16
7/23/2019 Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions http://slidepdf.com/reader/full/courcelle-les-voix-dans-le-confessions 1/16 P. COURCELLE: es ,,Voix" dans les confessionsde Saint Augustin 3I einengende Mauerndurchbrochenwerden, Bedrohlichesverschwindet, Gewalt- sames geschieht, als daB der Friede, die Stille zu spiiren ware, um derentwillen doch all der Kampf gefiihrt wird und die in einigen horazischen Gedicht- schliissen auch wirklich erscheinen. Miunchen FRIEDRICH KLINGNER LES ,,VOIX" DANS LES CONFESSIONS DE SAINT AUGUSTIN Augustin, dans les Conlessions, ne se borne pas 'a#criervers Dieu)), comme il dit; il ne rapporte pas seulement, a plusieurs reprises, les propos d'inter- locuteurs reels, comme il est normal dans un recit biographique; il fait encore allusion i toutes sortes de (voix)> ntendues. Peut-etre ne sera-t-il pas sans in- teret de denombrer ces voix et d'en preciserla nature. D'abord, les choses se font entendre. Elles louent le Seigneur sur terre et du haut du ciel'. Les etres animes, non moins que les corps inanimes, font eclater cette louange2; leur discours se pr'sente comme la reponse que fournit aux questions d'Augustin chaque element 'a tour de role: terre, mer, air, ciel et tout ce qu'ils contiennent; puis, tous en choeurs'ecrient d'une voix puissante: c'est Dieu qui nous a faits. <(C'etait,poursuit Augustin, par mon attention meme que je les interrogeais, et leur reponse, c'etait leur beaute3. ) En dehors des louanges de Dieu, les etres s'adressent en plusieurs circon- stances a Augustin, quelquefois par leur nombre meme4. Les images des corps, 1 AUGUSTIN, Conf. VII, I3, 19, I4, 6d. Labriolle, p. I64: . ... Iludandum te ostendunt de terra dracones et omnes abyssi ... Cum uero etiam de caelis te laudent, laudent te, deus noster, in excelsis omnes angeli tui, sol et luna ... )>;V, I, I, 4, P. 90: #ossa mea... dicant: 'Domine, quis similis tibi'?* 2 Ibid.,V, I, I, II, p.92: <Non cessat nec tacet laudes tuas uniuersa creatura tua nec spiritus omnis per os conuersum ad te nec animalia nec corporalia per os considerantium ea)>; le porte-paroles indiqu6 ici est l'etre de raison. Ibid., X, 6, 9, 2, p. 246: <4Interrogaui terram et dixit- #Non sum<4, et quaecumque in eadem sunt idem confessa sunt... Et exclamauerunt uoce magna: <(Ipse fecit nos)>. Interrogatio mea intentio mea et responsio eorum species eorum)s; X, 6, 10, IO, P. 247< *Nec uocem suam mutant, id est speciem suam; ... hoc dicit natura eorum*; XI, 4, 6, 6, p. 300: *Clamant etiam (caelum et terra), quod se ipsa non fecerint: #Ideo sumus quia facta sumus; non ergo eramus, antequam essemus, ut fieri possemus a nobis#>. Et uox dicentium est ipsa euidentia#. 4 Ibid. IV, 4, 9, 6, p. 72 (a propos de la mort de son ami): #Et oderam omnia, quod non haberent eum, nec mihi iam dicere poterant: #Ecce ueniet)); XI, I 8, 24, II, P. 313: #Loqua- tur mihi aliquod exemplum tanta rerum numerositas *. Un emploi encore plus hardi de loqui se trouve, VIII, 8, I9, 12, P. 192: #Plus loquebantur animum meum frons, genae, oculi, color, modus uocis quam uerba, quae promebam #; cf., dans le texte cit6 ci-dessous, p. 33 n. 4: *xmembra. . . narrant tibi delectationesc.

Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

  • Upload
    labruna

  • View
    228

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

7/23/2019 Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

http://slidepdf.com/reader/full/courcelle-les-voix-dans-le-confessions 1/16

P. COURCELLE:es

,,Voix" dans les confessionsde Saint

Augustin

3I

einengende

Mauern

durchbrochen

werden,

Bedrohlichesverschwindet,

Gewalt-

sames

geschieht,

als

daB

der

Friede, die

Stille zu

spiiren ware, um

derentwillen

doch

all

der

Kampf gefiihrt

wird

und

die in

einigen

horazischen

Gedicht-

schliissen

auch wirklich erscheinen.

Miunchen

FRIEDRICH

KLINGNER

LES ,,VOIX"

DANS LES CONFESSIONS DE

SAINT

AUGUSTIN

Augustin, dans les Conlessions, ne se borne pas 'a#criervers Dieu)), comme

il

dit;

il ne

rapporte

pas seulement,

a

plusieurs reprises,

les propos

d'inter-

locuteurs reels, comme

il

est normal

dans un

recit

biographique; il

fait encore

allusion i

toutes sortes

de

(voix)>

ntendues. Peut-etre

ne sera-t-il

pas sans in-

teret

de

denombrer ces

voix

et d'en

preciser

la

nature.

D'abord,

les choses

se font

entendre.

Elles

louent

le

Seigneur

sur

terre

et

du haut du ciel'.

Les etres

animes,

non moins que

les

corps

inanimes,

font

eclater

cette louange2;

leur discours se

pr'sente

comme

la

reponse

que fournit

aux questions d'Augustin

chaque

element

'a tour de

role:

terre,

mer, air, ciel

et

tout ce

qu'ils contiennent;

puis, tous en

choeur

s'ecrient

d'une

voix puissante:

c'est

Dieu qui

nous a

faits. <(C'etait,

poursuit

Augustin, par mon

attention

meme que

je les interrogeais,

et leur

reponse,

c'etait

leur

beaute3. )

En

dehors des

louanges

de

Dieu,

les

etres

s'adressent

en

plusieurs

circon-

stances a

Augustin, quelquefois

par

leur nombre meme4. Les

images

des

corps,

1

AUGUSTIN,

Conf.

VII,

I3,

19,

I4, 6d. Labriolle,

p.

I64:

.

...

Iludandum

te ostendunt

de terra

dracones

et

omnes abyssi ... Cum

uero

etiam de caelis te laudent,

laudent

te,

deus noster,

in

excelsis omnes

angeli tui, sol et

luna ...

)>;

V,

I,

I,

4,

P.

90:

#ossa

mea...

dicant: 'Domine, quis

similis tibi'?*

2

Ibid.,V,

I, I, II,

p.92:

<Non

cessat nec tacet laudes tuas uniuersa

creatura tua nec

spiritus

omnis per

os conuersum ad te

nec animalia

nec corporalia

per os considerantium

ea)>; le porte-paroles

indiqu6

ici est l'etre

de raison.

Ibid., X,

6, 9, 2,

p.

246:

<4Interrogaui terram

et dixit- #Non sum<4,

et

quaecumque

in

eadem

sunt

idem confessa sunt...

Et

exclamauerunt

uoce magna: <(Ipse

fecit

nos)>.

Interrogatio mea

intentio mea

et responsio eorum species

eorum)s;

X, 6, 10, IO,

P.

247<

*Nec

uocem suam

mutant,

id est speciem suam;

... hoc dicit

natura eorum*;

XI, 4, 6, 6,

p. 300:

*Clamant

etiam (caelum

et terra), quod

se ipsa

non fecerint:

#Ideo

sumus quia

facta sumus;

non

ergo

eramus,

antequam essemus,

ut

fieri

possemus

a

nobis#>. Et uox

dicentium est ipsa euidentia#.

4

Ibid.

IV,

4,

9, 6, p.

72

(a

propos de la mort

de son ami):

#

Et oderam

omnia, quod

non

haberent

eum,

nec

mihi

iam

dicere

poterant:

#

Ecce ueniet)); XI,

I

8, 24, II,

P.

313:

#

Loqua-

tur mihi aliquod exemplum

tanta

rerum numerositas *. Un emploi

encore

plus

hardi

de

loqui

se

trouve,

VIII, 8,

I9, 12,

P.

192: #Plus loquebantur

animum meum

frons,

genae,

oculi,

color, modus uocis quam

uerba,

quae promebam

#;

cf.,

dans le

texte

cit6

ci-dessous,

p.

33

n.

4:

*xmembra.

.

.

narrant tibi

delectationesc.

Page 2: Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

7/23/2019 Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

http://slidepdf.com/reader/full/courcelle-les-voix-dans-le-confessions 2/16

32

PIERRE

COURCELLE

celles des souvenirs,

lui

semblent douees de

parole1;

leurs

messages

sont trans-

mis

A la memoire d'Augustin par

les divers sens,

eux-memes

doues de parole

quand

il

les

interroge;

c'est ainsi que

les oreilles

en arrivent i parler2

Par une

sorte de dedoublement

de

personnalite,

le monologue interieur

est

souvent decrit comme un dialogue. Augustin interroge son ame et en ecoute

la

reponse,

parfois

en vain3; parfois,

au

contraire,

sa

conscience

repond en lui

rappelant

les propos qu'elle lui entendait

tenir

precedemment4;

cet

4change

de

propos

peut

meme

devenir

si

violent

qu'il

est

compare,

lors de la sc6ne du

jardin

de

Milan,

aux clameurs de l'orage5.

Ailleurs, Augustin

exhorte son

Ame

?

parler

a autrui6;

ou

encore

il

ecoute

ce

que

sa foi dit

'a

son

ame,

comme

s'il

y

avait

trois

personnages

en

presence

.

La parole est frequemment attribuee 'ades abstractions. Augustin interroge

<xles

mysterieuses penalites

qui

pesent

sur le genre humain,

pour le cas

oiu

elles

pourraient

re>pondre8*.

Le Mal, surtout,

dispose de plusieurs

voix: voix

de

l'opinion

9, de l'erreur10,

des

tennbres

1,

de la routine

humaine,

qu'il s'agisse des

programmes

de culture

profane,compares a un torrent

qui parle

en grondant12,

ou de l'accoutumance

des liaisons

charnelles13.

L'erreur

manicheenne

est assimi-

lee au personnage de

Folie, cette

seductrice

mentionnee au

livre des Proverbes,

1

Ibid., VII, 7,

II, 40,

p.

I57:

<iCogitantiautem imagines corporum ipsae opponebantur

redeunti, quasi diceretur: ((Quo is, indigne

et

sordide?)); X, 8, I2, I3,

p.

248: (Quaedam

cateruatim se

proruunt et,

dum aliud

petitur

et

quaeritur, prosiliunt

in medium

quasi

dicentia:

#Ne

forte

nos sumus? * Et

abigo

ea de manu cordis a facie recordationis

meae)>.

2

Ibid., X,

IO, I7, II, p. 252:

<<Aures

dicunt:

((Si

sonuerunt

(res), a nobis indicatae

sunt)>; ... dicit etiam sensus gustandi: ((Si sapor non est, nihil me

interroges?).

3

Ibid., IV, 4, 9, 9,

p. 72:

<(Interrogabam animam meam, quare tristis esset

et

quare

conturbaret

me

ualde,

et nihil nouerat

respondere mihi)).

4

Ibid., VIII, 7, I8, 4, p. I91: Et uenerat dies, quo . . . increparet in me conscientia

mea: ((Vbi est lingua? Nempe tu dicebas propter incertum uerum nolle te abicere sarcinam

uanitatis

.

.

.

5

Ibid., VIII,

I2, 28,

3,

p. I99:

(Et

ut totum (imbrem lacrimarum) effunderem cum

uocibus

suis

...

.>

6

Ibid., IV,

12,

I8, 7,

p.

79,

et

IV, I2, I9, 25, p. 8r, long

discours au

style direct,

encadr6 par: <(Dic

eis#>.

I

Ibid., XIII, 14,

15,

6, p. 377:

(Dicit

ei fides mea ...

.: (

Quare tristis es, anima

mea?*

8

Ibid., VIII, 9,

2I, 2,

p.

I93:

((Interrogem, si forte mihi respondere possint latebrae

poenarum

hominum et

tenebrosissimae contritiones filiorum

Adam#>.

9

Ibid., I,

II, I8,

5, p. i6: #Sonat undique in auribus nostris: ((Sine illum, faciat;

nondum enim baptizatus

est#>;

I, 13, 2I, 7, p.

I8:

(

Fornicanti sonabat undique:

IEuge,

euge>.

10

Texte cite ci-dessous,

p.

33, n. 7.

11

Ibid., XII,

10, IO, I, p.

336:

((Non

tenebrae meae loquantur

mihic.

12

Ibid., I,

i6, 25, I,

p.

2I:

(Vae tibi, flumen moris humani > ; I,

i6, 26, I, p.

22:

(Et

tamen,

o

flumen

tartareum, iactantur in te filii hominum . . .,

et

saxa

tua

percutis

et

sonas

dicens:

<(Hinc uerba discuntur, hinc adquiritur eloquentia rebus persuadendis senten-

tiisque explicandis maxime necessaria>>.

13

Ibid., VIII,

II, 26, 15,

p.

i98:

.... .

cum diceret mihi consuetudo

uiolenta:

<(Putasne

,sine istis poteris?

#>.

Page 3: Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

7/23/2019 Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

http://slidepdf.com/reader/full/courcelle-les-voix-dans-le-confessions 3/16

Les ,,Voix"

dans les confessionsde Saint

Augustin 33

qui

dit aux

passants: ((Mangez

donc sans hesitation de ces

pains mysterieux,

goutez donc les delices

d'une eau

derob'e?.

La voix

de

I'accoutumance

char-

nelle est mise en

rapport

direct

avec

la

prosopopee

des

Vanites, qui

precede

immediatement

le

((Tolle,

ege>,

lors

de

la scene du

jardin

de

Milan2.

Les Vanit6s

sont de vieilles maitresses d'Augustin; elles tentent, par leur discours, de le

retenir

et d'eviter qu'il

ne

rompe

avec

elles. En

regard,

Continence

apparait

comme une

religieuse

respectable,

mere

spirituelle

des

nombreux fils

et

filles

bienheureux

que

lui donne

le Seigneur son epoux; <<elleemblait dire avec

une

ironie encourageante:

Quoi, ne

pourras-tu

ce

qu'ont

pu

ces

gar,ons, ces

fil-

les?

...

3)>

Augustin

prete a nouveau l'oreille

aux

chuchotements des Vanites;

mais

Continence

replique par

un

second

discours au

style

direct. II est

specifie

que cette <controverseone fait que traduirede fa9on litteraire le debat interieur

d'Augustin4.

Comme

on

voit,

ces abstractions conversent

toutes

avec

l'ame

d'Augustin

ou

en

expriment

les

deliberations.

I1

en

est

une

qui joue un

r6le

plus consi-

derable

encore:

VWrite; ar

elle

se confond avec

la

personne

du

Maitre

interieur5.

La Verite a

parle a Augustin

une fois

qu'il

eut

renonce

aux

billevesees

ma-

nicheennes6*

Jusqu'alors,

sa

melodie interieure

ne

pouvait

etre

per~ue

de

lui,

malgre

l'effort

d'attention

qu'il

faisait

lorsqu'il redigeait

le

De

pulchro

et

apto;

car

la

voix de

l'erreur etait

plus

forte .

Maintenant,

Verite

lui dit

qu'aucune

1

Ibid., III, 6,

Ii, i8,

P.

54: *Offendi illam mulierem

audacem, inopem

prudentiae,

aenigma

Salomonis,

sedentem

super

sellam in

foribus

et

dicentem:

#Panes

occultos

libenter

edite et

aquam

dulcem furtiuam

bibite

(Prou.

IX,

13-17)*. Quae

me

seduxit )>.

2

Ibid.,

VIII,

JI,

26, I,

P.

I97: tRetinebant

me

nugae

nugarumet

uanitates

uanitan-

tium,

antiquae

amicae

meae, et succutiebant uestem

meam

carneam et

submurmurabant:

*Dimittisne

nos?)) et *A momento isto non tibi licebit hoc et illud ultra in aeternum

.

. .

uelut

a dorso mussitantes*.

6

Ibid.,

VIII, II, 27, IO,

p.

I98:

(.

.

.

fecunda mater filiorum

gaudiorum de marito

te,

Domine.

Et

inridebat me

inrisione hortatoria,

quasi diceret: *

Tu non

poteris, quod

isti,

quod istae? ...

>

'

Ibid.,

VIII,

II,

27, I9,

p.

I98: *(Illarumnugarum

murmura

adhuc

audiebam,

et

cunctabundus

pendebam.

Et

rursus

illa, quasi

diceret:

*Obsurdesce aduersus

inmunda

illa

membra

tua super

terram,

ut

mortificentur.

Narrant tibi

delectationes, sed

non

sicut

lex

Domini

Dei

tuix).

Ista

controuersia

in

corde meo

nonnisi

de me

ipso

aduersus

me

ipsum

)>.

5

Sur la

doctrine

du

Maitre

ntdrieur,cf., entre

autres,

E.GILSON,Introduction

&

'Itude

de

saint

Augustin, dans fudes

de

philosophie

medievale,

.

XI,

Paris,

I929,

p.

86 et

suiv.

6

AUGUSTIN, Conf.

TII, 6,

10, 34,

P.

52:

(iAt

illa nec

similia erant

ullo

modo tibi

(=Veritas),

sicut

nunc mihi

locuta

es

*.

I

Ibid., IV,

15, 27, 2,

p.

86:

Ilia uolumina

scripsi,

uoluens

apud me

corporalia

igmenta

obstrepentia

cordis

mei

auribus,

quas

intendebam,

dulcis

Veritas,

in

interiorem

melodiam

tuam,

cogitans de

pulkhroet

apto

et

stare

cupiens

et

audire

to et

gau dio g au d er e

propter

uocem sponsi,

et non

poternam,

uia

uocibus

erroris mei

rapiebar

foras...

?f.

III,

5, 10, 3,

P.

73,

Eermes

80

3

Page 4: Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

7/23/2019 Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

http://slidepdf.com/reader/full/courcelle-les-voix-dans-le-confessions 4/16

34

PIERRE COURCELLE

sorte

de

corps

n'est Dieu'.

Cette Verite

qui parle

au

coeur

de

l'homme et

dont

Augustin confesse

a

son tour

les

enseignements

'a Dieu et aux

hommes2,

n'est

autre que le Verbe fait chair;

il avertit d'une

voix de tonnerre de faire

retour

vers lui3;

il

proclame que

le Verbe ne

passe pas

comme

font les

paroles

humaines

ou les etres crees, parce qu'il est Verite4.A Milan,il a dialogue directement avec

Augustin,

lors de ses tentatives

d'extases

plotiniennes

5.

Au livre

XIII,

il

repond

encore a

Augustin

en

l'assurant

que

l'1criture

est la traduction

temporelle

des

Verites

eternelles6.

Il

est

exceptionnel qu'Augustin

cite un

passage

de

l'lEcriture

comme la

simple parole

d'un homme

quelconque7;

s'il nomme

l'auteur humain, par

exemple

l'apotre

Paul,

c'est

d'ordinaire au titre

de

porte-paroles de

l'Esprit Saint ou de la divinite8. Tout verset de l'Ancien et du Nouveau Testa-

1

Ibid., X, 6,

I0,

i6,

p.

247: <(Veritas

enim

dicit mihi:

(Non

est Deus

tuus caelum

et

terra neque

omne

corpus)).

2

Ibid., X,

2, 2, I9,

p.

24I:

((Neque

enim

dico recti

aliquid hominibus, quod non a

me

tu prius

audieris,

aut

etiam tu

aliquid

tale

audis

a

me, quod

non mihi tu

prius dixeris)>;

XII, I5, 22, 9,

p.

343:

#

Quid igitur

ex

his, quae

clamauit cor meum

ad Deum

meum, cum

audiret interius

uocem laudis

eius, quid

tandem falsum esse contenditis?)>

3

Ibid., IV,

I2, I9,

3, p. 8o: #Tonuit clamans, ut redeamus hinc ad eum in illud secre-

tum

unde

processit...

Cucurrit

clamans

dictis, factis, morte, uita, descensu, ascensu,

clamans

ut redeamus ad

eum)).

4

Ibid., IV, I0, I5, 30, p. 78: <xInVerbo enim tuo, per quod creantur, ibi audiunt:

*Hinc

et

huc

usque#

...

<Numquid ego

aliquo discedo?>)

ait

Verbum

Dei.

Ibi

fige

man-

sionem

tuam . .

.,

anima mea,

...

Veritati

conmenda

quidquid

tibi est a ueritate

); I,

13, 22,

2,

p. i8:

#Veritas tua dicat mihi:

((Non est

ita#;

cf.

XII, I0, I0, 4,

p.

336.

5

Ibid., VII,

Io,

i6,

22, p. I62: ((Et

inueni

longe

me

esse a te in regione dissimilitudinis,

tanquam audirem

uocem

tuam de excelso:

#Cibus

sum

grandium: cresce

et

manducabis

me.

Nec tu me

in te mutabis sicut cibum carnis

tuae,

sed tu

mutaberis in me

)

... Et dixi:

Numquid

nihil

est

ueritas, quoniam

neque per

finita

neque per

infinita

spatia

diffusa

est?*

Et clamasti de

longinquo:

J(I

m

mo u ero

ego su

m

qu i su

m

#.

Et audiui sicut auditur

corde)); X, 6,

8, 2,

p.

245: <(Percussisti

cor

meum

uerbo tuo et

amaui te

*.

6

Ibid., XIII, 29, 44,

5,

p.

40I:

<iEt

dixi:

(i

0 Domine, nonne ista scriptura uera est,

quoniam

tu uerax et ueritas edidisti eam?

...

.#

Ad haec

tu . . . dicis uoce forti in aurem

interiorem

seruo

tuo

perrumpens

meam

surditatem

et

clamans:

#

0 homo, nempe quod

scriptura

mea

dicit, ego

dico.

Et tamen

illa

temporaliter dicit, uerbo autem

meo tempus

non accidit . . . > Dieu parle aussi par ses seuls bienfaits, I, 6, 7,

22,

p. 7:

<

Quod animaduerti

postmodum

clamante

te mihi

per

haec

ipsa, quae

tribuis intus et

foris

*.

I

Ibid., X, 29,

40,

3, p. 270: (Et

cum scirem, ait quidam, quia nemo potest

esse

continens

nisi Deus

det.

.

.

(Sap. VIII,

2I))>;

XII,

I5,

20, 14,

p.

342:

<<Ait

nim

quidam

seruus tuus:

#Vt

nos simus iustitia Dei

in

ipso (II

Coy.

V,

2I)));

voir aussi

le texte cite

ci-dessus,

p.

33.

n.

I.

8

Ibid., III, 4, 8,

I0,

p.

50,

citant

Col. II, 8, sous

la

rubrique: IIl1aadmonitio Spiritus

tui

per

seruum

tuum bonum et

pium)); XIII,

I3, I4, 19,

p.

376:

#Sed non iam

in

uoce

sua;

in

tua

enim

qui

misisti

Spiritum

tuum de

excelsis

per eum));

cf.

VII,

9,

15, I7,

p.

i6I;

VIII, 4, 9,

21,

p.

I83;

XIII, 22, 32,

5, p.

390; etc. . .

Page 5: Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

7/23/2019 Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

http://slidepdf.com/reader/full/courcelle-les-voix-dans-le-confessions 5/16

Les ,,Voix" dans les confessionsde Saint

Augustin 35

ment est

considere comme

une

uox1, un eloquium2,

un

oraculum3

prononc6

par Dieu.

II

semble

que

les

paroles

du

Christ

dans

les

tvangiles

soient

plus

sp6cialement

designees comme procedant

<<ex

re

Veritatis>4;

une

seule

fois

elles

sont placees directement

dans la bouche

de

Jesus5. On

n'est

pas peu surpris

de voir, dans les Confessions,Augustin appliquer a un passage de Ciceron, le

m8me procede

de

citation

d'untexte

comme

s'il

etait un

cri

A

'adressede

l'oreille

interieure6

Dieu

parle

non seulement

par

les livres

sacres,

mais aussi

par

la

bouche

de

personnes vivantes:

il

a parle, par exemple,

i

Augustin i travers les

avertisse-

ments

que

lui

prodiguait

sa m6re7 ou

'a

travers les sermons

d'Ambroise8.

Au

moins une

fois,

il

y

a un intermediaire

de

plus:

le

jeune

homme

etincelant dont

Monique raconte

i

son fils avoir entendu en songe une admonitio, un responsum,

une reuelatio d'origine divine;

son

discours annontait

qu'Augustin se rallierait

un

jour

A a

regle

de

foi

de sa

mere:

((La

oii

tu

es, toi,

il

sera,

lui

aussi9.

)>

Augustin

suppose

encore

que

Molse

aurait

pu apparaltre

en

personne

et dire: (<Voici

quelle

a

6te

ma

penseel'0>.

Ainsi,

dans

les

Confessions,

les

propos echanges

entre

humains

sont

plut6t

plus rares que ces #voix>

de toute

esp6ce

,

qui s'expriment

le

plus souvent au

I

Ibid., X,

3I,

45,

I, p.

273,

oh quantit6 de citations scripturaires sont introduites

sous la

forme:

*Audio uocem

iubentis

Dei mei

... Audiui

aliam uocem tuam

... Audiui

et illam . .

.)>;

XII,

13,

I6, I,

p.

339:

9Audio

loquentem scripturam

tuam

...)>

2

Ibid., IX,

5,

13,

15,

p.

2I9;

X,

35, 54,

II,

p.

280;

XII,

14, 17,

1,

p.

340;

XIII,

I5,

17,

I0,

p.

379.

"

Ibid.,

VIII,

12, 29,

i6,

p. 200

(scene

du

jardin

de

Milan); XI, 9,

II,

22,

p.

304;

XII, 15, 22,

3,

p.

343;

voir aussi

le texte

cit6

ci-dessous,

n.

8.

4

Ibid.,

VI, I0,

i6,

32, p.

134;

VIII, I, 2, I6,

p.

I76;

IX,

I3,34,

I

I, p.

235;

XI,

I,

I,

8, p. 296.

5

Ibid., VII,

I8,

24, 4, p. I67:

((

..

Christum Iesum ... uocantem et

dicentem:

(<Ego sum uia, ueritas et uita*.

I

Ibid.,

I, i6, 25,

9,

p.

2I:

((Quis

autem

paenulatorum

magistrorum

audit aure

sobria

ex

eodem

puluere

hominem clamantem et

dicentem:

<(Fingebat haec Homerus et

humana ad Deos

transferebat;

diuina mallem ad

nos>> Cic., Tusc., I, 26).

7

Ibid., II,

3, 7,

I,

p.

34:

<(Et

cuius

erant,

nisi

tua,

uerba illa

per

matrem

meam fidelem

tuam, quae cantasti

in

aures meas ...

Te

tacere

putabam atque illam

loqui, per

quam mihi

tu non tacebas#. 8

Ibid., VI, 3, 4, 2,

p. I2I:

<#de

am

sancto

oraculo

tuo, pectore illius

#.

9

Ibid.,

III,

II, I9, 20,

p.

6i:

a.

.

.

admonuisse,

ut

adtenderet et

uideret,

ubi esset illa,

ibi

esse

et

me#; III, II, 20,

5,

p.

6I: (Mihi dictum

est ...

.:

#Vbi

tu,

ibi et

ille#.

Le

mot

responsum est apphique au meme 6pisode, III,

II, 20,

9,

p. 62;

III,

12, 2I, I,

p.

62.

De

meme,

le mot

reuelatio, VIII, 12, 30, 22,

p. 201.

Un

autre

responsum

estfournia'Monique

par

les

propos

r6els

d'un

6veque, III,

12,

21, I, p.

62:

<(Et

dedisti

alterum

responsum

interim,

quod recolo

. .

. Quod ita se accepisse

inter conloquia

sua mecum

saepe recorda-

batur,

ac

si de

caelo

sonuisset)).

10

Ibid.,

XII, 25, 35,

14,

p.

355:

s...

Si

ipse Moyses apparuisset

nobis

atque

dixisset:

4 Hoc

cogitaui

#.

11

Ibid.,

XIII,

I, I,

6,

p.

366: #Priusquam

inuocarem, praeuenisti

et

institisti

crebre.

scens

multimodis

uocibus,

ut audirem de

longinquo

et

conuerterer et

uocantem

me inuo-

carem te #; X, 27, 38, 6, p. 268: (sVocasti et clamasti et rupisti surditatem meam .

3*

Page 6: Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

7/23/2019 Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

http://slidepdf.com/reader/full/courcelle-les-voix-dans-le-confessions 6/16

36

PIERRE

COURCELLE

style direct

'.

II n'est

pas toujours

aise

de discerner

celles qui ressortissent aux

proced's

de

la

metaphore ou de l'allegorie,

destines

a rendre

le

style ou le

recit

plus dramatiques2,

et

celles auxquelles Augustin prete une valeur philosophique

ou

une realite

theologique,

en tous

cas une influence certaine

sur

sa conver-

sion.

De

celles-ci,

le

recit

de

l'extase

d'Ostie

propose

une double liste

qui

est

comme

une

recapitulation:

<#Nous isions

donc:

Supposons

un

etre

en

qui fasse silence

le

tumulte de

la chair,

les

images

de la

terre,

des

eaux,

de

l'air

et

aussi les cieux; en qui l'ame

elle-meme

fasse

silence

et

se

depasse

en

ne

songeant plus

a

soi;

en

qui fassent

silence

songes

et revelations

par images,

toute

langue,

tout

signe,

tout ce

qui

ne na't que pour disparaitre; oui, supposons

le silence total de toutes

ces

choses

(car

?t

qui les ecoute elles disent: 'Ce n'est pas nous qui nous sommes faites

nous-memes,

mais bien Celui

qui

demeure

eternellement'); qu'apr6s

ces

mots

elles se

taisent

parce qu'elles

ont

eleve

notre.

oreille vers

celui

qui

les

a creees;

qu'alors

celui-ci

parle seul,

non

par elles,

mais

par lui-meme; que nous enten-

dions

sa

parole

non

par

la

langue

d'un etre

de

chair ni

par

la

voix

d'un ange

ni

par

le

fracas

de la

nuee

ni

par l'enigme

d'une

parabole,

mais

que lui-meme,

lui

que

nous

aimons,

se

fasse

entendre sans

leur

intermediaire

. . .,

ne

serait-ce

pas alors

la

realisation

de

cette parole: ((Entre dans la joie

de

ton

Seigneur?3

*

1

Aux nombreux

passages indiques ci-dessus

en

notes,

il faut

ajouter

quantitd de

citations

scripturaires qui

sont

pr6sent6es

comme un

discours de

Dieu

au

style direct,

notam.

ment

Conl.

I,

5, 5,

I,

p.

6;

I,

19,

30,

3I,

P.

26;

IV,

3. 4.

Ii,

p.

68;

V,

5,

8,

3,

p.97;

VI,

7,

12,

23,

p.

I29;

VI,

i6,

26,32,

P.

142;

VII,9,

I4, 38, p.

i6o;

VII,

21,27,

44,

p.

172;

VIII,

1,2,

3I,

P.

177;

VIII,

12,

29, 14,

P.

200; IX,

I,

i, 6,

P.

208;

IX,

4,9, 4,

p.

2(5; X,

43,

70, 4,

p.

292;

XI,

3,

5,

I5,

P.

300; XII,

27, 37,

i6,

P.

357; XIII, 19,

25, I3,

P.

385; XIII,

20, 26,

4, p. 386.

2

Sur ce

point,

cf.

d6ja

C. I. BALMUS,

ltude

sur

le

style

de

saint

Augustin dans les

Confessions et la Cite' de Dieu, Paris,

I930,

P.

247-250.

3

AUGUSTIN,Conf. IX,

10,

25,

I,

P.

229:

((Si cui sileat tumultus carnis, sileant phan-

tasiae terrae et

aquarum

et

aeris,

sileant

et

poli

et

ipsa sibi anima sileat et

transeat se non

se

cogitando, sileant somnia et imaginariae

reuelationes, omnis lingua

et omne signum

et

quidquid transeundo fit si cui

sileat omnino,

-

quoniam si quis audiat,

dicunt haec omnia:

non

ipsa

nos

fecimus,

sed fecit

nos qui manet in

aeternum,

-

his

dictis si iam

taceant, quoniam erexerunt

aurem

in

eum qui fecit ea, et loquatur

ipse solus non

per

ea, sed per se ipsum,

ut

audiamus uerbum eius, non per linguam

carnis neque per

uocem

angeli

nec

per

sonitum

nubis

nec

per aenigma

similitudinis,

sed

ipsum quem

in

his

amamus, ipsum

sine his

audiamus..

.,

nonne

hoc est: Intra

in

gaudium

Domini

tui?

*

Sur cette page et ses sources

plotiniennes

ou

chr6tiennes,

cf. P.

HENRY,

La vision

d'Ostie,

sa

place

dans

la

vie et l'aeuvre de saint

Augustin,

these,

Paris,

I938,

p.

IS

et

suiv.

Je

retouche

fortement la

traduction

Labriolle, notamment

en

ce

qui

concerne

le

erexerunt aurem, dont

l'6quivalent,

me fait

remarquer

M.

l'abb6 J.

Pepin,

se trouve

chez

Plotin, Enndades,

V, ,

I 2,

I5,

ed.

Br6hier, p.

30: ((<C0)v

2Acv

9v6cv

InoaT

d

-r

ov'g

*'yE&QEt

Qo

ci

c

'I,eov.

Sur

divers

types

de

voix, cf.AUGUSTIN,

Epist.

ad

Paulinum

et

Therasiam

LXXX, 3,

dans

C. S. E.

L.,

t.

XXXIV,

2,

p.

348,

22:

(

Sed

plerumque

non uoce

de

caelo,

non

per prophetam,

non

per

reuelationem uel

somnii,

uel

excessus

mentis, quae

dicitur

extasis,

sed rebus

ipsis

accidentibus

et

ad

aliud, quam

statueramus,

uocantibus

cogimur

agnoscere

Dei

uoluntatem

aliam, quam

erat

nostra *.

Page 7: Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

7/23/2019 Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

http://slidepdf.com/reader/full/courcelle-les-voix-dans-le-confessions 7/16

Les

,,Voix"

dans

les

confessions

de Saint

Augustin 37

On

retrouve dans ces

deux

series

toutes les

categories

de 'voix'

que

nous

venons

de

detceler

dans

les

Confessions:celle des

choses,

celle de

leurs images,

celle de

l'ame

qui reflechit sur

les

donn6es des

sens,

celle des

vains songes, par

exemple

certains

songes que

Monique

reconnait ne pas etre

d'origine

divine'.

Dans

la seconde

serie,

voici les

porte-paroles

de

Dieu.

Le

Verbe

parle

dans

l'Jkvangilepar

la

voix de

la

chair

et par

l'enigme des

paraboles,

c'est a dire

par

les

discours

de

Jesus

incarne2.

La

voix

divine

sort

du haut de

la

nue, au

sens

propre

lors du

bapteme

de

Jesus

ou

de

la

Transfiguration

,

mais

aussi,

par

extension,

dans toute parole de

l'I:criture4.

La voix

d'ange

s'applique, en

general, au fait

que les anges louent

le

Seigneur dans

le

ciel

5, mais

aussi a

la

revelation divine

que

Monique

a

re,ue une fois en

songe: car

le

jeune homme

etincelant (iuuenemsplendidum) qui lui a parle6 est 6videmment un angel.

*

*

Et

le

fameux

'Tolle, lege'?

Selon que

l'on adopte la

lecon

commune: 'de

uicina

domo',

ou

la

leson du seul manuscrit

precarolingien, le

Sessorianus: 'de

diuina

domo',

l'on

sera

porte

a

considerer

qu'il

s'agit

d'une

voix

exterieure,

humaine, ou

d'une

voix

int

erieure,

d'origine divine. La

premiere

hypothese

a

d'ordinaire ete retenue; j'ai, au contraire, soutenu et developpe la seconde:

selon

moi,

cette

voix d'un puer

ou

d'une

puella

(quasi

pueri an

puellae, nescio)

emane de l'un des

pueri

et

puellae, enfants de

Continence

mentionnes a

la page

pr6cedente.

En

l'absence

d'un

stemma scientifique des

deux cent soixante

deux

manuscrits (au

moins ) qui nous

conservent les Confessions8,

comment opter

entre

l'une

et

l'autre le9on? En

faveur

de mon

hypothese, j'ai

indique diverses

1

AUGUSTIN,

Conf.

VI, 13,

23,

7, p. I39:

#Cum sane et

rogatu

meo et

desiderio suo

forti clamore cordis

abs

te

deprecaretur

cotidie,

ut

ei

per

uisum

ostenderes

aliquid

de

futuro

matrimonio

meo,nunquam

uoluisti.Et

uidebat

quaedam

uana

et

phantastica...

Dicebat enim

discernere

se nescio quo

sapore, quem

uerbis

explicare

non poterat,

quid

interesset inter

reuelantem te et animam

suam

somniantem*.

2

Ibid., XI, 8, IO,

6,

P.

303:

dIpsum est

Verbum

tuum,

quod et

principium est,

quia

et

loquitur

nobis. Sic

in

euangelio

per carnem

ait,

et

hoc

insonuit foris

auribus

hominum*.

3Ibid.,

XI, 6,

8,

I,

P.

30I:

(xSed quo modo

dixisti?

Numquid illo modo,

quo

facta

est

uox de nube

dicens:

#Hic

est filius meus

dilectus

(Mat.

III,

I7;

XVII,

5)?))

4

Ibid.,

II, 2,

3,

II,

P.

3I

(a propos

de citations de

la Ire

kpftre aux

Corinthiens):

*Aut certe sonitum

nubium tuarum

uigilantius

aduerterem ..

.));

XIII,

I5,

i8, 25,

P.

380:

*(Verbum autem

tuum)

... nunc in

aenigmate

nubium et per

speculum caeli,

non

sicuti

est,

apparet));

sur la uox de

nube, cf. aussi

PAULIN DE

NOLE,

Epist. ad

Augustinum

XCIV, 7,

dans C.

S. E. L., t.

XXXIV,

2, p. 505, 6. 6

Texte citd

ci-dessus,

p.

31,

n. I.

6

AUGUSTIN,

Conf., III,

II,

I9, I4,

p.

6i;

cf.

ci-dessus, p.

35.

Cf.,

a

propos

de

l'ange present a

la

Resurrection de

Jesus, Marc

XVI, 5:

(

iuuenem ...

coopertum

stola

candida)).

8

Cf.,

en

dernier

lieu,

F.

SKUTELLA,

Frustula

Augustiniana, dans

Revue

BAnedictine,

t.

LI,

1939,

P.

70.

J'ai contrBl6

qu'aucun des

trente-cinq

manuscrits de Paris

ne

porte

diuina,

non

plus

que les

deux

manuscrits

de

Dijon

et celui

d'Angers.

Page 8: Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

7/23/2019 Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

http://slidepdf.com/reader/full/courcelle-les-voix-dans-le-confessions 8/16

38

PIERRE COURCELLE

raisons dans les Recherches ur les Confessions , et

il

est inutile

d'y

revenir. La

pr6sente etude sur les'voix' nous

aidera, je crois, a controler cette

hypothese et

i

la

renforcer

de

plusieurs arguments

nouveaux.

Le fait

que cette voix constitue

un

presage pourrait induire

"apenser qu'il

s'agit d'une voix materielle, d'un bruit venant de l'exterieur; car c'est normale-

ment,

aux

yeux

des

Romains,

une

parole

reelle detournee

de

son

sens propre,

qui

fournit un

omen2.

Les choses

ne

vont

pas forcement

ainsi dans

les Con-

fessions;

car

la

'voix'

entendue

par Monique

au

sujet

de

la

regle

de foi

et qui

donnait

un

presage,

survenait

en

songe

et

emanait

d'un

ange

porteur

d'une

revelation divine 3.

Le

'Tolle, lege'

lui-meme

a

e

remploye

par

Marc le Diacre,

dans

sa

Vie de

Porphyre,

eveque

de

Gaza,

sous

forme d'une

revelation en songe

destinee 'aprovoquer une consultation des 'sorts' biblique4. Examinons l'atti-

tude

d'Augustin a l'egard de

la

notion d'omen. Il emploie

le mot, il est

vrai,

dans

le

Contra

Academicos

redige 'a Cassiciacum,

mais sur le mode

plaisant et en un sens

affaibli;

il

l'evite

dans les passages des

Confessions

oiu

il

est question de

presages;

il

se reprochera, dans les

Rdtractations,d'en avoir

autrefois

us

e5.

Tout le

livre VIII des Confessions,

oiu

est

decrite

la lente 6vo-

1

AUGUSTIN,

Conf.

VIII, 12,

29,

P.

199-200;

cf. mes

Recherches

sur les

Confessions

de saint Augustin, Paris, I950, P. I88-202.

2

CICtRON,De

diuinatione, I,

46,

103-IO4,

6d.

Miller,

Teubner, p.

I83,

15,

exemples

d'omina rendus

par

des

puellae;

cf. A.

BOUCH1-LECLERCQ,

istoire de

la divination

dans

l'Antiquite',

t.

IV,

Paris,

I882,

P.

136;

E.

RIEss,

dans

P.

W.,

s.

u.:

omen,

p.

373-376.

3

Ci-dessus,

P.

35

et

37.

4

MARC LE

DIACRE, Vie de

Porphyre, ed. H.

Gr6goire et

M.-A.

Kugener,

Paris,

I930, C.

45,1. I2,

P.

38:

((Porphyre

r6pondit

(a

l'imp6ratrice

Eudoxie):

<Tout ce

que tu

as

resolu,

tu l'as

r6solu

selon Dieu. En

effet,

pendant

cette

nuit,

mon humilit6

eut

une r6v6-

lation: il me

sembla que nous

etions

a

Gaza, debout

dans

le

temple des idoles

qui

est la-

bas et qu'on nomme Marneion, et que Ta Pi6t6 me

donnait

l'fvangile

en

me

disant:

#Prends,

lis

)

(,a3e'

dvdayvcot).

Et

moi,

d6roulant le

volume, je

trouvai le

passage

oii le

Seigneur Christ

dit

a Pierre:

((Tu

es

Pierre

et sur

cette

pierre ...

>>.Et

toi,

notre

maitresse,

tu

m'as

r6pondu:

#La

paix

soit

avec

toi,

sois fort et

vaillant)*.

La-dessus

je

me

suis

reveilI6.

Et

cela me

persuade

que

le

Fils de Dieu

secondera

ton

propos)>. La

d6pendance

de

ce

passage

par rapport au

((Tolle

lege)>

d'Augustin,

signal6e,

ibid., p.

I

I9,

me

parait manifeste

en

d6pit des

observations de

J.

GEFFCKEN,

ugustinus' a

Tolle,

lege

>

-Erlebnis,

dans A

rchiv

fur

Religionswissenschaft,

t.

XXXI, 1934,

P.

I-I3,

qui

a bien

montr6

que

ce

genre de

formule

remonte a une

haute

antiquit6.

La

derniere

parole

d'Eudoxie: #La

paix

soit

avec

toi,

sois

fort et

vaillant#

correspond a la

#(lux securitatis

infusa

cordi meo'>

d'Augustin.

Marc

le

Diacre

a visiblement

soude

en

un

6pisode

unique

la

scene du

#

Tolle,

lege

#

et

celle

du

songe

de

Monique,

comme

l'y

incitait

la

lecture

de

Conf.,

VIII, I2,

30,

21,

P.

201,

rappelant

l'une

a

propos de

l'autre.

C'est le

signe

qu'a ses yeux

ces deux

scenes et

les

<(voix))

qu'elles

comportent sont de

meme

nature.

5

AUGUSTIN,Contra

Acad.

1I, 8,

2I, dans C.

S.

E. L., t.

LXIII,

p.

38, 7:

((Tum ille:

Vellem

quidem,

inquit, ut

meae

uires

patiuntur,

auxiliari

aliquatenus

partibus

uestris,

nisi mihi

omen

uestrum

terrori

esset. Sed

hanc

formidinem,

ni me

spes

fefellerit,

facile

fugem)); Retract. I,

I,

6, dans C. S.

E.

L., t.

XXXVI, p. 14,7:

dItem

respondens

ei,

cum

quo

disputabatur:

(

Hic

plane, inquam, non

erras;

quod ut

tibi

omen sit ad

reliqua,

libenter

Page 9: Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

7/23/2019 Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

http://slidepdf.com/reader/full/courcelle-les-voix-dans-le-confessions 9/16

Les ,,Voix" dans les confessionsde Saint Augustin 39

lution psychologique d'Augustin, montre suffisamment qu'il ne

cherche

pas

i

faire accroire

au

lecteur que sa decision de conversion a tenu au double hasard

d'un

presage

ominal suivi d'un

presage cleromantiquel.

Nous

n'avons

lIa

qu'une

clause

de

style,

un

embellissement

litteraire,

normal dans

le

genre

bio-

graphique,

et

qui

ne

pouvait guere tromper

les

lecteurs

du

Ve si6cle.

Bien

plus,

en prenant soin

de

preciser que

le

'Tolle lege' n'est pas

le refrain

d'un

jeu

d'en-

fants, Augustin signifie

que

ce

n'est

pas

un

omen;

car les

paroles

d'enfants

dites par jeu

etaient

un mode de divination ominale caracterise

2.

Doit-on s'etonner

de

l'expression

'de diuina domo'

?

J'avoue

ne l'avoir

pas

retrouvee

telle quelle dans les ceuvres d'Augustin, ce qui ne veut pas dire

qu'elle n'y figure jamais.

Mais

nous avons vu toute une

serie

de

passages

des

Confessionsoiuune 'voix' provient des cieux, des hauteurs, de la nue3. L'ex-

pression Dei domus ou Domini domus ou Domini Dei domus se

lit

au

moins

dix

fois, rien que dans

les

Psaumes, et ces expressions

ou

d'autres voisines

reviennent des dizaines

de fois

dans l'un

et

l'autre Testament4; par suite,

les

exegetes chretiens

les emploient tr6s

frequemment5.

Dans les Confessions,

cui

Augustin parle

d'ordinaire

a

Dieu,

il

transforme tout naturellementDei

domus

on domus tua6. Diuina domus ne peut apparaltre dans les Confessions qu'ex-

eeptionnellement, comme du reste domus Dei7, ou domus

Domini8,

ou domus

nostra9;chacune de ces expressions ne s'y rencontre pratiquement qu'une fois.

optauerim

*

(= Contra A cad. I, 4,

II,

P.

12,

I2). Hoc licet non serio, sed ioco dictum

sit,

nollem tamen

eo uerbo uti. Omen

quippe

me

legisse non recelo

siue

in sacris

litteris

nostris siue

in

sermone cuiusquam

ecclesiastici disputatoris, quamuis abominatio inde sit

dicta, quae

in

diuinis Libris adsidue

reperitur)?; cf. pourtant

III

Reg. XX, 33:

#quod

acceperunt

uiri

pro omine)) (Vulgate).

I

Sur le lien intime entre

cl6donisme et

cl6romancie,

cf. A.

BOUCH]k-LECLERCQ,

op.

cit., t. I, Paris, I

879,

P.

195;

DAREMBERG

et

SAGLIO,

Dict. des Antiquites, s. u.: diuinatio, p.

302.

2

Cf.

mes articles:

L'oracle

d'Apis

et

l'oracle

du

jardin

de Milan

(Augustin,

Conf.

VIII,

1I,

29),

dans Revue de l'histoire

des

religions,

t.

139, 1951,

P.

2

17-232, notamment les p. 222

et

suiv; Note sur

le

'Tolle lege', dans

L'annee

the'ologique,

no

39,

1951,

p.

253-260.

3

Textes

cites ci-dessus,

p.

31,

I.

I;

P.

34,

n.

s;

p.

34, n. 8;

p.

35,

n.

9;

p.

37,

n.

3 et 4.

4

Voir n'importe quelle Concordance, s. u.: domus, habitaculum, etc...

Voir le Thesaurus, s. u.: domus

Dei, col.

1970.

6

Par exemple,

Conf.

VIII,

I, 2,

6,

p.

I76:

((decore

domus tuae, quam dilexi

(4(cf.

Ps.

XXV,

8

et

Cont. XII,

I5,

21,

9,

P.

343); VIII, 3, 6,

II,

p.

i8I:

#lacrimas

excutit

gaudium

sollemnitatis

domus tuae, cuam egitur in domo tua

de minore filio tuo .

..

(cf. Luc

XV,

24);

IX, 8,

I7, I,

P.

222:

<(Qui habitare facis unanimes in

domo#

(cf. Ps. LXVII, 7); XI, II, 12,

12,

P.

337: <(Nec

inuenio

quid libentius

appellandum

existimem

caelum caeli

Domino

quam

domumn uam

contemplantem delectationem tuam

.

.

.,

mentem

puram

concordissime

unam

stabilimento pacis sanctorum

spirituum,

ciuium ciuitatis

tuae

in

caelestibus super

ista

caelestia)>;

cf.

XII, II, I3, 5

et

IO,

P.

338 (Ps. XLI,

5).

7

AUGUSTIN, Conf. XII,

I5,

I9, I4,

P.

34I:

#Haec

est

domus

Dei non

terrena<(;

cf.

XII,

I5, 22,

4,

P.

343; XII,

17, 25, I5,

P.

346;

ces trois

passages

sont

6troitement

associ6s.

8

Ibid., XIII, 9, IO,

28,

P.

373: ((In domum Domini

ibimus))

(= Ps. CXXI,

I).

"

Ibid., IV, i6,

31, 25,

p.

89:

((Non

ruit

domus nostra,

aeternitas tua)).

Page 10: Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

7/23/2019 Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

http://slidepdf.com/reader/full/courcelle-les-voix-dans-le-confessions 10/16

40

PIERRE

COURCELLE

Ajoutons que

diuina domus

ne semble

pas

figurer

dans les textes sacres1

et

est,

par suite, forcement

rare

chez les

auteurs chretiens2.

Mais

l'epithete

diuinus

n'a rien d'insolite

dans la langue d'Augustin,

ni meme dans les

Confessions3,

Augustin a pu preferer

ici de diuina

domo ? de Dei domo

pour 1'euphonie4. La

domus Dei n'est autre que la Cite de

Dieu"6,

qu'Augustin qualifie frequem-

ment: diuina6.

On voit

comment

Augustin

transpose

en

un

sens

spirituel

le

presage d'enfants,

qui etait

normalement profere dans un sanctuaire7.

Notons

dans

quel

contexte apparait

le 'Tolle, lege'.La voix qui rep6te cette

phrase imperative

prend place entre la 'voix'

exhortative

(hortatoria)

de Conti-

nence8

et le

verset decisif de

l'Apitre

aux

Romains,

'oracle'

qui

interdit la vie

charnelle9.

Le fait meme que

le

'Tolle, lege' soit un refrain sans

fin, une 'scie'

(cantudicentis et crebrorepetentis; cantitare)

ne plaide nullement

en faveur de

l'interpretation

materielle.

Carnous ne connaissons

aucun exemple de cette 'scie'

dans la

realit6

romaine; au contraire,

les conseils de

chastete

dont Monique re-

1

Ma restriction tient a ce

que

l'on

ne

dispose

pas

d'une

Concordance

pour

les traduc.

tions

bibliques

latines

antdrieures

a

la

Vulgate.

2

Il y en a

quelques

exemples

dans le

Thesaurus; je

les

reproduis dans mes

Recherches,

p.

i96,

n. I.

3

AUGUSTIN,

Conf.,

IV, i6, 28,

6,

p.

86:

<nescio quid

magnum

et

diuinum#;

VII,

I9,

25,6,

p. I68: (<pro obis cura diuinaw; X, 35,54, II, P.

280:

.eloquio diuino

>;

XIII,

25,

38, 30,

p.

397:

4diuinorum

mysteriorumi);

cf.

IX,

II, 28, 8,

P.

23I:

(animus

humanus minus

capax

diuinorum)

,

et

le texte cit6

ci-dessus,

p.

35,

n.

6.

4

On

trouve ainsi chez s.

Cyprien :

de diuina

misericordia,de

diuina

auctoritate,

de

diuinae

dispositionis

ordinatione,

de-

diuina

dignatione.

Cf.

J.

SCIIRIJNEN

t

CHR.

MOHRMANN,

Studien zur

Syntax

der Brieje des

heiligen

Cyprian, I, Latinitas

christianorum

primaeua,

t.

V., 1936,

p.

90o9I;

sur

la

fr6quence de

l'adjectif

diuinus

chez Tertullien et

Augustin,

cf.

MOHRMANN,

'adjectif et le

genitif adnominal dans le latin des

Chrgtiens,

dans

Melanges

de

philologie,

de

littgrature et

d'histoire

ofterts

d

J.

Marouzeau, Paris,

1948,

P.

437-443.

5 Outre le texte cit6 ci-dessus, p. 39, n. 6, cf. AUGUSTIN,Civ. Dei, XV,

I9,

6d. Dom-

bart-Kalb,

p. 98, 20: <(Siue

autem

domus

Dei dicatur siue

templum

Dei siue

ciuitas Dei,

id ipsum

est, nec

abhonet a

Latini eloquii

consuetudine...

Imitatus

namque est poeta

ille

(Virgile,

Aen. I, 284;

III, 97)

Litteras

sacras, in quibus

dicitur

domus Iacob tam

ingens

populus

Hebraeorum>).

6 Par

exemple,

AUGUSTIN,

Epist. ad Paulinum

XCV, 8, dans

C.

S. E. L., t.

XXXIV, 2,

P.

513,

8:

<NVoces orporales

non

latentes animos

indicabunt,

quia in

illa societate diuina

...

erit

consonans in

Dei

laude concordia non

solum

spiritu,

uerum etiam

spiritali

corpore

expressa)>; Epist.

ad

Volusianum

CXXXVII,

5,

20, C. S. E. L., t.

XLIV,

p.

125,

3: <(in

ciuitate superna atque diuina#; Epist. ad Marcellinum CXXXVIII, 3, 17, ibid., p. I44, I4:

*. . .

sempiterni

cuiusdam

populi

caelestem

diuinamque

rempublicam, cui nos

ciues

ad-

sciscit

fides,

spes,

caritas#.

7

voir la p.

230 de

l'article cit6

ci-dessus, p. 39,

n. 2.

8

Texte cit6

ci-dessus,

p. 33, n. 3.

9

AUGUSTIN,

Conf.

VIII,

I2, 29, i6,

P.

200:

<tali

oraculo)>

s'applique aussi

bien,

d'apres

le

contexte,

a Rom. XIII, 13

qu'a Mat. XIX, 2I. Le fait

que

la lecture

de l'un

et

l'autre verset

est

pr6sent6e

comme une

consultation

des sorts (cui forte

superuenerat;

quo

primum

coniecti sunt

oculi

mei)

accentue le

caractere oraculaire de la

r6ponse qu'ils

apportent,

quoique

tout

passage des

Acritures

soit

consid6r6

par

Augustin comme un

oracle; cf. ci-dessus p. 35, n. 3.

Page 11: Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

7/23/2019 Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

http://slidepdf.com/reader/full/courcelle-les-voix-dans-le-confessions 11/16

Les ,,Voix"

dans les confessions

de

Saint

Augustin

4I

battait vainement

les oreilles d'Augustin,

vers

a'age

e

la

puberte,

sont pr'sentes

par

lui

comme

une 'scie'

prononcee

par Dieu

meme

(cantasti)

1.

Ajoutons

que

la

uox qui repte

'Tolle, lege'repond

directement aux

uoces

miserabiles

que

poussait

Augustin,

honteux

de

ne

pas

decider sur

l'heure

sa conversion

a

l'ascetisme:

<Combiende temps; combien de temps sera-ce 'demain' et encore 'demain'?

Pourquoi pas

tout

A

l'heure

(modo)?

Pourquoi

ne

pas

en

finir,

sur

l'heure,

avec

ma

honte?

2))

Or, quelques pages

plus haut,

a

propos

de

la

meme deliberation,

nous avions un dialogue

en sens inverse:

'a

l'exhortation

divine,

exprimee par

une parole

de

l'Ecriture, Augustin

repondait

lachement:

'Tout "a

'heure'

(modo)

.

On

voit ainsi

que

le

'Tolle, lege'

tient lieu

d'une

parole divine;

il

conduit,

du

reste, Augustin

'a

ire le

verset de

l'?Iptre

aux Romains qui constituera

l'exhor-

tation supreme. Meme s'il fallait maintenir la le~on: de uicina domo, cette

maison

voisine' devrait, j

e

crois, etre interpr6tee

comme la demeure

divine . Le

I

Texte cit6 ci-dessus, p.

35, n. 7.

2

AUGUSTIN,COn/.,VIII,I2,28,20,

p.I99:

#Iactabamuoces

miserabiles:<(Quamdiu,uam-

diu cras et cras? Quare

non

modo? Quare

non hac hora finis turpitudinis

meae?))

Ce cras,

cras 6voque le croassement

de corbeau auquel

fait allusion

-

sans doute en se rappelant

son cas personnel

-

AUGUSTIN, Enarr.

in Ps.

CII, 16,

P.

L.,

t. XXXVII,

1330:

<'Sunt enim

qui praeparant conuersionem

et

differunt,

et fit in illis uox coruina:

#

Cras, cras)

.

.. Quam-

diu cras, cras? Obserua ultimum cras: quia ignoras quod sit ultimum cras, sufficiat quod

uixisti usque ad hodiernum

peccator*).

Sur Perse comme source, cf. mes Recherches,

P.

I92, n. 3. Sur les pronostics fournis par

les

croassements

de corbeaux, cf.

LUCRACE,

De nat.,V,

IO85; VIRGILE, Georg., I., 382,

4IO, 423;

PLINE, Hist. Nat., XVIII,

362.

3

AUGUSTIN,

Cont.

VIII, 5,

I2, 12,

P.

I85:

#Non

enim

erat, quod tibi responderem

dicenti

mihi: <(Surge qui

dormis et exsurge a mortuis

et inluminabit te Christus

(Eph. V,

14)

#

.

.. nisi tantum uerba lenta et somnolenta:

#Modo,

ecce modo, sine paulu-

lum)

;

sur d'autres cas de

dialogues

entre

Augustin

et

Dieu, cf.

le

texte cit6

ci-dessus,

p.

34,

n.

5

(comment6 dans

mes Recherches, p.

I94,

et n. 2), et

Conf.

XIII,

3I,

46,

I3,

p. 403:

*Quomodo ergo scimus et nos quae a Deo donata sunt nobis? Respondetur mihi, quoniam

quae per

eius

spiritum

scimus etiam sic nemo scit

nisi spiritus

Dei

(I Coy. II,

II-I2)

#.

4

Le leger doute qui subsiste dans mon esprit entre

les deux

legons

(en

d6pit

de

mon assurance apparente dans

les Recherches, p. 195) tient a ce que je suis tent6 de

voir

dans

le

passage

des

Confessions:

*Dicebam

haec

et

flebam

amarissima

contritione cordis

mei. Et

ecce audio de uicina

domo ...

*)

une allusion

a

Michee I,

I i

(Vulgate): <<Planctum

domus uicina (=

Septante:

ox*ob0

EXo'evog

avirg

)

accipiet

ex

uobis:

quae

stetit

sibimet,

quia

infirmata est

in bono

quae

habitat

in

amaritudinibus

). Augustin aurait

interpr6te (a tort)

la

phrase tres

obscure de Mich6e comme si la demeure

voisine

etait la demeure divine qui accueille ses plaintes dans son amertume. Dans ce cas,

le diuina du

Sessorianus

serait la

glose

d'un lecteur du

Ve

VIe

siecle expliquant

uicina, glose qui, par la suite,

se serait substitu6e dans le Sessorianus a uicina. Ce qui

me

retient d'adopter cette

leon est que je ne connais pas d'autre passage oit Augustin

cite cette

parole

de Mich6e. D'autre

part, J6rome,

In

Mich. I,

io

et

suiv., P. L.,

t.

XXV,

1162, interprete all6goriquement,

non sans

h6sitation,

la domus

uicina

comme

domus

uicina

Ecclesiae, c'est

a

dire

les h6r6tiques. Enfin, Augustin semble, d'ordinaire,

consid6rer

la

domus Dei comme sise

au

loin

(de longinquo

dans

les textes cit6s

ci-dessus,

p.

34,

n.

5;

p. 35, n. II,

et

ci-dessous,

p.

42,

n.

3),

et

non

au

voisinage.

Mais

elle vient

peut-etre

de

se

rapprocher au moment oZu a Grace le frappe.

Page 12: Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

7/23/2019 Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

http://slidepdf.com/reader/full/courcelle-les-voix-dans-le-confessions 12/16

42

PIERRE COURCELLE

'Tolle,

lege'

nous apparait

donc comme une

reponse

provisoire qui,

tout

en

emanant

de

la

demeure

divine,

est

prononcee,

non

par

Dieu

eui-meme,

mais par

un intermediaire:

((comme

une

voix de

gar~on

ou de

jeune

flle, je

ne

sais1.

*

Quelles

voix, autres que

celle

de Dieu

meme, peuvent

sortir

de

la domus

Dei? Nous avons deja signale qu'une voix d'ange parlait en songe a Monique.

Augustin

s'explique

plus longuement

au sujet de

telles 'voix'

dans ses Enar-

rationes n Psalmos:

de la domus

Dei descend, selon

lui,

'je

ne

sais quelle'melodie,

qui merite le

nom

de

'voix',

car

elle

invite

a'ame

umaine

a

faire

taire

les

bruits

de

la

chair et du

sang pour tendre l'oreille interieure

et parvenir

elle-Meme

jusqu'a cette domus,

par l'extase2.

Cette 'voix'

est, en particulier,

le

fait

des

Elus,

Apotres

ou

martyrs, par exemple,

qui habitent

la domus Dei et

nous

exhortent 'asuivre leurs traces, afin que nous 1'habitionsun jour a notre tour3.

1

AUGUSTIN,

Conf.

VIII,

12,

29,

3,

p. 200:

((quasi pueri

an

puellae,

nescio ).

L'6quivalent

de

cet

interm6diaire,

dans

le

d6marquage

de

Marc le Diacre

(ci-dessusp.

38,

n.

4), estlefantome

d'Eudoxie.

Rappelons-nous

avoir rencontr6

ci-dessus,

p.

32,

n.

I;

P.

33, n. 3

et

4;

p. 34, n.

5,

des

formules

analogues

du

type: quasi diceret, tanquam

audirem, a propos

de

<

voix #

non

mat6rielles, provenant des images des corps

ou des

souvenirs,

de

Continence,

de

Dieu.

2

AUGUSTIN,

Enarr.

in

Ps. XLI, 9, P. L., t. XXXVI,

470:

<(Tamen dum miratur

membra

tabernaculi, ita perductus est ad domum Dei, quandam dulcedinem

sequendo,

interiorem nescio quam et occultam uoluptatem, tanquam de domo Dei sonaret suauiter

aliquod

organum . .

. De illa

aeterna

et

perpetua

festiuitate sonat nescio

quid canorum

et dulce

auribus cordis, sed si non

perstrepat mundus ... Sequens

quod sonabat,

abstrahens

se

ab omni strepitu carnis et

sanguinis,

peruenit usque ad

domum Dei...

Etsi

utcumque

nebulis

dif/ugatis (cf.

Conf.

VIII,

12, 29, 29,

P.

200:

(tenebrae dif/ugerunt)) ambulando

per

desiderium ad hunc sonum peruenerimus interdum

ut

aliquid

de illa domo

Dei

nitendo capiamus, onere tamen

quodam infirmitatis nostrae ad

consueta

recidimus

et

ad

solita ista dilabimun>; in

Ps. XLI,

17,

P. L., t. XXXVI, 475: <<

...

recordans

dulcedinem

uocis

illius, qua

ductus sum per tabernaculum usque ad domum Dei *;

cf. Civ. Dei XX,

I7,

ed. Kalb, Leipzig,

I929,

p. 445,

I4:

((An non est uox ciuis

supernae Hierusalem: (Factae

sunt lacrimae meae panis die ac nocte

(Ps. XLI, 4)?

)

Dombart

adopte aussi la leson ciuis, mais Hoffmann la

legon

ciuitatis; cf.

sur la

m6lo-

die

silencieuse que constitue la

uox

Dei interna, Enarr. in Ps.

XLII, 7,

P.

L.,

t.XXXVI,

48I.

Le

cadre g6n6ral de ces

6l6vations des Enarr. in Ps. XLI-XLII est celui que

l'on

retrouve

pourl'extase d'Ostie,

ci-dessus

p.

36; cf. Enarr. in

Ps. CXVII,

21,

P. L., t.XXXVII,

1500:

#Benediximus

uos de

domo Domini. Credo

quod ista uox magnorum est ad

pusillos, eorum

scilicet magnorum

qui Verbum Deum apud Deum,

sicut

in

hac uita

possunt,

mente

contingunti>;

Conf.

X, 4o,

65, 27, p. 289: ((Et

aliquando

intromittis

me in

affectum

multum inusitatum introrsus ad nescio quam dulcedinem, quae si perficiatur in me, nescio

quid erit,

quod uita ista non erit. Sed recido in haec aerumnosis

ponderibus

et resorbeor solitis

#.

3

AUGUSTIN,

Enarr. in Ps. CXXI, 2 (sur le verset I),

P.

L.,

t.

XXXVII,

I6I9

(sermon

relatif

a une fete de martyrs): ((In peregrinatione

suspiramus. Inuenimus autem et

socios

in

ista

peregrinatione, qui

iam inuenerunt istam ciuitatem et inuitant nos ut curramus

ad

illam... Curramus in domum Domini, iucundetur anima nostra

in his

qui

ea

nobis

dicunt.

Qui enim ea nobis dicunt,

priores uiderunt ipsam

patriam, de longinquo clamantes

ad

posteriores: (In domu m

Domini ibimu s, ambulate,

currite. Viderunt illam Apostoli

et

dixerunt nobis:

Currite, ambulate, sequimini. I n do mum Do mini i bi mu s . Ce verset

est cit6 dans le meme sens, Conf. XIII, 9,

IO, 28,

P. 373.

Page 13: Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

7/23/2019 Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

http://slidepdf.com/reader/full/courcelle-les-voix-dans-le-confessions 13/16

Les ,,Voix"

dans les confessionsde

Saint

Augustin 43

Munis

d'un

corps spirituel,

les Bienheureux

disposent,

en

effet,

d'une voix

corporelle par laquelle

ils

expriment

les

Ecritures

et les

preceptes divins1.

S'etonnera-t-on,

des lors, que les enfants de Continence, qualifies

fili

gau-

diorum

parce qu'ils jouissent

de la

beatitude

celeste2,

pressent Augustin, par

le 'Tolle, lege', de lire le verset d'Ecriture oiuil puisera la ferme decision de se

vouer lui-meme a

la

continence?

Pour

qui

connait

la doctrine et les

modes

d'expression d'Augustin

le

doute

n'est

guere possible:

le

'Tolle, lege'

est

une

'voix' interieure, l'appel

des

'continents'

qui l'invitent,

suivant

leur

exemple,

a

saisir

la

lecon

d'ascetisme

contenue dans

le Nouveau

Testament3.

*

Nous

avons

mesure

l'extraordinaire

imagination

auditive, la puissance

d'evocation

et

l'audace

d'expression

de

saint

Augustin:

il

prete des discours

en style direct meme aux oreilles, ou

?

un

torrent, ou 'a

Dame Continence4

C'est

dans ce

contexte que

doit

s'interpreter

la

scene

du

jardin

de

Milan. Selon

le

recit

d'Augustin, c'est une scene hautement dramatique,

toute en bruits ou

en cris: murmures

des

Vanites,

paroles

de

Continence,

clameurs d'orage, cris

pitoyables d'Augustin, refrain

perpetuel

du 'Tolle, lege'.

Toutes ces 'voix'

sont des voix interieures. I1 s'agit materiellement d'une sc6ne muette, d'une

histoire

sans

paroles; Alypius,

assis

'a quelques pas

d'Augustin, n'a pas percu

le

moindre bruit,

mais seulement ses propres 'voix' dont il va faire part

a

Augustin

comme celui-ci lui fait

part

des

siennes5.

Comment nous

representer

a voix

interieure

qu'Augustin

entendit au

jardin

de

Milan?

Sainte Therese d'Avila n'a

pas hesite, lorsqu'elle

lut les Confessions,

A

interpreter

le

Tolle, lege comme une experience mystique:

elle l'entendit elle-

meme resonner comme un appel sensible6. Le parallele

suivant m'incline

1

Voir le premier

texte cit6 ci-dessus,

p. 40, n.

6

et AUGUSTIN,

Enarr.

in

Ps. CXXXVI,

6 (sur le verset

2),

P. L., t. XXXVII, 1764: ((Habent organa sua ciues

Ierusalem

scripturas

Dei, praecepta Dei, promissa Dei, meditationem quandam futuri saeculi >.

2

AUGUSTIN,

Conj.

VIII,

II, 27, Io,

p.

I98;

il est pr6cis6, VIII, 6,

I5,

I5,

P.

i88,

que

les ascetes possedent le

royaume de Dieu; cf. aussi VIII, 3, 6, iI,

p.

I8i: <dlacrimasexcutit

gaudium sollemnitatis

domus

tuae)#;

XI, 2, 3, 25, p.

298:

<<Ecceuox tua gaudium meum ...

Audiam uocem

laudis... usque ad regnum tecum

perpetuum

sanctae ciuitatis

tuae#>;

XII,

II, I2,

P.

337 sur

la beatitude des habitants de la Cite' de Dieu. Sur les louanges

de

Dieu

chant6es

par

les

tlus, cf. les textes rassembl6s par M.

PONTET,

L'exe'gese de s. Augustin

predicateur,

Lyon, s. d., p. 550-552.

3

Notons

que

cette conclusion

subsisterait

meme

si

l'on

croyait devoir maintenir

qu'un

refrain r6el est

sorti d'une maison mat6rielle, attenant au jardin: Augustin aurait

transform6 un refrain

quelconque

en

omen,

en

1'entendant

sous la forme: <xTolle, lege?>,

et en l'interpretant comme

I'appel des

<(continents)>.

'

Ci-dessus,

p.

32-33.

6 AUGUSTIN,

Conf.

VIII,

I2, 30, 2,

P.

200:

<x

..

indicaui

Alypio.

At

ille, quid

in

se

ageretur

-

quod ego nesciebam

-

sic indicauit

*.

6

SAINTE

THARESE

DE

JESUS,

Vie

ecrite

par elle-meme, chap. IX,

6d. des Oeuvres

completes traduites, Paris, 1907, t. I, p. 13I (texte qui m'a

6t6

signal6 par

le R.

P.

F. Cayr6):

Page 14: Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

7/23/2019 Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

http://slidepdf.com/reader/full/courcelle-les-voix-dans-le-confessions 14/16

44

PIERRE

COURCELLE

pourtant

a

croire

que, chez

Augustin, il

s'agit

plutot

d'une

illumination

d'ordre

intellectuel:

Contra

Academicos,

II,

2,5, C.

S. E.

L.,

t.

LXIII,

P.

27,

2:

<

Prorsus

totus

in

me

cursim

redibam.

Res-

pexi

tamen,

confitebor,

quasi

de

itinere

in illam

religionem,

quae

pueris

nobis

insita

est

et

medullitus

inplicata;

uerum

autem

ipsa ad

se

nescientem

rapiebat.

Itaque

titubans,

prope-

rans, haesitans,

arripio

apostolum

Paulum: 'Ne-

que

enim

uere,

inquam,

isti tanta potuissent

uixissentque

ita,

ut

eos

uixisse

manifestum

est,

si

eorum

Litterae

atque

rationes

huic

tanto

bono

aduersarentur'.

Perlegi

totum

intentissime at-

que castissime. Tunc

uero

quantulocumque

iam

lumine

adsperso

an-

ta

se

mihi

philosophiae

facies

aperuit,

ut

non

dicam

tibi

(-

Roma-

nien), qui

eius

incogni-

tae

fame

semper

arsisti,

sed

ipsi

aduersario

tuo . .

eam

demonstrare

potu-

issem.

,

Conl.

VII,

2I,

27, I,

ed.

Labriolle,p.

170:

#

Itaque

auidissime

arri-

pui

uenerabilem stilum

Spiritus

tui et

prae ce-

teris apostolum

Pau-

lum ...

Inueni

quidquid

illac uerum legeram,

hac cum conmendatione

gratiae tuae dici ...

Et

aliud est de siluestri

cacumine

uidere

patri-

am

pacis

et iter

ad

eam

non

inuenire et frustra

conari .. .,

et

aliud

tene-

re uiam illuc ducentem

cura

caelestis

imperato-

ris munitam . . . Haec

mihi inuiscerabantur

miris modis,

cum

mini-

mum

apostolorum

tuo-

rum

legerem.)>)

ConI.

VIII, II, 27,

I3,

p. I98

(scene du

jardin):

<

Ibi

tot pueri

et

pu-

ellae

. . . Et

inridebat

me

(Continentia)

inri-

sione

hortatoria,

quasi

diceret:

'Tu non

poteris,

quod

sti,

quod

istae?

An

uero isti et istae in se

ipsis

possunt

ac

non

in

domino

Deo

suo?'. .

.

Et

ecce

audio uocem

de

uicina

(diuina

S)

domo

cum

cantu

dicentis

et

crebro

repetentis quasi

pueri an puellae nescio:

'Tolle,

lege;

tolle,

lege'

.

.

Itaque

concitus redii

in

eum

locum,

ubi

sedebat

Alypius: ibi

enim

posu-

eram

codicem

apostoli,

cum

inde

surrexeram.

Arripui,

aperui

et

legi in

silentio

capitulum, quo

primum

coniecti

sunt

oculi

mei:

'Non

in comi-

sationibus

.. .

non

incubi-

libus et

inpudicitiis

...

;

sed

induite

dominum

Ie-

sum

Christum et

carnis

prouidentiamne feceritis

in

concupiscentiis

(Rom.

XIII,

I3).'

Nec ultra

uo-

lui

legere nec

opus

erat.

Statim

quippe

cum

fine

huiusce

sententiae

quasi

luce

sec

u

ritatis

in/usacor-

di

meo

omnes dubitatio-

nis

tenebrae

diffugerunt.*

Page 15: Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

7/23/2019 Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

http://slidepdf.com/reader/full/courcelle-les-voix-dans-le-confessions 15/16

Les ,,Voix"

dans

les confessions

de

Saint

Augustin

45

On

ne saurait contester

que

ces textes

s'eclairent l'un l'autre

et

decrivent

un meme

moment

de

la

vie

d'Augustinl:

l'etape

qui suit

la

decouverte

des

livres

neo-platoniciens.

Les mots titubans, properans,

haesitans

paraissent

correspondre,

dans un

raccourci

saisissant,

a

la

douloureuse

deliberation

du

jardin: prosopopees antithetiques des Vanites qui le retardent, de Continence

qui

le

presse,

hesitation supreme

2.

Le monologue

interieur

(inquam)

du

Contra

A cademicos, ncadre

entre itaque...

arripio

(= itaque

. .

arripui,

tolle...

arripui)

et

perlegi

(== legerem; ege

... legi)

nous decele, depouille

de tout artifice

de

presentation

litteraire,

le

cours

des

pensees

d'Augustin

lors de cette

scene:

ce

qui

le

frappe

a l'instant decisif,

c'est l'existence meme

de

((continents)>

en

Egypte

et

a Treves, cette

maltrise

de soi dont

ils

jouissent,

tandis

que lui-meme

n'a jamais pu l'acquerir (nequeenim uere isti tanta potuissent

=

tu non poteris

quod

isti

...,

an uero

isti

.

. .

in

se

ipsis possunt);

cette

maitrise, pense-t-il,

n'est

possible

que

si elle

est une

Grace,

si

par consequent

les textes sacres

(Litterae3)

et

les doctrines (rationes)

de

ces

(i

continents))

ne sont

pas en contradiction

avec

la Verite

des philosophes,

avec le

Bien des

Neoplatoniciens

(huic

tanto bono);

il

ressent

une

telle

decouverte

comme une illumination (lumine

adsperso

luce

# Arriv6e a sa conversion,

A

la voix qu'il entendit dans

le

jardin,

le

Seigneur, je crois, la fit

r6sonner a mes oreilles, si vive 6tait l'6motion de mon coeur)); cf. A.

MOREL-FATIO,

Les

lectures

de sainte

Therese,

dans

Bulletin

Hispanique,

t.

X,

i9o8,

P.

45-49.

La

troisieme

des

estampes gravees par A.

Bonenfant en I624

A

l'usage

des Peres Augustins (Bibl. nat. de

Paris, cabinet

des

estampes,

Rd

67, petit in-fO) repr6sente

Augustin

sous le

figuier,

enten-

dant

le

#

Tolle, lege

)

port6

par des rayons

de la

gloire

divine et entour6

d'angelots.

Les

auteurs

de

cette

composition

ne

prenaient

sflrement

pas

le

((Tolle,

lege#

pour

une

voix

mat6rielle

issue des

enfants du jardin

voisin

d'Augustin,

mais pour une voix int6rieure,

d'origine divine, port6e par

des

anges

ou

Rlus;

il est difficile de

pr6ciser

s'ils

songeaient

A

une

exp6rience mystique

ou

a

une

illumination intellectuelle. M. Verheijen

m'a

signal6 cette

image.

1

J'ai d6ja indiqu6, dans

mes

Recherches

sur les

Confessions,

p. I99,

n.

I, qu'il n'y

avait

pas lieu,

comme

fait G.

MISCH,Geschichte der Autobiographie,

t.

I,2,

3e ed., Berne, I950,

p. 645, n. 2, contre Boissier,

de rapporter l'arripio du Contra Academicos au texte du

livre

VII

plut6t qu'A celui

du livre

VIII

des Confessions:

il

s'agit

en r6alit6 d'une seule et meme

lecture des

ltp?tres

de s. Paul,

consid6r6e

dans son ensemble

au livre VII,

a

son point

culminant au

livre

VIII. J.-J.

O'MEARA, raducteur du Contra Academicos dans la collection

Ancient christian

writers

(Westminster,

I950),

n'a not6

que quelques-uns

de

ces

rapproche-

ments;

dans

les

Actes du

premier

congres de la Fe'deration

internationale des Associations

d'e'tudes classiques, Paris,

I951,

P.

307

et

3I2-3I3, il

a tort de croire que le

(

religionem

quae pueris nobis insita

est#>

du Contra Academicos correspond

au

<(quasi

pueri an puellae*

de la

scene

du

jardin:

dans le

premier cas,

il

s'agit d'Augustin

initie tout jeune au chri-

stianisme

par Monique;

dans le second, des enfants de Continence.

2

Noter Jes termes de la

scene du jardin: haesitans (VIII,

II, 25, i6,

p.

I97); retinebant

... retardabant (action des Vanit6s); blandiens ut uenirem

... hortatoria ... proice te ...

concitus

(action de Continence

et

des continents); cunctabundus

pendebam.

3

Sur

le

sens de Litterae

=

textes

sacrgs, fcritures,

voir

par

exemple

le texte

d'Augustin

cit6

ci-dessus,

p.

38,

n.

5.

Ce sens est

tres frequent;

cf. A. SOUTER,

A

glossary

of later

Latin,

Oxford, I949, P. 234.

Page 16: Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

7/23/2019 Courcelle - Les Voix Dans Le Confessions

http://slidepdf.com/reader/full/courcelle-les-voix-dans-le-confessions 16/16

46

WOLFGANG

SCHADEWALDT

. . . infusa): accord de la

raison et de la

foi: force que la foi fournit au philo-

sophe.

Ceci

ne

confirme-t-il

pas

nettement

l'hypothese que j'avais

emise, selon

laquelle le

'Tolle,

lege',

cri

comme

de

garfon

ou de

fille, je

ne

sais (quasi pueri

an puellae, nescio) traduit de fa~on dramatique I'appel interieur que lui

adress6rent les

garpons

et lilies de Continence

(pueri

et

puellae;

isti et

istae)?

Historiquement, Augustin a saisi, sous leur

impulsion,

le

sens

profond du

verset

de 1'Epitre

aux Romains:

<

Revetez-vous

de Notre

Seigneur Jesus-Christ

et

ne

contentez

pas

la chair

dans ses

convoitises#

;

il

a

pris

conscience

que

ce

texte etait

le

fondement de

la

vie

ascetique, que

la Grace

lui

etait, par lIa,

promise

comme aux saints, et lui permettrait

de

tenir

lui-meme un

voeu

de

continence perpetuelle.

Clamart

(Seine) PIERRE

COURCELLE

ZU

EINEM

FLORENTINER

PAPYRUSBRUCHSTXJCK

AUS DEM eALKMEONIN PSOPHIS' DES EURIPIDES

Im dreizehnten Band der 'Papiri della Societa Italiana' ver6ffentlicht

Medea

Norsa einen Oxyrhynchospapyrus

des Euripides aus dem zweiten

nachchrist-

lichen Jahrhundert in derBehandlung von GirolamoVITELLI; es war

seine letzte

Arbeit'. Frau NORSArwahnt dort einen Brief, den

ich an

Vitelli

kurz vor seinem

Tode iiber den mir freundlichstmitgeteilten Papyrus gerichtet hatte,

der dann

aber in

Italien, ebenso

wie eine zuriuckbehaltene Abschrift in

Deutschland,

durch Kriegseinwirkung verloren ging. Nun ist es mir eine liebe Pflicht der

Pietat gegen den Verstorbenen, den Inhalt dieses Briefes hier naher

ausgefiihrt

mitzuteilen.

Wie

ich schon damals

zu

sehen glaubte

und

sich

mir jetzt

nur neu

bestatigt hat, hat die gute Tyche uns mit

dem

geringen Fetzen

gerade

einen

Knotenpunkt der Handlung

des zugehorigen Stickes in die Hand

gespielt und

damit

treten

weiter auch

Abgrenzung

wie Aufbau einer

wichtigen

verlorenen

Tragodie des fruhen Euripides deutlicher als bisher ins Licht.

Text

daAA'

p'

Eg

o

[ov;

mat'

o'6'E6

pAaare'

ot,]

r,)

5

rz]

SP'

[nxl

To?;r7o0

yXjtaTOV

azd

]

v1IaV

?

drnov6[6

Tra3To' xa'

aap6agk

Eycu

et

rtg

cAxoicc r[ojrov

E'XgavEl

Ao'yov,]

1

Papiri

Greci

e

Latini,

Vol.

I3,

Fasc.

I.

Firenze

1949.

Der

Papyrus dort Nr. I302

Seite

54

f.,

dazu die vorzuglichephotographischeWiedergabeTafel 3.