèles en matière de gestion du bienpublic. Le risque est encore plus grand, quand il s’agit deparler de la gestion du prince et de la soumettre à unecritique éclairante. Cela peut constituer une gêne réelle sur lechemin le conduisant tout droit vers le pouvoir et vers lesacre au suprême sommet. Un chemin que tente de baliser unpère protecteur, parfois jusqu’à la déraison. D’une façon oud’une autre, ce livre qui passe au peigne fin sa premièreexpérience de gestion, pourrait constituer, dans un avenirplus ou moins rapproché, un élément, parmi tant d’autres, àpartir desquels les citoyens pourront s’appuyer pour fonderleurs jugements définitifs sur lui. Tout y passera, le caséchéant : ses compétences, son sérieux et ses capacités àdiriger un Etat. Cela pose un sérieux problème, dès lors quel’on sait que la famille et son entourage s’efforcent deprésenter l’homme aux Sénégalais, comme le génie dont ils

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auraient besoin, après le départ de « Dieu », le père. Et celaaggrave naturellement d’autant notre situation d’hommeosant se mêler de choses qui ne le concernent point. Dansnotre pays, la critique est la chose qui révulse le plus ceuxqui gouvernent. Je suis cependant heureux de récidiver. Marécidive est simple à comprendre : aucune démocratie nepeut espérer prospérer et atteindre un seuil de maturité quiconfirme son irréversibilité, quand elle ne se nourrit pas et nes’entretient pas à la source de la contradiction et de lacritique porteuse de progrès. Du débat contradictoire etfécond jaillit la lumière éclairant judicieusement la marchede la démocratie. L’Anoci ne peut pas livrer un bilan de sesactions et activités menées au cours de ces quatre dernièresannées, en éludant les vraies questions soulevées par sagestion des chantiers de la Conférence islamique. Et espéreren même temps que les citoyens se taisent ou applaudissent àtout rompre « les prouesses du fils du roi ». Cet ouvrage estun moyen pour dire non, nous refusons d’être réduits à desspectateurs passifs, face à notre propre histoire. L’Autoritéde régulation des marchés publics a décidé de conduire unaudit sur la passation des marchés de l’Anoci. C’est unebonne chose. Karim Wade appelle au débat et inviteOusmane Tanor Dieng sur les antennes d’une télévisionprivée à venir débattre avec lui. Le débat n’a pas eu lieu et nepouvait pas avoir lieu. Celui qui en a eu l’initiative jouait enfait son petit numéro d’enfant gâté, il savait pertinemmentque l’intéressé ne répondrait à son invite. C’est bien que lefils du chef de l’Etat fasse publiquement cette invite. Elle nem’est pas adressée. Certes ! Il n’empêche, j’ai décidé deverser dans le débat, en attendant que Karim Wade trouve uninterlocuteur pour débattre, des éléments qui permettront auxcitoyens de se faire dors et déjà une idée de sa gestion del’agence. Nous prenons la parole pour participer à un débatnécessaire et utile pour l’avenir de ce pays. Sans aucuneprétention. Et sans rancœur !

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De la bonne ou de la mauvaise conduite des rois et deschefs dépendront la prospérité du sol, le régime despluies et l’équilibre des forces de la nature ». AmadouAmpâté Bâ

Non, l’Anoci n’a pas utilisé 72 milliards de FCfa pour lestravaux réalisés dans Dakar. Elle en a dépensé beaucoupplus. Elle en a dépensé au moins le double. A cet égard, ilimporte de distinguer le coût des travaux initiés dèsl’ouverture des chantiers, des autres relatifs à des prestationsliées aux travaux de base et de toutes les autres dépensesdiverses générées par l’organisation du sommet. Nousparlons ici, de toutes les dépenses ordonnées par l’Anoci,même si les contrats y afférents ont été signés par d’autresresponsables de l’Etat, comme des ministres et autresfonctionnaires. De ce point de vue, nous sommes à même dedire que l’Anoci a dépensé pour l’organisation de laconférence islamique une somme totale de 205 milliards 211millions de FCfa. Nous avons pu reconstituer toutes sesdépenses, en épluchant les comptes présentés dans le rapportde contrôle de gestion de l’agence, dans celui lu par leDirecteur exécutif de l’agence devant le Conseil desurveillance lors de la clôture de l’exercice 2006. Nous ysommes également arrivé en examinant le budget del’exercice 2008, tel qu’adopté par le Conseil de surveillanceen octobre 2007. Nous avons aussi pu avoir accès au rapport2006 du commissaire aux comptes de l’agence (C.A.G.E.CSUARL), présenté le 31 décembre 2006. Nous avons obtenucopie de l’ensemble de ces documents et avons travaillé etrédigé cet ouvrage à la lumière des données disponibles.Nous avons à cet effet consulté le site officiel de l’Autoritéde régulation des marchés publics. En examinant ce site,

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nous y avons relevé, pour la seule année 2008, un nombretotal de 41 contrats divers signés par divers ministères del’Etat et le Secrétariat général de la présidence de laRépublique, concernant des travaux divers et des prestationsréalisés pour le compte de l’Anoci. Enfin, nous avonsinterrogé plusieurs personnes, des hauts fonctionnaires del’Etat, en affectation à l’époque de l’organisation de laConférence islamique ou dans les différents ministères, à laprésidence de la République et même à l’Agence nationalepour l’organisation de la conférence islamique(Anoci). Pourcompléter le tableau, nous avons procédé à plusieursrecoupements et à des lectures comparées, entre desdocuments (décrets de virements de crédits), signés de lamain du chef de l’Etat et accordant plusieurs milliards defonds à l’Anoci. De cette moisson fructueuse, nous avonsrédigé cet ouvrage. C’est dire que ce livre a étéessentiellement informé sur la base de documents officielsque l’Anoci elle-même a préparés et adoptés et desdocuments fournis par l’Etat. Aucune esquive possible, carce sont les chiffres de l’Agence qui sont rapportés dans cetouvrage. Nous avons pu collecter beaucoup d’informations, àpartir des recoupements de dépenses, opérés de façonméticuleuse, relativement à plusieurs réaffectations de créditsconcernant les années 2007 et 2008. Les informationsobtenues de ces sources officielles font apparaître destransferts massifs de crédits ordonnés pour payerd’importantes dépenses ordonnées sur la base de nouvellesprestations générées par la signature de plusieurs avenantsaux contrats de base signés, en faveur des entreprises, ayanteu en charge les travaux de l’Anoci. Les 205 milliards 211millions de FCfa de dépenses effectives et réelles de l’Anocicomportent un chapitre ou une composante nommée :« Aménagement des bureaux du siège de l’Anoci ». Ce postea englouti la somme de 750 millions de FCfa. Celle-ci a servià l’aménagement des bureaux du président du Conseil desurveillance, M. Karim Wade et à l’équipement des bureaux

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de ses collaborateurs. Ils ont été logés aux 1er, 2ème et 3ème et10ème étages de l’immeuble Tamaro. C’est cela que lesdirigeants de l’Anoci n’ont pas voulu dire auxparlementaires. C’est aussi cela que Messieurs Karim Wadeet Abdoulaye Baldé tentent de cacher. Ils ne le diront jamais.Sauf contraints et forcés. L’Anoci n’a jamais pu mobiliser432 milliards de FCfa. Pure affabulation ! Le décompte quenous avons pu établir à partir de leurs documents indiquequ’une somme globale de 172 milliards de FCfa ont étéeffectivement mobilisés (emprunts divers, dons et autres).Abdoulaye Baldé l’avait déjà annoncé, lors d’une visiteintervenue en fin janvier 2008. Les montants annoncés ontété en fait mobilisés par le biais de la coopération financièreinternationale qui, sous l’impulsion du ministère del’Economie et des Finances, a utilisé les réseaux classiques ettraditionnels de la coopération mise en route depuis l’aubedes indépendances. En cas de besoin, le ministre des Affairesétrangères intervenait, dans le strict champ de sescompétences, pour pousser les requêtes de financements.C’est un bluff et un leurre que de tenter de faire croire quec’est l’Anoci qui a mobilisé ces 172 milliards de FCfa qui, audemeurant, agrègent dans une même et unique enveloppe,des fonds publics et privés investis en fonction d’un agendaet d’objectifs propres aux investisseurs concernés. Comptenon tenu de l’agenda de l’Anoci. Dans certains cas, lacoïncidence a été qu’il y a eu une rencontre entre deuxprogrammes : la volonté de privés d’investir dans l’hôtellerieau Sénégal a coïncidé avec l’ambition des responsables del’Anoci de mettre en place un important programme deconstruction de sites hôteliers, en prélude au sommet del’Oci. Cela est particulièrement vrai dans deux cas au moins :l’hôtel le Terrou Bi et le Sea Plaza. Pour les Sénégalais,certes la question des fonds mobilisés est importante, maiscelle de savoir si les dirigeants de l’Anoci ont eu uncomportement diligent et responsable dans la gestion de telsfonds, l’est encore plus. Au regard de tous ces faits, la

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question aujourd’hui posée est celle de savoir si lesdirigeants de l’Anoci ont eu un comportement irréprochable.Est-ce qu’ils ont eu cette sagesse dont parle l’écrivainAmadou Hampâté Bâ et telle qu’elle s’affiche à l’entame decette introduction ? Amadou Hampâté Bâ indique ainsi à nosdirigeants le chemin à emprunter pour conduire le destind’une nation. Messieurs Karim Wade et Abdoulaye Baldéont-ils suivi ce chemin dans la conduite de la mission del’Anoci ? Nous ne le pensons pas. Qui sont d’ailleurs, parmiles élites dirigeantes actuelles, celles qui incarnent cette bellesagesse enseignée par le patriarche peul ? Elles sont rares,pour ne pas dire inexistantes. Et c’est la raison pour laquellenos pays sont encore englués dans le sous-développementque l’on connaît et peinent à en sortir. Leurs dirigeants neleur donnent aucune chance de trouver des moyens d’enéchapper. Chaque dirigeant est occupé, dès qu’il est encharge d’une parcelle d’autorité de l’Etat, à travailler pourson compte, en transformant ce qui devrait être un sacerdoceen une sinécure, mise à son service personnel, à celui de safamille, de son clan et de la confrérie à laquelle il appartient.Il est lui-même au service d’intérêts particularistes captifs.L’examen de la gestion de l’Anoci démontre la propensionde certains responsables de l’Etat à gérer le bien public sanstrop d’égards pour les règles fondamentales de l’orthodoxieet de la transparence. Depuis le jour où le fils du chef del’Etat a été nommé à la tête du Conseil de surveillance del’agence, beaucoup de Sénégalais n’ont jamais cessé de semontrer préoccupés. Préoccupés, par rapport aux capacitésde l’homme, au manque de préparation de l’intéressé àassumer la charge, avec un maximum de bonheur pour l’Etatet pour la nation. La décision de son père qui l’a nommé le10 juin 2004 à la tête de l’Anoci, avait quelque peu irritébeaucoup de Sénégalais. Une irritation compréhensible dansla mesure où les traditions de ce pays ont toujours tenu àl’écart des affaires publiques et de la marche de l’Etat lafamille directe du chef de l’Etat en exercice. Contrairement à

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ce qui se passait dans la plupart des pays africains, le Sénégalapparaissait, à la fois, sous les présidents Léopold SédarSenghor et Abdou Diouf, en dehors de cas notoires décriés àl’époque, comme un exemple à part. Un bel exemple du restequi n’avait pas encore poussé le népotisme –il aura causébeaucoup de torts aux pays africains-, aussi loin en réservantaux enfants du chef de l’Etat des postes de choix dans l’Etatet dans l’Administration publique. Avec Abdoulaye Wade, lacouleur a été annoncée peu après son installation, avecl’arrivée, depuis Londres, de son fils Karim Wade venuoccuper, auprès de lui, les fonctions de conseiller spécial. Leconseiller très spécial du reste avait été précédé au palais parsa sœur, Sindiély Wade, venue de Suisse où elle travaillaitdans un cabinet d’audit, pour devenir l’assistante de son père.Les deux enfants du président de la République s’incrustentainsi au cœur de l’Etat. Il faut tout de même relever une nettedifférence entre les deux. La fille est discrète, se montreraisonnable et soucieuse d’aider son père dans sa tâche, defaçon positive et efficace. L’autre, le fils, manifeste desambitions débordantes et se positionne plus que de raisondans les affaires de l’Etat. Il se croit investi d’une mission ententant de régenter, avec l’assentiment du père, des secteursentiers de la vie publique nationale. En fait, des secteurs etdes matières qui relèvent pourtant normalement de laresponsabilité et d’attributions propres à des ministresdésignés à cet effet. Finalement, le chef de l’Etat a décidéd’en faire un super ministre bien placé au cœur dugouvernement et de l’Etat. Les choses sont ainsi plus claires.Le décret délimitant son champ de compétences et sesattributions donne une idée de l’immensité des pouvoirs dufils du chef de l’Etat. C’est son statut de président du Conseilde surveillance de l’Anoci, ou plutôt son statut incontestablede patron de l’agence créée sur mesure pour lui, qui lui a misle pied à l’étrier. Il lui a aussi donné goût au pouvoir. C’estbon et jouissif d’être influent. C’est mieux, ont ditcertainement son père et lui, quand on dispose à la fois du

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pouvoir et de l’influence. L’aventure au cœur des affaires del’Etat peut alors commencer ou continuer. Elle ne sedéroulera pas tranquillement, sans que des comptes soientrendus à la nation. Des comptes sont exigés pour sa gestionprécédente. Ils ont beau simuler et esquiver, Karim Wade etses amis de l’Anoci, même protégés par le président, nepourront jamais échapper à cette exigence de la démocratie.Ils se refusent encore à rendre compte, dans la transparenceet la loyauté, de leur gestion. Rien d’étonnant. La vérité estque l’état des comptes laissés à l’Anoci, par lui et sescollaborateurs, ne plaide guère en leur faveur. Ils nemagnifient point leur clairvoyance et leur habilité à gérer. Cen’est certainement pas au moment où le fils du présidents’installera à la tête d’un important département ministérielqu’il se décidera à parler vrai aux Sénégalais. Nous étionsparmi ceux qui craignaient beaucoup pour les conséquenceséventuelles de la confirmation de la nomination du fils duprésident à la tête de l’Anoci. Les uns et les autres semontraient si inquiets de sa présence à la tête l’agence, qu’unchangement de dernière minute avait décidé de son sort.Nous savions que son père avait d’abord nommé le ministred’Etat, ministre des Affaires étrangères à sa place, pourdiriger le Conseil de surveillance de l’Anoci, comme enatteste le décret 2004-80 du 23 janvier 2004. A ce sujet,l’éditorialiste Issa Sall renseigne:

« Il a fallu beaucoup de contorsions pour mettre enplace la direction de l’Anoci. En créant l’Agence, ledécret 2004-80 du 23 janvier 2004 mettait en avant leministre des Affaires étrangères et le ministre del’Economie et des Finances. Le premier assurait laprésidence du Conseil de surveillance, le secondnommait un comptable public au sein de l’Agence. LeDirecteur exécutif qui est le premier organe à côté duConseil de surveillance était donc l’administrateur del’Agence et surtout l’ordonnateur du budget (3-8 duditdécret) ».

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Le président de la République avait en toute logique,nommé son ministre d’Etat, ministre des Affaires au poste deprésident du Conseil de Surveillance, avant de revenir sur sadécision quelques jours après. Sur demande ? En juillet 2003,nous écrivions, dans notre ouvrage consacré à l’alternanceintervenue en 2000, ce qui suit.

« Nous ne sommes pas en monarchie. Les mœurs et lestraditions républicaines qui nous inspirent ont établicertaines règles. Elles nous ont aussi imposé unepratique. Nous devons non seulement la sauvegarder,mais mieux, la renforcer. La consolidation de notre Etatde droit et la cohérence de sa marche sont à ce prix. Lafamille au premier degré du chef de l’Etat, son fils,notamment, accepte d’assumer des charges publiques. Apartir de ce moment, Karim Wade doit accepter d’enassumer tous les risques. Ceux qui procèdentessentiellement du droit qui revient aux citoyensd’exiger des comptes et de les soumettre à la critique, dele prévenir, au besoin de le mettre en garde ».3

L’une des réactions les plus fortes à cette nomination a étécelle d’un homme politique, Abdoulaye Bathily. Ce dernierfut sans ambages dans ses propos. Il déclarera à ce sujet:

« L’Anoci s’occupe de tout. D’importation de pétrole,de constructions d’infrastructures… tout cela sera logé àla présidence de la République (….) L’Anoci de KarimWade fonctionne comme un gouvernement parallèle. Eton la voit dans tous les secteurs vitaux où il y a del’argent. Et c’est le fils du président de la Républiquequi s’occupe de tout ça (…). C’est !indécent que leprésident de la République mette son propre fils dans detels deals financiers. C’est immoral ».

La charge a été dure. Sans aucun doute. Cependant aumoment des comptes, on perçoit mieux et on comprend à sajuste mesure le sens de l’indignation, voire de la colère del’homme politique. Ce dernier n’avait pas du tout, c’est le

3 Voir Coulibaly Abdou Latif (2003) : Un opposant au pouvoir, l’Alternancepiégée : Dakar, Editions Sentinelles, P. 216.

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moins qu’on puisse dire, apprécié le fait que Karim Wadesoit placé là où il a été mis par son père, pour gérer, avec leSecrétaire général de la présidence de la République,Abdoulaye Baldé, l’organisation, à Dakar, de la Conférenceislamique. Un bilan tronqué, fait d’amalgames, de beaucoupde contrevérités, de dissimulations et d’omissions graves.Tout cela justifie a posteriori les fortes appréhensionsmanifestées dès la nomination de Karim Wade. Le bilanprésenté devant le Conseil de surveillance de l’agence etdevant la représentation nationale, tente de rendre comptedes activités de l’Anoci. Il soulève beaucoup decontroverses. Et pour cause ! Il est sommaire et restetotalement muet sur le détail des comptes, sur la nature desdépenses, sur leur volume global et sur les motifs réels detoutes ces dépenses. Celles-ci sont tout de même immenseset posent une question d’opportunité, au regard des faiblesmoyens de l’Etat du Sénégal et des priorités à arrêter enmatière de dépenses publiques. Les dépenses réalisées nousinterpellent fortement, du fait qu’elles sont essentiellementconcentrées dans la capitale, dans des proportions défianttoute logique. Elles nous interpellent aussi, au vu de l’étatglobal et physique des infrastructures qui en sont sorties. Lebut de cet ouvrage est d’aider les citoyens à mieux lire et àmieux saisir les manquements et les insuffisances du bilanqui leur a été présenté par les responsables de l’Anoci. Al’entame de notre texte, nous craignions que les informationset les analyses que nous proposions de rendre publiques, nesoient rendues sans objet par la décision des responsables del’Anoci de dresser publiquement le bilan de leurs activités. Sinous avons au départ nourri ces craintes, c’est parce que nouspensions que Karim Wade et Abdoulaye Baldé mettraient àla disposition du public les informations et les données quisont disponibles dans le rapport d’audit qu’ils ont eux-mêmes commandé. Rien de tout de cela ne se fit. Il y avaitd’ailleurs quelque chose qui nous laissait penser qu’en dépitdu caractère indulgent et très complaisant de l’audit en

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question, il serait difficile pour Karim Wade et pourAbdoulaye Baldé, les deux responsables de l’Anoci, derévéler le niveau des coûts et l’ampleur des dépenseseffectuées pour réaliser les travaux des chantiers. Tant celles-ci nous paraissent extravagantes et fantaisistes. En effet, nidevant le Conseil de Surveillance, ni devant la représentationnationale, les deux acolytes n’ont osé révéler la vérité sur lesdépenses de l’Anoci. Ils ont tenté de donner un bilan en secontentant de généralités déjà largement connues, même dugrand public, avant la lecture publique de leur bilan. Lesdeux chiffres majeurs révélés au public dans ce bilan sontinexacts, à tous les points de vue. L’un, le chiffre de 72milliards de FCfa annoncé, indique le volume des de l’argentutilisé (les dépenses) et l’autre, celui de 432 milliards deFCfa est présenté comme le montant global des sommeseffectivement mobilisées par l’Anoci. En réalité, rien n’estmoins faux. Les sommes théoriquement mobilisées parl’Anoci ont été en fait obtenues par les soins de lacoopération financière internationale que notre paysentretient avec les pays arabes et qui est placée sous ladirection du ministre de l’Economie et des Finances. Cedernier a bénéficié, au cas où cela s’imposait du concours duministre des Affaires étrangères. Si 432 milliards de FCfa ontété effectivement mobilisées, ils ne l’ont pas été par lesactions des responsables de l’Anoci. Quant au chiffre de 72milliards de FCfa, les enquêtes que nous avons menées nouspermettent d’affirmer que les dépenses occasionnées par lestravaux de l’Anoci constituent plus du double de telsmontants. C’est cela la vérité historique. Ce livre estjustement le résultat condensé de toutes ces enquêtes. Ilaidera à faire éclater la vérité sur la gestion de l’Anoci et àdonner au citoyen des moyens d’appréciation de ce qui sepassait réellement dans la conduite de tous ces chantiers.Comme pour paraphraser un journaliste du journal français leCanard Enchaîné, il ne s’agit point dans cet ouvrage depousser des cris d’indignation. Il est plutôt question de faire

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la lumière, en braquant le projecteur de l’investigation sur lefestival de milliards organisé par l’Anoci. Il ne s’agit pas nonplus de polémiquer avec les mots. On peut à la limiteconsidérer qu’il s’agit, ici, d’une polémique avec les faits.Polémiquer avec les faits ? Oui, en tentant du mieux possiblede les exposer dans leur nudité crue, avec le maximum derigueur et en les interprétant correctement, avec le seul soucid’en faire saisir la quintessence par le citoyen qui, endéfinitive, est le seul juge dans cette affaire des chantiers del’Anoci.

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L’Agence nationale pour l’organisation de la conférenceislamique (Anoci) a réuni le mardi 16 juin 2009 son Conseilde Surveillance à l’effet d’examiner le bilan de clôture del’agence. Le bilan a été présenté par son Directeur exécutif,Abdoulaye Baldé qui l’a défendu avec le concours de sonprésident, le ministre d’Etat, Karim Wade. C’est ce dernierqui a présidé la réunion. Au cours de la rencontre, lesmembres du Conseil ont entendu un rapport d’activitésgénérales et un rapport sur des missions spécifiques qui sesont toutes déroulées sur une longue période. Une périodeallant de l’année 2004 à 2008. Les membres du Conseil ontainsi été informés sur l’ensemble des activités et sur toutesles procédures relatives à la gestion de l’agence. A cet égard,les membres du Conseil présents ont reçu l’assurance quetoutes les activités de l’Anoci s’étaient normalementdéroulées. L’authenticité des comptes présentés a étécertifiée, ont révélé les dirigeants de l’agence, par un auditqui a été réalisé par le Cabinet d’audit international Cice. Lecommuniqué publié à la suite de la rencontre, nous apprendque :

« Tout a été bien fait à l’Anoci (…) Les travaux se sontdéroulés dans des conditions optimales de sécurité et deconfort conformément aux règles protocolaires et austrict respect du cahier des charges de l’Oci ».

Le bilan présenté au Conseil de surveillance de l’Anocipar son Directeur exécutif et par le président du Conseil desurveillance de l’agence note que :

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« Le budget d’investissement initialement fixé à 376milliards de FCfa, s’est finalement stabilisé à 432milliards de Fcfa, dont 77.980 milliards de FCfa ontpermis de réaliser les projets exécutés (corniche I et II etVDN), 28 milliards de FCfa sont prévus pour laréalisation de la route de Ouakam et la route del’aéroport non encore exécutées. 104.5 milliards deFCfa sont prévus pour financer la mise à niveau de laroute nationale allant de la place du millénaire àl’aéroport de Ndiass (subdivisée en trois tronçons). 32milliards de FCfa ont été mobilisés au titre desubvention et enfin 194,5 milliards de FCfa l’ont été autitre de l’investissement prévu pour les hôtels ».

L’Anoci insiste dans son communiqué de presse sur deuxpoints majeurs au moins. Le premier point évoqué: lesdirigeants de l’agence assurent que celle-ci a étérégulièrement contrôlée, durant tout son fonctionnement parle Conseil de surveillance qui comprend, des membres dugouvernement, des parlementaires, des ambassadeurs, desorganes de contrôle de l’Etat, des organisations de la sociétécivile comme la Raddho, le Forum Civil et le Synpics. Etenfin, le deuxième point mis en évidence : l’Anoci a tenu àpréciser, qu’au titre de la gestion des ressources, qu’elle n’agéré directement que son budget de fonctionnement,conformément aux règles de la comptabilité du Syscoa (c’estle système comptable en vigueur dans tous les paysregroupés dans le cadre de l’organisation pourl’harmonisation du droit des affaires : Ohada). L’agenceprécise dans le même communiqué qu’elle a également faitl’objet de contrôles de gestion et d’audit permanents, assuréspar un cabinet international d’audit recruté par appel d’offresinternational, à savoir le Cice- Sénégal. Le communiquédiffusé par les responsables de l’agence, à la suite de laréunion du Conseil de surveillance affirme de façon nette :

« Qu’elle était seulement comptable de son budget defonctionnement, elle n’a donc pas géré le budget relatifaux investissements. C’est ainsi que les conventions definancements ont été signées par le ministère de

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l’Economie et des Finances qui les a inscrites dans lebudget de l’Etat. Les entreprises en charge des travauxont été directement payées par les bailleurs de fondssans que les financements ne transitent par l’Anoci,après un audit réalisé par ceux-ci. Dans le mêmeregistre, les projets routiers ont systématiquement faitl’objet d’un appel d’offres international, au cours duqueltoutes les étapes ont été validées par les bailleurs defonds et les différentes structures concernées de l’Etat ».

L’Anoci se montre très fière de ses réussites, en ce qu’elleest parvenue, dit-elle, par les démarches entreprises par elleet :

« Par ses différentes équipes à trouver des partenaires etdes bailleurs de fonds pour le 11ème sommet de l’Oci.Cela a permis d’attirer l’attention d’investisseurs despays membres de l’Oci et musulmans sur les projets etle potentiel du Sénégal. Ce qui a aussi permis demobiliser des investissements pour la réalisation deprojets qui vont au-delà du sommet avec notamment lazone économique spéciale intégrée ».

Le communiqué de l’Anoci note aussi, avec une nettepointe d’autoglorification, relativement à ses propresprestations, comme en témoignent du reste le ton et les motsutilisés dans le texte publié:

« Le conseil de surveillance relève avec satisfaction quepour la première fois dans l’histoire du Sénégal, unestructure chargée d’organiser un sommet international arégulièrement rendu compte de l’exécution de samission ».

Pour l’ essentiel, c’est l’économie que l’on peut faire del’ensemble des informations et données proposées auxSénégalais par l’Anoci, pour faire le bilan des activités del’agence. Court, tout de même ! Les informations et lesdonnées présentées par la direction de l’Anoci ne laissent pasà l’opinion beaucoup de matériaux pour se faire une idéeprécise et exacte de ce qui s’est réellement passé au cours desquatre années d’existence de l’Anoci. Il va falloir trouverautre chose, pour déterminer le comportement de ses

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principaux dirigeants et leur diligence quant à la gestion del’agence opérée pendant quatre ans. Cela est d’autant plusimportant que certains dirigeants de l’agence ont affirmé defaçon forte à la face de la nation, qu’ils sont riches etdisposent de moyens que leurs amis arabes leur ontgratuitement offerts. Abdoulaye Baldé qui a fait cette sortie àZiguinchor, en mars 2009, au cours de la campagneélectorale pour les locales, a surpris et inquiété plus d’unSénégalais, quand après avoir géré l’Anoci pendant quatreans, il se déclare riche comme Crésus. Comment AbdoulayeBaldé a-t-il été enrichi par ses amis arabes ? Les sociétésarabes qui ont été imposées aux sociétés sénégalaises pourconstituer des groupements, en vue d’exécuter les travauxn’ont absolument pas participé à l’exécution des chantiers.Elles ne pouvaient donc, par conséquent, prétendre à aucunpartage de chiffre d’affaires, comme c’est généralement lecas, quand des entreprises s’associent pour exécuterensemble des marchés précis. Les entreprises arabes se sontcontentées d’exiger des partenaires sénégalais le paiement decommissions négociées entre 15 et 25% du chiffre d’affairesglobal de chaque marché exécuté. Concernant le marché dela route de Ouakam que Bara Tall avait gagné, son associéarabe avait exigé 25% de commissions, ce que le patron deJLS avait refusé. Des fonctionnaires qui sont parfaitement aucourant du dossier expliquent la gourmandise manifestée parla partie arabe. Cette gourmande s’explique par le fait que lesArabes devaient payer en retour des commissions à desintermédiaires. Quels intermédiaires ? Pour l’instant, lesdocuments que nous avons consultés, ne nous ont pas permisd’identifier ces intermédiaires. Pour en revenir au casAbdoulaye Baldé, nul ne doute que ce dernier auraiténormément de mal si toutefois il lui arrivait qu’on luidemande d’identifier publiquement les amis arabes qui l’ontenrichi. Il en aurait davantage eu s’il devait expliquer pourquelle raison les Arabes lui ont donné de l’argent, pour enfaire un homme riche comme Crésus. En vérité, après les

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explications fournies par l’Anoci et qui tiennent lieu de bilan,moult interrogations habitent encore beaucoup de noscompatriotes. Ceux-ci se montrent exigeants et soucieux detransparence dans la gestion des comptes publics. Le bilan ludevant le Conseil de Surveillance et ensuite devant lesparlementaires du pays, se présente, tout compte fait, commeune véritable esquive. Celle-ci se veut astucieuse, pour éviterde révéler aux Sénégalais la vérité sur les chiffres de l’Anoci,alors que cette vérité est indispensable et nécessaire. Ellel’est d’autant plus que les responsables de cette gestion ont laprétention de prendre demain la direction du pays, pour le« construire ». On ne peut pas gérer autant de milliards, pourle compte de l’Etat, et s’en sortir en guise de bilan de sonaction, par une simple pirouette. Une pirouette consistant àdire au peuple : circulez, il n’y a rien à savoir sur notregestion. Il faut des comptes clairs et précis, si l’on veutconvaincre les Sénégalais, que l’argent prêté par les Arabes ànotre pays, a effectivement et exclusivement servi àconstruire des infrastructures et à organiser la Conférence ausommet de l’Oci. Mais qu’il n’a pas plutôt servi à garnir descomptes en banque de particuliers. Des comptes détenus pardes hommes et des femmes qui ont profité de leurs positionsau sein de l’Etat, car assurés de pouvoir compter sur desprotections diverses au sommet de l’Etat, pour spolier lepatrimoine de la nation.

@~_nlpcq_ k_p Znop]c_pn_ ^_ f~%ij]cL’Anoci se félicite, comme le note le communiqué de

presse publié à l’issue de la réunion de son Conseil desurveillance, d’être la seule structure officielle, depuis que leSénégal existe, ayant été mise en place pour organiser unsommet, à avoir régulièrement rendu compte du déroulementde sa mission. On peut cependant lui rétorquer que le compte– rendu qu’elle a fait de cette mission, projette encore plusd’ombre sur sa gestion, qu’elle n’apporte de lumière et deréponses aux nombreuses questions que les Sénégalais se

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posent, sur ses dépenses et sur l’utilisation de l’argent public.C’est mentir que de dire que c’est la première fois qu’unorgane de l’Etat rend des comptes, comme l’Anoci l’a fait, àpropos d’une tâche qui lui a été confiée. C’est aussi mentirque de tenter de faire croire au peuple que la réalisation deschantiers ouverts à la veille de la Conférence Islamique acouté 101 milliards de FCfa. Dans les faits, ces réalisationsont coûté beaucoup plus que le double des sommes ainsiavancées. C’est l’audit effectué par les auditeurs de l’Anociet le rapport du contrôle de gestion qui l’établissent de façonformelle. Une autre source indique également le contraire.En effet, l’analyse opérée sur les virements de crédits notésdans les budgets 2007 et 2008, infirme les affirmations del’Anoci. Ces virements de crédits ont dégagé d’importantessommes d’argent qui ont été consacrées aux investissementsde l’Agence. Plusieurs contrats éclatés dans le budget deplusieurs départements ministériels ont aussi permisl’exécution de nombreuses dépenses pour le compte del’agence. Nous reviendrons sur toutes ces dépenses dans nosprochains développements. Avec des chiffres tirés de l’auditréalisé par le cabinet CICE International dans son rapport decontrôle de gestion, cet ouvrage essaie de corriger lesdirigeants de l’Anoci. Le nom de ce cabinet a été souventmentionné dans les différents documents de l’Anoci. Il a étéen effet souvent évoqué pour donner crédit aux affirmationsdes dirigeants de l’agence. La vérité est que ces dirigeantsprennent les Sénégalais pour ce qu’ils ne sont pas : desdemeurés qui peuvent tout avaler. Quand on lit bien lecommuniqué diffusé au lendemain de la réunion du Conseilde surveillance, on reste frappé par la parade de sesdirigeants consistant à dire que nous n’avons pas gérédirectement les sommes payées aux entreprises qui ontréalisé les travaux. Et d’ajouter implicitement : on ne peutdonc en dresser un bilan. Allez donc le demander auministère de l’Economie et des Finances qui l’a fait à notreplace. C’est tout de même facile ! Tous les honneurs à nous.

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Et les problèmes qui jettent le déshonneur aux autres. C’estbon d’être fils de chef ! Tout le monde sait que les choses sesont déroulées autrement. C’est l’Anoci qui a ordonné toutesles dépenses payées par le ministère de l’Economie ou par unautre ministère technique. Et plusieurs ministères ont étésollicités à cet égard. En plus d’avoir fait ordonner lesdépenses payées, l’Anoci a piloté les chantiers, choisi lesentreprises et validé toutes les dépenses décidées par elles.Mieux ou pis, c’est l’Anoci, elle – même, qui a fixé levolume des travaux et décidé de toutes les opérations qui ontamené l’Etat à consacrer des sommes d’argent faramineusesà ses travaux. Et les résultats auxquels ont abouti leschantiers ouverts sont plus ou moins douteux. De nombreuxtechniciens estiment que les travaux réalisés présentent desgaranties très peu fiables dans le moyen et le long terme.Comment l’Anoci peut-elle croire que les Sénégalaisaccepteront d’avaliser son argumentaire et lui donner quitusde sa gestion ? Elle se décharge, se défausse plutôt et sansélégance sur les autres, en particulier sur le ministère del’Economie et des Finances, pour tenter ainsi de réduire saresponsabilité dans sa propre gestion à un strict minimum. Lecommuniqué de l’Anoci affiche une satisfaction totale de sesdirigeants, quant à la réussite notée dans leur tâche demobilisation de ressources étrangères, arabes en particulier.En réalité, le triomphalisme affiché tente de masquer unéchec cuisant à cet égard. L’Organisation de la conférenceislamique à Dakar a saigné le Trésor public et a accéléré lacrise financière dans laquelle se débat aujourd’hui leSénégal. Les avances de fonds et autres moyens decontournement des règles budgétaires ont coûté à l’ancienministre délégué au Budget son poste et expliquentégalement, en partie, la démission de l’ancien ministreAbdoulaye Sow, son successeur à ce département. Lesavances de fonds ont entraîné d’importants dépassementsbudgétaires. Ceux-ci n’ont jamais été aussi massifs et aussigénéreux, en dépenses publiques. Quand l’Anoci a assailli

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les finances publiques pour l’achèvement de ses travaux, onn’a jamais vu pareil, en termes de dépense. La gestionbudgétaire a été une catastrophe jamais égalée dans ce pays,en termes de gaspillages et de dépenses non réfléchies. Rienn’est moins faux que cette prétention de l’Anoci :

« Les membres du Conseil de surveillance ont relevé lesouci constant de l’Agence de se faire contrôlerrégulièrement par le Conseil de surveillance, pour lesorganes de contrôle de l’Etat … ».

Si ce contrôle était effectif, comment expliquer alorsqu’on ait laissé dépenser la bagatelle de 750 millions FCfa,pour aménager les bureaux du président de l’Anoci audixième étage de l’immeuble Tamaro qui abrite le siège del’Agence ? Avec des documents que nous examinerons plusloin la nature des dépenses effectuées, leur volume, lesprestations payées et dans quelles circonstances elles l’ontété. Nous dirons le total ahurissant des sommes que l’équipedirigeante de l’Anoci a dépensé pour procéder àl’aménagement de leurs bureaux. Cette équipe a tout demême eu la décence de ne pas le révéler elle-même. Nous lefaisons à sa place.

;_moZcin h_h[m_n ^p ;jin_cf ^jpo_ioDes membres du Conseil de surveillance de l’Anoci

doutent, eux-mêmes, de la fiabilité des comptes dévoilés parle président de l’instance. Cette position qui est celle duForum Civil, n’est pas étonnante, encore moins surprenante.Cette organisation de la société civile qui s’est surtoutdistinguée dans la lutte contre la corruption, avait depuislongtemps suspendu sa participation aux réunions du Conseilde surveillance. Elle protestait ainsi contre la volonté dedissimulation des dirigeants de l’Anoci qui necommuniquaient jamais les documents préparatoires desréunions du Conseil. Ainsi, expliquant l’absence de sonreprésentant, Jean Charles Tall, à la réunion du Conseil de

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surveillance convoquée le 17 octobre 2007, le président duConseil, Karim Wade indiquait aux membres présents :

« Jean Charles Tall m’a fait parvenir unecorrespondance dans laquelle il indique les raisons deson absence liées aux délais de réception des documentsqui ne lui permettaient pas de participer dans lesmeilleures conditions aux débats ; en plus d’autresobservations sur les travaux de l’Anoci ».

Serigne Adama Boye le représentant du Synpics quiassistait, pour la première fois, à une réunion du Conseil desurveillance, ce 17 octobre 2007, s’est abstenu de voter. Il aexpliqué le sens de sa décision, quand le Président duConseil a mis aux voix pour adoption les précédents procèsverbaux établis à la suite des réunions de l’instance tenues le12 juillet et le 10 octobre 2006. Serigne Adama Boye indiquaà l’assemblée qu’il ne pouvait pas voter dans un sens ou dansun autre, car n’ayant pas assisté aux réunions visées. Laréunion du Conseil tenue ce 17 octobre 2007, a donné lieu àdes débats qui laissaient déjà entrevoir les termes de lapolémique nourrie et entretenue dans le pays depuis quel’Anoci a décliné publiquement son « bilan ». De nombreuxcitoyens se demandent si en réalité, il ne serait pas indiquéd’envoyer l’Inspection générale d’Etat vérifier les comptesde l’Anoci, pour s’assurer qu’un délit de surfacturation et dedétournements de deniers n’a pas été commis. En tous lescas, certains membres de son Conseil de surveillance avaientclairement posé la question des nombreux dépassementsbudgétaires, constatés dans l’exécution des travaux del’Anoci. Ainsi, prenant la parole à cette réunion du 17octobre 2007, avec une très grande lucidité, Mme AminataNiane, Directrice de l’Apix, indiquait à l’endroit del’assemblée que :

« L’Etat a investi beaucoup d’argent dans lesinfrastructures. Le coût du linéaire revient deux à troisfois plus cher qu’ailleurs car la concurrence est rude etla préférence est nationale : le marché est détenu par uncartel d’entreprises qui spéculent. Baisser les prix

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signifie nécessairement qu’il faut mener des études dequalité et avoir des entreprises expérimentéesrigoureuses et transparentes, le marché pose denombreuses problématiques qu’on ne peut pasmalheureusement régler en Conseil ».

Mme Aminata Niane ne manqua pas de dénoncercertaines entreprises qui, selon elle, s’épanchaient dans lapresse pour parler des conditions d’attribution des marchésdans des termes qui ne reflètent pas la vérité. Baïdy Agne,président du Conseil national du patronat du Sénégal (Cnp),comme piqué au vif par les propos de Mme Aminata Niane,lui a répliqué en soulignant que :

« Les entreprises sénégalaises sont très compétitives. Ilfaut surtout instaurer une meilleure entente entre lepublic et le privé qui doivent avoir des rapports departenariat. Aucune entreprise appartenant au Cnp nefait dans la presse ce genre de débat, dont on a parlétantôt et que déplore Mme Aminata Niane ».

Au cours de la réunion, Alioune Tine, président de laRaddho s’est montré cinglant à l’égard de l’Anoci enaffirmant que:

« La communication de l’Anoci est très médiocre. Lesgens demandent à être édifiés ».

La position affichée par Alioune Tine semblait refléter lesétats d’âme d’un homme pris par le doute, par rapport à unesituation d’ensemble d’une gestion manquant singulièrementde transparence. Et à laquelle sa présence et celle des autresmembres de la société civile apportent une certaine caution etune forme de crédibilité. Le président de la Raddho semblaitgêné et inconfortable. La présence de la société civile quis’exprimait d’une certaine manière à travers sa voix, àtravers celle du Forum Civil, absent ce jour, et du Synpics,représentait une estimation importante de ce manque detransparence. Cette caution, les dirigeants de l’Anoci en onteu besoin et en ont encore plus besoin aujourd’hui. Leprésident de l’Anoci, Karim Wade qui a pris la parole devant

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le Conseil de surveillance réuni ce 17 octobre 2007, pourdonner son avis sur les prix pratiqués par les entreprisessénégalaises du bâtiment et des travaux publics, enparticulier par celles impliquées dans les travaux del’Agence, pour tenter ainsi de justifier les prix offerts. Aussi,ce dernier, révèle-t-il, à ce sujet :

« Le secteur de la construction revient 40% plus cherque dans les autres pays voisins ».

En vérité, les entreprises qui ont réalisé les chantiers del’Anoci : CDE (Consortium d’Entreprise), Fougerolles et laCompagnie sahélienne d’entreprise (CSE), à l’arrivée, ontfacturé leurs prestations, 40 à 50 % plus cher,comparativement aux marchés de base qu’ils ont signés avecl’Etat, à l’ouverture des marchés. Quelle faute peut-onimputer à ces entreprises ? Aucune, sinon celle d’avoirproposé un marché et des prix sur la base d’une ententeillégitime au départ ! En réalité, c’est l’Anoci qui est la seuleresponsable de cette entente illicite et du défaut de maîtrisedes coûts des ouvrages. Ces coûts ont varié de façonexponentielle, à mesure que les travaux avançaient dans letemps et en volume aussi. Une organisation comme le ForumCivil, pourtant membre du Conseil de Surveillance, a laisséentendre par la voix de son coordonnateur, MouhamadouMbodji que ce qui s’est passé exige qu’il y ait un auditindépendant qui édifie définitivement les Sénégalais sur lagestion de l’Anoci. Et le coordonnateur du Forum Civil des’interroger opportunément :

« A quel titre le cabinet CICE qui occupait déjà uneplace dans le dispositif de la gestion financière del’Anoci a publié les chiffres hier ? Est-ce que le cabinetCICE avait un contrat avec l’Anoci pour son contrôleinterne, est-il habilité à faire un audit ? Peut-on parlerd’audit dans ce cas là ? La convention qui lie CICE àl’Anoci doit être publiée ».

Le président du Forum Civil va encore plus loin, quand ilexige un audit technique des ouvrages de l’Anoci :

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« Nous ne voulons pas d’un audit financier, mais nousparlons plutôt d’un audit technique, comme celui qui aété inauguré sur les chantiers de Thiès (…). Les étudesde faisabilité n’ont pas été faites dans les règles, c’estpourquoi sur les tronçons, il y a eu des dépassementspar rapport aux prévisions. Les responsables de l’Anociont quand même géré et dépensé 16 milliards d’appuibudgétaire, soit 4 milliards par an ».

Manifestement, le Forum Civil qui est pourtant membredu Conseil de Surveillance de l’Anoci doute. Son doute estd’autant plus légitime qu’on note une très grande différence,en opérant une confrontation entre les nouveaux chiffres etmontants annoncés et ceux que le Directeur exécutif del’Anoci, Abdoulaye Baldé avait diffusés après la tenue, le 14mars 2008, de la conférence de l’Oci. A l’époque, ledirecteur exécutif de l’Anoci donnait des chiffres tournantautour de 174 milliards FCfa, pour estimer le volume desfinancements obtenus. Ces chiffres ont mué pour se stabiliserdans les nouvelles annonces à 432 milliards FCfa. Le Forumnote un important gap entre les chiffres rendus publics par lecommuniqué du Conseil de Surveillance publié le mercredi17 juin 2009 et ceux qui ont été antérieurement diffusés.Aussi, Mouhamadou Mbodji précise-t-il, à ce sujet :

« Après la tenue de la Conférence Monsieur Baldé avaitdéclaré que les investissements allaient coûter 174milliards FCfa et qu’il restait même 73 milliards deFCfa de l’enveloppe globale des sommes mobilisées. Lebudget initial de l’ensemble des chantiers devait tournerautour de 350 milliards de FCfa. Ce qui veut dire que lecomplément des 350 milliards de FCfa devait provenirdu privé. D’où viennent les 432 milliards de FCfa ? Y a-t-il un prêt accordé à l’Etat ? Pourtant, ils avaient dit audépart que les travaux ne coûteront rien au pays et qu’iln’y a pas eu de travaux supplémentaires significatifsdepuis la fin de la conférence »4.

4 Interviews accordées par l’intéressé au journal Le Populaire dans seséditions du 18 et du 26 juin 2009.

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La réponse que lui oppose le Directeur exécutif del’Anoci, plus d’une semaine après la publication officielle dubilan de l’agence, n’apaisera certainement pas leCoordonnateur du Forum Civil. Ni tous ceux qui, comme lui,doutent des chiffres officiels de l’Anoci. Aussi AbdoulayeBaldé déclare-t-il dans l’édition du Journal Le NouvelHorizon paru dans semaine du 26 juin au 2 juillet :

« Cette somme de 432 milliards de FCfa représente tout.C’est d’abord les hôtels qui sont des projets privés(194,5 milliards de FCfa), les projets routiers (205milliards FCfa). Sur ces 205 milliards FCfa, nousn’avons utilisé pour l’instant que 72 milliards de FCfapour les trois projets routiers. Sur ces 72 milliards, les47 milliards de FCfa viennent des bailleurs de fonds etles 25 milliards de l’Etat du Sénégal. S’y ajoutent les 32milliards de dons (27 milliards de l’Arabie Saoudite etles 5 milliards de l’Etat d’Abu Dhabi. C’est tout ça quifait 432 milliards de FCfa. Les 28 milliards des Fondskoweïtiens Saoudiens, les 105 milliards du Fonds d’AbuDhabi ne sont pas encore signés ».

Il est facile de tirer de cette déclaration les contrevéritésqui la décrédibilisent. Dans le montant de 194,5 milliards deFCfa annoncés comme apport des hôteliers, il faut au moinsen retrancher 21 milliards. En effet, quand l’Anoci affirmeque l’hôtel Radisson a coûté 45 milliards de FCfa, ledirecteur du complexe apprend aux journalistes sénégalaisque le coût du complexe est de 24 milliards de FCfa.

« Des sept hôtels en construction ou en réhabilitation,seuls Terrou-bi (pour 11 milliards de FCfa), le MéridienPrésident (rénové par le Royaume d’Arabie Saouditeavec une enveloppe estimée à 18 milliards de FCfa) et leSea Plaza/Radisson, sont à ce jour effectivementréceptionnés. Encore que pour ce dernier le coût passe,tenez-vous bien, du simple au double selon qu’il s’agitdes chiffres fournis par l’Anoci (45 milliards de FCfa)ou le directeur de l’hôtel en personne (24 milliards deFCfa). En effet, à l’occasion d’une visite de découverteet de présentation organisée le 24 juin en prélude àl’ouverture prochaine du réceptif hôtelier qu’il dirige,

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M. Jean François Rémy a estimé le montant del’enveloppe dégagée pour sa réalisation à 24 milliardsde FCfa ».5

Quand on ment une fois, on ne se donne plus de limites,dit un proverbe de chez nous. Pourquoi mentir sur leschiffres concernant les sommes mobilisées ? Il y a de lafrime de la part de l’auteur de ce mensonge. Cette esbroufetraduit un manque de jugement éclairé dans la façon deconsidérer et d’assumer les responsabilités étatiques qui sontles siennes. Comment peut-on dire aux Sénégalais que les 24milliards de FCfa prévus pour réaliser le Baobab Cap Manuelet le Baobab Mamelles (12 milliards de FCfa) ont étéeffectivement mobilisés, alors qu’il n’en est rien. Lespartenaires, ou plutôt l’entreprise espagnole initialementidentifiée pour les réaliser connaîtrait des difficultés réelles,apprend-on. Au bas mot, ce sont au moins 67 milliards FCfaqu’il faut retrancher sur ce total de 194,5 milliards de FCfaque l’Anoci dit avoir mobilisé pour la réalisation de sonprogramme hôtelier. Les responsables de l’hôtel Radissonont déclaré avoir investi 24 milliards FCfa ans leur projet. Etces 24 milliards de FCfa comprennent le coût des terres surlesquelles sont édifiés l’immeuble, les bâtiments qui abritentle complexe. Les dirigeants de l’hôtel soutiennent en privéavoir intégralement réglé le coût de ces terres, alors que lesdirigeants de l’Anoci prétendent avoir gracieusement mis lesterrains à la disposition des hôteliers. Eux démentent etdisent être en mesure de prouver qu’ils les ont payés. Lesmontants encaissés au titre des transactions effectuées, sitoutefois elles ont eu lieu (certains hôteliers le soutiennent),sur les terrains n’ont jamais été communiqués au ministèredes Finances. Certains responsables de ce même ministèredisent ignorer tout de telles transactions. Les Sénégalaisattendent d’être édifiés par les dirigeants de l’Anoci, trop

5 Voir article du journaliste Issa Sall publié dans Le Nouvel Horizon de lasemaine du 26 juin au 2 juillet 2009.

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avares de déclarations à ce propos. L’Anoci aura du mal àconvaincre qu’elle a pu mobiliser 432 milliards FCfa, pourdes investissements à réaliser dans le pays. Ils ne cherchentpas à convaincre. Ils s’y prennent plutôt pour séduire etéblouir. Ils croient pouvoir trouver des naïfs dans le pays quimordent à leur hameçon. C’est la preuve du manqued’expérience et de jugement de ceux qui ont eu laresponsabilité de conduire la mission confiée à l’Anoci. « Jesuis fier de moi et de ce que nous avons fait », déclaraitKarim Wade, à la sortie de la séance d’information qu’il atenue avec les parlementaires de ce pays, le mardi 30 juin2009 Un péché d’orgueil et une autosatisfaction béate,exprimée sans retenue et avec une pointe d’arrogance quisont la marque d’une immaturité certaine. L’Etat et sacomplexité ne peuvent guère s’accommoder de telles tares.

%[^jpfZu_ Fcjk m_]oc`c_ 5ZmchEntre Abdoulaye Diop et Karim Wade, le courant passe à

peine. Quelques situations et faits ont plus ou moins opposéles deux hommes, au cours des deux dernières années. Lepatron de l’Anoci a difficilement supporté pendant sesnombreuses tournées dans les pays arabes, qu’il soit souventretourné auprès du ministre d’Etat, ministre des Affairesétrangères, ou bien auprès de son homologue en charge del’Economie et des Finances, pour la conclusion de certainesconventions ou accords financiers. Il est arrivé même quecertains pays arabes en viennent à demander la présenceexclusive du ministre de l’Economie et des Finances et dansd’autres cas, celle du ministre d’Etat, ministre des Affairesétrangères, pour traiter en profondeur ou pour conclure undossier. Cette situation a beaucoup frustré le fils du chef del’Etat, durant toute la durée de sa mission à la tête del’Anoci. Il avait promis de prendre sa revanche. Il l’a fait,pourrait-on dire, en réussissant à devenir un « deuxièmeministre des Finances », chargé justement de manièreexclusive de la coopération financière internationale, avec

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tous les pays qui l’ont ignoré. Ceux-ci l’ont fait alors qu’ilpensait naïvement pouvoir directement traiter avec eux, en saqualité de patron de l’Anoci. Ses conflits larvés ou parfoisouverts avec le ministre de l’Economie et des Finances etavec celui des Affaires étrangères, ont amené le chef del’Etat à lui réserver un décret d’affectation de compétences etde champs d’intervention, totalement en porte-à-faux avec lalettre et l’esprit de la Constitution sénégalaise. Ce décret estsurtout en contradiction avec ce texte majeur qui prévoitl’unicité de caisse dans la gestion des deniers de l’Etat. Ceprincipe fait du ministre de l’Economie et des Finances, leseul chef de département ministériel cumulant les fonctionsde comptable public, d’administrateur de crédits etd’ordonnateur de dépenses et l’unique interlocuteur auSénégal des Etats du monde entier en matière de finances.Même le chef de l’Etat ne dispose pas de telles compétences.Ou du moins la loi l’a amené à les déléguer à son ministredes Finances. La sortie du ministre de l’Economie et desFinances, Abdoulaye Diop qui s’est vu obligé de rectifierKarim Wade, quand ce dernier affirme n’avoir jamais gérédirectement les fonds publics était attendue. Car nonseulement l’affirmation est fausse, mais elle est, en plus, denature à installer la confusion. La vérité, telle qu’établie parles faits apparaissant à l’examen des écritures comptables etdes mouvements de fonds effectués, entre son ministère etl’Anoci, dans la période 2004 et 2009, montre que tout dansles chantiers de l’Anoci a été géré par l’agence elle-même.Selon le journal Le Populaire le ministre est formel pour direque :

« L’inspecteur du Trésor détaché auprès de l’Anoci pourgérer la comptabilité publique dans l’agence n’a jamaisrendu compte à mon département. La raison est simple :il était convenu dès le départ qu’il ne me rendrait pascompte, mais plutôt à la Cour des comptes. L’Anoci agéré aussi son budget de fonctionnement qui a été

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pendant ces quatre ans d’existence de 16 milliards deFCFA ».6

Ce démenti cinglant du ministre de l’Economie et desFinances constitue un gros pavé dans la mare tranquille del’Anoci. Il vient ajouter au doute qui a envahi tous lescitoyens de ce pays qui ont suivi l’exposé des grandes lignesde la gestion des responsables de l’Anoci. Cette gestion a ététout sauf transparente. Aujourd’hui, nombre de noscompatriotes qui ont suivi de l’intérieur, comme del’extérieur les activités de l’agence, sont pris par le doute etsont habités par le sentiment que quelque chose leur estcaché. Cache-t-on des informations qui pourraient, en cas derévélation, mettre en doute l’intégrité et la probité del’équipe dirigeante de l’Anoci ? Revenant sur les fameusesaccusations portées sur Abdoulaye Baldé, dès l’ouverture deschantiers de l’Anoci, le journal Le Populaire a révélé dansson édition du vendredi 27 juin, que la Commission nationalede lutte contre la non-transparence, la corruption etconcussion (Cnlcc) a partiellement blanchi le Directeurexécutif de l’Anoci. Rappelons que ce dernier avait étéaccusé d’avoir perçu des pots de vin dans la conclusion desmarchés de l’Anoci. La Commission reconnaît qu’elle nedispose pas de preuves qui établissent, à son encontre, desfaits de corruption, mais elle dit également qu’elle n’a pas puobtenir auprès des banques de la place les informationsauxquelles elle souhaitait accéder pour traiter ce dossier. LaCommission dit également avoir sollicité la collaboration dela Cellule nationale de traitement de l’information financière(Centif), aux mêmes fins. Cette dernière a aussi opposé unrefus catégorique à sa demande. Eu égard à l’ensemble deces données, la Cnlcc a dit qu’elle n’avait pas établi de faitsde corruption avérés contre Abdoulaye Baldé, mais affirmeen même temps qu’elle n’a pas non plus eu les moyens

6 Révélations faites dans le journal le Populaire dans son édition du vendredi19 juin 2009.

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nécessaires pour trancher de façon franche et définitivel’accusation. Elle en était incapable, faute de pouvoir accéderaux sources qui lui auraient permis de le faire. Les uns et lesautres continueront de dénoncer qui, avec des élémentsprobants, qui avec des supputations, le manque detransparence. La situation d’ensemble de l’Anoci n’a été quecela, depuis le début.

@_ mn _o f~%`k _i km_hc1m_ fcai_Il n’ y a pas que les organisations de la société civile qui

s’interrogent sur le bilan rendu public par l’Anoci. Les partispolitiques ne sont pas en reste. Ainsi, ceux de l’opposition enparticulier, montent au créneau, depuis la fin de laconférence de l’Oci, pour dénoncer ce qu’ils nommentaujourd’hui la nébuleuse des chantiers de l’Anoci. Certainsd’entre eux déclarent n’accorder aucun crédit au bilan publiépar l’Anoci. Lors de la réunion du Bureau Politique du Partisocialiste (Ps), tenue dans la journée du mercredi 17 juin, unlarge débat a été organisé au sujet du bilan publié parl’Anoci. Le communiqué de presse sorti par le Ps à l’issue dela rencontre demande à l’opinion publique nationale, auxorganisations de la société civile, aux partenaires bilatérauxde se montrer encore plus décisifs et plus massifs, dans leurinterpellation des autorités de l’Etat, pour qu’un bilanhonnête soit publié, au sujet des travaux de l’Anoci. Lessocialistes enfoncent le clou en soulignant que :

« L’argument tiré de l’existence d’un rapport n’est nirecevable, ni opérant parce qu’il s’agit d’une opération(intra muros) réalisée par le même cabinet qui tient lacomptabilité de l’Anoci, en violation du principe deséparation des fonctions de comptable et d’auditeur.L’opinion publique et les institutions financièresinternationales doivent continuer à réclamer la révisiondétaillée des opérations et des comptes de l’Anoci ».

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Il s’agit pour le Ps, de continuer à exercer une pressionpar les voies démocratiques sur l’Etat, en vue de l’amener àordonner :

« Un audit des structures, des activités, des méthodes etdes procédures de l’Anoci, avec des garanties sérieusesde fiabilité et d’indépendance. La nécessité de faire unaudit s’impose, pour examiner l’opportunité desdépenses, leur volume ».

Le Ps se montre davantage critique et déterminé dans sesdemandes, en exigeant qu’un audit indépendant soit ordonnéafin de déterminer de façon précise:

« L’opportunité et la fiabilité des ouvrages, ou vérifierleur conformité avec les normes sécuritaires,écologiques et avec les règles standard en matièred’urbanisme, sans occulter la question relative àl’inachèvement des chantiers de l’Anoci conçusinitialement pour être des travaux d’élargissement,d’aménagement et d’embellissement ».

Le communiqué publié par les socialistes poursuit lademande adressée aux autorités de l’Etat, en soulignant avecforce le fait que :

« Les responsables de l’Anoci sont d’autant plus tenusde faire droit à l’exigence populaire d’un auditindépendant qu’ils ont été publiquement interpellés ausujet d’une connivence délictuelle dans la passation desmarchés publics d’infrastructures, attribués, semble-t-ilaux mêmes sociétés qui ont réalisé les études préalableset établi les devis ».

Et c’est là, l’une des raisons fondamentales qui expliquentla circonspection de certains membres du Conseil desurveillance. Ces méfiants n’hésitent même pas à seprononcer publiquement, en parlant, dans leurs déclarationset même parfois ouvertement, de suspicions légitimes.L’Alliance des forces de progrès (l’Afp) abonde dans lemême que l’autre pilier de l’opposition démocratique qu’estle Parti socialiste. Elle indiquera dans un communiquédiffusé le 29 juin 2009 et qui parle de farce grossière :

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« (…) Cette comédie qui aura pour cadre uneAssemblée nationale illégitime constitue une expressionde plus du mépris profond que le clan Wade voue auxSénégalais ».

Et le communiqué de l’Afp de poursuivre :« L’Anoci est l’exemple de cette injustice criminelle,dont la logique amène des décideurs à investir descentaines de milliards sur la Corniche Ouest, alors quele mauvais état des routes dans l’hinterland provoque larecrudescence des accidents mortels. »

La charge contre l’Anoci se poursuit encore plus violentedans le contenu formulé :

« Ceux-ci révèlent par ailleurs les insuffisances et lesous-équipement des infrastructures sanitaires qui, desurcroît, sont pénalisées par le manque de ressourceshumaines. Cette grossière farce est inacceptable ».

@_ n]_koc]cnh_ ^_ f~jkcicjiSi nous avons choisi de mettre en évidence les réactions

du Parti socialiste(Ps) et celle de l’Alliance des Forces deprogrès (l’Afp), par rapport au bilan publié, c’est parce quecelles-ci reflètent pour nous, et de façon presque parfaite,l’opinion de l’ensemble des formations politiques del’opposition. Mais c’est aussi parce qu’elles nous semblentprésenter le plus d’intérêt pour l’opinion publique en général.Elles sont pertinentes et traduisent le sentiment général detous les Sénégalais. Y compris le sentiment de certains quisont dans le camp du pouvoir et se sentent mal à l’aise, faceau cas que constitue la gestion de l’Anoci. En matière dedépenses publiques, l’Anoci se présente assurément commeun cas d’école. Qu’est ce qui a bien pu réellement se passer,pour qu’il y ait autant de variations de chiffres et de montantsdans l’ensemble des dépenses dévoilées par elle même,depuis la mise en orbite de l’Anoci en 2004 ? Et la fin de samission, prévue dans le courant de l’année 2009, neconstituera pas un point final au débat. Notre enquête dontles résultats sont consignés dans cet ouvrage tente d’éclairer

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l’opinion sur la gestion de l’Anoci. Nous pouvons dire, avecau moins un des membres critiques du Conseil desurveillance, en l’occurrence, le Forum Civil, qu’il restebeaucoup de doutes à lever. Et des questions sans réponsesqui jettent en définitive la suspicion partout dans la gestionde l’Anoci.

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Ei_ amjnnc1m_ `Zm]_

L’audition des responsables de l’Anoci devant lesparlementaires a suscité beaucoup de commentaires dansl’opinion publique. La presse a dans son ensemble assez bientraduit les sentiments qui ont prévalu. L’organisation de larencontre entre les responsables de l’Anoci et lesparlementaires a en effet inspiré la presse. Celle-ci aura été àsouhait ironique et sarcastique. L’opération montée paraissaitinfantilisante pour les députés et sénateurs. Ceux-ci ont étépresque bâillonnés et livrés, bouche cousue, aux responsablesde l’Anoci. Le lundi 29 juin 2009, la vieille de la prestationdes responsables de l’Anoci devant les parlementaires, lejournal Walfadjri titrait à la « Une » de son édition du jour:« Au théâtre ce soir ». Le journal Sud Quotidien,renchérissait, en titrant en ouverture, sur cinq colonnes, cemême lundi 29 juin : « La tragi-comédie devantl’Assemblée …. ». Et le journaliste Bakary Domingo Manépeut écrire : « Le dessein inavoué du comédien Karim Wadeest d’enterrer le bilan de l’Anoci. Mais qu’à cela netienne » ! En réalité, les confrères du journal Le quotidien nedisent pas autre chose quand ils écrivent : « 432 milliards àhuis clos à l’Assemblée nationale, les coulisses d’une grossefarce ». Ce titre que le journal Le quotidien propose à seslecteurs, dans son édition du mercredi 1er juillet 2009, donnetoute la mesure du spectacle monté devant lesparlementaires, pour sauver le soldat Karim. Il renseigne, àsuffisance sur tout le mépris que l’on peut avoir au sommetde l’Etat pour le Parlement, mais aussi pour le peuple. Ilsn’ont pu cependant tromper personne. Peu de citoyens ont

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été convaincus par le passage de Karim Wade devant lesparlementaires pour faire ce qu’ils appellent le bilan del’Anoci. Beaucoup de parlementaires, y compris certainsappartenant même à la majorité, ont considéré l’exercicecomme ayant été une vulgaire farce. La députée non inscrite,Ndèye Fatou Touré dira à la suite du passage de Karim Wadedevant les parlementaires :

« Nous avons eu droit à un discours très aérien. On nousa donné beaucoup de chiffres (…) Nous n’avons euaucun rapport chiffré, aucun procès verbal d’activités(…) Nous sommes un organe de contrôle, donc notrerôle est de pouvoir vérifier toutes les déclarations faitesaussi bien pour le président du conseil que par leDirecteur exécutif de l’Anoci ».

Et la parlementaire d’ajouter :« Nous avons préconisé et même demandé que la Courdes comptes puisse faire le point, même après coup avecl’Anoci. Ils disent qu’ils ont fait 75 km de routes. C’està vérifier. Est-ce qu’entre l’aéroport et le centre-ville ily a vraiment 75 km de routes ? Cela nous laisse un goûtd’inachevé, une insatisfaction totale ».

El Hadji Diouf, député appartenant à la majorité semontre encore plus sévère, avec les dirigeants de l’Anoci,quand il déclare :

« Tout a été arrangé pour habiller le prince d’unmanteau brillant (…) Karim Wade et ses hommesétaient juste venus pour se faire applaudir par certainsdéputés qui ne sont là que pour ça. Moi, je n’ai riencompris parce qu’on ne m’a pas présenté de rapport.Karim Wade est venu comme un professeur. On a justeparlé de réalisations et de généralités qui ne nous ontpas permis d’avoir un regard critique sur la gestion del’Anoci ».

Doudou Wade, président du groupe parlementaire de lamajorité présidentielle, a pris la parole devant les médiaspour tenter de donner un crédit à la prestation de son cousin.

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Ainsi, dira- t-il, à la suite de la séance d’information subiepar les parlementaires :

« Ce fut un bel exercice de transparence, presque jamaisconnu dans le pays. Nous avons pu écouter lesresponsables de l’Anoci nous faire un bilan complet etclair de la gestion de l’Anoci. Nous nous félicitons deleurs prestations et les félicitons pour l’exercice ».

Aliou Dia, député non inscrit, quant à lui considère que :« Les travaux de l’Anoci sont d’une importanceextraordinaire. C’est une rencontre fructueuse dans lamesure où elle a permis aux uns et aux autres de poserdes questions autour de l’Anoci qui avait suscitébeaucoup de débats. Je crois qu’aujourd’hui, ces débatssont clairs, dans la mesure où un bilan vient d’être tirépar les autorités qui avaient en charge la gestion del’Anoci ».

@_n ]jiom_q0mco0n n_mqc_n Zpt kZmf_h_ioZcm_nDevant les parlementaires sénégalais, les dirigeants de

l’Anoci ont préféré construire des contrevérités n’ayantd’autre motivation que de chercher à couvrir la gestioncalamiteuse et le gaspillage d’argent public, jamais égaléauparavant en ampleur dans le pays. Un gaspillage d’argentauquel ils se seront impunément livrés pendant les quatre ansd’existence de l’agence.

« C’est un exercice de transparence de gestion desaffaires. Nous sommes fiers d’avoir géré l’Anoci et derendre compte comme cela n’a jamais été fait dans lepays. La conférence au sommet de 1991 n’a jamais faitl’objet d’un bilan »

Cette déclaration ne correspond à aucune réalité. LaConférence au sommet de l’Oci qui a eu lieu en 1991 a étédirectement gérée par le ministère des Affaires étrangères del’époque, en l’occurrence, Djibo Leïty Kâ, actuel ministred’Etat, ministre de l’Environnement. Ce dernier dispose detoutes les informations pour apporter un démenti cinglant àKarim Wade qui a été imprudent de se hasarder, comme il l’a

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fait, à dire de telles contrevérités. En 1991, le bilan de laconférence a été présenté dans les règles établies et dans lecadre de l’exercice normal des fonctions de celui qui en avaitla responsabilité directe : le ministre d’Etat, ministre desAffaires étrangères. Il l’avait fait devant la presse nationaleet devant l’Assemblée nationale. En effet, trois jours après laconférence de 1991, Djibo Leïty Kâ, alors ministre d’Etat,ministre des Affaires étrangères, a été interrogé en direct à latélévision nationale, par des journalistes de la chaîne associésà d’autres de la presse privée de l’époque. Il était sur leplateau pour faire un bilan complet du sommet. L’exerciceétait libre et ouvert. J’ai eu la chance de faire partie dugroupe de cinq journalistes qui avaient, trois heuresd’horloge durant, interrogé le ministre d’Etat. Ce jour, leministre aura eu le mérite de répondre franchement auxquestions des confrères. Ces derniers étaient, à mon avis,bien préparés pour rendre l’interview instructive etsignificative, du point de vue des sujets débattus. Le bilan dela Conférence a été passé au crible, sur tous les plans. L’Etatn’avait pas créé un monstre comme l’Anoci pour gérer lesommet et en mettant entre parenthèse ses propres services.Le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères était enpremière ligne et tout a été organisé. Au plan financier, leministre avait géré le sommet à travers les circuits classiquesd’exécution du budget de l’Etat, dans la partie réservée auxallocations de son département ministériel et conformémentaux autorisations de l’Assemblée nationale. Le ministred’Etat, Djibo Leïty Kâ avait tenu, à l’époque, à féliciterpubliquement le Secrétaire général du ministère des Affairesétrangères de l’époque, Moustapha Diagne, devenu plus tardministre de l’Economie et des Finances, actuellementinspecteur général d’Etat à la présidence. Ce dernier avait encharge l’exécution de toutes les lignes budgétaires affectées àl’organisation du sommet. A la fin de la Conférence,ces crédits n’avaient pas été totalement consommés,révélait le ministre d’Etat, ministre des Affaires

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étrangères. Ce dernier interviendra devant les députés del’Assemblée nationale pour faire le bilan du sommet. Enoutre, une loi de règlement votée, il est vrai plus tard, en1998, a donné quitus au gouvernement de l’époque de sagestion du sommet de 1991. Autrement dit, les comptes de laconférence de 1991 ont été certifiés conformes, par la mêmeAssemblée nationale, devant laquelle Karim Wade s’estprésenté pour lui livrer des informations. Mais non pour sesoumettre à sa sanction. Contrairement à ce que dit KarimWade, le bilan de la conférence de 1991 avait été fait, dans lecadre normal des conduites des activités de l’Etat. Il fautpréciser que jamais aucune autre entité parallèle et presqueconcurrente aux services classiques de l’Etat n’a été érigée,pour s’occuper de la conférence, comme cela a été le casavec l’Anoci. C’est naturellement donc qu’il n y a pas eu debilan spécifique du sommet de 1991, qui devait être fait, à lafaçon de ce qu’on attend aujourd’hui de l’Anoci qui est uneentité dotée d’une autonomie budgétaire et financière. Lebilan du sommet de 1991 ne pouvait pas être détaché desactivités globales de l’Etat et présenté en dehors de l’examende la Loi de Finances et des Lois de Règlementsubséquentes. Karim Wade ne peut pas comprendre cela, carn’ayant jamais eu de rapports directs instructifs avec l’Etat. Ilignore encore ses mécanismes. Il les découvrira peut-être,pourvu qu’il prenne le temps d’apprendre, en toute humilité.Les certitudes de l’homme et ses prétentions en serontd’autant tempérées. Nous l’espérons du moins.

@_ njhh_o ^_ 2++2 _o f_ ]jio_to_ ^_ f~0kjlp_C’est dommage que Djibo Leïty Kâ garde le silence sur

les mensonges de Karim Wade, alors que lui-même, encollaboration avec le délégué général au sommet, le hautfonctionnaire Abdou Wahab Talla, et avec de nombreuxautres fonctionnaires anonymes, a réalisé un travailremarquable, pour la tenue du sommet de 1991. Avec lacertitude et l’arrogance de l’ignorant qui s’ignore, Karim

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Wade assène, avec une fougue déconcertante, descontrevérités sur le sommet de 1991, en prétendant qu’il n’ya jamais eu bilan de fait, à ce sujet. Djibo Leïty Ka qui siègeà ses côtés au Conseil des ministres de chaque jeudi, peutdire le contraire. Ce serait une bonne façon de l’aider àapprendre les mécanismes et la façon dont fonctionne un Etatmoderne. Le bilan en 1991 et celui du sommet del’Organisation de l’Unité Africaine qui a été organisé cheznous la même année, ont été bel et bien faits. Trois joursaprès le sommet de l’Oci de 1991, une grande interviewtélévisée de plus de deux heures d’horloge a été réalisée à ceteffet. Je rappelle que cette interview avait été conduite pardes journalistes de la télévision nationale et par d’autres de lapresse privée. Cinq au total, dont deux venaient del’hebdomadaire de l’époque Walfadjri et de Sudhebdo.J’étais personnellement de la partie, avec mon confrèreAbdou Rahmane Camara. Nous avions eu l’avantage, avecles confrères de la télévision nationale, d’interroger sanscomplaisance le ministre. Ce serait surprenant que KarimWade prenne le risque de se prêter au même exercice, avecdes journalistes non embarqués. M. le ministre d’Etat, avez-vous le droit de garder le silence, face aux mensonges d’unhomme, n’ayant avec lui que la suffisance et la protectiond’un père président, pour piétiner ce qui a été fait avant lui ?Laisser ainsi dire que l’ancien régime n’a jamais fait le bilandu sommet de 1991, participe d’un mensonge singulièrementéhonté. En 1991, le sommet de Dakar été organisé avec brioet compétence. Une personne, en particulier, Djibo Leïty Kâ,ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères, avec leconcours de nombreux fonctionnaires de son département,avait servi, avec un rare bonheur, dis-je, la diplomatie de sonpays, en la hissant au sommet de la communautéinternationale. Le sommet de 1991 fut un éclatant succèsorganisationnel et diplomatique. Il le fut à tout point de vue.On ne peut pas laisser prospérer toutes ces contrevéritéstendant à faire croire le contraire, ou qui insinuent que Dakar

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1991 était moins bien réussi que Dakar 2008. Quand l’Etatest bafoué et calomnié, les démocrates qui savent, ceux-làqui ont une claire conscience de la vérité historique, sedoivent de parler, pour démasquer les mystificateurs. Ils nepeuvent pas se taire, par peur de perdre des positions socialesou par crainte d’abandonner des privilèges et des avantagesmatériels divers, nécessairement insignifiants, au regard de lagrandeur de la nation. Les honneurs ne valent pas l’honneur !Faisons alors en sorte que l’honneur de ce pays soit sauf. En1991, l’Irak venait d’envahir le Koweït, quand quelques moisplus tard, le Sommet de l’Oci eut lieu dans notre pays. Uncontexte diplomatique difficile, voire impossible, quand onconnaît les divisions qui minent depuis toujours lacommunauté des Etats arabes. Ces divisions ont éténaturellement exacerbées à l’époque par l’entrée des troupesirakiennes à Koweït City. Tout, dans le contextediplomatique de 1991, prédisposait à un échec du sommet deDakar. Et pourtant, nous nous souvenons tous, avec quelledétermination et quelle intelligence, le président AbdouDiouf et son ministre d’Etat, ministre des Affairesétrangères, ont su déjouer tous les pièges diplomatiques, engardant le cap sur les objectifs du sommet. Avecdétermination et intelligence, ils ont su s’opposer à YasserArafat qui a voulu, en porte-à-faux d’ailleurs avec l’histoirede la terre de Palestine, donner écho aux positions intenablesde l’Etat envahisseur du Koweït. Ils ont déjoué la manœuvrede l’homme et de ses alliés au sein du sommet. Ils ont ainsiévité la paralysie de la conférence. C’était loin d’être gagnéd’avance. A l’époque, on ne comptait plus le nombre desommets arabes qui avaient échoué, à cause de cette questionkoweïtienne. C’est dans ce climat d’extrême tensiondiplomatique et militaire que s’est préparé et s’est déroulé laConférence de 1991. C’est dans cette ambiance de lapremière guerre internationale lancée par l’Occident contrel’Irak, que le Sénégal a organisé son sommet, sans incidencediplomatique majeure. Pourtant, notre pays avait pris des

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risques, en envoyant des soldats en Arabie Saoudite, pourparticiper à l’effort de guerre contre l’Irak. Il prenait ainsifait et cause pour le Koweït et ses alliés, contre une autrepartie des Etats arabes qui soutenait les positions irakiennes.Il avait pourtant réussi, en dépit de ses prises de positionfermes, à faire venir à Dakar toutes les nations islamiques etarabes, en particulier. Il est vrai que le Président AbdouDiouf n’était pas content de l’absence de certains grandsleaders du monde arabe à Dakar : par exemple les rois duMaroc et d’Arabie Saoudite qui avaient pourtant confirméleur participation. Il le dira à un journaliste du quotidienfrançais Le Monde, en des termes très peu diplomatiquesd’ailleurs, tranchant nettement avec la nature de l’homme :

« Je considère pour ma part que les Arabes n’ont que dumépris culturel pour nous autres Africains ».

Quelques semaines avant cette sortie mémorable del’ancien chef de l’Etat, Djibo Leïty Kâ affirmait :

« Je connais bien Abdou Diouf. Avant qu’il n’ouvre labouche, je lis dans ses pensées ».

Et c’est la raison pour laquelle, les journalistes et leministre tiraient le bilan du sommet dans cette grandeinterview télévisée, ci-dessus indiquée. Je me permettais uneamicale provocation à son égard, en l’invitant à nousexpliquer ce que voulait dire le chef de l’Etat, quand cedernier est allé jusqu’à affirmer que les « Arabes n’avaientque du mépris culturel pour nous les Africains ». Je suis sûrque le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères del’époque, a tout cela en mémoire. Je fais ce petit récithistorique, pour témoigner et surtout pour remettre à leurplace tous ces arrogants, pire, tous ces ignorants, qui tententde piétiner l’Etat, en visant le sommet de 1991. Ce n’est pasacceptable ! Le bilan du sommet de 1991 ne pouvait pas êtrefait autrement que dans le cadre normal des activités duministre chargé des Affaires étrangères. Il a été fait devant leparlement et à travers les médias. Et de quelle manière ! Lesommet de Dakar n’était pas autre chose qu’une activité

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diplomatique normale de l’Etat. Pour exceptionnelle qu’ellefût, elle n’en constituait pas moins une activité diplomatiqueordinaire. Le bilan du sommet de 1991 a été fait, rappelons-le, conformément aux règles d’usage qui caractérisent lamarche d’un Etat normal. Et c’était cela la force de l’Etat. Et,c’est à contrario, la faiblesse de ce régime qui confond tout etignore parfois jusqu’aux règles les plus élémentaires de laconduite d’une charge officielle. C’est justement cettemanière singulière d’assumer les plus hautes charges del’Etat qui affaiblit constamment la République depuis 2000.Cette tare a fait de l’Anoci ce monstre qui a dévoré etgaspillé une part importante des budgets de l’Etat votés en2006, 2007 et 2008. En toute impunité !

=i hcffcZm^n kjpm ^_n qcffZn dZhZcn njmoc_n ^_ o_mm_Karim Wade fait un bilan à sa manière dans lequel il

s’abstient volontairement de mentionner certainesréalisations intervenues dans le sillage de la Conférence deDakar. Aussi, oublie-t-il (volontairement ?) d’expliquer auxSénégalais par quels moyens l’hôtel de Simenti qui estentrain d’être construit par une firme anglaise- quelque partdans la région de Kédougou- est –il financé. Pourquoi cethôtel qui est construit, en association avec un prince du Golfearabo-persique, ne figure pas dans le programme hôtelierélaboré par l’Anoci ? Karim Wade et Abdoulaye Baldé n’ontpas non plus dit à la nation, pourquoi les villasprésidentielles, pour lesquelles 26 milliards de FCfa ont étédégagés et remis à l’Anoci par le ministère des Finances,n’ont pas encore été construites ? Autre question n’ayant pasencore reçu de réponse de leur part : comment les deuxhôtels Baobab qui sont prévus dans le programme hôtelier del’Anoci, seront-ils édifiés par un groupe espagnol qui est endifficultés, depuis quelques temps ? En réalité, Karim Wadeet ses collaborateurs n’ont pas fait de bilan. Ils ont juste tentéde jeter de la poudre aux yeux des Sénégalais. Rien n’estmoins faux que de prétendre, comme ils l’ont fait, que

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l’Anoci a réussi à mobiliser 432 milliards de FCfa pour desinvestissements à réaliser au Sénégal. Ils ont eu 170 milliardsde FCfa. Par ailleurs, quand l’Anoci affirme dans son bilanque l’hôtel Sea Plaza Radisson a coûté 45 milliards de FCfa,le Directeur général de ce Complexe Hôtelier la dément. Lapresse qui l’a interrogé lors d’une visite guidée, a rapportéque le montant des investissements est de a aménagé dansses bureaux au 10e étage de l’immeuble Tamaro qui abrite lesiège de l’Agence, avec une somme tutoyant les 750 millionsFCfa. Ils n’ont pas osé regarder le peuple en face, pour luiavouer avoir dépensé plus de 700 millions FCfa, pour sedonner un confort à la hauteur de leur rang, avant decommencer de travailler pour le Sénégal. On savait l’estimedans laquelle ils tiennent ce peuple, mais de là à se donner lecourage de lui faire l’affront de lui révéler le montant dessommes d’argent dépensées pour s’installer, il y aassurément un pas que l’équipe dirigeante de l’Anoci n’a paspu ou osé franchir. Quand cette même équipe affirme qu’ellesouhaite un audit externe, elle ne dit pas la vérité à la nation.Certes, le peuple souhaite qu’un tel audit soit fait. Mais,comme on l’a souvent constaté, ses désirs et souhaits sontsouvent méprisés et ignorés par ce régime. Ce n’estcertainement pas le « prince »qui demande et obtient tout deson père qui va changer les choses. Le chef de l’Etat auraaidé, par son attitude et sa bienveillance, l’équipe dirigeantede l’Anoci à rendre opaque et nébuleuse toute la gestion del’Anoci. Rien n’aura été refusé à l’équipe du fils du chef del’Etat. Les résultats de ce laisser-faire sont là, dramatiques.

0_njci ^_ dpnoc]_L’éditorialiste Mamadou Ibra Kane exprime avec une

pertinence réconfortante ce que beaucoup de citoyenspensent des mensonges qui ont été servis pour tenir lieu debilan de l’Anoci. Il en est ainsi quand il écrit :

« Pour un enterrement de première classe avec lacomplicité de l’inter commission des lois et des

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Finances d’une Assemblée nationale, nous l’avons dit,la semaine derrière, cela est illégitime ».

L’éditorialiste poursuit son raisonnement pour souligneravec beaucoup de justesse :

« Aujourd’hui, ce n’est qu’une audition, un simulacre,soutient une large frange de l’opinion. Demain, et c’estlà une exigence populaire, ce sera un audit sérieux parcequ’indépendant. C’est une obligation à laquelle aucuncitoyen, s’il n’a rien à se reprocher, ne s’aurait sesoustraire ».

Les dirigeants de l’Anoci ont justement beaucoup dechoses à cacher. Qui a payé les avions loués par le chef defile de la Génération du concret et ses acolytes, pourparticiper à la campagne électorale des locales de mars2009 ? Cette question qui reste encore sans réponse en aura,nous en sommes convaincus, dans les mois ou années àvenir. Si on examine bien les textes de l’Anoci, on remarqueque ceux-ci ont été faits de telle sorte que la responsabilitédirecte du fils du chef de l’Etat ne puisse jamais être mise encause. Heureusement qu’en droit, il existe des techniques etdes fictions juridiques subtiles et intelligentes pour saisir descas qui autrement n’auraient jamais pu l’être. AbdoulayeBaldé, le pauvre qui n’a pas un père président de laRépublique a été mis en avant dans tous les textes, pourconstituer demain une cible facile à atteindre, alors queKarim Wade semble hors de portée. La responsabilité deAbdoulaye Baldé est pleinement engagée pour la totalité dela gestion de l’Anoci. Cette belle supercherie a été inventéepour rien. Elle a une finalité : mettre définitivement à l’abriet pour toujours éventuellement le « prince ». Dans l’Anoci,tout n’aura été finalement que du bluff. Les responsables del’agence pensent que l’opinion nationale a mordu à leurhameçon. Mépris glacial que traduisent les différentes sortiespubliques de ces dirigeants. Face à cela, nos compatriotessemblent réclamer un traitement égal entre citoyens, enpensant naturellement aux chantiers de Thiès. Aujourd’hui,

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on refuse de voir la réalité en face pour en tirer toutes lesconséquences de droit qui s’imposent. Il est important,comme dans le cas des chantiers de Thiès, de faire un auditindépendant de l’Anoci. En tout état de cause une inspectiongénérale d’Etat doit être conduite pour savoir ce qui s’estréellement passé. Cela s’impose. Comme s’imposeraitégalement la saisine de la justice au cas où cette inspectionrévélerait des choses interdites par la loi pénale.

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@~j``m_ ^_ f~%ij]c Zpt _iom_km_i_pmn

C’est en mars 2008 que le sommet de la Conférence ausommet de l’Organisation de la Conférence islamique a étéenfin ouvert au Sénégal. La tenue de ce sommet a soulevébeaucoup d’interrogations. Tant à l’intérieur qu’à l’extérieurdes frontières nationales. A l’étranger, les pays membres dela Conférence islamique se sont toujours demandé si, à lasuite de deux reports de date, le sommet allait enfin avoirlieu à Dakar. Le doute s’était installé. Ils étaient nombreux àse demander si le Sénégal arriverait finalement à honorer sesengagements internationaux. A l’intérieur du pays, lapolémique n’a jamais cessé d’enfler. C’est d’abord lanomination du fils du chef de l’Etat à la tête du Conseil desurveillance de l’Agence nationale chargée d’organiser lesommet (Anoci) qui avait suscité l’émoi et provoqué un tollé.La décision du président de la République de procéder à lanomination de son fils, à de hautes fonctions dans l’Etat,semblait en effet inédite, au regard des pratiques et de latradition jusqu’ici observées dans le pays. Nous sommes enjuin 2004. Le président de la République vient de créerl’Agence nationale pour l’organisation de la Conférenceislamique (Anoci) prévue en mars 2006 à Dakar. Il nommeAbdoulaye Baladé, le secrétaire général de la présidence dela République, Directeur exécutif de la nouvelle agence.Karim Wade, son fils qui n’a jamais occupé de fonctionofficielle dans une structure de l’Etat, depuis l’arrivée de sonpère au pouvoir, est désigné président de son Conseil desurveillance. Le conseiller dans l’ombre de son père est enfait le véritable patron de l’agence. Celle-ci devra construire

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des infrastructures, pour accueillir les hôtes du pays etprendre en charge leur séjour à Dakar. Ce ne sont pas moinsde quatre mille personnes qui sont attendues dans notrecapitale. Les sites hôteliers existants n’offrent pas de litssuffisants pour les nuitées nécessaires. Il faut alors enconstruire de nouveaux. Les routes à Dakar, rues, avenues etautres voies de circulation, ne sont pas à la hauteur del’événement. Elles sont à peine capables d’assurer unefluidité acceptable de la circulation pendant le sommet. Lesinfrastructures existantes ne donnent pas à la ville une imagedigne de son rang et de son standing. Dakar doit changer devisage, pour recevoir ses hôtes qui viendront du mondeentier. Qu’à cela ne tienne ! De grands travaux sont prévuspour l’événement. Ces chantiers ont besoin, pour êtreréalisés, du concours et de l’implication décisive des grandes!!entreprises du pays, en particulier celles spécialisées dansle Bâtiment et les Travaux Publics (BTP). A peine installée,l’Anoci en convoque cinq à la présidence de la République.Elle doit arrêter avec elles les modalités de la mise en routedes travaux prévus. Elle doit également leur expliquer lesmodes de financement et les conditions de réalisation desouvrages. Les entreprises concernées sont : Jean LefebvreSénégal (JLS), Consortium d’entreprises (CDE), laCompagnie Sahélienne d’Entreprise (CSE), Fougerolles,devenue plus tard Eiffage et Zakhem, une entreprise deconstruction nouvellement débarquée de Londres. Au coursde la rencontre, les responsables de l’Anoci annoncentl’ampleur des travaux à réaliser dans la Ville de Dakar. Ilsexpliquent aussi le volume des financements attendus despartenaires arabes. Le président de l’Anoci indiquera aussi àses hôtes ce qu’il veut. Les détails ne manquent point. Legrand maître de cérémonie prend contact pour la premièrefois avec les bâtisseurs. Le « constructeur en chef » comptesur les entrepreneurs du pays. Préoccupé à bâtir et à asseoirson image de constructeur. Il va droit au but, en expliquantce que son père et lui veulent :

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« Au moment de la réalisation des travaux, chacun devous sous-traitera avec l’entreprise arabe adjudicatairedu marché depuis son pays. Autrement dit, quand nousobtiendrons les financements, les entreprises arabesseront désignées par leurs gouvernements respectifspour réaliser les travaux. Et celles-ci seront tenues de lesréaliser sur le terrain avec les entreprises sénégalaises,c’est-à-dire avec vous-mêmes ».

Les requêtes de financement seront accompagnées par lesétudes de faisabilité et de factibilité des travaux prévus. Lescoûts doivent être déterminés pour permettre à l’Etat de fixerles montants des financements nécessaires. Les étudesattendues devront également déterminer les conditionstechniques de réalisation des ouvrages. Le hic, est là : aucunbureau technique n’avait été auparavant choisi pour conduirede telles études. Or, le temps presse. Il ne laisse plus demarge de manœuvre à l’autorité. Celle-ci se rabat alors surles entrepreneurs, en leur demandant de fournir ces études.Ce n’est pas leur métier. Ils ne peuvent pas d’ailleurs le faire,car la loi s’y oppose. Mais cela ne retient point les dirigeantsde l’Anoci qui attendent tout des entreprises de BTPconviées à la rencontre. Aussi, l’Anoci décide-t-elle deconfier à chaque entreprise un secteur précis et une partie desouvrages à réaliser. Chaque entreprise se voit ainsi confier laréalisation d’études techniques, en fonction des chantiers quilui seront attribués, après une brève visite des hôtes du palaissur les sites désignés pour recevoir les travaux. Lesresponsables de l’Anoci proposent aux patrons de faire untour en bus sur les différents sites qui seront ouverts. Il s’agitpour chaque entrepreneur de se faire une idée de latopographie de ces sites, avant l’attribution des travaux. Destermes de référence, en fait des informations très vagues sontdonnés sur la nature des études à conduire. Tous partentensemble sur le terrain. Le retour à la présidence de laRépublique est intervenu au bout d’une à deux heures devisite. Enfermés dans un bureau : l’ancienne salle du Conseildes ministres, précisément, les patrons négocient entre eux le

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partage des chantiers à sous-traiter avec les entreprisesarabes. La procédure d’attribution des marchés qui estenvisagée exclut l’organisation d’appels d’offres. Lesentrepreneurs négocient donc dans la perspective detravailler à terme dans la position de sous-traitants dessociétés arabes qui seront nécessairement attributaires desmarchés. Karim Wade précisera de nouveau à l’endroit deses invités, avant de les enfermer dans la salle de partage desmarchés, que les entreprises arabes ne seront privilégiéesdans le choix de l’Etat que dans la seule mesure où leurspays accordent des dons et des subventions pour lefinancement des marchés qui seront ouverts. Le cas échéant,les appels d’offres se feront chez eux et la compétition seraorganisée entre les seuls entrepreneurs du pays donateur.Toutefois, si les financements escomptés sont obtenus sousforme de prêts - ce qui a effectivement été le cas pourl’ensemble des chantiers ouverts-, les appels d’offresauraient lieu au Sénégal, la compétition mettrait donc auxprises les entreprises sénégalaises. La porte peut maintenantse refermer sur les cinq patrons qui ont pris place dans lasalle. Les débats sont ouverts. Chacun peut dire ce qu’il veut.C’est le Consortium D’entreprise (CDE) qui se propose defaire la corniche ouest. Celle-ci explique qu’elle estintéressée par le béton du tunnel. Elle se sent préparée à yaller. Fougerolles veut le tronçon Atépa Technologie-Mosquée de la Divinité. Il propose de faire un viaduc, unpont suspendu au-dessus de la mosquée de la divinité. LaCompagnie Sahélienne d’entreprise (CSE) opte pour laréalisation de la Vdn. Elle explique, à juste titre, qu’elle estbien indiquée pour réaliser les nouveaux travaux sur la Voiede dégagement nord (Vdn) et rappelle qu’elle a construitl’ouvrage de base dans les années 90. L’entreprise JeanLefebvre s’est désignée pour faire la route qui part del’aéroport vers le Méridien. Zakheim, l’entreprise venue deLondres, n’a aucune expérience avérée de construction dansle pays. Elle reçoit un lot à sa mesure. Les chantiers prévus

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pour la réfection des rues et avenues de la ville luireviennent. Elle n’est pas contente du sort qui lui est réservédans le partage et proteste auprès de ses interlocuteurs. Elleest cependant vite remise à sa place. Et comme diraient lesparents wolofs « Gaan doo yewi Bèy ». rendu en français,cela donne « Un étranger doit bien se garder de chercher àconduire le troupeau ». La réunion est terminée. Lesentreprises sont pressées par l’Anoci, elle-même acculée parle temps, pour déposer leurs études. Elles ont quinze jourspour s’exécuter. Tout ne marche pas comme prévu. LesArabes n’ont pas donné de l’argent aux responsables del’Anoci qui sillonnent leurs pays. Karim Wade et AbdoulayeBaldé sont ainsi allés à la pêche des pétrodollars qui vontsortir les chantiers de terre. Au bout de quelques semaines,ils rentrent bredouilles, convoquent à nouveau les entreprisespour les informer que les Arabes n’ont pas réagifavorablement. « Nous devons changer d’approche », leurprécisent les dirigeants de l’Anoci. Le temps presse. Lesresponsables de l’agence explorent toujours les pays arabes,mais ils reviennent souvent bredouilles de leurs tournées. CesArabes sur qui reposent tous les espoirs du gouvernementtardent à bouger. La Conférence islamique, me confiaient desambassadeurs de pays accrédités à Dakar, quelques moisavant le sommet, n’est pas un business, une opération pourfaire des affaires n’ayant rien à voir avec l’Islam. Seul leroyaume d’Arabie Saoudite lâche 60 millions de dollars(trente milliards de FCfa). Pas suffisant. Le chef de l’Etat amême, pendant un moment, boudé l’argent. La variation dutaux du dollar américain est entre temps passée par là, pourréduire les 30 milliards de FCfa à 26. L’Anoci se résoutfinalement à solliciter les fonds de la coopération financièreinternationale classique. Le ministre de l’Economie et desFinances, son homologue des Affaires étrangères viennent àla rescousse des naufragés... La date du sommet se rapprocheà grands pas. Les travaux tardent à démarrer. L’argent n’estpas là. Que faire alors ?

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Rio_io_ _iom_ _iom_km_i_pmn ^p 0:mFace aux chefs d’entreprise présents ce matin au palais, le

président de l’Anoci leur explique que les travaux vontdémarrer avec une solution de rechange. Elle consiste à fairefinancer les chantiers en recyclant des crédits déjà consentisà notre pays, en trouvant auprès des bailleurs de nouveauxemprunts, ou enfin, en sollicitant le Trésor public. Ce sontces trois solutions qui sont finalement retenues. Dans le casde la Corniche Ouest, l’Anoci a décidé de recycler un vieuxcrédit que les socialistes avaient obtenu du temps dugouvernement de Mamadou Lamine Loum. Un créditaccordé par le Fonds Koweitien à l’époque et qui devaitservir à prolonger la Vdn jusqu’à Diamalaye. A défaut depouvoir faire libérer la totalité de l’emprise sur laquelle étaitprévu ce prolongement, le projet n’avait pu être réalisé parles socialistes avant leur défaite intervenue en 2000. LesKoweitiens acceptent de recycler le crédit, en l’affectant à lanouvelle demande présentée par l’Anoci, concernant cettefois-ci la construction de la Corniche Ouest. Le Fondssaoudien est aussi sollicité, il accepte de payerl’élargissement de la route de l’aéroport vers l’hôtelMéridien président. Par ailleurs, c’est la Banque islamique dedéveloppement qui accepte de prendre le financement de laVdn. Le tronçon Atépa-Mosquée de la Divinité sera réalisé,révèle le président de l’Anoci, grâce au budgetd’investissement consolidé de l’Etat, sur trois annéesd’exercice, précise-t-il. Les données du problème changentsur un point : les appels d’offres seront faits au Sénégal. Onne peut pas y déroger, car on ne peut pas dépenser autantd’argent public, sans faire appel à la concurrence. Lesresponsables de l’Anoci avaient expliqué que chaqueentreprise ayant conduit les études qui permettraient laréalisation d’un chantier précis, serait appelée à traiter avecles entreprises arabes adjudicataires des marchés. On nechange pas substantiellement les données. Les entreprisessénégalaises reçoivent chacune son lot de chantiers, à la suite

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d’une procédure d’appels d’offres purement fictive. Enréalité, c’est sur la base d’un arrangement que tout a étédécidé d’avance. Des appels d’offres bidons, faits sur la based’un accord au demeurant illégal et fortement préjudiciable àl’Etat. C’est l’Anoci qui a fait la proposition aux entreprises,pour confirmer et sauver les termes du « deal » convenu,depuis la première réunion tenue au palais. On a expliquéaux entrepreneurs que les appels d’offres serontformellement lancés. Seulement, pour chaque lot donné, lesentreprises qui soumissionnent doivent se concerter entreelles. Ainsi, une entreprise ayant réalisé l’étude technique àpartir de laquelle les financements ont été obtenus, va faireune offre qu’elle communiquera aux autres. Celles-ci feront,à leur tour, des offres avec des conditions financièresnettement au-dessus de ce qui est contenu dans l’offre debase qui leur a été au préalable communiquée. Chaqueentreprise adjudicataire a été également forcée et contraintede s’associer avec une entreprise arabe de l’Etat d’oùproviennent les financements des chantiers concernés. Cetteassociation n’en était pas une en réalité. Car l’entrepriseassociée se contentait de négocier avec la partenairesénégalaise un accord de paiement de commissions, au lieud’un partage de chiffre d’affaires, comme c’est toujours lecas dans toutes les situations d’une offre commune déposéepar des entités liées par un pacte de partenariat. Ce typed’association et les paiements de commissions qu’il aentraînés ont pu donner naissance à des abus en termes dedétermination des coûts des travaux.

@Z hZo0mcZfcnZocji ^p ^_Zf npm f_ o_mmZciConcrètement le deal a opéré dans le cas précis des

chantiers de la Corniche Ouest de la manière suivante:Fougerolles a fait une offre financière de 24 milliards deFCfa, alors que CSE a fixé la sienne à 23 milliards de FCfa.Bara Tall et JLS qui ont proposé 16 milliards de FCfa sontéliminés. C’est CDE qui gagne la mise. La presse se fait écho

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de magouilles qui auraient marqué l’attribution du marché àCDE, alors que JLS était le moins disant. Invité sur le plateaude la télévision nationale, le Directeur exécutif de l’Anoci,Abdoulaye Baldé explique l’élimination de JLS, en avançantdes arguments peu convaincants. Des arguments qui ont étédu reste démentis par les constats faits et par les pratiquesobservées dans la conduite des appels d’offres faits parl’Anoci. Abdoulaye Baldé a osé regarder les Sénégalais dansles yeux pour leur expliquer que :

« JLS a été éliminée parce que cette société n’a pas lescompétences techniques requises pour réaliser untunnel ».

Sauf que sur le même plateau, le directeur technique deCDE qui prenait part au débat reconnaissait lui-même que sasociété a fait appel à une société française qui l’aaccompagnée pour faire son offre. Autrement dit, CDEn’avait pas elle-même l’expertise en matière de constructionde tunnel. Un autre argument a été servi pour justifierl’élimination de la société JLS. En effet, certainsresponsables de l’Anoci ont prétendu que si JLS a étééliminée, c’est parce que son offre a été sous-évaluée entermes financiers, et que de toute manière, elle aurait proposéà l’Anoci la signature d’un avenant. Là également,l’argument ne peut pas prospérer. CDE qui a gagné lemarché de 22 milliards de FCfa, a signé avec l’Anoci unavenant d’un montant de 7 milliards de FCfa. Lesresponsables de l’Agence ne s’entendent pas sur la manièred’évaluer les offres qui sont faites par les entreprisesengagées dans les chantiers et pour justifier l’élimination deJLS. Karim Wade explique que :

« Les rallonges sur les marchés publics sont la plupartdu temps causées par un dumping des entreprises quisous-évaluent leurs offres par rapport au marché.L’échelonnement des travaux par l’Anoci s’explique par

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le souci de ne pas bloquer la mobilité urbaine àDakar ».7

Quand Karim Wade dit cela, au même moment AminataNiane, membre du Conseil de surveillance de l’Anoci, elle,soutient avec même une sorte de vindicte à la bouche que :

« Il n’y a pas d’obligation de prendre une société moinsdisant. Il faut pendre la moins chère si elle en a lescapacités, il y a une sorte de terrorismecommunicationnel de certaines entreprises par le biaisde leur groupe de presse, or celles-ci ne sont passouvent les plus vertueuses. L’ouverture des offresfinancières se fait de façon publique. L’évaluation doittenir compte de la capacité technique avant tout. Lesrésultats des dépouillements paraissant le lendemaindans les journaux. L’Apix, elle-même, a subi ce genrede pression ».8

Tous ces arguments ne sont en fait que des prétextes. Ilfaut plutôt chercher la décision qui fait perdre des marchés àBara Tall dans la volonté de tuer et d’éliminer un hommed’affaires ayant refusé de participer à la mise en place decette entente qui a abouti à une majoration excessive des prixdans le cadre des travaux de l’Anoci. Il y a un autre facteurexplicatif lié à l’offre que Bara Tall avait déposée, suite àl’appel d’offres lancé pour la réalisation du tronçon del’autoroute Malick Sy- Patte-d’oie.

7 Procès verbal de réunion pour examen par le Conseil de surveillance del’Anoci du rapport du contrôle de gestion sur l’exécution des projetsd’infrastructures routières au 30 juin 2007.8 Réunion, op.cit.

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Au total, neuf chantiers devaient être ouverts, selon leprogramme ambitieux qui a été présenté à l’Anoci à lapremière réunion du Conseil de surveillance. Chaquechantier correspondait à des travaux précis et à des sitesidentifiés dans l’ensemble de la ville de Dakar. De tous leschantiers prévus, seuls trois seront effectivement ouverts.Rappelons les travaux concernés au départ, avant de dresserle total bilan de ce qui a été réalisé. Au départ, l’Anoci devaitconstruire et aménager les chantiers ci-après listés :

1) : Elargissement et Aménagement de la cornicheOuest à Dakar y compris la construction d’un tunnel àSoumbédioune et de trois trémies (passages souterrainsau niveau de Stèle Mermoz (Cabinet Atépa), del’avenue Frobenius (Fann résidence) et de la place dumillénaire ; 2) : construction de la route Stèle Mermoz-Mosquée de la divinité- Pharmacie Mamelles : il s’agit,ici, de construire d’ouvrage d’art et cinq giratoires ; 3) :réhabilitation et Extension de la Voie de dégagementnord (Vdn). Ce chantier prévoit la construction de troisintersections dénivelées aux carrefours : Bourguiba,ancienne piste 2 fois 2 voies Liberté 6; 4) :élargissement et aménagement de la route de Ouakamavec la construction de cinq intersections dénivelées ;5) : construction du prolongement de la route 2 fois 2voies Liberté 6-dispensaire Philippe MaguilèneSenghor ; 6) : Elargissement et aménagement de la routede l’aéroport LSS-site (Mamelles) y compris la bretellede l’hôtel-Méridien et la corniche des Almadies ; 7) :construction de la route Virage-Route de l’aéroport.

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D’autres chantiers ont été également prévus pour rendre lecentre ville de Dakar plus conforme à l’image que l’on veutoffrir aux hôtes de l’Etat. Les avenues très peu adaptées à lacirconstance, les rues, boulevards et routes renvoyant l’imaged’une ville dégradée doivent changer avant le sommet. C’estainsi que d’autres travaux ont été envisagés dans tout lecentre ville de Dakar. Ces travaux se décomposent ainsi qu’ilsuit :

« 8) : Réhabilitation des Boulevards de la République etde la Libération, des Avenues Léopold Sédar Senghor,Nelson Mandela, Pasteur Roosevelt, et des Diambars ;9) : construction de la route Avenue Lamine Guèye-Gare ferroviaire (place du tirailleur) avec des ouvragesspéciaux ».

Au départ, le programme arrêté par l’Anoci était plusqu’ambitieux. Il s’est révélé à l’arrivée quelque peu modeste.En définitive, à peine un tiers des travaux a été réalisé parl’agence. Cet échec relatif explique en partie la décision duchef de permettre à son fils, dans le cadre de la délimitationdes pouvoirs de son énorme ministère, d’avoir la haute mainsur les infrastructures. Cela lui donnera les moyens decontinuer de régir tout ce qui est construction de routes etautres au Sénégal .Tous les financements attendus au coursdes prochaines années, pour le développement de ce secteursensible et gourmand en investissements seront gérésdirectement par le fils du chef de l’Etat.

@_ oZpt ^_ m0ZfcnZocjiFinalement, l’Anoci n’aura réalisé un an après la tenue de

la Conférence islamique qu’un tiers des projets arrêtés. Envérité, sur les neuf chantiers identifiés au départ, seuls deuxont été achevés : Corniche Ouest et Mosquée de la divinité.Et encore ! Le chantier Patte-d’oie Aéroport a été à l’origineun projet de l’Agence pour les travaux publics (Aatr). Aprèsl’achèvement du premier tronçon de l’autoroute, l’Agenceavait estimé qu’il était logique de prolonger, dans les mêmes

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perspectives, ce qui venait d’être fait vers la direction del’aéroport. Pour les techniciens et responsables de l’Aatr,cette logique s’imposait d’autant plus que la construction del’autoroute à péage, donnait un sens au projet global demodernisation des axes routiers dans tout ce secteur de laville. La nouvelle autoroute à péage dont la construction étaitenvisagée ouvrait des perspectives harmonisées surl’ensemble du parcours, à la fois dans les sens nord et ouestde l’ensemble du tracé. A peine entamée dans le sens Patte-d’oie aéroport Léopold Sédar Senghor, le projet a étérécupéré par l’Anoci. Il s’agissait sûrement pour elled’étoffer l’actif dans le bilan de la Génération du concret.Rappelons que son chef de file se préparait pour prendre lamairie de Dakar et éventuellement le pays, drapé du manteaude constructeur. Depuis le 22 mars 2009, on sait que lesélecteurs en ont décidé autrement. Dans l’audit commanditépar l’Anoci elle-même et réalisé par le cabinet CICE, on peutlire :

« Au total, sur un budget autorisé de 100, 894 milliardsde FCfa, l’Agence Nationale de l’OCI a effectivementmobilisé des financements à hauteur de 65% à la date du30 avril 2007. Ce taux est passé à 88% à la date du 30juin 2007 ».

Le rapport d’audit poursuit et donne des détails saisissantssur les réalisations de l’agence :

« Au total, la situation d’exécution des projets est lasuivante : projets en cours d’exécution, l’élargissementet l’embellissement de la corniche ouest, construction etaménagement de la route mosquée de la divinité,élargissement et embellissement de la Vdn. Projets dontle financement est acquis : élargissement etaménagement de la route de Ouakam, élargissement etaménagement de la route de l’aéroport-Bretelle HôtelMéridien Président ».

Pour cinq autres projets, les recherches de financementsétaient toujours en cours à la date du 30 juin 2007. En fin decompte, seuls trois chantiers ont été réalisés. Les deux

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autres chantiers dont les financements ont été trouvés depuis2007, n’ont jamais été réalisés et ne sont même pas en passede l’être. La question légitime que tous les Sénégalais seposent est celle-ci : que sont devenus les financementsdestinés à réaliser l’élargissement de la route de Ouakam etl’agrandissement de la route Aéroport-Méridien ? Que sontdevenues les villas présidentielles que l’Anoci avait décidéde construire avant le sommet ? L’audit réalisé sur la gestionne répond pas à ces questions. Elle ne les aborde même pas.Comment expliquer l’échec de l’ambitieux programme dedépart de l’Anoci ? Cet échec est illustré, par exemple, par leprojet d’agrandissement de la route allant de l’aéroport auMéridien, pour un montant global de 60 millions de dollars.Soit 30 milliards de FCfa. Le projet devait être réalisé sur labase d’une requête présentée au Fonds saoudien. Ce dernier afinalement accordé le crédit. L’échec qui caractérise la miseen œuvre de l’ambitieux programme s’explique en partie parla manière dont l’agence a été gérée. Les chantiers del’Anoci ont suscité beaucoup d’interrogations et continuentd’en susciter. Les procédures qui ont conduit au choix desentreprises jettent le trouble dans l’esprit de beaucoup decadres de l’Administration qui suspectent de gravesmalversations dans l’attribution des marchés. On se rappelleque moins de deux ans après son installation au pouvoir, leprésident de la République avait dans son collimateur leprésident de CSE, Alioune Sow. Il lui reprochait d’avoirsurfacturé des travaux à l’époque des socialistes et d’avoirété le principal bailleur de fonds de son rival de l’époque,Abdou Diouf. Il était également accusé d’avoir facturé desmarchés fictifs qui ont été payés par l’Etat et d’avoir partagéle bénéfice avec des responsables socialistes. Ces gravesaccusations – il n’était pas évident de les prouver- avaientfailli conduire en prison le plus ancien et l’un des plusrespectés des entrepreneurs des BTP du pays. N’eussent étéles nombreuses interventions en direction du présidentAbdoulaye Wade en sa faveur, Alioune Sow dont la

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réputation d’homme rigoureux et droit jusqu’ici acceptée partous aurait pu aller en prison. Il fut l’objet de menaces et dechantages qui l’avaient sérieusement ébranlé. C’est, entreautres, pour ces raisons que de nombreux spécialistes desBTP qui ont été contactés au cours de nos investigationsn’ont pas compris pourquoi son entreprise a accepté des’associer à des transactions sur des marchés manifestementproblématiques. Les marchés de l’Anoci ont pu donner lieudans les attributions à de vastes opérations de distraction, àdes fins personnelles, de deniers publics. Les dépassementsbudgétaires notés, de même que l’ampleur des avenants quiont organisé de tels dépassements laissent croire qu’il y a eudes choses très peu claires dans toutes ces opérations. On nemanque pas de le penser quand le rapport des auditeurs del’Anoci qui mentionne que l’aménagement et l’équipementdu dixième étage de l’Immeuble Tamaro qui abrite lesbureaux du président de l’Anoci ont coûté la bagatelle de 750millions FCfa. Une telle somme d’argent peut servir àconstruite à Dakar un immeuble de 11 étages sur un terrainde mille mètres carrés, au coût actuel des matériaux deconstruction, de la main d’œuvre et des terrains dans la villede Dakar. On comprend alors que dans de conditions, où lemanque de transparence fait loi, qu’on n’ait pas pu dégagersuffisamment de ressources financières, pour tous lestravaux. Paradoxalement, d’importantes sommes d’argent ontété dépensées. Si tout l’argent effectivement sorti des caissesde l’agence avait été utilisé de façon rationnelle, judicieuseon aurait pu couvrir tous les besoins de financement des neufchantiers ouverts au départ. Malheureusement, tel n’a pas étéle cas.

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Le marché de la Corniche Ouest qui part de chez AtépaTechnologie (Place de la Bienvenue, pour respecterl’appellation préférée du président de l’Anoci), jusqu’à l’extribunal régional de Dakar (Bloc des Madeleines), a été lepremier chantier lancé en grandes pompes par le chef del’Etat lui-même. Les travaux concernaient une distance totaleévaluée à 7 kilomètres linéaire pour un coût global hors taxede 22 milliards de FCfa. C’est le Sénégal qui paie dans sonbudget consolidé d’investissement la somme de 3 milliardsde FCfa représentant sa contrepartie et les diverses taxesafférentes. En réalité, le Trésor public décaissera beaucoupplus que cela, car il y a eu des marchés additionnels signéspour assurer l’aménagement, la décoration etl’embellissement des sites. L’Etat du Sénégal aura dépenséau moins 21 milliards de FCfa. L’exécution du marché de laCorniche Ouest a connu d’importants dépassementsbudgétaires. On peut lire dans le document d’audit del’Anoci :

« Le Fonds Koweitien, pour la partie hors taxes :18 870 000 000 FCfa. Le Budget Consolidéd’Investissement, pour les taxes : 3 904 632 033 deFCfa. Soit un total de 22 774 632 033 FCfa. L’Etat duSénégal a pris en charge l’ensemble des taxes initiales etadditionnelles dans le cadre du BCI. En coursd’exécution et sur recommandations pertinentes despartenaires techniques (Onas, Aatr, Cetud), le projet aconnu des aménagements et des adaptations techniquesqui ont entraîné une augmentation du budget initial ».

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Le rapport d’audit continue les explications et fournit deséclairages sur les importants dépassements budgétairesintervenus au cours de l’exécution du marché. En fait, cesdépassements constituent une marque dans la conduite destravaux de l’Anoci. De ce point de vue, le marché de laCorniche Ouest détient le record absolu. Le rapport indique.

« La modification du profil en long du tunnel pourpasser sous le canal de Soumbédioune a entraîné unsurcoût pour la réalisation de l’ouvrage. Ce surcoût estdû essentiellement à la mise en œuvre de techniquespour garantir la solidité et la sécurité de l’ouvrage. Lesparois moulées et les barrettes doivent être ancrées à desprofondeurs de 17 à 22 mètres, pour une surface utile de10 mètres. Il faut également ajouter les techniques deréalisation. La proximité de la mer, donc de la nappephréatique à fleur de chaussée va entraîner la mise enœuvre d’une panoplie d’ingéniosité et de technicité pourvaincre le défi de la profondeur. Le coût du tunnel aprèsles études approfondies est estimé à 9 802 204 286FCfa, toutes taxes comprises ».

Les explications fournies pour justifier les dépassementsparaissent parfois empruntées et traduisent dans certains casun manque de préparation et un amateurisme caractéristiquesd’un pilotage à vue, sans nom. Il en est ainsi quand lesauditeurs tentent de justifier des coûts additionnels de 9milliards de FCfa liés à la construction du tunnel, les 273millions de FCfa dus à la construction d’un toboggan imposépar la présence d’un cimetière. On brandit un tel argumentcomme si on ne savait pas, au moment de faire les étudestechniques sur le chantier, que ce cimetière existait. Cecimetière est tout de même là depuis presque un siècle. Pincesans rire :

« L’élargissement de la Corniche Ouest côté mer dans latraversée de Soumbédioune allait entraîner la démolitionet la reconstruction d’un pan important du mur declôture du cimetière mais surtout le déplacement dequelques dizaines de sépultures. Un ouvrage en hauteur(Toboggan) a été conçu pour enjamber le mur du

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cimetière. Le coût de réalisation de cette infrastructureest estimé provisoirement à 273 692 349 FCfa (Ttc) ».

Les explications aussi fantaisistes les unes que les autress’enchaînent. En réalité, ce toboggan était au départ envisagépour assurer un déplacement sans encombres des habitantsdu quartier de la Médina vers le cimetière. Il était à l’origineconçu comme un pont. C’est en cours d’exécution destravaux que des contraintes techniques ont amené l’entrepriseà supprimer le vide, en fermant totalement l’ouvrage, pour enfaire un amas de béton dont la présence en cet endroit n’aaucune explication rationnelle. Si sa conception originelleavait été maintenue, l’ouvrage aurait permis d’éviter d’isolertotalement la Médina de la corniche. Ce qui est le casaujourd’hui. Les brèches ouvertes bien tardivement sur lesrampes centrales de la route ne règlent que très partiellementle problème de l’isolement de la Médina. Finalement, il sedégage une impression très fâcheuse, que le lancement destravaux de la Corniche Ouest n’a au départ reposé sur rien desérieux. C’est à croire qu’aucune étude n’a été réalisée pourles lancer. C’est tout de même fort étrange quand onconsidère la très grande complexité qui caractérise laconstruction d’un tunnel qui plus à proximité de la mer.Certains édifices ne peuvent pas être construits sans desétudes de conception préalables. Prenons l’exemple du Pontroutier du Canal IV, pour souligner davantage la désinvolturedes initiateurs de ces travaux. A ce sujet, le rapport d’auditexplique :

« La construction du ponceau enjambant le canal IVdans la continuation de la route de Fann est devenuestratégique pour l’amélioration de la mobilité dans lecadre du Plan alternatif de circulation, compte tenu desproblèmes liés au croisement du Canal de la GueuleTapée et du tunnel de Soumbédioune, des contraintesliées à la construction du tunnel, des problèmes relatifs àla stabilité des bâtiments bordant le tunnel deSoumbédioune. Le coût de réalisation de cetteinfrastructure est d’environ 177 millions de F Cfa Ttc ».

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Le travail de conception de base d’un ouvrage d’art n’ajamais été et ne sera jamais une tâche superfétatoire àlaquelle on peut décider de recourir ou de surseoir selon leshumeurs ou les caprices de son commanditaire. En l’ayantoublié, les dirigeants de l’Anoci ont, par incompétence oupar négligence coupable, multiplié par deux les coûts destravaux de la Corniche Ouest.

@_ kcfjoZa_ ) qp_ ^_n ]bZioc_mnPourquoi tous ces coûts additionnels largement

prévisibles au départ n’ont pas été intégrés dans les calculs etprésentés dans le marché de base ? En réalité, dansl’exécution de ce chantier l’amateurisme organisé estmanifeste. A quelle fin ? Espérons qu’il ne s’agit point demoyens d’enrichissement sans cause. Le rapport d’auditparle de dépenses additionnelles relativement à la réservationde chaussée pour la traversée en expliquant que :

« L’objectif de ces réservations pour la traversée dechaussée est d’éviter, pour des besoins d’extension oude demande de raccordement, que les concessionnairesde réseaux (Sde/Sones, Onas, Senelec) démolissent lachaussée par des tranchées souvent mal refermées. Pourla densité et l’importance de l’occupation de la CornicheOuest une dizaine de traversées de chaussée ont étéaménagées. Le coût de ces travaux est de 109 596 252de FCfa, toutes taxes comprises ».

109 millions de FCfa pour défrayer des coûts qui auraientpu être prévus dès le démarrage du projet, pour éviter ainside charger le budget pour la réalisation de travaux s’avérant,par la suite, inutiles et coûteux. C’est franchement curieuxque l’on ne s’en rende compte, après avoir construit la route,comme le souligne le rapport d’audit :

« il s’avérait nécessaire de réaliser la voie de desserteentre la trémie Frobenius et le giratoire Aimé Césairepour accéder à l’hôtel Sea Plaza et à son CentreCommercial. Le coût de ces travaux est estimé à182 968 782 de FCfa, toutes taxes comprises.».

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Comment peut-on justifier toute cette masse d’argent (183millions de FCfa) consacrée, dit-on, à la construction d’unebande de terre asphaltée mesurant moins de 150 mètres delong ? Les dirigeants de l’Anoci devront fournir desexplications autres que celles très sommaires contenues dansleur rapport d’audit pour justifier leur décision de construirela bretelle d’accès à un hôtel privé. On ne voit pas commentet pourquoi l’Etat doit payer cette facture, sans que ceux quiont ordonné le paiement soient passibles de délit dedétournement de deniers. Si c’est une convention qui l’aordonné, on peut alors se poser des questions sur la légalitéet la légitimité de cette convention. Les citoyens attendentd’être identifiés sur le paiement de ces 183 millions de FCfaqui ont permis de construire une bretelle pour accéder auRadisson Sea Plaza. Au chapitre de l’assainissement, on peutle constater pour le déplorer, les sommes engagées parl’Anoci sur ses fonds propres pour réaliser les travaux relatifsà ce chapitre sont extrêmement élevées. Sans compter ce quia été réalisé dans ce même chapitre par les sociétés d’Etatconcessionnaires des services publics d’eau et d’électricité :

« Assainissement Carrefour Bloc des Madeleine,Déviation des eaux du Canal de la Gueule Tapée enbuses 800, Assainissement Malick SY, Vanne murale etdéversoir d’orage, vidanges et ventouses sur tuyaux derefoulement ONAS Université / Soumbédioune ettraversée Canal V, Pose gaines réservation alimentationélectrique TPC Bloc des Madeleines, Décapage durevêtement bitumineux existant, Abattage d’arbres,Sciage revêtement existant, Drains le long des murs destrémies, Etanchéité dalle supérieure tunnel et trémies,Bordures GS 2 et CS 1, Tubes en acier pour essaissoniques. Le coût de ces travaux est estimé à371 596 792 de FCfa (Ttc) ».

La conclusion du rapport d’audit sur l’ensemble desmodifications apportées à l’exécution du projet initial de laCorniche Ouest est édifiante, par rapport au défaut de

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maîtrise des coûts des ouvrages construits sur tout le tracé dece site. Au total, renseigne le rapport :

« L’ensemble des modifications et adaptationstechniques a fait évoluer financièrement le projetcomme suit : pour les Travaux : d’un montant initial de18 115 197 407 FCfa (Htva) à un montant réajusté de25 988 396 FCfa (Htva) d’où un dépassement de7 873 198 755 FCfa (Htva) correspondant à un taux de43,5% ».

Les renseignements fournis sur le contrôle et sur son coûtconfirment en tout point, le constat général dressé à savoirque les chantiers de la Corniche Ouest ont été principalementcaractérisés par un manque total de maîtrise des coûts desédifices :

« Pour le Contrôle : d’un montant initial de 602 450 000FCfa (Htva) à un montant additionnel total de938 000 000 FCfa (Htva) d’où un dépassement de335 550 000 FCfa (Htva) correspondant à un taux de56%. Ainsi, pour les Travaux et le Contrôle, le montantglobal et initial du marché est passé de 18 717 647 407FCfa (Htva) à un montant réajusté de 26 926 396 162FCfa (Htva) d’où un dépassement de 8 208 748 755 deFCfa (Htva) correspondant à un taux de 44% ».

Arrêtons-nous un instant sur cette conclusion, pour faireun certain nombre d’observations, à la lumière de lanomenclature des dépenses, telle que présentée par le rapportd’audit de l’Anoci. De ce point de vue, il y a lieu dementionner que le financement obtenu du Fond Koweitien(Fkdea) était au départ de 10 millions de dinars koweitienssoit 18,870 milliards de FCfa (1DK = 1887 FCfa). Comptetenu des aménagements et des adaptations techniques ayantentraîné une augmentation du budget initial, le recoursà un financement complémentaire devenait dès lorsnécessaire. A cet effet, une seconde requête a donc étéadressée au Fonds en décembre 2006, pour un montant de5 158 100 925 de FCfa(htva). Cette requête était devenue unenécessité pour compléter le coût de construction du tunnel de

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Soumbédioune. En avril 2007, le Fonds Koweitien a donnéune suite favorable à la requête, pour un montant de 5,5milliards de FCfa, soit 10 millions de dollars US (I$US =550 FCfa). En conséquence, les sommes globales obtenuessur financement du Fonds Koweitien, à la date du 30 avril2007, se chiffrent à un montant hors taxes et hors douane de24 370 000 000 FCfa. Ceci se décompose, selon les termesdu rapport d’audit ainsi qu’il suit :

« Financement initial : 18 870 000 000 de FCfa,Financement additionnel : 5 500 000 000 de FCfa, soitun total de 24 370 000 000 de FCfa. Le financement àrechercher pour les travaux additionnels et le coût desprestations de la mission de contrôle est estimé à2 232 197 407 de FCfa. Il se présente comme suit : coûtglobal Htva réajusté des travaux et du contrôle26 926 396 162de FCfa financement obtenu à la date du30 avril 2007 24 370 000 000 de FCfa. Le complémentglobal du financement à rechercher à l’époque était del’ordre de 2 556 396 162 de FCfa ».

La conclusion émise par les auditeurs sur ce point précisest accablante pour les dirigeants de l’Anoci. Ils sontaccablants car elle atteste de l’incompétence et du laisseraller dans les actes de gestion posés par les dirigeants del’agence, en matière de maîtrise des dépenses et de rigueurdans la planification stratégique. C’est d’ailleurs étonnantpour des gens qui se targuent d’être de grands spécialistesdes finances et des stratégies d’investissement. Le père duprésident de l’Anoci se plaît souvent à souligner que son filsa fait l’ingénierie financière et exhibe à cet effet, son cvd’ancien banquier de la City à Londres. Toutes cesprétentions n’ont jamais été prouvées dans la gestion deschantiers, en particulier dans le cas de la Corniche Ouest. Lesauditeurs de l’agence soulignent :

« Il convient de souligner que le montant des travauxadditionnels n’est pas encore stabilisé à la date du 30juin 2007, il ne prend pas encore en compte le coûtrelatif à l’aménagement paysager qui avoisinera 2

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milliards de FCfa. Il y a donc lieu d’évaluer de manièreexhaustive le montant de ces travaux avant d’engagerune nouvelle procédure de régularisation ».

Au final, pour ce que nous avons pu reconstituer commedépenses réelles sur la Corniche Ouest, les montantss’élèvent à un total de 40.028 milliards de FCfa. En lisant cequi précède, on se rend compte qu’aucune planificationstratégique des dépenses n’a été proposée par l’équipedirigeante de l’Anoci. Celle-ci courait derrière les entreprisesqui facturaient, déposaient des décomptes partiels et faisaientsigner des avenants à mesure que les travaux avançaient. Eneffet, dans presque toutes les enquêtes que nous avonsconduites et au vu des recoupements de budgets réalisés,indépendamment des informations fournies par le rapportd’audit de l’Anoci, nous avons pu noter des dépassements decoûts très importants, en ce qui concerne l’exécution destravaux de la Corniche Ouest. L’Anoci a largement utilisé,ici, la technique des marchés éclatés et imputés à plusieursbudgets sectoriels pour trouver les sommes d’argentnécessaires et pour faire face aux dépassements budgétairesprovoqués. Rien n’a été au départ contrôlé dans lesprocédures de passation des marchés, en dépit de ce queveulent faire croire les auditeurs de l’Anoci :

« Concernant la Passation des marchés, sur la base desprocédures du Fonds Koweitien et de la manifestationd’intérêt du 19 mars 2005, une liste restreinte de neuf(9) Bureaux d’Etudes et de neuf (9) entreprises toutessénégalaises a été soumise à l’avis de non objection duFonds koweitien qui a approuvé la liste des bureauxd’études et celle des entreprises pré qualifiées de lapartie sénégalaise le 30 octobre 2005. Ces bureauxd’études et Entreprises devront au moment de laconsultation s’associer obligatoirement avec lesBureaux d’études et Entreprises koweitiens dont la listea été envoyée par le Fkdea à l’Anoci le 9 octobre2005 ».

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Les auditeurs poursuivent pour préciser à propos de lapassation des marchés :

« Par la suite, le 12 novembre 2005, par voie de presseau Sénégal et au Koweït, un appel à concurrence a étélancé par l’Anoci suivant les procédures de Fkdeaauprès des Bureaux d’études et Entreprises koweitienset sénégalais qui doivent se constituer sous forme degroupement pour pouvoir soumissionner ».

De telles affirmations sont contredites par la réalité desfaits. Les auditeurs ignorent les négociations qui ont eu lieu àla présidence de la République bien avant l’ouverture desmarchés de l’Anoci. Celles-ci ont conduit à la mise en placede cette entente illicite et illégale qui a marqué les rapportsentre les différentes entreprises qui ont pris part à lacompétition. C’est cette entente illicite qui a été largementdénoncée par un des acteurs des pourparlers de la présidenceayant eu lieu sous la présidence du patron de l’Anoci quiexplique en partie aujourd’hui le défaut de maîtrise et lesimportants dépassements budgétaires constatés. Le marchéde la Corniche Ouest illustre, de la façon la plusremarquable, l’extraordinaire gâchis qui a marqué laconduite des travaux préparatoires du 11ème sommet del’Organisation de la Conférence Islamique à Dakar. Lescouvertures légales qui feront l’objet des développementsultérieurs indiquent dans quel état d’esprit les travaux ont étéengagés et quelles étaient les motivations de ceux qui les ontconçus grands et insatiables en milliards. Et c’est à croire queles marchés n’étaient intéressants et utiles que dans la seulemesure où ils exigeaient beaucoup de milliards. Cette attitudedes responsables de l’Anoci, curieuse à tout point de vue, nes’explique pas pour de nombreux citoyens de ce pays. Ceux-ci considèrent à tort ou à raison que les chantiers cachaienten vérité un agenda politique qui avait besoin de très grosmoyens financiers pour être engagé, sous de bons auspices,et avec de meilleures chances de réussite.

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@_n ]jpq_mopm_n f0aZf_nPour donner toutes les apparences d’une procédure légale

et licite au marché conclu entre CDE et l’Etat du Sénégal, lecontrat signé par le Directeur Exécutif de l’Anoci, a été visépar la Commission nationale des contrats de l’Administration(Cnca) et approuvé, en dernier ressort, par le Premierministre de la République du Sénégal. La procédure delancement de l’appel d’offres et l’adjudication du marché ontduré un peu plus de trois (03) mois. Le marché a reçu lesapprobations de la Cnca le 07 mars 2006 et celle du Premierministre du Sénégal le 11 mai. Aussi, peut-on lire dans lerapport d’audit :

« L’exécution financière de ce projet à la date du 30avril 2007 peut être présentée comme suit : le tauxmoyen d’exécution financière est de 51,46%, alors quela durée prévue initialement était de 12 mois. En ce quiconcerne les indicateurs de performance retenus pour ceprojet ont été présentés ainsi qu’il suit : délai demobilisation du financement initial : 7 mois délai demobilisation du financement additionnel : 4 mois délaide passation des marchés : 3 mois 10 jours délai detraitement et de paiement des décomptes: 1,5 mois, tauxd’exécution financière au 30 avril 2007 : 51, 46% tauxd’exécution physique au 30 avril 2007 ».

Au tableau de la mobilisation des fonds nécessaires pourla réalisation des travaux et à celui de la passation desmarchés, le rapport d’audit de l’Anoci précise que :

« La mobilisation des fonds Le montant du marché, quis’élève à 725 641 000 FCfa Ttc, est pris en charge dansles mêmes conditions que les travaux (montant horstaxes, hors douanes) par le Fkdea. La passation dumarché pour le contrôle s’est faite par appel à laconcurrence internationale sur la base de la liste desbureaux de contrôle validée par le bailleur. Lesfournisseurs consultés ayant été sélectionnés à partir dufichier élaboré suite à l’appel à manifestation d’intérêtde mars 2005. Le groupement SETICO IngénieursConseils/TAEP consortium de bureaux d’études a été

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retenu après évaluation des offres techniques etfinancières ».

Le rapport poursuit et donne davantage de précisions enindiquant que :

« La procédure de dépouillement des offres etd’adjudication a duré 2 mois et 15 jours. Le marché areçu les approbations ci-après: la Cnca le 21 avril 2006 ;le Premier ministre le 05 mai 2006. L’exécutionfinancière de ce projet à la date du 30 avril 2007 peutêtre présentée comme suit : 11 mois et 22 jours après ledébut des travaux de contrôle, le taux d’exécutionfinancière du marché de contrôle est de 64%. Le contratayant été conclu pour une durée de 13 mois, un avenantest prévu pour le proroger jusqu’à la fin des travaux ».

Et comme dans presque tous les marchés de l’Anoci, lescoûts supplémentaires sont inévitables là aussi. Ainsi, lerapport note à ce sujet :

« Le coût supplémentaire des prestations du Contrôlejusqu’à la fin des travaux est estimé à un montant de395 949 000Fcfa HTVA 335 550 000 Fet peut êtreprésenté comme suit : marché initial 602 450 000 FCFAmarché réajusté 938 000 000 FCfa Coût supplémentaire335 550 000 FCfa ».

@Z m0Zfco0 ^_n `ZconCette réalité est différente de ce qui est décrit à propos de

la procédure d’attribution et de contrôle du marché. Lesincohérences qui caractérisent cette procédure, en dépit de ceque l’on nous en dit, sont énormes et frappantes. Tout, dansles faits et les pratiques qui ont caractérisé la passation desmarchés de l’Anoci, contredit les prétentions de l’agence quine correspondent pas à la réalité vécue. Bara Tall, l’un desentrepreneurs ayant participé aux offres, n’a eu de cesse dedénoncer ce qui s’est passé. Il a saisi officiellementl’Autorité de régulation des marchés publics pour dénoncerles agissements de ceux qui ont procédé à l’attribution desmarchés. Aussi, écrit-il à l’attention de cette même autorité :

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« Notre offre moins disant à 16 milliards de FCfa a étéécartée au profit de celle de CDE qui était à 22milliards : la raison avancée publiquement à latélévision nationale par le Directeur exécutif de l’Anoci,était que nous n’étions pas des spécialistes d’une part etque d’autre part nous faisions des offres basses pourensuite faire des avenants. Nous vous laissons apprécierde tels arguments, sachant par ailleurs que le Directeurtechnique de l’entreprise retenue (CDE), a lui-mêmeannoncé à la même télévision qu’ils ont fait venir desspécialistes de France pour résoudre les problèmestechniques rencontrés dans la réalisation du tunnel deSoumbédioune. Le même Directeur Exécutif de l’Anocia été montré à la même antenne de le Rts signant unavenant de 6 milliards pour les mêmes travaux ».

Bara Tall, poursuit toujours en direction des responsablesde l’Autorité de régulation des marchés publics :

« Monsieur le président, nous attirons votre attention surl’aboutissement de tout ce processus : l’existence et laprotection de deux et parfois trois entreprises que tout lemonde connaît et qui, par un jeu d’ententes totalementillicites, a fini de fausser complètement le jeu de laconcurrence dans le secteur des routes, tirant les prixpratiqués à un niveau jamais égalé, irréaliste et sanscommune mesure avec ce qui se fait ailleurs et avec lespossibilités du Sénégal. Nous avons choisi délibérémentde nous mettre en dehors de ce groupe en pratiquant lavérité des prix et nous en payons aujourd’hui lesconséquences ».

Un membre de l’Autorité de régulation des marchéspublics que nous avons contacté s’exprimant sous le sceau del’anonymat affirme :

« Nous avons manqué d’autorité et de poigne dansl’affaire des chantiers de l’Anoci, en entérinant desprocédures injustes à l’égard de Bara Tall mais qui plusest totalement illégales et illicites. La plupart d’entrenous avons eu mal dans notre conscience face auscandale que constituent le choix des entreprises et lapassation des marchés. Nous ne sommes pas crédibles.

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Notre institution est là pour légitimer parfois des forfaitsinacceptables ».

Au départ, le marché de la Corniche ouest qui était fixé àl’origine à 22 milliards de FCfa a été réalisé pour un coûtglobal de 40 milliards de FCfa. Le laxisme et le laisser-fairede l’autorité de régulation des marchés publics dans ce casd’espèce et dans le cas de tous les autres marchés de l’Anoci,ont certainement permis une spoliation à grande échelle duTrésor public. Les auteurs de cette spoliation ont revêtutoutes les apparences de légalité. Ils ont joué avec la loi etrusé avec les citoyens qu’ils ont également tenté de blufferlors de la présentation du bilan de l’agence. Nous avonsidentifié des marchés où l’incohérence qui structure lecontenu et la nature des travaux jette le trouble dans lesesprits. Dans tous les marchés de construction de routes, lesbordures et pavés qui constituent une composante essentiellede l’ouvrage de base en construction sont toujours facturésdans le marché global ayant fait l’objet du contrat deprestation. Dans le cas spécifique de la Corniche Ouest, CDEa pu bénéficier d’un marché à part pour réaliser de tellesbordures et pavés. Un contrat additionnel de 2,547 milliardsde FCfa a été conclu en sa faveur. Les 22 milliards de FCfade marché de base comprenaient bel et bien une rubriqueréalisation de bordures et de pavés.

« Ce contrat a été approuvé par la Commissionnationale des contrats de l’Administration et approuvéen dernier ressort par le Premier ministre »

Il n’empêche, toutes les instances qui ont validé etapprouvé ce marché n’ont fait qu’entériner un processusillégal et illicite ayant conduit peut-être à une vastespéculation portant sur les deniers de l’Etat. Par ailleurs, lecontrôle désinvolte des travaux s’est traduit par unallongement excessif des délais de réception des ouvrages.Ainsi, 11 mois et 18 jours après le début des travaux, le tauxmoyen d’exécution des travaux était de 58, 46%, alors que ladurée initialement prévue était de 12 mois. La passation des

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marchés pour le contrôle des travaux a été faite par appel à laconcurrence internationale sur la base de la sélection debureaux de contrôle validée par les Koweitiens eux-mêmes,bailleurs de fonds du projet. Le contrat a été conclu avec leConsortium SETICO, pour une durée de 13 mois. Ce contratdevait à l’origine coûter à l’Etat la somme de 602 540 000 deFCfa. Il a fallu cependant signer un avenant pour prolongerce délai jusqu’à la fin des travaux. Le coût supplémentairedes prestations de SETICO jusqu’à la fin des travaux a étéestimé à un montant en Ttc 395 940 000 de FCfa. Ainsi, lemarché initial de base fixé à 602 450 000 de FCfa, a étéréajusté pour 938 000 000 de FCfa. Les auditeurs de l’Anocise sont contentés de noter la dépense supplémentaire, sans endonner une justification acceptable.

@_n ^0k_in_n Z^^cocjii_ff_n npm fZ ;jmic]b_ jp_noNous disions dans nos développements précédents que

d’importantes dépenses additionnelles ont été, en dehors dumarché de base initial, effectuées sur la Corniche Ouest. Cesdépenses sont relatives aux travaux d’aménagement et dedécoration des édifices construits sur la corniche. Sur cechapitre, les informations relevées montrent que denombreux marchés ont été éclatés dans les budgets deplusieurs ministères techniques et dans celui de la présidencede la République (Secrétariat général de la présidence). Lesinformations obtenues à ce sujet indiquent que lesaménagements paysagers, embellissements et autresdécorations réalisées sur la corniche ont coûté la sommefaramineuse de 3.358.475.760 de FCfa. Ces montantsd’argent ont été collectés pour ce qui concerne lesdécorations et l’embellissement de la corniche, du ministèrede l’Urbanisme (Direction de la construction) pour :86.177.642 de FCfa (décoration trémie située à la sortie del’Avenue Frobenius), 73.281.030 de FCfa (décoration trémieMalick Sy), 90.948.000 de FCfa. La décoration trémieMalick Sy a été facturée deux fois : une première fois

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(86.177.642 de FCfa), les fonds ont été tirés du budget duministère de l’Urbanisme et une deuxième fois, pour unmontant de 502.626.239 de FCfa du budget du secrétariatgénéral de la présidence de la République. Au total, lesdécorations posées sur les ouvrages de la corniche ont coûtéau contribuable sénégalais la somme de 623.000.000 deFCfa. On cherche en vain, dans toutes les décorationsréalisées sur les ouvrages construits sur la corniche Ouest, cequi peut bien coûter autant d’argent. Venons-en à laréalisation des trottoirs de la Corniche. Ce marché a été traitéen dehors des prestations fournies par CDE. Cela nous paraîtbizarre. En tous les cas, cet aménagement été facturé à l’Etatdu Sénégal pour un montant global de 2.547.730.233 deFCfa. Cette somme a été transférée du ministère del’Urbanisme (Direction de la Construction) vers l’Anoci. Ala lumière des informations fournies par le rapport de l’Anociet au regard des recoupements et de l’analyse des marchéséclatés et imputés à plusieurs budgets sectoriels, tels que cesmarchés apparaissent dans les budgets 2007 et 2008, laréalisation des travaux de la Corniche Ouest a coûté, pour ceque nous avons pu collecter et authentifier, comme dépensesréelles, la somme totale de 40.000.000.000 de FCfa. Soit undépassement par rapport au budget initial (22.000.000.000FCfa), de l’ordre de 95 à 98%. Un tel dépassement quisemble trop exagéré a-t-il été volontairement organisé et àquelles fins l’a-t-il été ? Ces interrogations occupent l’espritde nombreux citoyens. Elles l’occupent d’autant plus qu’unesérie de démentis et de réserves s’expriment depuis lapublication officielle du bilan de l’Anoci. Après les travauxréalisés sur la Corniche Ouest, regardons de plus près ceuxayant eu cours sur la Vdn, pour voir si l’Anoci a été moinsdépensière et moins gourmande en FCfa dans ce cas.

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Ce marché a été attribué à l’entreprise du vieux routierAlioune Sow (CSE). Lors de la conclusion au palais de laRépublique de l’entente de base qui a présidé à laconstruction des chantiers de l’Anoci, c’est lui qui avaitmanifesté un intérêt soutenu pour réaliser les travaux de laVdn. Et pour cause ! C’est sa société qui avait été leconstructeur de l’ouvrage de base de cette voie, au début desannées 90. Le projet avait pour objet l’extension, laréhabilitation de ce tronçon et l’élimination des goulotsd’étranglement de la circulation sur la Vdn. Les travauxeffectués ont consisté en la réhabilitation et l’élargissementen 2 fois 3 voies par sens de circulation, de 6 km de route ; laconstruction de trois (3) échangeurs : carrefour 2 fois 2 voiesLiberté 6, Carrefour ancienne piste, sortie Vdn, AvenueCheikh Anta Diop (Place Omvs) ; la réalisation d’un systèmed’assainissement ; l’aménagement paysager. L’objectifassigné à de tels travaux était de rendre plus fluide lacirculation sur la Vdn, laquelle était gênée par les carrefoursdesservant les quartiers traversés. Les travaux prévusdevaient naturellement participer à améliorer grandement letrafic vers le centre-ville. A l’arrivée cet objectif n’est atteintqu’à moitié. Les échangeurs semblent avoir créé des pointsde conflit dans la circulation, en plus d’avoir abîmé la belleperspective d’ensemble qu’offraient le dispositif global etl’harmonie paysager du site. Les blocs de béton qui sontd’une laideur inouïe à leur niveau de placement dans la villen’auraient jamais dû être là, précisent de nombreuxspécialistes qui considèrent que ce sont des ponts totalement

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dégagés (flyers) qui auraient dû être proposés. Et pourtant, àen croire ces mêmes experts, l’argent dépensé aurait pusuffire pour réaliser ces ponts modernes (flyers), à la place deces horreurs qui ne sont concevables qu’en périphérie desvilles, mais non au milieu d’un centre urbain dont ilsdénaturent totalement la physionomie. Aussi, précisent lesexperts interrogés :

« Des ponts totalement ouverts (flyers) auraient ainsiempêché de boucher les perspectives d’ensemble. Lesamas de béton édifiés pour servir d’échangeurs sur laVdn sont horribles et manquent singulièrement de goût,sans compter le fait qu’ils ont coûté trop cher à l’Etat,plus que leurs prix réels ».

Des responsables de l’opposition ont d’ailleurs annoncéleur volonté de faire disparaître de tels ouvrages le jour où ilsprendraient le pouvoir. C’est dire à quel point de nombreuxcitoyens sont aujourd’hui scandalisés par la construction deces ouvrages. En tout état de cause, ceux-là sont encore là, enattendant leur hypothétique démolition. Ils ont coûté cher.Trop cher même ! Selon le point de vue de plusieursspécialistes des ponts et chaussées. Comment les fonds quiont servi aux travaux sur la Vdn ont-ils été mobilisés ? Aprèsadjudication du marché, le coût des travaux a été arrêté à lasomme de 19 956 803 750 de FCfa (Ttc). Le marché estcomposé d’un premier lot qui consistait en des travaux devoierie (assainissement, embellissement), pour un montantde 8 126 838 287 de FCfa et un second lot constituéd’ouvrages d’art (échangeurs), pour un montant de11 829 965 463 de FCfa. Cette somme ne prenait pas encompte les coûts de certains aménagements paysagers etd’embellissement d’ouvrages d’art. Ces travauxsupplémentaires ont fait l’objet d’un autre marché à part,distinguant un premier lot consistant en un aménagementpaysager pour un montant global de 1 580 000 000 de FCfaet un second composé d’un aménagement architectural de144 209 600 de FCfa. Le financement des travaux a fait

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l’objet d’une requête transmise le 29 décembre 2005 à laBanque islamique. Le 29 mars 2006, celle-ci a donné uneréponse positive à la requête du Sénégal, en signant avec legouvernement un accord de crédit à cet effet. En définitive,le total du crédit de la Bid s’élève à un montant de15 402 211 844 de FCfa, hors taxes. La contribution totale del’Etat du Sénégal se situe à un montant de 5 019 310 699 deFCfa. Cette contrepartie sénégalaise se décompose ainsi qu’ilsuit : 1 900 853 701 de FCfa en monnaie contrepartie et3 118 456 998 de FCfa, en taxes. Alors que les travauxvenaient à peine d’être lancés, il y eut des changements dansla conception de base de l’ouvrage : le dédoublement del’ouvrage de la place OMVS est décidé. Il faut alors passerde 1X2 voies à 2X2 voies. Le coût supplémentaire d’un telchangement technique dans la conception des ouvrages estévalué à 1 602 481 418 de FCfa. Il fallait bien trouver lesressources additionnelles qui permettent la réalisation decette nouvelle configuration technique des ouvrages. C’est ànouveau à la Banque Islamique que le gouvernementsénégalais s’adresse. Celle-ci accepte alors de rallonger lecrédit pour un montant global de 5, 177 milliards de FCfa. Lanouvelle requête doit permettre le financement dudoublement de la voie, mais aussi l’aménagement paysagerpour 1.725 milliards de FCfa. L’édification d’ouvragesfacilitant les déplacements, de même que la mise en route detravaux de dévoiement des réseaux des concessionnaires(Senelec, Sones, Sonatel, ONAS) sont également concernés.Ces travaux doivent coûter la somme de 500 millions deFCfa. Le nouvel emprunt comporte un chapitre d’un montantde 1, 602 milliards de FCfa, prévu pour la réalisation d’unepartie des échangeurs qui a été pourtant déjà facturée dans lelot 2 du marché de base. La Banque islamique accepte definancer pour un total de 1,35 milliard de FCfa laconstruction de passerelles sur la Vdn. Ce qui est étonnant,c’est qu’en lisant le rapport d’audit de l’Anoci, dans sa partieconcernant le financement des travaux de la Vdn, on ne

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trouve nulle part mentionnée, dans le bilan financier, cettesomme prévue pour construire les passerelles. Ces passagesn’ont d’ailleurs jamais été construits. Au départ des travaux,elles n’étaient pas prévues. Comme l’indiquaient desresponsables de l’Anoci, lors d’une audience accordée à unedélégation des populations riveraines vivant du côté du murde l’aéroport LSS. Celles-ci étaient venues se plaindre enexpliquant aux autorités de l’Anoci le danger extrême quereprésentait l’absence de passerelles sur cette autorouteurbaine. Les responsables de l’Anoci leur avaient alorsaffirmé, c’était en novembre 2006, que les financementsreçus n’avaient pas prévu l’édification de telles passerelles.Ils ajoutaient que l’Anoci allait présenter une nouvellerequête au bailleur de fonds. L’audience sollicitée afind’amener l’agence à construire de telles passerelles avait étédécidée et accordée aux populations de Sacré Cœur 3 Vdnextension, par l’entremise du bureau de leur association dequartier, que dirige l’inspecteur de l’enseignement primaire,Mohamadou Moustapha Sène. Les populations concernéesposent légitimement une seule et unique question : où estpassé le 1,35 milliard de FCfa, normalement prévu pourconstruire des passerelles sur la Vdn ? L’Anoci doit desexplications à ce sujet. En enjambant l’immense artère de laVdn, les populations qui habitent des deux côtés de ces voiesultra-rapides courent de réels dangers. Ces voies sont lasource de terribles accidents. Il est urgent de trouver dessolutions, en débloquant et en consacrant l’argentnormalement prévu pour l’édification de ces passerelles. Demanière générale, les marchés concernant les travaux de laVdn ont tous été passés avec toutes les apparences de légalitéet de conformité aux règles prévues à cet effet par la loi. Là,comme ailleurs (dans le cas des marchés de la CornicheOuest), c’est l’entente établie entre entrepreneurs surrecommandation expresse du palais de la République qui aprévalu dans la procédure d’appel d’offres. Nous avonssuffisamment expliqué, au cours de nos développements

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précédents, les conséquences et mis en évidence les effetspervers de cette entente illégale et illicite. Au 31 mai 2007, leprojet avait connu un niveau d’exécution qui laissait voir desretards considérables dans la conduite des travaux. Prévupour durer dix mois, les travaux ont duré plus de 18 mois.

@_n ci^c]Zo_pmn ^_ k_m`jmhZi]_ ^_ f~%ij]coCes indicateurs de performance sont réduits à deux

critères essentiels : le délai de mobilisation des fonds (3 mois3 jours), celui de la passation des marchés (3 mois 7 jours),et le délai de traitement et de paiement des dépenses (1 mois5 jours). La mobilisation des fonds dans un délairemarquable semble être attribuée à la diligence des autoritésde l’Anoci, elles-mêmes. Cela n’est vrai qu’en partie. Laréalité est que l’implication des deux ministères del’Economie et des finances et Affaires étrangères a été, endéfinitive, décisive dans la mobilisation des fonds. Après lesdifférents échecs et revers enregistrés par les responsables del’Anoci dans leur quête de financements auprès despartenaires arabes, ces deux ministères sont venus à larescousse pour débloquer la situation. Le rapport desauditeurs de l’Anoci explique que le contrôle des travauxs’est fait par des entreprises étrangères choisies par appeld’offres qui a été validé par le bailleur de fonds lui-même, enl’occurrence la Banque Islamique. Et cela à la suite d’unemanifestation d’intérêt. Une enveloppe globale, hors Tva, de17 348 266 000 de FCfa a été dégagée pour les travaux de laVdn. Pour le contrôle de ces travaux, on a établi, le 15 mars2005 une liste restreinte de neuf (9) bureaux d’études despays membres de la Banque islamique a été arrêtée, d’uncommun accord avec la Banque. Au final, sept offres sontparvenues aux responsables de l’Anoci. C’est la sociétémalienne Cira Sarl qui a été retenue, suite à l’évaluation despropositions techniques et financières, après avis de nonobjection du bailleur de fonds. Le rapport publié par lesauditeurs de l’Anoci précise que le délai écoulé, entre la date

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de lancement et celui de l’adjudication du marché, a été de 5mois et 25 jours. Le marché a finalement reçu l’approbationde la Cnca le 20 mars 2007 et celle du Premier ministre le 10avril. Ce marché de contrôle a coûté à l’Etat la somme de464 718 794 de FCfa (Ttc). Ce montant a été intégralementpris en charge par la Banque islamique de développement(Bid), elle-même. Au total, le marché de la Vdn à l’origineattribué pour un montant global de 19 956 803 749 de FCfa.Celui-ci a été rapidement ajusté pour s’établir à27 552 340 297 de FCfa, avec la signature d’un avenant de 6milliards de FCfa et avec la conclusion d’un autre marché deplus de 1,2 milliards de FCfa. L’avenant signé avec la CSEestimé à un peu plus de 6 milliards de FCfa n’a jamais étéautorisé ni régularisé d’ailleurs, jusqu’au moment où lesauditeurs ont déposé leur rapport. En vérité, l’audit neprocède qu’à un relevé monographique et chronologique desdépenses effectuées et à les nommer. Cet audit est cependantloin d’être inutile, car il révèle des extravagances quisuffisent à elles seules pour confondre les gestionnaires del’Agence et tous les membres de son Conseil de surveillancequi ont laissé faire et osé donner quitus de cette gestion.

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Là, comme ailleurs, la gestion de l’Anoci a étécaractérisée par d’impressionnants dépassements budgétairessur lesquels les responsables de l’Agence se sont montrésavares en détails. Ils l’ont été à la fois devant le Conseil desurveillance et devant les parlementaires. Le projet avait pourobjet d’assurer la continuité de la Corniche Ouest de Dakarpar la construction de la place Bienvenue-Mosquée dela Divinité-Pharmacie des Mamelles. Ces travaux ontconcerné pour l’essentiel la construction et l’aménagementde 4 km de route en 2x2 voies, avec séparateur Central, laconstruction du Pont de la Mosquée de la Divinité, laconstruction de l’échangeur à lunettes, à l’intersection de laroute de Ouakam et à la hauteur du Monument de laRenaissance africaine. Il s’agissait aussi de procéder àl’aménagement des carrefours giratoires et le raccordementdes voies d’accès des zones traversées. Le projet devait ainsijouer un rôle stratégique dans le cadre de l’amélioration de lamobilité urbaine et devait conférer une dimension esthétiqueaux lieux, relativement à l’aménagement de sites touristiqueset de loisirs adaptés au relief accidenté (ravins, falaises,rivages de l’Atlantique) du littoral. Le projet devait relierdirectement le Centre ville et l’aéroport Léopold SédarSenghor, en passant par les sites de la Conférence islamiqueet d’hébergement des hôtes du sommet. Un an après la findes travaux, les responsables de l’Anoci affirment que lesobjectifs assignés à ce projet ont été, largement atteints. Cesderniers ne se montrent pas peu fiers de leur œuvre. Aussi,écrivent-ils dans leur rapport d’audit :

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« De toutes les réalisations proposées par l’Anoci, cellesqui l’ont été sur la Corniche à la hauteur de la Mosquéede la Divinité sont sans aucun doute les plus réussies, enterme esthétique. Le projet a été financé par le BudgetConsolidé d’Investissement (BCI), pour un montant de15 545 130 809 de FCfa, TTC pour les travaux et656 729 000de FCfa, pour le contrôle, mobilisable surtrois ans et portant en principe sur deux tronçons ».

A l’origine, ce marché attribué à Fougerolles devait coûterà l’Etat du Sénégal la somme totale FCFA 17 550 692 117.Là aussi, les dépassements budgétaires notés dépassel’entendement et défie le bon sens en matière de gestion et derigueur dans garde des deniers publics.

Ei ^0`c Zp [ji n_in _i hZoc1m_ ^_ a_nocjiDes dépenses additionnelles importantes ont porté les

coûts de départ à 25 097 481 246 de FCfa. Un avenant deplus de 7 milliards de FCfa a été signé le 22 février 2008(entente directe : Anoci-Fougerolles), une autre ententedirecte signée entre l’Anoci et APAVE SAHEL qui a assuréle contrôle de la construction de ce tronçon a ajouté unmontant de 162 899 000 de FCfa sur la facture payée parl’Anoci. La décoration du giratoire situé à la hauteur duquartier fenêtre Mermoz et celle du Pont de la Mosquée ontensemble coûté la somme de 112 000 000 de FCfa. Soit unemoyenne de 55 000 000 de FCfa par ouvrage. La décorationdu giratoire de la Mosquée de la Divinité a coûté 53 000 000de FCfa. Ce petit monument situé en face de la Mosquéesurmonté d’un petit monticule en plâtre a coûté un total de 53millions de FCfa. Il y a lieu de croire que les artistes qui onteu la chance d’avoir été choisis, pour participer à ladécoration des ouvrages de l’Anoci, ont fait de bonnesaffaires. Il s’agit en particulier des artistes : Soly Cissé(112 496 541 de FCfa) pour assurer la décoration du giratoire(Ba 160) et du Pont de Ouakam, Alassane et Codé Diouf(53 100 000 de FCfa), pour la décoration du giratoire de laMosquée de la Divinité. L’argent payé à ces artistes a été

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prélevé sur le budget du ministère de l’Urbanisme (Directiongénérale de la Construction). La construction,l’aménagement paysagé et l’embellissement des 4,3 km acoûté un total de 25 097 481 246 de FCfa. Le pourquoi et lecomment de ces montants faramineux n’ont jamais étéexpliqués aux Sénégalais. Pouvaient-ils l’être ? Ceux qui ensont les principaux responsables ont eu du mal à le faire. Audépart, ils se sont présentés à nous comme d’intrépidesbâtisseurs ou comme des constructeurs avertis (sic). Al’arrivée, ils se sont révélés être de véritables gaspilleursd’argent public. Sans pouvoir établir la preuve d’unenrichissement personnel, au bénéfice d’un seul responsablede ce gaspillage d’argent public sans précédent dans notrepays, force est de reconnaître aujourd’hui que les auteurs dece gaspillage organisé sont tout sauf de bons gestionnaires,soucieux avant tout d’utiliser de façon rationnelle les deniersde la nation confiés à leur garde. Que ferait-il de leurspouvoirs, si par un extraordinaire coup du sort, par unincroyable laxisme des Sénégalais, cette équipe qui a gérél’Anoci devait se retrouver à la tête de l’Etat ? La gestion del’Anoci permet de mettre à nue la carence et le manqued’expérience avérée en matière de gestion de l’équipedirigeante de l’Agence. Le paradoxe est là : ceux-là qui seprenaient jusqu’ici comme les nouveaux cadres dont le paysaurait besoin, ceux qui incarnent la modernité et disposent dusavoir faire, en matière de gestion ne sont en fait que depiètres apprentis de la chose.

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C’est le 06 mai 2006 que le marché de ce tronçon a étéouvert par la signature d’une Convention entre l’Etat et lacompagnie Fougerolles. A l’origine ce projet a été initié parl’Agence pour les Travaux Routiers (ATR). Le rapportd’audit de l’Anoci reste très discret sur le détail del’exécution de ce projet. De sources dignes de foi, nousavons cependant appris que si le marché a été à l’origine fixéà un montant global de 17 932 094 031 de FCfa, à l’arrivée,l’Etat a finalement payé pour la bagatelle de 28 milliards.Soit le double presque des montants signés au départ avecl’entreprise qui a réalisé les ouvrages. Il s’y ajoute que lestravaux sur cette route ne sont pas encore achevés niréceptionnés. Manifestement, il reste au moins une à deuxcouches de pavés à réaliser sur ce tronçon qui présente àcertains endroits de réels dangers pour les automobilistes.Les travaux prévus pour les besoins du systèmed’assainissement des quartiers environnants sont inachevés etprésente des inconvénients, voire des dangers réels pour lesusagers de la circulation. En réalité, les ouvrages réalisés surce tronçon portent en eux-mêmes l’amateurisme et del’insouciance des responsables de l’Anoci. Ces derniers n’ontjamais su gérer de façon clairvoyante les travaux qui leur ontété confiés sur cette route. Il reste à exécuter au moins 10 à20 % des travaux prévus sur ce tronçon, avant qu’il ne puisseêtre réceptionné dans les règles de l’art. Fougerolles n’a quefaire de l’état de la route et des états d’âme des usagers quil’empruntent. Elle attend sûrement d’être payée, pour

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terminer les travaux. Pourtant beaucoup de milliards ont étédéjà engloutis dans ce projet. Un véritable gâchis que lesSénégalais ont toujours du mal à expliquer. Les autorités del’Anoci sont, elles, passées à autre chose et n’en ont rien àcirer.

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Pour le financement du ce projet, une requête a étéenvoyée au Fonds Saoudien de Développement (Fsd) qui aaccepté de le financer, pour un montant de 15 852 585 690de FCfa. Entre la date d’envoi de la requête et celle designature de l’accord de crédit, il s’est écoulé 2 mois et 9jours. La passation du marché s’est faite par appel à laconcurrence, sur la base des procédures du Fonds Saoudiende Développement (Fds). A la suite de la manifestationd’intérêt du 15 mars 2005, une liste restreinte de neuf (9)bureaux d’études et de (9) Entreprises a été soumise à l’avisde non objection du Fonds Saoudien qui a approuvé qui atout approuvé. A l’issue du dépouillement des offres, laCommission d’analyse et d’évaluation instituée à cet effet, aconclu que les entreprises n’avaient pas les moyens, lesqualifications et les compétences nécessaires, pour livrer lestravaux dans les délais exigés. Ainsi, aucune des entreprisesn’a finalement été retenue. L’argument de l’Anoci pourjustifier son refus d’attribuer le marché tient en ces mots :

« En effet, à huit (8) mois du Sommet prévu en mars2008, les différentes entreprises n’ont pas pris encompte dans leur soumission le délai très court pourréaliser les travaux dans un environnement urbain. Laroute de Ouakam est l’épine dorsale des réseaux desconcessionnaires suivants qui desservent le centre villede Dakar : SONATEL pour les liaisons téléphoniques,SONES/SDE, pour l’alimentation en eau potable duPlateau et des zones résidentielles de Point E, Fann,ainsi que les périmètres scolaires et estudiantins del’Université de Dakar et de l’Hôpital de Fann, ONAS(Office Nationale de l’Assainissement du Sénégal) pour

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tout le réseau de canalisation des eaux usées et des eauxde ruissellement, SENELEC pour l’alimentationélectrique des zones résidentielles de Point E, Fann,ainsi que les périmètres scolaires et estudiantins del’Université de Dakar et de l’Hôpital de Fann ».

D’autres arguments ont été avancés, pour expliquer ladécision des autorités de l’Anoci de surseoir à ce marché :

« Les Entreprises n’ont pas également pris en comptedans la méthodologie et l’organisation de la conduitedes travaux, les problèmes de circulation engendrés parles travaux e cours de la VDN et la route de la CornicheOuest, et leur impact sur la desserte des infrastructuressuivantes telles que : l’Université et les différentesfacultés et Instituts de formation, l’Hôpital CHU deFann, les Ecoles et autres centres commerciaux ».

Ei_ qjfjio0 ^_ hcn_ )hjmo ]ji`cmh0_En réalité, tous ces arguments n’ont été que des prétextes

fallacieux pour tenter de justifier l’injustifiable : la mise àmort de l’entreprise JLS qui, selon la volonté des autorités del’Anoci, ne devait en aucune façon faire partie desentreprises autorisées par la volonté du « Prince héritier », àparticiper à la réalisation de ces travaux. Si ce dernier avaitaccepté, comme les autres, de facturer plus cher quenécessaire, il aurait eu sa part du gâteau. C’est lui-même quil’explique dans une interview diffusée sur les antennes de latélévision 2STV, le mercredi 11 juin 2009. La commission aproposé de rendre caduc l’appel d’offres :

« Car elle a jugé qu’aucune des Entreprisessoumissionnaires ne présentait les matériels humains etl’organisation nécessaire pour exécuter les travaux dansles huit (8) mois requis dans le dossier d’appeld’Offres ».

C’est à croire que le ridicule ne tue pas. Commentexpliquer alors que les autres travaux aient été réalisés dansles mêmes délais, par des entreprises qui ont les mêmescapacités que JLS ?

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Ce projet avait pour objet la réalisation des travauxd’élargissement, d’aménagement de la Route de l’Aéroport,de renforcement de la Corniche des Almadies et deconstruction de la route du Virage. Ce projet tenait à cœurl’Anoci.

« Le départ vers Dakar à l’arrivée des délégations,dépendait, largement d’ailleurs, toute la fluidité de lacirculation, donc l’élargissement et l’aménagement decet axe s’avérait indispensable ».

Lors de la première réunion qui a eu lieu à la présidenceentre les entrepreneurs et les dirigeants de l’Anoci, cesderniers avaient dit au patron de JLS qu’ils souhaitaient qu’ilfasse ce projet, car de toutes les entreprises c’est elle qu’ilspensaient qu’elle pouvait le faire dans les délais prévus etavec le maximum de réussite. Le projet comprenait lestravaux suivants : tronçon Mamelles-Aéroport : élargisse-ment en 2x2 voies (plus un Séparateur central et les trottoirs)et l’aménagement de cinq carrefours giratoires, bretelles deMéridien Président, l’aménagement et élargissement en 2x2voies plus un séparateur central et les trottoirs, laconstruction de la Corniche des Almadies, le renforcement,la réhabilitation et l’aménagement de la route, la constructionde la route du virage en 2x2 voies, plus un séparateur centralet les trottoirs et l’aménagement avec possibilité de passagedénivelé au niveau de l’intersection du virage. Si ce projetn’a pas été réalisé, c’est parce qu’il fallait éviter de le confierà JLS que les autorités de l’’Anoci avaient décidé de tuer,comme le président de l’Agence et son père l’ont dit, haut et

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fort, à des journalistes reçus en audience au palais de larépublique le 29 avril 2009.

%pom_n kmjd_onL’Anoci avait aussi annoncé dès son installation la mise

en route du projet consistant à assurer un prolongement de la2X2 Voies Liberté 6 –Dispensaire Philipe MaguilèneSenghor. Le projet avait pour objet la réalisation des travauxde prolongement de 2X2 voies liberté6 - Dispensaire PhilipeMaguilène Senghor ; les travaux consistent en : laconstruction et l’aménagement en 2X2 voies de 2.4 km deroute ; la réalisation du système d’assainissement ; laconstruction d’un pont de 50 m linéaire. L’objectif qui étaitassigné à ces ouvrages était de contribuer au renforcement duréseau existant autour de l’Aéroport Léopold Sédar Senghor,en permettant la jonction directe entre les quartiers de Yoff,Aéroport à ceux de liberté 6, Sacré Cœur. En ce qui concernela mobilisation des fonds pour la conduite de ces travaux,l’Anoci indique son rapport que :

« ce projet, d’un coût de 1 643 150 000 de FCfa, inscritdans le cadre des projets de l’Agence de DéveloppementMunicipal (ADM) financés par la Banque Mondiale, etprévu pour être exécuté à partir de janvier 2008, a étésélectionné par l’Agence Nationale de l’OCI et inscritdans son programme prioritaire. Pour son financement,trois requêtes ont été envoyées respectivement à laBOAD, le Fonds de l’OPEP et l’IRAN. Aucune réponsen’ayant été reçue, une dernière requête a été envoyée le12 janvier 2007 et adressée au Fonds Saoudien deDéveloppement en même temps que d’autres projetsroutiers. Après étude, le Fonds Saoudien a porté sonchoix sur le projet de la Route de Ouakam présenté ciavant ».

;bjp [fZi] Zpkm1n ^_n [Zcff_pmnAu 30 mai 2007, l’Agence Nationale de l’OCI n’avait pas

encore trouvé de financement pour ce projet, selon le rapport

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d’audit. Ces financements n’ont d’ailleurs jamais été trouvéset le projet est encore dans les cartons. C’est le même sortqui a été réservé au projet de réhabilitation de la voierieurbaine du Plateau. Celui-ci comprend des travauxconcernant les Boulevards de la République-Léopold SédarSenghor-Roosevelt-La Libération, mais aussi les Avenues :Pasteur-Mandela-Diambars et la Corniche Est. Ce projet quiavait pour objet la réhabilitation de la voirie du Plateau,prévoyait aussi d’importants travaux relatifs à laréhabilitation des artères du centre ville et au renforcementdes chaussées par un tapis de béton bitumeux de 10.729 kmde route. Mais aussi le remplacement d’anciennes bordures,la réhabilitation de toues les signalisations (lumineuses ethorizontales) ; la construction d’une trémie sur l’avenueLamine Guèye. Il s’agissait, en somme, de rénover avant latenue du sommet l’environnement urbain, d’améliorer laqualité de service des artères principales du centre ville. Etceci en redonnant aux chaussées d’excellentescaractéristiques géométriques et structurelles qui garantissentleur longévité. Pour le financement du projet d’un coût horstaxes de 7,143 milliards de FCfa, une requête a été envoyéele 06 janvier 2006 au Fonds de l’OPEP. N’ayant pas reçu desuite, les autorités de l’Agence avaient alors manifestél’intention de le faire prendre en charge par le Budgetconsolidé des investissements de l’Etat. Cela n’a pas étéfinalement fait. Pour être prudent, disons que les documentscomptables et administratifs de l’Anoci, auxquels nous avonseu accès, ne mentionnent pas la disponibilité de ressourcespour ce projet. Un constat s’impose : l’Anoci a euénormément de mal à trouver des financements, pour tous lespetits projets, dont la réalisation coûtait à peine plus d’unmilliard. Dans le même temps, elle est apparue très à l’aisepour trouver des bailleurs pour les gros projets. Personne nes’explique ce paradoxe. Certains n’hésitent pas à faire valoirl’idée que les petits projets ne dégageant pas de fortes « plusvalues », il s’est alors avéré peu motivant de leur trouver des

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bailleurs. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant deconstater que la construction de la Route Avenue LamineGuèye-Gare ferroviaire (Place des tirailleurs) n’a pas étéréalisée. Ce projet avait pour objet la construction de la routeAvenue Lamine Guèye-Gare Ferroviaire. Les travauxconcernaient : la construction de 0.95 km de route en 2X2voies, la réalisation de voiries de : chaussée et detrottoirs pour changer quelque peu le visage du centre villede Dakar avant la tenue du sommet. Il fallait aussi s’occuperde l’assainissement, en réalisant des caniveaux latéraux etdes dalots, en aménageant des carrefours giratoires et descarrefours dénivelés, en construisant un nouveau réseaud’éclairage public et de nouveaux panneaux de signalisationavec de nouveaux feux de circulation. Et enfin, enconstruisant un nouvel aménagement paysager et denouveaux parkings en ville. En définitive, l’objectif du projetétait de contribuer à l’amélioration de l’accès au plateau enmettant en cohérence les projets d’élargissement del’autoroute et d’aménagement des carrefours dénivelés deMalick Sy et Cyrnos pour une meilleure distribution des fluxprovenant de ces échangeurs. Le financement du projet, unerequête a été envoyée à la République Populaire de Chine.Les responsables de l’Anoci n’ont jamais reçu de réponse. Ila été transféré à l’Agence Autonome des travaux Routiers(AATR), sera probablement exécuté dans le cadre de laréalisation du Parc culturel dont la construction est en cours.

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t^&hcffcjin kjpm Zh0iZa_m f_n [pm_Zpt ^p n kmci]_ pEn 1995, alors que Pathé Ndiaye venait à peine d’être

nommé à la tête de la Direction générale du Port autonomede Dakar, il obtient de son Conseil d’Administration lapermission de dépenser 60 millions de FCfa, pour rénoverune villa appartenant au port. Les travaux réalisés sur la villaavaient valorisé celle-ci à plus d’une centaine de millions.On parlait à l’époque de 200 millions de FCfa devalorisation. En tous les cas, selon les propres indicationsfournies par le Port en son temps, la rénovation de la villaavait permis à l’entreprise publique d’économiser beaucoupd’argent sur son budget de fonctionnement. Sa trésorerie nedépensait plus un sou pour loger son patron. Il n’empêche, ledéputé Iba Der Thiam qui portait fièrement le titre de« député du peuple » avait jugé utile d’envoyer une questionorale au ministre de tutelle du Port, pour lui demander des’expliquer sur cette dépense. Une dépense qui, selon lesdéclarations du député, était extravagante et scandaleuse.Pour lui, rien ne pouvait la justifier. A l’époque Iba DerThiam avait un énorme souci de préservation des denierspublics. Comme député, il était décidé à veiller à une gestionrationnelle et efficace de l’argent public. Aujourd’hui que leschiffres indiquant le niveau des dépenses effectuées pouradapter au standing du « prince » Karim Wade ses bureaux,au siège de l’Anoci, sont disponibles, le peuple attend lamême indignation de la part du « député du peuple ». Mieux,Iba Der Thiam serait bien inspiré de demander uneCommission d’enquête parlementaire, pour vérifier

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l’effectivité des dépenses alléguées par l’Anoci, en ce quiconcerne l’aménagement et l’équipement du bureau du« prince ». Selon les écritures des propres auditeurs del’Anoci, l’aménagement du dixième étage de l’immeubleTamaro a coûté la bagatelle de 750 millions de FCfa. Selondes experts du bâtiment que nous avons consultés, cemontant permet la réalisation complète d’un immeuble dedix étages, bâti sur un terrain de mille mètres carrés.Détaillons les dépenses constatées pour mieux faire saisir lescandale dans toutes ses dimensions. Les « travaux dereconstruction et d’aménagement du 10éme étage » ont coûtéla somme de 350.839.386 de FCfa. Ce n’est pas tout, pour le« Mobilier et matériel de bureau du 10ème étage », il a falludépenser la somme de 178.900.000 de FCfa. Soit un total de529 739 386 de FCfa. Soit dix fois plus que le total dessommes dépensées à l’époque par Pathé Ndiaye. On n’estpourtant pas au bout de nos surprises, avec l’aménagementdu bureau du « prince » Karim Wade. En effet, pour luidonner les moyens de travailler convenablement dans sesbureaux au dixième étage, on a procédé à de nouveauxréaménagements qui ont coûté à l’Etat du Sénégal la sommede 55.523.126FCfa. Cette somme vient s’ajouter auxmontants ci-dessus annoncés. Le compte n’y est pas encore :la fourniture et la pose du matériel de sonorisation audixième étage a coûté la somme de 84 940 686FCfa. Ainsi, lasonorisation et les nouveaux réaménagements effectués audixième étage ont coûté la somme de 150.463.812 de FCfa.En définitive, le « prince » aura dépensé la somme de 680.103. 198 de FCfa, pour s’installer dans ses bureaux. Lescollaborateurs du prince n’ont pas été en reste dans lesdépenses. Aussi, apprend-t-on que, pour aménager etcloisonner le bureau du garde du corps du président del’Anoci, au dixième étage, l’Etat a dépensé la somme de26 612 100 de FCfa. Ces montants s’ajoutent aux680.103.198FCfa, ayant servi à accommoder le prince dansses bureaux. Ainsi, pour les seuls besoins du fils du président

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de la République et de ceux de son propre garde du corps,l’Etat a dépensé un total de 706.715.298 de FCfa. Si cen’était que cela. Le rapport du contrôleur de gestionrenseigne que l’aménagement des locaux des 1ème et 2ème

étages a coûté la somme de 26 millions de FCfa. Au totaldonc pour les seules dépenses d’installation dans ses locauxl’Anoci n’a dépensé pas moins de 750 millions de FCfa.

S^&hcffcjin kjpm ]jhhpiclp_m ^Zin f_ hjf`_On apprend dans le rapport d’audit que les dépenses pour

assurer la communication dans le Golfe ont coûté 450millions FCfa au contribuable sénégalais. Le rapport nedonne aucune indication particulière sur la nature desdépenses faites sous cette rubrique. Tout au plus apprend-onque les déplacements effectués dans le Golfe et lesdémarches effectuées par le cabinet chargé de lacommunication ont permis de faire réaliser des reportagessur le sommet et le Sénégal par des chaînes arabes comme AlJazira. Cela laisse penser que de tels reportages ont été payéspar le Sénégal. Devant le Conseil de surveillance tenu endate du 17 octobre 2007, Karim Wade son président révèleque :

« L’Anoci a déjà fait beaucoup de reportages dans lespays arabes. Il faut effectivement accélérer cela. LaDivision de la Communication doit préparer un rapportpour le prochain sommet ».

Cette question de la communication a souvent été au cœurdes débats du Conseil de Surveillance de l’Anoci. Et pourcause ! A sa séance du 22 juin 2007, le responsable de laRencontre africaine des droits de l’Homme (Radho), AliouneTine a tenu à attirer l’attention des membres du Conseil surle fait qu’il lui semble important de :

« Donner le maximum d’informations sur les marchésde l’Anoci et sur ses activités car les Sénégalais ontl’impression que tous le marchés de l’Anoci se font degré à gré pour la passation des marchés. Il faut montrer

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aux Sénégalais que toutes les procédures sonttransparentes ».

Après sa déclaration qui sonne comme un satisfécit donnéaux responsables du Conseil de surveillance présents à cetteréunion, par rapport à la gestion de l’Agence, le président deConseil de surveillance, Karim Wade s’est empressé dereprendre la parole pour demander à Alioune Tine qui venaitde s’exprimer de

« Reprendre la même déclaration devant les caméras dela presse. J’invite les représentants de la Raddho et duSynpics à expliquer au peuple sénégalais, face à lacaméra, ce qui se fait négativement ou positivement auniveau de l’Anoci. Je trouve votre rôle important au seindu Conseil de Surveillance puisque vous représentez lasociété civile ».

Et ce fut le moment choisi par la Directrice de l’Apix,Aminata Niane pour faire la morale à Alioune Tine en luireprochant le fait d’avoir parlé de l’Anoci et d’avoir faitréférence dans les médias radiophoniques à la tenue duConseil qui était en train de se dérouler. Elle a ensuite invitéAlioune Tine à se mettre en avant pour communiquercorrectement sur l’Anoci au lieu de s’en tenir à desallusions… Et Alioune Tine de lui répliquer, en expliquant àl’Assemblée réunie qu’il communiquerait à ce sujet lemoment venu. N’est-il pas temps de faire au peuple uncadeau en lui expliquant ce qui s’est réellement passé àl’Anoci ? Ce serait étonnant que le président de la Raddho lesache. En réalité, on a souvent présenté au Conseil deSurveillance que ce qu’on a bien voulu qu’il sache. SerigneAdama Boye, le représentant du Synpics prendra d’ailleurs laparole pour demander que l’Anoci fasse preuve d’ouverture àl’égard des citoyens, surtout en direction de ceux qui sontopposés à ses projets. Il avait aussi émis l’idée d’un débatpublic sur les projets de l’Anoci qui serait un bon moyenpour communiquer. Quand on examine la gestion del’agence, telle que décrite avec beaucoup d’indulgence dans

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le rapport d’audit, on remarque facilement qu’en réalité, lesorganisations de la société civile qui ont été conviées dans leConseil de Surveillance n’ont été que des faire-valoir quipourraient servir de caution et de légitimation de la gestionglobale de l’Anoci. C’est dans ce sens qu’il faut lire etcomprendre l’invite faite par le président du conseil desurveillance à Alioune Tine, de répéter les propos tenus enréunion devant les caméras de la « télévision de papa ». Aunom et pour le compte du père et du fils !

%pom_n ^0k_in_n ^_ ]jhhpic]ZocjiPour revenir sur les dépenses concernant la

communication de l’agence, on peut noter, avec le rapportd’audit, que des dépenses importantes ont été ordonnées pourla confection et la pose de la maquette en toile pour laCorniche Ouest (49 590 349) de FCfa et pour la réalisationde photographies de la même corniche (84.940.696 de FCfa).On apprend aussi que 21 millions de FCfa ont été dépenséspour l’acquisition d’appareils et de matérielsphotographiques. Ainsi, pour ce seul chapitre, c’est la sommede 105 millions de FCfa qui a été dépensée par l’Anoci. Endéfinitive, on a appris par le rapport d’audit que la réalisationde la maquette placée à la place du Millénaire, dèsl’ouverture des travaux de l’Anoci - et dont l’inaugurationavait donné l’occasion au chef de l’Etat, de dire fièrement àson fils présent : « je dirai à ta maman que tu as bientravaillé »-, a coûté à l’Etat du Sénégal la somme de134.531.035 de FCfa. Ce n’était pas peu payé, quand onconnaît le coût habituel de telles réalisations et la nature dutravail fait. La fourniture et l’installation d’une centraletéléphonique commandée par l’Anoci (17 millions de FCfa),de même que l’acquisition et la pose d’un câble intelligent(19 millions de FCfa) installé pour les besoins de lacommunication, ont ensemble coûté la somme de 36 millionsde FCfa. Par ailleurs, la réalisation d’un film retraçant lestravaux réalisés sur la Vdn et la beauté des édifices construits

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a coûté la somme de 24 millions de FCfa. Nous avons envain cherché, au cours de nos enquêtes, à connaître le formatdu film. Nous nous sommes posé la question de savoir si ledocument est une production d’une durée de six, treize ou devingt quatre minutes, pour pouvoir en estimer le coût au prixdu marché local. Pourquoi avoir réalisé un seul film sur unseul chantier ?

xpZi^ ji ijpn h1i_ _i [Zo_ZpY kjpm �hcffcZm^nLa location d’un navire pour héberger les hôtes du

sommet a soulevé beaucoup de polémiques. Celles-ciconcernaient à la fois l’opportunité de louer ce navire et lecoût de l’opération. Sur l’opportunité, tous ceux qui avaientdes doutes sur la clairvoyance de cette décision, ont eu, aufinal, raison. Le navire amarré au port de Dakar n’apratiquement servi à rien, sinon qu’à enrichir son armateur.Très peu de participants au sommet ont été en effet hébergésdans le navire. Ceux qui ont séjourné dans le bateau auraientpu être logés dans les différents sites d’hébergement privéspris en location auprès de certains particuliers ougracieusement mis à la disposition des responsables del’Anoci par leurs propriétaires. Le 8 janvier 2008, dansl’édition du jour de Sud quotidien, nous publions un articledont nous présentons de larges extraits, afin de mieux poserle problème, tel que débattu dans l’opinion, trois mois avantla tenue du sommet. Aussi écrivions-nous à l’époque ce quisuit:

« Les responsables de plusieurs pays arabes devantprendre part au sommet, souhaitent que les lieuxd’hébergement des participants ne soient pas tropéparpillés dans la ville de Dakar, pour permettre unecoordination rapide et plus efficace des moyens desurveillance et de contrôle. Cela pourrait être le cas, ence qui concerne l’hébergement de certains hôtes. Etc’est, entre autres, les raisons pour lesquelles et comptetenu de l’insuffisance des lieux d’hébergement de hautstanding à Dakar, le Sénégal a prévu de loger

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l’ensemble des hôtes qui feront, plus que d’autres,l’objet d’une surveillance et d’une attentionparticulières, au plan de la sécurité, dans deux bateauxde très grand standing. Il s’agit de louer et de mettre àleur disposition deux yachts royaux ».

Le texte se poursuit pour souligner, en mettant l’accentsur l’idée que :

« Les responsables de l’Agence nationale del’organisation de la conférence islamique (Anoci) ontdéjà annoncé l’arrivée d’un navire pris en location pourtrois jours. Selon leurs dires, ce bateau qui est composéde mille suites et cabines devrait coûter la somme de 2millions de dollars, soit 1 milliard de FCfa, au tauxactuel du dollar américain. Curieux, tout de même, lafaveur ainsi faite au Sénégal ! Si toutes les cabines etsuites de ce bateau sont louées par jour à un taux moyend’un million de FCfa (soit 2000 dollars), le bateaucoûterait au moins 1 milliard de FCfa par jour auSénégal.

Le texte poursuit et indique :« Or, on sait que dans ce milieu de location de naviresde luxe, les prix pratiqués sont sans commune mesureavec de tels chiffres. C’est la raison pour laquelle, unhôtelier de la place, bien au fait de la question, raillecette information et donne une idée de soninvraisemblance. Il explique à cet égard que si l’Anociprenait en location pendant toute la durée de laConférence au sommet l’hôtel le Méridien Président,elle ne paierait pas moins d’un milliard de FCfa parjour. Il faut au moins multiplier par cinq le chiffreofficiellement annoncé. »

Le propos mettait l’accent sur le coût des navires qui àl’époque paraissait surréaliste pour tous ceux qui avaient prisconnaissance des informations publiées sur les manœuvresdes responsables de l’Anoci. Il n’était pas pensable pour euxque de telles informations soient fondées, car certains de noslecteurs étaient déjà au courant que la location, pour unecroisière d’une semaine de ce bateau, coûtait au total la

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somme d’un million 200 mille dollars soit à peu près 700millions de FCfa. Pourtant ce navire a couté beaucoup plusau Sénégal pour un séjour de trois jours chez nous. Nousécrivions :

« Sud a appris que chaque navire prévu serait loué parl’Anoci, pour une durée de trois jours et sur la base d’unmontant global de 5 millions de dollars par jour et pourchaque navire. Un seul contrat de location serait pourl’instant finalisé pour la location d’un bateau, pour uncoût global d’un peu moins de 7 milliards de FCfa. Soit2,5 millions de FCfa par jour de location ».

Pour conclure nous ajoutions :« Des banques commerciales de la place, en particulierla Société générale de banques ont été sollicitées pourassurer le financement de l’opération. Des sourcesproches de cette dernière banque confirment lesinformations et indiquent, en outre que, la banque estpartante pour un financement d’un montant de cinqmilliards de FCfa. Et les mêmes sources indiquentd’ailleurs que l’emprunt sollicité a été déjà autorisé parParis. La convention de prêt devrait être très bientôtfinalisée. Des aménagements pour accueillir les deuxnavires sont en cours de réalisation au Port autonome deDakar. Les navires en question devraient jeter l’ancre auport une semaine avant l’ouverture du sommet. Ilsseront placés sous la surveillance directe de la marinesénégalaise appuyée par les Français basés à Dakar. Parailleurs, les services de sécurité des pays dont les chefsd’Etat seront logés dans ces bateaux prendront part à lasurveillance de nos côtes et de nos eaux territoriales,pour parer à toute éventualité ».

Le lendemain de la publication de ces informations, lemardi 9 janvier 2008, Abdoulaye Baldé, directeur exécutif del’Anoci apportait un démenti cinglant à ces informations,dans une dépêche de l’Agence de presse sénégalaise (Aps)reprise par le quotidien Le Soleil. Dans cette dépêche, ledirecteur exécutif de l’Anoci laissait clairement entendre :

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« C’est tout à fait faux. On a affrété un seul bateau (…)le chiffre de dix milliards avancé est totalement faux.Les montants prévus sont loin de ces sommes ».

Tout en démentant l’information, Abdoulaye Baldé segardait soigneusement de dire aux Sénégalais les montantsprévus pour affréter auprès de la société espagnole MSCMusica. Tout juste, se contentait-il d’indiquer que :

« Les experts et les consultants de l’Anoci ont estiméque si le bateau est mis à la disposition des participantsà raison d’environ 300 euros pour la pension complètela bateau-hôtel sera amorti à la fin du sommet ».

Sur la base des propres documents de l’Anoci, auxquelsnous avons eu accès, le bateau a coûté la bagatelle de 11millions d’euros à l’Etat du Sénégal. Soit un total de 8milliards de FCfa. Nous sommes très loin des 2,5 milliardsde FCfa qui ont été avancés par des sources officiellesproches de l’Anoci. En tout état de cause, les Sénégalaisattendent toujours avec impatience d’être édifiés sur lessommes qui ont été dépensées pour organiser le Sommet dela Conférence Islamique à Dakar. En attendant d’autreschiffres qui viennent confirmer ou infirmer ce que nousavançons. Ce serait étonnant, à moins que les documentsfournis par l’Anoci à ses auditeurs pour la rédaction de leurpropre rapport ne soient, eux-mêmes, erronés. Le ministèrede l’Economie maritime a payé la facture de la location pourun montant de 2,5 milliards, le Port Autonome de Dakar estintervenu pour un montant global de 3 milliards de FCfa,avec un prêt à court terme (six mois) qui lui a été concédépar la Société générale de banques (Sgbs). Pour le reste descoûts nous avons appris que c’est le budget de la présidence(Secrétariat général) de la République a été sollicité pour unpeu plus de 800 millions de FCfa. Le reste de la facture a étéimputé à l’Anoci, elle-même.

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@_n =ihcffcZm^n ^_ fZ ^cn]jm^_A la réunion tenue par le Conseil de surveillance de

l’Anoci en date du 17 octobre 2007, son Directeur exécutif aprocédé devant les membres du Conseil à une revue généraledu programme hôtelier conçu par les responsables del’Agence dès sa création. Aussi, le directeur exécutifrévélait-il

« le secteur privé national et international, en partenariatavec l’Anoci réalise un programme d’investissement deplus de deux cinquante milliards de FCfa représentantune capacité additionnelle d’environ 2500 lits dont 1000en voie d’achèvement à travers la construction de cinqcomplexes cinq étoiles. De nouvelles enseignes ferontleur apparition au Sénégal, comme Sheraton ? RadissonSAS, NH Hôtels, Ibis et Kempensky ».

Le président du Conseil de Surveillance explique à lasuite du Directeur exécutif, Abdoulaye Baldé, pourquoi il estnécessaire de trouver une politique de promotion du tourismeaccordant une priorité absolue à la construction de sitesmodernes et adaptés à la concurrence que se livrent les paysd’accueil. Ainsi, dira-t-il :

« Le tourisme mondial est en pleine croissance. On aincité des investisseurs à venir au Sénégal à l’image dece qui se fait au Maroc et en Tunisie. L’hôtellerie auSénégal a un problème d’encadrement. La nuitée estplus chère par rapport à la qualité du produit proposé.Les infrastructures ne sont pas renouvelées, ni laformation du personnel. Ce n’est pas à l’Etat de fairecela mais aux opérateurs de s’organiser. »

Le président de l’Anoci poursuit ses explications enajoutant :

« La construction de nouveaux hôtels aux standardsinternationaux va créer de la concurrence et de lapression sur les réceptifs existants qui se réorganisentactuellement. Le ministère du Tourisme doit égalementmettre en place un système de contrôle strict et prendredes sanctions le cas échéant [perte d’étoiles]. Les hôtelsdoivent être rénovés tous les cinq ans ».

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L’ambitieux programme hôtelier ainsi décliné a séduit leConseil de surveillance qui l’a fait connaître par la voix decertains de ses membres. Il a été adopté à l’unanimité desmembres présents à la réunion. A l’époque, Mme FatouGassama était ministre du Tourisme, elle déclare sasatisfaction et justifie pourquoi la mise en œuvre d’un telprogramme est souhaitable :

« Je suis d’accord avec ce qui vient d’être dit sur lesréceptifs du pays. Le Méridien, par exemple, n’a jamaischangé de mobilier, ni de salle de bain depuis sacréation. Les salles de bain sont rayées et moisies.Toutes les chambres que j’ai pu visiter étaient dans unétat incroyable. Quant à la salle des congrès, elle n’estmême pas climatisée ».

Au cours de la discussion engagée autour du programmehôtelier, Mme Aminata Niane a expliqué qu’il fallait faire ensorte que l’impact de la conférence soit maximisé sur le tissuéconomique. Aussi, recommandation a été faite pour que lesartisans sénégalais soient privilégiés pour la décoration deshôtels. Elle se désolera de n’avoir pas vu de tissus sénégalaiscomme du pagne tissé parmi les propositions d’aménagementdu Méridien Président. Et au président du Conseil derelever :

« Il faut respecter les normes de sécurité et donc utiliserdes tissus de qualité ».

Est-ce que le président de l’Anoci voulait insinuer que lestissus sénégalais ne sont pas de qualité ? Tout porte à lecroire, d’autant plus qu’aucune entreprise sénégalaise n’estintervenue pour la réfection du Méridien Président, ce que laDirectrice de l’Apix a déploré, à juste titre, d’ailleurs. Ainsi,à la suite de l’intervention du président de l’Anoci quisemblait mettre en cause la qualité des tissus sénégalais,Aminata Niane reprendra la parole pour dire que :

« Je donne l’exemple de l’hôtel Téranga qui a passé unaccord avec Hermès. Le Groupe Hermès privilégie ledéveloppement durable et n’utilise pas de produits

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chimiques. Le président de la République a souventinsisté sur la nécessité de valoriser nos produits. On peutconstruire des édifices modernes mais avec unedécoration [ethnique] haut de gamme. Il existe uneindustrie de cadeaux de luxe au Sénégal, l’Apix peutd’ailleurs fournir une liste de base de données sur lesecteur. Concernant le Méridien Président, je constatequ’aucune entreprise sénégalaise n’intervient sur lechantier ».

Elle obligera ainsi le président de l’Anoci à revenir sur laquestion pour accepter de concéder quelques avantages auxSénégalais :

« L’Anoci est intéressée par la liste des cadeauxproposés par l’artisanat sénégalais. Ce sont les autoritéssaoudiennes qui ont alloué la subvention du Méridien etont donc choisi l’une de leurs entreprises pour exécuterla réhabilitation. C’est pourquoi d’ailleurs l’Anoci aabandonné le projet d’hôtel-centre de conférences ».

Finalement, à l’arrivée, seuls deux ou trois hôtels ont étéconstruits. Et ils ne sont sortis de terre qu’un an après la finde la conférence qui s’est déroulée sans que le programmehôtelier soit réalisé. Aujourd’hui : le Radisson, le Terrou-biet le Sea Plaza sont les seuls réceptifs mis à la disposition desSénégalais et des nombreux visiteurs qui arrivent dans cepays et désirent trouver un hôtel. Ils s’ajoutent aux autresréceptifs existants et dont la qualité a été tant décriée par leprésident de l’Anoci. Les responsables ont décidé de rénoverle Méridien Président.

@Z m0ijqZocji ^pK0mc^c_i mm0nc^_ioAu cours de la réunion du 17 octobre 2007, le Directeur

exécutif a tenu informé les membres du Conseil desurveillance sur ce projet. Ainsi, il leur apprendra que :

« Les travaux de rénovation et d’équipement (…) sonten cours d’exécution par le Groupe saoudien Saoudi BinLaden Group (SBG) en partenariat avec le Ministère de

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la Construction et l’Urbanisme. La livraison est prévuepour le 15 février 2008 ».

Et Karim Wade de rappeler que :« Le financement de la restauration du Méridien est prisen charge sur une subvention donnée par le Royaumed’Arabie Saoudite et directement versée par lui-mêmedans les caisses de l’Etat. La gestion de ce fonds estassurée par le Ministère de l’Economie et desFinances. »

Le démenti opposé par le ministre de l’Economie et desFinances, relativement à ces affirmations, vise en particulierla gestion de cette subvention de 26 milliards de FCfa qui ontpermis la rénovation du Méridien. Le ministre n’a pas géréce fonds. La gestion de ce fonds a opposé le ministreAbdoulaye Diop et Karim Wade. C’est à propos d’un marchéportant sur 14, 210 milliards de FCfa que l’Anoci voulaitattribuer de gré à gré que les deux hommes, selon lesexplications de hauts fonctionnaires du ministère desFinances, ont échangé des propos assez fermes. C’est surtoutAbdoulaye Diop, expliquent nos sources, qui s’est montrétrès ferme à l’égard du fils du chef de l’Etat. Le ministre aopposé un refus catégorique de signer le contrat accordé parentente directe à la société saoudienne Saoudi Bin Ladenpour rénover le Méridien. Et c’est finalement le ministre dela Construction et de l’Urbanisme de l’époque, Oumar Sarrqui a signé le contrat qui a permis à l’entreprise désignéed’exécuter le marché. Ce marché portait, faut-il le rappelersur 14, 210 milliards de FCfa. Un haut fonctionnaire duministère de l’Economie et des Finances rapporte les termesdes échanges qui ont eu lieu entre les deux hommes. C’estKarim Wade qui appelle Abdoulaye Diop. Au bout du fill’argentier de l’Etat écoute et s’entend dire :

« M. le ministre, tout est prêt. On attend que votresignature, pour que les travaux puissent démarrer auMéridien. Mon père m’a chargé de vous demander designer le contrat pour la rénovation du Méridien. Tout

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est fait, les travaux doivent démarrer, il ne reste quevotre signature ».

Et le ministre, rapporte le même fonctionnaire, des’adresser à son tour à son interlocuteur :

- « Je veux être clair, je ne signe pas ce contrat ».

- « Mais comment on fait, alors ?

- « Mais vous devez le savoir »…

- « Je pense que vous devez signer, parce que c’est leprésident en personne qui vous le demande »

- « Est-ce que le président me demande de signer cecontrat ? Il n’en est pas question. Ce n’est pas à moi designer ni d’approuver. C’est clair ».

Et Karim Wade de revenir à la charge, pour réitérer lesinjonctions de papa et d’intimer également à AbdoulayeDiop:

« Il y a urgence ».

Abdoulaye Diop reprend la parole et tente de clore ledébat à sa manière:

« Comment on fait ? C’est ce que je me tue à vousexpliquer depuis tout à l’heure. Dites au président que jene signerai pas ce marché. Si vous ne pouvez pas lefaire, je le lui dirai moi-même ».

La cause est entendue. Le ministre refuse. Karim Wades’incline et fait appel au service du ministre de laConstruction et de l’Urbanisme. Lui signe le marché. Larénovation du Méridien Président peut alors commencer,d’autant que le ministre délégué au budget, à l’époqueCheikh Adjibou Soumaré a lui aussi approuvé le marché.Son remplaçant au Budget, Ibrahima Sarr, a révélé devant leConseil de surveillance de l’Anoci qui s’est réuni ce 17octobre 2007, que le montant décaissé par l’Arabie Saouditepour la réfection du Méridien est de 26 milliards de FCfa. Asa suite, Cheikh Ibrahima Gaye, le responsable de la Divisiondes Infrastructures de l’Anoci, explique à l’assemblée que :

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« 25 suites présidentielles et 46 suites juniors serontentièrement rénovées, meublées et rééquipées, toute ladécoration sera réalisée par le cabinet britannique[Areeng] ».

Areeng ? C’est cette société, bien sûr étrangère, qui aramassé des milliards pour décorer le Méridien. Cetteprestation a été payée sur des fonds appartenant à desSénégalais pour faire un travail qui aurait pu êtreparfaitement fait par une société sénégalaise. Aminata Nianeavait raison d’attirer l’attention des membres du Conseil desurveillance sur la nécessité de donner l’opportunité et desmoyens aux artisans sénégalais pour leur permettre departiciper aux travaux de décoration de l’hôtel. Elle devaitpourtant savoir, dès le départ, à quoi s’en tenir, car leprésident de l’Anoci avait dit qu’il fallait du tissu de qualité.Cet avertissement sous entendait que les Sénégalais nepouvaient pas présenter un tissu de qualité. Quel mépris !Mais en réalité, l’Anoci, ce ne fut que ça, depuis le début deses travaux jusqu’à la fin. Le mépris affiché à l’égard desentreprises sénégalaises, même celles qui ont étésélectionnées pour les réaliser, n’a jamais été caché. C’estd’ailleurs, en partie, ce qui a obligé, lors de la réunion du 17octobre, Baïdy Agne, le président du Conseil national dupatronat (Cnp), à faire quelques mises au point, quand lacompétitivité et les capacités des entreprises ont été mises encause pour justifier les coûts exorbitants pratiqués sur lemarché de la construction au Sénégal. Pour en revenir on aramené rénovation, on a fait passer la salle des congrès de650 à 609 places avec pupitre. Ainsi, quarante et une placesont été supprimées pour donner plus d’espace auxparticipants et pour améliorer leur confort. Au moment deprocéder à la rénovation de ce complexe, tout le mobilier aété enlevé et stocké à la Direction du matériel et placé sousl’autorité directe de l’Administration. Un audit, en fait. Uninventaire de ce matériel a été fait, selon Abdoulaye Baldéqui s’adressait au Conseil de surveillance, afin de limiter la

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responsabilité de l’Anoci, en cas de perte ou de vol. Enréalité, la rénovation du complexe pose et soulève desquestions plus importantes et plus dramatiques pour le paysque celles liées au sort réservé à ce matériel réformé.Comment la rénovation d’un hôtel a-t-elle pu coûter deuxfois plus cher que la construction et l’équipement de baseinitiale du réceptif, même un peu plus de quinze ans (16 ans),après la réception de l’ouvrage en 1991 ? La question mérited’être posée. Vingt six milliards de FCfa pour rénover unhôtel, il y avait de quoi bâtir un réceptif cinq étoiles etrénover le Méridien, pour le maintenir à un niveau de qualitéégalant celle de n’importe quel hôtel cinq étoiles dans lemonde. On a choisi une autre voie à l’Anoci. A quelles finsl’ont-ils fait ? Et c’est là une raison fondamentale qui doitpousser les responsables de l’Anoci à accepter un auditindépendant pour convaincre les Sénégalais qu’ils ont bientravaillé (sic).

=i Zpom_n hcffcZm^n bZio_io ^_n qcffZn `Zio<h_nLa construction de ces villas prévues dans le cadre de

l’organisation du sommet devait coûter la somme de 26milliards de FCfa. Cette somme a été mobilisée ainsi qu’ilsuit, au regard des termes d’un décret de transfert de crédits,signé en faveur de l’Anoci par le chef de l’Etat lui-même. Onpeut lire dans le rapport de présentation dudit texteréglementaire :

« Le projet de décret ci-joint a pour objet d’autoriser unréaménagement du budget d’investissement (BCI) de lagestion 2007. Ce réaménagement permettra de dégagerune enveloppe de quatre milliards (4000.000.000.)deFCfa destinés à la couverture financière partielle duprogramme de construction de villas présidentielles, enattendant la mise à disposition dans la Loi de financesde la gestion 2008, du reliquat du financementnécessaire estimé à vingt six milliards (26.000.000.000.)de FCfa. Cette enveloppe de quatre milliards de FCfaviendra s’ajouter à la dotation de dix milliards

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(10.000.000.000.) de FCfa, inscrite dans la Loi definances rectificative de la gestion 2007. Le financementsera inscrit au budget de la gestion 2008 est de douzemilliards (12000.000.000.)de FCfa. Ce virement decrédits proposé s’effectue conformément auxdispositions de l’article 15 de la Loi organique relativeaux Lois de finance qui prévoit et autorisent lesvirements de crédits de chapitre à chapitre, par décret ».

Les quatre milliards de FCfa virés dans le cadre de cedécret ont été soutirés des montants inscrits au budget duministère des Infrastructures pour un montant de 400millions de FCfa (étude du pont de Ngouye, du chapitrerelatif au renforcement et à la réhabilitation de la routeKolda-Diana-Carrefour 22 pour un montant total de 1milliard de FCfa, du chapitre concernant la construction de laroute Linguère-Matam, pour un montant total de 1, 500milliards de FCfa, de celui concernant la route Ziguinchor-MPack. Pendant que les populations habitant les localitésconcernées par les travaux routiers font quotidiennement faceà de terribles problèmes de circulation sur des routestotalement défoncées, les autorités du pays s’amusent avecl’argent. Des villas dont l’utilité reste largement à démontrerdoivent être construites. Alors que la conférence au sommetorganisée par l’Anoci est largement derrière nous, ons’évertue toujours à amputer des budgets concernant degrands travaux routiers prévus à l’intérieur du pays, pourédifier des sites qui étaient normalement destinés à hébergerles hôtes du sommet. Le décret de virement de crédits a étésigné le 12 décembre 2007. On savait donc !!déjà, à cetteépoque, que les villas dont la construction était envisagée nepouvaient, en aucune façon, servir à héberger des hôtes dusommet. Nous étions à trois mois de la conférence ausommet qui a été ouverte le 14 mars 2008. Une questionreste posée : à quelle fin la décision de construire des villasprésidentielles a été maintenue ? Personne ne sait. Lesautorités chargées d’informer les citoyens restent encoretotalement muettes à ce sujet. En tout état de cause, plus

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deux ans après la mobilisation des fonds, on se demandeencore pourquoi aucune villa n’est encore sortie de terre.Personne, n’est mieux placé que les responsables de l’Anociqui se sont autoproclamés « bâtisseurs », pour édifier lesSénégalais sur la gestion des fonds qui ont été ainsi placésentre leurs mains pour construire ces villas. Il y a d’ailleurs,dans ce décret de virement de fonds, quelque chose deprofondément injuste et scandaleux. Sur les prélèvementsordonnés par ce décret, on note qu’un montant d’un milliardde FCfa l’a été relativement au renforcement et à laréhabilitation de la route Kolda-Diana-Carrefour 22 qui ontété entièrement réalisés par l’entreprise JLS de Bara Tall.L’argent qui lui était dû et qui normalement était inscrit dansle budget 2007 lui a été soutiré pour être versé dans le budgetqui servira à construire les villas présidentielles fantômes. Leprocédé, non seulement est profondément injuste, mais iltraduit, de la part de l’autorité qui a ordonné les virements,une méchanceté gratuite que rien ne justifie. Cette attitudeest la manifestation d’une vindicte et d’un esprit devengeance qui n’honore nullement les autorités de laRépublique. La construction des villas présidentielles est unevéritable absurdité, que le pouvoir maintient contre le bonsens et contre les règles de bonne gouvernance les plusélémentaires. C’est un paradoxe que de constater qu’on sedébarrasse de certaines de ces villas situées en plein centreville pour, dans le même temps, se mettre à en construired’autres. Comment justifier une telle incohérence ? Il fautdémontrer que derrière ces villas ne se cache pas une volontémanifeste d’enrichir des amis et des proches. On convaincradifficilement qu’il n’y a pas là une opérationd’enrichissement personnel qui ne dit pas son nom.

@~Z]bZo ^_ fchjpnci_nUn contrat de ces voitures a été signé entre l’Etat du

Sénégal et la Sénégalaise de l’Automobile en date du 22février 2008. C’est avec le ministère de l’Economie et des

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Finances que ce contrat a été paraphé. Il concerne l’achat de50 Mercedes S 350, pour un montant global de 3,930milliards de FCfa. Contrairement à ce qui a été fait au coursde la première conférence au sommet qui a eu lieu en 1991au Sénégal et où les partenaires arabes avaient offertgratuitement une cinquantaine de Limousines à notre pays, legouvernement a commandé ces véhicules en saignant leTrésor public. Plus d’une trentaine de ces véhicules sontgarés quelque part dans un camp de l’armée nationale. Lechef de l’Etat en use comme il veut, distribue les clés enfonction de ses humeurs et de son désir de faire plaisir à desofficiels, des marabouts, des proches ou des amis. Pourtant,en dépit du fait que les sommes prévues pour l’acquisition deces véhicules ont été normalement décaissées, des sources dela Sénégalaise de l’Automobile indiquent que l’Etat resteleur devoir encore beaucoup d’argent. Pour le sommet de1991, le gouvernement avait reçu en dons une cinquantainede limousines offertes par l’Arabie Saoudite et par le Koweït.Ces voitures ont servi pour les hôtes du sommet et ont ététoutes versées dans le parc automobile de l’Etat. Ce fut unmodèle de gestion rationnelle et rigoureuse, sous ce chapitreprécis d’acquisition de véhicules, disons-nous bien. Pour uncoût global de 104 millions de FCfa, l’Anoci a acquis cinqvéhicules Station Wagon et huit autres Peugeot 406 pour 102millions de FCfa et une Kia Sorento à 13 millions de FCfa.Par ailleurs, l’Anoci a acheté trois autres Peugeot 307 et unePeugeot 407 pour un montant global de 43 millions. Au total,le parc automobile de l’Anoci, tel que cela a été répertoriédans le document d’audit du cabinet CICE a coûté la sommetotale de 262 millions de FCfa. Nous ne sommes pas sûr derépertorier l’ensemble des coûts relatifs à l’achat devéhicules liés à l’organisation du sommet de l’Oci.

Ei ^_hcdhcffcZm^ kjpm `Zcm_ [0^jpci ) fZ km0nc^_i]_Cette dépense nous paraît énorme. Elle a été effectuée

grâce à une entente directe passée entre le Secrétariat général

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de la présidence de la République et une société du nom dePublicis Live. S’élevant à un montant global de 502 625 239de FCfa, on se demande encore quelles sortes de tentes ontpu coûter ces montants énormes, de quoi construire unimmeuble. Seulement, avec l’organisation de la Conférenceislamique dans notre pays, on aura tout vu en matière dedépenses publiques. On n’a rien refusé au « prince » et à sesacolytes, pour organiser, comme on n’en aura vu nulle partailleurs dans le monde. En veux-tu, en voilà ! Ce fut presquele mot d’ordre qui a marqué les relations établies entre leTrésor public et l’Anoci. Par ailleurs, les tentes qui ont étéinstallées sur le stand et la décoration de ce site ouvert à laFoire internationale, à l’occasion de la conférence islamiqueont coûté la somme de 35 millions de FCfa.

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2=o

@_ ojoZf [cfZi ^_ f~%ij]c

Ei `Zpt [cfZiIl y avait quelque chose de pathétique dans le cirque

organisé, dans la nuit du dimanche 19 au 20 juillet, parKarim Wade, avec la complicité de nos confrères, autour del’antenne de la Télévision du Groupe Walfadjri. Pathétiquede voir quelqu’un qui occupe les fonctions de ministre d’Etatjouer de la façon dont Karim Wade l’a fait à l’enfant gâté quiplus est, croit disposer d’un droit l’autorisant à se moquer dupeuple. Pathétique également de constater à quel point lespremiers responsables de ce pays sont convaincus que lapresse n’est qu’un instrument dont ils peuvent se servir pourinsulter l’intelligence des citoyens. Pathétique, enfin, deconstater le désarroi et la profonde panique qui saisissentl’équipe dirigeante de l’Anoci, dès qu’un point de vuecritique documenté s’exprime, pour dénoncer son travail, enmettant en évidence l’incohérence du faux bilan qu’elle aprésenté au peuple. De toutes les interventions et critiquesportant sur ce bilan, et formulées par une formation politiquedu pays, celles publiées par le Ps nous semblent les plusincisives et les plus pertinentes. C’est cela qui explique enpartie le cirque auquel Karim Wade s’est prêté ce dimanche19 juillet. La presse nationale ne s’y est pas trompée.

« Dans ce pays, autrefois connu pour la finesse d’espritde ses fils, le ridicule ne semble plus tuer. Sinon Rimkane confondrait pas torchons et serviettes, en direct surles ondes de Walf TV (…). Car le fils de Njomboor, audevant de la scène par la grâce de son pater, doit savoirque le débat le concernant, à propos de l’Anoci, ce n’est

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pas avec le secrétaire général du Ps, mais avec desauditeurs indépendants, comme le réclame l’opinion ».

Le chroniqueur du journal Le Populaire, Samba Alaarrésume bien la pensée de nombreux journalistes du pays,dans sa chronique publiée ce lundi 20 juillet. Il se montreinspiré, juste et pertinent. Le journaliste, Madior Fall de Sudquotidien l’est davantage, ce lundi 20 juillet 2009, dans soncommentaire du jour, intitulé « Vaine arrogance ». Il suffitde lire le titre de l’article pour saisir la pensée profonde del’auteur. Le journaliste écrit :

« Certes, les décisions d’opportunité éminemmentpolitiques se sanctionnent en République et endémocratie par l’électeur citoyen, mais les réalisationsquant à elles, s’évaluent et sont évaluées de force ou degré dans le cadre d’un contrôle régulier et rigoureux,parce qu’elles obéissent à des logiques norméesimmuables. On a beau dire, on a beau faire, on n’ycoupe point ».

Tout est ainsi dit pour comprendre la fuite en avant deKarim Wade qui semble quelque peu perdre la raison face àl’incongruité du bilan qu’il présente. Cette raison, il semblaitaussi l’avoir perdu au moment où il dépensait avec ses amisde l’Anoci. C’est cela qui explique ses difficultés actuelles àse soumettre à l’audit indépendant auquel le convie lesconfrères. Il cherche en vain à débattre avec Ousmane TanorDieng, car il est convaincu que tout ce qu’il a entreprisdepuis plus de deux mois, pour essayer de convaincre lesSénégalais s’est avéré vain. Il invite au débat sans y croire uninstant. En tout état de cause, son invite au débat me metdavantage à l’aise, pour donner aux Sénégalais qui souhaitentdébattre publiquement avec lui des éléments factuelsd’évaluation de son travail. Son bilan est un faux bilan. Letotal bilan de l’Anoci, pour reprendre une expressionfamilière aux comptables, est différent à tout point de vue dece qui a été exposé devant le Conseil de surveillance etlargement diffusé dans la presse. On va examiner ce total, enrapport avec deux paramètres : le volume des fonds

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mobilisés et les dépenses réelles effectuées pour réaliser lestravaux de l’Oci et pour assurer son fonctionnement, pendantune période de quatre ans : 15 juin 2004 - 15 juin 2009. Onne peut pas cependant ignorer un autre aspect de ce bilan, sinous tenons compte des objectifs de départ de l’Anoci quiaffirmaient que les travaux devaient avoir un impact positifsur le secteur privé sénégalais en lui donnant des moyensadditionnels de croissance. On sait maintenant qu’à la suitedes travaux initiés par l’Anoci, l’un des fleurons del’industrie nationale de la construction, qui est égalementl’une des rares entreprises dans ce secteur à appartenirentièrement à des nationaux, Jean Lefebvre a étécomplètement détruite, du fait des agissements des dirigeantsde l’agence. Nous devons tenir compte de cet état de faitdans l’examen du total bilan de l’agence.

@_n ]ji^n hj[cfcn0n Zpkm1n ^_n [Zcff_pmnIl serait intéressant à ce niveau d’opérer une comparaison

pour mieux apprécier les supposées performances réaliséessur ce chapitre par l’Anoci. C’est avec une pointe de fierténon dicible que le Conseil de surveillance de l’Agenceaffirme avoir mobilisé la somme de 432 milliards de FCfa.Quelle est la réalité qui se cache derrière ce chiffre ? Nousl’avons déjà vu, les gouvernements saoudien et koweitien etla Bid ont alimenté en partie les caisses de l’Anoci, pour cequi concerne les travaux ouverts dans les différents chantiersde la capitale. En ce qui concerne les travaux de la CornicheOuest, c’est le Fonds koweïtien qui a assuré son financementde base pour un montant global de 24,370 milliards de FCfa.Pour les travaux réalisés sur la Vdn, l’audit proposé parl’Anoci révèle que ces travaux ont été pris en charge par unprêt effectué auprès de la Banque islamique dedéveloppement(Bid) pour un montant global de 19,956milliards de FCfa. Par ailleurs, le Fonds saoudien a acceptéde financer l’élargissement et l’embellissement de la route deOuakam. Cet argent effectivement mobilisé n’a pas encore

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été consommé. Par ailleurs, le gouvernement saoudien a faitun don de 26 milliards de FCfa à notre pays pour larénovation du Méridien Président. Le Qatar a fait un dond’un montant total de 10 milliards de FCfa Pour ces dons, lesresponsables du ministère des Finances précisent qu’ils ontété directement versés à l’Etat, par le truchement de laprésidence de la République. Au total, les dons et les créditsreçus par notre pays à l’occasion de l’organisation dusommet de l’Oci s’élèvent à un montant de 95.779 milliardsFCfa. Les montants escomptés au départ, en ce qui concerneles investissements privés, étaient estimés à 250.000.000.000FCfa. A ce propos, c’est Karim Wade qui a révélé au Conseilde surveillance au cours de la séance tenue le 17 octobre2007 que :

« Le secteur privé national et international réalise enpartenariat avec l’Anoci un programme d’investis-sement de plus de deux cent cinquante milliards deFCfa… »

Depuis la fin de la conférence, seul le tiers de cesmontants a été effectivement mobilisé et a permis laréalisation des trois hôtels sortis de terre de l’ensemble duprogramme hôtelier préparé par l’Anoci. En définitive donc,un peu moins de 85 000 000.000 FCfa ont été mobilisés parles responsables de l’Anoci, en matière d’investissementsprivés. Et encore ! Certains techniciens du ministère del’Economie et des Finances, considèrent que ce chiffrecomporterait même des montants virtuels et qui constituentdes sommes d’argent susceptibles seulement, avec de fortesprobabilités, d’être effectivement mobilisées. De hautsresponsables du ministère des Finances expliquent qu’à cettedate, les sommes mobilisées et qui sont approximativementconnues du ministère se montent à un total de 170. 777.389.440 FCfa se répartissant ainsi qu’il suit : 95. 779.389 440 deFCfa (fonds publics), 85. 000.000.000 FCfa (fonds privés).Nous sommes loin des 432 milliards de FCfa annoncés engrandes pompes par le Conseil de surveillance de l’Anoci.

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@_n ^0k_in_n _``_]ocq_n ^_ f~%ij]cCertains commentateurs ont entretenu un amalgame qui

n’aide pas à éclairer le débat sur le bilan. Volontairement oupar ignorance, certains citoyens, aidés en cela par certainsarticles de presse, affirment que l’Anoci a dépensé 432milliards de FCfa, confondant ainsi les dépenses de l’Agenceavec les sommes mobilisées, aux fins de réaliser ou de faireréaliser des investissements dans le pays. Ce sont deuxchoses différentes. Le Conseil de surveillance de l’Anoci aannoncé après sa réunion du 17 octobre 2007, que l’agence adépensé la somme de 101 milliards de FCfa, soit undépassement d’un milliard de FCfa, par rapport à sesprévisions et autorisations budgétaires de départ. Lesdépenses réelles consacrées aux travaux sont estimées à 72milliards de FCfa, selon les mêmes responsables du Conseilde surveillance. Les 29 milliards de FCfa restants ayant étéconsacrés à l’organisation et au budget de fonctionnementpendant une période de quatre ans d’existence de l’agence.Quelle est la réalité ? Elle est totalement différente de cequ’on nous en dit. Procédons à une classification desdépenses effectuées par l’Agence. Il y a, d’une part, lesdépenses effectuées pour réaliser les chantiers de l’Anoci,celles faites pour payer des prestations directement liées àl’organisation de la conférence à proprement parler. Et,enfin, les dépenses de fonctionnement de l’Agence.

/ct hcffcZm^nY f_ eh ^_ mjpo_ ]jinompco jp 0fZmacLes travaux de l’Anoci ont essentiellement concerné trois

chantiers. Un premier tronçon sur une distance de 7 Km àélargir a été réalisé par l’entreprise CDE pour un montantglobal de 40,028 milliards de FCfa (Corniche-Madeleine-Atépa) soit une moyenne de (5,718 milliards de FCfa), parkm de route élargi. Un deuxième tronçon de route neuve àconstruire, sur une distance de 4,3 Km, a été confié àFougerolles qui l’a réalisé pour une valeur globale de 25,097

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milliards de FCfa, entièrement financé par le budget national.Soit une moyenne de 5, 837 milliards de FCfa par km deroute construit. Le troisième chantier consistait enélargissement de la Vdn sur une distance de 6 Km, pour unevaleur globale de 27,552 milliards de FCfa. Ce chantier a étéexécuté par CSE, pour une moyenne de 4,592 milliards deFCfa, le km de route élargi. Ainsi, pour 14 Km de routesélargies et 4,3 km de routes neuves construites, l’Etat adépensé un total de 92,677 milliards de FCfa dans le cadredes chantiers réalisés par l’Anoci, soit une moyenne de 5,537 de FCfa milliards par km de routes élargies etnouvellement construites. Il s’y ajoute, qu’après l’exécutiondes quatre premiers marchés de base, signés pour le comptedes entreprises : CDE, CSE et Fougerolles, de nombreuxautres contrats ont été signés avec divers prestataires. Ainsi,nous en avons dénombré un total quarante et un (41). Cesmarchés ont été payés sur les budgets de plusieurs ministèreset institutions diverses. Les ministères les plus sollicités ontété le ministère de la Construction et de l’Urbanisme, et dansune moindre mesure, le département des Forces armées.Ainsi, les fonds prévus par les exercices 2007 et 2008, pourle compte de la Direction de la Construction du ministère dela Construction et de l’Urbanisme ont été largementponctionnés. Le ministère des Forces armées et la présidencede la République n’ont pas été épargnés.

%pom_n o_]biclp_n ^_ ^0k_in_n pocfcn0_nAprès l’exécution des quatre premiers marchés de base,

signés pour le compte des entreprises : CDE, CSE etFougerolles des avenants leur ont été consentis. Commed’autres contrats ont été conclus pour effectuer d’autrestravaux ou pour assurer d’autres prestations liées à la tenuede la conférence. Ainsi, nous en avons dénombré un total dequarante et un (41), pour un coût global de 107 milliards deFCfa.

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@_n hZm]b0n 0]fZo0nPour éviter de charger les dépenses directes de l’Anoci,

ses responsables ont très vite compris qu’il fallait en éclatercertaines, dans plusieurs budgets de différents départementsministériels et de celui de la présidence de la République.Examinons quelques cas de dépenses pour mieux fairecomprendre la technique. Le ministère de l’Urbanisme a étéle département ministériel le plus sollicité avec un totaléclaté dans ses budgets de 2007 et 2008, de 26 milliards deFCfa. Cette masse d’argent correspond en fait au don quel’Arabie Saoudite a fait au Sénégal. Il a été prélevé de cemontant, la somme de 14,210 milliards de FCfa, pourrénover l’hôtel Méridien-Président. Le reliquat de cettesomme : 11,790 milliards de FCfa, a été utilisé pour destravaux d’embellissement, de décoration et d’aménagementpaysager concernant les ouvrages construits dans la ville,pour l’accueil du sommet de l’Oci. 26 milliards de FCfa tirésdu seul budget du ministère de l’Urbanisme, on peut dire quece département a remporté la palme pour ce qui concerne lesdépenses de l’Anoci qui ont été éclatées dans plusieursministères. Le ministère de l’Information suit avec un totalde 4,250 milliards de FCfa. Cet argent a été dépensé,officiellement du moins, pour appuyer le quotidiengouvernemental « Le Soleil » et la Radio Télévision duSénégal (RTS), pour la couverture médiatique du sommet.Des sources proches des directions générales des deux entitésexpliquent qu’elles ont effectivement reçu chacune une aide,dont le total pour les deux unités est chiffré à 850 millions deFCfa. Il reste un reliquat de 3, 450 milliards de FCfa. Cetargent a été peut-être dépensé ailleurs pour le compte dusommet. Le ministère de l’Economie maritime a fourni 2,951 milliards de FCfa, pour la location du bateau hôtel. Unemprunt bancaire de 3 milliards de FCfa a été égalementcontracté auprès de la Société générale. Cet emprunt consentisur un délai de six mois a été entièrement supporté par lePort Autonome de Dakar. Le Port a également contracté,

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pour le compte de l’Anoci, avec la société Jafza, qui devaitconduire pour le compte de l’agence des études techniquesnécessaires à la réalisation d’un projet de construction derésidences de grand standing dans la zone portuaire. Cecontrat a été évalué à 1,231 milliards de FCfa. Encontrepartie, l’Anoci a décidé de lui octroyer des terrains surle littoral de la capitale et des actions dans le capital social deApix Sa. Au total, le Port a payé pour une valeur de 4, 231milliards de FCfa des prestations effectuées pour le comptede l’agence. Le ministère des Forces armées a été sollicité. Ila donné un appui de 2,250 milliards de FCfa, pour équiperl’hôpital principal de Dakar et l’apprêter ainsi à faire face àd’éventuels cas d’urgence médicaux qui arriveraient pendantle sommet. Le Secrétariat général de la présidence de laRépublique a contracté, pour l’Anoci, des marchés d’unevaleur de 2,345 milliards de FCfa. Au total donc, on peutestimer l’ensemble de ces contrats que nous avons puextraire de la masse des marchés administratifs disponiblessur le site de l’Autorité de régulation des marchés publics, à29 milliards de FCfa, pour les imputer aux budgets deplusieurs ministères. On le voit bien, en dépit des tentativesde masquer les dépenses réelles de l’Anoci, en les éclatantdans différents ministères, les dirigeants de l’agence n’y sontpas parvenus. Ainsi, les fonds prévus par les exercices 2007et 2008, pour le compte de la Direction de la Construction duministère de la Construction et de l’Urbanisme, ont étélargement ponctionnés. Par ailleurs, le ministère des Forcesarmées et la présidence de la République n’ont pas étéépargnés. La mairie de Dakar n’a pas été en reste, elle auralargement participé aux dépenses de l’Anoci. Ainsi, nousavons pu reconstituer pour ce qui la concerne, trois avenantsà des contrats de base. Nous n’avons malheureusement puretrouver de tels contrats. Seulement, pour les trois avenantssignés pour assurer l’éclairage des sites des différentschantiers de l’Anoci, la commune a payé un total de 4,634milliards de FCfa. Des sommes dépensées pour assurer la

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participation de la mairie à l’organisation de la conférenceislamique. Selon des proches de la commune de Dakar, lescontrats de base ont coûté la somme de 7 milliards de FCfa.Au total donc, la mairie de Dakar a dépensé un total de11,634 milliards de FCfa qui viennent s’ajouter aux autressommes dépensées par les ministères sur leurs propres lignesde crédits budgétaires. Au total, les dépenses réalisées parl’Anoci sur la base des contrats éclatés s’élèvent à 40,634milliards de FCfa

@Z o_]biclp_ ^_n qcm_h_ion ^_ ]m0^conCette technique du virement de crédits a été utilisée pour

mobiliser en faveur de l’Anoci la somme totale de 27,900milliards de FCfa. En 2007, 14 milliards de FCfa ont faitl’objet d’un virement de crédits en faveur de l’Anoci. En2008, 12 milliards et 1,900 milliards de FCfa de virement decrédits, ont été également effectués en faveur de l’Anoci. Cequi donne, pour la seule année 2008, un total de 13,900milliards de FCfa de virements de crédits. Les crédits ayantfait l’objet d’un décret de virement sont estimés sur deux ansà 27,900 milliards de FCfa. Dans le cas des chantiers deThiès, c’est l’Inspection générale d’Etat (Ige) qui avaitprincipalement retenu contre Idrissa Seck, en qualifiant latechnique de détournement de procédure. C’est ce qui a valuà Salif Bâ et à Idrissa Seck leur emprisonnement. Ce sont dumoins ces motifs de droit qui ont été évoqués pour les mettreen prison. Si cette jurisprudence avait joué dans le cas deschantiers de l’Anoci, la Haute de Cour de justice n’aurait pasbesoin d’être saisie. Le simple tribunal aurait été compétentpour entendre tous les hauts responsables de l’Anoci. Poursûr, « Dieu », le père ne laissera jamais faire… Le total dessommes dépensées par l’Anoci à la faveur des dépenseséclatées (40, 634 milliards de FCfa) et des virements decrédits (27,900 milliards de FCfa) est de 68,534 milliards deFCfa. Rappelons que ces montants s’ajoutent aux 92,677milliards de FCfa dépensés sur la base des emprunts

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directement payés par les bailleurs de fonds. Sur la base depapiers préparés par l’Anoci elle-même et déposés auministère de l’Economie et des Finances, ce dernier a servide courroie de transmission aux différents bailleurs qui ontpayé sur les indications de l’Anoci, aux entreprisesprestataires. Les dépenses éclatées dans les différentsministères et les dépenses payées directement par lesbailleurs donnent un total global de 161,211 milliards deFCfa. Le compte n’y est pas encore. Selon des indicationsfournies par des sources au ministère de l’Economie et desFinances, d’autres dépenses réalisées n’ont pas encore ététotalement comptabilisées, parce que les justificatifs à ceteffet ne sont pas encore disponibles. C’est le cas des villasprésidentielles qui ne sont pas encore construites. Uneenveloppe de 26 milliards de FCfa a été préparée, même siaucune villa n’est encore réalisée. Etant donné que lesmontants ont été déjà dégagés par l’Etat, on peut considérerque ce sont des dépenses réelles. Ils viennent alors s’ajouteraux 161,211 milliards de FCfa. Ce qui donne un totaldépenses de 187,211 milliards de FCfa. Si on ajoute les fraisde fonctionnement sur quatre ans estimés à 18 milliards auxmontants dépensés pour les chantiers, les dépenses totales del’Anoci se stabilisent alors à 205,211 milliards de FCfa.

2�hcffcZm^n _i S Zin kjpm fZ fcno_ ]cqcf_ ^p n mmci]_ pLe fonctionnement de l’Anoci durant les quatre années

d’existence de celle-ci a coûté trop cher à l’Etat. Et selon lesrévélations du ministre de l’Economie et des Finances, cebudget est de l’ordre de 16 milliards de FCfa. Seulement, leDirecteur exécutif Abdoulaye Baldé a expliqué dans uneinterview publiée par l’hebdomadaire Nouvel Horizon, danssa livraison de la semaine du 26 juin au 2 juillet 2009, que lebudget de fonctionnement de son agence a été de 18milliards de FCfa. Ainsi, chaque année l’Anoci a coûté lasomme de 4,500 milliards de FCfa. Pour comparaison,rappelons que la présidence de la République du Sénégal,

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sous Abdou Diouf, coûtait chaque année, un peu moins quecette somme. Et sous Léopold Sédar Senghor encorebeaucoup moins. La Cour suprême du Sénégal, le ConseilConstitutionnel et l’ensemble des Cours et tribunaux duSénégal coûtent par an quatre fois moins que l’Anoci. Ainsi,quand on récapitule toutes les dépenses, on notera que lestravaux et autres prestations ont coûté ensemble 187,211milliards de FCfa, auxquels s’ajoutent donc les dépenses defonctionnement de l’agence qui sont de 18.milliards de FCfa.La totalité des dépenses de l’Anoci est de 205,211 milliardsde FCfa. C’est la somme que l’Anoci a dépensé pour assurerl’organisation, en 2008, du sommet de la Conférenceislamique, mais non 101 milliards de FCfa, comme a tenté dele faire croire le Conseil de surveillance. Les 17,4 Km deroute et l’organisation de la conférence islamique aurontbeaucoup plus coûté que rapporté de l’argent. Les coûts ci-dessus indiqués excluent les coûts des terres qui ont étégracieusement cédées à des privés pour l’édification d’hôtels,en vue de la mise en œuvre du programme hôtelier défini parl’Anoci. Selon les estimations fournies par des expertsimmobiliers et des architectes sénégalais, la valeur globalegrossièrement estimée des terres cédées peut être établie à aumoins 103.500 milliards de FCfa. Au total, la Conférence ausommet de l’Oci qui a eu lieu en 2008 au Sénégal, sous laconduite de l’Anoci, aura coûté au la somme de 308,211milliards de FCfa (les montants globaux relatifs aux coûtsdes chantiers, à ceux ayant permis l’organisation du sommet,les coûts des terres cédées, etc.). Ces montants tiennentcompte du budget de fonctionnement de l’Anoci, estimé à 18milliards de FCfa, pendant les quatre années d’existence del’agence.

%p kZun ^_ ;j]Zai_ jpV_q_mfZi^ omjkc]ZfEn examinant les montants des dépenses listées dans les

différents documents de l’Anoci qui détaillent ses dépensescourantes et ses investissements, on en sort complètement

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sidéré, sur leur opportunité et sur leur cohérence d’ensemble.Sans mépris aucun, ni dédain, on peut croire et dire que cefut comme à la kermesse où l’enfant accompagné d’un papa-gâteau généreux et magnanime accorde tout à son fiston etpaie, à tous les coups, les demandes de son rejeton ébloui parl’achalandage des stands de jeu. Le rapport présenté à la finde l’exercice 2006 par le directeur exécutif de l’agence,Abdoulaye Baldé, est illustratif à cet égard. Chaque exercicebudgétaire, l’agence a payé la somme de 264 millions deFCfa au Cabinet conseil CICE pour dresser un rapport deconstat des dépenses opérées. Une simple direction bienstructurée avec un salaire maximal de cinq millions de FCfapour son patron aurait mieux fait que ce cabinet qui aencaissé chaque année la somme de 264 millions de francs,sauf pour l’exercice 2004-2005 où il a gagné 256 millions deFCfa. Au total : 1,048 milliard de FCfa, des sommes payéesà un cabinet à ne rien faire pendant quatre ans. Ce qui estencore plus étonnant dans cette affaire, c’est que l’Anocis’est équipée pour une valeur de 259 millions de FCfa enlogiciels de gestion comptable et financière de toutes sortes,alors qu’un cabinet a été normalement choisi pour réaliser letravail. Un travail qui, au regard du matériel et des logicielsachetés pour l’agence, aurait pu être exécuté par des cadres etpar des employés de l’agence. Cette incohérence a conduit àde terribles gaspillages d’argent que rien ne peut expliquer,encore moins justifier. Il en a aussi été ainsi sur d’autreschapitres. Les extravagances que la direction de l’agences’est permises en matière d’équipements se passent decommentaires. Au chapitre des téléphones portables achetésnous en avons relevé une soixantaine dont une vingtaine necoûte pas moins de 549.000 de FCfa (Smartphone). A quellesfins ? Personne ne sait. C’est la même question que l’onpose, quand on lit dans le rapport du Directeur, dans sa partiefinancière que la lampe (luminaire) qui a été placée dans lebureau du Président du Conseil de surveillance de l’Anoci acoûté la somme de 8 millions de FCfa. Comme diraient nos

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cousins ivoiriens, « c’est quelle lampe ça » ? On peutégalement se demander quels sont ces appareils de photo quiont coûté et 8 et 9 millions de FCfa à l’Anoci. Le rapport decontrôle de gestion mentionne que l’habillement des hôtesseset des autres personnels d’appui a coûté 361 FCfa et 39millions de FCfa (400 millions de FCfa). Nous avonsenquêté, en demandant des devis à trois maisons de la placehabituées à confectionner des tenues, comme celles quel’Anoci a distribuées à son personnel d’appui. Sur la base de1000 tenues à la commande, nous avons obtenu des offres deprix variant entre 25000 et 50.000 FCfa la tenue. Nous avonsensuite considéré que chaque personne aurait besoin de deuxtenues pour les deux jours de conférence du sommet sur labase de 50.000 FCfa la tenue. Pour chaque personne habillée,la dépense nécessaire a été de 100.000 FCfa. Pendant deuxjours de conférence, à raison d’une dépense de 100.000 FCfapar personne, l’Anoci aurait pu habiller, avec les 400millions de FCfa dépensés en habillement, un nombre totalde 4000 personnes. Chaque participant à la conférence-officiellement ils étaient 4000- pourrait disposer d’un servicepersonnalisé, en ayant en permanence à ses côtés une hôtessemise à sa disposition. L’habillement des chauffeurs n’a pasété pris en compte dans le calcul effectué. Tout cela estridicule. Il traduit cependant l’insouciance et l’irresponsa-bilité qui ont présidé à la définition des priorités dansl’ordonnancement et dans l’exécution et la détermination desdépenses de fonctionnement de l’agence. On pourraitcontinuer à l’infini l’analyse des incohérences notées dansles choix de la dépense. La plus choquante de toutes cesdépenses, aura sans conteste été les 750 millions de FCfaconsacrés à l’aménagement et l’ameublement des locaux dusiège de l’Anoci. Nous parlions de jeu d’enfants dans unekermesse. C’est terrible ! Car il ne s’agit point d’un jeu, maisplutôt de la gestion des deniers d’une nation qui se débatdans les pires difficultés du monde pour nourrir, habiller et

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loger sa population. Et dire que ceux qui sont les auteurs decette tragédie aspirent à nous gouverner demain.

@_n ^0kZnn_h_ion [p^a0oZcm_nLa compétence d’un gestionnaire s’apprécie avant tout à

sa capacité de préparer un budget, de dégager un compteprévisionnel et de le respecter dans ses grandes lignes debase. Si on l’apprécie à l’aune de ce critère, on constateraque l’équipe dirigeante de l’Anoci apparaît comme une piètreéquipe de gestionnaires. Nous allons partir de l’exercice2006 pour démontrer à suffisance cela. Le rapport présentépar Abdoulaye Baldé au Conseil de surveillance de l’agenceau 31 décembre 2006 donne des indications effarantes enmatière de dépassements budgétaires. Ces dérapagesconcernent tous les chapitres du budget, sans exception.Nous mettrons en évidence les dépassements les plusmarquants de l’exercice, pour montrer l’ampleur duphénomène. En matière d’achats de biens et de services, lesdépassements budgétaires notés ont été de l’ordre de264,32%, alors qu’en ce qui concerne la recherche et ladocumentation, ces dépassements atteignent 306,26%. Pourles communications de l’agence, les dépassements relevéspar le rapport du Directeur exécutif indiquent un volume de126% des sommes prévues au moment de mettre en place lebudget. Les dépassements les plus ahurissants concernent le« Poste divers et imprévus ». Un poste fourre-tout qui nedemande aucune facture particulière, ni justificatif dedépenses. Autant dire un poste qui permet de faire desdécaissements soumis à aucun contrôle comptable, sinon leseul contrôle que veut lui appliquer les premiers responsablesde ces dépenses. Avec un bond de 813,32%, ce posteenregistre le plus spectaculaire dépassement. Ce poste« Imprévus et divers » a englouti 1,229 milliard de FCfa en2006 et 1,342 milliard de FCfa en 2007. De manièregénérale, les règles de gestion courantes imposent une limitede 5 à 10% de l’ensemble des dépenses budgétaires prévues

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sur un exercice, pour le poste Imprévus et divers. Le budgetde fonctionnement de l’Anoci étant stabilisé à 18 milliards deFCfa pour l’année, les imprévus et divers n’auraient jamaispu dépasser 180 millions de FCfa si l’Anoci avait été biengérée. Les dépenses consacrées par l’Anoci aux événementsreligieux ont connu un bond de 234,93%. Dans l’exercice2006, les dépenses réalisées par l’agence pour amener à laMecque des pèlerins sénégalais étaient évaluées à 1,400milliards de FCfa. Autant dire que l’Anoci fonctionnaitégalement comme une organisation caritative islamique dansun pays ou l’Etat laïc relève désormais de la fiction.

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2Ho

@Z ]Zpocji ^_n [Zcff_pmn

@Z qcnco_ ^_n _tk_mon ^p ]hc ) f~%ij]cDevant le Conseil de surveillance de l’agence réuni ce 17

octobre 2007, le président de l’instance communique auxmembres les félicitations que le Fonds monétaireinternational (Fmi) et la Banque mondiale leur ont tous lesdeux adressées pour louer la manière par laquelle l’agenceest gérée, surtout la manière de procéder pour ce quiconcerne la passation des marchés. Ainsi Karim Wade peutdéclarer devant les membres du Conseil :

« La mission du Fmi qui s’est déroulée auprès del’Anoci le 20 juillet 2007 a été un succès total. Le Fondss’est félicité des conditions de transparence quicaractérisent la passation de nos marchés et la rigueurde la gestion des ressources mises à la disposition del’agence. Et celle-ci apparaît aux yeux des experts duFonds comme un modèle du genre ».

Dans le sillage de la déclaration du président du Conseilde surveillance de l’Anoci, l’ancien ministre du budget,Ibrahima Sarr confirme les propos du fils du chef de l’Etat etindique :

« Je confirme la satisfaction totale du Fmi et félicitemoi-même le management et pense que c’est unexercice à encourager. J’encourage l’Anoci àcommuniquer davantage sur ses activités pour rassurerses partenaires au développement qui doivent êtrerassurés officiellement, plutôt que d’être informés pard’autres canaux médiatiques qui, souvent, ne maîtrisentpas toutes les informations ou désinformentvolontairement ».

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Une vidéo de propagande diffusée sur toutes les chaînesde télévision du pays réserve une bonne part aux parolesd’un responsable du Fmi qui délivre un satisfecit auxdirigeants de l’agence quant à la rigueur de leur gestion. Onpeut déduire de la réaction des responsables de l’Etat et deceux de l’Anoci, face aux positions exprimées par lesorganisations financières internationales que tout étaitpropre. Tout est propre et exécuté dans les règles de l’artdans la gestion de l’agence. Et pourtant, c’est ainsi que leprésident du Conseil interprète la mission du Fmi et lesconclusions qui en ont été tirées par ces experts. Lereprésentant résident du Fonds monétaire international seveut vigilant et très rigoureux dans la surveillance desdépenses publiques dans notre pays. Ce fonctionnaire duFonds a quelquefois des accès d’humeur ou de colère qui ontpoussé certains à organiser le cambriolage de son domicile.C’est bien tout cela. Alex Segura, c’est de lui qu’il s’agit,aime s’adresser à la presse pour parfois pourfendre lamanière de gérer et de dépenser les deniers publics. Enréalité, ses sorties pour vigoureuses qu’elles paraissentparfois, ne sont que de la poudre aux yeux. Elles n’ont, endéfinitive, aucune autre motivation que de rappeler auSénégal ses engagements à l’égard du Fonds et des bailleursde fonds internationaux. Ne nous y trompons pas. Il ne s’agitpoint pour lui et son institution de favoriser les conditionsd’une gestion honnête et orthodoxe des dépenses de l’Etat,de manière générale. Il s’agit d’amener l’Etat à ne pas toutdépenser au risque de ne pas rembourser sa dette auprès desbailleurs de Fonds dont il protège les intérêts. Le Sénégal etles Sénégalais constituent le cadet de ses soucis.L’accroissement de la pauvreté des couches les plusvulnérables de la société qui résulte naturellement d’unedilapidation constante des ressources par l’élite gouvernanten’est pas, loin s’en faut, une préoccupation pour le Fonds etpour son représentant. Sinon, les experts qui ont visitél’Anoci en compagnie d’Alex Segura n’auraient pas donné le

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20 juillet 2007 onction et bénédiction aux responsables decette agence qui a gaspillé l’argent public à un niveau jamaiségalé dans l’histoire de ce pays. Le Fmi et la Bm sont lescomplices de cette tragédie qui ronge la plupart des payssous-développés. Ils couvrent certains forfaits par leursilence et les déclarations qu’ils sont parfois amenés à faireen appréciant les comportements de nos Etats dans la gestiondes ressources financières du pays. Et nul n’est mieux placéqu’un ancien économiste en chef de la Banque mondialepour le dire. En effet, Joseph E. Stiglitz écrit

9:

« Comment une organisation composée defonctionnaires si talentueux (et bien payés) peut-ellecommettre tant d’erreurs ? J’ai suggéré qu’une partie deses problèmes venait de la discordance entre sonobjectif supposé, celui pour lequel elle a été initialementcréée -promouvoir la stabilité économique mondiale-, etdes objectifs plus récents- tels que la libéralisation desmarchés des capitaux- qui sont mieux faits pour servirles intérêts de la communauté financière que ceux del’économie mondiale »10.

Dès lors on comprend que les intérêts des Sénégalaispréoccupent moins les experts du Fmi qui ont rendu visite àl’Anoci. Ils étaient juste venus pour voir dans quelle mesureles intérêts de la communauté financière mondiale ont étésauvegardés par la gestion de l’Anoci. De tels intérêts nepouvaient pas, de toutes les manières, être menacés par lecomportement global de l’Anoci. Au plus, Les experts duFMI pouvaient-ils demander des comptes à l’Etat duSénégal, mais non à un de ses démembrements, fût-ill’Anoci, qui gère de façon ponctuelle et de manière limitéedans le temps une activité spécifique de l’Etat. Et il n’a pasmanqué de demander de tels comptes au gouvernement duSénégal. Et c’est ce qui a expliqué le limogeage de l’ancienministre du budget Ibrahima Sarr, pris comme bouc

9 J. E Stiglitz (2002) : La Grande désillusion, Paris, Fayard, p. 294.10 J. E Stiglitz, op.cit. P 295.

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émissaire, alors que les responsables de l’Anoci et le chef del’Etat qui les a couverts, ont été pour presque 60% dans lesdépenses hors budget. Ce sont, eux, les vrais auteurs desmanquements pour lesquels le pauvre ministre a perdu sonposte.

@_ ]hc ]ji`jmo_ f_ hZilp_ ^_ omZinkZm_i]_Le Fmi a demandé des explications au gouvernement

sénégalais sur les énormes dépenses non prévues etdépassements constatés dans l’exécution des budgets 2007 et2008. Les exigences de l’institution ont sans aucun doutepoussé au renvoi par le président de la République del’ancien ministre délégué au budget Ibrahima Sarr. Dans lemême temps le FMI félicitait l’Anoci. Or, les dépassementsfustigés par le Fonds monétaire ont été essentiellementcausés par la gestion désinvolte de l’Anoci à qui rien n’a étérefusé. L’incohérence est manifeste. Cette incohérence estune marque du Fonds monétaire et de la Banque mondiale.Joseph. E. Stiglitz, Prix Nobel d’économie explique cetteincohérence congénitale des institutions financières deBreton Woods, en écrivant :

« (…). Cette discordance a conduit à des incohérencesintellectuelles dont la portée n’a pas été purementacadémique. Comment s’étonner qu’il ait été difficiled’en faire dériver des politiques cohérentes ? La scienceéconomique a été trop souvent remplacée parl’idéologie, qui, à défaut d’être toujours un guide trèssûr, donnait des directives claires et était en grosconforme aux intérêts de la communauté financière,même si, quand elle conduisait à l’échec, ces intérêtsn’étaient pas bien servis (…). Il serait beau que le Fmi,puisqu’on lui signale ses problèmes changeât d’étatd’esprit et de comportement (…). Pour qu’il y ait unvari changement d’esprit. Davantage de transparenceaiderait… ».11

11 J. E. Stiglitz (2002), op.cit. p. 298.

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Malheureusement, dans le cas qui nous occupe, le Fmiaura donné sa caution à une gestion non transparente et quis’est révélée à terme catastrophique pour les financespubliques de ce pays. Il y est arrivé en confortant lesresponsables de l’Anoci dans leur manière opaque de gérer.Leur visite a été brandie comme la preuve du sérieux et de latransparence. Or, il n’en a rien été. Est-ce parce que, commeon dit souvent, que le goût du secret est naturel auprès desinstitutions financières internationales, que le Fmi a couvertla gestion ténébreuse et le gaspillage auquel s’est livrél’Anoci pendant ses quatre ans d’existence ? Dans lacommunauté financière, le secret est considéré commenormal. Et comme le dit le prix Nobel d’économie :

« Les milliards de dollars qui s’en vont aux îles Caymanet autres paradis fiscaux ne le font pas parce que lesservices bancaires y sont meilleurs qu’à Wall Street.Londres ou Francfort. Ils sont pour le secret, qui leurpermet de pratiquer l’évasion fiscale, le blanchimentd’argent sale et d’autres activités néfastes(…). Mais leFMI n’est pas une banque privée ; c’est une institutionpublique. L’effet d’absence d’expression publique, c’estque les modèles, les politiques qu’ils offrent ne sont pascritiqués à temps ».

L’ancien économiste en chef à la Banque mondialepoursuit son raisonnement en indiquant :

« Ce débat aurait non seulement permis de critiquer lespostulats sur lesquels étaient fondées les prescriptionsdu FMI, mais aussi révéler qu’elles faisaient passer lesintérêts des créanciers avant ceux des salariés et descitoyens. Cela aurait aussi permis de montrer qued’autres politiques étaient possibles et faisaient pesermoins de risques aux moins faibles, et ces stratégiesalternatives auraient peut-être reçu l’attention sérieusequ’elles méritent ».12

12 J.E. Stiglitz (2002), op.cit P. 201.

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Les experts du Fmi ont donné le quitus à la gestion del’Anoci, ce qui réjouit le président du Conseil desurveillance. Peuvent-ils, aujourd’hui, et de façon formelle,donner l’assurance aux Sénégalais qu’aucun franc provenantdes immenses ressources mises à la disposition desresponsables de l’Anoci, par l’Etat du Sénégal, au cours deces quatre dernières années, n’a été déposé dans des comptesprivés, dans les nombreux paradis fiscaux, bien connus decertains de nos dirigeants ? Ce serait étonnant que cesexperts puissent donner de telles garanties. En tous les cas,même si la vénérable institution était au courant de tels faits,elle se serait soigneusement gardée de le faire savoir aupeuple dont les besoins et les exigences sont très loin deconstituer des préoccupations auprès de ces experts.Personne ne prend plus au sérieux les avis du Fmi ou de laBanque mondiale quand les deux institutions se prononcent.Ils se trompent toujours, en ce sens que les recommandationsqu’elles formulent n’ont jamais apporté la prospérité, niréduit la pauvreté dans nos pays. Seuls les idéologuesacharnés, chantres d’un libéralisme sauvage et sans contrôle,sinon celui qu’ordonne la grande finance internationale, ycroient. Et c’est cette sorte de mafia internationale de lafinance qui dicte sa loi au Fmi et à la Banque mondiale. Onva conclure ce chapitre sur les complicités avérées desinstitutions avec les responsables de l’Anoci avec cetteréflexion de l’ancien économiste en chef de la Banquemondiale :

« Le développement n’est pas seulement une questionde ressources et de capital mais une transformation de lasociété. Il est clair que les institutions financièresinternationales ne sauraient assumer la responsabilité decette mutation. Mais elles peuvent y jouer un rôleimportant et, au strict minimum, elles ne doivent pasentraver son succès ».13

13 J.E. Stiglitz (2002), op.cit P.204.

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2So

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@Z [ZoZcff_ ^_n ]bc``m_n« Le montant des travaux effectués à Thiès dans le cadredu Programme de la fête de l’Indépendance 2004 a étéarrêté à l’issue d’un travail contradictoirement menéavec le ministre du Patrimoine Bâti, de l’habitat et de laconstruction. Cette réconciliation réussie entre lespositions des différents acteurs a permis d’arrêter le coûtréel des travaux à 40 186 452 162FCfa, sur la base desinstructions données par le ministère de la constructionaux entreprises engagées »

Seulement, l’inspection Générale d’Etat chargée par leprésident de la République, après le différend qui l’a opposéà son ancien Premier ministre Idrissa Seck, maire de Thiès, ainstallé la confusion et a joué à charger la barque conduisantIdrissa Seck vers ses juges de la Haute Cour de Justice. Ainsiaprès les déclarations du ministre des Finances devant lesdéputés, contrairement à ses habitudes faites de réserves,l’Ige a fait publier un communiqué de presse dans lequel,cette dernière précise que :

« Le montant de l’engagement juridique et financier del’Etat du Sénégal dans le Cadre des investissementsréalisés dans la ville de Thiès pour la préparation de laFête de l’indépendance 2004, est de 46 117 850 813FCfa et non de 40 186 452 152 FCfa, comme lesoutiennent les personnes impliquées dans laconception, le montage financier et l’exécution duprogramme d’investissement ».

Cette sortie inattendue de l’Ige visant le ministreAbdoulaye Diop donnait toute la mesure du climat détestableet franchement délétère qui minait le sommet de l’Etat. Un

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climat très peu propice à un traitement serein du dossier deschantiers de Thiès. Dans le fond, l’accusation portée contreIdrissa Seck dans les chantiers de Thiès, c’est le Chef del’Etat lui-même qui en explique la teneur aux Sénégalais et àl’opinion publique internationale. Le 31 juillet 2005,Abdoulaye Wade dit :

« L’ancien Premier ministre, Idrissa Seck a abusé de maconfiance. Devant le ministre des Finances, je lui aiaccordé une enveloppe de 20 milliards de FCfa pour lesaménagements nécessaires à Thiès. Il est revenu et m’aréclamé la somme totale de 5 milliards. J’ai dis, soit ;pourvu simplement que cela soit dépensé à bon escientet que l’on rende compte à la fin. Et même si l’IGEremet les 25 milliards en cause, car assurant que ce n’estnullement par écrit, j’ai dit d’accord. J’assume les 25milliards, mais je ne pouvais pas passer à perte et profit46 milliards de FCfa qui dit-on avaient été finalementdépensés. Et c’est en plein Conseil des ministres que jelui ai dit qu’il a fauté dans cette affaire et que jen’entendais pas en rester là ».

Le président de la République se veut encore plus clair, enrésumant en wolof, dans un langage imagé, sa pensée, pourque le Sénégalais moyen comprenne bien de quoi il s’agitréellement dans le dossier des Chantiers de Thiès :

« Si vous demandez à quelqu’un d’aller prendre 2000FCfa et qu’il en prenne 10 000, vous êtes en droit de luidemander ce qu’il a fait des 8 000 francssupplémentaires » (Sud Quotidien 14 juillet 2005).

En résumé, Idrissa Seck a été traduit devant ses jugespour au moins trois raisons officielles fondamentales, selonles déclarations du président de la République. Examinonsles raisons avancées pour les confronter ensuite avec lasituation qui a été décrite dans le cas actuels de l’Anoci.Premièrement : pour avoir dépensé plus qu’il n’était autoriséà le faire. Deuxièment, certaines entreprises avec qui IdrissaSeck était en collusion ont surfacturé leurs travaux et seseraient partagé le surplus avec l’ancien Premier ministre.

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Dans le but probablement de lui donner les moyens dont ilaurait besoin pour faire aboutir son projet politique.Troisièmement : l’accusation reprochait à Idrissa Seckd’avoir fait exécuter des dépenses non autorisées et d’avoir àcet effet procédé à des virements illégaux de crédits. Lesvirements de crédits consistent à prélever des sommesd’argent allouées à un autre chapitre précis du budget pourles réaffecter à un autre chapitre. Face à de telles accusations,le concerné répond lui-même en disant :

« Je ne suis pas offusqué que le président de laRépublique ordonne l’enquête de l’Inspecteur d’Etat.Les 40 milliards qui ont permis de financer les travauxcomportent 25 milliards qui ont été exceptionnellementautorisés par le président de la République auxquelss’ajoutent des ressources financières additionnellesmobilisées grâce aux grappes de convergence : 6milliards de FCfa pour 2004 et le reliquat, soit 9milliards de FCfa à inscrire sur le budget 2005. Les 9milliards initialement prévus pour être inscrits sur lebudget de 2005 l’ont finalement été dans la loi definance rectificative 2004 votée après mon départ dugouvernement, par l’Assemblée nationale, promulguéepar le Chef de l’Etat et exécuté par mon successeur,permettant ainsi une couverture budgétaire complète dela tonalité des 40 milliards de FCfa de Thiès à la fin del’année 2006 ».

Idrissa Seck tenait à clore son intervention au sujet desChantiers de Thiès en révélant qu’un cinéaste lui avait faitparvenir l’écriture scénarisée d’un long feuilleton qui a tenuen haleine toute une année tout un peuple et dont le titre est :« Les Chantiers de Thiès ». Une écriture dont le résumé seramis à la disposition du pays indique Idrissa Seck, enattendant la sortie du film. Il avait raison de parler de film.Les Chantiers de Thiès n’étaient qu’un film écrit par le Chefde l’Etat lui-même et tourné par la Justice sénégalaise quin’aura d’ailleurs qu’une piètre réalisatrice. Comparé auxChantiers de l’Anoci, le pseudo dossier de Thiès passe pourêtre une petite affaire même au cas où on aurait concédé au

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Chef de l’Etat que des choses non orthodoxes aient étécommises dans la gestion des travaux ayant eu cours danscette ville de Thiès entre 2003 et 2004.

FZin fZ fjaclp_ ^_ fZ ^0hZm]b_ ^_ f~~a_Une comparaison établie entre les travaux réalisés à Thiès

et ceux que l’Anoci qui a engagés dans la capitale n’estvraiment intéressante et instructive que dans la mesure où onfait l’effort de replacer toutes les données chiffréesconcernant Thiès et Dakar, dans la perspective et dans lalogique dans lesquelles l’Etat s’était inscrit, pour faireévaluer les chantiers ouverts dans la commune de l’ancienpremier ministre. Dans cette ville, les travaux consistaientd’abord à agrandir l’Avenue Caen (une route déjà existante),sur une distance de 2,8 km. Ces travaux ont été réalisés parl’entreprise JLS, pour un montant global de 1,727 de FCfa,soit une moyenne de 0,617 milliards de FCfa, par kilomètrede route élargi. Les travaux concernaient également laconstruction du Boulevard de Nguinthe, sur une distance de2,6 Km, pour un coût global de 3,804 milliards de FCfa, soitune moyenne de 1,463 milliards de FCfa, par km de routeconstruit. Un troisième chantier ouvert concernait la Voie decontournement nord (Vcn) qui permet aujourd’hui decontourner l’agglomération Thiéssoise, pour remonter sur lanationale1, à la sortie de cette même ville, en direction de laville de Saint-Louis. Il s’agit là d’une nouvelle route longued’une distance de 10,8 km. Elle a été réalisée par JLS, pourun coût global de 6,800 milliards de FCfa, soit un coûtmoyen par km construit de 0,630 milliards de FCfa. Endéfinitive, l’entreprise JLS devait réaliser de nouvelles ou enélargir sur une distance totale de 16,2 km. Les travaux ont étéglobalement livrés pour un coût de 12,6 milliards de FCfa.Soit une moyenne globale de 0,760 milliard de FCfa pourkm. Après les travaux, avant même la réception desouvrages, le chef de l’Etat, dans le cadre d’un règlement decomptes politiques engagés contre son ancien Premier

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ministre, Idrissa Seck, a envoyé l’Inspection Générale d’Etatpour aller vérifier l’effectivité des dépenses annoncées et leurvolume ? La mission devait faire une telle vérification poursavoir si tout avait été fait dans les règles de l’art et enrespectant l’orthodoxie budgétaire. L’Inspection Générale aalors désigné des experts, pour l’aider à forger son opinion.A la suite de cette expertise technique l’Ige en est arrivée à laconclusion que les marchés de Thiès, en particulier le marchéde la Vcn, avaient été surfacturés. A la lumière desconclusions des experts désignés, l’Ige a considéré qu’il yavait dans le cadre précis de la Vcn une surfacturation del’ordre de 6,1 milliard de FCfa, sur l’ensemble des 16,2 kmlivrés à l’Etat à Thiès. L’Ige a établi une base de calcul àpartir de laquelle elle a estimé que le coût moyen au kmvendu à l’Etat à 0,630 Km aurait normalement dû coûter0,383 milliard de FCfa. C’est sur cette base de calcul quel’Inspection Générale d’Etat a évalué la surfacturationglobale à 6,1 milliards de FCfa. Le chemin conduisant vers laprison a été ainsi balisé pour Idrissa Seck et son « complice »Bara Tall. L’Inspection d’Etat a écrit dans son rapport quepour les 6,8 milliards de FCfa dépensés pour faire les 10,8km de la Vcn à Thiès, on pouvait faire 80 km de routesneuves. On se souvient que l’ancien ministre de l’Intérieur,Ousmane Ngom expliquant les raisons pour lesquelles IdrissaSeck avait été interpellé par la police avait laissé entendreque :

« Les dépenses effectuées pour réaliser les chantiers deThiès constituaient un crime économique ».

Venons-en maintenant aux chantiers de l’Anoci pour voirce que cela aurait donné en termes de surfacturation, si lamême base de calcul proposée à Thiès par l’Ige, leur avaitété appliquée. Les travaux de l’Anoci ont essentiellementconcerné trois chantiers. Un premier tronçon sur une distancede 7 Km à élargir a été réalisé par l’entreprise CDE pour unmontant global de 40,028 milliards de FCfa (Corniche-Madeleine-Atépa), une moyenne de (5,718 milliards de

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FCfa), par km de route élargi. Un deuxième tronçon de routeneuve à construire, sur une distance de 4,3 Km, a été confié àFougerolles qui l’a réalisé pour une valeur globale de 25,097milliard FCfa, entièrement financé par le budget national.Soit une moyenne de 5,837 milliards de FCfa par km deroute construit. Le troisième chantier consistait enl’élargissement de la Vdn, sur une distance de 6 Km, pourune valeur globale de 27,552 milliards de FCfa. Ce chantier aété exécuté par CSE, pour une moyenne de 4,592 milliardsde FCfa le km de route élargi. Ainsi, pour 14 Km de routesélargies et 4,3 km de routes neuves construites, l’Etat adépensé un total de 92, 677 milliards de FCfa dans le cadredes chantiers réalisés par l’Anoci, soit une moyenne de 5,537milliards de FCfa par km de routes élargies et nouvellementconstruites. Si l’Ige vérifiait les dépenses effectuées dans lecadre des chantiers de l’Anoci, on ne parlerait certainementplus des « surfacturations » de Thiès. Extrapolons un peuavec les chiffres tirés de la jurisprudence fournie par leschantiers de Thiès. Rappelons que dans ce cas précis, l’Igeavait considéré que le km de route construit devaitnormalement coûter à l’Etat la somme de 0,383 milliard deFCfa. Ce qui l’avait amenée à conclure à une surfacturationde 6,1 milliard de FCfa, à la lumière des coûts présentés aupaiement par l’entreprise JLS. Appliquons cette même basede calcul, pour déterminer quel est le volume de lasurfacturation des 4,3 km de route qui ont été réalisés àDakar par Fougerolles, pour un montant global de 25,097milliards de FCfa. D’après le calcul de L’Ige de l’époque, cechantier aurait dû coûter à l’Etat la somme de 1,642 milliardsde FCfa. Soit une surfacturation de 23, 455 milliards deFCfa. En fait, globalement, les 17,4 Km de routes construiteset élargies qui ont coûté à l’Etat la somme de 92,877milliards de FCfa, auraient dû normalement coûter 6,625milliards de FCfa, d’où une surfacturation des chantiers del’Anoci, pour un montant global de 86,052 milliards de FCfa.On saisit dans toute son absurdité le mode de raisonnement

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adopté à l’époque par l’Ige, pour faire envoyer en prisonIdrissa Seck et Bara Tall. Restons dans la même logique etdans le même état d’esprit que l’Ige, en considérant quel’inflation intervenue entre 2004, date de clôture des travauxde Thiès et 2008, année de réception des travaux de l’Anoci,l’inflation a pu amener l’Ige à modifier ses bases de calcul.Multiplions alors par dix (10), le coût de vente à l’Etat du kmconstruit (0,383 milliard FCfa), qui a été établi par l’Ige.Cela donnerait de vente de l’ordre de 3,820 milliard de FCfale km. Appliquons alors ce nouveau barème au 4,3 km livrésà l’Etat, par Fougerolles. Nous aurions un coût global devente des 4, 3 km que l’entreprise a réalisés à16,360milliards de FCfa. Là également, la surfacturation destravaux réalisés par Fougerolles est de l’ordre de 8,737milliards de FCfa. Ce serait étonnant que le chef de l’Etatprenne le risque d’envoyer l’Ige contrôler le travail de sonfils. Il n’aurait pas pu éviter, le cas échéant, le chemin destribunaux. Si toutefois l’Ige décide de travailler en touteindépendance, en appliquant la même logique qui l’avaitguidée au cours de la vérification des comptes des chantiersde Thiès. Si dans cette commune on aurait pu construire,selon la logique de l’Ige, 80 km de routes, avec 12,300milliards de FCfa, à Dakar, avec ce que l’Anoci a dépensé,92,677 milliards de FCfa, on aurait pu en construire au moins500. Soit un peu plus de la distance qui sépare Dakar deTambacounda (450 km).

@_ ^0ojpmi_h_io ^_ kmj]0^pm_On a également reproché aux responsables des Chantiers

de Thiès d’avoir ordonné des virements de crédits, c’est ceque l’ancien Premier ministre Idrissa Seck identifiait sous levocable de grappes de convergences. L’Anoci en aégalement, effectué dans des proportions et des volumes plusimportants que dans le cas des chantiers de Thiès. C’est untotal de 14 milliards de FCfa qui a été mobilisé et transféré àl’Anoci pour la construction de villas présidentielles. Des

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villas qui n’ont pas encore vu le jour. Un chef d’entreprisecomme Bara Tall a été jeté en prison pour un délit imaginairede surfacturation. Pourtant, JLS a facturé à Thiès leKilomètre de route construit à 600 millions de FCfa, alorsque les entreprises qui ont travaillé pour l’Anoci ont élargi etaménagé des routes déjà existantes à une moyenne de 5milliards de FCfa par kilomètre. En revenant sur lesvirements de crédits, les spécialistes des Finances publiquesexpliquent que cette procédure est parfaitement légale. Latechnique de virement de crédit peut être utilisée à l’intérieurd’un même chapitre budgétaire, comme elle peut l’être, entredifférents chapitres du budget. Si la technique est utilisée àl’intérieur d’un même chapitre, un simple arrêté ministérielédicté et signé par un ministre suffit à cette fin. Il estcependant impossible d’en user entre des chapitresbudgétaires, à défaut d’un décret signé dans ce sens par leprésident de la République. Il y a cependant une limite àl’utilisation de cette technique dite des virements de crédits :les montants virés par arrêté ou par décret ne peuvent pasexcéder 10 % de l’ensemble des crédits inscrits dans lechapitre concerné. Cette disposition de la loi de Financeorganique qui prévoit les conditions de vote et d’exécutiondu budget de l’Etat a été constamment violée par le chef del’Etat.

Cela a été souvent le cas avec les nombreux dépassementsbudgétaires enregistrés dans le cadre de la réalisation deschantiers de l’Anoci. Si Bara Tall et Idrissa Seck sont allésen prison pour des délits imaginaires « de dépenses nonautorisées, de virements de crédits, de surfacturation etautres », respectivement, pour 7 et 3 mois, Karim Wade etAbdoulaye Baldé sont chanceux de pouvoir compter sur laprotection de « Dieu », le père. Sous aucun prétexte, le pèren’accepterait que la justice demande des comptes à son fils etsa doublure. C’est cela le Sénégal. Tous les Sénégalais nesont pas égaux devant la loi. Le fils du chef de l’Etat et sesamis peuvent s’autoriser toutes les libertés avec les deniers

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publics, sans rendre compte à qui de droit. Les chantiers deThiès ont permis de concrétiser une ferme volonté de détruired’authentiques enfants de ce pays – ils n’auront eu commeseul tort que de croiser, sur le chemin de leurs ambitionsdiverses et légitimes, le président de la République et sonfils, on a utilisé avec indécence différents corps de l’Etat,pour arriver à cette fin. Le ministre de l’Economie expliqueraen vain que les allégations portées au sujet des chantiers deThiès étaient fausses. Dans une adresse aux députés de lanation, il dira :

« Les chantiers ont été exécutés dans des conditionsd’extrême transparence. Les procédures utilisées n’onten rien, de notre point de vue, enfreint les règles enmatière de gestion des deniers publics. Elles sontrégulières et orthodoxes ».

Au départ donc, les travaux envisagés ont été arrêtés àcette somme de 40 milliards de FCfa. Seulement, au momentd’engager les travaux, l’Etat ne disposait pas des ressourcesnécessaires. Et c’est ainsi que le président de la Républiqueest lui-même intervenu auprès des banquiers, notamment deJean Claude Mimran, en particulier, pour que la Bceaoaccepte d’avancer un montant global de 7 milliards de FCfa àl’entreprise JLS qui avait été choisie pour réaliser le plusgros des travaux. Pourtant, l’Etat est resté sourd face à unetelle réalité. C’est ainsi que l’Etat a trouvé un bouc émissaire,en l’occurrence Bara Tall, pour lui faire en partie porter lechapeau d’une fausse affaire.

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@Z hjmo kmjamZhh0_ ^_ 0ZmZ :Zff

Cette mort programmée et en partie déjà réussie fait partiedu total du bilan de l’Anoci. On ne peut pas l’éluder.Plusieurs moyens ont été mis en œuvre pour tuer l’entrepriseJLS et son patron. Nous en relevons quelques uns pourexpliquer les raisons pour lesquelles le fils du président de laRépublique et son père ont décidé ensemble de liquider legroupe.

@_ m_`pn ^_ 0ZmZ :Zff ^_ n~Znnj]c_m ) pi_ ]jh[ci_Le premier marché ouvert avec les travaux de l’Anoci a

été celui de la corniche Ouest. Bara Tall et JLS,contrairement aux propositions de l’Anoci, ont déposé uneoffre, pour concurrencer celle de CDE. Son offre financièreest fixée à 16 milliards de FCfa. Là où le CDE propose deréaliser les travaux de la corniche Ouest pour un montant de22 milliards de FCfa. Ses collègues semblent surpris et necomprennent pas que Bara Tall refuse de marcher dansl’entente. Pourquoi JLS a-t-il fait une offre en bonne et dueforme. Son président Bara Tall explique :

« Je n’ai pas voulu marcher dans cette combine, danscette entente illicite et illégale, car à l’époque jecommençais déjà à faire face à toutes sortes d’attaquesinjustes dans l’affaire des chantiers de Thiès danslesquels j’étais pourtant blanc comme de la neige. Je nevais pas accepter de me placer dans une illégalité totalequi pourrait à chaque moment de ma vie m’êtreretournée. J’étais moins disant, mais j’ai été éliminé carj’avais refusé d’entrer dans la combine. On m’en avoulu. On ne me pardonnera jamais mon indépendance

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et mon refus de m’associer à cette entente illicite etillégale ».14

Et ce dernier d’ajouter pour mieux expliquer sa positiondans cette affaire :

« Quand mes collègues ont cherché à comprendrepourquoi j’ai refusé de me montrer solidaire d’eux, enacceptant la combine, je leur ai simplement expliquéqu’il n’était pas question pour moi de l’être à leur égard.Je n’avais aucune raison : quand j’ai eu des problèmesavec l’Etat qui m’avait soumis à un traitement injuste, àla suite des accusations portées contre l’ancien Premierministre, Idrissa Seck, relativement aux chantiers deThiès, j’ai sollicité leur soutien et leur solidarité. Ils ontrefusé, en me faisant clairement comprendre que jedevais me débrouiller seul, car les problèmes enquestion, disaient-ils, me concernaient. Je ne pouvaispas naturellement dans ces conditions me montrersolidaire ».

Les collègues de Bara Tall ne comprennent pas. Ils onttenté de le faire revenir sur sa position. Cette entente lui étaitinsupportable. Il explique :

« En France, par exemple, les entreprises de BTP dontEiffage, société mère de Fougerolles Sénégal, ont étécondamnées l’année dernière par la Justice française,pour délit d’entente, sur requête de la Sncf. Celles-ci ontété en effet condamnées à payer à l’entreprise publiquede chemins de fer, un montant global de 235 millions.Soit 240 milliards de FCfa. Au Sénégal, ce sont, hélas,les autorités de l’Etat, elles-mêmes qui proposent auxentreprises de faire des ententes pour présenter leursappels d’offres pour la réalisation d’édifices etd’ouvrages publics ».

Le deuxième marché ouvert a été celui de la Vdn. Ainsi letour est joué. Nous sommes le 27 juin 2006. Les offres desentreprises sont attendues, dans les mêmes termes que leprécédent marché. CSE doit être choisie. Elle propose pour la

14 Entretien avec l’auteur réalisé le 12 mai 2009.

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réalisation du marché la somme de 16 milliards de FCfa,Fougerolles dit plus. Bara et JLS ne se manifestent pas. Alorsqu’il se rend au chevet de son père malade, un desresponsables de CSE, le patron lui-même, Alioune Sow,l’appelle au téléphone et lui demande de faire parvenir sonoffre. Sa réplique ne se fait pas attendre :

« Mon père est malade, pour l’instant je n’ai pas la têteà ça. Vous m’excuserez… Vous comprendrez bien queje ne puisse pas parler de tout cela actuellement. Je vousdis que mon père est gravement malade ».

Son interlocuteur s’excuse et lui exprime sa compassion,tout en formulant des prières. Il ne peut cependants’empêcher de lui faire part, avant de raccrocher letéléphone, de son intention d’entrer en contact avec sestechniciens qui sont au bureau, pour leur demanderd’envoyer leur offre. Celle-ci doit naturellement présenterdes propositions financières supérieures à celles contenuesdans le pli de CSE. Bara Tall appelle immédiatement sesservices, alors qu’il est encore sur le chemin de l’hôpital,pour leur demander de donner une réponse négative à l’appelde la CSE. Toutes les autres entreprises, à l’exception deJLS, simulent une offre bidon. CSE est finalement désignéeadjudicataire des chantiers de la Vdn. Elle peut se mettrealors au travail. C’est le même procédé qui est utilisé pourattribuer le marché Atépa Technologie-Mosquée de ladivinité. C’est Fougerolles qui dirige la manœuvre, ellegagne naturellement face aux autres qui bidonnent leursoffres. Bara Tall et JLS refusent là également de jouer le jeude l’entente illicite. Il est de nouveau éliminé. Les autoritésde l’Anoci décident alors de retirer et de geler le projet deconstruction de la route qui part de l’aéroport jusqu’à l’HôtelMéridien Président. Elles ont en décidé ainsi pour éviter del’octroyer à Bara Tall qui a refusé dans tous les autres appelsd’offres de se mouiller dans le jeu de l’entente illicite. Il atrop osé. Le spectre des chantiers de Thiès plane sur sa tête.Le chef de l’Etat ordonnera d’ailleurs plus tard qu’on mette

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le patron de JLS en prison. Il le sera, pour avoir refuséd’accuser Idrissa Seck, en fait en refusant de s’accuser lui-même, de fraude et de malversations dans la conduite destravaux de construction d’une voie de contournement de laville de Thiès. En réalité, les accusations portées contre luil’ont été sans fondement, comme les juges eux-mêmes lereconnaîtront, en rendant une ordonnance de non lieu enfaveur de l’ancien Premier ministre. Bara Tall poursuit etindique avec beaucoup de force dans le timbre de la voix :

« Dans ces conditions et pour des raisons éthiques etmorales, je ne pouvais pas m’associer à une vasteentreprise de spoliation de l’Etat organisée dansl’unique but de plaire au prince et de s’enrichirindument. Je n’ai jamais accepté de me constituer, avecqui que soit, en association de malfaiteurs »15.

@Z mZi]pi_ i0_ ^_ fZ m0ZfcnZocji ^_ f~Zpojmjpo_« Les lois du marché, que les marxistes ont voulu nier,existent. De même que la rationalité du consommateur :si vous avez le choix, vous achetez le meilleur et lemoins cher. Et avec la mondialisation, les portes sontgrandes ouvertes. Voilà pourquoi les entrepriseschinoises assurent environ la moitié des chantiers encours au Sénégal. Un exemple. La Banque mondialefinance, au Sénégal, l'autoroute à péage de Dakar. Lesentreprises présentes dans mon pays forment unoligopole et font la loi : le kilomètre de route coûte deuxfois plus cher à Dakar qu'au Maroc. Au moment où nousavons lancé l'appel d'offres, deux groupes se sontprésentés : Fougerolles, une grande entreprise française,et JLS, une entreprise sénégalaise. Croyant que cesentreprises étaient seules sur le marché, Fougerolles aprésenté une offre de 39 milliards de francs CFA. JLS,quant à elle, s'est associée à une entreprise chinoise et aproposé pour la même autoroute, le même cahier des

15 Entretien réalisé avec l’auteur le 12 mai 2009.

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charges, 23 milliards. Ce projet l'a, bien sûr,emporté... »16

Pourtant, en dépit de ce que le président Abdoulaye disaitaux journalistes du quotidien économique français LesEchos, à propos de Bara Tall et de son entreprise JLS, tousles deux ont été systématiquement éliminés de tous les appelsd’offre lancés par l’Anoci, pour avoir refusé de marcher dansune combine faite d’ententes illicites. Paradoxalement, celuique le président de la République félicitait et exhibait dans lapresse internationale, paie le prix de son outrecuidance quil’avait amené à proposer 23 milliards de FCfa, contre 42milliards de FCfa pour Fougerolles, pour réaliser le tronçonde l’autoroute qui part de l’Avenue Malick Sy jusqu’ à laPatte-d’oie. Il s’était fait pourtant éliminer et le marché a étéattribué à Fougerolles. Cette dernière avait pourtant fait uneoffre financière de 42 milliards de FCfa. Les responsables del’Apix et de l’Anoci n’ont jamais pu digérer l’affront. C’estau moment où leurs techniciens étaient en train de préparer lecontrat de Fougerolles pour la réalisation de l’autoroute, quele chef de l’Etat, Abdoulaye Wade a tout arrêté. Surintervention de Pierre Atépa Goudiaby, Bara Tall a obtenuun rendez-vous avec le président de la République à larésidence secondaire de Poponguine. C’est pendant que lesdeux hommes s’entretenaient que le chef de l’Etat a somméles dirigeants de l’Apix de signer le contrat en faveur del’entreprise qui fait l’offre la moins-disante. En l’occurrence,JLS. Le chef de l’Etat ne trouvait pas d’explicationsrationnelles qui puissent justifier l’attitude de sescollaborateurs dans cette affaire. C’est du moins ce qu’illaissait entendre à l’endroit de son interlocuteur ce jour. EtBara Tall de lui exposer les raisons pour lesquelles il étaitabsurde de réaliser les travaux prévus avec la sommefaramineuse de 42 milliards de FCfa. Pour lui cette offre de

16 Abdoulaye Wade : en finir avec l'Afrique balkanisée, LesEchos n° 19629 du 20 Mars 2006 • page 15.

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42 milliards de FCfa était irréaliste et franchementantinationale :

« M. le président, l’offre qui a remporté le marché nerepose sur aucune base sérieuse. Elle est fantaisiste etdémesurée. Nous avons fait tous les calculs possibles etimaginables, en nous appuyant sur des exemples précis,comme le cas des autoroutes réalisées au Maroc, il n’estsimplement pas acceptable ni moral de construirel’autoroute au prix proposé par la concurrence ».

Bara Tall profite de l’oreille attentive du président de laRépublique pour enfoncer davantage le clou contre sesadversaires.

« Ils ont préparé le dossier d’appel d’offres en faisant ensorte qu’aucune entreprise nationale ne puisseparticiper. Sauf celles qui sont des filiales de sociétésétrangères, françaises, en l’occurrence. En quoi faisant ?Le dossier d’appel d’offres prévoyait que poursoumissionner il fallait avoir construit, au cours des cinqdernières années, au moins une dizaine de kilomètresd’autoroute. Aucune entreprise sénégalaise ne disposed’une telle expérience. Les filiales françaises quant àelles font appel à leurs sociétés mères pour faire desoffres. Cette façon de faire des dossiers d’appel d’offresest une technique utilisée pour éliminer les nationaux. »

Bara Tall poursuit son explication devant le président quisemble convaincu par le discours de l’homme :

« Aucune société sénégalaise ne disposant d’une telleexpérience, nous étions d’office éliminés. J’ai contournéla difficulté en faisant appel et en m’associant avec unesociété chinoise : Henan Chine. Les responsables quiont géré le dossier d’appel d’offre ne s’attendaient pas àcette surprise. N’empêche, ils ont maintenu leur volontéde donner le marché à Fougerolles, en dépit de son offrefinancière surévaluée et largement d’ailleurs ».

Devant les explications du patron de JLS, le président dela République reprend la parole et fait des observations :

« Je ne comprends pas pourquoi ils vous ont éliminéBara. Mais je crois savoir qu’ils vous reprochent les

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nombreux avenants que vous avez l’habitude de fairesigner à l’Etat, après avoir gagné un appel d’offres. Ilparaît que vous sous-évaluez vos offres financières pourgagner. Je vous préviens, je leur dirai de vous confier lemarché de l’autoroute, mais je n’accepterai pasd’avenants. Je suis sûr que vous ferez un bon travail.Vous avez déjà prouvé vos capacités. C’est bien je vousfélicite ».

Quand Bara Tall a quitté le président de la République cedernier a pris ses responsabilités pour s’opposer à la vastemagouille qui avait attribué le premier tronçon de l’autorouteà l’entreprise Fougerolles qui devait au passage enrichir surson chemin des Sénégalais qui profitent de leur position dansl’Etat et de leur proximité avec le chef de l’Etat pour se livrerà un véritable brigandage contre les biens publics. Nousavons appris que les kilométres de route qui restent à bâtirsont confiés à l’entreprise Fougerolles. Rien ne donne lagarantie que les travaux à venir ne sont pas surfacturés,comme ce qui a été fait dans la première offre de 42 milliardsde FCfa. La somme de 300 milliards de FCfa est aujourd’huiavancée pour l’estimation qui a été faite des coûts del’autoroute à péage. Dans les chantiers de Thiès, l’Inspectiongénérale d’Etat a établi une jurisprudence dite desurfacturation de chantiers. Il n’est pas superflu, loin s’enfaut, de rappeler que la voie de contournement à proposduquel Bara Tall a été accusé de surfacturation a étépréfinancée par l’entrepreneur lui-même, par un empruntbancaire et sur demande de l’Etat, pour un montant de 6,750milliards de FCfa. Pourtant le marché avait été estimé audépart à 7 milliards de FCfa. JLS a donc économisé à la findes travaux de la voie de contournement, plus de 200millions de FCfa pour l’Etat du Sénégal. Pour moins dekilomètres de route construits sur la Corniche Ouest à Dakar,comparée à la voie de contournement de Thiès, CDE afacturé 50% plus cher que l’entreprise JLS. Nous yreviendrons. A défaut d’être félicité pour avoir préfinancé cemarché et pour avoir économisé plus de 200 millions de

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FCfa, Bara Tall a été jeté en prison où il est resté trois mois.Il en sort, plus déterminé que jamais à faire valoir ses droitset à lutter contre tous ceux qui veulent la mort de sonentreprise. C’est Atépa Goudiaby qui lui arrange de nouveauun rendez-vous avec le chef de l’Etat. Ce dernier le reçoit etfeint de s’émouvoir de ce qu’il lui arrive. Alors qu’ils’entretient avec Bara Tall dans son bureau, il fait venirAbdoulaye Baldé. Ce dernier arrive et s’apprête à prendreplace. Le chef de l’Etat lui intime l’ordre de ne pass’asseoir. :

« Vous n’avez pas besoin de vous asseoir. Ecoutez justece que j’ai à vous dire. Je vous demande de réglerdéfinitivement le cas Bara Tall. Laissez-le travailler.Laissez Bara travailler. Il paraît qu’il a gagné desmarchés que vous refusez de lui attribuer. Mettez fin àcette injustice ».17

Abdoulaye Baldé peut retourner dans son bureau. BaraTall l’y rejoint, à la fin de son entretien avec le chef de l’Etat.Ce dernier l’accueille avec beaucoup de déférence et tente delui expliquer leur position :

« Grand, je suis désolé pour tout ce qui arrive. Pournous, c’est la guerre. La guerre comme à la guerre.Maintenant nous allons faire la paix. Je ne savais pasque l’appel d’offres a été lancé pour ce qui concerne lechantier de la route de Ouakam.. Maintenant nous allonsnormaliser tout ».

Et Bara Tall de lui répliquer :« Je ne demande aucune faveur particulière. Je vousdemande d’être juste et loyal à mon égard et à l’égardde tous les entrepreneurs de ce pays. Je sais que tous lesmarchés que vous m’avez refusés, je méritaiscertainement de les gagner et de les réaliser plus quen’importe quel autre entrepreneur de ce pays. Celaaurait coûté moins cher à l’Etat, avec des garanties de

17 Entretien avec Bara Tall, lui-même, réalisé le 26 mai 2007.

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fiabilité plus élevées. Je comprends pourquoi vous meles refusez ».

Abdoulaye Baldé a certainement oublié qu’il n’était pas levrai patron de l’Anoci. Imprudemment, il s’est ’engagédevant Bara Tall, alors que Karim Wade qui est en réalité levrai boss de l’agence, est en déplacement à l’étranger. Tousles engagements pris, y compris ceux de son père, n’ontaucune valeur, tant qu’il ne les aurait pas entérinés. Dès leretour de Karim Wade, Abdoulaye Baldé l’a informé desdécisions arrêtées par son père et concernant le dossier BaraTall. Sa réaction ne tarde pas. Il demande à sescollaborateurs de ne rien faire, en attendant qu’ils’entretienne avec son père. L’entretien eut lieu. Le verdicttombe dru comme un couperet : non pas question, Bara Tallne travaillera plus dans ce pays, tant que nous serons là.C’est avec moi qu’il doit régler les problèmes, il doit mevoir, je lui dirai, ce que j’ai à lui dire. Il faut qu’il le sache.La réaction de Karim Wade est rapportée à Bara Tall. Cedernier lui retourne son messager, en lui expliquant qu’ilavait une autre conception de la vie et de son avenir qui n’estentre les mains de personne, sinon de Dieu. La sentence demort est sans appel. La cause est entendue. JLS et Bara Tallsont depuis cette date exclus de tous les appels d’offre lancéspar l’Etat du Sénégal. Qu’ils concernent ou non les chantiersde l’Anoci. Lors de l’audience accordée par le chef de l’Etatà un groupement de journalistes sénégalais venus luiprésenter, le mercredi 29 avril 2009, leurs condoléances àl’occasion du décès de sa sœur, le chef de l’Etat et son filsont tenu à expliquer à leurs hôtes pourquoi ils étaientdéterminés à faire la guerre et à éliminer Bara Tall de lascène des affaires au Sénégal, en tentant de leur démonter,comment Bara Tall s’était organisé à l’étranger avecSouleymane Jules Diop, en particulier pour faire la guerre aurégime. A cet effet, ils ont brandi deux actes de constitutionet déclaration de la société Talix Groupe, l’un à Luxembourget l’autre au Canada, pour fonder leurs accusations. Si tel

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était le cas pourquoi alors, Bara Tall se serait-il pas cachéderrière un prête nom, pour déclarer sa société. En fait sonbras armé qui l’aiderait à mener son combat contre lerégime ? Si Bara Tall est interdit de travail chez lui, pourquoialors ne tenterait-il pas sa chance ailleurs à l’extérieur desfrontières nationales ? Ridicule, tout ça ! C’est unengagement patriotique que de soutenir Bara Tall dans lecombat juste et légitime qu’il doit mener pour retrouver tousses droits de citoyen libre, ne faisant l’objet d’aucunediscrimination qui plus est fondée sur des motifs illégitimeset franchement en opposition avec l’éthique et les valeursmorales de la République. Bara Tall a refusé une ententeimmorale et illégale. Bara Tall a déjoué un complot montécontre ce pays, en faisant éliminer du marché ayant permis laconstruction du tronçon de l’autoroute Malick Sy- Patted’oie, un concurrent mû par des motivations inqualifiablesdans la préparation de son offre financière : 42 milliards deFCfa (Eiffage), contre 25 milliards (JLS) de FCfa. La fibrepatriotique a fait la différence entre lui et les autres. Lesautres : des « négociants » venus chercher fortune chez nous.De vrais chasseurs de primes, n’ayant rien à cirer des intérêtsdu Sénégal.

Ei ^0fco ^~cio0amco0Ce nouveau délit pourrait être désormais intégré dans le

code pénal sénégalais, au regard de ce qu’on a pu observerdans les relations entre Bara Tall et les responsables del’Anoci. Ainsi, nous disions tantôt qu’on ne pourra jamaisparler des chantiers de l’Anoci, faire son bilan, en passantsous silence d’autres chantiers qui ont tant fait parler d’eux.Il s’agit des chantiers de Thiès qui ont été le prétexte saisipar le chef de l’Etat et son fils pour tenter de briser unhomme et son entreprise à la construction de laquelle cedernier aura, sans relâche, consacré toute sa vie. Bara Tall etle groupe Talix symbolisent à eux deux cette tragédie qui apris en otage des secteurs entiers de la structure de

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production de l’économie nationale. Une bande de politiciensaffairistes pilotent à vue le destin de la nation et n’ont jamaisd’autre souci, préoccupation majeure que la sauvegarde et lapréservation d’intérêts particuliers. Nul entrepreneur ne doitexister. Nulle entreprise ne doit prospérer. Impossible d’yparvenir, si jamais le plan prévu pour y arriver doit seréaliser avec un risque certain de remettre en cause lesintérêts des preneurs d’otages. Ou si jamais une telleexistence et une telle prospérité doivent intervenir dans uncontexte ignorant les multiples et constantes sollicitations desaffairistes qui ont transformé leurs positions en sinécures,aux fins de jouissance. Il en va ainsi du pays, depuis presquedix ans maintenant. C’est à cette tragique réalité que BaraTall et son groupe ont été confrontés. Ils en paient le prix etleurs bourreaux se délectent de leur malheur qu’ils aurontprovoqué et largement entretenu, avec la flammeincandescente de la vengeance mûrie. Un retour sommairedans le passé du groupe Talix donne une parfaite mesure dudrame. C’est au cours des années 80 que l’entreprisefrançaise de travaux publics, Jean Lefebvre Sénégal (JLS),installée à Dakar depuis 1952, est passée entre les mains desSénégalais, quand la maison-mère a décidé de se retirerprogressivement du Sénégal. Elle décida alors de confier lasociété à un de ses jeunes ingénieurs, Bara Tall, pourterminer les chantiers en cours et fermer définitivementl’entreprise. C’est pendant la même période que lesentreprises françaises de BTP : Colas et Dragages ont ferméleurs filiales sénégalaises. Nous étions à l’époque, en pleinajustement structurel. Le pays est exsangue. Les financespubliques se portent au plus mal. L’économie est presque àl’arrêt. Contre toute attente, JLS gagne de nouveaux marchéset retrouve un niveau de développement impressionnant. Sesdirigeants changent alors de stratégie pour assurer une sortede transition avant leur départ. Ils décident de filialiser lasociété pour en faire une entreprise de droit sénégalais avecl’entrée dans le capital de l’ingénieur Bara Tall, avec l’appui

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de Jean Claude Mimran, banquier qui fait confiance au jeuneSénégalais. Ce dernier prend une position minoritaire dans lecapital. Ce qui met l’ingénieur sénégalais en pole positionpour prendre le contrôle de la société quand le départdéfinitif des Français sera annoncé. Avec lui, l’entreprisecontinue à croître et atteint un chiffre d’affaires annuelmoyen de huit (8) milliards de FCfa, avec un effectif de 400personnes. Elle gagne des parts de marché à l’étranger, enGuinée Bissau, notamment. Nous sommes en 2000. Lamaison-mère est rachetée en France par le numéro 1 mondialde BTP, le Groupe VINCI, à travers son pôle routierEUROVIA. C’est à la fin de l’année 2001 que le capital deJLS passe complètement aux mains des Sénégalais avec lerachat, par Bara Tall, de l’ensemble des actions détenues parEUROVIA. Le chiffre d’affaires annuel de la compagnieJLS.SA atteint cette année-là 15 milliards de FCfa. JLS seconstitue sous forme de Holding : Talix-Group, constitué deplusieurs sociétés. A partir de l’année 2000, le groupe deBara Tall a investi 20 milliards de FCfa, avec une moyennede 2,5 milliards FCfa par an, soit sur fonds propres, soit surprêt bancaire. Cette période de croissance faste coïncide avecl’arrivée du président Abdoulaye Wade au pouvoir. Bara Talldevient son chouchou, l’exemple à montrer aux Sénégalais etaux Africains de manière générale. Avant le baiser de lamort ? Voire ! En tout cas, comme une bête de foire, BaraTall est exhibé partout dans le monde par le chef de l’Etat.C’est cet outil construit par un de nos compatriotes, à lasueur de son front, que le chef de l’Etat et son fils - ils nes’en cachent nullement - ont décidé de détruire. Et pourquelle raison ? C’est l’intéressé lui-même qui répond à laquestion dans une émission diffusée sur les ondes de latélévision privée 2STV, sans avoir été démenti par les misesen cause.

« Je n’ai compris que très tardivement que jeconstituais, par mon comportement et par mon refus departiciper à un vaste système de spoliation de l’Etat, un

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obstacle majeur au plan empêchant le déroulement d’unplan de carrière et d’un agenda politique conçu à moninsu pour promouvoir un homme ».

Qui ? Lui demande le journaliste qui l’interroge. Iln’hésite point pour désigner Karim Wade, le fils du présidentde la République, qui, selon les dires de l’homme d’affaires,est décidé à avoir sa peau. Pourquoi le fils du chef de l’Etatlui en veut, lui demande encore le journaliste. Il marque unsilence, avant de se confier J’ai refusé, dit-il, de marcherdans une combine qui n’avait d’autres fins que de spolierl’Etat, pour accompagner, au plan économique et financier,le déroulement d’un agenda politique. La liquidation de BaraTall est alors programmée. Les chantiers de Thiès sont touttrouvés, pour l’immoler. Il devait d’autant plus périr qu’il aété à tort, selon lui, identifié, comme l’argentier del’adversaire désigné du fils du chef de l’Etat, en l’occurrenceIdrissa Seck . L’ancien Premier ministre est Thiessois, BaraTall aussi. L’un est un homme politique ambitieux, l’autre unhomme d’affaires prospère, disposant d’une très grandeentreprise du BTP. L’association est vite faite entre les deuxhommes. Facile de faire valoir l’idée que l’homme d’affairesmettra ses moyens au service des ambitions de l’hommepolitique. Les amalgames seront d’autant plus faciles à faireet à entretenir pour les besoins d’un sournois combatpolitique que Bara Tall a accepté, sur sollicitation duprésident de la République lui-même, de s’engager dansl’aventure des chantiers de Thiès. La ville de Thiès dontIdrissa Seck, encore Premier ministre, préside le Conseilmunicipal, est désignée dans des circonstances particulières,pour accueillir le grand défilé de la quarante quatrième fêtede l’indépendance. De grands travaux sont prévus pourrendre la ville plus belle. L’Etat ne dispose pas des fondsnécessaires pour engager de tels travaux. Les entrepreneurssont sollicités pour avancer les fonds et réaliser les travaux.Bara Tall accepte. Un piège infernal s’ouvre ainsi granddevant lui et sur le chemin de sa société. Sa vie

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professionnelle et celle de son entreprise y ont étéprécipitées. Terrible reconnaissance !

@_ kc1a_ ci`_miZfJusqu’en 2004, JLS est une entreprise modèle ayant une

activité florissante et bénéficiant d’une situation financièreconfortable. Elle peut se prévaloir, dans le milieu des BTPsénégalais, d’une notoriété et d’une crédibilitéincontestables. Ses capacités financières sont réelles. Legouvernement qui est engagé dans une véritable politiqued’équipement et de construction des villes de l’intérieur, àtravers l’organisation tournante de la fête de l’Indépendancedans les capitales régionales, a besoin d’elle pour conduireles travaux prévus dans la cité du rail, qui devait accueillir en2004 la fête nationale. Mais, l’argent manque. Pris dans uneimprovisation sans nom, le gouvernement qui n’a presquerien prévu pour ces travaux dans le budget en coursd’exécution, déploie un trésor d’imagination, pour trouver lesmoyens financiers nécessaires. L’ancien Premier ministreIdrissa Seck parlera plus tard de grappes de convergence,pour expliquer les acrobaties ou montages budgétaires etfinanciers qui ont permis le financement des chantiers deThiès. Acrobaties, montages financiers, rien n’y fait, l’argentfait défaut, la fête risque d’avorter. Le chef de l’Etat supplieBara Tall de préfinancer. Les sommes nécessaires sonténormes. JLS peut tenter l’aventure à condition, toutefois,que les banques acceptent de l’accompagner. Celles-ci semontrent peu disposées à s’engager. Or, sans un soutien desbanquiers, rien ne peut se faire. Qu’à cela ne tienne ! C’est àPoponguine que le président de la République reçoit lesyndicat patronal des banques et développe une armadad’arguments pour convaincre son président et ses membresd’accompagner Bara Tall. Ce ne doit pas être difficile, car cedernier dispose déjà d’une excellente réputation auprès dusystème bancaire national. L’aval de l’Etat suffit pour que lesbanques mettent en place les lignes de crédits nécessaires

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pour le financement des chantiers de Thiès. Finalement, cesont presque vingt (20) milliards de FCfa qui sont engloutisdans l’opération, en attendant que l’Etat soit en mesure depayer la totalité des sommes avancées pour réaliser lestravaux. Mais, avant la célébration du 44ème anniversaire,arrive la brouille au sommet de l’Etat. Abdoulaye Wade etson Premier ministre, Idrissa Seck se séparent dans desconditions presque dramatiques : au cœur de la dispute, leschantiers de Thiès. Ces chantiers sont montés en épinglepour trouver une explication rationnelle et convaincante à unconflit politique sur fond de bataille de succession. IdrissaSeck qui est le maire de Thiès est accusé de gravesmalversations, de détournement de deniers publics et deconcussion. Son complice ? Il est vite trouvé en la personnedu bienfaiteur de l’Etat, en l’occurrence Bara Tall. Lepauvre ! Il est accusé de surfacturations et de corruption defonctionnaires. Tous les qualificatifs sont bons pour noircir letableau. La machine de propagande de l’Etat s’emballe. Elleconfond dans ses diatribes et accusations Bara Tall et IdrissaSeck. Ce dernier est jeté en prison pour sept mois. Bara Tallest encerclé et harcelé. On lui demande d’accuser IdrissaSeck, en confortant les éléments de la calomnie. Il refuse.Abdoulaye Wade, lui-même, lui propose un marché : « Vousl’accusez, vous irez certes en prison, mais on vous aidera àpayer votre caution devant les juges et vous retrouverezvotre liberté ». La ficelle est trop grosse. Niet catégorique del’intéressé. Il est alors jeté en prison pour trois mois. Ons’emploie alors à déconstruire et à détruire, avecl’acharnement du revanchard puissant et sûr de son fait, cequi a été bâti, au prix d’efforts incommensurables, pendantplus de cinquante ans est démoli sans état d’âme. On s’y metavec une arrogance cinglante. JLS est visée dans sesfondements. Pourtant, c’est elle qui a construit le tronçon del’autoroute, Malick Sy-Patte d’Oie, alors que le conflit avaitdéjà éclaté. Avec l’appui du chef de l’Etat, reconnaît BaraTall. En fait, ce marché a été adjugé à une société

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concurrente, en l’occurrence Fougerolles qui proposait labagatelle de quarante deux (42) milliards de FCfa pour laréaliser. Pour le même marché JLS propose un devis de vingtcinq (25) milliards de FCfa. C’est Abdoulaye Wade, lui-même, qui a ordonné aux responsables de l’Apix qui avaientattribué le marché pour 42 milliards de FCfa de choisirl’offre de Bara Tall. Celle-là, presque deux fois moinscoûteuse. Le désaveu coûtera cher à Bara Tall. Ce dernierperdra par la suite tous les marchés pour lesquels il asoumissionné au Sénégal. En fait, il en aura même gagnécertains, mais les autorités politiques, en particulier leprésident et son fils décideront à chaque fois de passer outrele choix de l’adjudicataire proposé. Ce fut le cas du marchéde la construction de la route, Patte D’Oie-Aéroport. Dansces deux cas, les plis de JLS n’ont même pas été ouverts pourdes motifs qui n’ont jamais été expliqués. Pour le marché :route Gouraye-Sélibaby, les partenaires espagnols de JLS sesont retirés la veille du dépôt des offres, quand ils ont étéinformés de l’arrestation de Bara Tall. Adjudicataireprovisoire du marché concernant l’élargissement de la routede Ouakam, JLS a de nouveau, nous l’avons déjà amplementexpliqué dans nos développements précédents, perdu lamanche, car l’appel d’offres a été déclaré infructueux. Et celaa été également le cas dans d’autres marchés, comme : laroute, Linguère-Matam, l’élargissement de la Corniche ouest,l’élargissement de la Voie de dégagement nord, etc. Au total,JLS a été exclue de tous les appels d’offres auxquels elle aparticipé au cours de ces cinq dernières années, pour unmontant global de cent quatre (104) milliards de FCfa. Ladestruction de l’entreprise Talix-Group est inexorable. Elleest programmée et rien ne devrait venir la remettre en cause.Cette destruction sera mise au passif du régime actuel et aupassif particulier du chef de l’Etat. De vingt sociétés, leGroupe a fortement réduit sa voilure et ne comprend plus quetreize sociétés, dont la majorité vit dans une situationfinancière catastrophique. Talix-Group qui était parti, au

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moment où s’installait le nouveau régime, pour être un grandconglomérat employant plus de cinq (5000) personnes dansdivers domaines d’activité il y a à peine cinq ans, a subi unemise à mort qui a fini de jeter dans la rue des milliers deSénégalais pris en otage et sacrifiés par un régimerevanchard et ayant la rancune tenace. Son isolement et lamise en quarantaine de l’entreprise JLS constituaient unimpératif catégorique pour les responsables de l’Anoci. Saprésence et sa participation étaient de nature à contrarier desprojets connexes aux chantiers ouverts et des agendaspolitiques cachés derrière tous ces travaux qui devaientfournir les moyens financiers nécessaires pour dérouler detels agendas.

]Zoc]ed5ZjfZ]e 6 pi_ `Zm]_ ^mZhZoclp_Après son emprisonnement à la suite de l’affaire des

chantiers de Thiès qui tourne en eau de boudin, on revientsur un autre dossier : le tronçon Fatick Kaolack. Comme labête traquée, JLS sera pourchassée dans tous ses chantiers,ceux déjà réalisés et ceux à venir éventuellement. On fouilleainsi dans le passé. Et tout y passe. On croit tenir la sociétédans un vieux marché exécuté au début des années 2000. Letronçon reliant Fatick à Kaolack est mis sur la table desinquisiteurs. Dans leur entreprise de destruction de JLS, lesautorités ont concocté un vaste plan de mise en accusation etde mise en doute du sérieux et de la réputation technique del’entreprise. Pour ce faire, elles visent les dégradationsgraves de la route reliant Fatick à Kaolack qui, moins dedeux ans après sa réhabilitation, a subi de graves dégâts quiseraient imputables à des malfaçons attribuées auconstructeur. Rien n’est moins faux qu’une prétention. C’estonze mois après avoir réceptionné l’ouvrage que l’Etatconvie l’entreprise JLS à réparer les dommages constatés surle tronçon Fatick-Kaolack. Or, dans le procès-verbal deréception de cet ouvrage, les fonctionnaires de l’Etat et leursmandants notent avec satisfaction :

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« le travail a été fait dans les règles de l’art. A toutes lesétapes d’exécution des tâches sur l’ouvrage, lescontrôles externes étaient de rigueur ».

Dans ces conditions, comment peut-on imputer lesmanquements - si manquements il y a - à l’entrepreneur ? Lavérité est que l’ouvrage est hypothéqué, dès le départ, par undéfaut de conception qui n’est pas le fait de l’entrepreneur.Ce défaut est plutôt imputable au bureau d’études choisi parl’administration et à elle-même. Un défaut de conception queJLS avait noté et bien analysé, dans une lettre adressée àl’Etat, en date du 12 septembre 2003. JLS précisait dans sacorrespondance :

« la structure prévue dans le dossier d’étude de base quiprévoit un mélange de l’ancienne chaussée avec unapport de latérite crue pour avoir une fonction fine decentimètres n’était pas acceptable car elle était risquée.La solution de base proposée fait l’objet d’une mauvaisehypothèse de dimensionnement dans le rapportgéotechnique à partir duquel les travaux doivent êtreréalisés. En effet, la chaussée ancienne a été considéréecomme une couche de 35 cm avec un module de 8000barres alors que la couche ne fait que 20 cm et lemodule équivaut à 3000 barres ».

Après avoir fait ces précisions techniques, bien avantd’accepter plus tard de commencer les travaux, JLS aproposé aux services de l’Etat une solution technique quiaurait pu permettre d’éviter les dégâts survenus après laconstruction de la route. Ainsi, JLS avait proposé :

« De mettre en place une couche de fondation autonomede 15 cm sur l’ancienne chaussée griffée. Soit la mêmehauteur de 15 cm sur l’ancienne chaussée régalée ».

La proposition de JLS a été rejetée par l’Etat qui lui ademandé de construire la route sur la base des normes qui ontété définies dans l’étude géotechnique qui souffre d’un graveet terrible défaut de conception à la base. A l’arrivée, onconstate les dégâts et on cherche de façon malhonnête etirresponsable à faire porter le chapeau à JLS qui aura, quand

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même, averti l’Etat des risques graves qu’il y avait à s’entenir à sa solution technique. Le reproche fait à Bara Tall àqui l’Etat a demandé de construire selon des normeserronées, c’est d’avoir accepté de faire le travail, en sachantqu’il y avait un défaut de conception à la base de l’ouvragequi a été commandé. Ce reproche n’est pas fondé. En cas derefus de faire suite à sa sélection, JLS perdaitautomatiquement sa caution de soumission, fixée en l’espèceà 100 millions de FCfa. Elle s’exposait en plus à despoursuites pour refus d’exécution d’ouvrage, après avoirparticipé régulièrement à un appel d’offres public. Le caséchéant, JLS pouvait faire l’objet d’une forte condamnationet d’une exclusion temporaire ou définitive de tous les appelsd’offres de l’Etat. C’est pourquoi, elle a décidé de construireen se conformant strictement aux conditions techniquesdéfinies par le cahier des charges. C’est ce qu’elle a fait.L’Etat pouvait décider, après la construction de l’ouvrage, delimiter les poids à l’essieu des véhicules qui circulent sur lavoie, pour lui éviter une dégradation rapide. C’est la seulesolution qui s’imposait à lui, après avoir maintenu les normestechniques prévues dans l’étude géotechnique. Celle-ciprévoit des charges à l’essieu de l’ordre de 10 à 13 tonnes,alors que dans la réalité, les charges que supporteactuellement la route sont de l’ordre de 20 à 25 tonnes àl’essieu, avec la circulation dense des camions maliens etautres véhicules de gros tonnages en route vers la Gambie etvers les autres pays frontaliers. Prétextant des malfaçons surla route Fatick-Kaolack et à la faveur d’une extraordinairecampagne de désinformation, l’Etat tente d’instrumentaliserla Justice pour justifier le refus de payer des sommes dues àJLS. Les juges ont, dans un premier temps, dit non à l’Etatqui leur avait demandé une ordonnance qui pouvait fonderles retenues de paiements qu’il ordonne de façon illégale surdes créances dues, au titre d’autres marchés exécutés parl’entreprise JLS. L’Etat est revenu dans une secondeprocédure tendant à faire constater par le juge les malfaçons

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constatées sur la voie. Le juge a déjà ordonné une expertisetendant à établir de telles malfaçons. En agissant ainsi, lejuge, a priori, considère qu’il y a des malfaçons, car sonattitude ignore la base de conception de l’ouvrage. Ce qui luiaurait permis de savoir si les dégâts constatés sur la routerelèvent effectivement d’une malfaçon ou d’un défaut deconception de l’ouvrage. En raison de conflit factice créé detoutes pièces par l’Etat, les autorités refusent de payer à JLSune somme de 6 milliards de FCfa due, suite à la réalisationeffective de marchés exécutés et régulièrement réceptionnés.Aussi, le patron de JLS, Bara Tall peut-il écrire à l’endroit duministre d’Etat, ministre des Infrastructures, des Transportsterrestres, des Télécommunications et des TICS :

« Pourquoi le refus de payer des sommes dues depuis2005 et 2006 et disponibles entièrement dans le budget2007 que vous avez présenté et défendu à l’Assembléenationale qui l’a voté ? Pourquoi la ponction unepremière fois de 500.000.000 FCfa régularisée par ledécret 2007-702, en date du O7 juin, pour financer entreautres des subventions et constituer des provisions ?Pourquoi la ponction une deuxième fois de1.000.000.000 FCfa régularisée par décret 2007-1497 endate du 12 septembre pour financer en partie unprogramme de construction de villas présidentielles nonencore réalisé ? Pourquoi le report en fonds libres, aulieu de nous payer, du reliquat disponible de1.300.000.000 de FCfa sur la gestion 2008 du budgetd’investissement » ?

Cette série de questions ne trouvera jamais de réponse dela part de l’autorité, car les actes qui les fondent procèdentd’une volonté délibérée de nuire et de détruire un desfleurons du secteur des BTP au Sénégal, qui a été bâti par unSénégalais, alors qu’au même moment, d’autres entreprisesdirigées par des étrangers, bénéficient de toutes les largesseset bienveillances de l’autorité qui les arrosent de milliards. Etpour cause ! Pour en revenir à la route Fatick-Kaolack quisert de prétexte, après les chantiers de Thiès, pour punir Bara

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Tall, on devrait, au contraire, exiger une enquête criminellepour déterminer les responsabilités des uns et des autres, enauditionnant tous les fonctionnaires et les ministres qui ontordonné sa construction, alors que des défauts de conceptionétaient, dès l’entame du projet, relevés par JLS aveccompétence et portés à la connaissance des autorités qui ontpréféré les ignorer. Cette attitude procède de négligencescriminelles coupables qui mettent en lumière la légèreté aveclaquelle on gère depuis plus de huit ans les deniers publicsdans ce pays. Les chantiers ont en scène des acteursdifférents, mais avaient tous un dénominateur commun : lamise sous orbite politique du fils du président de laRépublique, Karim Wade.

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@~%ij]cY pi kmjd_o kjfcoclp_

@~Zmh_ ^_ fZ np]]_nncji hjiZm]bclp_L’Anoci a été d’abord conçue pour faire prospérer un

projet de succession monarchique. Le système dereprésentation politique privilégié depuis toujours dans notrepays a été singulièrement renforcé au cours de ces huitdernières années - et les modalités de légitimation qu’ilinduit ont créé un système de gouvernance et de conduite desaffaires de l’Etat qui s’inscrivent en droite ligne dans lathéorie globale proposée par Max Weber qui décrit l’Etatpatrimonial. Cet Etat patrimonial est le terreau de toutes lescorruptions politiques, de la prévarication administrative etde la concussion. Elles se sont aggravées avec la venue aupouvoir des libéraux. Après un examen attentif des actes degestion posés à l’Anoci, à la lumière de ce qu’en révèlent lesrapports d’audit et de contrôle de gestion de l’agence, onreste frappé par les pratiques de gestion douteuse, voirescandaleuse. Celles-ci ont été naturellement favorisées par lefait que le premier responsable de l’Anoci n’est personned’autre que le fils du chef de l’Etat. Personne d’autre que luin’aurait osé prendre autant de libertés avec la garde desressources de l’Etat. Le prétendu « Golden boy de la City »de Londres venu apporter ses « lumières » à la survenance del’alternance à la tête de l’Etat du Sénégal, se sait protégé etcouvert par l’amour d’un père qui lui certifiait, avant mêmequ’il n’entre en fonction, qu’il avait bien travaillé. Il a bientravaillé. Pour qui ? Pas pour les Sénégalais, en tous les cas.Pour la famille ? Sûrement ! Les scandales politico financiersqui ponctuent la marche quotidienne de l’Etat n’émeuvent

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plus les citoyens qui semblent avoir décidé de les banaliser.Seuls quelques uns s’en indignent encore, pendant quelquesjours, et après passent à autre chose. Chaque jour l’actualitébraque ses projecteurs sur le phénomène avec de grossesmanchettes de la presse et des émissions interactivesdiffusées sur les ondes des stations radiophoniques qui enfont leurs choux gras. Après les « gesticulations » indignéesdes journalistes, tout rentre de nouveau dans l’ordre établi, enattendant le prochain scoop qui alignera des milliards ets’étalera sur cinq colonnes à la Une dans les titres quotidiensdakarois. Ainsi va le Sénégal ! Qu’est-ce qui pourraitchanger le cours de l’histoire ? Tout semble indiquer quenous nous enfonçons davantage dans la spirale de lacorruption, de la concussion et de la prévarication d’Etat. Lagestion à l’Anoci que nous avons décrite tout au long de nosdéveloppements précédents vient de confirmer des pratiquesobservées avec une constance affligeante depuis que le chefde l’Etat s’est installé aux commandes du Sénégal. Les élitesau pouvoir aujourd’hui ne semblent guère prendre la mesuredu fléau. Ni celle de son impact catastrophique sur ledéveloppement du pays. Certaines, parmi elles, se plaisentmême à nier l’évidence qui crève pourtant les yeux. Laposition publiquement exprimée par le Chef de l’Etat en avril2002, lors de la cérémonie de présentation du rapport duProgramme des nations unies sur l’état du développementhumain au Sénégal en est une parfaite illustration. Il tenteramaladroitement de nier cette réalité affligeante. Cette postureparticipe de l’expression d’un malaise commun à une bonnepartie de l’élite sénégalaise qui tente ainsi de soulager uneconscience malmenée par un renoncement coupable, faceaux exigences que lui impose la lutte contre ce mal. Un malqui n’en finit pas d’annihiler tous les efforts dedéveloppement entrepris. Si tant est qu’on en déploiesincèrement pour construire les bases d’un développementharmonieux, et par conséquent, porteur de réels progrèssociaux et économiques.

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@Z ]jmmpkocjiY pi hju_i 0]jijhclp_ _o kjfcoclp_Quand on parle de corruption politique au Sénégal et en

Afrique en général, on ne réduit pas le phénomène à unesimple analyse de type économique. Elle va au-delà de cesimple paramètre économique pour épouser d’autresdimensions:

« La finalité de la corruption n’est pas seulementl’enrichissement et la survie économique. Elle est aussiprofondément politique, en ce qu’elle vise à assurer unesurvie politique aux dirigeants qui sont ici en jeu ».

Les enjeux économiques et politiques sont des faitsindissociables, car il faut des ressources économiques pourobtenir des dividendes politiques et inversement. Derrière lanomination de Karim Wade à la tête de l’Anoci se profilaitun agenda et un projet politique qui ne peuvent pass’épanouir et prospérer sans des moyens financiers etéconomiques substantiels que seul l’Etat peut donner dans lecontexte national. « Je suis né pauvre et je suis aujourd’huidevenu riche », déclarait Idrissa Seck. Une richesse acquiseaprès moins de cinq ans de présence de son parti au pouvoir.Le projet d’être le quatrième président du Sénégal (à toutprix ?) s’est alors davantage précisé. Sous Léopold SédarSenghor, on soupçonnait quelques faits de corruption. De telssoupçons se sont davantage renforcés sous Abdou Diouf quin’aura pas réellement lutté contre ce mal, en dépit desproclamations de principe matérialisées à son arrivée aupouvoir par l’adoption, en 1981, de la fameuse loi surl’enrichissement illicite. L’ancien chef de l’Etat est restévelléitaire à ce sujet. Incapable de changer le cours deschoses, il en était réduit à des supplications vaines. Réuni encongrès avec ses camarades du Parti socialiste, le 24 août1992, Abdou Diouf suppliait certains d’entre eux qui étaientsupposés avoir détourné et transféré d’importantes sommesd’argent à l’étranger de les rapatrier, pour le réinvestir dansle pays. On avait semblé toucher le fond avec cet appel. Ilsonnait comme un cri de détresse du Chef de l’Etat d’alors et

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un aveu de taille d’une extrême gravité. Avec ce qui se passedepuis huit ans, on accumule des preuves palpables. Il nes’agit plus d’indices, mais d’actes probants qui indiquent auxjuges le chemin à suivre, pour traquer tous les criminelsnichés dans les plus hautes « stations » de l’Etat ets’emploient à dilapider, pour leurs seuls intérêts, les biens dela nation. Tout est faux dans le bilan publiquement présentépar l’Anoci. En fait, on tente ainsi par la force des mots, àl’insu du peuple, de construire un langage plus ou moinssubtil, inventé pour maquiller la conspiration n’ayant d’autremotivation que de masquer le partage des biens de la nation.Et ce, dans un consensus mou entretenu par une partie del’élite politique et qui épargnera aux uns la critique etgarantira aux autres des places de choix dans le système deredistribution des biens. La démocratie est ainsi prise enotage par les faux discours, de fausses postures et par lasurenchère d’acteurs jouant à cache-cache pour réussir leurscoups. L’Etat patrimonial n’est autre chose qu’une sorted’Etat avorté. La corruption lui est consubstantielle, carreposant sur le pouvoir personnel. Ici, au Sénégal, commeailleurs en Afrique, la plupart des chefs d’Etat ont réussi àbâtir un véritable système de pouvoir personnel autourd’eux-mêmes et de leur famille proche. Le chef jouit de sonpouvoir de nomination en allant parfois jusqu’à letransformer en un pouvoir de patronage distribuantalternativement la faveur et la défaveur, la grâce et ladisgrâce. C’est ce qui explique la présence de Karim Wade àla tête de l’Anoci. La légitimation - et donc la reproductionde ce système de pouvoir personnel -, suppose que le chefdispose d’une capacité de redistribution qui lui permet defaire accepter le recours à la contrainte, dont il use poursoustraire, à des fins privées, des ressources de l’Etat. Lacorruption au Sénégal, ne correspond pas à des finalitésuniquement économiques d’enrichissement individuel. Elle aaussi des fonctions politiques et sociales qu’on ne peutignorer. Elle se présente sous plusieurs formes, évolue et se

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renforce dans une perspective systémique. Or, dès lors quecelle-ci est érigée en système, les formes de collusions entrel’Etat et les acteurs du phénomène sont naturellementcomplexes et divers. De même, les mécanismes de laredistribution des faveurs qui découlent naturellement de cecommerce, se déroulent sans tenir compte de la rationalité etde l’efficacité administratives. Il y a eu une constante dans lagestion de l’Anoci, en dépit du fait qu’on veuille nous fairecroire le contraire : les règles étaient systématiquementdévoyées par un contournement fréquent et un dévoiementdes procédures. Les responsables de cette agence onttravaillé chaque jour à rendre plus sophistiqué le jeu decache-cache. Ainsi, certains mécanismes qui étaientexceptionnellement prévus, pour rendre l’action de l’Etatplus rationnelle et plus efficace ont été transformés en unemachine à fabriquer des faveurs et à les distribuer aux affidésdu prince. On a construit des complexités multiples etdiverses auxquelles les règles rigides de la comptabilitépublique ne peuvent pas s’appliquer, pour gérer. Sesresponsables ont souvent ordonné une suspension temporairede la rigueur des règles de gestion imposant une tenuecomptable orthodoxe des Finances publiques, pour fairerégner leurs propres règles. Avec la création de l’Anoci on acherché d’abord à rétribuer la famille, les amis et lessouteneurs du régime, en écartant les fonctionnaires,compétents et prêts à servir. C’est ce que le député de lamajorité Samba Diouldé Thiam dit quand il déclare :

« L’Anoci c’est qui ? L’Anoci, c’est pourquoi ? Certainsdisent que c’est une rampe de lancement qui est offerte,d’autres pensent que c’est pour se faire de l’argent, cequi est extrêmement grave, d’autres pensent égalementque c’est pour l’accession au pouvoir. L’Anoci apratiquement vassalisé l’Etat. A cause des moyens quisont mises à sa disposition, sa puissance et lesprotections qui l’accompagnent et qui la rendentintouchable, irresponsable. C’est ce qui fait d’elle unevéritable serial-killer politique qui a fait des cadavres et

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continuera d’en faire. Quel que soit ce qu’elle fera ellene pourra pas se laver, ni convaincre les Sénégalais »18.

Le député continue en se prononçant sur la décision desresponsables de l’Anoci de se présenter devant l’Assembléenationale pour faire leur bilan. Là aussi, Samba Diouldé.Thiam se montre impitoyable pour ce qu’il considère commeune farce de mauvais goût. Il indique un brin cinglant :

« Je considère que c’est un épiphénomène. Lesconditions pour que l’Assemblée nationale connaisse decette situation ne sont pas remplies. L’année dernière ila été impossible que l’Anoci se présente devantl’Assemblée nationale, j’ai l’impression quel’Assemblée nationale est une scène de théâtre où l’on abesoin d’un acteur. Je n’ai pas été envoyé à l’Assembléenationale pour assister à une scène de théâtre. Avec toutle respect que je dois à Abdoulaye Wade, à son fils et àsa famille, je ne me prêterai pas à ce genre de chose »19.

Samba Diouldé Thiam dit tout haut ce que beaucoupd’autres députés de la majorité pensent tout bas. Il estégalement le porte-parole, à son insu, de beaucoup decitoyens qui considèrent que le jeu auquel s’est prêtél’Assemblée nationale en écoutant les responsables del’Anoci lire dans l’hémicycle les grandes lignes d’un bilantronqué et maquillé, sans réellement pouvoir demander descomptes à Abdoulaye Baldé et à Karim Wade, n’est qu’unefarce désespérante et déshonorante pour l’Assemblée et lesdéputés du pays. Au-delà des chiffres consternants sur lesdépenses de l’Anoci, on note que c’est encore plus l’espritqui sous-tend ses pratiques de gestion qui pose problème. Lenépotisme et le favoritisme demeurent les seuls critères quifondent l’action. Ce qui, en définitive, a remis en question larationalité et l’efficacité dans la conduite du service dû et

18 Interview accordée à la Radio Futurs Média, le dimanche 28 juin 2009,rapportée dans les colonnes du journal le Populaire dans son édition du lundi29 juin 2009.19 Interview, op.cit.

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effectivement rendu par l’Etat. Le mot d’ordre : accumulerpour mieux distribuer dans le seul et unique but de constituerdavantage de ressources politiques. C’est l’unique mobile dela course folle vers les biens, richesses de la nation et de leuraccaparement. Pour mettre une administration au service del’intérêt général, on ne peut, sans dommage pour ce mêmeintérêt, ignorer la question de l’opportunité des actes posés.Une opportunité qui nécessairement met en relation les coûtset des rendements attendus. En vérité, toutes lesadministrations modernes et dignes de ce nom qui prennenten charge, avec un sens élevé de la responsabilité, laconduite du développement d’une nation, fonctionnent entenant compte de ces paramètres. Sauf si elles restentengluées, comme l’est celle de notre pays, dans la corruptionpolitique et la prévarication institutionnelle. C’est lefondement de tous les Etats patrimoniaux. Sinon, commentexpliquer qu’on ait pu dépenser plus de 200 milliards deFCfa pour construire, dans la ville de Dakar, moins de 20 kmde routes au moment où tous les grands axes qui relient notrepays aux Etats limitrophes sont dans un état lamentable.L’élite politique au pouvoir, si on en juge par ce qui s’estpassé avec l’Anoci, n’est manifestement pas concernée par ledéveloppement du pays. Elle est plutôt occupée par unequête, par ses membres, de positions politiques et deressources économiques. Il ne faut pas alors s’étonner que,dans ces conditions, que le Directeur exécutif de l’Anocidéclare disposer de moyens pour faire sa politique grâce auconcours de ses amis arabes. En faisant dépendre lesdécisions publiques des intérêts et du bon vouloir des leaderspatrimoniaux, l’Etat est naturellement source d’arbitraire etd’abus et induit une incertitude chez les investisseurs privésvis-à-vis du pouvoir politique. C’est la raison pour laquellel’Anoci n’est pas crédible quand elle prétend avoir convaincudes privés pour venir investir dans un important programmehôtelier au Sénégal. En fait, ils n’ont convaincu personne.Seuls sont venus ceux qui les ont aidés dans leur volonté de

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mettre l’Etat au service d’intérêts privés exclusifs.L'alternance politique intervenue au Sénégal en 2000 aconstitué une situation particulière, inédite. Est-ce, par cefait, qu’on observe la multiplication d'événementsscandaleux ? N'assiste-t-on pas dans cette situationparticulière à une certaine conception de l'action politiquequi est à la base de tous ces scandales? La personnalité desprincipaux protagonistes et leurs prédispositions morales nesont-elles pas de nature à favoriser les scandales ? La façondont finit le scandale, à savoir l’absence de sanctions et deprocès devant les tribunaux, les interventions depersonnalités religieuses ou politiques pour les étouffer, nerenseignent-elles pas sur la nature du régime sénégalais, de lamaturité, ou des imperfections quant à l'exercice du pouvoirdans le pays ? Les dossiers de scandales portant surd’importantes sommes d’argent ne se comptent plus auSénégal. L’Anoci bat tous les records, avec 307 milliards deFCfa d’argent non justifiés, ni devant le Conseil desurveillance de l’agence, ni devant la représentationparlementaire. La course effrénée vers les richesses est unecaractéristique essentielle de ce régime. L’enrichissementsans cause est un crime économique, quel qu’en soit lemobile, le moyen, la source et la personne qui s’en rendcoupable. Etonnant de la part des censeurs qui, avec uneredoutable vindicte, vouent aux gémonies tous ceux qui onttouché directement ou indirectement aux chantiers de Thièset observent un silence coupable et couard dès lors que l’onévoque les chantiers de l’Anoci. Pire, ces sicaires promettentde faire taire ou de massacrer ceux qui ont eu l’outrecuidancede mettre en doute la gestion de l’Anoci avec des élémentsde preuve à l’appui. L’Anoci aura été un véritable scandale.Elle est aussi la résultante directe des mécanismes dedéploiement d’un système de gouvernement et d’une gestiond’Etat qui ont érigé la corruption et la prévarication enméthode d’action.

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« Le développement dépend de la bonne gouvernance.C’est l’ingrédient qui fait défaut dans beaucoup de paysdepuis bien trop longtemps. C’est le changement quipeut déverrouiller les potentialités de l’Afrique. Enfin,c’est une responsabilité dont seuls les Africains peuvents’acquitter.»20

Beaucoup d’Africains n’ont pas attendu l’arrivée duprésident américain pour le dire et pour le crier haut et fort. Iln’est toutefois pas inutile qu’une voix aussi autorisée s’enfasse écho. Certains esprits ont tenté faire passer l’idée quenous acceptons de telles remarques de Barack Obama à causede la couleur de sa peau et les récusons quand elles émanentdu président français, chef de l’Etat d’une anciennepuissance coloniale. Faux. Cette affirmation est une honteusecontrevérité. La différence entre les discours de Sarkozy etd’Obama tient en une seule chose : là où Sarkozy a mis encause la culture africaine en lui faisant, à tort, le reprocheinjuste de n’être pas suffisamment entrée dans l’histoire,Obama, lui, a mis le doigt sur le facteur essentiel du désastrequi frappe depuis toujours ce continent, à savoir lecomportement des élites gouvernantes. La vérité rappelée parBarack Obama en Afrique s’adresse essentiellement auxélites de ce continent. Elle s’adresse particulièrement auxpolitiques, aux gouvernants, à la tête desquels se trouventnaturellement les chefs d’Etat. Ce sont eux et eux seuls qui

20 Extrait du discours prononcé par le président américain, Barack Obama,devant les parlementaires ghanéens, lors de sa première visite en Afrique qui aeu lieu du 8 au 10 juillet 2009.

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sont en cause. Ce sont ces élites politico-administratives,intellectuelles, technocrates et autres liguées qui spolient etpillent les richesses des nations. Elles exploitent ainsi despopulations démunies et sans défenses. Des prédateurs sansfoi, ni loi ! Je sors de la rédaction de cet ouvrage encore plusconvaincu que jamais de la justesse des propos que tient lechef d’Etat de la première puissance mondiale, sur l’Afrique.Après avoir fini de rédiger cet ouvrage, je me suis posébeaucoup de questions, par rapport au devenir de mon pays,mais également par rapport au destin de tout un continent.J’en suis arrivé là en pensant que, le système sénégalais quidevient chaque jour plus avilissant pour les citoyens, peuts’enorgueillir d’être classé cité pour ses prétenduesperformances sur ce continent. Et pourtant, je n’en finis pasencore de demander autour de moi pourquoi osons nousencore parler de démocratie dans le cas du Sénégal. Jem’interrogeais ainsi, tant j’ai été bouleversé parl’impuissance de notre système démocratique à rendreimpossible des comportements, des attitudes et agissementscomme ceux qui ont caractérisé la conduite de l’équipedirigeante de l’Anoci. Je suis sorti de la rédaction de monouvrage avec un sentiment de désespoir et d’inquiétude. Moiqui pensais naïvement qu’en 2000 notre pays avait réalisédes pas de géant irréversibles dans la construction de sonsystème politique. Ce système n’est pas encore sorti de sonâge préhistorique. Nous avons encore beaucoup à faire dansla construction de notre projet démocratique. Celui-ci estloin, tant s’en faut d’ailleurs, de présenter les garanties d’unEtat de droit, contrairement à ce qui est souvent affirmé avecbeaucoup de prétention. Notre système politique a étéincapable de refuser qu’une équipe de femmes et d’hommes,singulièrement incompétente et peu regardante par rapport àl’éthique et à la morale, s’empare du sommet de l’OCI et dela mission liée à son organisation, pour en faire une vulgairesinécure. Ces gens-là ont confondu les charges de l’Etat avecdes missions privées. Ils ont considéré l’Etat comme un

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instrument permettant d’abord d’assouvir des ambitionspersonnelles. Les dépenses effectuées dans le cadre deschantiers de l’Anoci ont été très lourdes. Elles se chiffrent aumoins à un peu plus de 200 milliards FCfa, alors quel’enveloppe autorisée au départ était de 100 milliards deFCfa. Des montants d’argent importants ont été dégagés pourla réalisation de passerelles pour permettre aux citoyens detraverser dans les conditions de sécurité optimales, les voiesrapides ouvertes en ville. Rien n’a été fait. 26 milliards deFCfa ont été dégagés du Trésor public pour l’édification devillas présidentielles. Aucune villa n’a été à ce jourconstruite. Et personne ne dit aux citoyens de ce pays où estpassé cet argent. Karim Wade et ses amis ont dépensé lasomme de FCFA 750 millions de FCfa pour aménager leslocaux dans lesquels ils ont servi, disent-ils l’Etat, pendantquatre ans. La somme est exorbitante. Ils ne pourrontconvaincre personne dans ce pays que cet argent a étéeffectivement utilisé aux fins déclarées. Et même si tel étaitle cas, ce serait plus grave, car cela voudrait dire que legaspillage de l’argent a été un sport pratiqué à grande échellepar les dirigeants de l’Anoci. Après avoir enquêté enprofondeur sur le système Anoci, je suis davantage plusconvaincu que la primauté du citoyen doit irriguer toutsystème politique et démocratique. La participation ducitoyen, de façon effective et active, prouve son engagementau sein de la communauté. Elle constitue surtout une garantiecontre des abus comme ceux qui ont rythmé la gestion del’Anoci. Cette participation établit également saresponsabilité au sein de la communauté de son pays. Pourl’avoir oublié ou négligé, notre pays n’a pas su se mettre àl’abri des faits graves constatés dans la gestion de l’Anoci etd’autres dossiers. Et que nous dénonçons Nous n’arrêteronsjamais de dénoncer ces manquements. Soyons clairs : lacorruption se nourrit du silence, elle s’entretient par ledésintérêt du citoyen par rapport à la chose publique. Elleprospère surtout par la démobilisation ou par la

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marginalisation des citoyennes et des citoyens. Le rôle del’information est fondamental pour lutter contre ce fléau. Elleest vitale pour élargir les espaces de la transparence et del’intégrité. Pour combien de temps encore le Sénégalais qui atoujours été ignoré par des régimes arrogants sortira-t-il deson ghetto de simple sujet mineur pour devenir un citoyendebout ? La question mérite d’être posée, avec gravitéd’ailleurs, au moment où les plus informés d’entre nous sescandalisent, face au bilan présenté par l’Anoci. Puisse lalecture de cet ouvrage aider à voir plus clair dans lanébuleuse Anoci. Ce qui s’est passé entre 2004 etaujourd’hui heurte les consciences les plus assoupies, insultel’intelligence de la majorité des Sénégalais. Il urge donc detravailler à la réhabilitation de l’entité individuelle quereprésente le citoyen dans son contexte socio-économique.Cette réhabilitation est indispensable pour légitimer toutrégime démocratique, car elle constitue une garantie contredes cas de gestion comme celle décrite dans le cadre de laconduite de la mission de l’Anoci. L’agence prétendait êtreen route pour le sommet. Au finish, elle a plongé dans ungouffre à milliards.

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Remerciements ...........................................................................5Dédicace .....................................................................................7Avant-propos ............................................................................13Introduction ..............................................................................19

1. Le satisfecit de l’Agence ......................................................29L’esquive peu astucieuse de l’Anoci....................................33Certains membres du Conseil doutent..................................36Abdoulaye Diop rectifie Karim............................................43Le Ps et l’Afp en première ligne ..........................................46Le scepticisme de l’opinion .................................................48

2. Une grossière farce ...............................................................51Les contrevérités servies aux parlementaires .......................53Le sommet de 1991 et le contexte de l’époque ....................5526 milliards pour des villas jamais sorties de terre ..............59Besoin de justice ..................................................................60

3. L’offre de l’Anoci aux entrepreneurs ...................................63Entente entre entrepreneurs du BTP.....................................68La matérialisation du deal sur le terrain ...............................69

4. Neuf chantiers sur le départ ..................................................73Le taux de réalisation ...........................................................74

5. A l’origine, c’était un marché de 22 milliards......................79Le pilotage à vue des chantiers ............................................82Les couvertures légales ........................................................88La réalité des faits ................................................................89Les dépenses additionnelles sur la Corniche ouest ..............92

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6. L’ouverture du chantier de la Vdn........................................95Les indicateurs de performance de l’Anoci..........................99

7. Une belle réussite technique ...............................................101Un défi au bon sens en matière de gestion. ........................102

8. Patte d’Oie-Aéroport : coûts et consistance du marché......105

9. La route de Ouakam : un marché rendu caduc ...................107Une volonté de mise à mort confirmée. .............................108

10. Aéroport-Almadies- bretelle Méridien-virage..................109Autres projets .....................................................................110Chou blanc auprès des bailleurs .........................................110

11. Les dépenses extravagantes de l’Anoci ............................113750 millions pour aménager les bureaux du « prince »......113450 millions pour communiquer dans le Golfe..................115Autres dépenses de communication ...................................117Quand on nous mène en bateau, pour 8 milliards ..............118Les 26 milliards de la discorde...........................................122La rénovation du Méridien Président .................................12426 autres milliards hantent des villas fantômes..................128L’achat de limousines ........................................................130Un demi-milliard pour faire bédouin à la présidence.........131

12. Le total bilan de l’Anoci ...................................................133Un faux bilan......................................................................133Les Fonds mobilisés auprès des bailleurs ..........................135Les dépenses effectives de l’Anoci ....................................137Six milliards, le km de route construit ou élargi ................137Autres techniques de dépenses utilisées.............................138Les marchés éclatés............................................................139La technique des virements de crédits................................14118 milliards en 4 ans pour la liste civile du « Prince ».......142Au pays de Cocagne ou Neverland tropical .......................143Les dépassements budgétaires............................................146

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13. La caution des bailleurs ....................................................149La visite des experts du Fmi à l’Anoci...............................149Le Fmi conforte le manque de transparence ......................152

14. Thiès versus l’Anoci........................................................155La bataille des chiffres .......................................................155Dans la logique de la démarche de l’Ige ............................158Le détournement de procédure...........................................161

15. La mort programmée de Bara Tall ...................................165Le refus de Bara Tall de s’associer à une combine ............165La rancune née de la réalisation de l’autoroute..................168Un délit d’intégrité .............................................................174Le piège infernal ................................................................178Fatick-Kaolack : une farce dramatique ..............................181

16. L’Anoci, un projet politique .............................................187L’arme de la succession monarchique ...............................187La corruption, un moyen économique et politique ............189

17. Conclusion........................................................................195

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