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© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 58 (2009) S35–S37
Contrôler la fréquence ventriculaire ?
Rate control in patients with atrial fibrillation?
F. Anselme
Service de cardiologie, CHU de Rouen, 1 rue de Germont, 76031, Rouen, France
Résumé
L’objectif du contrôle de la fréquence cardiaque chez les patients souffrants de fibrillation atriale est de réduire les symptômes,
d’améliorer la qualité de vie et de limiter le risque de survenue d’insuffisance cardiaque. Cette stratégie peut-être utilisée en première
intention chez un certain nombre de patients même insuffisants cardiaques. Les médicaments agissant sur le nœud atrioventriculaire sont
utilisés en premier lieu, afin d’obtenir une fréquence cardiaque ≤ 80/min au repos et ≤ 115/min lors d’un effort modéré. En cas d’échec,
l’ablation du nœud atrioventriculaire suivi de l’implantation d’un stimulateur cardiaque conventionnel ou biventriculaire peut-être envisagé
selon la présentation clinique du patient.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract
The objectives of rate control in patients with atrial fibrillation is to reduce symptoms, improve quality of live and minimize the risk of
heart failure development. Based upon results of large randomized studies, this strategy can be chosen as a first line therapy in some patients
including those with heart failure. The target ventricular rate is ≤85 bpm at rest and ≤115bpm during moderate exercise. Drugs slowing the
atrioventricular conduction are usually used alone or in combination to achieve this goal. Failure to control ventricular rate using drugs may
lead to AV nodal ablation and pacemaker implantation with a conventional or a biventricular system according to patient initial
hemodynamic conditions.
© 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Mots clés : Fibrillation atriale ; Contrôle de la fréquence ; Contrôle du rythme ; Ablation du nœud atrioventriculaire ; Stimulateur cardiaque
Keywords: Atrial fibrillation; Rate control; Rhythm control; Ablate and pace
1. Indications de la stratégie de contrôle de la fréquence
Les grandes études prospectives randomisées AFFIRM et
RACE ont montré que la stratégie du contrôle de la fré-
quence n’était pas inférieure à la stratégie de contrôle du
rythme en ce qui concerne la morbidité cardiovasculaire et
la mortalité. La population de ces études était représentée
majoritairement de patients âgés (68 ± 8 ans dans RACE,
69,7 ± 9 dans AFFIRM) avec une pathologie cardiaque
sous-jacente, et seulement un petit nombre de patients était
porteur de FA paroxystique. Depuis la publication de ces
grands essais en 2002, l’option de contrôle de la fréquence
cardiaque a été adoptée plus fréquemment comme premier
choix thérapeutique et non pas après échec de la stratégie de
contrôle du rythme [1-3].
Un certain nombre d’éléments permet d’aider au choix de
la stratégie tels que le type de FA, l’importance et la fré-
quence des symptômes, le risque de récidive, la présence de
co-morbidité ou encore la préférence du patient [4]. Ainsi
dans une sous analyse de l’étude AFFIRM [5], les patients
âgés de plus de 65 ans sans antécédent d’insuffisance car-
diaque avaient un meilleur pronostic (mortalité totale plus
basse) avec la stratégie de contrôle de la fréquence. Dans
RACE, ce sont les femmes hypertendues ou avec une car-
diopathie sous jacente qui avaient un moins bon pronostic
avec la stratégie de contrôle du rythme [6,7].
Jusqu’à très récemment, nous n’avions aucune donnée
concernant la stratégie à adopter chez le patient insuffisant
cardiaque. Il était suspecté que le contrôle du rythme serait
une approche préférable car privilégiant le maintien de la
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected]
S36 F. Anselme / Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 58 (2009) S35–S37
contraction atriale dont on connaît l’importance chez les
patients avec altération de la fonction ventriculaire gauche.
L’étude AF-CHF, est la première étude ayant comparé de
manière prospective randomisée la stratégie de contrôle du
rythme à celle du contrôle de la fréquence chez l’insuffisant
cardiaque [8]. De façon surprenante, cette étude a montré
qu’il n’y avait aucune différence entre ces deux stratégies
tant au niveau de la mortalité cardiovasculaire (objectif prin-
cipal) que de la mortalité totale, du taux d’accident vascu-
laire cérébral, ou encore du taux d’aggravation de l’insuffi-
sance cardiaque (objectifs secondaires). Il y avait même
significativement plus d’hospitalisations (surtout lors de la
première année de suivi), en rapport avec une récidive de
FA, une bradycardie ou une cardioversion dans le bras
contrôle du rythme.
Ainsi, en présence d’un patient âgé, peu symptomatique,
la stratégie de contrôle de la fréquence est une option raison-
nable, surtout s’il s’agit d’une femme hypertendue ou ayant
une cardiopathie sous-jacente, porteuse d’une FA persis-
tante, et ce, qu’il y ait ou non une insuffisance cardiaque
chronique.
2. Quelle fréquence cardiaque doit-on cibler ?
L’objectif de la stratégie de contrôle de la fréquence est
de réduire les symptômes, d’améliorer la qualité de vie et de
limiter le risque de survenue d’insuffisance cardiaque. À ce
jour, la fréquence cardiaque optimale en FA à atteindre n’est
pas connue. Dans AFFIRM, la fréquence cardiaque cible
était de 80/min au repos et = 110/min lors du test de marche
de 6 min ou une fréquence cardiaque moyenne sur le holter
de 24 h = 100/min. Une analyse post hoc des données com-
pilées des études AFFIRM et RACE n’a pas retrouvé de cor-
rélation entre un contrôle plus strict de la fréquence cardia-
que et le taux d’événements cliniques. Ainsi, en l’absence
d’étude randomisée, les recommandations des sociétés
savantes prônent une fréquence cardiaque à atteindre entre
60 et 80/min au repos et entre 90 et 115/min pendant un
exercice physique modéré et ce, quelle que soit la fonction
systolique du ventricule gauche [1].
3. Quels médicaments pour ralentir la cadence ventriculaire ?
Le contrôle de la fréquence cardiaque pendant la fibrilla-
tion auriculaire peut être obtenu à l’aide de bêtabloqueurs,
d’inhibiteurs calciques non dihydropyridiniques, de
digoxine ou d’amiodarone seuls ou en association. Bien que
réputé aisé, le contrôle adéquat de la cadence ventriculaire
n’a été obtenu que dans 70 % des cas dans l’étude AFFIRM
[9]. Le ou les traitements médicaux à choisir sont certaine-
ment à individualiser, et il n’y a pas de règle de prescription
absolue. Dans une étude comparant 5 stratégies médicamen-
teuses habituelles (atenolol, diltiazem, digoxine seuls et les
associations digoxine/atenolol et digoxine/diltiazem), sur la
fréquence cardiaque moyenne et sur un effort programmé, la
combinaison digoxine/atenolol était la plus efficace [10].
Chez l’insuffisant cardiaque porteur de FA persistante, c’est
l’association carvedilol/digoxine qui apparaît comme plus
efficace que ces deux médicaments pris séparément pour
contrôler la cadence ventriculaire [11]. Les effets indésira-
bles liés au choix de la stratégie de contrôle de la fréquence
sont vraiment rares. Parfois, comme pour 6 % des patients
dans l’étude AFFIRM, une brady-arythmie excessive néces-
site l’implantation d’un stimulateur cardiaque. Le plus sou-
vent une diminution des doses de médicaments ralentisseurs
suffit à éviter cet événement indésirable.
4. Les techniques non pharmacologiques
L’ablation du nœud auriculoventriculaire (AV) associée à
l’implantation d’un stimulateur cardiaque peut être considérée
comme une forme extrême de contrôle de la fréquence. Selon
les recommandations des sociétés savantes, cette solution ne
s’envisage qu’après échec des traitements médicamenteux
chez les patients hautement symptomatiques [1]. Dans ce
cadre, la stratégie « ablate and pace » s’est avérée extrême-
ment efficace pour améliorer la qualité de vie et réduire les
symptômes. Dans une méta-analyse regroupant 21 études et
1 181 patients, Wood a montré que tous les paramètres clini-
ques et paracliniques étudiés (à l’exception de la fraction de
raccourcissement du ventricule gauche) étaient significative-
ment améliorés après ablation du nœud AV et mise en place
d’un stimulateur cardiaque conventionnel [12]. Cette techni-
que a cependant un certain nombre d’inconvénients : (1) la
création d’un bloc AV complet implique que les patients sont
le plus souvent dépendants du stimulateur cardiaque, (2) le
port d’un stimulateur cardiaque définitif est lui-même associé
à un certain nombre de contraintes (consultations spécialisées,
changement de boîtier une fois la batterie épuisée) et expose à
un risque infectieux ou de problèmes techniques sur les son-
des ou le boîtier. De plus, il est maintenant bien reconnu que
la stimulation ventriculaire droite est associée à un risque de
développement d’insuffisance cardiaque ou d’altération de la
fonction systolique ventriculaire gauche [13-15]. Dans les étu-
des évaluant la stratégie « ablate and pace », peu de patients
présentaient initialement une dysfonction ventriculaire gau-
che ou une insuffisance cardiaque [12]. Il semble bien que
dans ce contexte clinique, l’implantation d’un stimulateur car-
diaque resynchronisateur soit supérieure à celle d’un stimula-
teur cardiaque conventionnel. Dans l’étude PAVE [16] qui a
comparé ces deux techniques après ablation du nœud AV,
l’implantation d’un stimulateur biventriculaire apparaît supé-
rieure au stimulateur conventionnel sur les critères de test de
marche de 6 min et sur la fraction d’éjection du ventriculaire
gauche. Les patients qui bénéficiaient le plus du resynchroni-
sateur étaient ceux qui présentaient une insuffisance cardiaque
stade II ou III de la NYHA et ceux qui avaient une fraction
d’éjection initiale inférieure à 45 %.
F. Anselme / Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 58 (2009) S35–S37 S37
5. Conclusion
La stratégie de contrôle de la fréquence cardiaque chez
les patients porteurs de fibrillation atriale peut être envisa-
gée en première intention chez un certain nombre de
patients, notamment les sujets âgés paucisymptomatiques
mais aussi chez les patients insuffisants cardiaques. Dans la
littérature, cette attitude est souvent opposée à celle du
contrôle du rythme, alors qu’en pratique le choix du contrôle
du rythme est le plus souvent associé à la mise en place
concomitante d’un contrôle de la fréquence en raison du ris-
que élevé de récidive de FA symptomatique. Dans tous les
cas, on ne saurait oublier qu’une évaluation du risque throm-
boembolique est nécessaire quel que soit le type de FA ou la
stratégie choisie.
Conflit d’intérêts : aucun.
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