Contribution Etude Evolution HO

Embed Size (px)

Citation preview

  • 7/31/2019 Contribution Etude Evolution HO

    1/24

    CONTRIBUTION LTUDE DE LVOLUTION DE LHOSPITALISATIONPSYCHIATRIQUE EN FRANCE,

    DE 1838 NOS JOURS.

    par

    Philippe BERNARDETCharg de recherches au C.N.R.S. 1

    A. INTRODUCTION :

    A loccasion de cet article nous voudrions concourir dfricher le terrain dune

    tude historique qui ne partirait pas du texte scientifique et de lhistoire des ides, ft-ellecelle des diverses polmiques, mais des applications et des rsultats dune pratique se voulantscientifique pour remonter jusquau discours acadmique qui les soutient et qui en est, envrit, indissociable. Sous ce rapport, lhistoire de lvolution de lhospitalisationpsychiatrique, en France, depuis la promulgation de la loi du 30 juin 1838, nous parat tre unterrain exprimental appropri, dans la mesure o la psychiatrie est une science jeune,toujours troitement dpendante, dans ses applications, et dans son organisation mme, despouvoirs publics et des politiques de scurit et de maintien de lordre.

    Il nous a paru par ailleurs ncessaire de limiter ltude la priode postrieure au30 juin 1838 dans la mesure o cette lgislation inaugure un retour linternement

    administratif, connu sous lAncien Rgime par le biais des Lettres de cachet , mais qui, endehors du cas durgence, connaissait galement lenfermement des insenss la suite dun jugement dinterdiction, seule procdure lgale qui subsista de 1788 1838. Cette lgislationde 1838 dfinit ainsi une unit contextuelle pour toute la priode considre. En outre,ltablissement dune dmographie hospitalire, propre au domaine, avant 1838, apparat trsproblmatique et demeure, aujourdhui encore, hors de notre porte. Dbuter ltude cettedate charnire nous parat donc dautant plus lgitime.

    Une actualit particulire motive galement ce travail de synthse.

    Rpondant le 12 mai 2003 la question crite du dput Arnaud Montebourg, le

    ministre de la sant a rcemment fait savoir que le dispositif lgislatif propre lhospitalisation psychiatrique sera soumis la discussion parlementaire dans le courant delanne 2004.

    Nous esprons donc contribuer enrichir les dbats. Au contraire de JacquesRoger, nous pensons en effet, comme Cdric Grimoult qu aucune objectivit historiquene peut tre atteinte avec une mthode qui vise la neutralit (2003, p. 159), pas plus quenous ne pensons que lhistorien des sciences devrait sabstenir duser du savoir actuel danslapprciation des ides primes.

    1 Centre dEtudes Africaines, CNRS-EHESS, 54, bd Raspail, 75006 Paris

  • 7/31/2019 Contribution Etude Evolution HO

    2/242

    Pour Jacques Roger lhistoire des sciences ne peut prtendre aucune valeurnormative : elle ne dit pas ce qui doit ou aurait d tre, elle dit ce qui a t, en essayant decomprendre pourquoi les choses ont t ainsi, et pas autrement (1995, p. 58). Elle nauraitpas davantage prononcer des jugements de valeur.

    Or, si lhistoire des sciences prtend noncer quelques propositions pertinentes surla ralit des choses, donc accder une certaine vrit scientifique, elle ne saurait sabstenirni dun jugement rtrospectif, sur ce qui a t, ni de certaines hypothses prospectives, non

    sur ce qui devrait tre, mais sur ce qui pourrait advenir si toutes choses taient gales parailleurs o si certains facteurs, reconnus comme dterminants dans le pass, devaientmaintenir leur influence. Dune faon gnral, dailleurs, lhistoire na dintrt que dans lamesure o la connaissance du pass permet de comprendre le prsent et, par suite, dclairerlavenir par la perception des dynamiques et des volutions en cours, donc de dterminerlaction. La science et lexprience acquise permettent, elles-mmes, une action et unetransformation de la matire autre que strictement alatoire ou hasardeuse.

    Nous voudrions encore prciser qu linverse du scientifique qui ne rvle pas ceque lhistoire des sciences tient habituellement pour anecdotique, cet article naurait jamais vule jour, du moins sous sa forme actuelle, si un vnement fortuit ne stait pas produit et qui,

    au regard de la recherche et de la mthode suivie jusqualors, pourrait bien relever du hasard.

    Le professeur Denis Buican devait en effet nous contacter par tlphone, en 1989,peu de temps aprs la publication de lun de nos prcdents ouvrages : Les Dossiers Noirs delInternement Psychiatrique. Il nous informait des tentatives dinternement dont il avait tlobjet de la part de la police parisienne qui, plusieurs reprises, lavait convoqu lInfirmerie Psychiatrique de la Prfecture de Police de Paris (IPPP) et au dispensairedhygine mentale de son quartier. Ce quil nous raconta ne nous surprit gure, compte tenudes informations rassembles depuis dj de nombreuses annes sur labus et larbitraire en cedomaine. La dimension politique de son affaire nous tonna cependant ; car si lhypothsedune utilisation directement politique de la psychiatrie ne pouvait tre carte, mme en

    France, en ce dbut de lanne 1981 o se situaient les faits dont il nous entretenait, cettehypothse ne paraissait toutefois envisageable que pour lavenir. Cette utilisation politique dela psychiatrie dans lancien bloc sovitique avait dj t assez largement dnonce dans lesannes 70-80. Elle semblait cependant relever de la science-fiction, concernant la France, moins de considrer la politique particulire de gestion des marginalits et exclusions detoutes sortes, voire de la petite dlinquance et de certains conflits quotidiens, par psychiatrieinterpose.

    A partir des informations que nous avions recueillies, une utilisation directementpolitique de la psychiatrie, tendant rprimer lexpression politique, ne semblait pas pouvoirtre confirme pour le prsent ou pour le pass proche. Depuis, dautres preuves dune telle

    utilisation ont cependant pu tre rassembles (Derivery et Bernardet, 2002) et le harclementpolicier dont le professeur Buican fut et continue dtre lobjet allant jusqu la tentativedinternement, a pu tre fermement tabli. En 1994, le tribunal administratif de Paris devaitannuler comme illgale sa squestration de prs de 24 h lIPPP. En 1996, le prfet de policede Paris dut reconnatre lexistence de la surveillance rapproche , officiellement mise enplace en 1980, et dont navait cess de se plaindre le professeur Buican. Les services de policelavait toujours nie pour mieux suggrer que lintress se faisait des ides. Elle semble enralit bien antrieure, puisquune note blanche des Renseignements gnraux de dcembre1980, adresse lIPPP, mentionne des faits remontant 1975. Les services spciaux de lapolice lui reprochaient, entre autres, davoir particip un meeting dAmnesty International

  • 7/31/2019 Contribution Etude Evolution HO

    3/243

    de soutien Sakarov et davoir crit plusieurs articles dans le journal Le Monde Cesprovocations policires et cette vellit dinterner, ntaient autres quune vritable tentativedassassinat moral et politique dun chercheur de renom international qui avait eu le malheurde dplaire en critiquant, dans la presse franaise, certaines pratiques des services de police.

    De ces faits est ne une collaboration qui devait nous conduire nous intresserplus srieusement lhistoire de la psychiatrie, en reliant les faits jusqualors collects aux

    doctrines et thories sous-jacentes. Ce qui suit se limite nanmoins mettre en lumirelvolution de la dmographie hospitalire psychiatrique de 1838 nos jours en la rapportantaux conceptions juridiques et politiques qui la supporte, rservant ltude des grands courantsde pense qui ont travers la science psychiatrique et qui en constitue le corpus un autreouvrage.

    B. EVOLUTION DE LA DEMOGRAPHIE HOSPITALIERE EN PSYCHIATRIE ETPLACEMENTS SOUS CONTRAINTE :

    Le 30 juin 1838, la Chambre des Pairs de France adopte la premire loi spcifiqueaux alins. Elle dfinit deux modalits dinternement. Lune sur ordre du prfet (placementdoffice, actuellement hospitalisation doffice ou HO), lautre la demande dun tiers au vudun certificat mdical rdig par un mdecin extrieur ltablissement daccueil, seprononant sur les particularits de la maladie, ltat dalination de la personne et la ncessitde la maintenir enferme.

    Pour lannes 1847, les Annales Mdico-psychologiques (juil.-dc., 1872) fonttat de 7 686 internements. Leur croissance est particulirement nette durant tout le SecondEmpire. Ils triplent en sept ans pour dpasser 30 000 personnes internes en 1860 et semblentse stabiliser autour de 60 000 75 000 personnes ds 1 890. Il convient de remarquer que ceschiffres sont cohrents avec un rythme de nouvelles admissions de 1000 par an entre 1850 et

    1870, et denviron 1 700 2 000, partir de 1870 avec des sorties limites dues, pourlessentiel, aux dcs. Il faut en effet attendre la fin du XIXe sicle pour voir progresser defaon sensible le nombre des sorties par gurison.

    Une seconde rupture apparat durant lentre deux guerres, priode durant laquelleon voit la population interne passer de plus de 92 500 personnes en 1920 plus de 150 000en 1940.

    La seconde guerre mondiale permet, avec plus de 40 000 morts dans les hpitauxpsychiatriques, de retrouver les chiffres du dbut du sicle.

    Une troisime envole du nombre de personne admises sobserve au sortir du

    dernier conflit mondial.Toutefois, comme lon sait, cette reprise nest plus due la croissance desinternements, mais celle des hospitalisations dites libres ; croissance spectaculaire partir de1970. A la vrit, de 1950 1970, le nombre de personnes admises, chaque anne, doffice,ou la demande dun tiers, oscille entre 70 000 et 90 000 et la dure des sjours continuelargement de dcrotre, confirmant un phnomne amorc avant mme la premire guerremondiale.

    A partir des annes 60, le nombre des admissions annuelles tend lemporter surle nombre des personnes prsentes au 31 dcembre de lanne. En 1971, le nombre de

  • 7/31/2019 Contribution Etude Evolution HO

    4/244

    personnes prsentes lhpital psychiatrique culmine ainsi prs de 123 000 personnes, pourprs de 172 000 admissions. Par la suite, le nombre des prsents ne cesse de dcrotre pouratteindre 82 550 personnes en 1984.

    Au 31 dcembre 1995, la capacit hospitalire en lits dhospitalisation complte(tablissements publics et privs confondus) tait tomb 75 777 (Strohl et Clmente, 1997,p. 88). Elle nest plus que 71 280 en 1997 (Piel et Roelandt, 2001, p. 14) et serait infrieure 50 000 en 2003 (Sylvie Pron, Libration, 6 juin 2003), de sorte quil est possible dvaluer,

    de nos jours, environ 40 000 personnes, le nombre de celles prsentes, lhpital la fin delanne. En effet, de nombreuses fermetures de lits dhospitalisation complte ont encore eulieu ces dernires annes, alors que le taux doccupation atteint 83 %. Inversement, lesadmissions annuelles connaissent, dans le mme temps, un essor extraordinaire, passant de172 000 en 1971 plus de 298 000 en 1984 pour atteindre prs de 487 000 admissions, en1999.

    En 1985 les admissions sous contraintes reprsentaient moins de moins de 9,8 %du total des admissions. Ce taux est pass 11 % ds 1990, puis 13 % au milieu de ladcennie pour atteindre 13,7 % en 1999 et dpasser aujourdhui les 14 %. Entre 1980 et 2000le nombre des hospitalisations sous contrainte sest accru de prs de 150 %. Si le nombretotal des admissions a connu une croissance galement trs importante, elle demeure

    cependant moins forte que celle des placements sous contrainte. Durant les vingt derniresannes, le taux de croissance est de lordre de 50%. Ainsi, alors que depuis la seconde guerremondiale, le nombre des mesures autoritaires avait brusquement chut sur une dcennie,passant denviron 90 000, en 1970, moins de 28 000, en 1980, un phnomne exactementinverse sobserve, surtout depuis 1985 et ne cesse de se renforcer, au point quil est possibledestimer aujourdhui plus de 80 000, le nombre des admissions sous contrainte et prs de600 000 le nombre total des admissions en 2003.

    C. DE L ALIENATION MENTALE AUX TROUBLES MENTAUX :

    Lvolution de la dmographie hospitalire correspond videmment unevolution des pratiques qui nont cess de se dvelopper toujours davantage dans lillgalit etlarbitraire le plus total puisquelles ont trs vite largement dbord le cadre lgal delinternement psychiatrique tel quorganis par la loi du 30 juin 1838.

    I. PORTEE DE LA LOI DU 30 JUIN 1838 :

    1) Dfinition juridique de lalination mentale et gestion des mdico-lgaux:

    La loi de 1838 ne lgifrait que pour les alins , non pour lensemble dessupposs malades mentaux et moins encore pour les personnes atteintes de simples troublesmentaux ou prsentant seulement des troubles du comportement plus ou moins importants.Lancien article L. 336 du Code de la sant publique, issu de larticle 11 de la loi, prvoyait eneffet que le certificat de quinzaine devait indiquer le retour plus ou moins frquent des accsou des actes de dmence . Ainsi, linternement psychiatrique, y compris le placementvolontaire, ne pouvait-il concerner que les alins dfinis comme les malades mentaux lesplus graves, cest--dire ceux sujets de frquents accs ou actes de dmence.

  • 7/31/2019 Contribution Etude Evolution HO

    5/245

    La grande innovation de la loi de 1838 fut de crer une obligation pour lesdpartements de se doter dtablissement spcialement rservs aux alins ou de traiterspcialement cet effet avec des tablissements privs. Lautorit ministrielle, par le biais durglement modle type, galement prvu par la loi, tait charge de dterminer les normesspcifiques ces tablissements et les rapports internes ces nouvelles structures. Celapermettait, dune part, de sparer de la clinique une population qui encombrait lhpitalgnral et les prisons, dautre part, dassurer la gestion des personnes objets de larticle 64 du

    Code de pnal de 1810, lequel disposait : il ny a ni crime ni dlit, lorsque le prvenu taiten tat de dmence, au temps de laction ou lorsquil a t contraint par une force laquelle ilna pu rsister . De fait, ce nest qu partir de 1852, que des ordonnances de non-lieufondes sur cet article furent prises de faon plus systmatiques (Piernikarch, 1989). Il fallaiten effet quau pralable, lapplication de la loi de 1838 ait abouti la cration destablissements qui leur seraient rservs et que cette population puisse y tre prise en charge,sans divaguer sur la place publique. En toute logique, donc, seules les personnes ayant tlobjet au moins une fois dun article 64 du Code pnal et prsentant un comportementmontrant quelles pouvaient tre frquemment sujettes ce genres dactes, auraient d se voirappliquer les mesures de placement prvues par la loi du 30 juin 1838. Au dbut du XXesicle, le nombre des placements doffice lemportait encore largement sur les placement la

    demande dun tiers : 56 286 P.O., contre 15 271 P.V., soit 79 % de P.O contre 21 % de P.V.

    Demeure nanmoins une difficult : quest-ce que ltat de dmence de larticle64 du Code pnal ? En 1865, Linas rpondit cette dlicate question dans un article duDictionnaire encyclopdique des sciences mdicales. Ce nest videmment pas celle de lanosographie psychiatrique lorsquelle parle, notamment, de dmence prcoce ou de dementia paralytica (paralysie gnrale), phase ultime de la syphilis. Linas se flicitait, delacception trs large donne dans le Code pnal quil commentait ainsi :

    Tout le monde maintenant saccorde proclamer la sagesse de la loi qui, enempruntant la vieille terminologie juridique lexpression alors vague et gnrale de dmence() a pris tche de ne rien spcifier, afin de ne point circonscrire les apprciations du juge

    dans le cercle troit et infranchissable dune dfinition limitative (). Par dmence, disentMM. Adolphe Chauveau et Faustin Hlie, on doit entendre, puisque aucun texte nen arestreint le sens, toutes les maladies de lintelligence, lidiotisme et la dmence proprementdite, la manie dlirante et la manie sans dlire (cest--dire la manie affective), mmepartielle. Toutes les varits de laffection mentale, quelles que soient les dnominations queleur applique la science, quelque classification quelles aient reue, revtent la puissance delexcuse et justifient laccus, pourvu que leur influence sur la perptration de lacte puissetre prsume . Ainsi, il importe peu que lgarement ou la perte de la raison soient absolusou incomplets, que la folie soit permanente ou passagre, gnrale ou partielle. Ce que la loiexige, pour dgager lagent de sa responsabilit, cest quil soit atteint dune maladie mentalequelconque, sans distinction de nature, de forme, ni de dure ; cest que cette maladie ait t

    assez puissante pour suspendre ou aveugler son discernement, enchaner son libre arbitre etexercer sur sa volont une contrainte laquelle il na pu rsister (Linas, 1865, pp. 133-134).Ds la seconde moiti du XIXe sicle, lacception est donc assez large et se rsume pourlessentiel la pathologie mentale assez puissante pour ter le discernement et exercer unecontrainte irrpressible sur la volont.

  • 7/31/2019 Contribution Etude Evolution HO

    6/246

    2) La logique du texte :

    Les dbats la Chambre des Pairs, comme les discussions dans lesquelles lesalinistes tels Ferrus, Falret, Esquirol et Favre sont intervenus, montrent que la logique dutexte ntait pas de crer deux rgimes distincts dinternement concernant deux populationsprsentant des troubles mentaux particuliers : le placement volontaire, dune part, qui auraitt rserv aux malades mentaux les moins atteints, ne prsentant aucune dangerosit

    particulire, et, de lautre, le placement doffice, limit aux seuls alins dangereux. La loi nevisait en ralit quune seule et mme population : les alins sujets de frquents actes ouaccs de dmence et par suite, prsentant un danger pour lordre public ou la sret despersonnes sils taient laisss en divagation sur la chausse. Cette notion de frquencesuppose mme que les personnes susceptible de relever de linternement dans quelque asiledalins auraient d bnficier, plusieurs reprises des dispositions de larticle 64 du Codepnal, pour que lon puisse srieusement envisager leur internement. Un acte de dmenceisol motivant une ordonnance de non-lieu sur le fondement de larticle 64 du Code pnaltait lvidence insuffisant pour considrer la personne comme aline au sens de lancienarticle 11 de la loi.

    Celle-ci rservait en outre une primaut la dcision des familles, lesquelles sevoyaient confirmer la possibilit de provoquer le placement de leurs membres alins danslun des tablissements tablis cette fin, par la loi. Par la cration de ces asiles, ledpartement venait galement en aide aux familles pour porter assistance leurs membresatteints par lalination mentale. Par surcrot, elle garantissait aux familles, mme en casdhospitalisation doffice, un droit de choix de ltablissement daccueil, et notamment deltablissement priv, sous rserve que cet tablissement soit habilit par lautoritministrielle et le prfet du dpartement, recevoir de tels alins. Lavis que le prfet devaitdonner la famille, en cas de placement doffice, permettait celle-ci dintervenir pourobtenir le placement de leur membre dans ltablissement de leur choix, notamment priv.

    En dehors de lintervention de ladministration, muni dun certificat mdical dun

    mdecin extrieur ltablissement daccueil et en formulant une demande expresse,manuscrite, un membre de la famille, voire tout proche ou ami de lintress, pouvait obtenirdu chef dtablissement, linternement et la prise en charge de lalin avant mme queladministration prfectorale ait se prononcer.

    Il est vident que lorsque lalin tait ainsi secouru, il ne pouvait pascompromettre lordre public ou la sret des personnes, lentourage, ventuellement familial,ayant fait le ncessaire pour viter lapparition dun tel danger en provoquant son internement volontaire . Le danger ne pouvait apparatre que si ce dernier ntait pas assist et si ledsintrt familial ou labsence de tout proche susceptible de laider, risquaient de le laisserdivaguer sur la place publique. Cest alors que lautorit municipale ou prfectorale disposait,

    par le biais des mesures provisoires ou du placement doffice direct, de la possibilit dagir.La police administrative intervenait ainsi titre subsidiaire, pourrait-on dire, en lieu et placede la famille et du voisinage dfaillant. Le danger ne rsultait pas, proprement parler, dunepathologie mentale particulire, mais de labsence de prise en charge familiale ou delentourage laissant lalin son triste sort.

    Comme nous le verrons plus loin, sous leffet conjoint, dune part, dudveloppement des moyens de traitement, dautre part, dune organisation toujours plusadministrative du soin, la pratique a tendu accrotre le champ dapplication de la loi despersonnes que lon naurait auparavant jamais song enfermer. Cette extension a galement

  • 7/31/2019 Contribution Etude Evolution HO

    7/247

    dbouch sur la cration des populations distinctes dalins, puis de malades mentaux, sur labase dune dangerosit intrinsque certaines pathologies mentales, par opposition dautrescenses ne pas prsenter de tels risques, mais qui relevaient cependant du placement du fait delinconscience de leur tat. Le rapport entre placement doffice et la demande dun tierstendit, alors, sinverser. Dune loi de sret et dassistance aux alins, les praticiens enfirent ainsi une loi de contrainte de soins au fur et mesure que la clinique psychiatrique sediversifia, tant sur le plan thorique que pratique, par la mise en uvre de moyens nouveaux

    de traitement et laffinement corrlatif de la nosographie.

    La notion dalination mentale et dalin se dissout alors au point de disparatrepratiquement totalement du discours mdical, partir de la seconde moiti du XXe sicle, lexception de la pratique expertale appele rpondre aux questions du juge, lequel continuede sy rfrer. Il sagit fondamentalement, on le voit, dun concept juridique directement issude la loi du 30 juin 1838, appropri par les mdecins et alinistes durant plus dun sicle.Aujourdhui, mme dans le discours juridique, la notion dalination tend, en France, disparatre. Mais, pour parvenir ce terme, il fallut remplacer la loi du 30 juin 1838 par celledu 27 juin 1990, substituant le simple trouble mental l tat dalination .

    II. ACTUALITE DU CONCEPT DALIENATION MENTALE :

    Pourtant, larticle 5 1 e) de la Convention europenne de sauvegarde des droitsde lhomme et des liberts fondamentales renvoie explicitement la notion d alin et nedistingue pas plusieurs catgories de patients pour justifier un internement. Par arrtWinterwerp contre Pays-Bas du 24 octobre 1979, la Cour europenne des Droits de lHommea rappel ce quil fallait entendre par alination :

    La nature mme de ce quil faut dmontrer devant lautorit nationalecomptente, souligne-t-elle, -un trouble mental rel- appelle une expertise mdicale objective.

    En outre, le trouble doit revtir un caractre et une ampleur lgitimant linternement. Qui plusest, ce dernier ne peut se prolonger valablement sans la persistance de pareil trouble .

    Ainsi, mme du point de vue actuel de la Cour europenne des droits de lhomme,la simple existence dun trouble mental ne saurait suffire lgitimer un internementpsychiatrique. La gravit et la permanence de tels troubles doivent galement tre constats.

    La jurisprudence nationale sest elle-mme prononce en ce sens jusqu loredes annes 90. La Cour dappel de Bordeaux, par arrt du 2 mars 1987, a ainsi pu ordonnerllargissement de M. Ren Chauffour, contre lavis des experts nationaux dsigns par lesmagistrats, au motif quil nest pas apport la dmonstration que laffection mentale de

    lappelant aline celui-ci dans une mesure telle que son tat le rend dangereux pour lui-mmeou autrui, dmonstration ncessaire pour dcider que doit tre maintenue la mesure privativede libert dcide par larrt de placement doffice du 18 janvier 1985 .

    Sans nier laffection mentale constate par les experts, la Cour souligne ainsi quela preuve du caractre alinant dune telle affection nest pas rapporte. Elle conclut, sur ceseul fondement, la sortie immdiate ; ltat dalination pouvant seul justifier uninternement, non un simple trouble psychique ou neuropsychique.

    Dans une ordonnance particulirement claire, M. dAlreroche, prsident duTribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, devait, peu de temps avant dtre promuPremier prsident de la Cour dappel de Riom, rappeler que la loi du 30 juin 1838 est une loi

  • 7/31/2019 Contribution Etude Evolution HO

    8/248

    de sret et dassistance, non de contrainte aux soins, et ordonner, sur cette base,llargissement immdiat de Mlle Marie-Antoinette Boucheras qui avait t interne alorsquelle sopposait de faon vhmente aux menes des chasseurs dans sa proprit. Cemagistrat motiva son ordonnance en ces termes :

    Le rapport des trois experts stphanois napporte nullement la dmonstrationque laffection mentale de Mlle Boucheras aline celle-ci dans une mesure telle que son tatactuel la rend dangereuse pour elle-mme ou autrui ().

    Mlle Boucheras ne saurait tre prie de sa libert au seul motif que du fait de soncomportement provocateur, pourraient survenir des violences ractionnelles de la part de sesvoisins .

    Dans une ordonnance du 27 avril 1988 (affaire Miara Luki), le Prsident dutribunal de grande instance dEvry, pour fonder sa dcision de sortie, contraire lavis desexperts, rappelle pour sa part : Il doit tre rpondu en droit que le placement doffice nestpas une prescription thrapeutique, mais une mesure de police qui doit tre strictement limiteaux cas prvus par la loi .

    Dans une affaire soumise Thierry Fossier, Prsident du tribunal de grandeinstance de Libourne (Mlle C., 15 juin 1989), le procureur de la Rpublique a pu stonner de lusage du placement doffice pour faire suivre un traitement doffice et conclure la

    mainleve de la mesure de placement. De son ct, le Prsident de ce tribunal devait soulignerque le recours au placement doffice nest pas un substitut une carence ou, en lespce, une difficult passagre de communication entre un suivi mdical et un patient et a, parsuite, ordonn la sortie immdiate.

    Cette jurisprudence salutaire ne devait cependant pas faire obstacle lextensiondu champ de la contrainte par la prolifration des pratiques tout aussi irrguliresquillgitimes de nombreux patients, que la rforme du 27 juin 1990, loin rfrner, tend lgaliser.

    III.

    LA PORTEE DE LA LOI DU 27 JUIN 1990 :1) Les consquences de la substitution du trouble mental l alination

    mentale :

    La loi du 27 juin 1990 substitue le trouble mental , alination , sans mmeen prciser le degr de gravit de laffection, si ce nest quen cas dhospitalisation lademande dun tiers, les troubles en question doivent rendre impossible le consentement auxsoins, alors que des soins immdiats simposent sous surveillance constante en milieuhospitalier (art. L. 3212-1 du Code de la Sant Publique). En cas dhospitalisation doffice, lestroubles mentaux doivent tre associs un danger pour lordre public ou la sret des

    personnes, sans quil soit prcis que ce danger doit rsulter de la pathologie mentale delintress (art. L. 3213-1 du CSP). Ainsi, une situation dangereuse pour nimporte qui, tellequun conflit exacerb provoquant, de la part de la victime, une lgitime colre, vaudra celle-ci dtre interne, ds lors quelle souffre, par ailleurs, de troubles mentaux, mmelgers et que le danger en question ne rsulte pas de son tat de sant. Ce simple changementde terme met ainsi en jeu la nature de la contrainte. Mais il est vrai que le lgislateur ne vientici que valider lvolution des pratiques coercitives et tendre encore plus, leur champdapplication.

  • 7/31/2019 Contribution Etude Evolution HO

    9/249

    En cas d alination , en effet, lintervention administrative demeure lgitime ettout fait compatible avec la mesure de police quest tout enfermement. Dans le cadre dunsimple trouble mental, son intervention perd, en revanche, un tel fondement et ncessite une

    justification mdicale exclusive. Ainsi, la loi du 30 juin 1838 prvoyait-elle quen cas dedanger imminent attest par un certificat mdical ou par la notorit publique, lescommissaires de police Paris et les maires, dans les autres communes, prendraient toutesmesures provisoires utiles. La notorit publique suffisait. En cas de placement doffice,

    dcid par le prfet, la loi nimposait pas lautorit prfectorale de sappuyer sur uncertificat mdical, mme si lextension du champ de la contrainte a naturellement conduitladministration sentourer de cette garantie dont la ncessit fut affirme par le ConseildEtat ds 1911 (arrt dame veuve Fervel).

    Mais, dans le cadre dune telle extension du champ de la contrainte,lenfermement lui-mme, qui ne saurait gure trouver de relles justifications mdicales, perdtoute lgitimit. Aussi, rformant lancien article L. 333 du Code de la sant publique relatif aux modalits de placement volontaire, cest--dire la demande dun tiers, le lgislateur de1990 a-t-il purement et simplement supprim dans la loi toute rfrence la ncessit de tenir enferme la personne concerne. La loi devient ainsi, delle-mme une simple loi de

    contrainte aux soins et non plus seulement de sret et dassistance.

    En voulant substituer au placement doffice , le placement thrapeutiqueobligatoire et au placement volontaire , le traitement thrapeutique sur demande , leministre de la sant, Claude Evin et surtout ses conseillers, M. Bauduret et toutparticulirement M. Jean Claude Chastanet, la cheville ouvrire, en ce domaine, de laDirection Gnrale de la Sant-, navaient pas cach leur intention de transformer, par ceprojet de rforme, la vieille loi de 1838 en une loi de contrainte aux soins. Les protestationsqui ont suivi la publication du projet lon dissuad de prciser aussi nettement le rel objet desa rforme. Toutefois, malgr la sanction des tribunaux administratifs, la lgalisation dessorties lessai, assorties dune surveillance mdicale (ancien art. L. 350 du CSP), bientt

    transformes en un rel suivi mdical avec obligation de soin sous menace, autrement, derinternement, fut lun des principaux objectifs de la rforme.Le 15 mai 1990, lors des dbats lAssemble nationale, le ministre de la sant,

    Claude Evin dclarait expressment : Le texte ralise () une autre avance importante enlgalisant une pratique trs ingalement utilise car elle reposait sur une circulaire de 1957sans fondement lgal . Faut-il rappeler que la pratique dont il est question, ici, est celle ducorps mdical hospitalier, les sorties lessai tant mises en uvre la demande de cesderniers, en cas dH.P., et sur dcision de ces mdecins, en cas de placement la demandedun tiers. La substitution du trouble mental l alination , et de l hospitalisation lenfermement va naturellement dans le mme sens dune mdicalisation accrue de lacontrainte.

    En 1990, nous crivions : Plutt que de faire voter en toute hte un texteambigu, sous prtexte de lactualit du bicentenaire, ne vaudrait-il pas mieux organiser unelarge consultation et susciter les dbats sur lutilit et les dangers de la contrainte de soins ?Car enfin, ne voit-on pas que sont en cause, ici, les liberts fondamentales duser de son corpset de son esprit ? Une fois de tels textes vots, il sera trop tard pour revenir en arrire.

    Il aura fallu plus de 150 ans pour rformer la loi du 30 juin 1838. Craignons quilen faille autant pour rformer un texte qui lgaliserait la contrainte de soins et confrait ladministration le pouvoir den dcider.

  • 7/31/2019 Contribution Etude Evolution HO

    10/2410

    Les effets pervers dune telle conception se retrouvent dans le texte mme duprojet ministriel, notamment larticle L. 332 o il est crit :

    Lorsquun malade hospitalis dans un tablissement autre que ceux mentionns larticle L. 331 est atteint dun trouble mental lui retirant le contrle de son comportement, ildoit tre transfr dans les quarante huit heures dans lun des tablissements habilitsmentionn larticle L. 331 selon lune ou lautre des procdures dcrites au chapitre III .

    Ainsi, quelquun atteint de mningite, hospitalis dans un service de mdecine

    gnrale et qui, du fait de son affection prsentera des troubles mentaux lui retirant lecontrle de son comportement , devra obligatoire tre transfr, doffice ou la demandedun tiers. Ds lors, la contrainte de soin ne sapplique pas seulement au malade maisgalement au mdecin ! La libert de traitement se dissout totalement.

    La contrainte de soins ainsi conue conduit la ngation de toute libert pour lepatient, mais elle porte galement atteinte celle du mdecin. Voil, en vrit, une biencurieuse faon de fter le bicentenaire de la Dclaration des Droits de lhomme et du Citoyenet de promouvoir les droits des personnes hospitalises en raison de troubles mentaux.

    2) La mise en place de la contrainte aux soins ambulatoires par la lglisation

    et le dtournement des sorties dessai :Lvolution des pratiques qui suivit la promulgation de la loi du 27 juin 1990

    devait malheureusement confirmer la justesse de nos inquitudes. En effet, depuis ladoptionde ce texte, il ny a pratiquement plus de sortie dHO directe. La plupart des personnesadmises sous ce rgime sortent de lhpital, non en sortie directe, mais sous le rgime de lasortie lessai. Ce mode de sortie se gnralise galement pour les personnes initialementadmises en HDT (hospitalisation la demande dun tiers). Sur 46 dpartements ayant fournides chiffres sur le sujet, pour lanne 1999, 11 186 mesures de sortie dessai sous HDTavaient t prononces.

    Concernant les HO, sur 75 dpartements ayant fournis des donnes pour la mme

    anne, 7 575 mesures de sortie dessai sous HO avaient t prises alors que pour lensemblenational lon avait enregistr 8.931 admissions sous HO. Autant dire que, depuis cette date, ilny a pratiquement plus de sortie directe sous HO.

    LHO se dessine ainsi comme la voie royale daccs la contrainte de soinsambulatoire. Nous verrons, plus loin, limportance dune telle remarque, lorsquil sagira derendre compte grand traits, des actuels projets de rforme.

    3) Les nouvelles pratiques illgales, induites par la loi du 27 juin 1990 :

    A son tour, la loi du 27 juin 1990 a permis de dvelopper de nouvelles pratiques

    tout fait illgales. Toutes les CDHP (Commissions dpartementales des hospitalisationspsychiatriques) notent un envol des admissions sous HDT en urgence, procdure permettantde se dispenser de recueillir lavis dun mdecin extrieur ltablissement. Cette urgence ne correspond bien souvent aucune situation concrte, si ce nest celle de contourner la loi etde se dispenser du regard extrieur que reprsente lavis du mdecin non attach ltablissement, habituellement requis en cas de procdure dadmission sous HDT.

    La gnralisation des sorties lessai, transformes petit petit en suivipsychiatrique obligatoire ambulatoire, durant des annes, voire en contrainte irrgulire desoins domicile avec menace ventuelle de rinternement lorsque la personne refuse de

  • 7/31/2019 Contribution Etude Evolution HO

    11/2411

    cooprer, est certainement le phnomne le plus massif de ces dtournements prvisibles de laloi par la pratique.

    Comme il fallait sy attendre, ces nouvelles drives, en ralit suscites parladministration centrale qui, depuis fort longtemps cherche implanter un systme decontrainte de soin domicile pour assurer, au moindre cot, et par la chimie, le contrle despopulations marginales ou risque, furent bientt lobjet dune nouvelle validation ou

    lgalisation, par le truchement des rformes annonces depuis 1997.

    IV. LES REFORMES ANNONCEES :

    Lors des Etats Gnraux de la Psychiatrie qui se sont tenus Montpellier, en juin2003, le Ministre de la sant a prcis que la question de la rforme de la loi du 27 juin 1990relative aux droits et la protection des personnes hospitalises en raison de troubles mentauxet leurs conditions dhospitalisation serait bientt examine sur la base, notamment, du bilanralis en septembre 1997 par le Groupe National dEvaluation, compos de membres deladministration centrale, de divers psychiatres et de reprsentants du personnel soignant, des

    familles et des patients.

    1) Les propositions du Groupe National dEvaluation de mars 1997 :

    Pour lessentiel, ce Groupe proposait :

    -la cration de ce qui a t appel une garde vue sanitaire de 72 heures,consistant permettre aux directeurs des tablissements hospitaliers dadmettre, sans aucuneformalit, toute personne qui leur serait adresse, prsentant des troubles mentaux etcomportant un danger pour elle-mme ou autrui, charge, pour les mdecins hospitaliers, de

    recueillir le consentement aux soins, dans le dlai de 72 h.-en labsence de consentement, aprs ces 72 h de traitement intensif, lautoritprfectorale aurait la facult dordonner la prolongation du traitement sous hospitalisationdoffice.

    Le Groupe National dEvaluation proposait ainsi la suppression pure et simple delhospitalisation la demande dun tiers, et de concentrer entre les mains du prfet, tous lespouvoirs de contrainte, ce dernier agissant dsormais comme autorit sanitaire et non plusseulement comme chef de la police.

    Il prconisait galement, la possibilit dune mise en uvre dun traitementambulatoire obligatoire, ordonn par le prfet aprs lhospitalisation doffice. Il prconisait

    enfin de limiter, dans le temps, les sorties lessai, dont la dure na cess de sallongerdepuis la rforme du 27 juin 1990. Nous retrouvons donc ici lhospitalisation doffice, voieroyale du traitement ambulatoire obligatoire, qui sest dessine tout au long de la dcennie desannes 90.

    Ces propositions centrent ainsi lensemble du dispositif sur lurgence. Pourtant,dans lurgence, on ne peut gure affiner la prise en charge, ni approcher la singularit dupatient. Tous les urgentistes le savent : dans lurgence on traite des masses. On ne peutatteindre lindividu, alors que la fonction mme de la psychiatrie est de permettre le traitementdu patient, dans ce quil a de plus intime et dans ce qui le touche le plus profondment.

  • 7/31/2019 Contribution Etude Evolution HO

    12/2412

    Organiser le soin psychiatrique en partant de lurgence, cest donc vicier tout le dispositif desoin, comme rendre impossible un soin psychiatrique de qualit. Cest, lvidence, vicier lamdecine. Cest donc dire aussi que, dans lorganisation du soin psychiatrique et dans ladfinition de la norme juridique, entrent en ligne de compte des lments radicalementtrangers la clinique. Cest mme dire quen France ces impratifs, extrieurs la cliniquesur lesquels il nous faudra revenir, priment sur lorganisation mdicale du soin et que lascience demeure troitement soumise et dirige par des intrts qui lui sont trangers. Mais,

    nest-ce pas le propre de toute discipline scientifique nouvelle ? Lhistoire de ce lentaccouchement de la science pour gagner son autonomie relative reste crire.

    2) Les propositions du rapport Piel et Roelandt de juillet 2001 :

    Cest pourtant la mme dmarche que celle du Groupe National dEvaluation,quont repris les experts Eric Piel et Jean-Luc Roelandt dans leur rapport de mission de juillet2001, tabli la demande des ministres Gillot et Kouchner. Il est vrai que, comme lesrapporteurs lindiquent en page 57 de leur rapport, ils se sont contents, pour lessentiel, dereprendre leur compte les propositions prsentes par le bureau de la sant mentale de la

    DGS .

    Tout en adoptant le principe dune observation informelle de 72 h avec soinscontraints, les Drs. Piel et Roelandt ont cependant entendu substituer le juge des tutelles auprfet, pour dcider, ensuite, de la prolongation de lhospitalisation sous contrainte. A justetitre relevaient-ils que lhospitalisation sous contrainte constituait une atteinte la libertindividuelle, dont le juge judiciaire est le naturel gardien. Aussi convenait-il selon eux deretirer dfinitivement ladministration le pouvoir den dcider. Position courageuse qui,manifestement ne fut pas du got de tout le monde. Mais les experts nont pas vu que ceretrait du pouvoir de dcision de ladministration au profit dun contrle judiciaireautomatique est le seul moyen du renforcement de lindpendance du mdecin et de

    lautonomie relative de la science, alors que celle-ci demeure, aujourdhui encore enpsychiatrie, largement sous tutelle de ladministration.Cette judiciarisation du projet de rforme a fortement dplu la DGS qui a publi

    le rapport des Drs. Piel et Roelandt, en en supprimant la conclusion partir de la page 93,intitule : Une loi cadre , bien quannonce dans le sommaire du rapport Puis, lautoritministrielle sollicita du Dr. ROELANDT la rdaction dun nouveau rapport, en 2002, qui nyfera plus rfrence bien quelle traitt de La Dmocratie Sanitaire dans le Champ de la SantMentale. Parler en loccurrence de dmocratie sanitaire , lorsquon en a t la pierreangulaire est un triste exemple de manipulation idologique.

    Notons que la substitution du juge des tutelles lautorit prfectorale avait dj

    t propose au Snat par la Commission des lois, prside lpoque par M. Dreyffus-Schmidt, vice-prsident du Snat (avis n 241, seconde session ordinaire de 1989-1990). Maiscette proposition avait t rejete 12 voies prs bien que lensemble des snateurs socialisteset communistes, ainsi que certains snateurs de droite et du centre eussent vot pour cettecontre-proposition. Le projet de loi gouvernemental manait cependant dun gouvernementsocialiste. En cette matire, en effet, les votes ne suivent pas ncessairement les clivagespolitiques habituels, car de nombreux intrts sont en jeu sur lesquels il nous faudra revenir.

    Confier au juge des tutelles le soin de dcider dune mesure aussi exorbitantequun internement psychiatrique, ne parat pas compatible avec la meilleure dfense des droits

  • 7/31/2019 Contribution Etude Evolution HO

    13/2413

    de lhomme, dans la mesure o la garantie fondamentale doit tre ici le dbat contradictoire,dailleurs assur, depuis la rforme du 2 fvrier 1981, en cas de procdure de sortie judiciaire.Le juge des liberts et de la dtention, saisi dune telle demande de sortie doit, en effet,organiser un dbat contradictoire selon les termes de lactuel art. L. 3211-12 du Code de lasant publique (ancien art. L. 351). Donner au juge des tutelles, le soins de dcider desplacements, cest se priver du dbat contradictoire. Le juge des tutelles a toujours statu enmatire gracieuse, donc sans organiser de dbat entre des parties adverses. Cest donc loin

    dtre le magistrat le plus mme dorganiser une telle procdure. En matire de tutelles, ilsagit seulement dorganiser la protection de la personne qui, de ce fait, est cense navoiraucun adversaire. Elle peut mme ne pas tre informe de la procdure en cours et lavocat nepeut obtenir copie du dossier. Il sagit l dune juridiction aux petits pieds qui ne rpondabsolument pas aux ncessits de protection des droits de lHomme.

    Les experts Piel et Roelandt se prononaient par ailleurs clairement pour lasuppression de lInfirmerie Psychiatrique de la prfecture de police, alors que le GroupeNational dEvaluation, notant les critiques que lon pouvait diriger lencontre de cetteinstitution, entendait la rserver la gestion des mdico-lgaux.

    LIPPP fut en effet la cause dun grand nombre de drives dont le professeurDenis Buican fut lune des plus clbres victimes. Il est peu probable que le doublement deshospitalisations doffice sur Paris, ces dernires annes soit tranger une politiquescuritaire renforce au niveau de la prfecture de police. Dj, Champenois-Marmier etSansot avaient not le lien entre la variation des admissions lIPPP et, par suite, desplacement doffice ordonns par le prfet de police de Paris, et la conjoncture politique.Rappelons que depuis quelques annes, les hospitalisation doffice reprsentent dsormais20% des admissions sur la capitale, contre 1 3 % dans tous les autres dpartements !

    3) Les propositions du rapport Clry-Melin de septembre 2003 :

    A la suite des dclarations de lactuel ministre de la sant aux Etats Gnraux dela Psychiatrie de Montpellier de juin dernier, le Dr. Clry-Melin a dpos le 15 septembre2003, un nouveau rapport, tabli la demande de lautorit ministrielle. Il rapport insistesurtout sur la prtendue ncessit dinsrer, dans la loi du 27 juin 1990, une obligation de soinambulatoire sous conditions. Il prvoit en outre une nouvelle procdure durgence en casdhospitalisation la demande dun tiers, qui consiste, pour lessentiel, supprimer purementet simplement le tiers demandeur au placement, au prtexte que le recours du personneladministratif des hpitaux, en cas dabsence dun tel tiers, a t sanctionn, dans certains cas,par les tribunaux administratifs. Pourtant, en cas de pril imminent , lorsquil estimpossible de trouver un tiers, non attach ltablissement, pour provoquer lhospitalisation

    en urgence sans le consentement de la personne, il est toujours possible de recourir au maireafin quil prenne toutes les mesures provisoires utiles, conformment larticle L. 3213-2 duCode de la sant publique. Lon voit dailleurs mal le sens du subtil distingo opr par lelgislateur de 1990 entre le pril imminent de larticle L. 3212-3 du CSP, permettantladmission en urgence sous HDT, et le danger imminent de larticle L. 3213-2 permettantladmission sous contrainte sur rquisition du maire. Le danger imminent inclut en effet ledanger pour les personnes et concerne aussi bien le danger pour soi-mme que pour autrui.Dire que les mesures provisoires prises par le maire ne conviennent pas, cest ne pas en avoircompris la porte.

  • 7/31/2019 Contribution Etude Evolution HO

    14/2414

    Le prfet, alert dans les 48 h de la dcision du maire, peut fort bien renoncer laprise dun arrt dHO sil est inform, dans lintervalle, quun tiers a t trouv, extrieur ltablissement daccueil, voire celui dorigine ; tiers ayant donn son accord pour signerune demande conforme et permettant, cette fois, ladmission rgulire sous HDT.

    Il importe ici de rappeler que la loi du 30 juin 1838 prvoyait, en cas de placement la demande dun tiers, la remise dune demande manuscrite manant de ce tiers et un

    certificat mdical dun mdecin extrieur ltablissement. En cas durgence, elle permettaitgalement ladmission la demande dun tiers sans avoir produire de certificat lappui dela demande. Ladministration ntant pas encline dcider sans pouvoir sappuyer sur un avistechnique derrire lequel elle pourrait se rfugier en cas de problme ultrieur, avait alors peuutilis ladmission en urgence la demande dun tiers.

    Pour mieux protger les liberts, le lgislateur du 27 juin 1990 a prvu quen casdadmission en HDT, soit remis au chef dtablissement non seulement une demande manantdun tiers, mais encore deux certificats mdicaux, dont un manant dun mdecin extrieur.Mais, en cas de pril imminent, il a dispos que ladmission pourrait avoir lieu au vu dunedemande accompagne dun seul certificat mdical. Il a ainsi tendu la perche

    ladministration. Une telle disposition ne pouvait que dboucher sur lenvol des admissions enurgence, au vu dun certificat mdical hospitalier .

    Nous lavons vu, toutes les commissions dpartementales de lhospitalisationpsychiatrique devaient ainsi constater laccroissement considrable des admissions en urgencesous HDT depuis la promulgation de la rforme du 27 juin 1990. La mise en uvre de cetterforme avait ainsi conduit, dans la pratique, exclure la seule garantie prvue, en cedomaine, par la loi de 1838 : le certificat mdical dun mdecin extrieur ltablissementdaccueil. Rsultat paradoxal pour une lgislation qui voulait mieux assurer les droits et lalibert des patients et limiter le nombre des admissions sous contrainte, alors quelle na faitquaccompagner leur envol et pervertir davantage la mdecine en lincitant un exercice

    contraint du soin, l o il est essentiel de recueillir ladhsion du malade pour en prserverleffet curatif. Il est vrai que, dans le mme temps, lobjectif de parvenir la gurison dumalade est pass au second plan des proccupations, au profit dune stabilisation des troubleset un amoindrissement des symptmes rejetant ainsi, lextrieur de lhpital, la gestion de lachronicit, par mdicaments effet retard interposs, pour ne conserver, intra muros, que letraitement des affections aigus.

    4) Prospective et projets politiques de ladministration centrale:

    Le rapport Clry-Melin semble cependant estimer quun tel rsultat paradoxal ne

    suffise pas, bien que les drives soient en loccurrence trs nombreuses et dnonces par lesCDHP. Il entend faire disparatre, dsormais, non plus le certificat mdical du mdecinextrieur, mais la demande de placement elle-mme. Il est vrai quil rintroduit lexigencedun certificat mdical dun mdecin extrieur. Pourtant, le pli ayant t pris durant ces dixdernires annes, dadmettre en urgence au vu dun certificat mdical dun mdecin deltablissement, il est fort probable quune telle modification de la loi dboucherait, si elletait admise, sur des admissions en urgence irrgulires sans nombre, sans certificat demdecin extrieur et sans demande de tiers, au seul vu de lavis du mdecin hospitalier. Lonserait ainsi plac dans la situation de ladmission informelle de 72h, prconise par le GroupeNational dEvaluation de 1997, qui est cependant loin davoir recueilli ladhsion des

  • 7/31/2019 Contribution Etude Evolution HO

    15/2415

    associations de patients, comme des familles et des professionnels. Et lon serait galementplac devant la gnralisation de la suppression du tiers demandeur au placement quireprsente, sans aucun doute, une importante atteinte au droit des familles.

    Si de telles propositions devaient tre adoptes, les admissions en urgence,seraient alors encore bien plus nombreuses quelles ne le sont aujourdhui et dpasseraient,bientt, le nombre des admissions en HDT, effectues selon la procdure normale. Il suffiraitalors de trouver un nouvel expert, dsign par le ministre, pour constater la nouvelle volution

    des pratiques et lillgalit de celles-ci, et proposer de les lgaliser en instituant la suppressionde ladmission sous HDT, devenue obsolte, pour ne garder que la mesure de garde vuesanitaire de 72h , suivie, le cas chant, de lHO.

    Ainsi la proposition du Groupe National dEvaluation de 1997 aura-t-elle fini parsimposer delle-mme sans que le lgislateur et bien des praticiens aient compris quoi que cesoit la manipulation et sans quils aient jamais t saisi de ces propositions dont la radicalitaurait risqu de choquer et provoquer des rsistances, si elles avaient t soumises auParlement dans un seul et mme texte et si lon avait permis aux professionnels den discuterlibrement. Tout sopre ici, de faon progressive et sournoise, sous prtexte de pragmatisme,alors que le but est clair : renforcer, petit petit, les pouvoirs de ladministration dans lagestion des personnes. Tout se fait par glissements successifs et rformes ponctuelles

    lgalisant a posteriori des pratiques, suscites par les rformes antrieures.

    Le projet de supprimer le placement la demande dun tiers au profit de la seulehospitalisation doffice est en ralit une vieille lune. Une exprience fut mene en ce sens Paris, aprs la Commune. Le Dr. Emile Blanche devait ainsi critiquer linterventionnisme delEtat en 1874 en rclamant le rtablissement du placement volontaire dans le dpartementde la Seine. Cette suppression avait dj eu pour consquence que les alins ou supposs telsdevaient dabord tre examins lInfirmerie du dpt de la prfecture de police, alors basedans les locaux de la Conciergerie. Ils taient ensuite envoy Sainte-Anne avant dtreadresss dans les asiles parisiens qui pouvaient les accueillir. Il faut attendre 1878 pour voirrtabli le placement volontaire dans le dpartement de la Seine. Dans un texte postrieur,

    Emile Blanche rappelle limportance capitale de cette victoire contre cette rformednonce comme visant accrotre la surveillance de lautorit publique sur le secteur priv

    Sans que le lgislateur en ait mesur toute les consquences, le Juge des liberts etde la dtention, a ainsi t substitu, en cas de procdure de sortie judiciaire, au prsident dutribunal de grande instance, par la loi du 15 juin 2000, prenant effet au 1 er janvier 2001; ce quia fait perdre, dans bien des cas, la possibilit dune audience publique, acquise depuis 1981.Le juge des liberts et de la dtention statue, en effet, dans son cabinet , donc,gnralement huis clos.

    De mme, sans que le lgislateur semble y avoir prt attention, lordre des

    articles du Code de la sant publique a lui-mme t modifi loccasion de la nouvellecodification de la loi; ce qui a contribu amorcer linflchissement du sens de la loi du 27 juin 1990.

    Ainsi la procdure de sortie judiciaire se trouve-t-elle dsormais au dbut de la loi,et non plus la fin, de sorte que les dispositions spciales relatives la procdure de sortie desmdico-lgaux, figurant larticle L. 3213-8, ont pu tre interprtes, depuis, comme desdispositions sajoutant celles de la procdure de sortie judiciaire, rendant celle-ci encoreplus complexe et alatoire 2. 2 Sur cette question particulire, voir notamment, Cour dappel de Nmes, 19 fvrier 1999 et 9 mars 2000, etCour cass. 1 re civ., 11 juin 2002, Jean Bnazet ; Cour dappel de Nmes, 11 octobre 2002, Jolle Duveau.

  • 7/31/2019 Contribution Etude Evolution HO

    16/2416

    Les sorties lessai ne figurent plus, pour leur part, aprs les procdures deplacement, mais avant, larticle L. 3211-11; ce qui est contraire toute logique. Il apparaten effet plus normal de traiter des procdures exceptionnelles de sortie, aprs avoir trait desprocdures habituelles, et surtout, des procdures dadmission. On sort rarement duntablissement avant dy tre entr Mais cela renforce la cohrence du projet politique sous-

    jacent, videmment non voqu, qui est dintroduire petit petit la notion dobligation de soin

    ambulatoire, partir dune rforme de la procdure des sorties lessai, et dengager leprocessus qui conduira, terme, la lgalisation de toute contrainte de soin, sans mme quily ait eu, pralablement, hospitalisation sous contrainte. Terme ultime que nannonce pasencore le rapport Clry-Melin, mais quannoncera le rapport suivant en 2009 ou 2010, lorsquela mise en uvre des dispositions du rapport Clry-Melin aura dj permis de lgaliser lacontrainte de soin ambulatoire, aprs une hospitalisation sous contrainte.

    Avoir plac la procdure de sortie lessai avant daborder les procdures deplacement sous contrainte permettra bientt dintgrer la question de la contrainte aux soinsavant les modalits dhospitalisation. La sparation de cette contrainte de toute hospitalisationsen trouvera dautant plus facilite que la logique du texte lappellera alors delle-mme, aupoint que la pratique se chargera de dvelopper, dans lillgalit dabord, avant son ultime

    lgalisation, le recours la contrainte aux soins domicile, sans hospitalisation pralable, entirant parti de la logique du texte, ainsi modifie de faon totalement artificielle par desconcepteurs qui savent manifestement ce quils font, mais qui ne paraissent pas anims dunimprieux souci de dvelopper la dmocratie. Le projet politique qui sous-tend cet ensembleest daccrotre toujours davantage lemprise de ladministration sur la personne souffrant detroubles mentaux et susceptible de perturber lordre social, comme sur le mdecin charg dela traiter afin dassurer lordre public par lintermdiaire dun Etat fort et dune administrationla plus puissante possible. Il nest pas certain que la science et la dmocratie en ressortentgrandies et que la libert en soit mieux garantie.

    Dune loi relative aux droits et la protection des personnes hospitalise, lon sera

    ainsi pass, sans que jamais personne ne sen rende compte, une loi de contrainte aux soinsen psychiatrie, principal objectif de cette loi nouvelle en attente qui se prsentera comme unelgislation de prvention visant viter lhospitalisation par la contrainte aux soins domicile. Cette contrainte lgale permettra, par la chimie, et au plus grand bnfice des trustspharmaceutiques, dviter de mettre en place de vritables alternatives lhospitalisation, etde relles mesures de prvention, par lamlioration des conditions de vie et de prise encharge des patients, hors les murs de lhpital. Elle maintiendra la soumission de la scienceaux exigences du maintien de lordre.

    Une telle procdure dlaboration des normes lgislatives par les services de laDirection Gnrale de la Sant, et par del les autorits ministrielles qui se succdent enentrinant le travail de conseillers techniques inamovibles, revient ainsi imposer une

    prvention par la chimie, au dtriment dune prvention par la mise en place de mesuressocio-sanitaires utiles, sans jamais avoir mis en mesure lAssemble Nationale den discuterrellement et sans que la science ait eu son mot dire.

    La loi du 4 mars 2002, relative au droits des malades et la qualit du systme desant, a elle-mme introduit, en matire dhospitalisation doffice, la prcision que lestroubles mentaux compromettant lordre public doivent tre des troubles ncessitant dessoins . Cet ajout, en apparence anodin et lgitime, prpare en ralit le fait que lautoritprfectorale, dans les projets venir, sera cense ne plus tre prise comme simple autorit de

  • 7/31/2019 Contribution Etude Evolution HO

    17/2417

    police, mais, avant tout, comme autorit sanitaire, comme lindiquait dj le rapport duGroupe National dEvaluation de 1997.

    Lobjectif final est dautant plus clair que le rapport Clry-Melin, qui prvoit uneobligation de soin ambulatoire aprs lhospitalisation sous contrainte, prconise, en cas deradmission pour refus de soins ou nouvel incident, que celle-ci aura lieu sur simple dcisiondu mdecin hospitalier ; ce qui aboutit ainsi la disparition subsquente du certificat mdical

    du mdecin extrieur comme de la demande du tiers.Lorsqu lorigine, la personne aura t admise en HDT, elle pourra de nouveaultre sur seule dcision du mdecin hospitalier et, cette fois, non plus pour 72 h, mais pour unmois renouvelable, et cela, le cas chant, durant des annes ! Il ny aura plus aucunegarantie. Ni contrle automatique du juge, ni mme du prfet. Le chef dtablissementdcidera seul de la contrainte au vu dun certificat de lun de ses mdecins. Toutes lesgaranties de la loi de 1838, comme de celle de 1990, auront ainsi disparu.

    Mais il semble que cette dernire proposition du rapport Clry-Melin soit unleurre, car ladministration nentend pas tendre de faon aussi dmesure les pouvoirs dumdecin hospitalier. Elle entend, au contraire lencadrer encore plus troitement quavant par

    les dcisions de lautorit prfectorale. Pour ladministration centrale, limportant est, pour lemoment, dattaquer sous un nouvel angle la disparition du mdecin extrieur et du tiersdemandeur au placement pour laisser le patient seul face ladministration, ralisant ainsi legrand rve jacobin de suppression de tout tiers dans la relation du citoyen ladministration.

    Le but recherch par ladministration est en effet redoutable puisque,conformment aux propositions du Groupe National dEvaluation de 1997, il conduit:

    -dune part, une admission informelle de 72 h avec neuroleptisation massivepour tenter darracher le consentement aux soins au patient. Sur lui portera la menace de lapoursuite du mme rgime, mais cette fois sur ordre du prfet si, de lui-mme, il ne consentait

    pas au soin. Quelle valeur pourra avoir un tel consentement recueilli en de tellescirconstances, sous la pression et le chantage ?

    -dautre part, lhospitalisation sous contrainte sur ordre exclusif du prfet, prisdavantage ici comme autorit sanitaire que comme autorit de police ; ce qui mdicaliseraencore plus la mesure de police, laquelle deviendra presque invisible force dtre discrte.Cette disposition, supprimant ladmission sous HDT supprimera, du mme coup, le regardparticulier que le tiers pouvait reprsenter, dans certaines situations. Il sagit en fait, ni plus nimoins, que dcarter les familles qui, parfois, gnent laction de ladministration dans lagestion des personnes. Lhospitalisation sous contrainte ne sera plus une question de famille,mais une affaire dEtat !

    -enfin, la contrainte pourra se poursuivre, sur ordre du prfet, au titre duneobligation de traitement ambulatoire. A chacun donc, sa piqre effet retard, domicile, surordre du reprsentant de lEtat !

    Pour lheure, compte tenu du rapport Clry-Melin, il nest question que de faireadmettre lAssemble Nationale, la disparition du tiers demandeur, en cas dadmission enurgence, et la lgalisation des sorties avec obligation de soin ambulatoire. Mais il faut savoirce que cela cache et ce qui suivra plus tard :

  • 7/31/2019 Contribution Etude Evolution HO

    18/2418

    Le renforcement, terme, des pouvoirs du prfet qui agira dsormais davantagecomme autorit sanitaire que comme autorit de police, alors quil est particulirement gravede donner au prfet un pouvoir de grer les soins des particuliers ;

    La possibilit, pour ladministration prfectorale de simmiscer jusque dans lachambre coucher du domicile du malade, et cela non plus seulement pour linterner, maisencore pour le traiter chez lui, le cas chant sous la contrainte et durant des annes ;

    La mdicalisation des mesures de police et, par consquent, la difficult accrue

    den contrler la ncessit ;La perversion de la mdecine, de plus en plus appele se substituer la policedans le maintien de lordre public et la sret des personnes.

    5) La proposition de loi n 366 et la judiciarisation :

    A linverse de cette logique digne du Meilleur des mondes, les associations depatients tendent aujourdhui prconiser la judiciarisation des modalits de placement. Ellesont, en partie, t dernirement entendues, nous lavons vu, par les Drs. Piel et Roelandt,comme par prs de la moiti des snateurs, au moment du vote de la loi du 27 juin 1990. De

    son ct, en octobre 1997, le Groupe parlementaire communiste et apparents, a dpos uneproposition de loi n 366 allant dans ce sens. Ce projet est radicalement contraire aurenforcement des pouvoirs de ladministration, tel que nous le proposent les diffrentsrapports dexpert commands par les ministres successifs de la sant depuis 1995.

    Nous lavons soulign, ces rapports cherchent simplifier les procduresdadmission, tout en maintenant le pouvoir ladministration, afin dviter le dveloppementdes sanctions, toujours plus nombreuses, infliges par les tribunaux, aujourdhui plusvigilants. Ladministration ne parvient plus, en effet, grer la complexit des procduresdadmission. Or, cette complexit rsulte, prcisment, des ncessits dassurer la sauvegardede la libert individuelle, alors que le lgislateur a malheureusement donn ladministration

    le pouvoir dy attenter de faon quasi dfinitive, sans mme organiser de contrleautomatique du juge.Ce souci de simplification serait lgitime si la question de la sauvegarde de la

    libert individuelle ne se trouvait pas au cur du dbat. Celle-ci impose que laction, tant deladministration que de la justice, soit strictement encadre, par des rgles de procdure trsstrictes et parfois assez complexes, pour viter, le plus possible, labus ou larbitraire.

    On ne saurait chapper, ici, la complexit, sans porter gravement atteinte lalibert individuelle, surtout si le pouvoir dinterner devait tre maintenu entre les mains deladministration, voire renforc par la capacit de dcider de la contrainte aux soins enambulatoire.

    En loccurrence, le premier arbitraire est davoir redonn ladministration, en1838, le pouvoir dinterner, et davoir renouvel ce pouvoir, en 1990, alors que, depuis 1788,tout internement supposait un jugement dinterdiction.

    Mme lorsque Louis XVIII a restaur lAncien rgime, il a d concder, par laCharte constitutionnelle du 31 mars 1814, que le juge judiciaire demeurerait le gardien de lalibert individuelle. Aussi, lors de vote de la loi du 30 juin 1838, certains Pairs de France, telIsambert, se sont insurgs, juste raison, contre le retour des lettres de cachet. Montant latribune, le duc de Larochefoucault-Liancourt tonitruait : Vous vincez la famille aussi bienque la magistrature !. La monarchie absolue dAncien rgime, restaure par Louis XVIII

  • 7/31/2019 Contribution Etude Evolution HO

    19/2419

    a, en ce domaine, su mieux faire que la monarchie constitutionnelle de Louis Philippe,laquelle adopta la loi du 30 juin 1838 pour juguler, entre autres les classes dangereuses etrpondre aux meutes des canuts de Lyon de 1834. Mais elle sut encore mieux faire que lesseconde, troisime, quatrime et cinquime rpubliques.

    Aujourdhui, par lhospitalisation psychiatrique sous contrainte, ladministrationdispose toujours du pouvoir dattenter la libert individuelle pour des priodes parfois trs

    longues : des semaines, des mois, voire des annes. Elle le fera plus encore lorsquelledisposera du pouvoir dordonner lobligation de soin ambulatoire et aura totalement vinc lesfamilles en supprimant lhospitalisation la demande dun tiers.

    Pourtant, maintes reprises, notamment en matire de police des trangers, leConseil constitutionnela eu loccasion de rappeler que toute mesure privative de libert deplus de trois jours, dcide par ladministration nest pas constitutionnelle. Pass cedlai, seul le juge de lordre judiciaire peut valablement dcider de telles atteintes.Malheureusement, faute davoir pu recueillir les soixante signatures de dputs ou desnateurs ncessaires la saisine du Conseil constitutionnel, la loi du 27 juin 1990 na pu tresoumise au contrle de constitutionnalit. Nous fonctionnons donc toujours avec une loi

    contraire larticle 66 de la Constitution.

    Cest la lumire de ces donnes sociologiques et politiques quil est dsormaispossible danalyser de faon plus prcise et critique, lvolution de la discipline scientifiqueparticulire quest la psychiatrie, comme de lorganisation du soin psychiatrique, donc de sonexercice. Nul doute, en effet, quun contexte aussi lourd et prgnant dans lequel le psychiatredemeure un rouage essentiel, nait eu dimportants effets sur lapproche scientifique de lapathologie mentale. Si nous avons ainsi lourdement insist sur le cadre juridique delhospitalisation, cest parce que laccs lobjet de recherche est ici largement dtermin parun tel cadre, mme si, en psychiatrie, une partie de la recherche a lieu en C.H.U., non enC.H.S.

    Au tout dbut du XXe sicle, certains alinistes des hpitaux de facult avaientcr des services ouverts o pouvaient tre admis des patients ne relevant pas du systmede contrainte de la loi de 1838 et qui ne pouvaient donc tre considrs comme alins :Dejrine, Dupr, G. Ballet, Claude Paris ; Rgis Bordeaux, Lpine Lyon. Ces servicespermettaient ainsi lobservation de pathologies moins lourdes que celles prises en charge parles asiles dalins, tout comme certaines maisons de sant prives. Cest la MaisonBonhomme que le grand Philippe Pinel fit ses premires armes. Et cest dans celle du bondocteur Esprit Blanche que Nerval, Maupassant, dont le frre cadet, Herv, mourut galementfou en 1889, Charles Gounod, victime daccs de mlancolie, y feront plusieurs sjours. LesHalvy dont Edmond de Goncourt qualifiait lintrieur de petit Charenton faillirent bien ysjourner tous. Lonie Halvy, la femme du compositeur Fromental, y fut longtemps traite.

    Lon y est admis en 1872. Ion Bratiano, dirigeant de la rvolution roumaine de 1848, futurpremier ministre de son pays, impliqu en 1853 dans un complot contre Napolon III futarrt et conduit lInfirmerie du dpt, la conciergerie, avant dtre conduit la Maison dudocteur Blanche Passy. Le prince Joseph Poniatowski y fut trait pour dlire politiquemlant la compagnie dassurance lUnion, le pape et Napolon III. Lcrivain Marie dAgoult,mre de Cosima quelle eut avec Franz Litz et qui pousera Richard Wagner, sera soignepour hystrie lhtel de Lamballe o Lon Halvy sera de nouveau intern soixante-dixans, la famille ntant pas parvenu calmer ses crises de fureur et son dlire de perscution :on laccuse sans cesse de vol, de pdrastie, son domestique veut lassassiner... En 1859, on ytrouve encore Juliette Grvy, fille de Jules Grvy, prsident de la Rpublique. En 1890,

  • 7/31/2019 Contribution Etude Evolution HO

    20/2420

    victime dhallucinations, Tho van Gogh, le frre de Vincent y subit une longue descente auxenfers avant dtre transfr Utrecht, en Hollande, chez le Dr. Moll. Il dlire en plusieurslangues, ne reconnat plus sa femme et ne ragi quau nom de son frre. Il meurt le 25 janvier1891 de dementia paralytica . Quatre de ses six enfants mourront des suites de troublespsychiques. Son frre Cor, se suicidera en 1900 et sa sur mourra, en 1941, lhpitalpsychiatrique aprs trente-huit ans dinternement. Michel Verne, le fils de Jules, alors enpleine gloire, aurait t admis lhtel de Lamballe, lge de 12 ans avant dtre jet la

    prison de Nantes par voie de correction paternelle . A cette poque, Emile Blanche avaitsuccd son pre la direction de la maison de sant.. Baudelaire sera plac chez le Dr.Duval (sur ces questions, voir notamment, Laure Murat, 2001). Encore faut-il prciser que laMaison du docteur Blanche pouvait recevoir des alins au titre de la loi du 30 juin 1838. 15sur 45 existant au milieu du XIXe sicle taient dans ce cas. 65 asiles publics existaient lamme poque. Mais, mme en faisant chapper la plupart des CHU du systme de contrainte,la loi nen influe pas moins sur la recherche, puisquelle barre ainsi laccs aux cas relevant delHO et de lHDT. Elle a ainsi longtemps impos que la recherche sur de tels cas ne soitmene que dans le cadre des C.H.S. et, depuis 1990, que dans les tablissements spcialementhabilits par lautorit prfectorale pour admettre les malades sans leur consentement. Elle aainsi une fois encore renforc lemprise de ladministration sur la science.

    A fort juste titre, J. Postel et C. Quetel (1994, pp. 339-340) notent que lesdivergences thoriques de Magnan et de Kraepelin sexpliquent, en partie, par le fait que lepremier passa lessentiel de sa carrire au bureau des admissions de Sainte-Anne o ildemeura affect quarante-cinq ans, voyant dfiler des milliers de malades dont le devenir luichappait, alors que Kraepelin, sinstalla Munich de 1903 jusqu sa mort o il put observerles mmes malades durant des annes.

    Enfin, Leuret calcula, la fin du XIXe sicle qu Bictre, il ne peut consacrerque 18 minutes par an par malade (Murat 2001, p. 366) ; ce qui donne un aperu de la qualitde lobservation et fait mieux comprendre quun long discours le caractre purementthorique et spculatif dun grand nombre de traits de psychiatrie de lpoque. Aujourdhui

    encore, les tmoignages de patients qui se plaignent de ne voir que rarement le mdecin ou dene pouvoir rellement discuter avec lui sont trs nombreux. Il ne sagit pas, dailleurs, dunespcificit de la psychiatrie franaise mais dune donne de la pratique psychiatrique quitraverse les sicles partout en Europe. Rolf Himmelberger, membre de lassociation suisse dedfense des droits des patients en psychiatrie, Pro Mente Sana, crivait encore toutrcemment propos de la surveillance des patients au H.U.G. de Genve: Je ne sais pas sivraiment on les surveille mais toujours est-il que jai appris dernirement que, dans lespavillons de la clinique de Belle-Ide, les soignants navaient toujours quasiment pas detemps consacrer aux malades, ils sont toujours en colloque, et les malades se plaignent.Ctait ainsi il y a 25 ans et cest toujours comme a aujourdhui (2003, p. 154).

    Cela nest forcment pas sans rpercussion sur la constitution du savoir lui-mme,

    sur sa validit et, par suite, sur son efficacit. Philippe Clment, infirmier psychiatrique,diplm en anthropologie, crit ainsi : linfirmier se coltine la folie de manire trs directe(), intervient de manire trs physique alors que les mdecins, dpositaires du savoirseffacent dans les situations o le savoir est lvidence inoprant (2002, p. 288).

  • 7/31/2019 Contribution Etude Evolution HO

    21/2421

    D. CONCLUSION :

    Aujourdhui, le rapport entre hospitalisation libre et hospitalisation involontaireest totalement invers en regard de ce quil tait trente ans plus tt. En 1970, prs de 80 % despersonnes traites ltaient officiellement sous le mode de linternement, et 20 % sous celui delhospitalisation libre. De nos jours, moins de 20 % dentre elles sont admises

    involontairement et plus de 80 % le sont au titre de lhospitalisation libre, mais, danslintervalle, le nombre des personnes concernes a augment de prs de 60 %. Rapport aunombre total des admissions, celles sans consentement ne concernaient plus que moins de10% des effectifs en 1984, soit moins de 30000 internements dcids dans lanne ; mais lerenforcement de la contrainte, depuis le milieu des annes 90 porte dj ce taux plus de14%. En 2003, le nombre des admissions sous contrainte peut tre valu 80 000, chiffrecomparable celui des annes 70. La chute spectaculaire des admissions sous contrainte entre1970 et 1984 du fait de la mise en place de la politique de secteur, semble ainsi avoir tentirement annul par leffet inverse de reprise des internements, ds 1985 avec le recentragedu dispositif de soin sur lhpital au dtriment des alternatives lhospitalisation que lapratique extra hospitalire des annes 70-84 avait suscites.

    Dans son rapport annuel 2000, la Cour des compte sinquitait de cette reprise delinternement psychiatrique. Elle constatait que les alternatives lhospitalisation sonttoujours insuffisamment dveloppes, quelles sont rparties de faon trs ingalitaire entreles rgions et entre les secteurs, et que lhpital reste, malgr la diminution des litsdhospitalisation complte, llment central du dispositif dorganisation des soinspsychiatriques .

    A Paris, 45% des admissions ont dsormais officiellement lieu sous la contrainte.Les chambres disolement et les mesures de contention se multiplient un peu partout sous ledouble effet dune pnurie de moyens, du tout neuroleptique.

    Cette reprise de la contrainte intra hospitalire prfigure en ralit la mise en placedune contrainte extra hospitalire venir, organise, cependant, depuis lhpital. Dunhpital qui nest plus strictement psychiatrique puisque, de plus en plus, lhospitalisationpsychiatrique sous contrainte a lieu en service psychiatrique des hpitaux gnraux.

    Ce phnomne concide avec un recentrage du dispositif de soins, y compris desquipements du secteur extra hospitalier, sur lhpital, depuis 1985, et avec une intgrationaccrue de la psychiatrie la mdecine, un recours de plus en plus massif aux neuroleptiques etun renforcement concomitant de lorganicisme. A Paris, la prgnance de lIPPP, qu justeraison les Drs. Piel et Roelandt proposent de supprimer, accentue encore le caractrecoeercitif du systme de soin psychiatrique.

    Notant les disparits entre dpartements et secteurs psychiatriques, la Cour descomptes estime pour sa part que cette situation particulire ne peut toutefois se justifier parune spcificit de la psychiatrie. Bien au contraire, les liens ncessaires avec les autresdisciplines mdicales militent pour une planification commune avec le reste du secteursanitaire (2000, p. 413). Cest dans un dfaut de planification au niveau central quelle croitdevoir trouver la cause dune telle disparit et plaide pour une rorganisation plus soutenue deladministration centrale du ministre de tutelle pour assurer cette planification. Pourtant, lesoin psychiatrique prsente une spcificit incontournable qui rside notamment dans le faitque le traitement nest habituellement curatif que sil recueille laccord du malade et dpend

  • 7/31/2019 Contribution Etude Evolution HO

    22/2422

    ainsi, en grande partie, de lalliance thrapeutique mdecin-patient. Pourtant, de nombreuxtraitements sont inaugurs loccasion de soins contraints qui ne peuvent gure avoir deffetcuratif. Ils nagissent quau niveau des symptmes et, tout au plus, ils ne peuvent aboutir quune stabilisation. Llment relationnel apparat ici primordial, plus encore quen mdecinegnrale. Tout doit donc tre mis en uvre pour faciliter laccs aux soins en dehors de lacontrainte. Cela nest gnralement possible quen dehors de lhpital et avant lapparition detoute crise aigu. Aussi les principales innovations salutaires en psychiatrie, de 1960 1985

    ont-elles eu lieu dans le cadre des pratiques de secteur extra hospitalier. Cest donc sur cesdispositifs et ces pratiques extra hospitalires que le soin psychiatrique devrait tre organispour rpondre aux besoins des patients et de leurs familles, non partir de lhpital et duneplanification bureaucratique renforant encore lemprise de ladministration sur les personnes.Ce nest pourtant pas le chemin suivi actuellement par ladministration centrale qui entendcentrer le dispositif sur lurgence et lhpital, en dveloppant laccs aux soins, en psychiatrie,par la contrainte. Il est craindre que cela pervertisse encore plus la mdecine, la justice et lapolice et ne porte gravement atteinte aux liberts.

  • 7/31/2019 Contribution Etude Evolution HO

    23/2423

    -BIBLIOGRAPHIE-

    BAILLARGER, J. : Recherches sur les Maladies Mentales, Paris, Masson, 1890, 2 vol.BARUK, H. : La dcouverte de la personnalit profonde et la rvision de la conception

    Kraepelinienne des maladies mentales autonomes , Annales Mdico-psychologiques, 1989, 147, n 1, pp. 47-56.BERNARDET, Ph. : Les Dossiers Noirs de lInternement Psychiatrique, Paris, Fayard, 1989.BERNARDET, Ph., DARMSTADTER, A. et VAILLANT, C. : Porte de la jurisprudence

    europenne sur linternement psychiatrique en France , Revue de ScienceCriminelle et de Droit Pnal compar, Paris, avr.-juin 1988, 2, pp. 25-271.

    BERNARDET, Ph. DOURAKI, Th. et VAILLANT, C. : Psychiatrie, Droits de lHomme etDfense des Usagers en Europe, Toulouse, Ers, 2002.

    BRIERE de BOISMONT : Apprciation mdico-lgale du rgime actuel des alins enFrance , Annales Mdico-psychologiques, 1865.

    BOUMAZA, A. : Hospitalisation Psychiatrique et Droits de lHomme, 2 vol., Paris, Editions

    du CTNERHI, 2002.CHAMPENOIS-MARMIER, M.-P. et SANSOT, J. : Droit, Folie, Libert. La protection de lapersonne des malades mentaux (loi du 30 juin 1838), Paris, PUF, 1983.

    CLERY-MELIN, Ph., KOVESS, V. et PASCAL, J.-Ch. : Plan dActions pour leDveloppement de la Psychiatrie et la Promotion de la Sant Mentale, Rapportdtape de la mission CLERY-MELIN, remis au ministre de la sant, de la familleet des personnes handicapes, 15 septembre 2003, multigr.

    CONSTANS, LUNIER et DUMESNIL : Rapport sur les Services des Alins en 1874, Paris,Imprimerie Nationale, 1878, t. 1.

    DERIVERY, C. et BERNARDET, Ph. : Enfermez-les Tous ! Internements : Le scandale delabus et de larbitraire en psychiatrie, Paris, Robert Laffont, 2002.

    FAVRE, L. : Il Faut en Finir. La loi sur les alins (1838-19 ?), Paris, d. Vaillant et Paris,Favre et Cie d., 1911.GREGOIRE, GROS-DESORMEAUX et TCHERIATCHOUKINE : Note relative la

    restructuration des tablissements psychiatriques, Inspection Gnrale desAffaires Sociales, paris, IGAS n 890094, aot 1985, multigr.

    GRIMOULT, C. : Histoire de lEvolutionnisme Contemporain en France, 1945-1995,Genve-Paris, Librairie Droz, 2000.

    GRIMOULT, C. : LEvolution Biologique en France. Une rvolution scientifique, politique etculturelle, Genve-Paris, Libraire Droz, 2001.

    GRIMOULT, C. : Histoire de lHistoire des Sciences. Historiographie de lvolutionnismedans le monde francophone, Genve-Paris, Librairie Droz, 2003.

    GUILBERT, F. : Libert Individuelle et Hospitalisation des Malades Mentaux, paris,Librairies Techniques, 1974.LAFONT, M. : LExtermination Douce. La mort de 40.000 malades mentaux dans les hpitau

    psychiatriques en France sous le rgime de Vichy, Ligu, Ed. de lAREFPI, 1984.MURARD, L et FOURQUET, F. : Histoire de la Psychiatrie de Secteur, ou le secteur

    impossible, Recherches, n 17 (double), mars 1975.MURAT, L. : La Maison du Docteur Blanche. Histoire dun asile et de ses pensionnaires de

    Nerval Maupassant, Paris, J. C. Latts, 2001.

  • 7/31/2019 Contribution Etude Evolution HO

    24/24

    PIEL, E., et ROELANDT, J.-L. : De la Psychiatrie vers la Sant Mentale, Rapport de Mission,Paris, Ministre de lEmploi et de la Solidarit, Ministre dlgu la sant,

    juillet 2001, multigr.PIERNIKARCH, A. : Evolution du champ dapplication de larticle 64 du Code pnal, de

    1810 nos jours au regard de la notion denfermement , in La Sant Mentalecomme Observable, Rseau GE.MM.E., P. BEUF (coord.) Colloque INSERM,Paris, 1989, vol. 192, pp. 311-316.

    POSTEL, J. (prs.) : La Loi de 1838 sur les Alins, 2 vol. Paris, Frnsie ditions, Coll.Insania Les Introuvables de la Psychiatrie, 1988.POSTEL, J. et QUETEL, C. : Nouvelle Histoire de la Psychiatrie, Paris Dunod, 1994.RAYNAUD, M., et la participation de J. BERGERET, Soigner la Folie. Approche intgrative

    des soins aux psychotiques, Paris, Ed. Frison-Roche, 1989, 336 p.ROELANDT, J.-L. : La Dmocratie Sanitaire dans le Champ de la Sant Mentale. La place

    des usagers et le travail en partenariat dans la cit, Rapport remis au ministredlgu la sant, s.l., 12 avril 2002, 60 p. multigr. + annexes.

    ROGER, J. : Pour une Histoire des Sciences Part Entire, Paris, Albin Michel, 1995.SOUBRIER, J.-P. et GOUREVITCH, M. : Recherches aux archives de la Prfecture de

    police sur les origines de lInfirmerie Spciale , Perspectives Psychiatriques,

    1984, II, n 96, pp. 129-136.STROHL, H. et CLEMENTE, M. : Rapport du Groupe National dEvaluation de la Loi du 27Juin 1990, Paris, I.G.A.S., Code de mission SA/AC/GT/950013, Rapport n97081, septembre 1997, 149 p. + annexes.

    ZAMBROWSKI, F. : Moderniser et Diversifier les Modes de Prise en Charge de laPsychiatrie Franaise, Rapport au Ministre dlgu auprs du Ministre desAffaires Sociales et de lEmploi, charg de la Sant et de la Famille, Paris, dc.1986, 158 p. multigr.

    WELLES, M.-C. (d) : Le Squestr de Montfavet. Laffaire Baudoin, Monaco, Ed. duRocher, 1998.