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1                      N° 85 Mars 2017

Cour de cassation - N° 85 Mars 2017La Cour de cassation casse la décision des juges du fond au visa de l'article L. 1221-1 du code du travail. Reprenant le motif de principe énoncé

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    N° 85 Mars 2017

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    SOMMAIRE

    A ‐ CONTRAT DE TRAVAIL, ORGANISATION ET EXÉCUTION DU TRAVAIL ................................................ 3 

    B ‐ DURÉE DU TRAVAIL ET RÉMUNÉRATION…………………......................................................................10 

    C ‐ SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL ...................................................................................................... 19 

    D ‐ ACCORDS COLLECTIFS ET CONFLITS COLLECTIFS DU TRAVAIL………………………………………………….…. 19 E ‐ REPRÉSENTATION DU PERSONNEL ET ELECTIONS PROFESSIONNELLES ........................................ ..34 

    F ‐ RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL .............................................................................................. ..38 

    G ‐ ACTIONS EN JUSTICE ...................................................................................................................... ..44 

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    A - CONTRAT DE TRAVAIL, ORGANISATION ET EXÉCUTION DU TRAVAIL 1. Emploi et formation *CDD – Rupture Soc., 15 mars 2017 Rejet Arrêt n° 494 FS-P+B N° 15-24.028 - CA Montpellier, 1er juillet 2015 M. Frouin, Pt - M. David, Rap. - M. Richard de la Tour, Av. Gén. Sommaire Les dispositions d’ordre public de l’article L. 1243-1 du code du travail, dont il résulte que le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme que dans les seuls cas visés par ce texte, ne prohibent pas la stipulation de conditions suspensives. Ayant retenu qu’un joueur professionnel de basket-ball, lié à un club par un contrat de travail à durée déterminée régulièrement arrivé à son terme, avait conclu un second contrat de travail à durée déterminée pour la saison sportive suivante stipulant qu’il ne serait définitif qu’une fois remplies les conditions d’enregistrement par la fédération française de basket-ball et de passage d’un examen médical, pratiqué au plus tard trois jours après l’arrivée du joueur pour sa prise de fonction, la cour d’appel, qui a constaté l’absence d’une telle arrivée, en a exactement déduit que ce second contrat n’avait pas pris effet. *Existence du contrat de travail Soc., 7 mars 2017 Cassation partielle Arrêt n° 338 FS-P+B N° 15-16.865 - CA Aix-en-Provence, 19 février 2015 M. Frouin, Pt. - Mme Duvallet, Rap. - Mme Berriat, Av. Gén. Sommaire Une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un coemployeur à l'égard du personnel employé par une autre, hors l'existence d'un lien de subordination, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière. Une cour d'appel ne caractérise pas une situation de coemploi par le fait que les dirigeants de la filiale proviennent du groupe et soient en étroite collaboration avec la société dominante, que celle-ci ait apporté à sa filiale un important soutien financier et que pour le fonctionnement de la filiale aient été signées avec la société dominante une convention de trésorerie ainsi qu'une convention générale d'assistance moyennant rémunération et, dès lors viole l'article L. 1221-1 du code du travail.

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    Note : Par le présent arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation vient écarter, une nouvelle fois, la qualification de situation de coemploi. C'est par un arrêt du 19 juillet 2007 que la Haute juridiction a reconnu qu'une situation de coemploi était caractérisée par la confusion d’intérêts, d’activité et de direction entre l’employeur, partie au contrat de travail, et une entité juridiquement distincte, le plus souvent la société mère (Soc., 19 juin 2007, pourvoi n° 05-42.551, Bull. 2007, V, n° 109). La Cour a ensuite fait évoluer son contrôle vers la caractérisation par les juges du fond d'une confusion d'activités, d'intérêts et de direction conduisant la société mère à s'immiscer directement dans la gestion économique et sociale de sa filiale (arrêts Jungheinrich, Soc., 18 janvier 2011, pourvoi n° 09-69.199, Bull. 2011, V, n° 23 et Soc., 30 novembre 2011, pourvoi n° 10-22.964, Bull. 2011, V, n° 284 et arrêt Metaleurop, Soc., 28 septembre 2011, pourvoi n° 10-12.885, non publié). Il est précisé au Rapport annuel de la Cour de cassation de 2011 que « Ce n’est pas l’appartenance des sociétés à un même groupe qui permet de considérer qu’elles ont la qualité d’employeurs conjoints des salariés de la filiale et doivent à ce titre assumer les conséquences de licenciements économiques, mais l’existence de relations qui excèdent la nécessaire collaboration entre des entreprises d’un même groupe, en ce qu’elles révèlent l’ingérence directe de l’une d’elles dans la conduite de l’activité économique et sociale de l’autre et, par là, dans la direction de son personnel. En revanche, [...], une simple imbrication des intérêts entre des sociétés relevant du même groupe ne suffit pas à caractériser une situation de coemploi » (Rapport annuel de la Cour de cassation 2011, sous Soc., 30 novembre 2011, pourvoi n° 10-22.964, précité). Par un arrêt du 2 juillet 2014, dit arrêt Molex, la Haute juridiction a confirmé l’importance prise par ce critère d’immixtion dans la gestion économique et sociale de sa filiale par la société mère. Ainsi elle a cassé la décision des juges du fond au motif que « la nécessaire coordination des actions économiques existant entre les sociétés d’un même groupe », et « la domination économique » que peut exercer une société mère sur sa filiale, ne suffit pas à caractériser le coemploi. Il faut qu’existent entre celles-ci « une confusion d’intérêts, d’activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale » de l’une par l’autre (Soc., 2 juillet 2014, pourvoi n° 13-15.208, Bull. 2014, V, n° 159). Cet arrêt a confirmé que la notion de coemploi ne peut être mobilisée que pour sanctionner des rapports anormaux entre les sociétés du groupe et qu’elle ne doit donc être qu’exceptionnellement reconnue. Confirmant cette conception restrictive du coemploi, la chambre sociale a jugé par un arrêt du 10 décembre 2015 (Soc., 10 décembre 2015, pourvoi n° 14-19.316, Bull. 2015, V, publié au Bulletin des arrêts des chambres civiles) que ne suffisait pas à caractériser une situation de coemploi le fait que les dirigeants de la filiale proviennent du groupe, collaborent étroitement avec la société mère, et que celle-ci ait pris, dans les mois suivant le contrôle de la filiale, des décisions visant à sa réorganisation dans le cadre de la politique du groupe, puis renoncé à son concours financier destiné à éviter une liquidation judiciaire de la filiale, tout en s’impliquant dans les recherches de reclassement des salariés au sein du groupe.

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    Trois arrêts rendus le 6 juillet 2016 sont venus également confirmer cette jurisprudence : les arrêts Continental (Soc., 6 juillet 2016, pourvoi n° 14-27.266) et Proma (Soc., 6 juillet 2016, pourvoi n° 14-26.541) ne reconnaissant pas la caractérisation d'une situation de coemploi. L'arrêt 3 Suisses (Soc., 6 juillet 2016, pourvoi n° 15-15.481), en revanche, en a retenu l'existence en raison de la perte totale d'autonomie de la filiale par une immixtion permanente des sociétés du groupe dans sa gestion économique, technique et administrative ainsi que dans la gestion de ses ressources humaines notamment par la centralisation des recrutements au niveau du groupe. Dans l'affaire faisant l'objet du présent commentaire, trois salariés avaient été engagés par la société Grand Casino de Beaulieu exploitant une activité de casino. Cette société faisait partie d'un groupe dont la société mère était la SA Groupe Partouche. Les salariés ayant été licenciés pour motif économique à la suite de la mise en liquidation judiciaire de la société Grand Casino de Beaulieu, ils avaient saisi la juridiction prud'homale en contestation de cette mesure et avaient demandé la condamnation des deux sociétés sur le fondement du coemploi. La cour d'appel, pour retenir l'existence du coemploi, s'était fondée sur divers éléments :

    - la société Groupe Partouche était systématiquement représentée dans les organes des sociétés filiales du groupe ;

    - aux termes du préambule d'une convention de trésorerie liant la société mère à ses filiales, celles-ci reconnaissaient que la société Groupe Partouche était la société dominante du groupe et qu'elle disposait de représentants dans les organes de direction de toutes les sociétés du groupe et qu'elle exerçait à travers eux, dans les faits, un pouvoir de décision et de direction ;

    - la société mère et la société Grand Casino de Beaulieu étaient liées par une convention de prestation de service qui prévoyait l'intervention de la société mère à la demande de la filiale, contre rémunération, dans des prestations de services notamment de marketing, financiers, assistance technique, services de formation du personnel et d'aide au recrutement, services administratifs et de secrétariat général, services de gestion financière, services d'assistance comptable et services de centrale d'achat ou de référencement. Cette convention avait été complétée par un avenant proposant des services plus étendus ;

    - le dirigeant de la filiale devait soumettre son budget à la société mère, rendre régulièrement compte de sa gestion et appliquer les choix stratégiques de celle-ci en matière de politique commerciale, financière et de gestion administrative, comptable et sociale ;

    - la société mère avait permis, par son soutien financier anormalement élevé par rapport aux capacités de remboursement de la filiale, la poursuite de l'activité pendant des années et était intervenue dans la procédure de cessation d'activité.

    La Cour de cassation casse la décision des juges du fond au visa de l'article L. 1221-1 du code du travail. Reprenant le motif de principe énoncé dans l'arrêt Molex, la chambre sociale décide que ne caractérise pas une situation de coemploi, le fait que les dirigeants de la filiale proviennent du groupe et soient en étroite collaboration avec la société dominante, que celle-ci ait apporté à sa filiale un important soutien financier et que pour le fonctionnement de la filiale aient été signées avec la société dominante une convention de trésorerie ainsi qu'une convention générale d'assistance moyennant rémunération.

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    En effet, il n'est pas caractérisé une anormalité dans les rapports entre les deux sociétés, l'immixtion dans la gestion économique et sociale de la filiale, inhérente au groupe, ne dépassant pas le cadre normal des relations sociétaires dans un groupe. *Travailleurs étrangers en situation irrégulière Soc., 15 mars 2017 Cassation partielle Arrêt n° 492 FS-P+B+R+I N° 15-27.928 - CA Paris, 13 janvier 2015 M. Frouin, Pt. - Mme Guyot, Rap. - M. Richard de la Tour, Av. Gén. Sommaire Les dispositions d’ordre public de l’article L. 8251-1 du code du travail s’imposant à l’employeur qui ne peut, directement ou indirectement, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France, une salariée dans une telle situation ne saurait bénéficier des dispositions légales protectrices de la femme enceinte interdisant ou limitant les cas de licenciement. Note : Par l’arrêt ici commenté, la chambre sociale de la Cour de cassation tranche un conflit entre deux normes impératives : d’une part, la protection de la femme enceinte, d’autre part, l’interdiction d’emploi d’un étranger non muni d’un titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France. Les faits étaient les suivants : Mme X…, de nationalité marocaine, a été engagée le 25 octobre 2010 par les époux Z… en qualité d’auxiliaire parentale. Lors de son embauche, elle leur a remis une carte de séjour temporaire de vie privée et familiale avec autorisation de travail expirant le 31 octobre 2010. Le 21 avril 2011, l’autorité administrative a notifié aux époux Z… que l’autorisation de travail demandée pour la profession de garde d’enfant était refusée et qu’il était interdit à Mme X… d’exercer une activité salariée en France. Convoquée à un entretien préalable à son licenciement, l’intéressée a alors informé l’employeur de son état de grossesse. Elle a été licenciée le 20 juin 2011 au motif de l’interdiction de travail notifiée par la préfecture. La cour d’appel a considéré que l’interdiction de travail salarié notifiée à l’employeur justifiait le licenciement sans que puisse lui être opposée la protection de la femme enceinte. Cette protection résulte, en droit interne, de l’article L. 1225-4 du code du travail qui institue :

    - d’une part, une période de protection relative, s’appliquant dès le constat médical de grossesse jusqu'au départ en congé de maternité, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l’expiration des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles la salariée a droit au titre du congé de maternité [cette période de protection de quatre semaines, portée à dix semaines par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, n’étant suspendue que par la prise de congés payés suivant immédiatement le congé de maternité (Soc., 30 avril 2014, pourvoi n° 13-12.321,

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    Bull. 2014, V, n° 111 ; Soc., 8 juillet 2015, pourvoi n° 14-15.979, Bull. 2015, V, n° 150 ; Soc., 14 septembre 2016, pourvoi n° 15-15.943, publié au Bulletin des arrêts des chambres civiles)], au cours de laquelle le licenciement peut intervenir dans les cas limités prévus par la loi ;

    - d’autre part, une période de protection absolue, couvrant le congé de maternité, au cours de laquelle le contrat de travail est suspendu et le licenciement interdit, quel qu’en soit le motif.

    Ce texte intègre les exigences communautaires, l’article 10 de la directive 92/85/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail disposant que les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour interdire le licenciement des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes pendant la période allant du début de leur grossesse jusqu’au terme du congé de maternité sauf dans les cas d’exception non liés à leur état, admis par les législations nationales. La protection ne doit-elle pas être écartée lorsque la salariée en état de grossesse, ne dispose pas ou plus d’un titre de séjour l’autorisant à travailler ? En effet, l’article L. 8251-1 du code du travail édicte une interdiction d'ordre public, selon laquelle: « Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. Il est également interdit à toute personne d’engager ou de conserver à son service un étranger dans une catégorie professionnelle, une profession ou une zone géographique autres que celles qui sont mentionnées, le cas échéant, sur le titre prévu au premier alinéa » . La Cour de cassation devait donc opter entre des dispositions légales incompatibles entre elles, dont les finalités sont distinctes. Par un attendu de principe, elle décide que : « [L]es dispositions d’ordre public de l’article L. 8251-1 du code du travail s’imposant à l’employeur qui ne peut, directement ou indirectement, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France, une salariée dans une telle situation ne saurait bénéficier des dispositions légales protectrices de la femme enceinte interdisant ou limitant les cas de licenciement ». Ainsi, à l’instar des dispositions protectrices relatives au représentant du personnel, dont la chambre sociale juge qu’elles ne s’appliquent pas au salarié qui ne dispose pas ou plus de titre l’autorisant à travailler en France (Soc., 10 octobre 1990, pourvoi n° 88-43.683, Bull. 1990, V, n° 453), la protection de la femme enceinte, qu’elle soit relative ou absolue, cède devant l’interdiction d’ordre public, assortie de sanctions civiles et pénales, d’employer ou de conserver à son service un salarié dans une telle situation.

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    Conforme au droit de l'Union européenne prévoyant la possibilité de licencier une salariée enceinte pour un motif non lié à la grossesse, la solution retenue par la Cour de cassation fait prévaloir les dispositions de police des étrangers qui sont préalables à l'application d'une protection supposant un contrat de travail susceptible d'exécution. 2 - Droits et obligations des parties au contrat de travail *Pouvoir disciplinaire de l’employeur Soc., 23 mars 2017 Rejet Arrêt n° 542 FS-P+B N° 15-23.090 - CA Versailles, 9 juin 2015 M. Frouin, Pt. - M. Maron, Rap. - M. Weissmann, Av. Gén. Sommaire Une sanction disciplinaire autre que le licenciement ne peut être prononcée contre un salarié par un employeur employant habituellement au moins vingt salariés que si elle est prévue par le règlement intérieur prescrit par l'article L. 1311-2 du code du travail. Note : Cet arrêt du 23 mars 2017 permet à la chambre sociale de la Cour de cassation de préciser l’étendue du pouvoir disciplinaire d’un employeur ayant habituellement au moins vingt salariés, en l’absence de règlement intérieur. En l’espèce, l’employeur avait notifié à sa salariée un avertissement disciplinaire. Cette dernière avait saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes. Par une ordonnance confirmée en appel, il avait été ordonné à l'employeur de prendre la mesure propre à faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de cette sanction, qui n'était pas prévue dans un règlement intérieur. L'employeur a formé un pourvoi à l'encontre de cet arrêt, en soutenant que l’absence de règlement intérieur ne le privait pas de tout pouvoir disciplinaire hors la rupture du contrat de travail, La chambre sociale rejette cet argument et affirme qu’ « une sanction disciplinaire autre que le licenciement ne peut être prononcée contre un salarié par un employeur employant habituellement au moins vingt salariés que si elle est prévue par le règlement intérieur prescrit par l’article L. 1311-2 du code du travail ». L’article L. 1321-1, 3°, du code du travail dispose en effet que le règlement intérieur fixe exclusivement les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur. En outre, selon l’article L. 1311-2 du code du travail, l’établissement d’un tel règlement intérieur est « obligatoire dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins vingt salariés »

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    La chambre sociale en avait déjà déduit que dès lors que le règlement intérieur fixe les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur, une sanction ne peut être prononcée contre un salarié que si elle est prévue par ce règlement intérieur (Soc., 26 octobre 2010, pourvoi n° 09-42.740, Bull. 2010, V, n° 243). L’arrêt commenté reprend cette solution, en affirmant l’illicéité des sanctions disciplinaires non prévues par le règlement intérieur pour un employeur employant habituellement au moins vingt salariés. 3 - Modification dans la situation juridique de l'employeur *Transfert d’un salarié protégé Soc., 23 mars 2017 Rejet Arrêt n° 550 FS-P+B N° 15-24.005, 15-24.022, 15-24.831 - CA Aix-en-Provence, 19 juin 2015 M. Frouin, Pt - Mme Lambremon, Rap. - M. Weissmann, Av. Gén. Sommaire n° 3 Ne constituent pas une dérogation illicite aux dispositions d'ordre public de l'article L. 1224-1 du code du travail, les dispositions d'un accord d'entreprise prévoyant qu'antérieurement à la cession d'une des sociétés faisant partie d'une UES, une proposition de transfert dans une autre entité de l'UES sera faite aux salariés titulaires d'un mandat syndical ou électif pour permettre la poursuite de leur contrat de travail et de l'exercice de leur mandat au sein de cette UES. 4 - Contrats particuliers *Travail temporaire Soc., 1er mars 2017 Cassation sans renvoi Arrêt n° 426 FS-P+B+R+I N° 15-16.988 - CPH Vesoul, 16 février 2015 M. Frouin, Pt. - Mme Ducloz, Rap. - Mme Courcol-Bouchard, Pr. Av. Gén. Sommaire Les primes allouées pour l'année entière, qui ont pour objet de rémunérer des périodes de travail et de congés réunis, n'ont pas à être incluses dans l'assiette de calcul de l'indemnité compensatrice de congés payés versée par l'entreprise de travail temporaire au salarié intérimaire. Note : La chambre sociale de la Cour de cassation se prononce, par la présente décision, sur l’assiette de calcul de l’indemnité compensatrice de congés payés versée par une entreprise de travail

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    temporaire au travailleur intérimaire. La question posée par le pourvoi était celle de savoir si les primes versées annuellement par l’entreprise utilisatrice devaient ou non être incluses dans cette assiette de calcul. La chambre sociale y répond par la négative, jugeant que les primes allouées pour l’année entière, qui ont pour objet de rémunérer des périodes de travail et de congés réunies, n’ont pas à être intégrées dans l’assiette de calcul de l’indemnité compensatrice de congés payés versée par l’entreprise de travail temporaire au salarié intérimaire. Par application des dispositions combinées des articles L. 1251-19 et D. 3141-8 du code du travail dans leur rédaction applicable, l'indemnité compensatrice de congés payés due au travailleur intérimaire est calculée en fonction de la rémunération totale brute prévue à l'article L. 3141-22 du même code, à laquelle s'ajoute l'indemnité de fin de mission. Or, la chambre sociale de la Cour de cassation juge, au visa de l'article L. 3141-22 du code du travail, que les primes versées annuellement, et qui ne sont donc pas affectées par la prise de congés, n'entrent dans l'assiette ni de l'indemnité de congés payés ni de l'indemnité compensatrice de congés payés (Soc., 1er juillet 1998, pourvoi n° 96-40.421, Bull. 1998, V, n° 361 ; Soc., 8 juin 2011, pourvoi n° 09-71.056, Bull. 2011, V, n° 152, Soc., 14 mai 2014, pourvoi n° 12-35.033, Bull. 2014, V, n° 121). L'application stricte des textes et leur interprétation par la chambre sociale de la Cour de cassation conduit donc à exclure les primes versées annuellement par l'entreprise utilisatrice de l'assiette de calcul de l'indemnité compensatrice de congés payés servie au salarié intérimaire. Cette solution est de nature à assurer l’égalité de traitement entre les salariés permanents de l’entreprise et les travailleurs intérimaires au regard de l’avantage considéré, qui est le droit à une indemnité compensatrice de congés payés. Placés dans une situation identique, celle de ne pas avoir été en mesure d’exercer effectivement leurs droits à congés avant la cessation du contrat, aucun élément ne permettait de justifier que, pour les premiers, les primes versées annuellement devaient être exclues de l’assiette de calcul de l’indemnité compensatrice de congés payés, alors qu’elles auraient dû y être incluses pour les seconds. B - DURÉE DU TRAVAIL ET RÉMUNÉRATIONS 1- Durée du travail, repos et congés *Durée du travail des personnels des entreprises de restauration ferroviaire Soc., 1er mars 2017 Cassation partielle Arrêt n° 423 FS-P+B N° 14-26.106 - CPH Paris, 4 septembre 2014 M. Frouin, Pt. - M. Belfanti, Rap. - M. Liffran, Av. Gén.

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    Sommaire Instauré à des fins de préservation de la santé et de la sécurité des salariés, le repos, prévu par l'article 8 du décret n° 2003-849 du 4 septembre 2003 relatif aux modalités d'application du code du travail concernant la durée du travail du personnel des entreprises de restauration ferroviaire, doit suivre immédiatement la journée de travail y ouvrant droit, peu important que celle-ci coïncide avec un jour habituellement non travaillé. Note : L'article 8 du décret n° 2003-849 du 4 septembre 2003 relatif aux modalités d'application du code du travail concernant la durée du travail du personnel des entreprises assurant la restauration dans les trains prévoit que, pour permettre à un même salarié d'assurer le service à bord d'un train sur la totalité du parcours, il peut être dérogé à la durée quotidienne maximale du travail fixée à l'article L. 212-1, devenu L. 3121-34 du code du travail, en sa rédaction alors applicable, et qu'en contrepartie, selon leur durée et le nombre d'heures de travail qu'ils représentent, certains voyages doivent obligatoirement être suivis d'un ou plusieurs jours de repos. Dans la présente affaire, plusieurs salariés engagés en qualité de commerciaux de bord à temps partiel par une société assurant la restauration dans les trains, avaient saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de diverses sommes notamment au regard du positionnement par l'employeur des jours de repos sur les jours non travaillés. Le conseil de prud'hommes avait fait droit à cette demande au motif qu'il existait une différence de nature entre ces deux types de jours dans la mesure où les jours de repos obligatoires visaient à compenser les sujétions résultant de la durée et du nombre d'heures de certains voyages, ainsi qu'il ressort clairement de l'article 8 du décret précité, alors que les jours non travaillés correspondent aux jours durant lesquels les salariés n'exécutent pas de prestation de travail du fait du temps partiel, de sorte que l'employeur ne pouvait imputer des jours de repos obligatoires sur les jours non travaillés. La question posée à la chambre sociale de la Cour de cassation était donc la suivante : les jours de repos prévus par l'article 8 du décret, peuvent-ils être positionnés par l'employeur sur les jours non travaillés prévus dans le contrat de travail de chacun des salariés travaillant à temps partiel ? La Cour décide qu'il résulte des dispositions de l'article 8 du décret que le repos qu'il institue est instauré à des fins de préservation de la santé et de la sécurité des salariés et qu'il doit suivre immédiatement la journée de travail y ouvrant droit, peu important que celle-ci coïncide avec un jour habituellement non travaillé. Cette solution, qui assure au salarié l'exercice effectif d'un droit au repos dès la fin de la durée du travail journalier, répond donc aux exigences constitutionnelles et communautaires de droit à la santé et au repos de tout travailleur (alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs ; article 17, § 1, de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 ;

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    article 17, § 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne). *Heures supplémentaires Soc., 1er mars 2017 Cassation partielle Arrêt n° 425 FS-P+B+R+I N° 16-10.047 - CA Versailles, 3 novembre 2015 M. Frouin, Pt. - M. Flores, Rap. - M. Liffran, Av. Gén. Sommaire Les dispositions de l’article L. 3121-11, alinéa 1, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, permettent de fixer par voie d’accord d’entreprise ou d’établissement le contingent d’heures supplémentaires à un niveau différent de celui prévu par l’accord de branche, quelle que soit la date de conclusion de ce dernier. Note : L’article 18 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a ouvert la possibilité de fixer par voie d’accord d’entreprise ou d’établissement le contingent annuel des heures supplémentaires à un niveau différent de celui retenu par l’accord de branche applicable en énonçant que : « des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche ». Dans l’espèce en cause, un accord d’entreprise du 19 avril 2011 avait porté à 220 heures par an le contingent des heures supplémentaires, alors qu’un accord de branche du 4 mai 2004 l’avait fixé à 130 heures. La question posée par le pourvoi était donc de déterminer si les partenaires sociaux avaient la possibilité de déroger à un accord de branche antérieur à la loi nouvelle. Une telle question s’était déjà posée avec la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social qui, rompant avec les règles antérieures, avait ouvert, dans un certain nombre de domaines, la possibilité de déroger par accord d’entreprise, même dans un sens défavorable aux salariés, aux dispositions d’un accord de branche. Mais, à raison des termes mêmes de la loi, cette faculté ne pouvait s’exercer que dans des conditions strictes de non-rétroactivité. L’article 45 de cette loi disposait en effet que « la valeur hiérarchique accordée par leurs signataires aux conventions et accords conclus avant l’entrée en vigueur de la présente loi demeure opposable aux accords de niveaux inférieurs ». Dès lors, un accord d’entreprise, même conclu postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, ne pouvait déroger par des clauses moins favorables à une convention collective de niveau supérieur conclue antérieurement à cette date. Ainsi avait-il été jugé qu’un accord collectif d’entreprise, même conclu postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, ne pouvait déroger par des clauses moins favorables à une convention collective de niveau supérieur conclue antérieurement à cette date, à moins que les signataires de cette convention n’en aient

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    disposé autrement (Soc., 9 mars 2011, pourvoi n° 09-69.647, Bull. 2011, V, n° 73, publié également au Rapport annuel de la Cour de cassation). En allait-il de même avec la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 rédigée en des termes très différents de ceux de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, et qui ne comportait pas d’équivalent de l’article 45 de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 ? Il était permis d’en douter dans la mesure où cette loi, souhaitant donner toute sa mesure à l’accord d’entreprise et inciter les entreprises à renégocier, avait initialement prévu que les accords antérieurs à la loi nouvelle resteraient en vigueur au plus tard jusqu’au 31 décembre 2009. Mais le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution cette disposition de la loi, « considérant, dès lors, qu'eu égard à l'atteinte ainsi portée aux conventions en cours, la première phrase du IV de l'article 18, qui supprime les clauses antérieures relatives aux heures supplémentaires, méconnaît les exigences constitutionnelles rappelées ci-dessus et doit, par suite, être déclarée contraire à la Constitution » (Cons. const., 7 août 2008, décision n° 2008-568 DC, Loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, § 20). Cependant, le Conseil en a préservé l’esprit en ajoutant clairement « qu’au demeurant, le législateur ayant entendu, en adoptant l’article 18, modifier l’articulation entre les différentes conventions collectives pour développer la négociation d’entreprise en matière d’heures supplémentaires, il s’ensuit qu’en l’absence de la première phrase de son IV [déclarée contraire à la Constitution], les dispositions de son I [selon lesquelles, notamment, “des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche (article L. 3121-11)”], s’appliquent immédiatement et permettent la négociation d’accords d’entreprise nonobstant l’existence éventuelle de clauses contraires dans des accords de branche » (§ 20). La chambre sociale de la Cour de cassation tire donc les conséquences de cette décision du Conseil constitutionnel pour déterminer la portée de l’article L. 3121-11 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable. Elle juge, dans l’arrêt ici commenté, que ce texte est d’application immédiate et permet de fixer par voie d’accord d’entreprise ou d’établissement le contingent d’heures supplémentaires à un niveau différent de celui prévu par l’accord de branche, quelle que soit la date de conclusion de ce dernier. L’accord de branche ne peut donc, en aucune manière, limiter sur ce point les pouvoirs des partenaires sociaux pour la conclusion d’accords de niveau inférieur. On notera enfin que, selon la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, les règles de fixation du contingent d’heures supplémentaires relèvent du champ de la négociation collective et que le nouvel article L. 3121-33 du code du travail maintient le principe de la subsidiarité de l’accord de branche par rapport à l’accord d’entreprise ou d’établissement. *Réduction du temps de travail Soc., 1er mars 2017 Cassation partielle Arrêt n° 420 FS-P+B N° 15-20.052 - CA Lyon, 13 février 2015 M. Frouin, Pt - Mme Goasguen, Rap. - M. Liffran, Av. Gén.

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    Sommaire Il résulte de l'accord du 14 décembre 2001 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail conclu dans le cadre de la convention collective nationale de commerces de gros du 23 juin 1970 qu'en cas de réduction de leur temps de travail à 35 heures, les entreprises devront maintenir le salaire de base contractuel des salariés identique à celui qu'ils percevaient à la date d'application de la réduction du temps de travail, ce maintien pouvant être réalisé par le versement d'un complément différentiel. Viole cet accord et les articles L. 3121-10 et L. 3121-22 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable, la cour d'appel qui, ayant constaté qu'au sein de l'entreprise, la durée du travail avait été maintenue à 39 heures, devait en déduire que les heures accomplies entre 35 et 39 heures étant déjà rémunérées par le salaire correspondant à 39 heures, seules étaient dues au salarié les majorations pour heures supplémentaires. 2- Rémunérations * Alsace-Moselle Soc., 15 mars 2017 Rejet Arrêt n° 488 FS-P+B N° 13-17.195 – CPH Metz, 20 janvier 2015 M. Frouin, Pt. – Mme Goasguen, Rap. – Mme Courcol-Bouchard, Pr. Av. Gén. Sommaire Aux termes de l’article L. 1226-23 du code du travail, le salarié dont le contrat de travail est suspendu pour une cause personnelle indépendante de sa volonté et pour une durée relativement sans importance a droit au maintien de son salaire. Justifie légalement sa décision le conseil de prud’hommes qui, pour faire droit à la demande d’une salariée à ce titre, retient que l’intéressée avait été absente pour une durée de seulement dix jours et que l’état de santé de son concubin nécessitait sa présence indispensable à son chevet, caractérisant ainsi une cause personnelle indépendante de sa volonté de la salariée. Note : En l'espèce, une salariée s'était absentée pendant dix jours pour rester au chevet de son concubin. Cette absence ayant été décomptée de son salaire au titre d'un congé sans solde, la salariée a saisi la juridiction prud'homale, pour obtenir la condamnation de son employeur à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaire et des congés payés y afférents. Le conseil de prud'hommes a fait droit à ses demandes sur le fondement de l'article L. 1226-23 du code du travail. L'employeur a formé un pourvoi en cassation en soutenant en premier lieu que la maladie du concubin de la salariée n'est pas une cause personnelle de son absence, la salariée n'étant pas personnellement affectée. Il faisait également valoir que le conseil de prud'hommes n'a pas

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    caractérisé l'empêchement pour la salariée d'effectuer sa prestation de travail, pas plus que l'absence de faute de la salariée, et qu'il ne pouvait se contenter d'une affirmation péremptoire selon laquelle une absence de dix jours est relativement sans importance, alors que l'appréciation de la durée de l'absence doit s'apprécier in concreto. Rappelons que l'article L. 1226-23 du code du travail, qui transpose l'ancien article 616 du code civil local, dispose que « le salarié dont le contrat de travail est suspendu pour une cause personnelle indépendante de sa volonté et pour une durée relativement sans importance a droit au maintien de son salaire ». Cette disposition du code du travail particulière aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, garantit aux salariés de droit privé, exerçant leur activité principalement dans ces départements, le maintien de leur salaire, lorsqu'ils sont empêchés de travailler, pendant une courte durée, pour une cause personnelle et indépendante de leur volonté. Le régime exclut ainsi tout délai de carence (Soc., 4 janvier 2000, pourvoi n° 97-44.054, Bull. 2000, V, n° 1), de sorte que le maintien du salaire est effectif dès le premier jour d'absence. Selon le texte, l'absence du salarié doit être due à une cause personnelle indépendante de sa volonté. Dans sa rédaction d'origine, l'article 616 du code civil local devenu l'article L. 1226-3 du code du travail prévoyait que « L'obligé à la prestation de service ne perd pas sa prétention à la rémunération par le fait qu'il aurait été empêché d'effectuer sa prestation de services pour une cause qui lui était personnelle, sans sa faute, pendant un temps relativement sans importance » (JurisClasseur Alsace-Moselle, Fascicule 667, Maintien du salaire en cas d'absence du salarié, 2-Contenu des dispositions de droit local). Le texte visait ainsi une cause personnelle au salarié « sans sa faute ». Lors de la recodification en 2008, la condition d'absence de faute a été remplacée par la nécessité d'une cause « indépendante de la volonté » du salarié (article L. 1226-23 du code du travail). La Cour de cassation en a déduit que le texte était applicable à l'absence de courte durée d'un salarié nécessitée par la garde de ses enfants malades (Soc., 19 juin 2002, pourvoi n° 00-41.736, Bull. 2002, V, n° 206). S'inscrivant dans la lignée de cette jurisprudence, le présent arrêt étend la cause personnelle d'absence à la maladie du concubin rendant indispensable la présence de la salariée à son chevet. La Haute juridiction approuve ainsi les juges du fond d'avoir caractérisé une cause personnelle indépendante de la volonté de la salariée après avoir constaté qu'un certificat médical du médecin traitant attestait que l'état de santé de son concubin nécessitait sa présence indispensable à son chevet. L'article L. 1226-23 du code du travail exige par ailleurs que l'absence du salarié ait été d'une durée relativement sans importance.

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    Sous l'empire de l'ancien texte, la Cour de cassation avait jugé qu'aucune durée n'étant prévue par l'article 616 du code civil local, il appartenait au juge d'apprécier si, compte tenu des circonstances de l'espèce, les absences du salarié constituaient un temps relativement sans importance (Soc., 25 novembre 1992, pourvoi n° 90-41.118, Bull. 1992, V, n° 574). Ainsi, les juges du fond ne sauraient fixer, par analogie à d'autres dispositions de droit local, la durée de prise en charge par l'employeur en cas de maladie à six semaines (Soc., 29 janvier 1992, pourvoi n° 90-40.033, Bull. 1992, V, n°49 ; Soc., 25 novembre 1992, pourvoi n° 90-41.118, précité). La Cour de cassation a encore jugé qu'un conseil de prud’hommes qui avait relevé une absence de 14 jours, puis de 25 jours l'année suivante, avait fait ressortir que le salarié satisfaisait à la condition posée par l'article 616 du Code civil local relative à la durée de l'absence (Soc., 2 décembre 1998, pourvoi n° 96-44.416, Bull. 1998, V, n° 531). Dans l'arrêt commenté, la Haute juridiction rappelle le caractère souverain de l'appréciation par les juges du fond de la durée « relativement sans importance », en l'espèce, une durée de seulement dix jours. *Avantage en nature Soc., 1er mars 2017 Rejet Arrêt n° 398 F-P+B N° 15-18.333 - CA Fort-de-France, 13 février 2015 M. Frouin, Pt. - M. Belfanti, Rap. - Mme Robert, Av. Gén. Sommaire Le ticket-restaurant, qui constitue un avantage en nature payé par l'employeur entrant dans la rémunération du salarié, ne constitue pas une fourniture diverse au sens de l'article L. 3251-1 du code du travail. Note : Dans la présente affaire, deux salariés qui bénéficiaient de tickets-restaurant s'étaient opposés à ce que leur contribution à l’achat de ces tickets fût prélevée par compensation sur leur salaire net. L’employeur qui les avait d’abord autorisés unilatéralement à payer leur contribution en espèces était ensuite revenu sur sa décision. Ces salariés avaient saisi chacun individuellement la juridiction prud’homale pour contester ce mode de paiement. Confirmant les deux jugements rendus initialement, les juges du second degré ont débouté les salariés de toutes leurs demandes. Deux pourvois en cassation ont alors été formés par les salariés, dans lesquels ils soutenaient que le ticket-restaurant constituait, nonobstant sa qualification d’avantage en nature, une fourniture diverse au sens de l’article L. 3251-1 du code du travail, de sorte que l’employeur ne pouvait opérer de retenue sur salaire pour leur règlement.

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    La Haute juridiction rejette cet argument et précise que le ticket-restaurant constitue un avantage en nature, mais n’est pas une fourniture diverse au sens de l’article L. 3251-1 du code du travail. Selon l’article L. 3262-1 du code du travail, le ticket-restaurant, ou titre-restaurant, est un « titre spécial de paiement remis par l'employeur aux salariés pour leur permettre d'acquitter en tout ou en partie le prix du repas consommé au restaurant ou acheté [auprès d’un détaillant en fruits et légumes] ». La contribution de l’employeur peut être exonérée à la fois de cotisations sociales en application de l’article L. 131-4 du code de la sécurité sociale, et d’impôt sur le revenu en application de l’article 81, 19°, du code général des impôts. Pour cela, cette contribution doit être comprise entre 50 % et 60 % de la valeur libératoire des titres, en application de l’article 6 A de l’annexe 4 au code général des impôts, et ne doit pas dépasser un plafond calculé en fonction des dispositions de l’article 81, 19°, du code général des impôts précité (5,38 euros pour 2017). Le montant restant du titre doit ainsi être pris en charge par le salarié. La chambre sociale s'est déjà prononcée sur la nature du ticket-restaurant, en retenant qu'il constituait un avantage en nature payé par l’employeur qui entrait dans la rémunération du salarié (Soc., 29 novembre 2006, pourvoi n° 05-42.853, Bull. 2006, V, n° 366). En l'espèce, se fondant sur l'article L. 3251-1 du code du travail, les salariés affirmaient qu’en plus d’être un avantage en nature, les tickets-restaurants étaient une fourniture diverse, de sorte que l'employeur ne pourrait pas opérer une retenue sur salaire pour le financement de ces titres. L'article L. 3251-1 du code du travail dispose en effet que « l'employeur ne peut opérer une retenue de salaire pour compenser des sommes qui lui seraient dues par un salarié pour fournitures diverses, quelle qu'en soit la nature ». La Haute juridiction rejette cette argumentation et affirme que la qualification d’avantage en nature payé par l’employeur entrant dans la rémunération du salarié exclut celle de fourniture diverse. L’employeur est en conséquence fondé à prélever la part contributive des salariés sur leur salaire net. *Garantie AGS Soc., 8 mars 2017 Rejet Arrêt n° 442 FS-P+B N° 15-29.392 - CPH Havre, 30 octobre 2015 M. Frouin, Pt - Mme Geerssen, Rap. - M. Petitprez, Av. Gén. Sommaire Le plafond de garantie des salaires de l'AGS s'entend de la totalité des créances salariales en ce compris le précompte effectué par l'employeur en vertu de l'article L. 242-3 du code de la sécurité sociale au profit des organismes sociaux.

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    Note : Une entreprise, placée en liquidation en judiciaire, a procédé au licenciement économique de l'un de ses salariés. Un contentieux relatif à la détermination du plafond de garantie des salaires est né entre le salarié licencié d'une part, l'AGS et le mandataire liquidateur d'autre part. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir dire et juger que l'AGS est tenue de garantir les sommes dues dans la limite d'un plafond net et que, par voie de conséquence, le solde lui revenant s'exprime en net. L'AGS faisait valoir au contraire que le plafond de garantie doit s'apprécier en salaire brut. Le conseil de prud'hommes a rejeté la demande du salarié au motif que « les cotisations précomptées par l'employeur sont une dette personnelle du salarié, dont celui-ci s’acquitte au moyen de la rémunération versée par l'employeur, que par conséquent la créance salariale du salarié est nécessairement préexistante à sa dette ». Or l'AGS, par le jeu de la substitution, assure « le paiement pour le compte du salarié des cotisations dont il a la charge et ne devient pas débitrice personnelle de ces cotisations (…) ainsi le plafond de l'AGS doit s'apprécier par rapport au salaire brut qui constitue la créance du salarié et non pas par rapport au salaire net qui n'en représente qu'une fraction ». Le salarié a formé un pourvoi pour violation de l'article L. 3253-17 du code du travail, lequel disposait, dans sa rédaction en vigueur jusqu'à la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, que « la garantie des institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 est limitée, toutes créances du salarié confondues, à un ou des montants déterminés par décret, en référence au plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions du régime d'assurance chômage ». Le salarié rappelait dans son mémoire un arrêt de la Cour de cassation par lequel elle avait jugé que « le plafond de garantie ne concerne que le montant des créances du salarié, à l'exclusion des cotisations et contributions versées aux organismes sociaux qui ne sont pas des créances du salarié » (Soc., 2 juillet 2014, pourvoi n° 13-11.948, Bull. 2014, V, n° 163). Par le présent arrêt, la Cour de cassation rejette le pourvoi du salarié en jugeant que : « le plafond de garantie des salaires de l’AGS s’entend de la totalité des créances salariales, en ce compris le précompte effectué par l’employeur en vertu de l’article L. 242-3 du code de la sécurité sociale au profit des organismes sociaux ». C'est dans ce même sens que l'article 99 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a modifié l'article L. 3253-17. Cet article dispose désormais que « la garantie des institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 est limitée, toutes sommes et créances avancées confondues, à un ou des montants déterminés par décret, en référence au plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions du régime d'assurance chômage, et inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale, ou d'origine conventionnelle imposée par la loi ». La disposition, qui n'était certes pas applicable à la présente procédure en cours au jour de la publication de ladite loi, prévoit ainsi clairement que les cotisations sociales doivent être déduites du plafond de garantie, lequel s'exprime donc en sommes brutes, pour déterminer, in fine, ce qui revient au salarié.

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    *Primes Soc., 1er mars 2017 Rejet Arrêt n° 401 FS-P+B N° 15-21.568 - CA Saint-Denis de La Réunion, 14 avril 2015 M. Frouin, Pt - M. Belfanti, Rap. - Mme Robert, Av. Gén. Sommaire Il résulte de l'article 6. 2. 3. 1. de la convention collective nationale des missions locales et permanences d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO) du 21 février 2001 que l'indemnité de responsabilité n'est due qu'à celui qui assure la responsabilité effective de la mission locale. C - SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL 5- Travailleur victime de l’amiante *Préjudice d’anxiété Soc., 2 mars 2017 Rejet Arrêt n° 383 F-P+B N° 15-23.334 – CA Aix-en-Provence, 12 juin 2015 M. Frouin, Pt - M. Silhol, Rap. Sommaire Ayant relevé, d'une part que le salarié avait travaillé dans un établissement mentionné à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur la liste établie par arrêté ministériel du 7 juillet 2000, d'autre part que pendant la période visée par cet arrêté, l'intéressé avait occupé un poste susceptible d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité, de sorte qu'il était fondé à obtenir l'indemnisation de son préjudice d'anxiété, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer d'autre recherche, a légalement justifié sa décision. D - ACCORDS COLLECTIFS ET CONFLITS COLLECTIFS DU TRAVAIL 1- Accords et conventions collectives Soc., 7 mars 2017 Rejet Arrêt n° 335 FS-P+B+R+I N° 14-27.229 - C.A. Chambéry, 30 septembre 2014 M. Frouin, Pt - Mme Sabotier, Rap. - Mme Berriat, Av. Gén. Sommaire

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    La Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 17 décembre 2015 (C-25/14 et C-26/14) a dit pour droit que c'est l'arrêté d'extension de l'accord collectif confiant à un unique opérateur, choisi par les partenaires sociaux, la gestion d'un régime de prévoyance complémentaire obligatoire au profit des salariés, qui a un effet d'exclusion à l'égard des opérateurs établis dans d'autres Etats membres et qui seraient potentiellement intéressés par l'exercice de cette activité de gestion. Il apparaît que dans un mécanisme tel que celui en cause, c'est l'intervention de l'autorité publique qui est à l'origine de la création d'un droit exclusif et qui doit ainsi avoir lieu dans le respect de l'obligation de transparence découlant de l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Par une décision du 8 juillet 2016, le Conseil d’Etat, considérant qu'il n'avait pas été précédé d'une publicité adéquate permettant aux opérateurs intéressés de manifester leur intérêt pour la gestion des régimes de prévoyance concernés avant l'adoption de la décision d'extension, a annulé l'article 6 de l'arrêté du 23 décembre 2011 en tant qu'il étend l'article 6 de l'avenant n° 100 du 27 mai 2011 à la convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie, à effet du 1er janvier 2017, sous réserve des actions contentieuses mettant en cause des actes pris sur son fondement engagées avant le 17 décembre 2015. S'agissant du droit de l'Union européenne, dont le respect constitue une obligation, tant en vertu du Traité sur l'Union européenne et du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qu'en application de l'article 88-1 de la Constitution, il résulte du principe d'effectivité issu des dispositions de ces Traités, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le juge national chargé d'appliquer les dispositions du droit de l'Union a l'obligation d'en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire. A cet effet, il doit pouvoir, en cas de difficulté d'interprétation de ces normes, en saisir lui-même la Cour de justice de l’Union européenne à titre préjudiciel ou, lorsqu'il s'estime en état de le faire, appliquer le droit de l'Union, sans être tenu de saisir au préalable la juridiction administrative d'une question préjudicielle, dans le cas où serait en cause devant lui, à titre incident, la conformité d'un acte administratif au droit de l'Union européenne. Il en résulte que l'arrêté du 16 octobre 2006 simplement précédé de la publicité prévue à l'article L. 133-14 du code du travail, alors applicable, qui ne peut être regardée comme ayant permis aux opérateurs intéressés de manifester leur intérêt pour la gestion des régimes de prévoyance concernés avant l'adoption de la décision d'extension, incompatible avec les règles issues du droit de l'Union tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, doit voir son application écartée en l'espèce. Soc., 7 mars 2017 Cassation Arrêt n° 349 FS-P+B+R+I N° 14-23.193 - CA Besançon, 18 juin 2014 M. Frouin, Pt - Mme Sabotier, Rap. - Mme Berriat, Av. Gén. Sommaire La Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt du 17 décembre 2015 (C-25/14 et C-26/14) a dit pour droit que c’est l’arrêté d'extension de l’accord collectif confiant à un unique opérateur, choisi par les partenaires sociaux, la gestion d’un régime de prévoyance complémentaire obligatoire au profit des salariés, qui a un effet d'exclusion à l'égard des

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    opérateurs établis dans d'autres États membres et qui seraient potentiellement intéressés par l'exercice de cette activité de gestion. Il apparaît que dans un mécanisme tel que celui en cause, c'est l'intervention de l'autorité publique qui est à l'origine de la création d'un droit exclusif et qui doit ainsi avoir lieu dans le respect de l'obligation de transparence découlant de l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. S'agissant du droit de l'Union européenne, dont le respect constitue une obligation, tant en vertu du Traité sur l'Union européenne et du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qu'en application de l'article 88-1 de la Constitution, il résulte du principe d'effectivité issu des dispositions de ces Traités, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le juge national chargé d'appliquer les dispositions du droit de l'Union a l'obligation d'en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire. A cet effet, il doit pouvoir, en cas de difficulté d'interprétation de ces normes, en saisir lui-même la Cour de justice de l’Union européenne à titre préjudiciel ou, lorsqu'il s'estime en état de le faire, appliquer le droit de l'Union, sans être tenu de saisir au préalable la juridiction administrative d'une question préjudicielle, dans le cas où serait en cause devant lui, à titre incident, la conformité d'un acte administratif au droit de l'Union européenne. Il en résulte que l'arrêté du 16 octobre 2006 simplement précédé de la publicité prévue à l'article L. 133-14 du code du travail, alors applicable, qui ne peut être regardée comme ayant permis aux opérateurs intéressés de manifester leur intérêt pour la gestion des régimes de prévoyance concernés avant l'adoption de la décision d'extension, incompatible avec les règles issues du droit de l'Union tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, doit voir son application écartée en l’espèce. Note commune aux 2 arrêts Ces deux affaires s’inscrivent dans le contentieux nourri dont font l’objet les clauses de désignation et de migration contenues dans différents accords de branche et qui font obligation aux entreprises adhérentes d’une organisation patronale signataire de souscrire les garanties qu’ils prévoient auprès de l’assureur qu’ils désignent (clauses de désignation), y compris lorsqu’elles disposent de leur propre dispositif de couverture (clauses de migration). Au cas particulier, étaient en cause deux avenants à la convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie du 19 mars 1976, étendue par arrêté du 21 juin 1978, par lesquels les représentants des employeurs et des organisations syndicales représentatives des salariés ont décidé de mettre en œuvre un régime de remboursement complémentaire obligatoire des frais de santé des salariés de ce secteur : d’une part l’avenant n° 83 du 24 avril 2006 relatif à la mise en place d'un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé ; d’autre part l’avenant n° 100 du 27 mai 2011 relatif à la désignation des organismes assureurs. L’institution AG2R Réunica prévoyance a été désignée aux termes de chacun de ces avenants, pour une durée de cinq ans, comme unique gestionnaire du régime. Ces accords ont été étendus au plan national à toute la branche de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie, par arrêtés ministériels respectivement en date des 16 octobre 2006 et 23 décembre 2011.

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    Saisi d’un recours en excès de pouvoir contre l’arrêté du 16 octobre 2006, le Conseil d’Etat l’a rejeté (CE, 19 mai 2008, n° 298907, Mme Béatrice A.), considérant notamment que « les dispositions des directives 92/49/CEE et 92/96/CEE des 18 juin et 10 novembre 1992 ne s’opposent pas […] à ce qu’un tel accord désigne, en application de l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, un organisme assureur unique chargé d’organiser la couverture des risques énoncés à l’article L. 911-2 du même code ». De la même manière, la chambre sociale de la Cour de cassation a reconnu la validité de telles clauses (voir, par exemple, Soc., 10 octobre 2007, pourvoi n° 05-15.850, Bull. 2007, V, n° 155) et censuré la décision des juges du fond qui avaient rejeté la demande aux fins de condamnation d’un artisan boulanger refusant de s’affilier au régime géré par AG2R (Soc., 11 février 2015, pourvoi n° 14-13.538, Bull. 2015, V, n° 28). Par un arrêt du 3 mars 2011 (CJUE, arrêt du 3 mars 2011, AG2R prévoyance, C-437/09), la Cour de justice de l’Union européenne, se prononçant sur l’avenant n° 83 du 24 avril 2006 précité, a jugé que les clauses de désignation et de migration, s’agissant d’un dispositif d’intérêt général, n’étaient pas soumises aux règles relatives à la concurrence résultant des articles 102 et 106 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE). Restait la question de l’obligation de transparence qui découle de l’article 56 du TFUE et qui, elle, s’impose aux autorités publiques (CJUE, arrêt du 13 avril 2010, Wall, C-91/08). Aussi, saisi de la légalité de l’arrêté du 23 décembre 2011 précité, ayant étendu l’avenant n° 100 du 27 mai 2011, le Conseil d’Etat a renvoyé à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle portant sur le point de savoir si le respect de l’obligation de transparence est une condition préalable obligatoire à l’extension d’un accord collectif qui, comme ceux en cause, confient à un opérateur unique, choisi par les partenaires sociaux, la gestion d’un régime de prévoyance complémentaire obligatoire au profit des salariés (CE, 30 décembre 2013, n° 357115, société Beaudout père et fils). Par un arrêt du 17 décembre 2015 (CJUE, arrêt du 17 décembre 2015, UNIS, C-25/14), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que l’arrêté d'extension de l’accord collectif confiant à un unique opérateur, choisi par les partenaires sociaux, la gestion d’un régime de prévoyance complémentaire obligatoire au profit des salariés ayant un effet d'exclusion à l'égard des opérateurs établis dans d'autres États membres et qui seraient potentiellement intéressés par l'exercice de cette activité de gestion, c'est l'intervention de l'autorité publique qui est à l'origine de la création d'un droit exclusif et qui doit ainsi avoir lieu dans le respect de l'obligation de transparence découlant de l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. C’est dans ce contexte que, par une décision du 8 juillet 2016 (CE, 8 juillet 2016, n° 357115, mentionné dans les tables du Recueil Lebon), le Conseil d'Etat, considérant que l’arrêté du 23 décembre 2011 n'avait pas été précédé d'une publicité adéquate permettant aux opérateurs intéressés de manifester leur intérêt pour la gestion des régimes de prévoyance concernés avant l'adoption de la décision d'extension, a annulé son article 6 en tant qu'il étend l'article 6 de l'avenant n° 100 du 27 mai 2011 précité, cette annulation prenant effet « le 1er janvier 2017, [les] effets produits antérieurement au 1er janvier 2017 par [cet article devant] être réputés définitifs, sous réserve des actions contentieuses mettant en cause des actes pris sur son fondement engagées avant le 17 décembre 2015 ».

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    Le Conseil d’Etat a en effet considéré que « ni la mise à disposition du public de l’avenant, ni la publication au Journal officiel de la République française le 22 septembre 2011 de l’avis prévu à l’article D. 2261-3 du code du travail, eu égard notamment aux mentions dont il était assorti et au délai imparti pour soumettre des observations, et alors même que la décision d’extension n’a été, en l’espèce prise que trois mois plus tard, ne peuvent, même prises ensemble, être regardées comme ayant permis aux opérateurs intéressés de manifester leur intérêt pour la gestion des régimes de prévoyance considérés avant l’adoption de la décision d’extension » (considérant 8). Dès lors, compte tenu de la date d’engagement de l’action contentieuse par AG2R prévoyance à l'encontre des artisans boulangers refusant d'adhérer au régime de prévoyance (bien antérieure au 17 décembre 2015) et aucun des boulangers concernés par les présents pourvois n’étant adhérent d’une organisation patronale signataire des accords en cause (par arrêt du 1er juin 2016 (Soc., 1er juin 2016, pourvoi n° 14-28.846, non publié), la chambre sociale de la Cour de cassation a d'ailleurs approuvé la décision des juges du fond ayant condamné à s'affilier au régime géré par AG2R prévoyance l'artisan boulanger adhérent d'une organisation patronale signataire de l'accord), l’arrêté d’extension du 23 décembre 2011 ne pouvait plus justifier les demandes de l’institution portant sur la période postérieure au 1er janvier 2012. En outre, au regard des modalités de publicité ayant précédé la décision d’extension de l'avenant du 24 avril 2006, et le Conseil d’Etat ne s’étant pas prononcé sur ce point dans sa décision précitée du 19 mai 2008, la question de la conformité de l’arrêté du 16 octobre 2006 à l’obligation de transparence telle qu’interprétée par la Cour de justice de l’Union européenne se posait, y compris devant la Cour de cassation. Rappelons en effet que dans l’arrêt Simmenthal du 9 mars 1978 (CJCE, arrêt du 9 mars 1978, Amministrazione delle finanze dello Stato / Simmenthal, C-106/77), la Cour de Luxembourg a dit pour droit que « le juge national chargé d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu' il y ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel » (§ 24). Aussi, prenant en compte la décision du Conseil d’Etat du 8 juillet 2016 précitée, mais également une décision du 7 décembre 2016 (CE, 7 décembre 2016, n° 366345, Société Allianz I.A.R.D. – Société Allianz Vie, mentionnée dans les tables du Recueil Lebon) qui, bien qu’elle concernât pourtant un accord de branche précédé d’une certaine « mise en transparence » par les parties signataires, a néanmoins conduit le Conseil d'Etat à prononcer l’annulation de l’arrêté d’extension, la chambre sociale de la Cour de cassation, sur avis conforme de l'avocat général, considère, dans les arrêts ici commentés, que l’application de l’arrêté du 16 octobre 2006 devait être écartée en l’espèce, en l’absence de toute allégation relative à une mise en transparence par les partenaires sociaux au cas particulier, et surtout, la publicité prévue par l’article L. 133-14 du code du travail, alors applicable, ne pouvant être regardée comme satisfaisant aux obligations découlant de l'article 56 du TFUE. Evoluant par rapport à sa jurisprudence antérieure, la chambre sociale de la Cour de cassation approuve donc la décision des juges du fond qui avaient rejeté les demandes d’AG2R prévoyance dirigées contre des artisans boulangers non adhérents d'une organisation patronale

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    signataire des avenants (pourvoi n° 14-27.229), tandis que la seconde décision, ayant fait droit aux demandes de l’entreprise d’assurance, est censurée (pourvoi n° 14-23.193). Soc., 7 mars 2017 Rejet Arrêt n° 341 FS-P+B N° 15-22.709 - CA Chambéry, 5 mai 2015 M. Frouin, Pt - Mme Lambremon, Rap. - Mme Berriat, Av. Gén. Sommaire La Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 17 décembre 2015 (C-25/14 et C-26/14) a dit pour droit que c'est l'arrêté d'extension de l'accord collectif confiant à un unique opérateur, choisi par les partenaires sociaux, la gestion d'un régime de prévoyance complémentaire obligatoire au profit des salariés, qui a un effet d'exclusion à l'égard des opérateurs établis dans d'autres États membres et qui seraient potentiellement intéressés par l'exercice de cette activité de gestion. Il apparaît que dans un mécanisme tel que celui en cause, c'est l'intervention de l'autorité publique qui est à l'origine de la création d'un droit exclusif et qui doit ainsi avoir lieu dans le respect de l'obligation de transparence découlant de l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. S'agissant du droit de l'Union européenne, dont le respect constitue une obligation, tant en vertu du Traité sur l'Union européenne et du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qu'en application de l'article 88-1 de la Constitution, il résulte du principe d'effectivité issu des dispositions de ces Traités, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le juge national chargé d'appliquer les dispositions du droit de l'Union a l'obligation d'en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire. A cet effet, il doit pouvoir, en cas de difficulté d'interprétation de ces normes, en saisir lui-même la Cour de justice de l’Union européenne à titre préjudiciel ou, lorsqu'il s'estime en état de le faire, appliquer le droit de l'Union, sans être tenu de saisir au préalable la juridiction administrative d'une question préjudicielle, dans le cas où serait en cause devant lui, à titre incident, la conformité d'un acte administratif au droit de l'Union européenne. Il en résulte que l'arrêté du 10 octobre 2008 simplement précédé de la publicité prévue à l'article L. 133-14 du code du travail, alors applicable, qui ne peut être regardée comme ayant permis aux opérateurs intéressés de manifester leur intérêt pour la gestion des régimes de prévoyance concernés avant l'adoption de la décision d'extension, incompatible avec les règles issues du droit de l'Union tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, doit voir son application écartée en l'espèce. Soc., 8 mars 2017 Rejet Arrêt n° 443 F-P+B N° 15-26.975 - CA Amiens, 16 septembre 2015 M. Frouin, Pt. - M. Chauvet, Rap. - M. Petitprez, Av. Gén. Sommaire

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    Une cour d'appel décide à bon droit que s'analyse en une clause pénale, la clause d'un accord d'entreprise prévoyant qu'en cas de non-respect par la société de son engagement de maintenir pendant cinq ans la production sur le site, celle-ci s'engage à indemniser chaque salarié du montant des efforts concédés au cours de la durée d'application de l'accord, consistant en leur renonciation au bénéfice de quatorze jours de réduction du temps de travail. Note : Dans la présente affaire, un accord d’établissement conclu en 2008 contenait de nouvelles modalités relatives à l’organisation et à la durée du temps de travail. Plus précisément, les salariés acceptaient de renoncer au bénéfice de 14 jours de RTT par an face aux contraintes de compétitivité. En contrepartie, l’employeur s’engageait au maintien des productions actuelles sur le site et à la production d’un nouveau sèche-linge sur le même site pendant une durée minimum de 5 ans et avec un volume de production annuel minimum à compter de la signature de l’accord. Cet accord collectif comportait en outre une clause qui stipulait notamment que « dans l'hypothèse où la direction européenne ne respecterait pas, ultérieurement, cet engagement, l'entreprise [s'engageait] à indemniser chaque salarié du montant total des efforts concédés entre la date de mise en application et la date de rupture de cet engagement, étant précisé que la période d'indemnisation [serait] en tout état de cause limitée à la durée de 5 ans, correspondant à l'engagement pris par la direction de produire [sur le site un nouveau sèche-linge répondant à des caractéristiques spécifiques] ». Estimant que cet accord collectif n’avait pas été respecté, des salariés ont saisi la juridiction prud’homale, qui a fait droit à leurs demandes. L'employeur a été condamné avec exécution provisoire à verser aux salariés diverses sommes à titre de rappel de salaire, de congés payés afférents et de dommages- intérêts pour préjudice moral. Infirmant ce jugement à l’exception des dispositions relatives au non-respect de l’accord d’établissement par l’employeur, les juges du second degré ont considéré que la clause citée in extenso ci-dessus s’analysait en une clause pénale au sens de l’article 1226 du code civil. Ils ont alors modéré le montant de l’indemnité prévue par la clause en application des dispositions des anciens articles 1231 et 1152 du code civil et condamné l’employeur à verser aux salariés une indemnité de 1000 euros en réparation du préjudice résultant du non-respect de l’accord d’établissement. L'article 1231 du code civil alors applicable disposait que « lorsque l'engagement [avait] été exécuté en partie, la peine convenue [pouvait], même d'office, être diminuée par le juge à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'article 1152 ». L’article 1152 disposait quant à lui que le juge peut modérer la peine convenue, même d’office, si elle est manifestement excessive. Les salariés se sont alors pourvus en cassation. La Haute juridiction devait répondre à la question suivante : la clause litigieuse contenue dans l’accord d’établissement constituait-elle une clause pénale ? En rejetant les pourvois des salariés, la chambre sociale approuve pour la première fois la qualification de clause pénale dans un accord collectif.

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    Rappelons que la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi a introduit une catégorie nouvelle d’accords collectifs, les accords de maintien dans l’emploi, aux articles L. 5125-1 et suivants du code du travail. L’article L. 5125-2 du code du travail prévoit qu’un accord de maintien dans l’emploi « contient une clause pénale au sens de l'article 1231-5 du code civil. Celle-ci s'applique lorsque l'employeur n'a pas respecté ses engagements, notamment ceux de maintien de l'emploi mentionnés à l'article L. 5125-1 [du code du travail]. Elle donne lieu au versement de dommages et intérêts aux salariés lésés, dont le montant et les modalités d'exécution sont fixés dans l'accord ». Cet article fait référence à l’article 1231-5 nouveau du code civil, qui a unifié les dispositions relatives à la clause pénale, telles que codifiées par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. En l’espèce, l’accord d’établissement a été conclu le 12 juin 2008. La chambre sociale a donc dû apprécier la nature juridique de cette clause dans un accord collectif conclu antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 précitée. Cette qualification juridique pouvait ne pas apparaître évidente, étant donné qu’un accord collectif est un instrument juridique hybride, appartenant à la fois au domaine normatif et au domaine contractuel. Cet argument a d’ailleurs été soutenu par les salariés dans leur pourvoi. Cependant, la clause de l’accord s’engageait à indemniser chaque salarié du montant total des efforts concédés entre la date de mise en application et la date de la rupture de cet engagement, ce qui montrait le caractère contractuel de la clause envers chaque salarié. La première chambre civile de la Cour de cassation s’était déjà prononcée sur la nature juridique d’une clause pénale dans un accord d’entreprise en matière d'agent général d'assurance (1re Civ., 17 décembre 2015, pourvoi n° 14-18.378, Bull. 2015, I, n° 332). En l'espèce, la chambre sociale approuve ainsi les juges du fond d'avoir modéré le montant prévu par la clause pénale de l’accord en application des articles 1152 et 1231 anciens du code civil, après avoir relevé que l’employeur avait partiellement inexécuté son engagement. * Accord d'entreprise-Révision Soc., 1er mars 2017 Cassation Arrêt n° 424 FS-P+B N° 14-22.269 - CA Paris, 6 mars 2014 M. Frouin, Pt. - M. Belfanti, Rap. - Mme Robert, Av. Gén. Sommaire Viole les articles L. 2262-1, L. 2262-4 et L. 2261-7 du code du travail et un accord d'entreprise fixant les astreintes et gardes à domicile, la cour d'appel qui retient qu'un employeur peut unilatéralement décider de la modification de celles-ci, alors que cet accord prévoit expressément qu'il pourra être révisé conformément aux dispositions légales et dispose que l'organisation d'astreintes et de gardes dépend de l'activité en elle-même et que si l'activité devait changer et modifiait le système en vigueur, la direction et les organisations

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    syndicales conviennent de se rencontrer pour définir les nouvelles modalités et établir, si possible, un avenant au présent accord. *Champ d’application Soc., 15 mars 2017 Cassation partielle Arrêt n° 489 FS-P+B N° 15-19.958 - CA Paris, 27 mars 2015 M. Frouin, Pt. - Mme Schmeitzky-Lhuillery, Rap. - Mme Courcol-Bouchard, 1er Av. Gén. Sommaire Selon l’article L. 2261-2 du code du travail, la convention collective applicable est celle dont relève l’activité principale de l’employeur. Les juges du fond apprécient souverainement le caractère principal de l’activité de l’employeur. Note : En l’espèce, un salarié avait été engagé à compter du 15 mai 2007 par une association réalisant des expertises et des formations au profit des CHSCT. Relevant du statut de cadre, il avait été soumis au forfait en jours en vertu de la convention collective des organismes de formation applicable à l’association. A compter du mois d’octobre 2010, l’activité de l’association avait été rattachée à la convention collective des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil, dite Syntec. Invoquant rétroactivement l’application de la convention collective dite Syntec, le salarié avait saisi la juridiction prud’homale pour solliciter le bénéfice de la classification de cadre, position 3.1 dès son embauche. Subsidiairement, il avait demandé le paiement des heures supplémentaires liées à son inéligibilité au forfait en jours. Par un arrêt confirmatif du 27 mars 2015, la cour d’appel avait débouté le salarié de ses demandes en estimant que l’activité principale de l’association, durant la période antérieure au mois d’octobre 2010, n’était pas couverte par l’accord de branche. Un pourvoi a été formé contre cet arrêt. Il s’agissait ainsi de savoir si les juges du fond pouvaient souverainement décider de l’applicabilité de la convention collective. Suivant l’article L. 2261-2, alinéa 1, du code du travail, la convention collective applicable est celle dont relève l’activité principale exercée par l’employeur. Afin de déterminer la convention collective dont relève l’employeur, le juge doit apprécier in concreto la nature de l’activité que celui-ci exerce à titre principal. C’est ainsi que la Cour de cassation a décidé que « l'indication de la convention collective dans le contrat de travail ne saurait interdire au salarié d'exiger l'application de la

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    convention à laquelle l'employeur est assujetti compte tenu de son activité principale, dès lors que celle-ci lui est plus favorable », et que dès lors que les juges du fond avaient relevé dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la société LGB avait pour activité essentielle l'exécution de travaux de cartographie, ils avaient pu juger que la salariée était fondée à se prévaloir de la Convention collective nationale des géomètres-experts, entreprises de topographie (Soc., 18 juillet 2000, pourvoi n° 98-42.949, Bull. 2000, V, n° 297). La Cour de cassation a encore jugé que « La convention collective applicable aux salariés est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur » de sorte que doit dès lors être réputée non écrite la clause de la convention collective nationale du personnel des services interentreprises du 20 juillet 1976 excluant de son champ d'application certains services interentreprises de médecine du travail appliquant antérieurement à son entrée en vigueur une autre convention collective sans rapport avec cette activité (Soc., 19 mai 2010, pourvoi n° 07-45.033, Bull. 2010, V, n° 108). Par ailleurs, la cour de cassation a affirmé, après avoir rappelé que l'employeur est tenu de porter à la connaissance du salarié la convention collective applicable que si, dans les relations collectives de travail, une seule convention collective est applicable, laquelle est déterminée par l'activité principale de l'entreprise, dans les relations individuelles, le salarié peut demander l'application de la convention collective mentionnée sur le bulletin de paie ; cette mention vaut présomption de l'applicabilité de la convention collective à son égard, l'employeur étant admis à apporter la preuve contraire (Soc., 15 novembre 2007, pourvoi n° 06-44.008, Bull. 2007, V, n° 191). En l’espèce, se posait la question de savoir si le salarié pouvait contester l’appréciation des juges du fond concernant l’applicabilité de la convention collective dite Syntec. En effet, la cour d’appel, en s’appuyant sur les éléments de fait et de preuve invoqués, avait qualifié comme étant principale l’activité de l’association relative, non à l’expertise, mais à la formation, pour la période en cause, écartant ainsi l’application de la convention collective Syntec pour la période antérieure au mois d’octobre 2010. La Cour de cassation rejette le moyen formé à l’encontre de la décision des juges du fond en affirmant que le caractère principal de l’activité de l’employeur qui détermine la convention collective applicable relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. *Nullité Soc., 8 mars 2017 Rejet Arrêt n° 444 FS-P+B N° 15-18.080 - CA Paris, 12 mars 2015 M. Frouin, Pt. - Mme Basset, Rap. - M. Petitprez, Av. Gén. Sommaire La nullité d'une convention ou d'un accord collectif est encourue lorsque toutes les organisations syndicales n'ont pas été convoquées à sa négociation, ou si l'existence de négociations séparées est établie, ou encore si elles n'ont pas été mises à même de discuter les

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    termes du projet soumis à la signature en demandant le cas échéant la poursuite des négociations jusqu'à la procédure prévue pour celle-ci. Note : Le pourvoi ayant donné lieu au présent arrêt concerne la négociation et la signature de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 22 mars 2014, préalable à l'adoption de la convention d'assurance chômage du 14 mai 2014. Cinq séances plénières se sont tenues entre le 17 janvier et le 22 mars 2014. Lors de la séance du 27 février, le MEDEF a présenté son projet d'accord comme base de discussion. Avec l'accord des autres organisations syndicales, mais sans celui de la CGT, le MEDEF a décidé que la négociation s'effectuerait sur la base de son seul projet. L'ANI a été conclu le 22 mars 2014 entre les partenaires sociaux, à l'exception de la CGT et de la CFE-CGC. A cette date, avant la signature de l'ANI, la CGT avait sollicité une nouvelle négociation en assemblée plénière, ce qui a été refusé. Les services de l'UNEDIC ont transposé les normes de l'ANI dans un document préparatoire à la convention d'assurance chômage, qui a été signée le 14 mai 2014 par les partenaires sociaux, à l'exception de la CGT et de la CFE-CGC. Cette convention a été agréée par arrêté ministériel du 25 juin 2014. Le syndicat CGT a alors saisi le tribunal de grande instance (TGI) de Paris, aux fins d'annulation de l'ANI du 22 mars, et de la convention du 14 mai 2014. Le TGI a débouté le syndicat de l'ensemble de ses demandes, ce jugement ayant été confirmé par la cour d'appel de Paris, par un arrêt du 12 mars 2015. Le syndicat CGT a formé un pourvoi contre cette décision. Il était notamment reproché à la cour d'appel d'avoir considéré que la négociation avait été régulière alors qu’il résultait de ses constatations qu’aucune réunion plénière ne s’était tenue avant la soumission du texte définitif d’accord à la signature des parties, qu’en outre, le projet d’accord initial du 20 mars était différent du texte définitif et n’avait été soumis qu’à des rencontres bilatérales, et qu’enfin, la CGT avait demandé en vain la poursuite des négociations avant la signature. La Cour de cassation répond à ce grief que « la nullité d'une convention ou d'un accord collectif est encourue lorsque toutes les organisations syndicales n'ont pas été convoquées à sa négociation, ou si l'existence de négociations séparées est établie, ou encore si elles n'ont pas été mises à même de discuter les termes du projet soumis à la signature en demandant le cas échéant la poursuite des négociations jusqu'à la procédure prévue pour celle-ci », et rejette le pourvoi. Les conditions posées par la Cour de cassation pour prononcer la nullité d'une convention ou d'un accord découlent d'une exigence de loyauté dans la négociation collective. Cette exigence n'est pas directement exprimée par le code du travail, mais a été dégagée par la jurisprudence elle-même, au fil de ses décisions, à partir du droit des salariés à la négociation collective (qui découle lui-même de l'article 8 du préambule de la Constitution de 1946) et du principe de la liberté syndicale affirmé par l'article 6 dudit préambule. La première condition tient à la convocation en vue de la négociation de toutes les organisations syndicales représentatives concernées. C'est une condition de base, sur laquelle le juge exerce son contrôle. La Cour a cassé une décision d'appel « alors qu'il résultait de ses constatations que cet accord avait été conclu sans que l'ensemble des organisations

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    syndicales représentatives aient été invitées à sa négociation » (Soc., 17 septembre 2003, pourvoi n° 01-10.706, Bull. 2003, V, n° 240). La seconde tient à l'existence de négociations séparées dont la preuve serait rapportée. Cette exigence exprime le respect de la transparence dans la négociation. Elle est en réalité souvent liée à la troisième condition. En effet, le fait qu'une organisation syndicale n'ait pas été à même de faire valoir ses observations jusqu'au terme de la négociation, et que le texte signé apparaisse comme différent de celui soumis à cette phase, révèle l'existence d'une attitude discriminatoire à l'égard de certains partenaires syndicaux. Ainsi, doit être annulé l'accord signé par deux organisations syndicales, sans que le texte signé, différent du projet proposé au cours de la négociation, ait été préalablement soumis à l'ensemble des organisations syndicales (Soc., 10 octobre 2007, pourvoi n° 06-42.721, Bull. 2007, V, n° 156). Mais si lors de la négociation, tous les partenaires ont pu exprimer leurs propositions, motiver leur refus, formuler des contre-propositions, la chambre sociale de la Cour de cassation juge que la négociation a été régulièrement menée et que la validité de l'accord n'est pas subordonnée à la signature du texte par l'ensemble des organisations syndicales (Soc., 9 juillet 1996, pourvoi n° 95-13.010, Bull. 1996, V, n°269 (1)). Dans un arrêt postérieur, publié au Rapport annuel de la Cour de cassation 2006, la chambre sociale a considéré que l'exigence de loyauté n'interdisait pas d'apporter des modifications unilatérales au projet d'accord adressé aux parties pour signature, après la dernière séance de négociation mais avant l'expiration du délai de signature, lorsque celles-ci ont été à même d'en apprécier l'importance pour faire le cas échéant des observations ou demander la réouverture des négociations (Soc., 12 octobre 2006, pourvoi n° 05-15.069, Bull. 2006, V, n° 305 (1)). Dans l'arrêt ici commenté, la chambre sociale approuve la cour d'appel, « qui a constaté que lors de la réunion conclusive qui s'est ouverte le 20 mars 2014, un nouveau projet d'accord a été débattu, que si, pendant la suspension de séance du 21 mars, des échanges bilatéraux ont eu lieu entre les organisations d'employeurs et les organisations de salariés, auxquels la CGT a été conviée mais a refusé de participer, un dernier projet d'accord a été soumis à l'ensemble des partenaires sociaux après reprise de la séa