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“Notre métier n’est pas de faire plaisir ou de faire tort. Il est de porter la plume dans la plaie.” - Albert Londres

CONTROVERSES 15

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Controverses' issue 15

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“Notre métier n’est pas de faire plaisir ou de faire tort. Il est de porter la plume dans la plaie.”- Albert Londres

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U N M O I S D ’ O P I N I O N S

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Notre ritournelle « Je ne suis pas d’accord avec vous, mais je ferai tout pour que vous soyez entendu » martelait la première présidente de Controverses, Tressia Boukhors. Elle empruntait, disait-elle, cette phrase à Voltaire. Mais cette parenté est remise en cause, le saviez-vous ? Un débat était d’ailleurs né dans le comité à ce sujet l’année dernière. Si Voltaire n’a pas eu la sagesse de la prononcer, Controverses a nonobstant fait de cette phrase son leitmotiv. Permettre à chacun de s’exprimer. Confronter tous les avis. Faire vivre le débat dans l’IEP. Tel est notre idéal de démocratie.

Cet idéal, nous sommes ravis de vous voir le partager, en constatant la pléthore de « légitimes défonces » que nous recevons pour le site ou pour le journal papier. Pas moins de quatre réponses ce mois-ci, réparties entre la version papier et le site internet ! A lire : Hervé Ghesquière répond à l’officier Febvey à propos de son enlèvement en Afghanistan et réfute point par point les propos avancés par l’officier. Pascalis répond à Rémy à propos de l’Europe. Sur le site, Audric répond à Antoine à propos des primaires et Alex répond à Pierre-Olivier sur la Palestine. Les portables de la rédaction vibrent toutes les cinq minutes pour annoncer une nouvelle légitime défonce ! Bientôt une réponse à l’article sur le vote blanc, bientôt une réponse à l’article sur Mochefi El Relil (l’article sur DSK de Marc-Antoine)… Continuez à réagir, à provoquer, à partager, à tourner en dérision le monde dans lequel nous vivons, ou à vous poser dans une franche dénonciation du système. Faites vivre Controverses, faites danser vos plumes sur l’air du temps.

Lydia Belmekki

Le comité rédactionnel tient à remercier tout particulièrement M. Christian Duval, M. Daniel Van Eeuwen, Melle Patricia Rigaud, M. Antoine Carmona et Melle Noëlline Souris.

Directeur de publication : Lydia Belmekki

COMITÉ RÉDACTIONNEL:

Lydia Belmekki, Marylise Mahé, Cédric Capliez, Nicolas Corniou, Jean-Baptiste Viallet, Pauline Febvey, Marie Roulhac de Rochebrune, Manon Courbière, Charlotte Méritan, François Champavère, Elise Koutnouyan, Marine Purson, Mathieu Ledru, Léo Caravagna, Christopher Falzon, Cécile Gauthier, Marianne Daval.

RÉDACTEURS :

Pascalis Fabre, Lydia Belmekki, François Dumont, Marine Purson, Elise Koutnouyan, Jean-Baptiste Viallet, Christopher Falzon, Sarah Rhabahoui, Sébastien Demol, Antoine Baudino, Robin Gonalons, Léo Caravagna, Romain Canalis-Denamur, Aurélien Berne.

ILLUSTRATEURS :

Marc Burger, Cédric Capliez, Jean-Baptiste Viallet, Camille Baudoin, Juliette Davodeau, Lydia Belmekki.

Merci à tous nos rédac-teurs ! N’hésitez pas à nous envoyer vos articles sur vos sujets favoris, et/ou à réagir à ceux que vous allez lire !

[email protected]

L’actualité vue par Marc Burger.

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U N M O I S D ’ O P I N I O N S

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Sommaire :Un mois d’opinions p.2

> LEGITIMES DEFONCESPourquoi choisir la voie du fédéralisme ? p.4Hervé Ghesquière nous répond ! p.5

> POLITIQUEToutes les indignations ne se valent pas p.6Interview de Maxime Verner p.8Interview de Nicolas Dupont-Aignan p.9

> INTERNATIONALEurope : j’écris ton nom p.10De la démocratie en Afghanistan p.11Orban tient ses promesses, ce fasciste ! p.12

> SOCIETEBeautifulPeople p.14Mal de mère p.15La fin annoncée du téléchargement illégal p.16

> SPORTHandball : et maintenant ? p.17

> CULTURELe droit d’aînesse chez les fils de pute p.18J’aime / J’aime pas le sarkozysme culturel p.20

La liste des 10 livres conseillés par la rédaction :

Lolita – Vladimir Nabokov

Sa majesté des mouches – William Golding

Le portrait de Dorian Gray – Oscar Wilde

Le fabuleux destin d’Egar Mint – Brady Udall

Crime – Agustin Espinosa

1Q84 – Haruki Murakami

La mort est mon métier -- Robert Merle

Rien ne s’oppose à la nuit – Delphine de Vigan

L’herbe rouge – Boris Vian

Le cantique de l’apocalypse joyeuse – Arto Paasilinna

Ce mois-ci sur le site :www.controverses-journal.frLEGITIMES DEFONCES :

« Les spécialistes du conflit israélo-palestinien sont une des denrées dont la France est la plus riche. Tout éditorialiste, tout homme politique, tout écrivain de première – ou de seconde – catégorie s’est fendu d’au moins un article sur le sujet. Nous ne pouvons vivre sans notre dose quotidienne d’Israël, ou notre fix à la Palestine, quitte à sacrifier la réflexion sur l’autel de la grandiloquence. »

Alex Mahoudeau, en réponse à l’article de Pierre-Olivier Eglemme sur la Palestine.

« L’auteur accusait ainsi ces primaires d’être, je cite « un rétrécissement de l’offre politique faite aux Français doublé d’une duperie bien organisée grâce à sa spectaculaire transformation ». Il relevait le fait que cette primaire n’était due qu’à l’affaire du Sofitel, et donc n’était qu’une grande mascarade politique dans laquelle chaque candidat partageait les mêmes positions. Enfin, il voyait dans cette primaire une atteinte au principe gaulliste qui veut que les partis soient néfastes à la démocratie. Je me propose

donc de répondre à ces propositions totalement aberrantes. »

Audric Roustan, en réponse à l’article d’Antoine Baudino sur les primaires socialistes.

“Au marché des niaiseries iepiennes, celle qui se vante de “voter blanc” est la plus intéressante. […] Chaque électeur à chaque procession électorale confirme La Boétie et écrit un chapitre supplémentaire à son Discours de la servitude volontaire. […] Le droit de suffrage n’est que l’adaptation des despotes et de la tyrannie à la modernité. Il fallait faire en sorte que la domination politique soit consentie et paraisse comme étant un acte libératoire, il fallait donner l’illusion d’une intronisation populaire.”

EL en réponse à l’article de Narock sur le vote blanc

LA SPÉCIALE CINÉMA

Oscar 2012 : braquage à la française, Antoine BrunetonQuand César rime avec grand public. Manon Courbière

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L É G I T I M E D É F O N C E

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Pourquoi choisir la voie du fédéralisme ?

L’Europe va mal. Face à la montée des extrémismes, à la crise économique et financière qui bat son plein, les Européens se sentent déboussolés. Oui Rémy, tu as raison lorsque tu dresses un constat mitigé de l’Union européenne. Néanmoins, les solutions que nous voulons apporter diffèrent en bien des points.

Là où tu vois que « L’Euro est une maison mal construite, sur des fondations pourries, en zone inondable », je vois au contraire des fondements multi-séculaires auxquels tu es toi-même attaché. Sans parler des fondements judéo-chrétiens du “vieux continent” (en parler serait pour moi d’une immense inconvenance), je désirerais mettre plutôt en avant l’esprit des philosophes qui, ici et là, se sont mis à rêver d’une paix fraternelle et du Progrès des Peuples. Non, Goethe n’était pas français. Pourtant, je le considère comme un des Grands qui ont fait l’Histoire à laquelle j’adhère. Non, l’esprit des Lumières, du Romantisme, de Mai 68 ne se sont pas arrêtés à nos frontières, mais les ont transcendées pour en faire un joyau commun. L’Union européenne, cette union économique que tu exècres, est face à une haie. Mais lorsque tu proposes de rebrousser chemin, d’occulter tout un pan de l’histoire européenne, de notre histoire, je propose que l’on saute par-dessus et que l’on pose nos pieds sur le chemin de l’union politique. A cette heure, je pense à mon maître, Victor Hugo. Cet ardent défenseur du progrès déclara dès le le 21 août 1849 : « Un jour viendra où vous France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre, vous Allemagne, vous toutes nations du continent, sans perdre vos qualités

distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure, et vous constituerez la fraternité européenne, absolument comme la Normandie, la Bretagne, la Bourgogne, la Lorraine, l’Alsace, toutes nos provinces, se sont fondues dans la France. »

“Rémy, l’heure est à la responsabilité et non plus aux vieux discours d’un autre temps !”

On pourra me reprocher d’être idéaliste, mais faire abandonner la construction européenne serait briser le rêve français. Rémy, tu jettes un voile sur tout le pan sociopolitique de l’Europe afin de mettre en exergue le projet économique de l’Union européenne. Un projet que tu critiques allègrement ! Quelle solution proposes-tu ? Un retour au franc comme le suggère Nicolas Dupont-Aignan ou encore Marine Le Pen ? Non, le franc est mort ! Victime du libéralisme, je te le concède, mais il serait absurde de le ressusciter. Face au Dollar ou au Yuan, penses-tu vraiment que le franc, la lire , ou je ne sais quelle monnaie européenne puisse faire le poids ? Rémy, l’heure est à la responsabilité et non plus aux vieux discours d’un autre temps ! Ton repli sur les frontières s’apparente à une peur de l’étranger. Et Rémy, je suis navré de te dire que tu te trompes. L’étranger n’est pas un ennemi, mais un frère qui t’apporte ce qu’il possède, les merveilles de sa culture. L’étranger n’est pas un barbare que l’on doit expulser hors de nos frontières. Joseph d’Arbaud disait « le Grec antique, à force d’être Grec, se sentait humain ». L’humain, l’humanisme, voilà l’enjeu de la construction européenne ; il est révolu le temps où l’économie nous permettait de faire la paix. Aujourd’hui, tu auras saisi que c’est l’humanisme politique

que l’on doit achever de construire. Non, les « fondations » ne sont pas « pourries ». C’est ta conception du monde, de l’Europe, et je dirais même de la France, qui est « pourrie » par l’étroitesse d’esprit et le rejet apparent de valeurs qui sont pourtant le terreau de notre civilisation.

“L’Europe politique, c’est la résolution des crises par la démocratie et le bon sens”

L’Europe politique, qu’est-ce sinon un mélange de cultures qui se sont construites ensemble, des cultures qui apprennent à se connaître et non plus à se haïr ? L’Europe politique, c’est la résolution des crises par la démocratie et le bon sens. L’Europe, c’est un système social qu’il faut homogénéiser (et je ne dis pas niveler vers le bas). L’Europe, c’est, tu l’auras compris, la marche fraternelle des peuples vers un avenir meilleur, ou, s’il ne l’est pas concrètement, vers un désir de vie commune. Les français ont un devoir auquel ils ne peuvent déroger : depuis notre grande révolution, nous sommes les garants de la marche des peuples vers une société plus égalitaire. Rémy, tu pourras me parler de Charles de Gaulle, de celui qui a dit « non » aux étasuniens. Mais ce mythe souverainiste ne doit plus faire rêver. Le souverainisme est une façon de se fourvoyer. Je préfère citer Frédéric Mistral, un de nos illustres prédécesseurs dans ces murs : « fédéralisme, forme définitive et future de la démocratie ». Parce que c’est l’inévitable marche vers le Progrès, vers l’abandon de la haine et son endiguement en Europe, je clame haut et fort : vive l’Europe fédérale !

Pascalis Fabre

Source : savoiretculture.com

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L E G I T I M E D E F O N C E

Hervé Ghesquière nous répond !

Pouvez-vous nous donner votre version de l’histoire ?

Nous sommes arrivés le 3 décembre à Bagram, mais devions attendre quelques jours à Kaboul avant de pouvoir suivre l’armée. Les choses commencèrent vrai-ment le 10 décembre à Nijrab. L’émission que je faisais (“Pièces à conviction”, France 3, ndlr) avait pour fil rouge l’Axe Vermont. Les Américains en ont fait un axe essentiel pour la logistique en Afghanistan. On voulait voir comment cette route était défendue – ce que nous pouvions observer auprès de l’armée française – mais aussi comment elle était perçue par les Afghans. Nous comp-tions seulement rencontrer des civils (et non des Talibans). Après 17 jours passés avec l’armée française, nous ne voulions passer qu’une journée de l’autre coté. Nous savions que le lieu était moins sécurisé, qu’on pouvait se retrouver entre deux feux, etc.« Il faudrait que Jacky Fouquereau ac-corde ses violons et ne donne qu’une version et pas trois ».

Les versions de Jacky Fouquereau (Lieutenant-colonel officier de presse présent en Afghanistan en décembre 2009) :Version 1 : Hervé Ghesquière et Sté-phane Taponier leur ont faussé compa-gnie pour se rendre en Kapisa. Version 2 : L’armée a envoyé un mail au rédacteur en chef d’Hervé Ghes-quière pour lui dire que la région était dangereuse.Version 3 : Il n’y a plus de mail, mais seulement un coup de fil donné à Hervé Ghesquière le prévenant de la dange-rosité de la région de Kapisa.

On m’avait parlé d’un mail de l’armée, je l’ai effectivement retrouvé. Dans celui-ci, il n’y a pas la moindre mise en garde à propos d’enlèvements dans la région de Kapisa pour une seule et bonne raison : il n’y avait, pour l’instant, encore jamais eu de kidnapping dans cette région. Nous y fûmes les premiers (et heureusement, les derniers) otages occidentaux.J’ai contacté à plusieurs reprises Jacky Fouquereau, qui a désormais quitté l’ar-mée française, et j’ai fini par lui envoyer

une lettre avec accusé de réception. Pour l’instant, je n’ai reçu aucune réponse.

Dans Marianne, on peut lire que Jacky Fouquereau a envoyé un mail à Lionel de Coninack (le rédacteur en chef d’Hervé Ghesquière, ndlr) dans lequel il insiste sur les retours négatifs de l’armée à votre sujet. Y-a-t-il eu des problèmes dans les relations entre le personnel de l’armée et vous ?

Les problèmes dont parle Jacky Fou-quereau ont eu lieu avec un officier de presse, une lieutenante, que j’appelle-rai « Madame Absolument-pas »: dès qu’on lui demandait une information, elle nous répondait « je ne sais absolument pas ». Ce qu’elle savait en revanche, c’était nous mettre des bâtons dans les roues. A la fin de notre séjour, le 27 septembre 2009, il y eut effective-ment une altercation entre elle et moi. Je lui ai dit tout ce que je pensais : elle était payée pour nous empêcher de faire notre travail. Elle faisait régner une tension entre nous, journalistes et militaires interviewés, et nous empêchait même parfois de tourner. C’est de là que vient le mail. Elle a tout de suite fait un rapport à son chef, Jacky Fouquereau. Dans un premier temps, mes relations avec ce dernier étaient cordiales, puis elles se sont compliquées – tout en restant « professionnelles ». Je suis journaliste. “Pièces à conviction” est une émission d’investigation. Nous savions que nous aurions du mal à mener une vraie enquête en Afghanistan, mais nous voulions néanmoins essayer d’obtenir un peu plus d’informations que ce qu’on nous proposait : j’en demandais toujours plus, c’est normal, je ne fais pas de la communication pour l’armée mais simplement mon métier de journaliste. Donc les relations avec Jacky Fouque-reau se sont tendues, mais sans jamais se briser.

Que réfutez-vous dans le témoignage d’Eric Febvey (« Témoignage d’un offi-cier » Controverses numéro 13, ndlr) ?

Tout d’abord, la question de l’escorte octroyée aux reporters. Il n’y a pas de « journalistes sérieux et neutres » béné-ficiant d’une totale liberté de mouvement

d’un coté, et « les autres », flanqués d’un militaire à leurs basques. Dans un reportage au cœur de l’armée, tous les journalistes, sans exception, sont accompagnés d’un militaire.Autre chose : nous n’avions pas rendez-vous avec les OMLT (officiers formateurs français) le 30 décembre 2009, mais le 31. C’est important parce que nous avons été enlevés le 30 décembre. Et les propos de M. Febvey impliquent que nous aurions laissé tomber notre rendez-vous pour faire une escapade en secret à la place. C’est faux.Quant aux «hot spots», il est évident que la zone de Kapisa est dangereuse. Mais, comme je l’ai dit, aucun officier n’a parlé de risque d’enlèvement, et pour cause, il n’y en avait encore jamais eu.En ce qui concerne le check point afghan, nous en avions discuté avec les militaires et les policiers en place. D’après eux, la matinée était très calme. J’ajoute que l’enlèvement n’a pas eu lieu à 1 km de ce check point mais à 10 km. Et pour ce qui est des pots-de-vin, cette pratique m’est complètement inconnue.L’extrait du mail diffusé dans Contro-verses fut écrit le 7 janvier 2010, c’est-à-dire 48h après l’enlèvement. Je com-prends qu’il y ait eu des inexactitudes. Mais qu’on publie ça deux ans après me surprend ! Je voudrais aussi dire, à l’issue de ce droit de réponse, que j’ai le plus grand respect pour les militaires qui, sur le terrain, font leur mission en Afghanistan avec beaucoup de courage et d’abnégation.

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Propos recueillis par Lydia Belmekki

Source : ouestfrance.fr

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Nous voyons des gens bien moins cultivés que nous qui, non seulement ont le droit de voter, mais dont le vote pèse autant que le nôtre dans la balance, et dont les décisions pèseront sur nos existences et celles de nos enfants. Nous voyons la grande standardisation, le règne du plastique, de l’égale médiocrité. Nous voyons la fin de tout mystère, de toute transcendance. Nous voyons un monde dénué de beauté et de liens entre les humains, délivré de l’effort, de la souf-france, de la grandeur. Nous voyons se profiler le grand paradoxe à venir : l’absence totale d’empathie des individus les uns pour les autres, mais sur fond de

slogans civiques, sur la fraternité et la solidarité. L’Homme Nouveau risque d’être tellement méprisable qu’on finira par ne plus accorder la moindre valeur à sa vie. Homme Nouveau, façonné par ces idéo-logues qui rêvent d’une fin de l’Histoire, d’une civilisation stationnaire, sentant bon le charnier et l’indissociable. Nous pressentons l’odieux crime de masse au-dessus de nos têtes, cet enfant de la laideur et de l’indifférence. Alors oui, certains d’entre nous sont convaincus que toutes les civilisations ne se valent pas. Convaincus que notre civilisation occidentale moderne n’est pas tout. Convaincus qu’il a existé, qu’il existe

ou qu’il existera quelque chose d’autre, ici ou ailleurs, de mieux peut-être.

“Tous les braves citoyens qui s’indignent des propos de Guéant sont profondé-ment d’accord avec lui”.

Guéant, lui, évidemment, pense le contraire. Ce qu’il affirme, c’est que notre modèle occidental actuel est supérieur, et qu’il ne faut pas seulement punir ceux qui en Europe n’y croient pas, mais punir ceux qui dans le monde ne le partagent pas.

Toutes les indignations ne se valent pasL’hypocrite humilité de la gauche tartuffe

P O L I T I Q U E

Guéant considère que toutes les civilisations ne se valent pas. Pourquoi pas ? A nos yeux non plus, toutes les civilisations, toutes les morales, toutes les valeurs ne se valent pas. Des tas de choses ne se valent pas.

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C’est-à-dire l’imposer - avec l’aide de Bernard-Henri Lévy - à ceux qui ne défendent pas «la liberté, l’égalité et la fraternité» comme principes supé-rieurs, et qui acceptent «la tyrannie, la minorité des femmes», etc.Et au fond, tout le monde est d’accord avec ça. D’où l’incroyable mascarade offerte par cette gauche qui a critiqué Guéant.En réalité, tous les braves citoyens qui s’indignent des propos de Guéant sont profondément d’accord avec lui. Il n’y a pas plus républicain que d’affirmer la supériorité morale de l’égalité sur le privilège, de la démocratie sur l’aristo-cratie, de l’Humanité sur l’existence des peuples. Il n’y a pas plus humaniste que de vouloir propager ce socle de valeurs fondamentales, parce qu’il est intolérable que des êtres humains vivent encore dans l’obscurantisme, que des sociétés soient encore fondées sur les castes et l’esclavage, que des hommes puissent vivre quelque part sur cette Terre sans être éclairés par les Lumières.Jules Ferry, discours à l’Assemblée nationale le 28 juillet 1885 :« Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. Parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont un devoir de civiliser les races inférieures. »Léon Blum, discours devant l’Assemblée nationale sur le budget des Colonies, le 9 juillet 1925 :« Nous admettons qu’il peut y avoir non seulement un droit, mais un devoir de ce qu’on appelle les races supérieures, revendiquant quelquefois pour elles un privilège quelque peu indu, d’attirer à elles les races qui ne sont pas parve-nues au même degré de culture et de civilisation. »La voilà votre gauche. Le progressiste qui s’excite sur Guéant est comme cette sorte de chat stupide qui s’énerve contre son reflet devant un miroir. Pourquoi cette réaction hostile ? Parce que la gauche progressiste, contrairement à la droite, n’assume pas son sentiment de supériorité. Et c’est ce qui la rend autrement plus écœurante d’hypocrisie.Guéant, Sarkozy et toute leur clique sont droits dans leurs bottes, eux. Ils défendent les valeurs du «monde libre» en toute cohérence. Ils les propagent jusque dans la dernière grotte afghane et, aujourd’hui comme hier, ils bom-bardent les plus réticents avec leurs alliés américains. Si dans un futur plus ou moins proche, la parité, l’avortement, l’antiracisme ou le métissage se généra-

lisent à la surface du globe, si les races disparaissent et si les libertés indivi-duelles (sous contrôle étatique) prennent corps partout dans un monde en proie à la démocratie égalitaire, ce sera grâce à Claude Guéant et à Georges Bush, pas à François Hollande.Car la gauche ne veut pas jouer le mau-vais rôle. Elle ne veut pas faire le sale boulot, elle ne veut pas de sang sur les mains. Mais elle approuve. Ce que la gauche ne supporte pas chez Guéant, ce n’est pas qu’il hiérarchise, c’est qu’il le confesse et qu’il le dise aussi direc-tement. «Mon cher Claude, en tant que républicains, nous sommes évidemment au sommet de l’Humanité, mais c’est obscène de le proclamer voyons». Voilà au fond du fond ce qui est reproché à Claude Guéant, voilà le tabou, voilà toute l’hypocrisie de cette gauche.

«Dominons sans en avoir l’air, soyons civilisés, voyons, et ne méprisons pas ce sauvage».

La gauche progressiste et humaniste ne veut même pas entendre parler de supériorité ou d’infériorité, elle veut n’entendre parler que d’égalité. Pour-tant cette supériorité morale et civilisa-tionnelle, elle la vit jusqu’aux bouts des ongles. Elle se refuse tout jugement, mais comme une grande partie de la droite, elle a applaudi quand il s’agissait de bombarder les Serbes. Cette gauche, c’est celle qui sait que «la fin justifie les moyens», mais qui ne veut jamais entendre parler des moyens. Derrière sa mine offusquée, ses «indignez-vous», sa morale omniprésente, elle approuve volontiers qu’on écrase avec fracas le barbare sous la civilisation. Elle désire quelque chose qu’elle n’oserait plus proclamer aussi franchement que le faisaient Jules Ferry, Léon Blum ou Claude Guéant.Ce barbare qu’on écrase, ça pourrait bien être toi ou moi. Car moi non plus je ne pense pas que les civilisations se valent, mais je pense qu’il faut une vision très réductrice de la vie pour prétendre les classer d’une manière absolue les unes par rapport aux autres. Dans certains domaines pourquoi pas : la science, la philosophie, l’art, bien sûr qu’il faut creuser, comprendre, comparer, trier. Penser, c’est discriminer. Mais ordonner l’âme des peuples aussi facilement qu’on considère que deux est inférieur à quatre me paraît complètement vain. C’est aussi pernicieux que vouloir la même égalité

entre les hommes et les femmes. Et ça aboutit aux mêmes horreurs : viriliser les femmes, coloniser et faire apprendre le français à toute l’Afrique, ce genre de choses. Comme tant d’autres, je considère qu’il faut laisser vivre en paix les tribus africaines qui vivent dans les bois en ignorant les frontières qu’on a tracées pour eux, les Indiens et leur système de castes millénaire, ou les Chinois dont les ouvriers bossent 60 heures par semaine. Certes, j’accepterais de faire la guerre contre eux, si nos intérêts nous le dictent. Mais certainement pas pour propager notre modèle universa-liste, pas pour faire le « bonheur » des peuples contre leur gré.Parce que nous ne croyons pas au “progrès” tel que l’Occident s’en est fait le soldat depuis maintenant quelques siècles. Nous ne croyons pas au féminisme comme indissocia-tion entre hommes et femmes. Nous ne croyons pas à la République assimila-trice et colonisatrice, à l’Etat maman, ni même à l’Etat tout court. Et suivant le doute cartésien, je me permets même de douter du postulat selon lequel les hommes naissent et demeurent libres et égaux en dignité et en droits. Et c’est bien pour cela que la gauche comme la droite chassent tous les jours des gens comme nous, en les traînant devant les tribunaux ou en les ensevelissant sous un tapis de bombes. Parce que nous sommes des hérétiques. Parce qu’ils ne supportent pas qu’on remette en cause leurs principes modernes. Parce qu’ils sont persuadés de l’infinie supériorité de leurs valeurs. Parce qu’ils considèrent, comme Guéant, que toutes les civilisa-tions ne se valent pas. Il y a quelque chose de pathétique à ce que je me sente obligé de «défendre» un homme uniquement parce qu’il a encore le courage intellectuel de dire quelque chose, quand bien même je me situe aux antipodes de cette chose. Les réactions à ces propos ont donné lieu à un spectacle effrayant : torrent de sophismes, de « reductio ad Hitle-rum », d’absurdités, de mauvaise foi et de crasse intellectuelle. La scène s’est emplie de tartuffes, l’air ambiant s’est chargé d’hypocrisie, le jour viendra où il faudra mettre un terme à la farce.

François Dumont

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«L’Engagement du XXIème siècle sera celui de la jeunesse»

Maxime Verner (22 ans) est le plus jeune candidat à l’élection présidentielle. Également étudiant et président de l’Association des Jeunes de France, il est l’initiateur de la loi abaissant l’âge de l’éligibilité à toutes les élections à 18 ans (et 24 ans pour les sénatoriales).

Vous vous présentez comme le « porte parole » de la jeunesse. Pouvez-vous préciser de quoi il s’agit ?

Je ne me présente pas comme le « porte parole » de la jeunesse, car il n’y a pas qu’une seule jeunesse. La notion de « porte parole » signifierait qu’il y a une représentativité, ce qui n’est pas mon cas. Je n’ai pas vocation à représenter tous les jeunes. En revanche, j’essaie d’être le « porte voix » de la jeunesse, c’est-à-dire porter la voix de tous les jeunes, quelles que soient leurs convictions. Il s’agit de défendre l’avenir, car la jeunesse, ce n’est pas une seule génération. La jeunesse, c’est un rapport au temps, à l’avenir, à la société.

Vous vous présentez à l’élection présidentielle. Mais au-delà de cette échéance, quelle sera votre prochain combat pour la jeunesse ?

J’espère faire un bon score au premier tour, et qu’une politique publique de la jeunesse et de l’intergénérationnel soit mise en place dés l’élection du futur président, et dès les prochaines élections législatives. Je veux m’inscrire dans la durée.Je propose, concrètement, le permis gratuit pour les jeunes, le logement intergénérationnel, ainsi qu’un service civique obligatoire d’un mois. Ces projets ne sont applicables que si je suis élu président, ce qui me semble compliqué ! Je présenterai donc, même si je ne suis pas élu, ces propositions, sous forme de lois, aux députés dès le lendemain des élections législatives.

Vous affirmez qu’il sera difficile pour vous de remporter les élections présidentielles. Êtes-vous prêt alors à vous rallier à un candidat au second tour ?

Je ne suis pas candidat d’un parti. Je suis

militant et président d’une association, ce qui est différent. Je ne suis prêt, pour l’instant, à me rallier à personne. Il n’y a en effet pas un seul candidat qui regarde aujourd’hui l’avenir, et donc les choses, non pas telles qu’elles sont mais telles qu’elles pourraient être, avec notamment la richesse des jeunes. De plus, aucun ne prend position sur une véritable politique publique de la jeunesse. Si je n’avais pas mes 500 signatures, je ne saurais même pas pour qui voter ! Aucun ne propose un projet qui, en tant que jeune, me paraît stimulant, et qui me permettrait d’envisager un meilleur avenir. Je voudrais donc pousser les candidats à appréhender l’avenir tel que je le conçois. Mon objectif est d’obtenir 500 signatures (il m’en manque environ 170) et de faire le meilleur score possible au premier tour. Soutenir un candidat n’est donc pas à l’ordre du jour. D’ailleurs, si j’étais en accord avec l’un d’eux, je serais déjà à ses côtés. Pour l’instant, personne ne porte ma vision des choses. C’est donc pour cela que je suis candidat.

Quel regard portez-vous sur les réformes effectuées durant le quinquennat de M. Sarkozy, notamment sur l’enseignement secondaire et supérieur ?

Un des problèmes de M. Sarkozy, c’est la notion de cohérence et de poursuite dans l’action. L’autonomie des universités est une bonne idée, mais, concrètement, la répartition des moyens, des efforts et des chances n’est pas effective. Le dixième mois de bourse est une très bonne chose. Mais la situation actuelle ne permet pas à tous les étudiants de poursuivre des études, dans la mesure où les conditions des familles, au-delà de leurs revenus, ont évolué. Son bilan n’est pas parfait, mais n’est pas totalement mauvais non plus. Cependant, je ne vois pas comment celui qui a gouverné pendant cinq ans pourrait aujourd’hui changer de

regard et mettre en place une politique publique de la jeunesse. Son bilan est globalement négatif parce qu’il n’a pas réussi à changer « le point essentiel » et le plus urgent qu’est le collège. Il faut aussi réformer le rapport à la réussite, aujourd’hui plus encore qu’il y a cinq ans. Actuellement, la réussite est vue comme individuelle. Cela ne fonctionne pas. Il faut donc proposer autre chose : une réussite collective. Au-delà de l’aspect philosophique, il y a des applications concrètes, notamment supprimer le redoublement au collège et mettre en place des classes soutenues par des programmes d’école ouverte. Cela permettrait, petit à petit, de lutter contre le problème de la déscolarisation, qui touche chaque année 150 000 jeunes, et de faire face au problème des 12% de jeunes qui rencontrent des difficultés dans la maîtrise de la lecture, de l’écriture… M. Sarkozy n’ayant pas changé cela, je ne peux pas dire que son bilan est positif. Cependant, en étant juste, je ne le vois pas non plus dans les programmes des autres candidats. Si vous avez compris le message subliminal : il faut voter pour moi !

Propos recueillis par Marine Purson et Elise Koutnouyan

Photo : Jean-Baptiste Viallet

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P O L I T I Q U E

« L’Union européenne est morte, vive l’Europe! »

Député de l’Essone, Nicolas Dupont-Aignan a quitté l’UMP en janvier 2007. Depuis 2009, le président de Debout La République est connu comme étant partisan du retour au franc. Peu après sa conférence à l’IEP, le candidat souverainiste a accepté de répondre aux questions des M2 Info-Com, du CPX et de Controverses.

Quels effets pensez-vous que la crise politique et économique de l’Union européenne aura sur l’élection présidentielle ? A l’évidence, il y a une prise de conscience de nos concitoyens de la faillite du système en place. Cependant, les Français pourraient croire au « rafistolage du vaisseau » (comme le propose François Hollande). Or, cela ne changera rien. Il faut reconstruire le navire sur des bases saines pour qu’il ne prenne plus l’eau. C’est pourquoi je suis candidat. Ne craignez-vous pas qu’un retour au franc dévalué n’entraîne un gonflement de la dette publique et une baisse du pouvoir d’achat ? L’arrivée de l’euro a entraîné la pire baisse du pouvoir d’achat depuis des années ! Les partisans de la monnaie unique sont donc mal placés pour en parler... Il n’y aura pas de remise en cause du pouvoir d’achat après le retour au franc. Cela diminuera probablement la consommation des produits importés mais rendra nos biens plus compétitifs. L’augmentation de nos exportations favorisera la croissance et la création d’emplois. Ceux qui sont actuellement

au chômage retrouveront ainsi un travail et verront de fait leur pouvoir d’achat augmenter. Le pouvoir d’achat, c’est la conséquence de l’emploi. Mon objectif est de créer un million d’emplois en cinq ans par la relocalisation. A la matinale de Canal +, vous avez appelé à la démission de Carlos Ghosn (PDG de Renault). Qu’avez-vous à dire à ce sujet ? Je suis scandalisé qu’un homme gagnant un million d’euros par mois (l’équivalent de 4 000 salaires d’ouvriers marocains et de près de 1 000 salaires d’ouvriers français) se permette de donner des leçons et de délocaliser. Une délocalisation qui ne profite d’ailleurs même pas au Maroc puisqu’elle se fait dans une zone franche. Et l’État confie l’industrie automobile française à une personne de cet acabit ?! Mais dehors ! Dehors le plus vite possible ! Contrairement à l’Allemagne, la France est spécialisée dans les services. Comment espérer alors une relance par l’exportation? Dans votre projet, vous proposez aussi de développer les « filières prioritaires ». Comment les financer ? C’est la Banque de France qui permettra la ré-industrialisation de notre pays et d’investir dans les « filières prioritaires ». L’ultra-libéralisme, mais aussi le bureaucratisme et le clientèlisme ont appauvri notre pays et réduit notre potentiel de production. Je propose de réquisitionner Total, EDF et GDF. Pour autant, je suis contre les nationalisations massives. Il nous faut un secteur privé dynamique, et nous devons donc baisser l’impôt sur les sociétés.Mais rien de cela ne sera possible sans une dévaluation compétitive de notre monnaie. C’est le préalable indispensable à la relance de notre économie. C’est aussi valable pour les filières prioritaires, des secteurs d’avenir comme les énergies renouvelables, les transports non polluants ou encore les nano-technologies.

La fin de l’euro, que vous considérez comme inéluctable, ne risque-t-elle pas de détruire l’Union européenne ? L’Union Européenne est une organisation illégitime confiant le pouvoir à des gens non élus et violant la souveraineté populaire. L’Union européenne est morte, vive l’Europe ! Il va falloir reconstruire une Europe solide s’appuyant sur les démocraties et représentant un idéal de paix et de prospérité. Abordons une question de société. Un enfant peut-il être élevé par deux pères ou deux mères ? Je suis pour la parité parentale. Je ne suis pas hostile à l’union de personnes du même sexe. Notez que je ne parle pas de « mariage », mais bien d’ « union ». Je suis en revanche contre l’adoption par des couples homosexuels, car les gens ne doivent pas décider à la place des mineurs. Les couples n’ont pas le droit de se livrer à des expérimentations dans ce domaine.

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Propos recuellis par le CPX, Jean-Baptiste Viallet et Christopher

Falzon

Photo : Jean-Baptiste Viallet

Pourquoi voter pour « Debout La République », alors que Marine Le Pen préconise également un retour au franc et partage votre vision des élites et de l’Union européenne? Je constate que Marine Le Pen a re-pris certaines thèses économiques que je défendais depuis longtemps avec Philippe Seguin. Mais elle est prisonnière du Front National. Je serai le seul gaulliste social de ces élections. Je veux rappeler qu’on peut être patriote, sans être anti-ré-publicain ni xénophobe.

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Europe j’écris ton nomLes peuples sont morts. Il est plus exact de parler aujourd’hui de sociétés d’individus, de dominance culturelle commune.

Dans ce contexte, l’individu est “sur-sacralisé” aux dépens du groupe et l’esprit nationaliste s’amenuise. Ce phénomène est concomitant à la mon-tée en puissance de la classe moyenne et à l’émancipation individuelle par le droit. Demandez autour de vous : qui serait prêt aujourd’hui à se rendre dans les tranchées pour son pays ?

Cette transformation est aussi l’œuvre de l’Union européenne, abolissant dans la majeure partie des esprits le souffle médiocre du nationalisme et créant un cadre pacifique de résolution des conflits, dans une Europe jadis constamment à feu et à sang. Ainsi, les conflagrations européennes ne font plus partie de l’ima-ginaire social possible. Mais après avoir surmonté un pan épuisant et peu radieux de notre histoire, quelques braillards voudraient infléchir plus encore la poli-tique vers une « Europe des nations » (sic) sous couvert d’une souveraineté bafouée.Il est vrai que l’Europe a fait des erreurs autocratiques, mais l’Etat-nation n’en est pas exempt : tous deux ont, de manière imprescriptible, exercé des coercitions non voulues sur les indi-vidus et considérées parfois comme injustes. La caducité de l’argument du différentiel de légitimité entre les deux entités se pose avec plus d’acuité si l’on considère que la démocratie ou la “sociocratie” ne se résume pas au choix (ici par le truchement de méca-nismes électifs), mais réside dans l’acte de décision. Dire aux hommes qu’ils choisissent, c’est leur donner l’illusion du pouvoir. L’exercer réellement, c’est décider. Or, les procédés participatifs en France sont aussi pauvres qu’au niveau européen. Mutualiser des idées “sociocrates” venant des quatre coins de l’Europe créerait des effets synergiques,

par la démultiplication des alternatives participatives notamment.

“L’Europe ne constitue pas le nœud du pro-blème”.

L’originalité lumineuse est toujours le produit d’un mélange maîtrisé et productif d’éléments contradictoires. Dès lors, un pas vers un fédéralisme politique bien orienté serait un pas vers l’anoblisse-ment du politique et contre la crise du désenchantement qu’il subit. La sou-veraineté reviendrait alors pleinement aux hommes. L’Europe ne constitue donc pas le nœud du problème, mais se révèle comme la potentialité d’une liberté neuve et effective pour tous à travers le prisme décisionnel. Ne nous enfonçons pas dans les décombres de mensonges démagogiques. La crise politique et économique que traverse l’Union n’est pas un argument valide pour soutenir une politique nationale restric-tive. Cette dernière, sous des ambitions grandiloquentes, n’est jamais qu’une « petite politique », une politique de clo-cher qui, loin de proposer des visions d’avenir, se braque et se muséifie dans des sacralisations régressives. La battue en brèche de l’idéal européen est très en vogue, d’autant plus dans la situation instable que traverse l’Union. Elle prend des habits révolutionnaires occultant une âme effectivement réac-tionnaire. Mais comme toutes les modes, celle-ci ne durera qu’une saison ; aussi évanescente que sa figure de proue : je nomme Nicolas Dupont-Aignan, alias le grand anachronique.

“ L’enjeu de l’euro est celui d’une « Europe puissance »”.

« La France s’ennuie », abandonner l’idéal européen serait comme lui confis-

quer une dynamique qui la pousserait à se dépasser. Enterrer l’euro serait un suicide économique et le sabordage d’une longue histoire nous liant par des efforts conjoints. Le paradoxe, c’est qu’en maintenant le plus possible leur souveraineté, les États amenuisent les capacités de gestion de la zone euro. Autre absurdité : en voulant se défaire de la tutelle de l’euro, nous dépendrions alors dans une plus grande ampleur des caprices du dollar et nous exposerions plus nettement à la sévérité des crises.Parlons souveraineté : si le franc avait encore existé en 2003, la France n’aurait pu avoir une position aussi inflexible vis-à-vis des États-Unis à propos de l’Irak. Le franc aurait pu être aisément attaqué par des spéculateurs, alors qu’il est plus délicat de s’en prendre à l’euro. Certes, la zone euro souffre de failles idéolo-giques et institutionnelles notoires. Mais c’est une preuve d’extrême faiblesse que de vouloir abdiquer à la moindre difficulté rencontrée. L’enjeu de l’euro est celui d’une « Europe puissance ». Ainsi, à long terme, il s’agit de la place de l’Europe dans le monde de demain. Le petit cap de l’Asie a perdu son avantage relatif vis-à-vis des pays émergents . Pensons aux BRICS. Son retard par rapport à nombre de ses anciens concur-rents s’aggrave. Ce décalage résulte d’un attentisme face aux évolutions du monde, de l’absence d’une vraie coor-dination économique au service d’une politique de croissance communautaire, à l’image d’un “New Deal européen”. Sur ce, il est bon de se remémorer cette question atemporelle : « La vieille Europe ; elle ne revivra jamais : la jeune Europe offre-t-elle plus de chances ? » (Cha-teaubriand, Mémoires d’Outre-tombe).

Sarah Rharbaoui

lacurieusehistoiredumonde.centerblog.net

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De la démocratie en Afghanistan

La démocratie en Afghanistan est-elle possible ? Est-elle seulement voulue ? Quels sont les véritables acteurs du jeu afghan ? Quels liens sous-tendent la situation de plus en plus hasardeuse de la guerre afghane ? A nous autres Occidentaux, mais aussi aux puissances émergentes de savoir ce que nous voulons, et comment.En octobre 2001, les forces américaines et ses alliées fondaient sur l’Afghanistan sous le déchaînement des peurs et des passions. Il s’agissait en priorité de traquer Oussama Ben Laden et d’éradiquer les camps d’entraînement des djihadistes. Dix ans plus tard, Ben Laden est mort, les passions sont mortes et le réalisme prime. Des attentats ont néanmoins lieu presque quotidiennement en Afghanistan, des soldats occidentaux tombent tous les jours tandis que les raisons officielles ont changé : les armées de la Coalition sont censées instaurer la démocratie en Afghanistan pour éviter que ce pays ne redevienne le terreau du terrorisme fondamentaliste.Alors que les présidents français et étasunien, à l’approche des élections, parlent de retirer leurs soldats mais craignent pour la démocratie de Kaboul, la question est : que veut-on faire de l’Afghanistan ?Tous vous diront : laissez-les tranquilles. Quant aux élites de nos nations, c’est la lutte contre le terrorisme et son possible retour dans les montagnes afghanes qui leur importe : si l’armée fait de la guerre psychologique et « gagne les cœurs », ce n’est pas pour les vertus de la démocratie de Kaboul, mais bien pour empêcher la propagande et le terrorisme de revenir au pas de charge dans un des pays les plus pauvres au monde.

“Les Américains partent à contre-coeur, contrairement aux Européens. Pourquoi ? Cherchez la réponse au Pakistan”.

Si Américains et Français sont prêts à quitter l’Afghanistan, c’est parce qu’ils ont en tête d’autres stratégies : l’anticipation, le renseignement, la frappe ponctuelle. L’épidémie d’attaques de drones américains au Pakistan prend toute sa signification : si les soldats occidentaux sont forcés de faire leurs bagages, la lutte continuera, par des équipes clandestines au sol, des informateurs, des satellites

et des drones armés. Car le combat afghan, qui aujourd’hui se fait massivement contre des « talibans » réfutant toute occupation, se fera demain ponctuellement contre les vraies cibles, les vecteurs de l’islamisme radical, les prêcheurs de la guerre sainte et tous les affidés Al-Qaïda, les camps qui se reconstruiront et les réunions secrètes de décideurs. La guerre se fera des airs, de l’espace, à coups de bombes et de téléphones.Les Américains partent à contrecœur, contrairement aux Européens. Pourquoi? Cherchez la réponse au Pakistan. Le Pakistan, puissance nucléaire de 180 millions d’habitants, allié ponctuel de Washington mais véritable ami de Pékin, qui, pour accroître son influence régionale soutient quasi-ouvertement les talibans via ses services secrets, l’ISI. Le Pakistan, qui, pour contrebalancer le poids du sous-continent indien, maintiendra son influence, néfaste s’il le faut, en Afghanistan. Ce qui amuse la Chine, puisque ça embête Obama... Le Pakistan donc, qui est le levier afghan, celui qui peut permettre une relative pacification, voire (nous pouvons rêver) un développement démocratique à très long terme. Et voilà donc le couple afghano-pakistanais qui apparaît.Les stratèges occidentaux l’ont bien compris : on évoque désormais des stratégies Af/Pak. La Maison Blanche dispose elle-même d’un conseiller spécial Af/Pak, et les négociations avec les représentants talibans se feraient par l’intermédiaire pakistanais. La guerre sur le terrain est donc terminée, au profit de luttes d’ombre, de tractations stratégiques, de poids et contrepoids. Car les États-Unis, n’ayant aucun intérêt réel en Afghanistan hormis une lutte antiterroriste qui peut se conduire depuis Washington, voient d’abord la nécessité d’apaiser les esprits tant du côté indien

que du côté pakistanais. Les deux pays restent effectivement de bons clients de l’industrie d’armement américaine et des fournisseurs industriels à bas prix. L’Inde reste pour les États-Unis un immense marché en même temps qu’un foyer fantastique d’ingénieurs, tandis que le Pakistan est un pont entre l’Amérique et le monde musulman (le Pakistan ayant la seconde population musulmane au monde).

“L’Afghanistan [est] un simple pion dans le Grand Jeu asiatique”.

L’Europe ne joue déjà plus dans ce jeu de poids lourd. Il subsiste donc les États-Unis, soucieux de leurs intérêts dans la région, les Chinois (pressés de contrecarrer les plans américains) et les Indiens et Pakistanais qui, tout à leur lutte, tentent toutefois de ne pas trop dépendre de leurs grands frères chinois ou américains. L’Afghanistan, lui, extérieur à la lutte, n’est qu’un dommage collatéral malgré ses richesses naturelles récemment mises à jour. C’est un simple pion dans le Grand Jeu asiatique. Aucune volonté démocratique n’existe chez les acteurs de cette tragédie à l’échelle mondiale. Et ce ne sont pas les populations locales, fatiguées de quarante ans de guerre et n’aspirant qu’à la paix et à la tranquillité, historiquement divisées en de multiples tribus montées contre une centralisation étatique, qui feront germer les conditions d’un développement démocratique.

11Sébastien Demol

Source : boston.com

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Dans un article de Liberation.fr (tiré de la revue italienne Micromega) mais aussi sur Mediapart ou encore sur le site du Parti de Gauche, on nous explique que Victor Orban n’est que la première vague du retour de la « bête immonde nous rappelant les heures les plus sombres de notre histoire aux idéologies nau-séabondes ». Outre les incessants rappels historiques dignes du niveau 0 de l’analyse politique, le point Godwin est sans cesse atteint, ce qui permet de s’affranchir de toute étude objective et constructive.Il semblerait en fait que le modèle de démocratie occidentale et libérale soit le seul qui trouve grâce aux yeux de nos dirigeants. Tout autre régime ne saurait être qu’un reliquat du fascisme. Ça me rappelle un peu la Yougoslavie de Tito cherchant « une autre voie vers le socialisme » , que Staline qualifiera de nationalisme. Attention à quiconque rompra avec la doxa, vous subirez un sort « Kadhafien » !Que reproche-t-on au dirigeant hon-grois, au fond ? D’avoir respecté le programme sur lequel il s’est fait élire ? Le message de nos élites serait-il ici : « faites vous élire en promettant ce que vous voulez, mais une fois au

programme, arrêtez de déconner, et rentrez sagement à la niche bancaire » ?N’étant absolument pas dégoûté au plus haut point par nos hommes poli-tiques (Tapie, Chirac, Woerth, Pasqua, Mitterrand oncle et neveu…), je refuse d’y croire.Alors quoi ?

Les Hongrois ont osé ins-crire dans leur Constitu-tion que « Dieu bénisse les hongrois ».

Fasciste ! Reconnaître politiquement les racines chrétiennes de l’Europe, quel blasphème ! A l’heure où il est bon de se dire « citoyen du monde » (soit citoyen de rien), la Hongrie revient à ses origines, qui sont celles de l’Europe entière. Cette phrase serait un insup-portable repli sur soi, réactionnaire, et donc proto-fasciste. Tous les pays du monde, à commencer par les États-Unis, font référence à la religion, quelle qu’elle soit, dans leurs textes fonda-teurs, mais c’est évidemment interdit pour les européens, coupables, on le sait, de tous les crimes du monde et responsables de sa misère. Oublie qui tu es, fils d’Europe, il faut même que tu

en aies honte, sinon, comment te faire avaler toutes les couleuvres que l’on t’impose ? Tu risquerais de te révolter en pensant aux sacrifices de tes pères.

Les nouvelles lois rendent rétroactive-ment responsables des crimes soviétiques les dirigeants de l’ancien parti communiste.

Fasciste ! Mettre au même niveau com-munisme et nazisme est une effroyable hérésie, notamment en France, qui n’a jamais condamné les défenseurs de l’URSS qui cachaient ses crimes au grand public. Le « grand » Sartre lui-même avouera avoir menti « pour ne pas désespérer Billancourt », soit, mais c’était pour le bien du plus grand monde, pour qu’on arrive enfin au grand rêve socialiste. Mais n’ayant pas connu la dictature com-muniste, nous ne pouvons comprendre ce qu’ont subi les peuples de l’Est. Orban est évidemment un salaud de fasciste, selon les critères durablement imposés dans la société française par le PCF : celui qui est anti-communiste ne peut être que fasciste, évidemment.Ou peut-être faut-il penser que les hongrois ont beaucoup plus souffert du communisme que du nazisme. Le « Grand Frère » soviétique étant tou-jours prompt à redresser un peuple bien trop enclin, à son goût, à se prendre en main. La Hongrie veut donc tout faire pour ne pas revivre l’horreur rouge sang venue de l’est. Nous avons nos lois qui condamnent la négation de la Shoah. Eux condamnent des responsables de crimes organisés contre tout un peuple. Entre les deux, je me demande quel pays semble plus démocratique, ou le moins dangereux pour la liberté d’expression.

Orban tient ses promesses, ce fasciste !

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Lors des dernières élections législatives, Viktor Orban et son parti ont remporté les deux tiers des suffrages exprimés. On pourrait penser qu’une telle légitimité démocratique autorisait un gouvernement à appliquer les réformes promises. Mais devant le tollé politico-médiatique européen au-quel Orban a dû faire face, il semblerait que non. Peut-être n’avons-nous plus l’habitude que nos dirigeants tiennent leurs promesses…

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La nouvelle Constitution décrète que l’embryon est un être humain dès le début de la grossesse et que le mariage ne peut avoir lieu qu’entre un homme et une femme. Fasciste ! Les hongrois refusent que le mariage soit autre chose que la cellule naturelle d’une famille existante pour pérenniser l’espèce. Et en plus, ils ne veulent pas non plus de l’avortement. En dehors du fait que ce que font les hongrois chez eux ne regardent qu’eux-mêmes (surtout quand nous bombardons un autre pays pour aider une pseudo-révolution), ils refusent toute évolution qui nous semble naturelle. les Hongrois sont un peuple de chrétiens catholiques, pour qui la vie est sacrée du début à la fin. On leur reproche donc de ne pas avoir la même conception de l’existence que nous. Nous qui nous amusons à jouer avec la nature. Ils osent privilégier la vie de l’enfant en puissance qu’est l’embryon plutôt que celui de la jeune femme. Évidemment qu’on peut critiquer cette loi : imaginons une belle hongroise violée par des communistes. Peut être vaudrait-il mieux épargner à l’enfant la honte d’avoir été conçu par des nostal-giques de Staline ! Mais nous ne disons rien quand nos députés votent un traité auquel le peuple s’était opposé deux ans auparavant, alors que nous n’apprécions pas que d’autres peuples s’expriment. On pourrait également reprendre ici l’exemple suisse, pour dire finalement que le peuple est « éclairé » quand il vote ce qu’on lui dit de voter.

Les médias font face à un contrôle plus strict par le gouvernement, faisant craindre une actualité muselée.

Fasciste ! Dictateur ! Salaud ! Pire que tout, il s’en prend aux journalistes. Or,

on sait combien cette corporation est solidaire, parfois jusqu’à l’aveuglement, faisant de la liberté de la presse le pre-mier des droits humains. La moindre attaque, le moindre doute envers cette profession voue n’importe quelle per-sonnalité publique aux gémonies média-tiques.Ainsi, les journalistes se dispensent de toute autocritique tant leur pouvoir est grand ; ils verraient d’un mauvais œil une remise en cause de ce dernier. La dernière étude sur cette catégorie socio-professionnelle était pourtant étonnante. Elle fut réalisée en 2002 et révélait que 81% d’entre eux allaient voter à gauche. Alors peut-être que le muselage de la presse a lieu chez nous, mais personne n’ose le dénoncer, de peur de s’attirer les foudres du “quatrième pouvoir”. De plus, devant le tollé unanime de tous les grands journaux français contre Orban, on se demande bien dans quel pays les médias sont à sens unique.Certains en France, trop dangereux en période électorale semble-t-il, ont été presque interdits d’antenne. Ce fut le cas d’Eric Zemmour, remplacé par une pauvre femme sans répartie, qui ne connaît rien aux sujets qu’on lui pré-sente, se contentant de rester dans un cliché misogyne courant puisqu’elle ne s’intéresse qu’à l’éducation des enfants.Il faut aussi rappeler que nos plus grands journaux appartiennent, dans une part plus ou moins grande, à de grands groupes financiers et ainsi toujours prompts à défendre leurs intérêts, tout en étant amis avec le pouvoir politique; le plus bel exemple est bien évidemment Martin Bouygues, très proche de Nicolas Sarkozy. Ce dernier ne va certainement pas user de ses réseaux dans un but politique. Il aime trop la démocratie, ce n’est pas un fasciste à la Orban.Vous avez dit “médias libres” ? Le gouvernement hongrois a simplement nommé des “commissaires” qui seront

chargés de veiller au bon fonctionne-ment de la banque centrale.Enfin, on en arrive au cœur du problème, celui qui dérange réellement nos élites. Ce salaud (fasciste n’ayant plus cours ici, un communiste aurait pu faire au moins aussi bien) veut contrôler les agissements de sa banque centrale. Comment ose-t-il, ce roitelet insignifiant, dirigeant un pays d’igno-rants qui préfèrent prier que consom-mer, vouloir que le politique reprenne un peu de pouvoir sur l’économique ? Mais il n’a rien compris à notre monde ! Le problème de l’Union Européenne est qu’un pays ne se laisse pas faire comme les autres. La Hongrie retrouve en fait seulement le plus simple des pouvoirs régaliens. A l’heure où tout le monde appelle à une régulation du marché, à un contrôle de la finance, le seul pays qui en met un réellement en place se fait insulter par tous les gou-vernants d’Europe ; étrange. Ou alors la véhémence de nos dirigeants contre la finance est peut-être seulement une façade pour rassurer le peuple, mais une fois élu, ils baisseront à nouveaux leurs (et nos) pantalons.Et à la fin, la démocratie est ennuyeuse ; faisons comme en Italie, en Grèce ou en Belgique : appelons Goldman Sachs à la rescousse. La banque américaine à la réputation honnête n’a même plus besoin du vote des citoyens pour les diriger, seul un aval de l’Union Euro-péenne étant nécessaire. Insupportable en effet pour nos élites politiques, com-plètement inféodées au pouvoir de la Banque, qu’une seule frontière ne leur résiste.

Quand on a bien compris par qui et pourquoi est critiqué Orban, il pourrait faire sienne la fameuse réplique du film Dikkenek : « Je sais bien que je plais pas à tout le monde, mais quand je vois à qui je plais pas, je me demande si ça me dérange vraiment ».Un jour, un homme a dit « Je suis un Berlinois », d’autres « Nous sommes tous des Juifs allemands », aujourd’hui j’affirme que je suis de tous les peuples libres du monde : Je suis tibétain, karen birman, russe, iranien, palestinien, Serbe, vénézuélien, autochtone américain et plus que tout, hongrois…

Antoine Baudino

Source : lejdd.fr

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BeautifulPeopleTrembleeeez internautes, car c’est un nouveau dieu qui s’est érigé sur l’Olympe des réseaux sociaux, et qui a vocation à vous caresser ou frapper de son terrible et subjectif marteau : la beauté (terrible vous dis-je).

En effet, et bien que le site dont nous allons avoir un aperçu ici n’est qu’un nain parmi les titans Facebook, Twitter et Google+, il se taille avec ses 500 000 adhérents une place douillette dans notre panorama webesque.L’objet en question, c’est Beautiful-People.com, dont les conditions d’accès reposent donc sur des critères esthé-tiques (les plus sagaces d’entre vous l’auront déjà perçu au travers de son intitulé relativement évocateur).

“Est considéré beau la plupart du temps une plaquette d’abdos ou une poitrine (très) avanta-geuse”

Le principe est simple. Pour peu qu’un «moche» ait l’outrecuidance de se pré-senter sur le site (ou bien un «beau» à qui Photoshop et ses miracles demeurent inconnus), l’accès lui en sera empêché avant qu’il n’ait eu le plaisir de voguer au travers de cet Eden de bellâtres et de bombasses.Parce que oui, c’est assez curieux à constater, mais les critères du beau sont plutôt relatifs sur BeautifulPeople.com. Après un examen de celui-ci, je sup-pute finalement ne rien avoir compris à la beauté et à sa relativité. Ou c’est ce site et ses adhérents qui déconnent sec. Rien de compliqué : est considéré beau la plupart du temps une plaquette d’abdos ou une poitrine (très) avanta-geuse.Ce site vous fait rêver ? Vous en voulez encore ? Alors postulez ! La démarche est la suivante : au travers d’une photo et d’un profil à remplir (taille, poids, fu-meur, véhicule... votre assureur vous en demande moins, vraiment), un examen est entrepris afin de bien percevoir si on mérite potentiellement sa place parmi les beaux. Ensuite, l’épreuve impitoyable de sélection ! Votre profil est soumis à un vote auquel tous les membres peuvent participer et qui vous classe grossièrement selon quatre notes possibles : «beau/ça

passe/non/vraiment pas». Ces réponses permettant d’évaluer au terme de 48h si, oui ou non, votre place est méritée.L’anecdote est géniale autant que sa-tisfaisante. Car lorsque l’un des deux créateurs du site eût soumis lui aussi sa candidature, l’entrée lui a été refu-sée. C’est avec un certain plaisir que le deuxième compère contait la petite histoire récemment lors d’une émission télévisée, tout en expliquant les raisons de la création du site : «on en avait marre de flirter avec des gens sur Internet laids en réalité». Et de continuer en expliquant, sûr de l’acuité et la finesse de son analyse, qu’on avait tous envie de sortir avec des gens beaux, d’en être fier etc.

“Il n’est pas question ici d’éluder la part de séduc-tion liée à la beauté de l’autre (...) mais bien de pointer la vacuité profonde (et terribleee) d’appréhender le couple uniquement sous l’angle de l’apparence”

On notera la place réservée à la puis-sance des sentiments et à la richesse de l’échange, dans un couple qui pourrait se former uniquement sur ce critère. Il n’est pas question ici d’éluder la part de séduction liée à la beauté de l’autre, et ses corollaires potentiellement agréables lorsque l’on est en couple, mais bien de pointer la vacuité profonde (et terribleee) d’appréhender le couple uniquement sous l’angle de l’apparence.Mais passons ces considérations (ar-chaïques si je m’en réfère à Beautiful-People.com qui se veut l’expression de son temps) et entrons dans ce temple divin (ou marché aux boeufs, selon le point de vue).Votre serviteur a pu pénétrer dans le saint des saints au moyen d’une photo à la luminosité poussée (vous savez, celle qui rend le visage d’un blanc hygiénique, sans aspérité ni saveur). Pour résumer,

il y pénètre par le mensonge.Car il n’était pas exact d’écrire que seuls des rejetons de salle de musculation se promènent sur le réseau social. A vrai dire, c’est même une minorité : la plupart des utilisateurs c’est vous, moi, tout le monde, dans notre relative banalité musculeuse. Heureusement, il existe une certaine relativité quant à l’appréciation de la beauté lors de la candidature. Les muscles ou la taille fine ne sont pas tout (ou presque). Une image photoshophée (pour l’immense majorité des cas), un regard relativement aguicheur (oui oui) suffisent à emporter l’adhésion des membres.C’est une bonne nouvelle. Nous sommes tous beaux, cuicui les oiseaux. Ce qui en est une moins bonne, c’est le succès du site et le regard profondément vide des postulants ou membres (pas de mépris en écrivant cela, juste de l’effroi). Cependant, il a le mérite d’être le symp-tôme de la société de l’apparence dans laquelle nous vivons, de ses influences jusque dans le domaine de l’intime et, bordel, de cette manière, on va droit dans le mur.

Robin Gonalons

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S O C I É T É

Mal de mèreL’étranger en moi, Emily Atef

« Le portrait d’une jeune mère luttant pour appri-voiser sa maternité» peut-on lire sur la jaquette du DVD.

En une phrase, tout est dit. Et ce point final, sobre, brutal, est sans appel. Il nous fait rebondir sur la phrase et on se heurte rétroactivement à ses verbes. Lutter, apprivoiser. Cessons donc d’invo-quer l’instinct maternel pour minimiser la chose : la maternité est un combat.

Insoutenable car proche de nous

L’Etranger en moi décrit la lente dérive d’une jeune maman qui rejette son bébé et qui sombre dans la dépression. Dans ce film, le talent de la réalisatrice (Emily Atef) est double. D’abord, avoir su filmer avec distance, presque avec froideur, une dérive psychologique (dont l’intensité est renforcée par le jeu exceptionnel de Susanne Wolf dans le rôle principal). Ensuite, avoir évité de dresser le portrait d’une femme ayant des antécédents psychologiques et dont la dépression s’expliquerait par un mari absent, une enfance malheureuse, une grossesse difficile etc. Au contraire : Rebecca est une femme belle, épanouie dans son travail, son mari est aimant et compré-hensif, sa mère est présente pour elle. Avoir un enfant fut une décision réfléchie à deux… Toutes les conditions semblent réunies pour avoir une maternité « nor-

male ». Voilà précisément le drame de ce film. Il est insoutenable car proche de nous. Rebecca, c’est nous, c’est vous. C’est la première femme enceinte que vous rencontrerez après avoir vu le film.

Un acte douloureux

C’est la raison pour laquelle on sort du film littéralement bouleversé. Cette vérité crue nous pique encore les yeux après avoir rallumé les lumières. La naissance d’un enfant est un acte douloureux. Et pas seulement dans l’accouchement, que la péridurale peut adoucir. Pas seulement quand on porte l’enfant du diable comme Rosemary. Reconsidé-rons la maternité. Concevoir un enfant avec quelqu’un d’autre et porter en soi un autre être humain, c’est-à-dire une conscience détachée de soi en soi. Savoir que cet événement ne sera pas simplement la naissance d’un autre indi-vidu mais la naissance d’un enfant, d’un papa et d’une maman. Que deviennent l’homme et la femme qui existaient à la place de ces parents ? C’est la mort de deux vies et la naissance de trois nouvelles entités dans un seul accou-chement. Posons-nous un instant. C’est complètement fou, en vérité. Comment a-t-on pu exiger des femmes qu’elles soient assez fortes « par na-ture » pour supporter cela ? Nul besoin d’avoir un contexte défavorable pour perdre pied. Devoir aimer, dès qu’il naît, ce nouvel individu dont on ne sait rien. Cette situation relève de la folie. On jettera pourtant l’opprobre sur celles qui, comme Rebecca, n’y parviennent pas.Pour justifier cette absurdité que consti-tue l’amour maternel, on me répondra « l’instinct maternel ». Celui qui, depuis la nuit des temps, permet à l’homme d’exister : depuis toujours, nos mères nous aiment et veulent nous protéger envers et contre tous. Cette réponse, bien que touchante et largement répan-due, est fausse. Combien faudra-t-il de Simone de Beauvoir ou d’Elisabeth Badinter pour la marteler ? Philippe

Ariès dans L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime nous le rappelle : la notion d’instinct maternel date du XVIIIe siècle, époque à laquelle on cesse de considérer l’enfant comme un être incompréhensible vivant dans un monde séparé du nôtre. Il faudra attendre Rousseau pour nous expli-quer que l’enfant n’est pas une bête sauvage mais un petit être fragile et innocent qu’il faut protéger. Les enfants qui étaient, dans le meilleur des cas, balancés chez des nourrices, deviennent alors le centre des préoccupations et on voit apparaître des notions telles que “l’amour” ou “l’instinct maternel” qui viendront bousiller jusqu’à notre siècle, qui a pourtant choisi comme idoles la Science, la Modernité ! Je crache sur ces noms. Car la Science ne se penche que sur les sujets qui l’intéressent ! Et celle-ci ayant été menée et gouvernée par des hommes, doutez-vous bien que les psychoses post-natales passent bien après l’étude des anneaux de Saturne ! Qu’on s’étonne ensuite des résultats branlants des travaux sur l’instinct maternel.

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Lydia Belmekki

7 accouchées sur 10 passent par un “baby blues” (état dépressif bénin qui disparaît spontanément après quelques jours).

1 femme sur 10 est atteinte de dépression puerpérale (dépression post-natale centrée sur le rôle de mère et la relation avec l’enfant)

Chaque année en France, de 500 à 700 femmes sont concernées par une psychose puerpérale (grave instabilité mentale qui nécessite une hospitalisation).

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S O C I E T E

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La fin annoncée du téléchargement illégal

Le 19 janvier, Megaupload.com et ses sites associés sont rendus inaccessibles suite à une décision du département de la justice des États-Unis. Leur fonda-teur et ses associés sont arrêtés et pour-suivis pour le partage de fichiers sous copyright, provoquant un tollé général.

C’est la panique chez les internautes. Des médias annoncent une « nouvelle ère »… A croire que le téléchargement et le streaming sont finis, enterrés.Il est temps pour une petite piqûre de rappel : c’est bien de l’Internet dont nous parlons. S’il y a bien un fait indissociable de l’Internet, c’est l’innovation. Depuis Napster, il y a toujours eu un moyen de télécharger des contenus protégés. Megaupload n’est ni la première ni la dernière cible de la justice : Napster, Emule, Limewire, Radioblogclub et autres sont oubliés ou disparus. Pourtant, le peer-to-peer, le streaming et le télé-chargement direct sont toujours utilisés. Diantre, comment est-ce possible ?! La concurrence existe aussi sur le net. Sans Megaupload, ses nombreux concurrents vont pouvoir se partager le marché et devenir plus difficiles à atteindre. Les internautes paniqués suite à la dispa-rition d’un seul service de streaming et téléchargement, si important soit-il sur le marché, se mettent le doigt dans l’œil. Il existe de nombreux moyens de télé-charger anonymement : VPN, proxy…

“Si le « pirate » consomme des produits culturels illégalement, les chances sont bonnes pour qu’il en consomme aussi légalement.”

Dans la sphère culturelle, toutes les technologies ont été un temps perçues comme une menace pour l’offre déjà existante. Ce n’est pas un hasard si les chaînes de télévision françaises sont légalement contraintes de produire des films de cinéma. La cassette n’a pas tué l’industrie du disque… L’échelle est

différente, me direz-vous. Certes, la quantité de « pirates » aurait aug-menté (et encore, elle est difficilement quanti-fiable). Mais les ventes ont également augmenté.

La croissance des ventes est moribonde. Certes, mais replacée dans le contexte économique actuel, elle apparaît tout compte fait bien peu inquiétante. J’ai un peu du mal à m’inquiéter pour les 78 milliards de dollars de chiffre d’affaires de Sony en 2010, les 40 milliards de Disney ou les 28 milliards du français Vivendi. Les grands groupes américains avancent le chiffre de 250 à 250 milliards de dollars de pertes par an, mais ces chiffres ont été désavoués par le Government accoun-tability office (équivalent américain de la Cour des comptes). Les estimations de la Motion picture association of America sont basées sur un calcul simpliste : un fichier téléchargé est égal à un produit non acheté. Or, l’argent économisé par le téléchargement d’un produit est dépensé ailleurs. Si le « pirate » consomme des produits culturels illégalement, les chances sont bonnes pour qu’il en consomme aussi légalement. Enfin, il ne faut pas confondre vol et copie. Même si la copie est illégale, elle n’est pas un vol : le producteur dispose toujours librement de son produit.Les grands distributeurs de produits cultu-rels ont encore mal compris leur intérêt. Internet n’est pas l’ennemi ; c’est un for-midable marché potentiel. Si l’offre illégale est si importante, c’est parce que l’offre légale est insatisfaisante. Prenons comme exemple l’offre de séries et de films en version originale à la télévision : elle est insignifiante. Quant aux prix des DVD, ils permettent d’en acheter bien peu. Ne parlons même pas de la qualité des séries françaises. La fermeture de Megaupload aurait permis aux chaînes françaises une augmentation généralisée de leur audimat à court terme, mais la tendance à long terme doit encore être analysée.

“La meilleure solution est encore celle du « forfait global »”

Il existe des solutions pour les distribu-teurs. Outre l’offre basique des plates-formes de téléchargement de musique et de films, la VoD constitue une alternative intéressante. Dans le domaine musical, le freemium est l’alternative légale domi-nante, notamment grâce à Spotify. Le principe est simple : l’utilisateur a un accès gratuit aux contenus mais pas à toutes les fonctionnalités du service, devant subir la publicité et parfois un nombre limité d’écoutes. Pour avoir un accès complet au service, il faut payer un forfait dont les prix varient. Dommage que les catalogues demeurent insatisfaisants. La meilleure solution est encore celle du « forfait global » : pour une somme mensuelle ou annuelle fixe, l’utilisateur a un accès illimité à un catalogue presque exhaustif de films , de séries télévisées, ou bien de musique, qu’il peut téléchar-ger ou visionner en ligne. Quitte à fixer un tarif assez élevé, les deux parties peuvent y être gagnantes : les produc-teurs s’assurent le contrôle du circuit et des revenus conséquents grâce à la publicité et au support du service sur plusieurs technologies (smartphone,télévision,ordinateur); le consommateur a un large produit.Quant à ceux qui s’indignent au nom de la liberté d’expression, ils se trompent de débat. La liberté d’expression n’a rien à voir avec le fait de partager gratuitement des produits culturels sous copyright. Ce débat existe, mais est différent. De même, je dis oui à la culture pour tous si nous parlons de Voltaire et de Hugo. Mais qu’on ne vienne pas me dire : « Je suis pour la culture libre ! » pour pouvoir télécharger le dernier épisode de How I met your mother.

Léo Caravagna

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S P O R T

Handball : et maintenant ?Seuls sur la planète handball depuis leur sacre olympique de 2008, les Experts se sont illustrés d’une toute autre manière aux derniers championnats d’Europe, au cours desquels ils ont signé un des pires résultats de leur histoire. Le sport français peut donc s’interroger quant aux chances d’un de ses plus fiers représentants aux prochains Jeux Olympiques.

Un inquiétant raté

Mardi 24 février, Novi Sad (Serbie) : la France et la Croatie, les deux nations qui ont dominé le hand mondial ces der-nières années, s’affrontent pour sauver leur peau. Des deux anciennes gloires, seule la gagnante se qualifiera pour le dernier carré de la compétition. Et alors que par le passé, la France avait toujours su gérer ce genre de match couperet, elle s’incline (29-22) après avoir lâché mentalement. Comme un symbole.L’équipe de France de handball ne pou-vait pas tout rafler indéfiniment. C’est la fin d’une série qui l’aura donc vue gagner tour à tour les JO de 2008, les championnats du monde de 2009 et de 2011, ainsi que l’Euro 2010. Nicolas Dupont-Aignan avait peut-être raison: la France aurait dû sortir de l’Euro (de handball) avant cette déroute.Finissant à la onzième place, les Fran-çais signent leur pire résultat dans un Euro. Au-delà des chiffres, c’est la manière qui inquiète : les sauts de concentration, la défense fébrile (avec parfois un étrange pressing trop haut et mal maîtrisé), ainsi qu’un jeu offen-sif stéréotypé, ont été l’apanage des Français, ombres d’eux-mêmes dans la compétition.

Des erreurs à corriger

Le moment n’est cependant plus à la lamentation mais à la remise en question pour l’équipe de France. Ce qui est sûr, c’est que plusieurs facteurs expliquent ce résultat. Tout d’abord, on peut pointer du doigt les carences individuelles : deux des cadres de l’équipe de France, Nikola Karabatic et Thierry Omeyer (respective-ment arrière et gardien) ont connu une méforme aussi forte qu’inattendue. Et c’est tout sauf anodin quand on connaît le talent de joueurs ayant remporté les plus grands titres de la discipline. Si les cadres rencontraient déjà des difficultés techniques l’an passé, c’est une faillite mentale que l’on observe cette année. Devant l’intermittence de leurs aînés, les jeunes (tels que Barachet ou Accambray) n’ont en effet pas su prendre le relais, multipliant les mauvais choix. En bref, il manquait un taulier en forme dans cette équipe.En outre, un inhabituel manque de moti-vation chez les Experts est à noter. Dans une interview à L’Express parue avant la compétition, l’entraîneur Claude Onesta déclarait : « si on faisait un dixième de ses dérapages [ceux l’équipe de France de football], on ne s’en remettrait pas. Notre valeur ajoutée, c’est notre exem-plarité. » Or, toute proportion gardée par rapport au drame de Knysna, l’équipe de France de handball a été prise par moment en flagrant délit de suffisance lors de la compétition. Mais ce trait de

caractère n’est-il pas l’apanage des très grandes équipes dominant leur sport tant au niveau du jeu qu’au niveau du palmarès ? De ce point de vue, le parallèle avec le grand Barça (largué en Liga) n’est pas inintéressant.Par ailleurs, contrairement aux autres équipes, les Bleus ne jouaient pas leur qualification aux JO pendant la compé-tition. Mais ce qui aurait pu leur donner l’avantage de la sérénité, s’est en réalité transformé en un facteur de démobili-sation pour les joueurs.

Londres en perspective

Mais alors, est-ce la fin d’une généra-tion dorée maintenant vieillissante (huit joueurs au-dessus de la trentaine) ? Des raisons laissent penser au contraire que l’équipe de France jouera la victoire à Londres.D’abord, Onesta a su bâtir un projet de jeu cohérent qui lui a permis de monter plus un groupe d’amis qu’une équipe. Il y a eu défaite certes, mais sans rupture de confiance au sein du groupe comme ça avait été le cas pour les footballeurs en 2010. Par ailleurs, les Bleus pourront trouver dans la revanche une source de motivation. Outre le retour en forme des cadres, on peut espérer que la pression qui a usé cette équipe depuis quatre ans, sera moins forte aux JO. Ainsi, les chances de victoire sont grandes.Les explications à cette contre-perfor-mance sont donc nombreuses, et si les erreurs de cet hiver ne sont pas reproduites à Londres, la France pour-rait retrouver de sa superbe cet été. En conséquence, ne tombons pas dans ce mal bien français consistant à voir chaque défaite comme une catastrophe, et écoutons plutôt un Onesta revan-chard annoncer : « on va remettre les pendules à l’heure et on verra qui sera capable de nous battre ».

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Romain Canalis

Source : lemonde.fr

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Elle nous taraude, l’insulte envers la mère

Omniprésente dans tous les argots du monde, la chère invective universelle. La vulgarité mesurée est autorisée par mon éthique. « La plus grande injure qu’on puisse dire est le trop fameux sahr sa dnei - par les parties génitales de ta mère. Ce jurement a souvent été lavé dans le sang » nous rapporte George Balandier, citant le baron Roger à propos d’une tribu sénégalaise, dans Afrique ambiguë.Pourtant, c’est le genre de mot qui me vient aux lèvres lorsque, pour une minute, je me pose en spectateur. J’écoute ce qu’il se dit, je regarde. Un extrait de discours à la télévision me renseigne, un temps, puis confirme mon intuition. Quel triste spectacle que cette course d’amadoueurs.La race des inertes, confortablement attablée, organise un championnat de bassesses au niveau très élevé et se dispute un beurre qui apparaît déjà terminé. On nous propose même de nous en réjouir, d’être enthousiastes qu’il ne soit pas encore tout à fait fondu. Ayez confiance.Les théories de l’école de Francfort et les quelques bribes de Theodor Adorno que j’ai lues font écho à l’agitation que j’ai sous les yeux. Ce sont elles qui me font bondir et précipitent en ma bouche la réplique honnie, l’insulte suprême que je ne contrôle pas.Et ceux qui, malgré tout, ont l’air de diriger le monde dans lequel je vis, ceux-là me parlent d’un univers qui n’est pas le mien. Il ne ressemble en rien à ce

que j’imaginais. Les macros à l’horizon unique, je ne parle pas leur langage. Quelles drôles d’idées vous avez parfois. « Le petit Prince eut un très joli éclat de rire qui m’irrita beaucoup. Je désire que l’on prenne mes malheurs au sérieux. Puis, il ajouta :- “Alors toi aussi tu viens du ciel ! De quelle planète es-tu ?”- Tu parles comme les grandes personnes !”Ça me fit un peu honte. Mais impitoyable, il ajouta :- “Tu confonds tout...tu mélanges tout !”Il était vraiment très irrité. »

Être un fils de ? Il n’y a là rien que nature.

«Tout être humain est le résultat d’un père et d’une mère », nous renseigne JMG Le Clézio à la première ligne de L’Africain. Il est en effet difficile de prétendre le contraire. Mais la putain, elle, je veux dire la mère de ceux qui font si mal à mes oreilles, met en orbite dans le monde des animaux qui me semblent aussi peu éclairés que leur ombre. Ils sont la Providence, croient-ils. En amont, peut-être a-t-on décidé pour eux, dans le passé ? Cela n’est pas mon affaire. Ils ont bien dû, à un moment ou un autre, choisir d’être nauséabonds, les fameux fils. Partout, leur odeur nous parvient en extraits, sous plusieurs formes aujourd’hui. Chef de meutes que vous êtes ! Vous avez la manipulation subtile, les chiens de garde. Nous faisons ici acte de contrition : je souhaite sincèrement la morsure de votre propre queue.

Gloserie de misanthrope ?

J’ai beau avoir le sourire facile, je ne vois pas de raison de se réjouir de tout ce marketing agrémenté de vidéos ridicules, qui nous vend un futur dont vous ne croyez pas le quart. Rions tout de même, c’est plus agréable, et plaçons en une au passage, sur la légèreté.La parole étudiante est par essence légère - entendez illégitime. Rappelons qu’aux yeux de beaucoup de monde, nous ne sommes que des plaisantins, ignorants qui plus est, commentateurs d’un monde qui nous serait inconnu par ailleurs.

Du droit d’aînesse chez les fils de pute

S O C I E T E

(Je n’aime pas exprimer mes idées. Les organiser pour vous convaincre est un exercice fastidieux et difficile. Il se pourrait même d’ailleurs que je n’aie pas d’idées du tout. Aussi, à la démonstration longue, compliquée, alambi-quée, ou encore incomplète, je choisis plutôt l’insulte. Elle a la vertu d’être plus directe, conforme à la franchise de mon pays natal. Elle ne nécessite, en théorie, pas d’explication particulière : sa clarté suffit à elle-même. Et puisque tout a déjà été dit et démontré, revenons sur une certaine nature, celle de l’agressivité spontanée. Je prends le parti de devenir dès mainte-nant réactionnaire afin de démarrer ma carrière jeune : qu’on me laisse simplement ici vomir une fois).

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Messieurs les entrepreneurs de bonheur public, il ne m’importe pas beaucoup que cela soit vrai ou pas : cela reste un plaisir de pisser un peu sur le mépris que vous nous portez en vous adressant à nous de la sorte. Ainsi, cracher par écrit et avec courtoisie, sur les uns et les autres qui me toisent, voilà un luxe dont j’aime ne pas me priver. Nous avons cette chance, jouissons-en.Les voilà donc de retour sur le devant de la scène, les agitateurs brasseurs d’espoir, pour une énième bagarre. Rien de nouveau sous le soleil. Ils continuent de chercher une machine, avec vigueur semble-t-il, qu’ils s’empresseront d’ériger en vérité absolue une fois qu’ils pense-ront tenir le bon bout. Mais vous ne la trouverez pas la machine : elle est trop bien cachée.

Quand sera-t-il, le temps de la parole aux justes ? Demain ? Aujourd’hui serait le mieux.

Candeur, rêverie et idéalisme, mon âge voulait cela. C’est la vertu des cinglés qui espèrent. Mais j’ai l’assurance d’une chose, qui m’autorise maintenant le som-meil sans rêves. Mes mains seront sales un jour, elles aussi. On s’accommode ici très bien de la petitesse. Il s’agir de scruter un peu l’horizon. Montrez vous, vierges et jeunes pre-miers du courage politique, nettoyeurs

de charognes, j’espère vous apercevoir sur le terrain des agisseurs indépen-dants. Allez leur tailler leur part, à ces actionnaires de la nation vanité. C’est une première mission. Et en silence, ce sera plus noble. L’économie de paroles est la seule manière de ne pas se mêler au bain des langues fourchues. Et qu’on ne me prête pas des intentions qui ne sont pas les miennes : le “grand soir”, ça n’est pas nécessaire à notre victoire.Pendant ce temps, (ou plutôt devrais-je dire avant, maintenant et plus tard) les hommes libres, ayant conservé la sincérité et la gratuité de leurs sourires, observent la scène avec plus ou moins de proximité. Ils creusent et ils se débrouillent sans vous, les anonymes. Messieurs, j’aimerais vous rappeler une des règles du jeu: Vous avez perdu d’avance. Vous vous vendez de la pire des ma-nières. Ainsi, vous ne rirez jamais en paix et les malédictions que je m’évertue à lancer sur vous feront bien effet un jour.Le bon sens fait mal aux yeux, la sainte illumination, alors regardez ailleurs. Il est de toutes manières l’heure de rire jaune, si la plaisanterie m’est permise. N’est-ce pas que cela fait tout drôle, lorsque par moment, une goutte d’eau transparente humidifie un peu le brûlant scandale sur lequel vous vivez ? Plusieurs spectres s’élèvent ici et là, films ou révélations, révoltes d’autres régions. Qu’importe l’indifférence, on ne tue pas une nation intemporelle.

Quant aux autres spectateurs, chut, silence, je ne veux pas vous écouter. J’entends déjà votre souffle, les préten-dants au meurtre par le verbe. Prenez garde, les excités du dénigrement à la française, car j’aime la mise en abîme, beauté du monde des miroirs, ainsi que la fourberie. Essayez donc de maudire ce texte, et vous apporterez un peu d’eau supplémentaire au moulin le plus vide des moulins vides. « Ah je ris, de me voir si belle en ce miroir! », chante la Castafiore. J’ai les dents qui grincent et les méandres m’emmènent là où tout est bien.

Que reste-t-il, après ces élucubrations sinistres ? Il reste les certitudes que l’on se forge. On ne se noie pas dans un verre d’eau que l’on se sert soi-même.

« Et moi je danse pour, toute résistance, j’veux pas partir, comme un martyr. J’irai mourir en révolutionnaire, un subterfuge, dans la lumière... » Bruno Beausir, Noirs et Blancs. Nous -et je parle au nom de toutes les personnes qui vivent en moi- en avons à ce jour trois.Les noirs sont la seule sagesse. Le soleil est la seule vérité qui vaille. La danse chasse parfois votre laideur. Voici notre choix : proclamer la beauté du mouve-ment comme seul but politique. Dansons.Face à vous et votre crispation près de l’échéance, quelle réaction plus juste ? C’est la seule possible, et voilà que le geste vous désarme.En saccade, en souplesse, ou à l’horizon-tale. « J’ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre; des chaînes d’or d’étoile à étoile, et je danse ». Arthur Rimbaud, en foulant des pieds la tangente, s’était déjà saisi de l’essentiel bien avant que vous ne naissiez.Finissons-en avec ce coup de sifflet retardataire. Piqûre de rappel: il paraî-trait que nous sommes Libres, Égaux, et Frères. Ainsi soit-il ! Alors bonne chance pour votre course messieurs les entre-preneurs de bonheur public. Mais voici que la musique redémarre : déjà, je ne vous écoute plus.

Aurélien Berne

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J’aime, j’aime pas le “Sarkozysme culturel”

« Les questions de culture dans notre pays sont prises beaucoup plus au sérieux qu’ailleurs » affirmait-il. 2012, c’est l’heure du bilan.

Le rapport, ici passé à la loupe, du pré-sident de la République à la culture est beaucoup plus complexe et réactif qu’on ne le croit. Comment cet homme peut-il à la fois aimer Bigard et Bresson ? Etre fasciné par De Funès et vouloir dîner avec Houellebecq ou Allen ? Zapper des Bronzés à Visconti ? « Changer pour demeurer les mêmes, c’est une obligation absolue » selon Sarkozy. Et il y eut deux « sarkozysmes » culturels.Le premier s’illustre dans sa fâcheuse tendance à sur-jouer le « beauf ». Le phrasé de Sarkozy, à savoir ne pas res-pecter le français, est quelque chose de délibéré. Néanmoins, cette proximité avec la communauté culturelle de bas étage (pardon Mireille, pardon Faudel, pardon Barbelivien) n’est pas qu’une simple façade. Le fait qu’il radicalise sa pensée est un choix : casser les codes et rompre avec ce catéchisme intellectuel français (comme si tout tournait autour de Chateaubriand ou Lamartine) en apportant cette fraîcheur séduisante et inédite dans l’histoire politique française, c’est son crédo, sa marque de fabrique et son habilité.

“Son aptitude à concilier une attitude «plouc» et la curiosité d’un homme politique lettré, sur le modèle d’un Mitterand, fut bien étrange”

Nicolas Sarkozy a instrumentalisé la culture et la politique : c’est, de prime

abord, quelque chose de rafraîchissant. Beaucoup de Français ont finalement sacrifié leur bulletin en espérant de lui un certain nombre de « changements ». Et la culture a joué un rôle majeur dans cette rupture. Son aptitude à concilier une attitude plouc et la curiosité d’un homme politique lettré, sur le modèle d’un Mitterrand, fut bien étrange. Alors que ce dernier préférait l’intimidation en faisant appel à des références comme Sagan, Tournier ou Duras et avec un rapport habile à la culture de droite (Ma-lraux), Sarkozy, bien au contraire, agit avec moins de calculs et de raison. La trame qui, dans le fond, l’anime, c’est de séduire cet électorat dit « populaire » parti se réfugier dans le Front National. Sa proximité et sa connivence culturelles sont une véritable arme électorale. Une élection présidentielle ne se joue pas que sur une quantité de propositions dont la moitié passe à la trappe, mais sur des codes complexes, parmi lesquels la culture, la proximité culturelle et cet art d’apprivoiser un électeur jouent un rôle capital. Le second sarkozysme s’inscrit dans une optique de « représidentialisation » : c’est à partir de là que Nicolas entame son dialogue avec les milieux culturels tout en restant fidèle aux valeurs populaires. Sa recette ? Une culture dite « middle brow », (expression américaine employée jusqu’à la fin des années 1950 pour désigner cette culture dont les traits distinctifs oscillent entre élitisme et culture populaire façon mainstream). Entre ces deux cultures, il y a la « culture du milieu », celle d’une Histoire accessible écrite par Max Gallo ou de la littérature de Jean d’Ormesson,

cette tradition du Reader’s Digest : la culture d’un Frédéric Mitterrand dans une politique d’opacité, d’à-coups, sans logis, sans colonne vertébrale ; cette culture du « neuf-deux » : un département de « riches » où l’on achète la culture afin d’acquérir un statut social. C’est typique-ment la conjonction du middle brow à la notion de self-agrandisement théorisée, entre autres, par Virginia Woolf.

“En 2012, deux options se présenteront à lui : l’option “berlusconienne” [...] ou l’option Gramsci”.

Vous souvenez-vous de cette séquence où notre président s’est lancé dans un débat avec des lycéens autour du cinéma russe et italien, de Bergman et Visconti ? D’une oreille attentive, on se dit, finale-ment, qu’il possède cet enthousiasme du « converti » : ce converti au cinéma d’auteurs, à une culture bien plus élitiste. Pourquoi, dès lors, le lui reprocher ? Parce qu’il instrumentalise la haute culture. Concrètement, en 2012, deux options se présenteront à lui : l’option « berlus-conienne », très populaire, ou l’option Gramsci de l’instrumentalisation des intellectuels et médiateurs pour tenter de les séduire. « Si on laisse le pillage que représente le téléchargement prospérer, il n’y aura plus de cinéma, de disque, de livre, de création. Il n’y a pas de société sans règles » affirmait-il pour la défense d’Ha-dopi. Il se veut ici défenseur du principe même de création : à l’image de Javert dans Les Misérables, condamnant à la peine capitale ce Jean Valjean volant un morceau de pain, les responsables d’Hadopi, eux, vont poursuivre le pirate du net, alors qu’au même moment les finances de l’Epad sont suspectées d’opa-cité, la fraude fiscale est à son comble, et la « Carla Gate » fait des siennes. Comment se fait-il que ce même pré-sident, obsédé par le téléchargement illégal, puisse avoir laissé couler dans son entourage autant de pillages ? Se terminent 5 ans de Sarkozysme culturel, avec cette culture « pour chacun », dans un monde où chacun se retrouve, et où les autres, finalement, se perdent.

Jean-Baptiste Viallet

Source : inrocks.com