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Convergence simple, convergence uniforme ____________ 1. Convergence simple, convergence uniforme. 2. Un exemple célèbre : convergence vers la courbe en cloche. 3. Espaces fonctionnels : convergences simple, uniforme, compacte. 4. Limites uniformes de fonctions continues. 5. Théorèmes d’interversion de limites. 6. Approximation uniforme. Pierre-Jean Hormière ________________ Dans ce chapitre, les fonctions sont définies sur un ensemble X, parfois muni d’une structure d’espace métrique, et à valeurs dans un espace de Banach F sur K = R ou C. Cela permet d’étudier simultanément suites et séries de fonctions. Mais ce qui concerne les suites et les familles de fonctions s’étend sans peine à des fonctions à valeurs dans un espace métrique complet. 1. Convergence simple, convergence uniforme . 1.1. Suites de fonctions . Définition 1 : Soit X un ensemble, (f n ) une suite de fonctions de X dans F. On dit que la suite (f n ) converge simplement vers la fonction f si, pour tout x X, la suite (f n (x)) converge vers f(x). (CS) (2200x X) (2200ε > 0) (5n 0 N) (2200n n 0 ) || f n (x) - f(x) || ε. Il importe de noter que l’entier n 0 dépend a priori de ε et de x ; pour souligner cette dépendance, on le note parfois n 0 (ε, x), mais ce n’est pas à proprement parler une fonction de ε et de x. Cela dit, si l’on choisit pour n 0 le plus petit entier vérifiant (2200n n 0 ) || f n (x) - f(x) || ε, alors il devient une vraie fonction de ε et de x. Définition 2 : Sous les mêmes hypothèses, on dit que la suite (f n ) converge uniformément vers f si: (CU) (2200ε > 0) (5n 0 N) (2200n n 0 ) (2200x X) || f n (x) - f(x) || ε. Ici l’entier n 0 ne doit pas dépendre de x. Cette condition équivaut à chacune des deux suivantes : (CU') (2200ε > 0) (5n 0 N) (2200n n 0 ) sup xX || f n (x) - f(x) || ε ; (CU") La suite M n = sup xX || f n (x) - f(x) || tend vers 0 dans R + quand n tend vers . Proposition 1 : La convergence uniforme implique la convergence simple ; la réciproque est fausse. Proposition 2 : Critères de Cauchy simple et uniforme . Pour que la suite (f n ) converge simplement, (resp. uniformément) il faut et il suffit que : (CCS) (2200x X) (2200ε > 0) (5n 0 N) (2200p & q n 0 ) || f q (x) - f p (x) || ε. (CCU) (2200ε > 0) (5n 0 N) (2200p&q n 0 ) (2200x X) || f q (x) - f p (x) || ε. Contre-exemples : 1) Soit f n la fonction caractéristique de [n, n+1]. La suite (f n ) tend simplement vers 0 sur R, mais pas uniformément. Plus généralement, si ϕ est une fonction 0, nulle hors de [a, b], la suite f n (x) = ϕ(x-n) de ses translatées converge simplement vers 0, non uniformément. Le même résultat subsiste si ϕ est une fonction 0, tendant vers 0 en ±∞.

Convergence simple, convergence uniforme · La limite simple d’une suite de fonctions continues n’est en effet pas toujours continue : ainsi, les fonctions fn(x) = xn sont continues

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Page 1: Convergence simple, convergence uniforme · La limite simple d’une suite de fonctions continues n’est en effet pas toujours continue : ainsi, les fonctions fn(x) = xn sont continues

Convergence simple, convergence uniforme ____________ 1. Convergence simple, convergence uniforme.

2. Un exemple célèbre : convergence vers la courbe en cloche.

3. Espaces fonctionnels : convergences simple, uniforme, compacte.

4. Limites uniformes de fonctions continues.

5. Théorèmes d’interversion de limites.

6. Approximation uniforme.

Pierre-Jean Hormière

________________

Dans ce chapitre, les fonctions sont définies sur un ensemble X, parfois muni d’une structure d’espace métrique, et à valeurs dans un espace de Banach F sur K = R ou C. Cela permet d’étudier simultanément suites et séries de fonctions. Mais ce qui concerne les suites et les familles de fonctions s’étend sans peine à des fonctions à valeurs dans un espace métrique complet.

1. Convergence simple, convergence uniforme.

1.1. Suites de fonctions.

Définition 1 : Soit X un ensemble, (fn) une suite de fonctions de X dans F. On dit que la suite (fn) converge simplement vers la fonction f si, pour tout x ∈ X, la suite (fn(x)) converge vers f(x).

(CS) (∀x ∈ X) (∀ε > 0) (∃n0 ∈ N) (∀n ≥ n0) || fn(x) − f(x) || ≤ ε.

Il importe de noter que l’entier n0 dépend a priori de ε et de x ; pour souligner cette dépendance, on le note parfois n0(ε, x), mais ce n’est pas à proprement parler une fonction de ε et de x. Cela dit, si l’on choisit pour n0 le plus petit entier vérifiant (∀n ≥ n0) || fn(x) − f(x) || ≤ ε, alors il devient une vraie fonction de ε et de x.

Définition 2 : Sous les mêmes hypothèses, on dit que la suite (fn) converge uniformément vers f si:

(CU) (∀ε > 0) (∃n0 ∈ N) (∀n ≥ n0) (∀x ∈ X) || fn(x) − f(x) || ≤ ε.

Ici l’entier n0 ne doit pas dépendre de x. Cette condition équivaut à chacune des deux suivantes :

(CU') (∀ε > 0) (∃n0 ∈ N) (∀n ≥ n0) supx∈X || fn(x) − f(x) || ≤ ε ;

(CU") La suite Mn = supx∈X || fn(x) − f(x) || tend vers 0 dans R+ quand n tend vers ∞.

Proposition 1 : La convergence uniforme implique la convergence simple ; la réciproque est fausse.

Proposition 2 : Critères de Cauchy simple et uniforme. Pour que la suite (fn) converge simplement, (resp. uniformément) il faut et il suffit que : (CCS) (∀x ∈ X) (∀ε > 0) (∃n0 ∈ N) (∀p & q ≥ n0) || fq(x) − fp(x) || ≤ ε.

(CCU) (∀ε > 0) (∃n0 ∈ N) (∀p&q ≥ n0) (∀x ∈ X) || fq(x) − fp(x) || ≤ ε.

Contre-exemples :

1) Soit fn la fonction caractéristique de [n, n+1]. La suite (fn) tend simplement vers 0 sur R, mais pas uniformément. Plus généralement, si ϕ est une fonction ≠ 0, nulle hors de [a, b], la suite

fn(x) = ϕ(x−n) de ses translatées converge simplement vers 0, non uniformément. Le même résultat subsiste si ϕ est une fonction ≠ 0, tendant vers 0 en ±∞.

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2) Dans l’exemple précédent le domaine de définition était R. Plaçons-nous sur [0, 1]. Soit fn la

fonction caractéristique de [1

1+n

,n1 ]. La suite (fn) tend simplement vers 0 sur [0, 1], mais pas

uniformément. De même pour les fonctions continues affines par morceaux " en pics " :

gn(x) = 2nx si 0 ≤ x ≤ n21 , gn(x) = 2 − 2nx si

n21 ≤ x ≤

n1 , gn(x) = 0 si 0 ≤ x ≤

n21 ,

qui se résument en : gn(x) = sup( 1 – | 2nx – 1 | , 0) ,

et pour la suite de fonctions hn = n.gn, d’intégrales égales à 1 (qui tendent vers la mesure de Dirac).

> with(plots): > g:=(n,x)->max(1-abs(2*n*x-1),0); p:=n->plot(g(n,x),x=0..1.3,thickness=2,color=COLOR(RGB, rand()/10^12, rand()/10^12, rand()/10^12),numpoints=1000): > display(seq(p(n),n=1..9));

> h:=(n,x)->n*max(1-abs(2*n*x-1),0); q:=n->plot(h(n,x),x=0..1.3,thickness=2,color=COLOR(RGB, rand()/10^12, rand()/10^12, rand()/10^12),numpoints=500): > display(seq(q(n),n=1..9));

« Érection : ne se dit qu'en parlant des monuments. » (Gustave Flaubert)

Tous ces exemples ont ceci de commun : il y a convergence simple non uniforme vers 0 lorsque les graphes sont l’objet d’un phénomène de « bosse glissante », précisons : d’une bosse qui glisse sans se résorber. Pour résorber la bosse, il suffirait d’un peu de Contre-coups de l’abbé Perdrigeon — s’il s’agit d’une bosse traumatique... quant aux autres bosses, les moyens de les résorber ne relèvent ni des mathématiques ni de la pharmacie ! — .

En pratique, pour étudier la convergence d’une suite de fonctions fn :

1° On commence par déterminer leur domaine de définition commun D ;

2° On détermine l’ensemble X des x ∈ D tels que la suite (fn(x)) converge ; soit f(x) sa limite ;

3° On pose alors gn = fn − f et on détermine Mn = supx∈X || gn(x) || par étude des variations de gn ;

Si (Mn) tend vers 0, il y a convergence uniforme ; sinon, il n’y a pas c.u.

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4° Il est parfois difficile de calculer explicitement Mn, soit parce que la fonction gn est compli-quée, soit parce que X n’est pas inclus dans R. On pense alors à utiliser des conditions suffisantes :

− si l’on trouve une suite (εn) tendant vers 0 et telle que (∀n) (∀x) || fn(x) − f(x) || ≤ εn, il y a c.u.

− si l’on trouve une suite (xn) de points de X telle que fn(xn) − f(xn) ne tende pas vers 0, il n’y a pas convergence uniforme.

5° S’il n’y a pas c.u., il est néanmoins souvent possible de déterminer des parties de X sur lesquelles il y a convergence uniforme : elles sont suggérées par l’étude des déformations des graphes lorsque n augmente. Un logiciel peut aider à voir les choses.

NB : Avec Maple, pour représenter plusieurs courbes sur un même graphe, utiliser la commande display du package « plots », comme ci-dessus.

On dit que la partie A ⊂ D est un domaine de convergence simple (resp. uniforme) de (fn) si fn|A converge simplement (resp. uniformément). La réunion d’une famille quelconque de domaines de convergence simple est un domaine de convergence simple ; mais seule une réunion finie de domaines de convergence uniforme en est un en général. Exercice 1 : Etudier la convergence sur R des suites de fonctions :

fn(x) = ²1

1nx+ , gn(x) =

²²1 xnx

+ , hn(x) = ²1 nx

nx+ , kn(x) =

)²(11

nx−+ , ln(x) = n.kn(x).

Exercice 2 : Etudier la convergence sur [0, 1] des suites de fonctions :

fn(x) = nx

nx+1

, gn(x) = nxx

+1 , hn(x) =

nx+11 .

fn(x) = n.( xn – x

n+1 ) et gn(x) = fn’(x).

fn(x) = n xn+1

(1

1+n

– 12 +n

xn

) et gn(x) = n fn(x).

fn(x) = nax.( 1 − nx + | 1 − nx | ) . Quand a-t-on limn ∫

1

0).( dttfn = ∫

1

0).(lim dttfnn ?

Exercice 3 : Étudier et discuter la suite de fonctions fn(x) = na

x e−nx sur R+ ( a > 0 ).

Exercice 4 : Étudier les suites de fonctions fn(x) = e−nx.sin(x) et gn(x) = e−nx.sin(nx) sur R+.

Exercice 5 : Soit f : R+ → R une fonction continue, non nulle, telle que f(0) = limx→+∞ f(x) = 0.

1) Etudier la convergence simple et uniforme des suites fn(x) = f(nx) et gn(x) = f(nx ).

2) Domaines de convergence uniforme.

3) Etudier la convergence des suites (n1 fn) , ( n

1 gn) et (fn.gn).

Exercice 6 : Étudier la suite de fonctions fn(x) = n xn sin(πx) sur [0, 1].

Exercice 7 : Etudier la suite de fonctions fn(x) = n

n

xxxx

++++ ...²1 sur R+.

Exercice 8 : Etudier la convergence simple et uniforme des suites de fonctions :

u0(x) = x , un+1(x) = sin un(x) sur R ; u0(x) = x , un+1(x) = ln(1 + un(x)) sur R+.

Exercice 9 : Soit (fn) une suite de fonctions X → R convergeant uniformément vers f.

Que dire de la suite gn = 21 n

n

ff

+ ?

Exercice 10 : Soit ϕ une fonction : F → G ; quelle propriété doit-elle vérifier pour que :

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a) (fn) tend simplement vers f ⇒ (ϕ o fn) tend simplement vers ϕ o f ?

b) (fn) tend uniformément vers f ⇒ (ϕ o fn) tend uniformément vers ϕ o f ?

Exercice 11 : Etudier la convergence simple et uniforme sur R des suites de fonctions :

fn(x) = xn

enx

−.!

et Fn(x) = ∑=

−n

k

xk

ekx

0

.!

Exercice 12 : Soit (Pn) une suite de polynômes réels convergeant uniformément sur R vers une

fonction f. Montrer que f est un polynôme et que Pn(x) = f(x) + cn à partir d’un certain rang.

Exercice 13 : Etudier la convergence simple sur R des fonctions fn(x) = cos(nx), puis de la suite de

leurs moyennes de Cesàro gn = 1

...0

+++

nff n

.

1.2. Familles de fonctions.

Les notions précédentes s’étendent sans peine au cas où l’indice n est remplacé par un paramètre αappartenant à une partie A d’un espace métrique Λ, et tendant vers une limite α0 ∈ A . La

généralisation est facile : on peut se ramener à des suites (αn) tendant vers α0 .

Définition 3 : Soit (fα)α∈A une famille de fonctions de X dans F. On dit que (fα) tend simplement vers g lorsque α tend vers α0 si, pour tout x ∈ X , limα→α0 fα(x) = g(x). On dit que (fα) tend uniformément vers g lorsque α tend vers α0 si :

(CU) (∀ε > 0) (∃η > 0) (∀α ∈ Α) d(α, α0) ≤ η ⇒ (∀x ∈ X) || fα(x) − g(x) || ≤ ε .

Exercice : Soient f une fonction R → R, et (fα)α∈R la famille de ses translatées fα(x) = f(α − x).

1) Montrer que f est continue ssi (fα)α∈R tend simplement vers f quand α → 0 ;

2) Montrer que f est uniformément continue ssi (fα)α∈R tend uniformément vers f quand α → 0. 1.3. Séries de fonctions.

Définition 4 : Soit ∑+∞

=0

)(n

n xu une série de fonctions définies sur l’ensemble X, à valeurs dans F.

On note Sn(x) =∑=

n

kk xu

0

)( la somme partielle d’ordre n. On dit que la série converge simplement,

resp. uniformément, si la suite de fonctions (Sn(x)) converge simplement, resp. uniformément.

En pratique, pour étudier la convergence d’une série de fonctions, il faut :

déterminer le domaine de définition commun D des fonctions un(x) ;

discuter selon les valeurs de x ∈ D la convergence de la série ∑+∞

=0

)(n

n xu ;

si X est le domaine de convergence simple, et S(x) la somme de la série, il y a convergence uni-

forme de la série ssi S(x) − Sn(x) tend uniformément vers 0, autrement dit si le reste d’ordre n

Rn(x) = ∑+∞

+= 1

)(nk

k xu tend uniformément vers 0 sur X ;

s’il n’y a pas convergence uniforme sur tout X, il est souvent possible de déterminer des parties A de X sur lesquelles il y a convergence uniforme.

Exemples :

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1) La série ∑+∞

=0 !n

n

nz

converge simplement sur C vers une fonction, notée exp z. La convergence est

absolue pour tout z. Elle est uniforme sur tout domaine borné de C, mais non sur C, ni sur aucun domaine non borné de C.

2) La série ∑+∞

=1 ²n

n

nz

converge simplement sur |z| ≤ 1, diverge grossièrement pour tout |z| > 1. La

convergence est uniforme sur |z| ≤ 1.

3) La série ∑+∞

=0n

nz converge simplement sur |z| < 1, diverge grossièrement sinon. La convergence

est uniforme sur tout disque « de sûreté » |z| ≤ r < 1 ; la somme vaut z−1

1 .

4) Si 0 ≤ r < 1 est fixé, la série 21 +∑

+∞

=1

)cos(.n

n nr θ (de fonctions de θ) converge uniformément sur

R, vers une fonction que l’on peut calculer en exercice : le noyau de Poisson P(r, θ).

5) La série ∑+∞

=

−−1

1.)1(n

nn

nx

est simplement convergente sur ]−1, 1] ; la convergence est uniforme sur

tout [−r, 1], où 0 ≤ r <1 ; la somme vaut ln(1 + x).

6) La série de fonctions ∑+∞

=1

1n n

1[n,n+1[(x) est uniformément convergente.

Proposition 3 : Soit ∑+∞

=0

)(n

n xu une série de fonctions définies sur l’ensemble X, à valeurs dans F.

Pour que la série converge uniformément, il faut et il suffit qu’elle vérifie le critère de Cauchy

uniforme : (CCU) (∀ε > 0) (∃n0 ∈ N) (∀q > p ≥ n0) (∀x ∈ X) ||∑+=

q

pn

n xu1

)( || ≤ ε ,

autrement dit que les tranches de Cauchy puissent être rendues uniformément apqv.

Proposition 4 : Soit ∑+∞

=0

)(n

n xu une série de fonctions de X dans F. On suppose :

(CN) Il existe une série numérique convergente ∑+∞

=0n

na telle que (∀x ∈ X) || un(x) || ≤ an .

Alors la série ∑+∞

=0

)(n

n xu converge simplement, absolument et uniformément sur X.

On dit alors qu’il y a convergence normale de la série.

Réexaminons les exemples précédents à la lumière du critère précédent : — Les exemples 1, 2, 3, 4 précédents relèvent de ce critère. — L’exemple 5 n’obéit à ce critère que sur les intervalles «de sûreté» [−r, r], où 0 ≤ r < 1. En revanche, il n’y a pas convergence normale sur [0, 1], puisqu’il n’y a pas convergence absolue en 1. — L’exemple 6 n’obéit pas au critère de convergence normale.

Ainsi, la convergence normale n’est qu’une condition suffisante de convergence uniforme. Pour établir la convergence uniforme d’une série, il faut en priorité chercher des domaines de convergence normale ; lorsque cela échoue, on revient à une majoration uniforme du reste utilisant les séries alternées, ou une transformation d’Abel.

Remarque 1 : La proposition précédente est dûe à Weierstrass, qui l’employait fréquemment. C’est pourquoi elle est appelée dans les livres anglo-saxons «critère de Weierstrass». Le terme de

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«convergence normale» fut introduit en 1908 par René Baire1 pour signifier que ce critère est le cas le plus usuel, le plus "normal", de convergence uniforme. Mais il faut garder présent à l’esprit que la convergence normale n’est pas un concept nouveau : c’est seulement un critère commode de conver-gence uniforme.

Remarque 2 : Toute suite de fonctions est la suite des sommes partielles d’une série. Cette méthode de transformation de suite en série se révèle très efficace, notamment dans l’étude des produits infinis.

Exercice : la fonction ψ.

1) Montrer que, sur x > 0, la suite de fonctions un(x) = ln n − ∑= +n

k kx0

1 a une limite simple ψ(x), la

convergence étant uniforme sur tout segment [a, A], 0 < a < A (pls. méthodes possibles).

2) Soit (an)n≥1 une suite complexe p-périodique. Trouver une cns pour que la série ∑+∞

=1n

n

na con-

verge ; exprimer alors sa somme à l’aide de la fonction ψ.

2. Un exemple célèbre : convergence vers la courbe en cloche.

Les probabilistes affirment que, lorsque n tend vers l’infini, la suite ( knC )0≤k≤n des coefficients binomiaux tend vers la fameuse « courbe en cloche » de Gauss. Si l’on veut donner un sens précis et

rigoureux à cette convergence, il faut « centrer » et « réduire » la suite ( knC )0≤k≤n.

Définition : Nous appelons gaussienne la fonction définie sur R par g(x) = π2

1 2/²xe− .

Proposition 1 : La fonction g est paire, tend vers 0 en ±∞, est intégrable sur R et vérifie :

∫+∞

∞−dxxg ).( = 1.

Preuve : l’affirmation finale est démontrée dans le chapitre sur les intégrales impropres ou celui sur les fonctions eulériennes.

Pour tout entier n ≥ 1 et tout entier k tel que 0 ≤ k ≤ n, posons :

tn,k = 2/2/

nnk− =

nnk−2 , Jn,k = [tn,k −

n1 , tn,k +

n1 [ et In = U

n

kknJ

0,

== [− n −

n1 , n +

n1 [

Soit fn la fonction définie sur R par :

fn(x) = 0 si x ∉ In , fn(x) = 2n

n21 knC si x ∈ Jn,k pour 0 ≤ k ≤ n .

En termes probabilistes, fn(x) = 2n .P(Xn = k), où Xn suit la loi binomiale BBBB(n, ½) .

Si x est fixé dans In , fn(x) = 2n

n21 knC pour k = [

21 nxn ++ ] .

1 « Bien qu’à mon avis l’introduction de termes nouveaux ne doive se faire qu’avec une extrême prudence, il m’a paru indispensable de caractériser par une locution brève le cas le plus simple et de beaucoup le plus courant des séries uniformément convergentes, celui des séries dont les termes sont moindres en module que des nombres positifs formant série convergente (ce qu’on appelle quelquefois critère de Weierstrass). J’appelle ces séries normalement convergentes, et j’espère qu’on voudra bien excuser cette innovation. Un grand nombre de démonstrations, soit dans la théorie des séries, soit plus loin dans la théorie des produits infinis, sont considérablement simplifiées quand on met en avant cette notion, beaucoup plus maniable que la propriété de convergence uniforme. » René Baire, Leçons sur les théories générales de l’Analyse, préface du tome 2, 1908

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En effet, x ∈ Jn,k ⇔ nnk−2 −

n1 ≤ x <

nnk−2 +

n1 ⇔ 2k − 1 ≤ x n + n < 2k + 1 , etc.

Proposition 2 : La fonction fn est en escaliers sur In ; elle croit sur R−, décroit sur R

+, tend vers 0 en

±∞, et vérifie∫+∞

∞−dxxfn ).( = 1.

Preuve : La fonction fn est nulle sur ]−∞ , − n − n1 [ et sur [ n +

n1 , +∞[.

Ajoutons qu’elle est continue à droite en tout point, et « presque » paire : si l’on remplace ses valeurs aux points de discontinuité par la demi-somme des limites à droite et à gauche, elle est paire.

Et ∫+∞

∞−dxxfn ).( = ∫

nIn dxxf ).( = ∫∑

= knJn

n

k

dxxf,

).(0

= knn

n

k

Cnn 2

12

20∑

= = knn

n

k

C21

0∑

= = 1.

Théorème 3 : La suite (fn) tend simplement et uniformément sur R, vers la gaussienne g.

Preuve : Nous nous contenterons de montrer que fn(0) → g(0).

Il découle de ce qui précède que fn(0) = 2n

n21 knC pour k = [

21+n ] .

Si n est pair, n = 2m, fn(0) = 12 +nn mnC = 122

2+mm m

mC2 = 1222

+mm

)²!()!2(

mm

→ π2

1

en vertu de la formule de Stirling : n ! ∼ nen n π2.)( . Il en découle que :

Si n est impair, n = 2m + 1, fn(0) = 12 +nn mnC = 222

12++

mm m

mC 12 + = 22212

++

mm

112

++

mm

)²!()!2(

mm

→ π2

1

La démonstration complète du théorème 3 repose sur un examen approfondi de la formule de Stirling. Nous nous contenterons ici de visualiser la convergence :

> with(plots): F:=(n,x)->evalf(sqrt(n)/2^(n+1)*binomial(n,floor(n/2+1/2+x/2*sqrt(n)))); > p:=n->plot(F(n,x),x=-4..4,color=COLOR(RGB, rand()/10^12, rand()/10^12, rand()/10^12)); > g:=plot(1/sqrt(2*Pi)*exp(-x^2/2),x=-5..5,thickness=2,color=blue): > display(g,seq(p(2*n+1),n=0..10));

Plus généralement, soient p un réel tel que 0 < p < 1, et q = 1 – p. Pour tout entier n ≥ 1 et tout entier k tel que 0 ≤ k ≤ n, posons

tn,k = npqnpk−

, Jn,k = [tn,k − npq21 , tn,k +

npq21 [

et In = Un

kknJ

0,

== [−

qnp −

npq21 ,

qnp

+ npq21 [

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Soit fn la fonction définie sur R par :

fn(x) = 0 si x ∉ In , fn(x) = npq knkkn qpC − si x ∈ Jn,k pour 0 ≤ k ≤ n .

En termes probabilistes, fn(x) = npq .P(Xn = k), où Xn suit la loi binomiale BBBB(n, p) .

Si x est fixé dans In , fn(x) = 2n

n21 knC pour k = [ 2/1++ npqxnp ] .

Théorème 4 : La suite (fn) tend simplement et uniformément sur R, vers la gaussienne g.

La démonstration du théorème 4 repose sur un examen minutieux de la formule de Stirling.

> with(plots): F:=proc(n,p,x) local q,k; q:=1-p; k:=floor(n*p+x*sqrt(n*p*q)+1/2): evalf(sqrt(n*p*q)*binomial(n,k)*p^k*q^(n-k));end; > pF:=(n,p)->plot(F(n,p,x),x=-4..4,color=COLOR(RGB, rand()/10^12, rand()/10^12, rand()/10^12)); > g:=plot(1/sqrt(2*Pi)*exp(-x^2/2),x=-4..4,thickness=2,color=blue): > display(g,seq(pF(n,2/3),n=0..10));

Un autre exemple classique de convergence simple issu du calcul des probabilités est l’approximation binomiale de la loi de Poisson :

Proposition : Soit (Xn) une suite de variables aléatoires discrètes suivant la loi binomiale BBBB(n, pn).

Si la suite (npn) tend vers λ > 0, la suite (Xn) converge en loi vers la loi de Poisson PPPP(λ), en ce sens

que : ∀k ∈ N P(Xn = k) = knC (pn)k(1 – pn)

n−k →

!ke kλλ−

.

Preuve : Il s’agit de démontrer une convergence simple dans F F F F(N, R). Fixons l’entier k. Pour n ≥ k

P(Xn = k) = knC (pn)k(1 – pn)

k =

!1k

)1)...(1( +−− knnn (nλ + o(

n1 ))

k ( 1 – nλ + o(

n1 ))n−k

= !k

kλkn

knnn )1)...(1( +−− ( 1 + o(1) )

k ( 1 – nλ + o(

n1 ))−k

exp( n.ln(1 – nλ + o(

n1 ))

= !k

kλ( 1 + o(1) ) exp(–λ + o(1)) →

!ke kλλ−

. Cqfd.

> with(plots): > lambda:=5;p:=n->lambda/n+1/n^2; > f:=proc(n,x) local k;k:=floor(x);binomial(n,k)*p(n)^k*(1-p(n))^(n-k);end; > L:=proc(x) local k;k:=floor(x);exp(-lambda)*lambda^k/k!;end; > G:=n->plot(f(n,x),x=0..20,thickness=2,color=COLOR(RGB, rand()/10^12, rand()/10^12, rand()/10^12)): P:=plot(L(x),x=0..20,color=black,thickness=2): > display(seq(G(n),n=6..25),P);

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9

3. Espaces fonctionnels : convergences simple, uniforme, compacte.

Le Rondo finale de la sonate Waldstein, n° 21 opus 53, est si difficile que Beethoven en donne trois versions : une pour les pianistes débutants, une pour les confirmés, et la troisième pour les virtuoses ; ainsi, chacun pourra jouer le superbe petit leitmotive de ce rondo. De même, les déve-loppements suivants sont forts abstraits. Seul le début du § 3.1. doit être lu et compris. Ce qui suit le

♣ peut être omis par les débutants. Enfin, ce qui suit le ♥ est réservé aux passionnés de mathé-matiques. Comme son nom l’indique, la convergence simple est simple, et on peut vivre sans ressentir le besoin de la rattacher au cours de topologie générale. 3.1. Topologie de la convergence uniforme.

Proposition 1 : L’espace vectoriel BBBB(X, F) des fonctions bornées de X dans F est un espace de Banach pour la norme uniforme || f ||∞ = supx∈X || f(x) ||.

Si une suite (fn) de fonctions bornées converge uniformément vers une fonction f, alors f est

bornée et l’on a || fn − f ||∞ → 0, la réciproque étant évidente. Autrement dit, si l’on se place dans l’espace BBBB(X, F), la topologie de la convergence uniforme peut être définie par la norme uniforme.

♣ Les résultats précédents subsistent-ils si l’on se place dans l’ensemble FFFF(X, F) de toutes les fonctions de X dans F ? La réponse est moins simple, car la distance uniforme de deux fonctions peut être infinie.

Proposition 2 : Sur FFFF(X, F), la fonction d∞(f, g) = supx∈X || f(x) − g(x) || est un écart, et D = 1+∞

dd

est une distance. On a alors les équivalences :

(fn) converge uniformément vers f ⇔ d∞( fn , f ) → 0 ⇔ D( fn , f ) → 0 .

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Ainsi, la topologie de la convergence uniforme est «métrisable», i.e. peut être définie par une distance. Il serait alors facile de montrer que (FFFF(X, F), D) est un espace métrique complet, et il découle de la proposition 1 que BBBB(X, F) est un sous-espace fermé de (FFFF(X, F), D).

Mais lorsque X est un ensemble infini, elle n’est pas « normable », en ce sens qu’il n’existe pas de

norme sur FFFF(X, F) telle que (fn) converge uniformément vers f ⇔ || fn − f || → 0.

En effet, soit f une fonction non bornée sur X. La suite (nf ) tend simplement vers 0, mais pas uni-

formément, car aucune des fonctions nf

n’est bornée. S’il existait une norme de la convergence

uniforme l’on aurait ||nf

|| = n1 || f || → 0, donc (

nf ) tendrait uniformément vers 0.

♥♥♥♥ 3.2. Topologie de la convergence simple.

Dans ce §, nous allons résoudre les deux problèmes suivants : 1° Existe-il une topologie OOOO sur FFFF(X, F) pour laquelle la convergence simple des suites de fonctions soit la convergence des suites pour cette topologie ? 2° Existe-t-il une distance ds sur FFFF(X, F) pour laquelle la convergence simple soit la conver-gence pour cette distance, autrement dit telle que l’on ait :

(fn) converge simplement vers f ⇔ ds( fn , f ) → 0 ?

Ces questions sont-elles importantes ? Autrement dit, est-il important de savoir si la convergence simple des suites de fonctions s’inscrit dans le cadre des espaces métriques, ou dans un cadre plus général ? On peut en douter : la définition de cette convergence est simple, comme son nom l’indique, et l’on peut se dire que, quelle que soit la réponse, elle n’empêchera pas les trains de rouler. Cela dit, il est assez naturel de se demander si l’exposé de la convergence des suites dans le cadre des espaces métriques est assez général pour contenir la convergence simple des suites de fonctions.

Nous allons voir que la réponse à la première question est positive, et que la réponse à la seconde est positive si X est un ensemble fini ou dénombrable, négative dans le cas contraire.

Définition : Appelons voisinage élémentaire de la fonction f ∈ FFFF(X, F) tout ensemble de la forme : V( f ; x1, ..., xk ; ε ) = g ∈ FFFF(X, F) ; (∀i) || f(xi) − g(xi) || < ε , où x1, ..., xk sont des points de X en nombre fini, et ε un réel > 0 ; voisinage de f tout ensemble contenant un V( f ; x1, ..., xk ; ε) ; et enfin ouvert de FFFF(X, F) tout ensemble qui est un voisinage de chacun de ses points.

Proposition 3 : L’ensemble OOOO de ces ouverts vérifie les axiomes (OI), (OII ) et (OIII ), et munit FFFF(X,

F) d’une structure d’espace topologique. De plus, (fn) converge simplement vers f ssi tout voisinage

élémentaire de f contient les fn à partir d’un certain rang.

Preuve : Laissons la première assertion en exercice, et montrons la seconde. Si tout voisinage

élémentaire de f contient les fn à partir d’un certain rang, c’est en particulier le cas de V( f ; x ; ε),

pour tout x et tout ε ; cela signifie que fn(x) tend vers f(x).

Réciproquement, si (fn) converge simplement vers f, alors, pour toute famille finie (x1, ..., xk) de

points de X et tout ε > 0, on a ∃n0 ∀n ≥ n0 (∀i) || fn(xi) − f(xi) || < ε, donc fn ∈ V( f ; x1, ..., xk ; ε) pour n ≥ n0. cqfd.

Ainsi, il existe bien une topologie sur FFFF(X, F), dite topologie de la convergence simple, pour laquelle la convergence des suites coïncide avec la convergence des suites pour cette topologie. Cette topologie est-elle sous-jacente à celle d’une métrique ?

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− Si X est un ensemble fini, il suffit de considérer la distance ds(f, g) = supx∈X || f(x) − g(x) || . Cette distance n’est autre que l’écart uniforme d∞ déjà considéré en 2.1. Cela n’est pas surprenant, car sur un ensemble fini, convergences simple et uniforme coïncident. De plus, ici l’on a FFFF(X, F) = BBBB(X, F), et la topologie de la cs est normable.

− Si X est infini dénombrable, indexons-le bijectivement par N : X = xk ; k ∈ N , et posons :

∀( f, g) ∈ FFFF(X, F)2 ds( f, g ) = ∑

+∞

=021

kk )()(1

)()(

kk

kk

xgxf

xgxf

−+−

.

Proposition 4 : Sous les hypothèses précédentes, ds est une distance sur FFFF(X, F), et l’on a :

(fn) converge simplement vers f ⇔ ds( fn , f ) → 0 .

Preuve laissée en exercice.

− Lorsque X est non dénombrable, introduisons le sous-espace NNNN des fonctions X → F à support fini. Ce sous-espace vectoriel est dense dans FFFF(X, F), car tout ouvert non vide contient un voisinage élémen-taire, et tout voisinage élémentaire V( f ; x1, ..., xk ; ε) contient une fonction ϕ ∈ NNNN. Il suffit de poser : ϕ(xi) ≡ f(xi) et ϕ(x) = 0 si x ∉ x i ; 1 ≤ i ≤ k ! S’il existait une distance ds pour laquelle

(fn) converge simplement vers f ⇔ ds( fn , f ) → 0 ,

NNNN étant un sous-espace dense, toute f serait limite simple d’une suite de fonctions à support fini. Or un instant de réflexion montre que la limite simple d’une suite (fn) de fonctions à support fini est une fonction à support dénombrable. La fonction constante égale à 1 n’est pas dans ce cas.

Au fond, l’adhérence séquentielle de NNNN est exactement l’ensemble des fonctions à support dénombrable, tandis que l’adhérence de NNNN est FFFF(X, F) tout entier. La topologie de la convergence simple n’est donc pas «métrisable», et rend nécessaire la topologie générale. Le problème sur les fonctions de Baire (§ 3.3) donne une autre preuve de ce résultat pour FFFF(R, R). 3.3. Topologie de la convergence compacte.

Il arrive souvent que la convergence de la suite (fn) ne soit pas uniforme sur X, mais seulement sur

les parties compactes de X. Par exemple, la série ∑+∞

=0 !n

n

nz

converge uniformément sur les parties

compactes de C, non sur C. Le problème suivant résout le problème de l’existence d’une topologie de la convergence uniforme sur les compacts.

Problème : Nous dirons qu’un espace métrique (X, d) possède une s.e.c. s’il existe une suite

croissante d’ensembles compacts (Kn) telle que X = ∪ Int(Kn). Une telle suite s’appelle suite exhaustive de compacts, ou sec. 2

1) Exemples : a) Montrer que tout intervalle de R, tout disque ouvert de C, possède une sec ; b) Montrer que tout ensemble ouvert ou fermé d’un evn de dim finie possède une sec.

2) Retour au cas général. Soit f : X → F, (Kn) une sec de X. Montrer l’équivalence des propriétés:

i) f est bornée au voisinage de tout point ;

ii) La restriction de f à tout compact K ⊂ X est bornée ;

iii) La restriction de f à tout compact Kn d’une sec est bornée.

3) Soit BBBBk(X, F) l’espace vectoriel des fonctions localement bornées de X dans F.

a) Montrer que, pour tout n, pn(f) = supx∈Kn || fn(x) || est une semi-norme sur BBBBk(X, F) ;

2 Les espaces métriques possédant une sec sont les espaces localement compacts de type dénombrable (cf. Espaces métriques, G).

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b) Montrer que dk( f, g) = ∑+∞

=021

nn )(1

)(gfp

gfpn

n

−+−

est une distance sur BBBBk(X, F) ;

c) Soit (fn) une suite d’éléments de BBBBk(X, F) ; montrer l’équivalence des propriétés :

i) dk(fn , f) → 0 ;

ii) (fn) converge simplement vers f, la convergence étant uniforme sur tout Kn ;

iii) (fn) converge simplement vers f, la convergence étant uniforme sur tout compact.

d) Montrer que (BBBBk(X, F), dk) est complet pour cette distance.

La topologie définie par cette distance est dite topologie de la convergence compacte. Elle est indépendante de la sec choisie. Cette topologie se rencontre dans la théorie des fonctions analy-

tiques : si (fn) est une suite de fonctions analytiques sur un ouvert Ω de C, convergeant uniformé-ment vers f sur tout compact de Ω, alors f est analytique dans Ω.

4. Limites uniformes de fonctions continues.

4.1. Une erreur de Cauchy.

« L'erreur n'a rien d'étrange. C'est le premier état de toute connaissance. »

Alain

Dans son Cours d'Analyse de l'École polytechnique (1821), Cauchy tenta de fonder l’analyse sur des bases plus rigoureuses que celles des anciens cours, celui de Lagrange notamment. Cependant, le Cours de Cauchy contenait des erreurs célèbres, et dont la rectification devait faire faire de grands pas à l’Analyse au cours du XIX ème siècle. L’une d’elles est celle où Cauchy affirme que la limite simple d’une suite de fonctions continues est continue — en fait, Cauchy considère une série de fonctions continues, de somme partielle sn et de reste rn , mais ce problème équivaut au précédent car toute suite peut être transformée en suite des sommes partielles d’une série — : « Considérons les accroissements que reçoivent ces trois fonctions, lorsqu'on fait croître x d'une quantité infiniment petite α. L'accroissement de sn sera, pour toutes les valeurs possibles de n, une quantité infiniment petite ; et celui de rn deviendra insensible en même temps que rn, si l'on attribue à n une valeur très considérable. Par suite, l'accroissement de la fonction s ne pourra être qu'une quantité infiniment petite. » « Il me semble que ce théorème admet des exceptions », observe poliment un jeune norvégien de 23 ans, Niels Henrik Abel, dès 1825, faisant observer que la série trigonométrique :

sin x – 21 sin(2x) +

31 sin(3x) – ...

connue d’Euler, est simplement convergente sur R mais a pour somme x/2 si |x| < π, 0 si |x| = π ; elle est discontinue aux points (2m+1)π. Aussi, lors de son étude des séries entières, prend-il soin de démontrer rigoureusement la continuité de la somme à l’intérieur du disque ouvert de convergence. 3 En écrivant que « l'accroissement de sn sera, pour toutes les valeurs possibles de n, une quantité infiniment petite », Cauchy suppose en réalité la convergence uniforme. Ce n’est qu’en 1853 qu’il rectifiera son énoncé en utilisant fort correctement, sans la nommer, cette notion de convergence uniforme. La limite simple d’une suite de fonctions continues n’est en effet pas toujours continue : ainsi, les fonctions fn(x) = xn sont continues sur [0, 1], leur limite simple f(x) = 0 si x ∈ [0, 1[, f(1) = 1, ne l’est pas. Autrement dit :

limx→1− limn→+∞ fn(x) ≠ limn→+∞ limx→1− fn(x) .

3 Au début de ses Recherches sur la série du binôme, publiées au Journal de Crelle en 1826. En fait, il se contente d’établir la continuité à gauche de la somme.

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Dès 1841, Karl Weierstrass utilisa des majorations uniformes pour obtenir des conditions d’inté-gration et de dérivation terme à terme des séries de fonctions, mais il ne publia ses résultats qu’en 1894. L’on peut donc à bon droit attribuer à Abel puis Weierstrass la paternité de la notion de convergence uniforme, même si elle ne fut formellement dégagée que plus tard, et indépendamment, vers 1847-48, par l’allemand Philip von Seidel (1821-1896) et l’anglais George Stokes (1819-1903). 4.2. Limites uniformes de fonctions continues.

Théorème : Soient (X, d) un espace métrique, (fn) une suite d’applications : X → F continues en a. Si (fn) converge uniformément vers f, alors f est continue en a.

Démonstration : Ecrivons d(f(x), f(a)) ≤ d(f(x), fn(x)) + d(fn(x), fn(a)) + d(fn(a), f(a)). Soit ε > 0. En vertu de la convergence uniforme, choisissons n tel que, pour tout y ∈ X on ait :

d(fn(y), f(y)) ≤ ε. Alors, pour tout x, d(f(x) , f(a)) ≤ ε + d(fn(x), fn(a)) + ε.

fn étant continue en a, ∃α > 0 d(x, a) ≤ α ⇒ d(fn(x), fn(a)) ≤ ε. Dès lors d(f(x) , f(a)) ≤ 3ε. Cqfd.

Corollaire 1 : Une limite uniforme d’applications continues sur X est continue.

Corollaire 2 : Une série uniformément convergente ∑ un(x) de fonctions continues en a (resp. conti-nues) a pour somme une fonction continue en a (resp. continue).

Corollaire 3 : C(X, F) est un sous-espace fermé de l’espace métrique FFFF(X, F) pour la métrique de la convergence uniforme.

Corollaire 4 : L’espace vectoriel Cb(X, F) des fonctions continues bornées de X dans F est un sous-espace vectoriel fermé de BBBB(X, F) pour la norme uniforme ; c’est donc un espace de Banach.

Corollaire 5 : Si X possède une sec (cf.2.3), l’espace C(X, F) est un sous-espace fermé de BBBBk(X, F) pour la topologie de la convergence compacte. 4.3. Limites simples de fonctions continues.

En hommage à Gustave Choquet

Les fonctions qui sont limites simples d’une suite de fonctions continues ne sont pas toujours continues, mais elles possèdent des propriétés topologiques qui ont été étudiées par René Baire (1874-1932). Les problèmes suivants explorent ces propriétés. Problème 1 : fonctions semi-continues.

Soit (E, d) un espace métrique. Une fonction f : E → R est dite semi-continue inférieurement (sci) si son épigraphe Epi(f) = (x, λ) ∈ E×R ; λ ≥ f(x) est une partie fermée de E×R. Elle est dite semi-continue supérieurement (scs) si − f est sci.

1) Montrer que f est sci ssi pour tout λ ∈ R, Eλ(f) = x ∈ E ; λ ≥ f(x) est un fermé de E.

2) Exemples :

i) Montrer que f est continue ⇔ f est sci et scs ;

ii) Soit A ⊂ E, 1A sa fonction caractéristique ; montrer que A est ouvert ⇔ 1A est sci.

3) Soient f et g deux fonctions sci ; montrer que sup(f, g), inf(f, g) et f + g sont sci , et que si f et g sont à valeurs > 0, f.g est sci.

4) Soit (fi)i∈I une famille de fonctions continues inférieures à une fonction g : E → R. Montrer que la fonction f = supi∈I fi est définie et sci. Montrer à l’aide d’un contre-exemple que la borne inférieure d’une famille (fi)i∈I de fonctions continues minorées par une fonction h n’est pas toujours sci.

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5) Soit f : E → R. Montrer que, pour que f soit sci, il faut et il suffit qu’il existe une suite croissante f1 ≤ f2 ≤ ... ≤ fn ≤... de fonctions continues, tendant simplement vers f.

[ Ind. : pour la condition nécessaire, se ramener au cas où f(E) ⊂ [0, 1], noter Ank = f−1(]nk , +∞[)

pour 1 ≤ k ≤ n − 1 et gn = n1 ∑

=

1

1

1n

kAnk

]

6) Si E est compact, montrer que toute fonction sci f : E → R est minorée et atteint sa borne inférieure.

7) On suppose E complet ; soit f une fonction sci : E → R. montrer que l’ensemble des points au voisinage desquels f est majorée est un ouvert dense de E. [ Ind. : utiliser le théorème de Baire.] Exercice 2 : domaine de convergence simple.

Si AAAA est un ensemble de parties de E, on note AAAAσ, resp. AAAAδ, l’ensemble des parties de E qui s'écrivent comme réunion, resp. intersection, d’une suite de parties de AAAA. On note GGGG, resp FFFF, l’ensemble des ouverts, resp. des fermés de l’espace métrique (E, d). Soit (fn) une suite de fonctions continues E → R. Montrer que le domaine de convergence simple S de la suite (fn) est un FFFFσδ.

[ Indication : Noter que S = I1≥kU

1≥nI

np≥I

nq≥ x ∈ E ; | fp(x) − fq(x) | ≤

k1 .]

Exercice 3 : ensembles bivalents.

Soit (E, d) un espace métrique. Un ensemble A ⊂ E est dit bivalent s’il est à la fois un FFFFσ et un GGGGδ (notations de l’exercice précédent).

1) Montrer que les ensembles bivalents forment une algèbre de Boole BBBB de parties de E (i.e. BBBB est stable par complémentation, unions et intersections finies, et contient ∅ et E), contenant FFFF et GGGG.

2) Montrer que tout FFFFσ est réunion disjointe d’une suite d’ensembles bivalents.

3) Propriétés de séparation.

a) Si A et B sont deux GGGGδ disjoints, il existe un ensemble bivalent C tel que A ⊂ C et B∩C = ∅. b) Si A et B sont deux GGGGδ disjoints, il existe deux ensembles bivalents disjoints A’ et B’ contenant resp. A et B. Problème 4 : fonctions de Baire.

Soit (E, d) un espace métrique. Une fonction f : E → R est dite fonction de Baire si f est limite

simple d’une suite (fn) de fonctions continues sur E. On note BBBB(E, R) l’ensemble de ces fonctions.

1) Montrer que BBBB(E, R) est une algèbre pour les lois usuelles, et que : f , g ∈ BBBB(E, R) ⇒ sup(f , g) et inf(f , g) ∈ BBBB(E, R).

2) Caractérisation des ensembles bivalents .

Soit A une partie de E. Montrer l’équivalence des propriétés : i) 1A est une fonction de Baire ; ii) A est un ensemble bivalent.

[ Indication : Pour i) ⇒ ii) soit (fn) une suite de fonctions continues tendant simplement vers 1A ;

vérifier que A = UnI

np≥fp−1( [

21 ,

23 ] ) = I

nU

np≥fp−1( R − [−

21 ,

21 ] ).

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Pour ii) ⇒ i) il existe une suite croissante (Fn) de fermés de E et une suite décroissante (Un)

d'ouverts de E telles que A = U nF = I nU ; considérer fn(x) = ),(),(

),(nn

n

UExdFxdUExd

−+−

.]

3) Soit f : E → R une fonction de Baire bornée : (∀x) a ≤ f(x) ≤ b. Montrer qu’il existe une suite

(fn) de fonctions continues convergeant simplement vers f sur E et telles que ∀(n, x) a ≤ fn(x) ≤ b.

4) Soit B l’espace de Banach des fonctions bornées de E dans R muni de la convergence uniforme, A un sous-espace vectoriel de B. Montrer l’équivalence des propriétés : i) A est fermé dans B ;

ii) Si ∑ un(x) est une série uniformément convergente de fonctions de A, sa somme est dans A ;

iii) Si ∑ un(x) est une série de fonctions de A telle que ∀(n, x) || un(x) || ≤ n21 , sa somme est

élément de A.

5) a) Déduire de 3) et 4) que la limite uniforme d’une suite de fonctions de Baire bornées est une fonction de Baire bornée. b) Montrer que la limite uniforme d’une suite de fonctions de Baire est une fonction de Baire.

6) Exemples de fonctions de Baire.

a) Si f : E → R est continue, x → sgn f(x) est une fonction de Baire. b) Soit f : R → R une fonction dérivable ; montrer que f' est une fonction de Baire. c) Montrer que toute fonction réglée [a, b] → R est de Baire. d) Trouver une fonction de Baire dont l’ensemble des points de discontinuté est dense.

7) Fonction de Dirichlet.

Pour tout réel x et tout n ∈ N*, on pose fn(x) = limp→∞ (cos(n!2πx))2p.

a) Calculer fn(x), montrer que (fn) est une suite croissante tendant simplement sur R vers 1Q.

b) La fonction de Dirichlet 1Q est-elle une fonction de Baire ? que peut-on en déduire ?

8) Caractérisation topologique des fonctions de Baire.

Soit f : E → R. Montrer l’équivalence des prorpiétés suivantes : i) f est une fonction de Baire sur E. ii) l’image réciproque par f de tout ouvert U de R est un FFFFσ.

[Ind. : Pour i) ⇒ ii), on montrera que f–1(U) = U1≥nU

1≥pI

pq≥ x ∈ E ; d( fq(x), R−U ) ≥

n1 .

Pour ii) ⇒ i), noter Ak = x ∈ E ; | f(x) − k.ε | ≤ 2ε et Bk = x ∈ E ; | f(x) − k.ε | ≥ ε pour tout k ∈

Z. Choisir un ensemble bivalent Ck ⊃ Ak et disjoint de Bk (pb précédent) et poser :

P0 = C0 , P1 = C1 − C0 , P−1 = C−1 − (C1 ∪ C0), P2 = C2 − (C0 ∪ C1 ∪ C−1), etc.

Montrer que g(x) = k.ε pour x ∈ Pk est une fonction de Baire, en appliquant le théorème d’Urysohn à

chacune des restrictions g|Pk , puis que (∀x) | f(x) − g(x) | ≤ ε, et conclure via 5b).]

9) Théorème de Baire (1905).

On suppose E complet. Soit f : E → R une fonction de Baire. On se propose d’établir que

l’ensemble C(f) des points de continuité de f est un GGGGδ dense. Montrer pour cela que f est discontinue

en x si et seulement s’il existe (u, v) ∈ Q2, avec u < v et x ∈ f−1(]u, v[) − Int(f−1(]u, v[)). Conclure.

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En particulier, si f est une fonction dérivable sur un intervalle I de R, f' est continue en tout point d’une partie dense de I.4 Problème 4 : fonctions de Baire générales et fonctions boréliennes.

Soit (E, d) un espace métrique. Un ensemble TTTT de parties de E est appelé tribu si :

∅ ∈ TTTT ; A ∈ TTTT ⇒ E−A ∈ TTTT ; (An) ∈ TTTTN ⇒ ∩ An et ∪ An ∈ TTTT.

1) Montrer que toute intersection de tribus est une tribu. En déduire que parmi toutes les tribus contenant l’ensemble FFFF des fermés de E il en existe une, plus petite que les autres, appelée tribu borélienne de E, et notée BBBB(E). Ses ensembles sont appelés ensembles boréliens de E.

Ainsi, tout fermé, tout ouvert, tout FFFFσ, tout GGGGδ est un borélien de E.

2) Une fonction f : E → R est dite borélienne si ∀B ∈ BBBB(R) f−1(B) ∈ BBBB(E).

a) Montrer que cette condition équivaut à ∀(a, b) ∈ R2 f−1(]a, b[) ∈ BBBB(E).

b) Montrer que l’ensemble des fonctions boréliennes est une algèbre et un espace de Riesz. c) Soit (fn) une suite de fonctions boréliennes convergeant simplement vers f ; montrer que f est

borélienne. [Indication : noter que f−1(]a, b[) = UkU

nI

nm≥ x ∈ E ; a +

k1 < fm(x) < b −

k1 .]

3) Montrer l’existence d’une plus petite classe BBBB de fonctions E → R vérifiant :

i) BBBB contient l’ensemble C(E, R) des fonctions continues de E dans R ;

ii) Si (fn) est une suite de fonctions de BBBB convergeant simplement vers f, alors f ∈BBBB.

BBBB s’appelle classe de Baire, et ses éléments fonctions de Baire (générales). Montrer que BBBB est une algèbre et un espace de Riesz, et que les fonctions de Baire sont boréliennes.

[ On peut démontrer la réciproque, mais cela me dépasse : Raphaël Cerf l’a démontré. ].

5. Théorèmes d’interversion de limites.

5.1. Le problème d’interversion de limites.

De nombreux problèmes de l’analyse classique sont des problèmes d’interversions de limites : la limite d’une suite de fonctions continues est-elle continue ? la limite d’une suite de fonctions dérivables est-elle dérivable, et la dérivée de la limite est-elle la limite de la dérivée ? la limite d’une suite de fonctions intégrables est-elle intégrable, et l’intégrale de la limite est-elle la limite des intégrales ? etc. De nombreuses identités s’obtiennent par échange formel de limites, par passage à la limite dans des sommes infinies, des produits infinis, des intégrales, etc. Au XVIII ème siècle, Euler a obtenu ainsi une foule d’identités, qui n’ont été justifiées qu’au XIX ème siècle, grâce à l’impeccable rigueur weierstrassienne.

Le problème d’interversion de limites peut se formuler ainsi :

Soient X, Y, Z trois espaces métriques, A⊂X et B⊂Y, f : A×B → Z, (x0, y0) ∈ Adh(A×B) = A× B .

A-t-on : limx→x0 limy→y0 f(x, y) = limy→y0 limx →x0 f(x, y) = lim(x,y)→(x0,y0) f(x, y) ?

4 Ce problème est le point de départ de la classification de Baire des fonctions. Les limites simples de suites de fonctions continues sont dites fonctions de Baire de 1ère classe ; les limites simples de suites de fonctions de Baire de 1ère classe sont dites de 2ème classe : ainsi 1Q ; on définit ainsi par récurrence une suite croissante de sous-espaces de F(E, R) : B0 = C(E, R) ⊂ B1 ⊂ B2 ⊂ B3 ⊂ ... ⊂ Bn ⊂ ... . Si l’on pose Bω = ∪Bn. et si l’on recommence ce procédé «transfiniment» on obtient, au bout, les fonctions de Baire générales évoquées dans le problème 4. Il en reste encore beaucoup : au delà, on trouve les fonctions sousliniennes... Cliqueurs de souris, s’abstenir !

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17

Autrement dit, si ces trois membres existent, sont-ils égaux ? l’existence de l’un entraîne-t-elle celle des deux autres ? etc.

Exemple 1 : suites doubles.

Pour chacune des suites doubles suivantes, examiner l’existence des limites limm→∞ limn→∞ um,n , limn→∞ limm→∞ um,n , lim(m,n)→(∞,∞) um,n , et les comparer.

a) um,n = 1 si m ≥ n , um,n = 0 sinon b) um,n = 1 si m = n , 0 sinon.

c) um,n = (−1)n si m ≥ n , um,n = 0 sinon .

Exemple 2 : fonctions de deux variables.

Pour chacune des fonctions suivantes, étudier l’existence de : limx→+∞ limy→+∞ f(x, y) , limy→+∞ limx →+∞ f(x, y) , lim(x,y)→(+∞,+∞) f(x, y), et les comparer.

a) f(x, y) = th(x − y) b) f(x, y) = )²(1

1yx−+ .

> with(plots): > plot3d(tanh(x-y), x = 0..4, y = 0..4, orientation = [-157, 77], axes = boxed) ; > plot3d(1/(1+(x-y)^2), x = 0..4, y = 0..4, orientation = [-100, 74], axes = boxed) ;

Exemple 3 : séries doubles. Soit um,n = ²²

1nm − si m ≠ n , um,n = 0 sinon.

A-t-on : ∑∑+∞

=

+∞

=0 0m n

mnu = ∑∑+∞

=

+∞

=0 0n m

mnu ? Explication ? Idem avec les intégrales doubles.

Exemple 4 : limite d’une dérivée, d’une intégrale.

Si (fn) est une suite de fonctions dérivables sur l’intervalle I, tendant simplement vers f, f est-elle

dérivable, et a-t-on f’(x) = lim f’n(x) ? Si (fn) est une suite de fonctions « intégrables » sur le

segment, tendant simplement vers f, f est-elle « intégrable », et a-t-on ∫b

adxxf ).( = lim ∫

b

an dxxf ).( ?

Ce sont là deux problèmes d’interversion de limites, car une dérivée est la limite d’un taux d’accoissement, et une intégrale est une limite (de sommes de Riemann, d’intégrales de fonctions en escaliers, etc.).

Exemple 5 : limites de lois de probabilités.

Pour tout i ≥ 1, soit (pni)n≥1 une suite de réels ≥ 0 telle que ∑+∞

=1nnip = 1.

Supposons que, pour tout n, la suite (pni)i≥1 tende vers qn quand i → +∞.

Il est clair que les qn sont ≥ 0, mais vérifient-ils ∑+∞

=1n

nq = 1 ?

Fixons N. Pour tout i, on a ∑=

N

nnip

1

≤ 1. Passons à la limite, il vient : ∑=

N

n

nq1

≤ 1.

Par conséquent, la série ∑+∞

=1n

nq converge et ∑+∞

=1n

nq ≤ 1. Mais on ne peut en dire plus.

On peut même avoir ∑+∞

=1n

nq = 0 ! Prenons en effet pni = i1 pour i ≤ n ≤ 2i −1, 0 ailleurs.

Les qn sont tous nuls, et 1 = limi → +∞∑+∞

=1nnip ≠ ∑

+∞

=+∞→

1

limn

nii p = 0.

Exercice : Montrer que si toutes les suites (pni)i≥1 sont croissantes, resp. décroissantes, ∑+∞

=1n

nq = 1.

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5.2. Les deux théorèmes d’interversion de limites. « La vie n'a pas le temps d'attendre la rigueur. »

Paul Valéry, L’idée fixe

Les contre-exemples précédants ne doivent pas tétaniser. Il est souvent recommandé d’intervertir formellement les lim, les ∑, les ∫, de voir ce que cela donne, de terminer le calcul, puis de justifier l’interversion. Les deux théorèmes suivants énoncent les conditions suffisantes les plus fréquemment rencontrées d’interversion de limites. On en a vu et on en verra d’autres : familles sommables, convergence dominée, etc. Si leurs hypothèses ne sont pas remplies, il faut alors justifier cela «à la main». Enfin, s’il n’y a pas interversion de limites, on s’apercevra bien que quelque chose cloche... Théorème de la double monotonie : Soient A et B deux parties de R, x0 = sup A et y0 = sup B leurs bornes supérieures dans R, f : A × B → R une fonction doublement croissante, i.e. vérifiant : x ≤ x' et y ≤ y' ⇒ f(x, y) ≤ f(x', y'). Alors dans R les trois limites suivantes existent et sont égales :

limx→x0 limy→y0 f(x, y) = limy→y0 limx →x0 f(x, y) = lim(x,y)→(x0,y0) f(x, y).

Principe de la preuve : c’est une conséquence du théorème d’associativité des bornes supérieures. Théorème de la limite uniforme : Soient X, Y, Z trois espaces métriques, A ⊂ X et B ⊂ Y, f : A×B

→ Z, (x0, y0) ∈ Adh(A×B) = A× B . On forme les hypothèses suivantes :

(H1) pour tout y ∈ B , limx→x0 f(x, y) = h(y) existe ;

(H2) pour tout x ∈ A , limy→y0 f(x, y) = g(x) existe, cette limite étant uniforme en x ;

(H3) Z est complet ;

(H'3) limy→y0 h(y) = z0 existe ;

Alors (H1, H2, H3) ⇒ (H1, H2, H'3) ⇒ limx→x0 g(x) = z0 , autrement dit :

limx→x0 limy→y0 f(x, y) = limy→y0 limx →x0 f(x, y) = lim(x,y)→(x0,y0) f(x, y).

f(x, y) f(x, y) h(y) Z complet g(x) h(y) g(x) z0 z0 Démonstration :

1) Montrons l’implication (H1, H2, H'3) ⇒ limx→x0 g(x) = z0 .

d(g(x) , z0) ≤ d(g(x) , f(x, y)) + d(f(x, y) , h(y)) + d(h(y) , z0).

Soit ε > 0. En vertu de (H2) et (H’3), il existe β > 0 tel que :

(∀y ∈ B) d(y, y0) ≤ β ⇒ (∀x ∈ A) d(g(x) , f(x, y)) ≤ ε et d(h(y) , z0) ≤ ε.

Choisissons y∈B tel que d(y, y0) ≤ β. En vertu de (H1), il existe α > 0 tel que :

d(x, x0) ≤ α ⇒ d(f(x, y) , h(y)) ≤ ε . Alors d(g(x) , z0) ≤ 3ε. CQFD.

2) Montrons l’implication (H1, H2, H3) ⇒ (H’3) via le critère de Cauchy.

Soit ε > 0. En vertu de (H2), il existe β > 0 tel que :

(∀y ∈ B) d(y, y0) ≤ β ⇒ (∀x ∈ A) d(g(x) , f(x, y)) ≤ ε/2.

Alors ∀(y, y’) ∈ B2 d(y, y0) ≤ β et d(y’, y0) ≤ β ⇒ (∀x ∈ A) d(f(x, y) , f(x, y’)) ≤ ε.

Faisons tendre x vers x0 dans cette inégalité. Il vient : d(h(y) , h(y’)) ≤ ε.

Ainsi, (∀ε > 0) (∃β > 0) ∀(y, y’) ∈ B2 d(y, y0) ≤ β et d(y’, y0) ≤ β ⇒ d(h(y) , h(y’)) ≤ ε.

Comme Z est complet, le critère de Cauchy fonctionnel s’applique, et montre l’existence de z0.

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5.3. Quelques applications.

Exemple 1 : Le théorème affirmant qu’une limite uniforme d’une suite de fonctions continues en x0 est continue en x0 découle du TLU (version H1,H2,H'3).

Exemple 2 : suites doubles.

1) Soit (um,n) une suite doublement croissante dans R, on a :

limm→∞ limn→∞ um,n = limn→∞ limm→∞ um,n = lim(m,n)→(∞,∞) um,n .

2) La limite uniforme d’une suite ((um,n)n)m de suites convergentes est convergente, et l’on a :

limm→∞ limn→∞ um,n = limn→∞ limm→∞ um,n .

2) découle du TLU (version H1, H2, H3). Il signifie que l’ensemble c des suites convergentes est un sous-espace vectoriel fermé, donc complet, de l’espace de Banach b des suites bornées.

Exemple 3 : séries doubles.

Les deux théorèmes de Fubini relatifs aux séries doubles se rattachent aux deux théorèmes précédents.

Exemple 4 : Considérons l’espace Cb(R, F) des fonctions continues bornées sur R, muni de la norme uniforme. Les fonctions continues ayant des limites en ±∞ forment un sous-espace fermé de Cb(R, F), en ce sens que la limite uniforme de fonctions ayant des limites en ±∞ a des limites en ±∞. Les fonctions continues sur R, tendant vers 0 en ±∞ forment un sev fermé C0(R, F) de Cb(R, F).

Exemple 5 : On considère la série f(x) = ∑+∞

=1n

n

n

x.

1) Quel est son domaine de définition réel ? 2) Montrer que f est continue sur ]−1, 1[. 3) Quelles sont ses limites en 1−0 et −1+0 ?

Exemple 6 : On considère la série g(t) = ∑+∞

=

1

²

n

tne π .

1) Quel est son domaine de définition réel ? 2) Montrer que g 5 est continue sur ]0, +∞[ . 3) Quelles sont ses limites en 0+ et +∞ ?

Exemple 7 : Montrer que (∀z ∈ C) limn→+∞ ( 1 + nz )n = exp z.

L’idée est de développer Sn(z) = ( 1 + nz )n par le binôme. On obtient :

Sn(z) = ∑=

n

k

kzk

kna

0

.!

),( , où a(n, 0) = 1 et a(n, k) = ( 1 −

n1 ).( 1 −

n2 ) ... ( 1 −

nk 1− ) .

Formellement, si l’on intervertit les limites, comme pour tout k, limn→+∞ a(n, k) = 1, il vient bien :

limn→+∞ Sn(z) = ∑≥0 !k

k

kz

= exp z .

Pour justifier cette interversion de limites, le mieux est de noter d’abord qu’avec la convention :

a(n, k) = 0 pour k > n , il vient Sn(z) = ∑≥0 !

),(

k kkna

.zk .

1° Si z = x ∈ R+, on peut noter que a(n, k) ↑ 1 quand n → +∞ ; on peut alors intervertir les limites par double monotonie, appliquée à la fonction des deux variables entières n et N :

f(n, N) = ∑=

N

k kkna

0 !),(

.xk .

5 g est liée à la fonction θ de Jacobi : θ(t) = 1 + 2.g(t).

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2° Dans le cas général, on peut noter que la série ∑≥0 !

),(

k kkna

.zk de fonctions de n, est normale-

ment convergente, car |!

),(k

kna.zk | ≤

!k

zk

, terme général d’une série numérique convergente. On

peut donc intervertir les limites par convergence uniforme.

Exemple 8 : Équivalent de la suite Z(n) = 1n + 2n + ... + nn .

L’idée est d’écrire nnnZ )(

= 1 + ( 1 − n1 )n + ( 1 −

n2 )n + ... + ( 1 −

nn )n = ∑

+∞

=0

)(k

k na ,

où ak(n) = (1 − nk )n si 0 ≤ k ≤ n , 0 si k > n . Si l’on passe à la limite dans la série, on obtient :

limn Z(n) = limn ∑k≥0 ak(n) = ∑k≥0 limn ak(n) = ∑k≥0 exp(−k) = )1exp(1

1−−

.

Pour justifier cet échange de limites, on peut invoquer : • un argument de double monotonie, car (ak(n))n tend en croissant vers sa limite ; • un argument de convergence uniforme, car 0 ≤ ak(n) ≤ exp(−k) : la série de fonctions de n converge normalement. 5.4. Dérivation des suites de fonctions.

Théorème de dérivation des suites de fonctions : Soit I un intervalle de R de nature quelconque,

(fn) une suite de fonctions de classe C1 de I dans F. On suppose :

i) (∃a ∈ I) (fn(a)) converge ;

ii) La suite (f'n) converge uniformément sur tout segment J ⊂ I.

Alors (fn) converge simplement sur I, et uniformément sur tout segment J ⊂ I, vers une fonction f de

classe C1 telle que f' = lim f'n .

Preuve : La fonction g = lim f'n est continue sur tout segment J ⊂ I, donc dans I.

Fixons x ∈ I. On a fn(x) = fn(a) + ∫x

an dttf ).'( → L + ∫

x

adttg ).( , où L est la limite de (fn(a)), par

convergence uniforme de (fn) sur le segment [a, x] ou [x, a].

Du coup, fn(x) → f(x) = L +∫x

adttg ).( , fonction qui est de classe C1 et telle que f' = lim f'n .

Reste à montrer que la convergence est uniforme sur tout segment J ⊂ I. On peut supposer que ce segment contient a, quitte à le remplacer par l’enveloppe convexe de J ∪ a.

(∀x ∈ J) | fn(x) − f(x) | = |∫ −x

an dttgtf )].()([ | ≤ |∫ −

x

an dttgtf .)()( | ≤ ∫ −

Jn dttgtf .)()(

que peut rendre apqv par convergence uniforme sur J.

Exercice 1 : Application à la fonction Γ.

Montrer que la fonction Γ(x) = dtet tx ..0

1 −+∞

−∫ est définie pour x > 0, qu’elle est continue, de classe

C1 et même C∞ sur R*+ . De plus (∀n ≥ 0) (∀x > 0) Γ(n)(x) = dtett txn ...ln0

1 −+∞

−∫ .

Considérer la suite de fonctions Γn(x) = dtet tn

n

x ../1

1 −−∫ , et démontrer que ces fonctions sont C∞ sur

R*+ et obéissent au théorème de dérivation des suites.

Exercice 2 : Soit I = [a, b] un segment de R, E l’espace vectoriel des fonctions de classe Ck de I dans

R ou C. Démontrer que || f || = supx∈I | f(x) | + supx∈I | f’(x) | + … + supx∈I | f(k)

(x) |

est une norme sur E, et que E est un espace de Banach pour cette norme.

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6. Approximation uniforme.

Proposition 1 : Soit I = [a, b] un segment, E un espace de Banach, f : I → E une fonction continue. Pour tout ε > 0 il existe une fonction en escaliers ϕ telle que || f − ϕ ||∞ ≤ ε. Il en résulte que f est limite uniforme d’une suite (ϕn) de fonctions en escaliers. Lorsque f est à valeurs réelles, on peut supposer que (ϕn) tend en croissant vers f.

Preuve : En vertu du théorème de Heine, f est uniformément continue sur [a, b] :

∀ε > 0 ∃α > 0 ∀(x, y) ∈ [a, b]2 | x − y | ≤ α ⇒ || f(x) − f(y) || ≤ ε.

Soit alors σ = (a = x0 < x1 < … < xn = b) une subdivision de pas |σ| ≡ max (xi+1 − xi) ≤ α.

Pour tout i, choisissons ξi ∈ [xi , xi+1]. Soit ϕ la fonction en escaliers définie par :

ϕ(x) = f(ξi) pour x ∈ [xi, xi+1[ , ϕ(b) = f(b).

Je dis que ∀x ∈ [a, b] || f(x) − ϕ(x) || ≤ ε.

En effet, si x ∈ [xi, xi+1[ || f(x) − ϕ(x) || = || f(x) − f(ξi) || ≤ ε. En b, pas de problème.

Si l’on prend ε = n1 , il existe une fonction en escaliers ϕn telle que ∀x ∈ [a, b] || f(x) − ϕn(x)|| ≤

n1 .

Si maintenant f est à valeurs réelles, on a φn(x) = ϕn(x) − n1 ≤ f(x) pour tout x.

(φn) tend uniformément vers f en étant ≤ f. Quitte à remplacer (φn) par (max(φ0, φ1, …, φn)), on peut rendre cette suite croissante.

Proposition 2 : Sous les mêmes hypothèses, pour tout ε > 0 il existe une fonction ψ continue affine par morceaux telle que || f − ψ ||∞ ≤ ε. Il en résulte que f est limite uniforme d’une suite (ψn) de fonctions continues affines par morceaux. Lorsque f est à valeurs réelles, on peut supposer que (ψn) tend en croissant vers f.

Preuve : Même début que la prop. précédente. Soit ψ la fonction continue affine sur chaque segment

[x i, xi+1] définie par (∀i) ψ(xi) = f(xi). Je dis que ∀x ∈ [a, b] || f(x) − ψ(x) || ≤ 2ε.

En effet, si x ∈ [xi, xi+1], ψ(x) = f(xi) + ii

ii

xxxfxf

−−

+

+

1

1 )()(.(x − xi).

D’où f(x) − ψ(x) = f(x) − f(xi) − ii

ii

xxxfxf

−−

+

+

1

1 )()((x − xi). L’inégalité du triangle conclut.

Théorème de Weierstrass (1885) : Soit une fonction continue f : I = [a, b] → R ou C. Pour tout ε > 0 il existe un polynôme P tel que (∀x ∈ I) | f(x) − P(x) | ≤ ε . Par suite, f est limite uniforme d’une suite de polynômes.

Ce théorème est au programme, mais sa preuve n’est pas exigible. On en trouvera diverses démonstrations en fin de chapitre.

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Remarques : 1) Il importe que la variable soit réelle ; rien de tel ne se produirait avec une variable complexe décrivant, par exemple, un ouvert de C, comme le montre la théorie des fonctions ana-lytiques.

2) Si l’on traduit cet énoncé en termes de séries, toute fonction continue sur I est limite uniforme

d’une série de polynômes f(x) = ∑n≥0 Pn(x) , mais il ne faudrait surtout pas en déduire que f est

limite uniforme d’une série de monômes f(x) = ∑n≥0 an.xn : autrement dit, f n’est pas somme d’une

série entière uniformément convergente sur I ; cela supposerait déjà qu’elle soit C∞ sur ]a, b[...

3) Une idée naturelle pour obtenir une suite de polynômes tendant uniformément vers f serait de se donner une suite de subdivisions (σn) de I, de pas tendant vers 0, et de considérer les polynômes d’interpolation de Lagrange (Ln) de f correspondants. Malheureusement, bien que le nombre de points d’interpolation augmente, cette suite de polynômes ne tend pas toujours uniformément vers f, ni même simplement, comme l’ont montré Charles Méray en 1884, et Karl Runge en 1901 : cf. pb ci-dessous.

Théorème de Weierstrass trigonométrique : Soit f une fonction continue 2π-périodique R → C. Pour tout ε > 0 il existe un polynôme trigonométrique P tel que (∀θ ∈ R) | f(θ) − P(θ) | ≤ ε . Par suite, f est limite uniforme d’une suite de polynômes trigonométriques.

Rappelons qu’on appelle polynôme trigonométrique toute fonction de la forme :

20a

+ ∑=

n

kka

1

cos(kθ) + bk sin(kθ) = ∑−=

n

nkkc exp(ikθ) .

Remarque : Si l’on traduit cet énoncé en termes de séries, toute fonction continue 2π-périodique R

→ C est limite uniforme d’une série de polynômes trigonométriques f(θ) = ∑n≥0 Pn(θ) , mais rien

ne dit que f est limite uniforme d’une série de la forme f(θ) = a0/2 + ∑n≥1 ak cos(kθ) + bk sin(kθ) : f n’est pas somme d’une série trigonométrique uniformément convergente sur R. __________

Exercices Sous certaines hypothèses, la convergence simple implique la convergence uniforme.

Exercice 1 : Théorème de Dini. Soit (E, d) un espace métrique compact, (fn) une suite de fonctions continues de E dans R convergeant simplement vers une fonction continue f. Montrer que si la suite (fn) est monotone, alors la convergence est uniforme. Traduction en termes de séries. Montrer la nécessité des hypothèses.

Exercice 2 : Théorème d’Ascoli. Soient (E, d) un espace métrique compact, (fn) une suite équilipschitzienne de fonctions de E dans R, i.e. vérifiant :

(EL) (∃k > 0) (∀n) ∀(x, y) ∈ E2 | f(x) − f(y) | ≤ k.d(x, y) .

Si (fn) converge simplement vers une fonction f, f est lipschitzienne et la convergence est uniforme.

Exercice 3 : Soit (Pk) une suite de fonctions polynômiales de degré ≤ n. Montrer que si (Pk) converge simplement sur R vers une fonction f, alors la convergence est uniforme sur tout compact de R, et f est une fonction polynomiale de degré ≤ n.

Exercice 4 : Soient I = [a, b] un segment de R, (fn) une suite de fonctions croissantes de I dans R convergeant simplement vers une fonction continue f. Montrer que la convergence est uniforme.

Exercice 5 : Soient I un intervalle de R, (fn) une suite de fonctions convexes de I dans R convergeant simplement vers f sur I. Montrer que f est convexe et que la convergence est uniforme sur tout segment J = [a, b] ⊂ Iº.

[ Indication : On pourra montrer que (∃k > 0) (∀n) ∀(x, y) ∈ [a, b]2 | fn(x) − fn(y) | ≤ k | x − y |. ]

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Problèmes

Problème 1

On se propose d’étudier la suite (fn) de fonctions définies par :

fn(x) = ( 1 + nx )

n pour x ≥ − n , fn(x) = 0 pour x ≤ −n.

1) a) Montrer que la suite (fn) converge simplement sur R vers une fonction que l’on déterminera.

b) Montrer que (fn) est une suite croissante de fonctions croissantes. Graphes avec Maple ?

2) a) Etudier les variations de gn(x) = ex − fn(x) sur R.

[On pourra utiliser ∀A, B > 0 , sgn(A − B) = sgn( ln A − ln B ).]

b) En déduire que maxx≤0 gn(x) = gn(an) = −n

aa nn )exp(. ≤

en.1 , puis que gn → 0 uniformément

sur toute demi-droite ]−∞, A].

3) On rappelle que an ∈ ]−n, −1[ est tel que exp an = (1+nan )

n−1. On cherche un équivalent des

suites (an) et (gn(an)). Vérifier qu’en posant an = − n.un , on a : ϕ(un) = n1 , où ϕ(x) = 1 +

)1ln( xx− .

Etudier les variations de ϕ sur [0, 1]. Monotonie, limite et équivalent de (un) ? Conclusion ?

4) Applications : Trouver limn→∞ dtentn

tn ..)1(0

2∫ −+ , limn→∞ dttntn

n ..)1(0

3∫ − .

Exercice 2

Soit (fn)n≥1 la suite de fonctions définies sur [0, 1] par :

fn(t) = 2n ( t − nk ) si

nk ≤ t ≤

nk2

12 + , fn(t) = 2n (n

k 1+ − t ) si n

k2

12 + ≤ t ≤ n

k 1+ .

On pose pour tout x ∈ [0, 1], Fn(x) = ∫x

n dttf0

).( .

Etudier la convergence simple et uniforme de la suite (Fn).

Soit u ∈ C1([0, 1], R). Etudier limn→+∞ ∫

1

0).().( dttutfn .

Exercice 3

Soit f une fonction réglée R → R. Pour tout h > 0, on pose fh(x) = h21 ∫

+

hx

hxdttf ).( .

1) Montrer que ∀x ∈ R limh→0+ fh(x) = 21 ( f(x + 0) + f(x − 0) ).

2) Montrer que, si f est continue, f est limite simple d’une suite de fonctions de classe C1, la limite

étant uniforme sur tout segment. Montrer que f est limite simple d’une suite de fonctions de classe

Ck, la limite étant uniforme sur tout segment.

Exercice 4

Soit ϕ une fonction continue R → R, I = [a, b] un segment de R et E = C(I, R) l’espace des fonctions continues de I dans R muni de la norme uniforme. 1) Montrer que l’application Φ : f → ϕ o f est continue E → E.

2) Soit I = [0, 1], ϕ(x) = x2. Si l’on munit E de la norme || f || = ∫

1

0.)( dttf , Φ est-elle continue ?

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Problème 5 : théorème d’Ascoli (1883).

0. Question préliminaire : Soit (X, d) un espace métrique. Montrer l’équivalence des propriétés :

i) Pour tout ε > 0, il existe n ∈ N et une famille finie (x1, ..., xn) ∈ Xn telle que X = ∪ B'(xi, ε) ; ii) De toute suite d’éléments de X on peut extraire une suite de Cauchy. On dit alors que X est précompact. Montrer que X est compact ss’il est précompact et complet.

Dans ce problème, soient I = [a, b] un segment de R, et E l’espace de Banach des fonctions continues de I dans R muni de la norme uniforme || f ||∞ = supx∈I | f(x) |.

On se propose de caractériser les parties compactes de E, et d’en déduire quelques conséquences.

1) Donner un exemple de suite (fn) d’éléments de E telle que :

i) (∀n) (∀x ∈ I) 0 ≤ fn(x) ≤ 1 ii) ∀m ≠ n || fm − fn ||∞ = 1 . En déduire que la boule unité fermée B de E n’est pas compacte.

2) Soit H une partie compacte de E. Montrer que H vérifie les trois conditions : (UF) la limite uniforme d’une suite (fn) d’éléments de H est élément de H ;

(UB) (∃M >0) (∀f ∈ H) (∀x ∈ I) | f(x) | ≤ M ; (UE) H est uniformément équicontinue, en ce sens que :

(∀ε > 0) (∃δ > 0) ∀(x, y) ∈ I2 | x − y | ≤ δ ⇒ (∀f ∈ H) | f(x) − f(y) | ≤ ε.

Pour établir (UE) on pourra utiliser la précompacité de H.

3) Réciproquement, soit H une partie de E vérifiant (UF), (UB), (UE). Soit σ = (x0 = a < x1 < ... < xn = b) une subdivision de I de pas ≤ δ, et σ' = (y0 = −M < y1 < ... < ym

= M) une subdivision de [−M, M] de pas ≤ 5ε . A chaque f ∈ H associons une fonction ϕf continue,

affine sur chaque [xi, xi+1], telle que (∀i) | ϕf(xi) − f(xi) | ≤ 5ε . Montrer que || ϕf − f ||∞ ≤ ε. En

déduire que H est précompact, puis compact.

4) Autre méthode : Soit H une partie de E vérifiant (UF), (UB), (UE), et p → rp une bijection de N sur Q ∩ I, (fn) une suite d’éléments de H. Montrer que l’on peut extraire par un procédé diagonal une suite (fn(k)) telle que (∀p ∈ N) limk→+∞ fn(k)(rp) = ap. Montrer que (fn(k)) converge simplement, puis uniformément, vers une fonction g ∈ H. Conclure.

5. Application 1 : Soit k > 0 ; montrer que l’ensemble Lipk(I, R) des fonctions k-lipschitziennes est un compact de E.

6. Application 2 : Soit N : I × I → R une fonction continue. Montrer que U : f → Uf, définie par :

(∀t ∈ I) (Uf)(t) = ∫b

adssftsN ).().,(

est un endomorphisme continu de E et que Adh(U(B)) est une partie compacte de E.

7. Application 3 : Soit (fn) une suite de fonctions convexes sur I, convergeant simplement vers f. Montrer que f est convexe, et que la convergence est uniforme sur tout segment [c, d] ⊂ ]a, b[.

Problème 6 : un théorème de Banach (1931).

En 1931, Banach a établi que « la plupart » des fonctions continues de [0, 1] dans R n’ont de dérivée en aucun point, et ce, sans en exhiber une seule. L’idée repose sur le théorème de Baire : dans un espace complet, l’intersection d’une suite d’ouverts denses est un ensemble dense.

On note E = C([0, 1], R) l’espace de Banach des fonctions réelles continues sur I = [0, 1], muni de la norme uniforme || f ||∞ = supx∈I | f(x) |. On note :

S = f ∈ E ; ∀x ∈ [0, 1[ f'(x) n’existe pas , A = f ∈ E ; ∃x ∈ [0, 1[ f'd(x) existe

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et, pour n ∈ N*, Fn = f ∈ E ; ∃x ∈ [0, 1−n1 [ ∀h ∈ ]0,

n1 ] | f(x + h) − f(x) | ≤ nh .

1) Vérifier que que E − A ⊂ S et A ⊂ ∪ Fn .

2) Montrer que, pour tout n, Fn est fermé sans point intérieur (faire un dessin).

3) Conclure que S est dense dans E. En particulier, S est non vide !

Problème 7 : preuve de Weierstrass du théorème de Weierstrass (1885).

La preuve donnée ci-dessous est en substance celle donnée par Weierstrass en 1885. Elle n’a rien perdu en élégance et en puissance.

1) Soit u une fonction continue ≥ 0, intégrable sur R, d’intégrale 1, et un(x) = n.u(n.x) ( n ≥ 1 ). Montrer que, pour toute fonction f : R → C, continue et nulle hors d’un segment [−A, A], les fonc-

tions fn(x) = ∫R f(t).un(x − t).dt sont définies, continues, et tendent uniformément vers f(x) sur R.

2) On suppose de plus que u(x) = ∑p≥0 ap.xp est somme d’une série entière sur R.

Montrer que chaque fonction fn(x) est somme d’une série de polynômes uniformément convergente sur tout segment [a, b] de R.

3) Montrer que la fonction u(x) = c.exp(−πx2) obéit aux hypothèses précédentes pour c > 0

convenable (en fait, c = 1).

4) En déduire que toute fonction g ∈ C([a, b], C) est limite uniforme d’une suite de polynômes. Problème 8 : preuve de Lebesgue du théorème de Weierstrass (1899).6

On se propose de montrer que toute fonction continue f : [a, b] → R est limite uniforme d’une suite de polynômes.

1) Montrer qu’il suffit d’établir ce résultat pour une fonction continue affine par morceaux, et qu’en réalité, il suffit d’établir cela pour la fonction t → | t | sur [−1, 1]. On se propose dans la suite d’établir ce résultat par deux méthodes.

2) 1ère méthode : On considère la suite de polynômes (Pn) définie par :

P0(x) = 0 et Pn+1(x) = Pn(x) + 21 (x − Pn

2(x)).

a) Calculer P1, P2, P3 ; préciser le degré, le coeff. dominant et le terme constant de Pn.

b) Étudier la convergence simple de la suite (Pn) sur [0, 1].

c) Montrer (∀x ∈ [0, 1]) x − Pn+1(x) ≤ ( x − Pn(x)).(1 − 2x ).

d) Montrer que Pn(x) → x uniformément sur tout [a, 1], a > 0, puis sur [0, 1].

e) Que dire de la suite (Pn(x2)) ?

3) 2ème méthode : En notant que | t | = )1²(1 −+ t , obtenir une série de fonctions polynômiales

tendant uniformément vers | t | sur [−21 ,

21 ], et conclure.

6 Cette preuve fut l’objet du premier article publié de Henri Lebesgue. Il jugeait son approche plus naturelle que celle de Weiertrass. De fait, elle annonce le théorème de Stone Weierstrass, en montrant le rôle-clé de la fonction |x|. Lebesgue approchait celle-ci par la 2ème méthode proposée.

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Problème 9 : preuve de Bernstein du théorème de Lebesgue (1912).

Soit E = C([0, 1], R) l’espace de Banach des fonctions réelles continues sur I = [0, 1], muni de la

norme uniforme || f ||∞ = supx∈I | f(x) |. On note knC =

)!(!!knk

n− les coefficients binômiaux.

À toute fonction f ∈ E, on associe la suite Bn(f) de ses polynômes de Bernstein, définis par :

∀x ∈ [0, 1] Bn(f)(x) = ∑=

n

k nkf

0

)( knC xk (1 − x)n−k.

1) a) Établir que ∑=

−n

k

nxk0

)²( knC xk (1 − x)n−k = nx ( 1 − x ).

b) En déduire (∀δ ∈ ]0, 1[) ∑≥− δx

nkk,

knC xk ( 1 − x )n−k ≤

²41δn

.

2) Soit f ∈ E. Montrer que (∀ε > 0) (∃δ > 0) ∀(x, y) ∈ I2 | x − y | ≤ δ ⇒ | f(x) − f(y) | ≤ ε.

3) Déduire de ce qui précède que : ∀x ∈ [0, 1] | Bn(f)(x) − f(x) | ≤ ε + || f ||∞ ²21δn

.

4) En conclure que la suite des polynômes de Bernstein (Bn(f)) tend uniformément vers f. 7

Exercice 10 : farrago weierstrassien.

1) Soit f : [a, b] → R une fonction continue. Montrer que, pour tout ε > 0 il existe deux polynômes P et Q tels que ∀x ∈ [a, b] P(x) ≤ f(x) ≤ Q(x) et Q(x) − P(x) ≤ ε.

2) Soit f : [−a, a] → C une fonction continue paire (resp. impaire). Montrer que f est limite uniforme d’une suite de polynômes pairs (resp. impairs).

3) Soient f : [a, b] → C une fonction continue, a1, a2, …, ap des points de [a, b]. Montrer qu’il

existe une suite (Pn) de polynômes tendant uniformément vers f et coïncidant avec f en les points ak.

4) Soit f une fonction continue de R dans R. Montrer que f est limite simple sur R d’une suite de polynômes.

5) Une suite ayant deux limites. Soient E = R[X], A et B deux éléments quelconques de E. Montrer qu’il existe deux normes N1 et N2 sur E et une suite (Pn) tendant vers A pour la première norme, vers B pour la deuxième.

[ Indication : Poser N1(P) = supx∈[−2,−1] | P(x) | et N2(P) = supx∈[1, 2] | P(x) | .]

6) Approximation des fonctions de classe C1.

Soit f : [a, b] → C une fonction de classe C1. Montrer qu’il existe une suite (Pn) de polynômes telle

que Pn → f et P’n → f’ uniformément sur [a, b]. Généraliser. Problème 11 : de Weierstrass polynômial à Weierstrass trigonométrique.

On admet que toute fonction continue f : [0, 1] → C est limite uniforme de polynômes, et l’on se propose d’en déduire que toute fonction continue 1-périodique R → C est limite uniforme de poly-nômes trigonométriques. On note E l’espace des fonctions continues 1-périodiques R → C.

1) Soit g ∈ E, impaire, dérivable en 0 et 1/2 ; montrer qu’il existe h ∈ E, paire, telle que :

7 L’idée originelle de S. Bernstein était probabiliste, et sa preuve reposait sur la loi des grands nombres. Si l’on tire au hasard les valeurs f(k/n) selon une loi de binomiale B(n, x) d’espérance x, l’espérance est f(x) ; donc

Bnf(x) → f(x) (cf. W. Feller). Les polynômes de Bernstein ont trouvé depuis des applications en C.A.O. (construction assistée par ordinateur) : courbes de Bézier, etc.

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(∀x ∈ R) g(x) = h(x).sin(2πx) .

2) Soit g ∈ E, impaire ; montrer que pour tout ε > 0, il existe hε ∈ E paire, telle que :

(∀x ∈ R) | g(x) − hε(x).sin(2πx) | ≤ ε .

3) Soit g ∈ E ; montrer que pour tout ε > 0, il existe un polynôme trigonométrique Pε tel que :

(∀x ∈ R) | g(x) − Pε(x) | ≤ ε .

On le montrera d’abord pour g paire, en introduisant la fonction g1(sin(πx)) = g(x), puis pour g impaire. ( Pour des preuves directes, voir chap. sur les séries de Fourier, § 6 ).

Problème 12 : phénomène de Méray-Runge.

1) Soit g une fonction de classe C1 de [0, 1] dans R. Montrer que :

∆n = n1 ∑

=

n

k nkg

1

)( − ∫1

0).( dxxg =

ngg

2)0()1( −

+ o(n1 ).

En déduire que limm→+∞ ∑=

−m

k mkg

1

)2

12( − m ∫1

0).( dxxg = 0.

2) Soit c > 0 donné, f la fonction : x ∈ [−1, 1] → f(x) = ²²

1cx + . On note Pm le polynôme d’interpo-

lation de Lagrange de degré ≤ 2m−1 relatif à la fonction f et aux 2m points ±m

k2

12 − (1 ≤ k ≤ m),

c’est-à-dire tel que f( ±m

k2

12 − ) = Pm(±m

k2

12 − ) pour 1 ≤ k ≤ m. Montrer que :

f(x) − Pm(x) = ²)²).((

)(cxic

xm

m

+ωω

, où ωm(x) = (x2 −

²41m

).(x2 −

²49m

) ... (x2 −

²4)²12(

mm−

).

3) Déduire de 2) un équivalent simple de | ωm(ic) | quand m → +∞, mettant en jeu l’intégrale :

H(c) = ∫ +1

0²).²ln( dttc . Calculer cette intégrale. Quelle est sa limite quand c → 0+ ?

4) À l’aide de Stirling n! ∼ (en )n nπ2 , trouver un équivalent de ωm(1) pour m → +∞.

5) Montrer qu’on peut choisir c fixé assez petit pour que | f(1) − Pm(1) | tende vers +∞ avec m. Conclusion ?

6) Représenter sur un même graphe f , P1 , P2 , P3 , P4 pour c = 0,1 . (Avec Maple, utiliser la commande interp).

Problème 13: l’anneau C(X, R).

On rappelle que si A est un anneau commutatif, un idéal ℑ de A est dit maximal si ℑ ≠ A et si les seuls idéaux de A contenant ℑ sont ℑ et A. Soit X un espace métrique compact, A = C(X, R) l’algèbre des fonctions continues de X dans R, pour les lois usuelles, munie de la norme uniforme || f ||∞ = supx∈X | f(x) |.

1) a) Pour tout x0 ∈ X, montrer que ℑ(x0) = f ∈ A ; f(x0) = 0 est un idéal maximal fermé de A ;

b) Soit ℑ un idéal maximal de A ; montrer (∃x0 ∈ X) ℑ = ℑ(x0) .

[ Indication : On pourra raisonner par absurde, et montrer qu’alors (∀x ∈ X) (∃fx ∈ ℑ) | fx(x) | > 1, puis qu’il existerait g ∈ ℑ à valeurs > 1.]

c) Déduire de ce qui précède que les caractères de A, c’est-à-dire les morphismes d’algèbre unitaires χ : A → R, sont les masses de Dirac εx : f → f(x).

2) Soit ϕ un automorphisme de l’algèbre A tel que ϕ(1) = 1.

a) Montrer que ϕ est une isométrie pour la norme uniforme.

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[ On pourra montrer f ≥ 0 ⇒ ϕ(f) ≥ 0.]

b) Montrer qu’existe une unique fonction u : X → X telle que :

(∀f ∈ A) (∀x ∈ X) ϕ(f)(x) = f(u(x)) [ Considérer εx o ϕ.]

c) Montrer que u est un homéomorphisme, et conclure. ___________