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Correspondances entre les coefficients des modèles de fatigue dans les méthodes mécanistiques-empiriques de dimensionnement de chaussées souples Daniel Perraton, Hervé Di Benedetto et Alan Carter Résumé : Le phénomène de fatigue est considéré comme le phénomène dendommagement prépondérant à température « moyenne » dans les structures de chaussées souples. La mise en relief dun modèle dendommagement par fatigue repré- sente donc le premier pas à franchir dans lapplication dune approche mécanistique-empirique de dimensionnement. Pour bien comprendre les différents outils de calcul disponibles pour une application mécanistique-empirique de dimensionne- ment, les principaux éléments se rapportant aux modèles de fatigue sont ici remis en contexte. La signification des différents coefficients se rapportant à ces modèles est décrite avant den établir les correspondances entre eux. Une analyse visant à améliorer la représentativité de la loi de la durée de vie en fatigue du matériau est alors proposée. Globalement, lensemble des outils de calcul pour un dimensionnement de type mécanistique-empirique utilise la droite de fatigue de Wöhler. Les deux coefficients de la droite de fatigue sont au cœur des modèles et permettent de décrire la performance spécifique aux fa- milles de matériaux bitumineux considérées. Le traitement des résultats dun essai classique de fatigue visant à exclure les effets biaisants modifie substantiellement les valeurs des deux coefficients. On montre que les durées de vie établies à partir résultats bruts sont surestimées. Motsclés : matériaux bitumineux, fatigue, module complexe, endommagement, M-E PDG (« mechanistic-empirical pave- ment design guide »). Abstract: Fatigue is considered the main damaging phenomenon at « average » temperature in flexible pavement structures. A fatigue damage model is thus the first step in applying a mechanistic-empirical approach to sizing. This paper highlights the main elements of fatigue models in order to thoroughly understand the various calculation tools available for a mecha- nistic-empirical sizing application. The signification of the various coefficients of the models is described and interrelations are established. An analysis is proposed to improve the representativeness of the fatigue life span law of the material. All calculation tools for mechanistic-empirical sizing use the Wöhler fatigue curve. Both fatigue curve coefficients are at the core of the models and describe the specific performance of the tested bituminous material families. Processing the results of a classic fatigue test to exclude biased effects will substantially modify the values of these two coefficients. It is demon- strated that the life spans determined from raw results are overestimated. Key words: bituminous materials, fatigue, complex module, damage, M-E PDG (mechanistic and empirical pavement design guide). [Journal translation] 1. Mise en contexte Au Québec seulement, les dépenses annuelles dentretien, de réhabilitation et de construction routière avoisinent le milliard de dollars. Le budget du ministère des Transports du Québec (MTQ) en investissements sur les infrastructures routières en 20092010 sétablit à près de 3,7 milliards. Les attentes des donneurs douvrage sont de plus en plus spécifi- ques et élevées aussi bien en ce qui a trait à la sécurité quà la durabilité des ouvrages routiers. Dans ce contexte, mettre en place une méthode de dimensionnement des chaussées souples fondée sur une approche analytique, dite mécanis- tique, et prévisionnelle de performances, fondée en partie sur des modèles empiriques, devient une priorité. Un dimensionnement suivant une approche mécanistique- empirique vise à fixer lépaisseur des couches dune structure de chaussée pour des performances cibles en considérant lévolution des contraintes et des déformations dans la struc- ture liée à celle des sollicitations (climat et trafic). Le volet mécanistique met à profit des lois issues de la mécanique Reçu le 16 septembre 2010. Révision acceptée le 6 octobre 2011. Publié au www.nrcresearchpress.com/cjce, le 7 novembre 2011. D. Perraton et A. Carter. Département du génie de la construction, École de technologie supérieure, Université du Québec à Montréal, Montréal, QC H3C 1K3, Canada. H. Di Benedetto. Département de génie civil et du bâtiment, École nationale des travaux publics de lÉtat Lyon, Lyon, France. Auteur correspondant : Alan Carter (courriel : [email protected]). Les commentaires sur le contenu de cet article doivent être envoyés au directeur scientifique de la revue avant le 31 mars 2012. 1287 Rev. can. génie civ. 38 : 12871299 (2011) doi:10.1139/L11-102 Publié par NRC Research Press Can. J. Civ. Eng. Downloaded from www.nrcresearchpress.com by Georgia Institute of Technology on 11/15/14 For personal use only.

Correspondances entre les coefficients des modèles de fatigue dans les méthodes mécanistiques-empiriques de dimensionnement de chaussées souples

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Page 1: Correspondances entre les coefficients des modèles de fatigue dans les méthodes mécanistiques-empiriques de dimensionnement de chaussées souples

Correspondances entre les coefficients desmodèles de fatigue dans les méthodesmécanistiques-empiriques de dimensionnementde chaussées souples

Daniel Perraton, Hervé Di Benedetto et Alan Carter

Résumé : Le phénomène de fatigue est considéré comme le phénomène d’endommagement prépondérant à température« moyenne » dans les structures de chaussées souples. La mise en relief d’un modèle d’endommagement par fatigue repré-sente donc le premier pas à franchir dans l’application d’une approche mécanistique-empirique de dimensionnement. Pourbien comprendre les différents outils de calcul disponibles pour une application mécanistique-empirique de dimensionne-ment, les principaux éléments se rapportant aux modèles de fatigue sont ici remis en contexte. La signification des différentscoefficients se rapportant à ces modèles est décrite avant d’en établir les correspondances entre eux. Une analyse visant àaméliorer la représentativité de la loi de la durée de vie en fatigue du matériau est alors proposée. Globalement, l’ensembledes outils de calcul pour un dimensionnement de type mécanistique-empirique utilise la droite de fatigue de Wöhler. Lesdeux coefficients de la droite de fatigue sont au cœur des modèles et permettent de décrire la performance spécifique aux fa-milles de matériaux bitumineux considérées. Le traitement des résultats d’un essai classique de fatigue visant à exclure leseffets biaisants modifie substantiellement les valeurs des deux coefficients. On montre que les durées de vie établies à partirrésultats bruts sont surestimées.

Mots‐clés : matériaux bitumineux, fatigue, module complexe, endommagement, M-E PDG (« mechanistic-empirical pave-ment design guide »).

Abstract: Fatigue is considered the main damaging phenomenon at « average » temperature in flexible pavement structures.A fatigue damage model is thus the first step in applying a mechanistic-empirical approach to sizing. This paper highlightsthe main elements of fatigue models in order to thoroughly understand the various calculation tools available for a mecha-nistic-empirical sizing application. The signification of the various coefficients of the models is described and interrelationsare established. An analysis is proposed to improve the representativeness of the fatigue life span law of the material. Allcalculation tools for mechanistic-empirical sizing use the Wöhler fatigue curve. Both fatigue curve coefficients are at thecore of the models and describe the specific performance of the tested bituminous material families. Processing the resultsof a classic fatigue test to exclude biased effects will substantially modify the values of these two coefficients. It is demon-strated that the life spans determined from raw results are overestimated.

Key words: bituminous materials, fatigue, complex module, damage, M-E PDG (mechanistic and empirical pavement designguide).

[Journal translation]

1. Mise en contexte

Au Québec seulement, les dépenses annuelles d’entretien,de réhabilitation et de construction routière avoisinent lemilliard de dollars. Le budget du ministère des Transportsdu Québec (MTQ) en investissements sur les infrastructuresroutières en 2009–2010 s’établit à près de 3,7 milliards. Lesattentes des donneurs d’ouvrage sont de plus en plus spécifi-ques et élevées aussi bien en ce qui a trait à la sécurité qu’àla durabilité des ouvrages routiers. Dans ce contexte, mettre

en place une méthode de dimensionnement des chausséessouples fondée sur une approche analytique, dite mécanis-tique, et prévisionnelle de performances, fondée en partie surdes modèles empiriques, devient une priorité.Un dimensionnement suivant une approche mécanistique-

empirique vise à fixer l’épaisseur des couches d’une structurede chaussée pour des performances cibles en considérantl’évolution des contraintes et des déformations dans la struc-ture liée à celle des sollicitations (climat et trafic). Le voletmécanistique met à profit des lois issues de la mécanique

Reçu le 16 septembre 2010. Révision acceptée le 6 octobre 2011. Publié au www.nrcresearchpress.com/cjce, le 7 novembre 2011.

D. Perraton et A. Carter. Département du génie de la construction, École de technologie supérieure, Université du Québec à Montréal,Montréal, QC H3C 1K3, Canada.H. Di Benedetto. Département de génie civil et du bâtiment, École nationale des travaux publics de l’État Lyon, Lyon, France.

Auteur correspondant : Alan Carter (courriel : [email protected]).

Les commentaires sur le contenu de cet article doivent être envoyés au directeur scientifique de la revue avant le 31 mars 2012.

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Rev. can. génie civ. 38 : 1287–1299 (2011) doi:10.1139/L11-102 Publié par NRC Research Press

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des milieux continus (MMC). Notamment, le modèle multi-couche de Burmister est souvent utilisé en considérant uncomportement élastique linéaire isotrope (ELI) des matériauxpour calculer les contraintes et les déformations dans la struc-ture. Actuellement, à l’échelle internationale, on vise à in-tégrer dans les analyses le comportement viscoélastique desmatériaux bitumineux pour un calcul plus réaliste deschamps de contraintes-déformations.Également, toujours dans le cadre de la MMC, des lois de

dommage des matériaux sont élaborées à partir d’essais delaboratoire pour décrire l’évolution de l’endommagement enfonction de conditions de sollicitations déterminantes (s, 3,température, fréquence, autres). Ces dernières, couplées auxvaleurs déterminantes de contraintes et de déformations dansla structure permettent un calcul prévisionnel de l’évolutionde l’endommagement.Compte tenu que l’évolution des sollicitations est difficile

à prévoir avec exactitude pour une période donnée d’unepart et que les modèles rhéologiques utilisés ne représententqu’en partie l’ensemble des causes en jeu en raison des sim-plifications d’autre part, un calage s’avère nécessaire pourcorriger l’écart entre le calcul prévisionnel de l’endommage-ment et l’observation de celui-ci sur chaussées. Le calage sefait à partir d’un modèle de performance, aussi désigné fonc-

tion de transfert. Par l’entremise de coefficients de calage, lafonction de transfert vise à relier les lois de dommage obte-nues lors d’essais en laboratoire à un dommage identifié àl’échelle de la chaussée (fatigue, orniérage, autres). Cette der-nière représente le volet empirique de la démarche.La figure 1 présente schématiquement le fondement d’une

méthode mécanistique-empirique de dimensionnement dupoint de vue de l’endommagement par fatigue des matériauxbitumineux.

2. Introduction

Cet article vise à préciser la signification des différents co-efficients des modèles de fatigue utilisés dans certains logi-ciels de dimensionnement pour les chaussées souples mettanten application une approche mécanistique-empirique. Plusspécifiquement, nous traitons de ceux se rapportant au logicielM-E PDG (« mechanistic-empirical pavement design guide »,National Cooperative Highway Research Program, NCHRP2004) et à la méthode française de dimensionnement (Labora-toire central des ponts et chaussées et le Service d’étudestechniques des routes et autoroutesSETRA-LCPC 1994) envue d’en établir les correspondances de sorte à permettreéventuellement leur transposition d’une méthode à l’autre.

Fig. 1. Schéma illustrant pour la fatigue et l’orniérage des matériaux bitumineux le principe de la méthode mécanistique-empirique de dimen-sionnement d’une chaussée souple (schéma adapté de Di Benedetto 2009).

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Dans un premier temps, les lois de dommage pour la fa-tigue, dont celles de la durée de vie du matériau associées àla loi de cumul des dommages de Miner, et les aspects serapportant aux fonctions de transfert sont introduites. Dansun deuxième temps, la correspondance entre la loi de la du-rée de vie en fatigue de Wöhler et les différentes équationsutilisées dans certains outils de calcul disponibles pour uneapplication mécanistique-empirique de dimensionnement estétablie. La signification de chacun des coefficients de ceséquations sera décrite. Finalement, une méthode de traitementdes résultats de fatigue permettant de s’affranchir des effetsbiaisants en vue de proposer un modèle de fatigue plus con-forme est présentée.

3. La loi de la durée de vie en fatigue deWöhler pour les matériaux bitumineux

3.1. IntroductionLa mesure du module complexe d’un matériau bitumineux

permet de connaître son comportement rhéologique en petitesdéformations. Le module complexe représente une propriétémacroscopique du matériau et sa mesure sous chargement cy-clique sinusoïdal permet de quantifier le comportement vis-coélastique linéaire (VEL). En suivant l’évolution du modulecomplexe sous chargement cyclique sinusoïdal en conditionisotherme, à une fréquence donnée, on détermine la durée devie en fatigue du matériau (Nf). En tout état de cause, oncherche ainsi à définir la droite de Wöhler qui permet de re-lier l’amplitude de la sollicitation cyclique à laquelle le maté-riau est soumis et sa durée de vie en fatigue. Le critère derupture définissant la durée de vie varie selon les auteurs etles méthodes de dimensionnement.En cours d’essai, le module complexe n’évolue pas seule-

ment à cause de la fatigue du matériau. Quatre (4) principauxphénomènes sont à l’origine de sa décroissance en coursd’essai (Di Benedetto et al. 2011) : (1) la non-linéarité dumatériau, (2) l’échauffement induit par la dissipation d’éner-gie de nature visqueuse, (3) la thixotropie associée poten-tiellement à une atténuation réversible des forces de surfaceentre les groupes hydrocarbonés et (4) la fatigue liée à l’en-dommagement irréversible de la microstructure. Pour statueravec rigueur sur la résistance à la fatigue d’un matériau bitu-mineux à partir de l’évolution de son module complexe, ilfaut impérativement départager les différents phénomènes enjeu.L’ensemble des concepts fondamentaux à l’origine de la

mesure de la résistance à la fatigue des matériaux bitumineuxest largement documenté (Soltani et Anderson 2005; Di Ben-edetto et Corté 2005; Lundstrom et al. 2004; Di Benedetto etal. 2004; Perraton et al. 2003; Baaj 2002; Soltani 1998; DeLa Roche 1996). Nous traitons certains de ces concepts danscet article.

3.2. Essai de fatigueL’essai classique, permettant de caractériser le phénomène

de fatigue consiste à soumettre une éprouvette de matériau àétudier à une sollicitation cyclique et à noter le nombre decycles entraînant la rupture de l’éprouvette (Nf). La figure 2montre une évolution type de la norme du module complexe

lors d’un essai de fatigue et ce, quelle que soit la sollicitationimposée (contrôle de force ou de déplacement). On distinguetrois phases, dont la phase II présente une évolution quasilinéaire de la norme du module complexe avec le nombre decycles. Au cours de cette phase, l’endommagement par fa-tigue joue un rôle important.L’endommagement par fatigue en cours des phases I et II

se manifeste par un ensemble de microfissures qui se déve-loppe de façon relativement homogène dans l’ensemble duvolume de l’éprouvette. Pour ces phases, une analyse fondéesur l’hypothèse d’un milieu continu est réaliste, et l’évolutiondu module complexe traduit bien l’endommagement, pourautant où l’on puisse évaluer les effets biaisants. En phaseIII, la densité des microfissures donne lieu à l’apparitiond’une macrofissure qui mène à la rupture. Dès lors, l’analysefondée sur la notion de milieu continu n’est plus valable, ladégradation s’explique par un phénomène de propagation defissure. Globalement, la détermination de la valeur de la du-rée de vie en fatigue du matériau, Nf, vise à cerner le pointde transition entre les phases II et III, qui devrait être associéà l’initiation d’une macrofissure dans le matériau.Le nombre de cycles correspondant à une perte de 50 % de

la norme du module complexe initial (50 % de jE�0j) est très

largement retenu comme critère classique pour fixer la « du-rée de vie » en fatigue du matériau (Nf50 %). Bien d’autrescritères peuvent être définis pour établir la « durée de vie »en fatigue. Notons que la valeur de Nf50 % n’apparaît qu’indir-ectement liée à l’apparition de la macrofissure. En outre,l’évolution de la norme du module complexe est fortementtributaire de phénomènes biaisants — non-linéarité, échauffe-ment et thixotropie — lesquels jouent un rôle prépondérantnotamment dans les premiers cycles de sollicitation. À cet ef-fet, Di Benedetto et al. (2011) ont récemment mis en évi-dence que, pour des enrobés sollicités en mode dedéformation sous chargement cyclique sinusoïdal de trac-tion–compression1 et suivant des amplitudes comprises entre40 et 120 mm/m, l’endommagement par fatigue (irréversible)est non significatif au cours des 30 000 premier cycles(10 Hz) et ce, malgré des chutes de la norme du modulecomplexe pouvant atteindre 20 %. Par ailleurs, il a été misen relief que l’effet de la thixotropie contribue à plus de50 % de la réduction de la norme du module complexe aucours de cette période (Di Benedetto et al. 2011).

Fig. 2. Évolution de la norme du module complexe sous sollicitationcyclique dans le cas d’un essai de fatigue (Baaj 2002).

1Sur éprouvette cylindrique.

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3.3. Droite de WöhlerSuivant les durées de vie établies pour divers niveaux de

sollicitation, soit à niveau de déformation constante (30) ou àniveau de contrainte constante (s0), la représentation classi-que des résultats de fatigue est donnée par la courbe de Wöh-ler. Dans une représentation log-log, la courbe de Wöhler estreprésentée par une droite : la droite de fatigue de Wöhler.La relation entre la durée de vie et l’amplitude de la sollicita-

tion est à la base du modèle permettant de décrire la perform-ance en fatigue des matériaux bitumineux.La figure 3a montre l’évolution de la norme du module

complexe en cours d’essais de fatigue, exprimée de manièrerelative à la valeur initiale de la norme du module complexe,suivant différents niveaux de sollicitation (30 de 200, 240 et270 mm/m). Les valeurs de Nf50 % correspondantes sont tra-cées à la figure 3b en relation aux amplitudes de la sollicita-

Fig. 3. Résultats types d’un essai de fatigue réalisé en traction–compression sur cylindre : (a) évolution de |E*| en cours d’essai de fatigue,(b) droite de Wöhler dans le domaine log 30(mm/m) – log Nf et (c) droite de Wöhler dans le domaine log Nf – log 30(m/m) (c1 = 8,7336 etc2 = 6,928E–27).

Fig. 4. Schéma illustrant l’effet de la température sur la durée de vie en fatigue mesurée en condition isotherme et suivant une fréquencedonnée en laboratoire, (a) l’évolution de la droite de Wöhler pour trois températures (q1, q2 et q3) et (b) relation entre le coefficient c1, qi et lanorme du module complexe à la température considéré (jE�

qij).

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tion imposée. Cette droite permet de décrire la performanceen fatigue du matériau pour laquelle le paramètre déterminantest l’amplitude de la sollicitation que subit le matériau.La figure 3c montre schématiquement la représentation de

la droite de fatigue dans le système d’axes log(Nf) versus log(30) défini par les deux coefficients : c1 et c2 (éq. [1]). L’équa-tion [1] est reprise sous différentes formes pour introduire lafatigue dans les principales méthodes de dimensionnement.

½1� Nf ¼ c1ð30Þ�c2

Avec :Nf : nombre de cycles à la rupture30 : amplitude de la déformation cyclique imposée (m/m)

à une température donnée (qi) et une fréquence donnée (fi)c2 : coefficient lié à la pente de la droite de fatigue pour un

matériau donné (sans unité)c1 : coefficient correspondant à la durée de vie du matériau

pour une amplitude de déformation imposée de 1 m/m, à unetempérature et une fréquence données.Deux coefficients permettent de fixer la droite de fatigue

dans le système d’axe : 1 point (x, y) et une pente. Ils sonttributaires du matériau et a priori de la température et de lafréquence. Pour la méthode française de dimensionnement,on définit la droite de fatigue dans le système d’axe log(30)versus log(Nf) à partir du coefficient 36 (niveau de déforma-tion qui conduit à une durée de vie 106 cycles : point (36,10+6)) et du coefficient b se rapportant à la pente de ladroite avec b = –1/c2. Il y a une relation directe entre lescoefficients utilisés dans ces deux domaines de représenta-tion (« log Nf versus log 30 » et « log 30 versus log Nf »).Pour prendre en compte l’effet de la température et de la

fréquence sur l’évolution de la durée de vie en fatigue (c1 etc2) on introduit le module complexe, lequel dépend de la fré-quence et de la température.

3.3.1. Évolution de la performance en fatigue avec latempératureLa durée de vie en fatigue d’un matériau bitumineux évolue

avec la température (Di Benedetto et Corté 2005). Les deuxcoefficients de la droite de fatigue sont établis, pour un maté-riau donné, en condition isotherme et pour une fréquencedonnée. Dans le calcul de l’évolution du dommage en fatigue,on admet souvent en première approximation pour les matéri-aux bitumineux que l’effet de la température translate simple-ment la droite de fatigue, sans en affecter la pente (fig. 4a).Les matériaux bitumineux sont thermosusceptibles, et l’ef-

fet de la température modifie notamment la norme de sonmodule complexe. Pour prendre en compte la variation de ladurée de vie en fatigue du matériau (Nf) avec la température,on peut se référer à celle de la norme du module complexe.Un facteur de translation de la droite de Wöhler, fonction dela norme du module complexe et traduisant l’effet de la tem-pérature, est ainsi intégré dans la loi de la durée de vie enfatigue de Wöhler. L’équation [1] peut alors s’écrire sous laforme :

½2� Nf;qi ¼ c1;qref ð30Þ�c2jE�

qij

jE�qref

j

" #�k3

Avec c1;qref correspondant à la durée de vie en fatigue dumatériau pour une déformation imposée de 1 m/m à une tem-pérature et une fréquence de référence (qref), jE�

qij et jE�

qrefj

correspondant respectivement aux normes du module com-plexe à la température considérée (qi) et à la température deréférence (qref). Le coefficient k3 représente la pente de ladroite de la relation log c1;qi versus log jE�

qij. La détermination

du coefficient k3 est traitée à la section 6. L’équation [2] rep-résente la « forme générale de la loi de la durée de vie enfatigue de Wöhler ».Dans les méthodes de dimensionnement MnPave, M-E PDG,

KENPAVE, utilisées aux États-Unis, et celle du SETRA-LCPC, utilisée en France, l’équation [2] est implicitement con-sidérée. L’équation [3] s’applique à ces méthodes. Seuls les co-efficients ai diffèrent selon les écritures choisies.

½3� Nf;qi ¼ a1 � ð30Þ�a2 � jE�qij�a3 � jE�

qrefj�a4

L’équation [3] traduit donc l’évolution de la durée de vieen fatigue du matériau déterminée en laboratoire suivant uneapproche mécanistique. Or, comme nous l’avons souligné,une approche mécanistique simplifiée élaborée pour prévoirl’évolution d’un dommage d’une chaussée en service n’intro-duit pas toutes les causes en jeu en raison des simplifications,telles que, par exemple : (i) les conditions de sollicitation enservice qui diffèrent de celles qui prévalent en laboratoire(temps de repos, fréquence de sollicitation2), (ii) la variabilitégéospatiale des matériaux, (iii) celle des conditions de sup-port et (iv) autres. Afin de prendre en compte les simplifica-tions considérées, des coefficients de pondération (bai ) sontintroduits dans le modèle issu des essais en laboratoire. L’in-troduction de ces coefficients permet de définir la « fonctionde transfert » qui assure le passage des équations du labora-toire à celles utilisées pour le dimensionnement. De fait, la« fonction de transfert » cale le calcul prévisionnel d’undommage d’un modèle issu des essais de laboratoire au dom-mage réel observé sur la chaussée en service. Dans le proces-sus de dimensionnement fondé sur une approchemécanistique-empirique, l’application d’une « fonction detransfert » représente le volet empirique.

4. Fonctions de transfertDans sa plus simple expression, la « fonction de transfert »

se résume à introduire un ou des coefficients de calage dansune ou les lois de dommage du matériau. Spécifiquement à lafatigue, les coefficients de calage sont intégrés dans l’équa-tion [3] qui devient l’équation [4] utilisée pour le dimen-sionnement et pour laquelle la déformation tangentielle (3t),calculée au bas des couches liées, est considérée (30 = 3t).On a :

½4� Nf;qi ¼ a1 � ba1 � ð3tÞ�a2�ba2 � jE�qij�a3�ba3 � jE�

qrefj�a4

L’intégration d’un coefficient de calage au sein d’un mod-èle demeure un élément extrêmement délicat si l’on ne veutpas perdre toute la cohérence et la pertinence qui a conduit àsa mise en forme. Pour la fatigue, certains auteurs choisissentd’intégrer un coefficient de calage à chacun des coefficientsservant à définir la droite de fatigue de Wöhler. C’est le cas

2On fait référence ici aussi bien à ce qui a trait à la vitesse des véhicules qu’au « Wandering effect ».

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du modèle de fatigue dans M-E PDG. Par ailleurs, plusieursmodèles de fatigue appliquent une translation simple de ladroite de fatigue de Wöhler par l’entremise d’un seul coeffi-cient de calage pour aligner la fonction de transfert aux ob-servations sur route. C’est le cas de la méthode française dedimensionnement.Le tableau 1 présente la notation utilisée par les modèles

pour calculer la durée de vie en fatigue établis à partir desessais de laboratoire (forme laboratoire) et utilisés dans lesméthodes de dimensionnement MnPave, M-E PDG, KEN-PAVE et SETRA-LCPC et celle retenue pour les coefficientsde calages.Notons que dans la méthode française de dimensionne-

ment, on se réfère à trois coefficients pour passer du labora-toire à la route en pondérant la valeur de 36 : kc, uncoefficient de calage destiné à ajuster les résultats du modèlede calcul au comportement observé de chaussées de mêmetype, kr, un coefficient qui prend en compte le risque de cal-cul retenu en fonction des facteurs de dispersion sur l’épais-seur (Sh) et sur les résultats des essais de fatigue (SN) et, ks,un coefficient destiné à traduire les hétérogénéités locales deportance d’une couche de faible rigidité supportant lescouches liées (SETRA-LCPC 1994).

5. Loi de cumul des dommages de Miner

La durée de vie en fatigue du matériau évolue suivant leniveau de sollicitation. Pour comptabiliser l’évolution del’endommagement au sein d’un matériau suivant différentsniveaux de sollicitation, on se réfère à une loi de cumul desdommages permettant d’additionner correctement la part dedégât engendré par chaque sollicitation. Pour ce faire, on seréfère couramment à la loi linéaire de Miner (Di Benedettoet Corté 2005) dans le domaine des chaussées souples. Ondéfinit ainsi le dommage cumulé, D, à partir de la relationsuivante :

½5� D ¼Xni¼1

dri ¼Xni¼1

ni

Nfi

Avec, dri , le dommage par fatigue induit au cours de lapériode i. ni est le nombre de charges3 appliquées au coursde la période i et, Nfi , la durée de vie en fatigue correspon-dante au chargement de la période i. Lorsque la valeur de Dest égale à 1, le matériau est totalement dégradé. Le traficsubséquent va conduire à la propagation de la fissure dans lematériau. C’est à partir du calcul du cumul des dommages(D) que l’on cherche à définir une fonction de transfert pourdécrire une évolution potentielle, réaliste, de la fissurationpolygonale dans les traces de roues (« alligator cracking »).Cette évolution est donc associée à l’endommagement par fa-tigue du revêtement bitumineux.

6. Détermination du coefficient a3

La valeur du coefficient a3 est établie en évaluant la per-formance en fatigue du matériau à diverses températures eten considérant une variation linéaire de la relation log ðjE�

qijÞ

versus log (log ðc1;qiÞ) (fig. 4b). La figure 5 montre l’évolu-tion du paramètre 36 pour différentes températures d’essaiétablie en flexion 2 points sur prismes trapézoïdales (25 Hz)(Di Benedetto et Corté 2005). Les résultats montrent uneévolution en forme de « cloche » inversée, avec une valeurminimale autour de 5 °C. Ce type de variation se révèle inat-tendu. On aurait pu s’attendre que la fragilisation du bitumeaux basses températures donne lieu à une moindre résistanceen fatigue, ce qui n’est pas le cas.Pour cerner une valeur réaliste de a3, nous avons utilisé les

résultats de fatigue établis pour diverses températures d’essaiet présentés dans l’annexe 6, Calcul de la température équiva-lente pour une chaussée bitumineuse, du guide technique dedimensionnement des chaussées du SETRA-LCPC (1994).En considérant la variation de la norme des modules com-

Tableau 1. Notation associée aux modèles de fatigue utilisés pour différentes méthodes de dimensionnement mettant en applicationune approche mécanistique-empirique (« bottom-up cracking »).

Nf;qi ¼ a1 � ba1 � ð3tÞ�a2 �ba2 � jE�q1j�a3 �ba3 � jE�

qrefj�a4

MnPave(Mn/DOT 2008)

M-E PDG(NCHRP 2004)

SETRA-LCPC (SE-TRA-LCPC 1994)

Asphalte Institute(MS-1) (Huang 2004)

Forme générale de la loide la durée de vie en fa-tigue de Wöhler (éq. [2])

Forme laboratoirea1 –C†·KF1 0,00432 C† k1

(k1 = 0,007566‡)106 � 3�1=b

6C† c1 c1;qref

a2 –KF2 k2 (3,291)‡ –1/b f2 C2

a3 –KF3 k3 (0,854)‡ –1/2b f3 K3

a4 0 0 1/2b 0 –k3Coefficient de calage (30 = 3t)ba1 1 bk1 1

kr �kc �ks

h i1=b FR (FR = 18,4 selonl’Asphalte Institut)

ba2 1 bk2 (1,2)‡ 1 1

ba3 1 bk3 (1,5)‡ 1 1

†C ¼ 104;84

VbVaþVb

�0;69

� �.

‡Valeurs retenues aux États-Unis dans une perspective nationale pour déterminer bk1 (« national calibration »).

3Très souvent on comptabilise la charge en nombre d’ÉCAS (équivalence charge axiale simple).

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plexes et celle des valeurs d’36, la relation log jE�qij versus

log c1;qi a été tracée à la figure 6.La figure 6a montre que l’approximation linéaire appliquée

à l’ensemble des valeurs conduit à une valeur de a3 de l’ordrede 0,49 (R2 = 0,83). En limitant la corrélation linéaire auxdonnées liées aux températures supérieures à 10 °C (fig. 6b),on établit que la valeur de a3 serait plutôt de l’ordre de 0,75,pour un coefficient de détermination de R2 = 0,99. Cette dif-férence est tout à fait compréhensible, puisque les valeursd’36 de la figure 5 indiquent que l’évolution de la perform-ance en fatigue change à partir d’une certaine température,sous laquelle la durée de vie augmente au lieu de continuerà décroître.En définitive, l’application de l’argument « ðjE�

qijÞ�a3 » vi-

sant à prendre en compte la température risque de donnerlieu à une sous-estimation des durées de vie en fatigue dumatériau aux basses températures. Par contre, dans le con-texte du dimensionnement de chaussée, cette façon de faireest relativement simple d’application et donne lieu à un di-mensionnement conservateur. En effet, en supposant un traficuniformément réparti sur l’année, on montre que le dommageélémentaire de fatigue du matériau dans le contexte de lachaussée est particulièrement déterminant en période estivaleet pratiquement inexistant en période hivernale4. En consé-quent, un raffinement visant à accroître la qualité de la modé-lisation aux basses températures ne saurait apporter uneamélioration réellement conséquente.

6.1. Que vaut la valeur de a3 pour la méthode françaisede dimensionnement?Selon la méthode de dimensionnement des chaussées sou-

ples en France et tel que consigné dans le guide technique duSETRA-LCPC (1994) :Pour les structures en climat tempéré et des températures

positives, à défaut de données expérimentales, il sera souventacceptable de retenir que l’influence de la température sur lecomportement en fatigue est représentée par la relation :

½6� 36ðqÞ � EðqÞ1=2 ¼ cte ¼ A

En considérant les équations [1] et [2], on obtient la valeurde a3 égale à 2,50, pour une valeur de a2 fixée à 5, valeurlargement considérée en France pour des enrobés bitumineuxconventionnels.

6.2. Valeurs de a3 proposées par l’Asphalte Institute etShellLe tableau 2 présente des valeurs de a3 proposées par l’As-

phalte Institute et par Shell déterminées à partir d’essais enflexion en contrôle de force.

6.3. Détermination d’une température de référence dedimensionnement : qéqSuivant les fluctuations de la température dans la chaussée

en service, la durée de vie en fatigue change. L’argument« ðjE�

qijÞ�a3 » de l’équation [3] traduit l’effet de la tempéra-

ture sur la durée de vie en fatigue du matériau. Le dimen-sionnement nécessite de comptabiliser l’évolution dudommage en fatigue du matériau suivant l’évolution de latempérature. On peut simplifier les calculs en cherchant à dé-terminer une température équivalente, qéq, en termes de cu-mul des dommages. Cette température permet de fixer latempérature de l’essai pour déterminer les paramètres de laloi de fatigue. On détermine qéq en considérant la variationde la performance à la fatigue de l’enrobé avec la tempéra-ture, définie essentiellement par la variation de la valeur d’36(qi) du matériau. Les dommages élémentaires sont alors cal-culés à partir d’une structure de chaussée et un trafic uni-formément réparti donnés. La température donnant lieu àune équivalence du dommage à celui du cumul des dom-mages élémentaires correspond à qéq.Cette approche conduit à une simplification des calculs

pour le dimensionnement, puisque la température dans le ma-tériau est alors considérée constante en service. Elle reste ce-pendant limitative pour traduire l’effet des comportementsthermorhéologiquement distincts entre les différentes famillesde matériaux bitumineux. En effet, bien que dans les calculson ajuste la valeur d’36 pour les écarts de température5, le cu-mul des dommages élémentaires n’est pas pour autant réviséet corrigé en référence au module de l’enrobé. Or, l’écart en-tre les modules avec la température modifie non seulement laréponse en fatigue du matériau mais également les contra-intes et déformations dans la structure, affectant ainsi le cu-mul des dommages.

7. Détermination des coefficients de calageLa détermination des coefficients de calage se fait essen-

tiellement en comparant la prévision de l’endommagementcalculé à partir de la fonction de transfert à l’endommage-ment observé sur divers tronçons faisant l’objet d’un suivi deperformance en service. Pellinen et al. (2004) comparent di-rectement l’évolution de la loi du cumul des dommages deMiner, en considérant les conditions de sollicitation effectives(climat, trafic), à celle de la fissuration polygonale observéedans les traces de roues (« alligator cracking ») de sectionsde chaussées testées au WesTrack. D’autres approches visentà lier l’évolution de la loi du cumul des dommages de Minerà celle de la fissuration apparente dans la couche de roule-ment de la chaussée (Ali et Tayabji 1998; Timm et al. 2004;NCHRP 2004). Pour ce faire, on admet généralement que lafissuration polygonale que l’on observe dans les traces deroues est de faible intensité pour un cumul des dommages

Fig. 5. Relation entre 36 et la température, établie sur prismes trapé-zoïdales pour une grave bitume (tiré de Di Benedetto et Corté2005).

4On fait ici abstraction de la problématique liée aux périodes de dégel partiel en période hivernale et en période printanière, effectives dansles pays nordiques.5Calcul de 36 suivant la relation suivante : 36ðqÞ � EðqÞ1=2 ¼ cte ¼ A

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(D) inférieure à 1 (Ali et Tayabji 1998, Timm et al. 2004).Au-delà de cette valeur, la rigidité du matériau est amoindrie,l’amplitude des déformations est amplifiée et le processus depropagation de la fissuration dans les traces de roues est for-tement accentué (Ali et Tayabji 1998).Plusieurs fonctions ont ainsi été proposées pour décrire la

relation entre le cumul des dommages (D) et le taux de fissu-ration observé dans les traces de roues. Une fonction con-tinue, avec une limite asymptotique suivant le taux defissuration, est largement utilisée. À titre d’exemple, l’équa-tion [7] présente la fonction de transfert, telle que définiedans M-E PDG (NCHRP 2004), reliant le cumul des dom-mages (D exprimé en %) au taux de fissuration observableen surface du revêtement, soit :

½7� FCð%Þ ¼ 6000

1 þ eC1 � C 01þ C2 � C 0

2logðDÞ

� �� 160

Où :FC : taux surfacique de fissures polygonales par unité de

surface référentielle6 de chaussée (en %)C1 et C2 : constante sans unité (valeurs fixées à 1,0 dans

M-E PDG)

C 02 : variable dépendante de l’épaisseur des couches liées

(hac). Elle vise à traduire la vitesse à laquelle la propagationde la fissure se fait, suivant l’épaisseur de couches liées. L’a-nalyse menée sur les résultats tirés de la base de donnéesLTPP de 26 sections a permis d’établir la relation suivante(voir l'appendice II-1 dans NCHRP 2004)

½8� C 02 ¼ �2;40874� 39;748� ð1þ hacÞ�2;85609

C 01 : variable dépendante de hac : C 0

1 ¼ �2 � C 02

hac : épaisseur totale des couches liées (en po.; 1 po. =25,4 mm)L’équation [7] indique que pour un cumul de dommage de

100 %, le taux de fissuration correspondant serait de 50 %.

7.1. Les coefficients de calage appliqués au modèle defatigue (« bottom-up cracking ») utilisé dans M-E PDGDans le contexte d’un endommagement prenant naissance

au bas des couches liées de la structure de la chaussée(« bottom-up cracking ») et donnant lieu à une fissurationpolygonale dans les traces de roues (« alligator cracking »),le modèle de fatigue proposé dans le logiciel de dimen-sionnement M-E PDG est présenté au tableau 1. Le modèle

Fig. 6. Relation entre le log jE�qij et le log c1;qi en considérant les valeurs d’36(qi) et celles de jE�

qij de l’annexe 6 de la référence (SETRA-

LCPC 1994).

Tableau 2. Valeurs types du coefficient a3.

Organisme a1† a2 a3 Remarques RéférenceAsphalteInstitute

Couche épaisse(>102 mm)

0,00432 · C 3,291 0,854 Flexion 4 points :contrôle deforce

Huang 2004

AsphalteInstitute

Couche mince(<102 mm)

0,00346 · C 3,291 0,854

Shell 0,00372 · C 5,671 2,363M-E PDG 0,00432 · C · k1 3,291 0,854 Flexion 4 points :

contrôle deforce

Logiciel M-EPDG (1-37A et1-40D, NCHRP2004)

SETRA-LCPC Fonction dutype d’enrobé

5 36(q) · E(q)1/2 = cte Annexe 6 Flexion 2 points SETRA-LCPC(1994)

2,50 0,49 – 0,75†La valeur de c1 a été calculée à partir des valeurs de f1 en considérant : f1 = c1 · CF (CF : « calibration factor ») avec CF = 18,4 établie pour un niveau de

fissuration de 20 % dans les traces de roues (NCHRP 2004).

6La surface référentielle retenue correspond à une largeur de voie de 12 pieds (1 pi. = 0,3048 m) pour une longueur de tronçon de 500 piedslinéaires, soit une surface de roulement de 6000 pi2.

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de fatigue utilisé dans M-E PDG est, à peu de choses près,de la forme générale de la loi de la durée de vie en fatiguede Wöhler. À partir des coefficients a2 et a3 présentés au ta-bleau 1, les valeurs des coefficients de calage bk2 et bk3 ontété déterminées de manière à minimiser l’erreur relative entrela prévision du taux de fissuration (éq. [7]) et celui observésur divers tronçons (26) étudiés dans le cadre du programmeLTPP (NCHRP 2004). Les valeurs de 1,2 et 1,5 ont alors étéretenues dans M-E PDG pour les coefficients bk2et bk3 re-spectivement.Par ailleurs, il est également proposé une valeur de k1

(0,007 566) pour les dimensionnements de chaussées souplesdans une perspective nationale sur le territoire des États-Unis(« national calibration »).Dans le modèle de fatigue utilisé dans M-E PDG, seul le

facteur C (voir tableau 1) permet en quelque sorte de rendrecompte des différences de performance en fatigue entre lesmatériaux bitumineux. Ce facteur vise sur une base volumé-trique à traduire l’effet de la formulation du matériau bitumi-neux, principalement défini par la teneur en bitume et levolume d’air, sur sa performance en fatigue. À conditionségales, il apparaît que le facteur C ne permet pas de traduirel’effet de l’ajout d’un polymère dans le bitume vis-à-vis de larésistance en fatigue de l’enrobé.

8. Détermination des coefficients decorrélation de la droite de fatigue ens’affranchissant des effets biaisantsLes coefficients de la droite de fatigue obtenus lors des es-

sais de fatigue classique sont erronés en raison de l’existencede phénomènes autres que la fatigue. Les valeurs de Nf50 % nesont pas essentiellement tributaires de l’endommagement parfatigue du matériau. Une méthode a été proposée en vue decorriger les résultats de fatigue pour se soustraire aux effetsbiaisants : la méthode du DGCB (Di Benedetto et al. 1996,1997a); Baaj et al. 2005). En traitant les résultats de matièreà cerner l’endommagement par fatigue et ainsi déterminer desvaleurs Nf50 % corrigées, la droite de Wöhler « corrigée » estreprésentative de l’endommagement par fatigue du matériaubitumineux. Les coefficients qui ainsi la caractérisent (a1, a2et a3) traduisent plus correctement la réalité.

8.1. Méthode de correction des résultats de fatigue :détermination des pentes de fatigue suivant la méthodeDGCBEn considérant que l’endommagement par fatigue (D) est

isotrope et se manifeste au niveau de chaque élément de vo-lume du matériau dans la zone centrale d’une éprouvette cy-lindrique sollicitée en traction–compression, on peut écrire :

½9� D ¼ 1� jE�N j

jE�0j

Où :D : endommagement global de l’éprouvette (matériau sain :

D = 0 et matériau rupturé : D = 1)jE�

N j : norme du module complexe du matériau au cycle NjE�

0j : norme du module complexe du matériau non en-dommagé au premier cycleSous sollicitations cycliques sinusoïdales, l’énergie dissi-

pée à chacun des cycles crée un échauffement du matériau.Pour les essais en contrôle de déplacement, l’échauffements’atténue après un certain temps, soit à la fin de la phase I,alors qu’il progresse tout au long de l’essai pour les essaisconduits en contrôle de force. La figure 7 montre l’échauffe-ment mesuré sur des éprouvettes d’enrobés soumises à unesollicitation cyclique sinusoïdale de traction–compression. Lafigure 7a présente le cas d’un essai conduit en contrôle dedéplacement, alors que la figure 7b se rapporte à un essaimené en contrôle de force.La correction des effets biaisants est établie en supposant,

d’une part, que l’évolution du module en phase II est linéaireavec le nombre de cycles et, d’autre part, que sa variation as-sociée aux effets biaisants est proportionnelle à la variationd’énergie dissipée à chaque cycle de sollicitation (DE a

DW). En ramenant ces effets au premier cycle, il vient :

½10� DjE�I j ¼ A �WI

Avec :

½11� DjE�I j ¼ jE�

0j � jE�0I j

La figure 8 présente la signification des différents para-mètres des équations [9] et [10].Di Benedetto et al. (1997b) considèrent que le rapport en-

tre la variation de la norme du module complexe à celle del’énergie dissipée par cycle de sollicitation dans l’intervalleNi – Ni+1 est du même ordre de grandeur que celui qui semanifeste au 1er cycle dans le cas où les effets biaisants sontinexistants (cas fictif, mis en relief par les valeurs projetéesWI et jE�

0I j : voir la figure 8). On peut alors écrire :

½12� DjE�ðNi;Niþ1Þj ¼ �WNi�WNi þ1

WI

DjE�I j

En considérant que l’évolution de la norme du modulecomplexe, normalisée en référence à jE�

0I j, représente la jux-taposition des effets biaisants et de l’endommagement par fa-tigue du matériau, Soltani (1998) écrit :

½13� aF ¼ aT þ aWDjE�

I jjE�

0I jOù :aT est la pente de la partie linéaire de la courbe du module

située entre les cycles Ni et Ni+1 dans les axes normalisés (N,E) en fonction de jE�

0I j. Elle correspond à la droite aux moin-dres carrés ajustée aux points expérimentaux du module derigidité bornés par Ni et Ni+1. aW est la pente de la partie li-néaire de la courbe d’énergie dissipée située entre les cyclesNi et Ni+1 dans les axes normalisés (N, W) en fonction de WI.Elle correspond à la droite qui s’ajuste par la méthode desmoindres carrés aux points expérimentaux d’énergie dissipéebornés par Ni et Ni+1. aF présente le taux d’endommagementpar cycle de chargement, si aucun effet biaisant n’est produitau cours de l’essai de fatigue.

L’argument aWDjE�

I jjE�

0Ij corrige aT pour en exclure les effets

biaisants sur les résultats de fatigue proprement dits (Soltani1998). Le signe de cette correction dépend du signe de aW.Notons, par ailleurs, que le niveau de sollicitation à con-

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sidérer pour l’intervalle I se détermine à partir de la valeurmoyenne des déformations sur l’intervalle.

8.1.1. Correction liée à la non-linéarité del’endommagementL’équation [12] a été développée en considérant une évolu-

tion linéaire de la norme du module complexe avec le nom-bre de cycles dans la phase II d’un essai de fatigue. Or, il aété montré expérimentalement que les pentes évoluent diffé-remment pour différents intervalles considérés en phase II(Soltani 1998). En conséquent, l’équation [12] doit être corri-gée en vue de prendre en considération la non-linéarité del’endommagement par fatigue à déformation constante. Enfait, la norme du module complexe initial de l’éprouvette au1er cycle d’un essai sans effet biaisant et où la température del’éprouvette resterait rigoureusement constante pendant toutela durée de l’essai7, module désigné jE�

Fj (voir fig. 8), seraitsupérieure aux normes du module complexe déduites desanalyses par intervalle suivant l’approche linéaire, jE�

0I j, telleque décrite à la section précédente. En fait, la norme du mod-ule complexe initial de l’éprouvette fatiguée à une tempéra-ture constante, jE�

Fj, est telle que :

½14� jE�0j > jE�

Fj > jE�0IðiÞj > jE�

0Iðiþ1ÞjDi Benedetto et al. (1997a) proposent d’introduire dans

l’équation [12] un coefficient correcteur, CI, pour prendre encompte la non-linéarité de l’endommagement. Le coefficientCI, dont la valeur est comprise entre 0 et 1, prend une valeurdistincte pour chaque intervalle considéré. On peut écrire :

½15� aF ¼ aT þ aWCI �DjE�

I jjE�

0I j« I » correspond à un intervalle de cycles dans la phase IIpendant lequel la variation de la courbe expérimentale de lanorme du module complexe est quasi linéaire. L’étendue desintervalles choisis, pour faire la correction des données, doitêtre comprise à l’intérieur de la phase II. Le tableau 3 donneles intervalles proposés par Di Benedetto (Soltani 1998) avecles valeurs des facteurs CI correspondantes. Pour chacun deces intervalles, la loi de fatigue est considérée linéaire.

8.2. Détermination de la droite de fatigue de Wöhler encorrigeant les résultats d’essais de fatigue pour sesoustraire des effets biaisantsComme déjà souligné, les coefficients de la droite de fa-

tigue de Wöhler a1 et a2, déterminés à partir du critère derupture classique (Nf50 %), sont erronés du fait qu’ils intègrentdes phénomènes autres que celui de la fatigue. Par ailleurs,pour un matériau donné, ces coefficients sont distincts pourdes essais réalisés en contrôle de déplacement de ceux obte-nus pour des essais conduits en contrôle de force. Cette dif-férence a conduit les chercheurs à proposer des modèlesprévisionnels différents pour la durée de vie en fatigue sui-vant que les essais soient réalisés en contrôle de déplacementou en contrôle de force (voir l’appendice II-1 dans NCHRP2004).Baaj (2002) a proposé un modèle non linéaire pour décrire

l’évolution du dommage pour un essai de fatigue mené à dé-formation constante des matériaux bitumineux :

½16� 1� D ¼ 1þ N

N0

� �Bðd�eformation constanteÞ

Fig. 7. Échauffement moyen mesuré à la surface d’une éprouvette et évolution de l’énergie dissipée lors d’un essai de fatigue sous sollicitationcyclique sinusoïdale –10 °C, 10 Hz (tiré de Soltani 1998).

Fig. 8. Évolution du module de rigidité et de l’énergie dissipée enfonction du nombre de cycles de sollicitation dans le cadre d’un es-sai de fatigue en contrôle de déplacement (10; 10 Hz).

7Essai purement fictif, exempt d’échauffement.

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N0 et B dépendent de l’amplitude de déformation.En sachant que N0 est plus grand que 0 et que B est infé-

rieur à 0, il est possible de les estimer avec la méthode desmoindres carrés à partir des valeurs corrigées ðjE�

corjÞ de lanorme des modules complexes dans les intervalles « I » con-sidérés (0, 1 et 2). On peut alors établir la durée de vie dumatériau liée exclusivement à la fatigue. En procédant ainsipour chacun des essais de fatigue, on peut établir les coeffi-cients de la droite de Wöhler essentiellement représentatifsdu phénomène de fatigue. L’approche vise donc à corriger lanorme des modules complexes mesurés de l'enrobé de man-ière à déterminer la norme des modules complexes corrigéssuivant la méthode DGCB.

8.2.1. Modèle non linéaire de l’évolution du dommage pourun essai de fatigue mené à déformation constante, corrigéedes effets biaisants, telle que proposée par Baaj (2002)Le modèle non linéaire de l’évolution du dommage pour

un essai de fatigue mené à déformation constante, corrigéedes effets biaisants, est spécifique à chacun des essais de fa-tigue réalisés. Pour déterminer les paramètres B et N0 établisà partir des valeurs d’jE�

corj, il faut dans un premier temps es-timer la valeur de jE�

Fj à partir des valeurs calculées jE�0I j

pour les trois intervalles (0, 1 et 2). Dans un deuxièmetemps, il faut corriger la courbe d’évolution de la norme dumodule complexe mesurée au cours d’un essai classique defatigue en considérant le modèle non linéaire qui prend encompte la correction des effets biaisants.En considérant que jE�

exp j représente la norme du modulecomplexe enregistrée en cours d’essai, le taux d’endommage-ment non corrigé des effets biaisants s’exprime alors :

½17� aT ¼ djE�exp j=dNjE�

0I jÉgalement, en considérant que jE�

corj représente la normedu module complexe qui a subi un endommagement dûuniquement à la fatigue, le taux de l’endommagement par fa-tigue s’exprime alors :

½18� aF ¼ djE�corj=dNjE�

0I jDans des conditions idéales d’essai où les effets biaisants

seraient éliminés, la valeur du module initial, jE�0j, serait dif-

férente de celle enregistrée dans les conditions d’essai réelleset correspondrait à jE�

Fj. La valeur de jE�Fj dépend de l’essai

et non de l’intervalle sur lequel l’analyse est faite. Si la va-leur de jE�

Fj est calculée à partir des trois intervalles, les va-leurs doivent être égales ou du même ordre et correspondre àla relation suivante :

½19� jE�0j � jE�

Fj ¼ CIðjE�0j � jE�

0I jÞ

½20� jE�0j � jE�

Fj � C0ðjE�0j � jE�

00jÞ � C1ðjE�0j � jE�

01jÞ� C2ðjE�

0j � jE�02jÞ

En considérant que la valeur de jE�Fj est la valeur moyenne

des trois valeurs obtenues de chacun des intervalles (Baaj2002) et en substituant les équations [16], [17] et [19] dansl’équation [14], on a :

½21� djE�corj

dN¼ djE�

exp jdN

þ aw � ðjE�0j � jE�

FjÞ

Par intégration on obtient :

½22� jE�corj ¼ jE�

exp j þ aw � ðjE�0j � jE�

FjÞ � N

L’équation [21] permet de corriger la norme des modulescomplexes mesurés en cours d’essai classique de fatigue àl’intérieur des intervalles traités. Pour obtenir les valeurs cor-rigées à l’extérieur de ces intervalles, on se réfère au modèlenon linéaire de l’évolution du dommage pour un essai de fa-tigue mené à déformation constante des matériaux bitumi-neux corrigée des effets biaisants (éq. [15]).

8.2.2. Durée de vie en fatigue pour les résultats corrigésEn corrigeant la norme des modules complexes mesurés

pour isoler le phénomène de fatigue, la détermination de ladurée de vie fondée sur le critère classique (Nf50 %) n’est plusapplicable. Di Benedetto et al. (2004) ont montré que sur labase d’une analyse classique, le dommage associé au passagede la phase II à la phase III varie suivant les amplitudes dedéformation (fig. 9). On constate que la valeur du dommageassociée à la frontière entre les phases II et III semble êtreindépendante du niveau de déformation, contrairement à ceque l’on observe pour les résultats non corrigés (fig. 9). Il ap-paraît qu’une perte de l’ordre de 20 % à 25 % représente uncritère approprié pour déterminer la durée de vie en fatigue,laquelle marque le point de transition entre la phase II et laphase III.Cette constatation est de première importance dans le proc-

essus de détermination d’un critère de fatigue que l’on sou-haite le plus cohérent possible. En effet, les durées de vie enfatigue devant servir à déterminer les coefficients de la droite

Tableau 3. Étendue des intervalles proposés pour corrigerles résultats de fatigue avec les valeurs de facteur CI cor-respondantes.

IÉtendue(nombre de cycles) CI

0 Intervalle 0 40 000 à 80 000 4/51 Intervalle 1 50 000 à 150 000 3/42 Intervalle 2 150 000 à 300 000 2/3

Fig. 9. Valeurs du dommage à la transition entre les phases II et III,marquant le début de la propagation des macrofissures, dans un es-sai de traction–compression en contrôle de déplacement : DIII, pasde correction; DIIIc, correction due aux effets biaisants (tiré de DiBenedetto et al. 2004).

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de Wöhler doivent correspondre au taux de dommage qui sesitue le plus près possible de la fin de la phase II.

8.3. Exemple d’application pour déterminer la durée devie en fatigue corrigée et les coefficients de la droite deWöhlerÀ partir d’un essai de fatigue réalisé en contrôle de dé-

placement, nous avons appliqué la méthode du DGCB pourdéterminer les coefficients de la droite de fatigue de Wöhlercorrigée des effets biaisants pour un enrobé semi-grenu(ESG-10). Les essais ont été réalisés en traction–compressionsur des éprouvettes cylindriques de 80 mm de diamètre et de120 mm de longueur. L’évolution de la norme des modulescomplexes, d’un essai réalisé pour une amplitude de défor-mation de 170 mm/m, est présentée à la figure 10a. Pour cet

essai, l’application du critère classique à partir des résultatsnon corrigés (Nf50 %) montre que la durée de vie correspon-dante se présente dans la phase III. La figure 10b présentel’évolution du dommage calculé à partir du modèle non lin-aire permettant de se soustraire aux effets biaisants. Pour cetessai, la valeur de la durée de vie établie pour une perte de25 % de la norme du module complexe jE�

Fj demeure une va-leur représentative.Nous avons corrigé les modules complexes mesurés sui-

vant la méthode DGCB pour une série d’essais de fatigueréalisée sur un enrobé ESG-10. La droite de fatigue de Wöh-ler a été tracée pour cette série d’essais à partir des durées devie établies suivant le critère classique de rupture appliquéesur les résultats non corrigés (fig. 11a). À partir de la normedes modules complexes corrigés, les courbes de fatigue de

Fig. 10. Résultats d’un essai classique de fatigue en traction–compression, en contrôle de déformation (30 = 170 mm/m), sur une éprouvettecylindrique (f80 × 120 mm2) d’un enrobé ESG-14 confectionné avec un bitume de PG 70-28 (Tessai = 10 °C ; fr = 10 Hz ; éq. [15] :B = –0,069 et N0 = 9022,2).

Fig. 11. Résultats d’une série d’essais de fatigue en traction–compression, en contrôle de déformation (30 : 120, 160, 200, 225, 240 et270 mm/m), sur des éprouvettes cylindriques (f80 × 120 mm2) d’un enrobé ESG-10 confectionné avec un bitume de PG 64-34(Tessai = 10 °C ; fr = 10 Hz).

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Wöhler pour des critères de rupture fixés à 25 % et 20 % deperte de jE�

Fj sont présentées aux figures 11b et 11c respec-tivement. Pour les trois droites de Wöhler, les coefficientsont été déterminés et reportés à la figure 11.

9. ConclusionLes différents modèles utilisés dans les méthodes

mécanistiques-empiriques de dimensionnement pour dé-crire la performance en fatigue des matériaux bitumineuxsont basés sur l’approche de Wöhler (droite de fatigue).La correspondance entre les coefficients retenus pour lesdifférents modèles a été exposée, et l’exploitation des co-efficients proposés par les divers organismes est possibleen prenant soin de bien respecter les correspondances.Par ailleurs, l’endommagement par fatigue est un phéno-

mène de masse (non localisé). C’est par le biais de l’évolutiondu module complexe du matériau sous chargement cycliquesinusoïdal que l’on statue sur la résistance en fatigue d’un ma-tériau bitumineux. En cours d’essai, des effets biaisants inter-fèrent sur l’évolution du module complexe. Pour cernerl’endommagement lié essentiellement à la fatigue, il faut cor-riger le module mesuré. Dans cette voie, la méthode DGCBpermet un traitement simple et conduit à une analyse raffinéea priori plus correcte de la performance en fatigue des matéri-aux bitumineux.

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