16
MISE AU POINT Controverses sur le septum orbitaire The controversies on the orbital septum M. Stricker * , J. Pujo, E. Simon Service de chirurgie maxillofaciale et plastique, ho ˆpital Central, CHU de Nancy, 29, avenue du Mare ´ chal-de-Lattre-de-Tassigny, CO n o 34, 54035 Nancy cedex, France Rec¸u le 23 fe´vrier 2009 ; accepte´ le 3 mars 2009 MOTS CLÉS Orbite ; Paupières ; Chirurgie esthétique ; Anatomie ; Histologie Résumé Le septum orbitaire, structure reconnue de longue date, est un objet de controverses de toutes sortes. Son importance, tant anatomique que physiologique et pathologique, est indéniable. Cependant, il serait réducteur de ne pas le considérer avec les fascias comme un sous-ensemble d’un système général d’organisation des parties molles de la face dont le cadre orbitaire est un des pivots. # 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Orbit; Eyelids; Aesthetic surgery; Anatomy; Histology Summary The orbital septum, a well-known structure since a long time ago, is a con- troversy object anyway. Its physiological, anatomical and pathological importance is unde- niable. However, it will be difficult not to consider it as a part of the whole structure which organizes the general system of the soft tissues of the face, in which the orbital frame is one of the pivots. # 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Le septum orbitaire, rideau tendu des rebords osseux de l’orbite jusqu’au voisinage des cartilages tarses, est un élément-clé de la charpente fibroélastique des paupiè- res (Fig. 1). Il dessine une cloison semi-amovible à la base de la cavité orbitaire, véritable diaphragme, qui circonscrit la fente palpébrale et contient la graisse. Son origine est discutée ; sa configuration et ses rapports avec les structures adjacentes constituent une pomme de discorde pour les anatomistes ; sa participation au vieil- lissement orbitopalpébral fait l’objet d’un certain consen- sus, mais la controverse resurgit, d’anatomique elle devient chirurgicale pour définir le protocole de traite- ment de la paupière sénile par les blépharoplasties ; son implication dans certaines complications chirurgicales est indéniable. Les origines du septum Trois hypothèses s’affrontent : l’origine tarsale, l’origine vestigiale et l’origine périostée. Annales de chirurgie plastique esthétique (2009) 54, 551566 * Auteur correspondant. E-mail address: [email protected] (M. Stricker). 0294-1260/$ see front matter # 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.anplas.2009.03.006

Controverses sur le septum orbitaire

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Controverses sur le septum orbitaire

MISE AU POINT

Controverses sur le septum orbitaireThe controversies on the orbital septum

M. Stricker *, J. Pujo, E. Simon

Service de chirurgie maxillofaciale et plastique, hopital Central, CHU de Nancy, 29, avenue du Marechal-de-Lattre-de-Tassigny,CO no 34, 54035 Nancy cedex, France

Recu le 23 fevrier 2009 ; accepte le 3 mars 2009

MOTS CLÉSOrbite ;Paupières ;Chirurgie esthétique ;Anatomie ;Histologie

Résumé Le septum orbitaire, structure reconnue de longue date, est un objet de controversesde toutes sortes. Son importance, tant anatomique que physiologique et pathologique, estindéniable. Cependant, il serait réducteur de ne pas le considérer avec les fascias comme unsous-ensemble d’un système général d’organisation des parties molles de la face dont le cadreorbitaire est un des pivots.# 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSOrbit;Eyelids;Aesthetic surgery;Anatomy;Histology

Summary The orbital septum, a well-known structure since a long time ago, is a con-troversy object anyway. Its physiological, anatomical and pathological importance is unde-niable. However, it will be difficult not to consider it as a part of the whole structure whichorganizes the general system of the soft tissues of the face, in which the orbital frame is oneof the pivots.# 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Annales de chirurgie plastique esthétique (2009) 54, 551—566

Le septum orbitaire, rideau tendu des rebords osseuxde l’orbite jusqu’au voisinage des cartilages tarses, estun élément-clé de la charpente fibroélastique des paupiè-res (Fig. 1). Il dessine une cloison semi-amovible à labase de la cavité orbitaire, véritable diaphragme, quicirconscrit la fente palpébrale et contient la graisse.Son origine est discutée ; sa configuration et ses rapportsavec les structures adjacentes constituent une pomme de

* Auteur correspondant.E-mail address: [email protected] (M. Stricker).

0294-1260/$ — see front matter # 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droidoi:10.1016/j.anplas.2009.03.006

discorde pour les anatomistes ; sa participation au vieil-lissement orbitopalpébral fait l’objet d’un certain consen-sus, mais la controverse resurgit, d’anatomique elledevient chirurgicale pour définir le protocole de traite-ment de la paupière sénile par les blépharoplasties ; sonimplication dans certaines complications chirurgicales estindéniable.

Les origines du septum

Trois hypothèses s’affrontent : l’origine tarsale, l’originevestigiale et l’origine périostée.

ts réservés.

Page 2: Controverses sur le septum orbitaire

Figure 1 Dissection d’amphithéâtre.

552 M. Stricker et al.

L’origine tarsale (centrale)

Sevel [1], dans les cinq stades de développement despaupières, décrit un tarse, condensation mésenchyma-teuse visible dès le deuxième mois (40 mm) et, selonlui, le septum en est une émanation adressée vers lesrebords osseux.

L’origine vestigiale

Aux dires de Futamura [2], le septum serait le vestige d’unsphincter primitif, par involution fibreuse, mécanisme ana-logue à la formation du fascia parotidien, l’un et l’autre issusde l’involution du platysma primitif.

Figure 2 Reconstruction tridimensionnelle par logiciel del’École nationale supérieure de géologie de Nancy. Ensemblemaillé du réseau fascial.

L’origine fibropériostée (périphérique etpostérieure)

Considéré par Pare comme un segment de « péricrâne », ilrésulterait, selon Neiger [3] puis Gasser [4], d’une condensa-tion du mésenchyme, assujettie à l’ossification du pourtourorbitaire et initialement individualisée dans le secteur tem-poral. La lame fibreuse émanerait selon Jones [5,6] de laconvergence entre péri-orbite et périoste, conception par-tagée par Koorneef [7,8] qui l’intègre dans le réseauantérieur des fascias périmusculaires par tassement progres-sif sous la poussée du globe oculaire à partir de l’amarremarginale (cette théorie du tassement était déjà celleavancée par Virchow).

Figure 3 Le septum et la graisse : présence d’un feuilletséreux rétroseptal.

Page 3: Controverses sur le septum orbitaire

Figure 4 Les divergences anatomiques. A : paupière inférieure ; B : paupière supérieure.

Controverses sur le septum orbitaire 553

Certains arguments émanent de l’anatomie comparée,qui nous apprend l’existence chez nombre d’espèces, hormisles primates, d’un muscle choanoïde, rétracteur du globe,argument à l’appui d’une origine endo-orbitaire.

Figure 5 A : rapport septum/fascia à la paupière supérieure (en V

Cependant, une des caractéristiques de l’hominisationest la frontalisation des orbites avec redressement del’axe visuel ; la vision devenant l’élément prédominantde l’information avec comme corollaire une sophistication

) ; B : l’aponévrose du releveur s’insère sur un fascia prétarsal.

Page 4: Controverses sur le septum orbitaire

Figure 7 Les orifices adipeux de la base de l’orbite selonCharpy [15]. L’analogie avec la paroi inguinale.

554 M. Stricker et al.

de l’appareil palpébral, évolution dont l’apparition du sep-tum serait en quelque sorte le témoin.

La dite sophistication intéresse l’environnement muscu-laire des peauciers, disposés en deux nappes superposéesdont la profonde subit une involution, argument en faveur del’origine vestigiale.

La configuration architecturale

Il fait partie des organes de soutien fibreux et élastiques(Fig. 2), définis, entre autres, par Rouvière [9] par leurspropriétés de flexibilité et de résistance à la rupture. Laclassique inextensibilité est controversée par le constatclinique : les faisceaux fibreux affectent une trajectoirecurviligne autorisant un allongement par redressement dela courbure, d’autant que des éléments élastiques entrentdans sa constitution. La résistance à la rupture est propor-tionnelle au nombre de faisceaux fibreux dont la résistancepassive est complétée par la résistance active de la compo-sante élastique. La résistance à la rupture du septum,mesurée par Herrfordt, est de 40 mmHg ; cependant, unepoussée continue sur un long terme (Vallois) provoque unedistension favorisée parfois par une moindre résistanceconstitutionnelle (les poches juvéniles semblent correspon-dre à ce cas de figure).

Le septum, d’épaisseur inégale mais inférieure à 1 mm,plus épais au contact du rebord osseux, arcus marginalis deHenle, s’avère de structure plurilamellaire, feuilletée,

Figure 6 Rapport septum/fascia à la paupière inférieure.

caractérisée par des couches grêles infiltrées de tissuadipeux. La couche postérieure est plus dense et pluscompacte. Les fibres arciformes sont orientées selon lessollicitations de pression et de traction. Il échange demultiples septa fibreux avec le fascia rétro-orbiculaire enavant, au travers d’une mince couche fibroadipeuse, enarrière avec les cloisons conjonctives du tissu adipeux. Lesétudes anatomiques de Neiger [3] et radiologiques de Meyer[10] sont en accord avec la conception de Koorneef [7,8]d’un réseau fibreux orbitopalpébral organisé dans les trois

Figure 8 Le septum et l’expansion du droit inférieur.

Page 5: Controverses sur le septum orbitaire

Figure 9 L’anatomie radiologique IRM confirme la dispositiondes contingents graisseux.

Controverses sur le septum orbitaire 555

plans de l’espace et prédominant dans le segment antérieurde la cavité orbitaire.

La morphologie chirurgicale nous apprend qu’après avoirfranchi le septum, la graisse saille, mais ne fait pas effrac-tion. Elle reste contenue par une fine capsule séreuse qu’ilconvient d’effondrer pour accéder à son contact. On peutavancer l’hypothèse que cette fine capsule (analogie avec lepéritoine) est un feuillet postérieur du septum dans saportion préadipeuse (Fig. 3).

Les divergences anatomiques

Elles concernent : le trajet du septum ; ses connexions, enparticulier son niveau de confluence avec l’aponévrosedu releveur de la paupière supérieure (Ps) et avec lefascia capsulopalpébral à la paupière inférieure (Pi)(Fig. 4).

Décrit initialement par Winslow en 1732 [11] comme le« ligament large des tarses », il devient septum orbital avecZinn, Henle, puis Merkel, squelette de la paupière de Testut[12], aponévrose palpébrale pour Montandon.

Le trajet

Classiquement défini comme s’étendant des rebords osseuxaux tarses, ce trajet a été contesté successivement par :

Figure 10 A : l’imperfection due à la flaccidité des tissues ; B : la visibilité du septum sur les coupes congelées.

Page 6: Controverses sur le septum orbitaire

556 M. Stricker et al.

� l’opposition entre un septum supérieur n’atteignant pas letarse et un inférieur qui le rejoint ;� la description d’une étonnante variété d’aspect et

d’expansions antérieures du septum inférieur ;� la récusation de l’insertion tarsale du septum inférieur

arrimé en sous-tarsal sur le fascia capsulopalpébral.

Les rapports septum/fascias

Le septum supérieur est étroitement lié à l’aponévrose dureleveur, l’inférieur au fascia capsulopalpébral, expansionfibreuse émanée des rétracteurs droit inférieur et petitoblique. Cette disposition anatomique correspond au constatde Bichat, Bardeleben et Rouvière : « les fascias sont mis entension par l’action des muscles », similitude de composi-tion, mais disparité de disposition entre les deux paupières.

Figure 11 A : la variation anatomique Poirier et Charpy ; B : le balainférieure sur le tarse.

À la paupière supérieureL’aponévrose du releveur ne s’insère pas sur la peau [13,14],elle se termine dans un feutrage fibreux transversal prétar-sal, distribué sur les trois quarts externes de la paupière(Fig. 5). Elle est rejointe par le septum à une distance du bordlibre diversement appréciée selon les auteurs :

� au bord supérieur du tarse selon Charpy [15,16] ;� entre 3 et 5 mm du dit bord selon Beard [17] et Meyer

[10] ;� entre 5 et 10 mm selon Sayoc [18] ;� à 10 mm du bord pour Jones [5,6] et Putterman et Urist

[19,20].

En fait, l’attache septoaponévrotique est labile,« dynamique » selon la hauteur du point de réunion des deuxbranches septale et aponévrotique du compas fascial.

ncier septal à la paupière supérieure ; C : équilibre de la paupière

Page 7: Controverses sur le septum orbitaire

Figure 12 Illustration radiologique de la mobilisation palpébrale. A : regard vers le bas ; B : regard vers le haut.

Figure 13 La statique palpébrale inférieure.

Controverses sur le septum orbitaire 557

Si la fusion est basse, le pli palpébral est bas situé ouabsent ; tel est le cas de la paupière orientale, la graissepréseptale, coussinet adipeux de Charpy, s’étend très bas,boursouflant la paupière (Fig. 4).

Si la fusion est haute, le pli l’est également, la paupièreapparaît ptosée ; tel est le cas du ptosis sénile par désinser-tion de l’aponévrose du releveur, mais ce relâchement del’aponévrose du releveur peut se rencontrer chez l’enfant encroissance, comme l’ont montré les auteurs japonais. Celaentraîne une réaction en chaîne :

� le releveur, par sa contraction excessive compensatoire,élève davantage le pli ;� la contraction associée du droit supérieur entraîne une

rotation du globe oculaire et la paupière inférieuredoit compenser par le biais du ligament de Lockwood[21].

À la paupière inférieureLe septum fusionne avec le fascia capsulopalpébral 5 mm au-dessous du tarse selon Putterman et Urist [19,20], mais cettedisposition est controversée (Fig. 6) :

� l’amarre tarsale est parfois décrite comme séparée decelle du fascia ;� la fusion est plus bas située selon certains, le septum se

trouvant alors réduit au rôle de « faire valoir » du fasciacapsulopalpébral.

La relation septum/fascia apparaît comme un détermi-nant de la morphologie palpébrale, mais aussi du typed’évolution sénile de la paupière.

Nous avons vu que le niveau de confluence influe surl’extension vers le bord libre du contingent adipeux présep-tal, tant à la paupière supérieure qu’à l’inférieure (aspectbombé des paupières orientales), ainsi que sur le niveau dupli palpébral.

Il paraît logique de prédire la direction de la bascule dubord libre de la paupière inférieure selon également leniveau de confluence, lors du vieillissement ou, peut-êtreaussi, après un geste chirurgical, et d’ailleurs Jones [5,6]avait déjà envisagé cette hypothèse :

� confluence basse, risque d’entropion ;� confluence haute ou séparation (?), risque d’ectropion.

Bien entendu, la confirmation par l’imagerie de la dis-position anatomique n’est pas financièrement envisageable ;en revanche, la compétence est et doit être appréciée parles tests cliniques lors de l’examen préopératoire.

Un consensus anatomique se dégage néanmoins quant àl’existence d’orifices adipeux à la base de l’orbite, décritspar Charpy [15,16], zones périphériques de faiblesse duseptum, liées à une pénétration vasculaire. Cette disposition

Page 8: Controverses sur le septum orbitaire

Figure 15 L’évolution de la hernie palpébrale : A : aspect normal ; B : relèvement du septum par la poussée graisseuse ; C : hernieconstituée, enveloppée par le feuillet séreux.

Figure 14 La morphologie juvénile et sénile.

558 M. Stricker et al.

Page 9: Controverses sur le septum orbitaire

Figure 16 La face est organisée en plaques régionales.

Controverses sur le septum orbitaire 559

est tout à fait similaire à celle des cloisons aponévrotiquesadressées par les muscles larges de l’abdomen sur l’arcadecrurale et ménageant trois zones faibles (analogie entrehernie inguinale et hernie palpébrale) (Fig. 7 et 8).

Trois points méritent d’être mis en exergue :

� l’intérêt de l’imagerie (Fig. 9) : l’anatomie radiologique,en coupes sagittales sur des orbites normales (IRM etscanner Meyer, Golberg) [10,22], a confirmé les donnéesdes dissections et a authentifié le fascia rétro-orbiculaireet le contingent adipeux préseptal ;� les imperfections de la dissection d’amphithéâtre, vec-

trice d’artefacts en raison de la flaccidité des tissus, saufsur le cadavre frais ou à l’examen de coupes congelées(Fig. 10) ;� la diversité anatomique (Fig. 11A).

Au gré des investigations, on rencontre des anomaliesanatomiques, parfois déjà référenciées par certains auteurs[15,16,23].

Figure 17 Ptosis sénile. Cure par le procédé de

Septum et fonction palpébrale

L’anatomie confirme :

� l’identité de composition des paupières : un squelettefibreux central, le septum et les tarses, encadré par undouble appareil musculaire :� sphinctérien en dehors, l’orbiculaire doublé par le

fascia rétromusculaire,� rétracteur en dedans, à la fois :— musculaire : le releveur, les rétracteurs,— aponévrotique : l’aponévrose du releveur et le fascia

capsulopalpébral, ainsi que deux contingents adipeux,rétroseptal (la graisse orbitaire) et préseptal (coussi-net de Charpy à la paupière supérieure, graisse rétro-orbiculaire à la paupière inférieure) ;

� la disparité de disposition qui entraîne ou résulte de ladisparité de fonction — le maître mot diffère :� mobilité supérieure,� stabilité inférieure.

Cependant, la classique opposition entre une paupièresupérieure mobile, prédominante et sa parentée pauvreinférieure quasi inerte est obsolète. L’une et l’autreont une mobilité intrinsèque, seule l’amplitude d’excur-sion diffère, ainsi que sa direction, strictement verticalepour la supérieure, verticale et oblique interne pourl’inférieure.

La paupière supérieure est suspendue au rebord osseuxpar le balancier septal (Fig. 11B), membrane flottante, augré duquel elle pivote selon une trajectoire curviligne. Leseptum coulisse entre deux poulies graisseuses, le coussinetadipeux antérieur et l’organe en rouleau postérieur. L’ampli-tude de course palpébrale, vérifiée par la duction sur le bordlibre, est garantie par l’intégrité et la souplesse du septum.Ce dernier est aussi un repère, « God’s gift to plasticsurgeons » de Jones [5,6].

La paupière inférieure (Fig. 11C) est en équilibreprécaire sur le tarse tendu d’un angle à l’autre, commeun linge sur une corde. Le septum est une cloison, garantede la statique, mais fait aussi office de frein à la mobilisa-tion transversale dans les canthopexies par exemple ; ilest donc impératif, comme le recommande Rougier et al.[24], d’effectuer une septolyse, libérant l’attache duseptum au rebord osseux, pour éviter une bascule du bordlibre.

Tout oppose donc au plan fonctionnel (Fig. 12 et 13) :

Jones (plicature de l’aponévrose du releveur).

Page 10: Controverses sur le septum orbitaire

Figure 19 La pariétoplastie et ses modalités.

Figure 18 La voie conjonctivale (Bourguet). La variante rétroseptale est périlleuse.

560 M. Stricker et al.

Page 11: Controverses sur le septum orbitaire

Figure 20 La septopériostoplastie avec débord graisseux audevant du rebord orbitaire inférieur.

Controverses sur le septum orbitaire 561

� la paupière supérieure, structure suspendue à vocationdynamique ;� la paupière inférieure, structure en tension équilibrée

entre les canthi — tension sur une surface courbe àcourbure discontinue en dedans.

Septum et vieillissement orbitopalpébral

Dans le sens transversal

Le relâchement du retinaculum externe est responsable d’unblépharophimosis.

Le ligament de Lockwood [21], hamac de soutien duglobe, se distend ; le globe s’abaisse et exerce une pressionsur le contingent graisseux rétroseptal.

Les tarses se délitent (Fig. 14 et 15).

Dans le sens vertical

L’orbiculaire est hypotonique, ce dont témoignel’électromyographie ; les fascias et le septum se relâchent,libérant la poussée graisseuse. La protrusion initiale, seuleen cause chez le sujet jeune, évolue vers une véritablehernie graisseuse, bas située, au dessus de l’arcus margi-nalis, elle refoule le septum en avant et en haut, le déta-chant de son amarre osseuse (Fig. 14 et 15). La graisse faitissue au devant du rebord osseux, repoussant l’orbiculairedistendu en faisant corps avec le contingent adipeux rétro-orbiculaire (SOOF : sub orbicularis oculi fat d’Aiache etRamirez [25]).

La détérioration orbitopalpébrale dans lepaysage facial

La détérioration orbitopalpébrale s’inscrit dans le paysagefacial,elleaccompagneladérivedesplaques faciales(Fig.16).

Les parties molles de la face sont organisées en plaques,véritables milles feuilles tissulaires de la peau au périoste,plaques arrimées au pourtour osseux de l’orbite et auzygoma.

Ces plaques dérivent au fil du relâchement et de ladistension tissulaire, cinétique analogue à la tectoniquedes plaques terrestres :

� la dérive inférieure et externe de la plaque frontale, quidérape sur le coussinet adipeux du sourcil, exerce unepression fâcheuse sur la paupière supérieure ;� la dérive inférieure de la plaque centrofaciale, sur le

coussinet malaire, attire vers le bas le sillon palpébro-génien le modelé sous-orbitaire s’affaisse et se creuse,donnant un aspect triste à la région. La distension prédo-mine en dedans, les ligaments de Furnas [26] exerçant uneretenue externe.

La configuration osseuse influe sur les modalités de vieil-lissement, des reliefs osseux marqués contrarient le glisse-ment des parties molles à la manière d’un cintre retenant unvêtement.

Les protocoles thérapeutiques doivent prendre en compteces différents éléments pour une efficacité optimale.

Les controverses chirurgicales

Elles concernent essentiellement la blépharoplastieinférieure :

� la blépharoplastie supérieure associe à la réductioncutanée une résection étendue du coussinet adipeuxde Charpy, réappliquant le sourcil sur le plan périosté,une remise en tension par réinsertion de l’aponévrose dureleveur au réseau supratarsal selon Jones [5,6]et unerésection partielle adaptée du contingent adipeux rétro-septal (Fig. 17). La suture du septum est facultative etanodine ;� la blépharoplastie inférieure affecte le septum de main-

tes façons :� selon la voie d’abord : la voie conjonctivale de Bourget

[27] (Fig. 18) doit de préférence être préseptale aprèsincision haute sous-tarsale de la conjonctive. Lesincisions basses mettent en danger les rétracteurs.C’est la voie adoptée pour traiter la lipoptose ouplutôt la protrusion juvénile. La voie cutanée sous-ciliaire est préseptale, l’attitude envers le septum, lefascia et la graisse a considérablement évolué,� selon le protocole de cure de la protrusion ou de la

hernie. La logique est de rétablir la configurationanatomique normale, mais avec des tissus modifiés :

Page 12: Controverses sur le septum orbitaire

Figure 21 Illustration de palpébroglasté inférieur avant/après.

562 M. Stricker et al.

— réintégrer le contingent adipeux,— rétablir la paroi et la renforcer au besoin,— corriger la déformation sous-orbitaire sont les trois ter-

mes du protocole.

La réintégration de la graisse évite l’œil creux et le risqued’aggraver la pression intracavitaire est quasi nul (les 1 à 2 ccde la poche n’influent pas sur les 29 cc de l’orbite) [28].

Le renforcement du septum par électrocoagulation [29]permet de réduire la simple protrusion sans le risque demanœuvres dans la graisse, tandis que la plicature du septumde Codner [30] est un procédé scabreux et peu efficace.

La réparation pariétale poursuit l’analogie entre hernieinguinale et hernie palpébrale précédemment évoquée(Fig. 19).

Figure 22 Le risque de squelettisation en

La plastie pariétale selon Shouldice utilisant les expan-sions aponévrotiques des muscles larges est similaire à laréfection de la paroi palpébrale après réintégration de lagraisse (Fig. 20 et 21) :

� soit par la septopériostéoplastie, réinsertion du septumsur l’arcus marginalis ;� soit par la fascia périostéoplastie selon de la Plaza [31],

abaissant le fascia capsulopalpébral sur le périoste. Cer-tains ont critiqué cette méthode (Fante) susceptible defavoriser un entropion chez le patient âgé.

Le remodelage sous-palpébral est obtenu par une modifi-cation du protocole, une partie du contingent adipeux estamenée au devant du rebord osseux et fixée au périoste,

cas de résection graisseuse excessive.

Page 13: Controverses sur le septum orbitaire

Figure 23 Le lift palpébrojugal : A : selon Faivre arrimant le muscle au rebord orbitaire inférieur ; B : selon Persing sectionnant ensous-tarsal pour prévenir le « scleral show ».

Figure 24 La reconstruction septale par pièce d’aponévrosetemporale.

Controverses sur le septum orbitaire 563

c’est le fat pad sliding de Loeb [32]. Le procédé a subiquelques sophistications :

� en fixant le septum au fascia rétro-orbiculaire clivé aupréalable ;� en sectionnant le septum au-dessous du tarse pour

prévenir un tassement palpébral avec attraction bassedu bord libre, responsable d’un découvrement conjonc-tival ou scleral show shadow procedure de John Persing(Fig. 23).

D’autres procédés sont utilisés pour ce remodelage :

� le lifting centrofacial selon Faivre, disséquant l’orbicu-laire pour l’attirer vers le haut et le fixer au rebord osseux(Fig. 23) ;� la greffe graisseuse centrifugée selon Coleman, injectée

sous le rebord au ras du périoste en dessous du septumorbitocutané.

Dans les séquelles de traumatismes, on peut être amené àréparer un septum dilacéré ou détruit par la mise en placed’une pièce d’aponévrose temporale (Fig. 24).

Les séquelles septofasciales

La fibrose cicatricielle enraidit le septum, limitant l’excur-sion de la paupière et la maintenant en position basse dedécouvrement conjonctival (Fig. 22).

Page 14: Controverses sur le septum orbitaire

564 M. Stricker et al.

Le tassement vertical

Le simple tassement vertical découvre la conjonctive,ce scleral show postopératoire se retrouve dans la popula-tion normale dans la proportion de 10 %, en positionprimaire du regard, dans une étude menée par Mac Kinnonet Dellon [33]. Le dépister en préopératoire est doncessentiel.

La rétraction

La rétraction procède d’une fibrose étendue englobant sep-tum et fascia capsulopalpébral. La voie conjonctivale basseest vectrice de ce type de complication. Des cas de diplopieont été décrits [34] et l’IRM met en évidence des lésionsmusculaires par ischémie assimilées à celles rencontréesdans la fracture en trappe par un mécanisme analogue àcelui du syndrome de Volkman.

Correction des malfaçons

Pour corriger ces malfaçons, il convient :

� de libérer et redistribuer les structures (Fig. 23) ;� d’allonger au besoin les rétracteurs par un greffon tissu-

laire (Fig. 24).

Conclusions

Septum et graisse sont les maîtres mots dans la régionorbitopalpébrale, au premier plan des préoccupations chi-

Figure 25 L’analogie architecturale entre Ps et Pi montre un disconfluence périoste—péri-orbite : A : paupière supérieure (Ps) ; B :

rurgicales. Les concepts de septum et de coussinet adipeuxont débordé les limites de l’orbite, septum et septa devenantdes intervenants omniprésents dans la configuration facialeet son évolution.

L’architecture palpébrale (Fig. 25) est :

� de composition similaire ;� de disposition variable dans sa portion centrale, identique

dans sa portion périphérique, au niveau des rebordsosseux, en raison de l’existence d’un renforcementfibreux réalisé par la confluence péri-orbite—périostedont émanent :� un maillage fibreux en réseau orbitaire mis en évidence

par Koorneff [7,8],� une expansion orbitaire vers les tarses : le septum,� une expansion extraorbitaire, plus mince :

— vers la galéa à la paupière supérieure,— vers l’orbiculaire et le derme à la paupière

inférieure. Le feuillet, qualifié de septum malairepar Owsley [35] et Pessa [36] entre autres, sépare lecoussinet graisseux prépériosté de la graisse rétro-orbiculaire. Il s’agit en fait d’un fascia orbitomus-culocutané, d’insertion du muscle orbiculaire, etdont l’insertion à la face profonde du tégumentdéfinit le sillon palpébrogénien, limite inférieuredes suffusions palpébrales.

En fait, l’ensemble septal s’intègre dans un vaste systèmeviscoélastique d’organisation des parties molles, plaqué surle squelette, formant un masque dessiné par les musclespeauciers. Traiter du seul septum orbital relève d’une visionréductrice (Fig. 26).

positif en X identique de déploiement des fascias à partir de lapaupière inférieure (Pi).

Page 15: Controverses sur le septum orbitaire

Figure 26 Illustration de la remise en tension globale des plaques faciales. A et B : préopératoire ; C et D : postopératoire à un an.

Controverses sur le septum orbitaire 565

Quel que soit le crédit accordé à la disposition anatomiquedu septum et à son rôle, il est impératif de tester sa compé-tence lors de l’examen clinique préopératoire, de manière àadapter le protocole chirurgical à la singularité du patient.

Références

[1] Sevel D. A reappraisal of the development of the eyelids. Eye1988;2(Pt 2):123—9.

Page 16: Controverses sur le septum orbitaire

566 M. Stricker et al.

[2] Futamura R. Uber die Entwicklung des Fazialmusculatur desMenschens. Anatom Hefte 1906;30:357—76.

[3] Neiger M. Les structures conjonctives de l’orbite et le coussinetgraisseux orbitaire. Acta Anat Suppl (Basel) 1960;39:1—107.

[4] Gasser R. The development of facial muscle in man. Am J Anat1966;120:357—76.

[5] Jones LT. A new concept of the orbital fascia and rectus musclesheaths and its surgical implication. Trans Am J Ophthalmol1964;57:943—59.

[6] Jones LT, Quickert MH, Wobig JL. The cure of ptosis by apo-neurotic repair. Arch Ophthalmol 1975;93:629—34.

[7] Koorneef L. Orbital septa: anatomy and function. Ophthalmo-logy 1979;86:876—80.

[8] Koorneef L. Eyelid and orbital fascial attachements and theirclinical signifiance. Eye 1988;2:130—4.

[9] Rouvière H. Anatomie générale. Origine des formes et desstructures anatomiques. Masson & cie; 1939 [p. 60—126].

[10] Meyer DR, Linberg JV, Wobig JL, McCormick SA. Anatomy of theorbital septum and associated eyelid connective tissues. Impli-cations for ptosis surgery. Ophthal Plast Reconstr Surg 1991;7:104—13.

[11] Winslow J. Exposition anatomique de la structure du corpshumain. Paris: G. Desprez; 1732.

[12] Testut L. Traité d’anatomie topographique avec applicationsmédicochirugicales.. Paris: Doin; 1914 [p. 391—492].

[13] Siegel RJ. Essential anatomy for contemporary upper lid ble-pharoplasty. Clin Plast Surg 1993;20:209—12.

[14] Siegel RJ. Surgical anatomy of the upper eyelid fascia. Ann Plastsurg 1993;13:263—73.

[15] Charpy A. Les orifices adipeux de la base de l’orbite. Marseille:C.R. Ass des Anat; 1908.

[16] Charpy A. Le coussinet adipeux du sourcil. Bibl Anat 1909;19:47—52.

[17] Beard C. Anatomy of the orbit. Aesculapius publishing compa-gny; 1969 [p. 2—14].

[18] Sayoc BT. Anatomic considerations in the plastic constructionof a palpebral fold in the full upper eyelid. Am J Ophthalmol1967;63:155—8.

[19] Putterman AM, Urist MJ. Baggy eyelids—a true hernia. AnnOphthalmol 1973;5:1029—32.

[20] Putterman AM, Urist MJ. Surgical anatomy of the orbital sep-tum. Ann Ophthalmol 1974;6:290—4.

[21] Lockwood C. The anatomy of the muscles, ligaments, fasciae ofthe orbit, including an account of the capsule of Tenon, thecheck ligaments of the recti and the suspensory ligaments ofthe eye. J Anat Physiol 1986;20:1—25.

[22] Goldberg RA, Wu JC, Jesmanowicz A, Hyde JS. Eyelid anatomyrevisited. Dynamic high-resolution magnetic resonance imagesof Whitnall’s ligament and upper eyelid structures with the useof a surface coil. Arch Ophthalmol 1992;110:1598—600.

[23] Poirier P, Charpy M. Traité d’anatomie humaine. Paris: Masson;1912.

[24] Rougier J, Tessier P, Hervouet F, Woilliez M, Lekieffre M,Derome P. Chirurgie plastique orbitopalpébrale. Paris: Masson;1977.

[25] Aiache AE, Ramirez OH. The suborbicularis oculi fat pads: ananatomic and clinical study. Plast Reconstr Surg 1995;95:37—42.

[26] Furnas DW. The retaining ligaments of the cheek. PlastReconstr Surg 1989;83:11—6.

[27] Bourget J. Les hernies graisseuses de l’orbite, notre traitementchirurgical. Bull Acad Med Paris 1924;92:1270—1.

[28] Goldberg RA, Yuen VH. Restricted ocular movements followinglower eyelid fat repositioning. Plast Reconstr Surg 2002;110:302—5 [discussion 306—8].

[29] Bisaccia E, Scarborough DA, Swensen RD. A technique forblepharoplasty without incising or ‘‘puncturing’’ orbital sep-tum. J Dermatol Surg Oncol 1990;16:360—3.

[30] Codner MA. Reduction of lower palpebral bulge by plicatingattenuated orbital septa: a technical modification in cosmeticblepharoplasty. Plast Reconstr Surg 2000;105:2559—60.

[31] de la Plaza R, Arroyo JM. A new technique for the treatment ofpalpebral bags. Plast Reconstr Surg 1988;81:677—87.

[32] Loeb R. Fat pad sliding and fat grafting for leveling lid depres-sions. Clin Plast Surg 1981;8:757—76.

[33] Mackinnon SE, Fielding JC, Dellon AL, Fisher DM. The incidenceand degree of scleral show in the normal population. PlastReconstr Surg 1987;80:15—20.

[34] Lisman RD, Hyde K, Smith B. Complications of blepharoplasty.Semin Ophthalmol 1989;4:242.

[35] Owsley Jr JQ, Zweifler M. Midface lift of the malar fat pad:technical advances. Plast Reconstr Surg 2002;110:674—85 [dis-cussion 686—7].

[36] Pessa J, Gurza J. The malar septum: the anatomic basis of themalar mounds and malar edema. Aesthetic Surg J 1997;17:11—7.