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Introduction au calcul tensoriel 4h marc François 2 novembre 2007 Table des matières 1 Rappels sur les vecteurs 3 1.1 Notions et opérations élémentaires ............................... 3 1.2 Changement de base ........................................ 4 1.3 Rotations (transformations orthogonales) ........................... 4 2 Objectivité et pertinence de la notation d’Einstein 5 3 Tenseurs du second ordre 7 3.1 Qu’est-ce qu’un tenseur ? ..................................... 7 3.2 Notations ............................................... 8 3.3 Produit tensoriel et base canonique ............................... 8 3.4 Produit simple ou contraction d’indice pour les tenseurs du premier et second ordre . . 9 3.5 Tenseur associé à un projecteur ................................. 9 3.6 Changement de base et transformations orthogonales .................... 10 3.7 Double contraction ......................................... 10 3.8 Invariants .............................................. 11 4 Bases des tenseurs du second ordre 12 4.1 Écriture de Voigt ........................................... 12 4.2 Base des tenseurs symétriques du second ordre ........................ 12 4.3 Base hydrostatique et déviatorique ............................... 13 5 Tenseurs d’ordre supérieur et en particulier du quatrième ordre 14 5.1 Tenseurs d’ordre n ......................................... 14 5.2 Les symétries indicielles du tenseur d’élasticité ........................ 14 5.3 Base minimale ............................................ 15 5.4 Écriture de Voigt ........................................... 16 5.5 Décomposition de Kelvin ..................................... 16 5.6 Décomposition hydrostatique-déviatorique et loi d’élasticité isotrope ........... 17 5.7 Autres formes de la loi d’élasticité linéaire isotrope ...................... 20 5.8 Définition positive du tenseur d’élasticité ............................ 20 5.9 Fluides ................................................ 21 5.10 Une autre vision du critère d’Hencki-Huber-Mises ...................... 22 1

Cours Calcul Tensoriel 2

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Introduction au calcul tensoriel 4h

marc François

2 novembre 2007

Table des matières

1 Rappels sur les vecteurs 31.1 Notions et opérations élémentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31.2 Changement de base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41.3 Rotations (transformations orthogonales) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

2 Objectivité et pertinence de la notation d’Einstein 5

3 Tenseurs du second ordre 73.1 Qu’est-ce qu’un tenseur ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73.2 Notations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83.3 Produit tensoriel et base canonique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83.4 Produit simple ou contraction d’indice pour les tenseurs du premier et second ordre . . 93.5 Tenseur associé à un projecteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93.6 Changement de base et transformations orthogonales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103.7 Double contraction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103.8 Invariants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

4 Bases des tenseurs du second ordre 124.1 Écriture de Voigt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124.2 Base des tenseurs symétriques du second ordre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124.3 Base hydrostatique et déviatorique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

5 Tenseurs d’ordre supérieur et en particulier du quatrième ordre 145.1 Tenseurs d’ordre n . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145.2 Les symétries indicielles du tenseur d’élasticité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145.3 Base minimale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155.4 Écriture de Voigt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165.5 Décomposition de Kelvin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165.6 Décomposition hydrostatique-déviatorique et loi d’élasticité isotrope . . . . . . . . . . . 175.7 Autres formes de la loi d’élasticité linéaire isotrope . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205.8 Définition positive du tenseur d’élasticité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205.9 Fluides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 215.10 Une autre vision du critère d’Hencki-Huber-Mises . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

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6 Dérivation des tenseurs 226.1 Dérivée par rapport à un scalaire, par exemple temporelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . 226.2 Dérivée d’une fonction scalaire par rapport à un tenseur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 226.3 Dérivées spatiales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

Introduction

Ce document n’est pas un cours de mathématiques, toutes les démonstrations ne sont pas ex-haustives. C’est une introduction au calcul tensoriel qui a pour but de présenter les outils les plusperformants pour travailler sur les problèmes de mécanique. Les méthodes de calcul des classes pré-cédentes, en ligne par colonne, sont peu efficaces et lentes. Elles ne permettent d’ailleurs pas le calculsur des tenseurs d’ordre supérieur à deux. Les concepts nouveaux, pour certains, seront les tenseursd’ordre supérieur à deux, le produit tensoriel, les contractions, les projecteurs du quatrième ordre.

Les notions ne sont pas abordées dans l’ordre classique des mathématiciens (voir pour cela dansWikipedia) mais dans une logique plus adaptée à nos travaux.

Dans tout le document nous nous limitons au cas des bases orthonormées. Seuls les calculs surles coques, en Mécanique, font appel à d’autres bases.

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1 Rappels sur les vecteurs

1.1 Notions et opérations élémentaires

On considère un espace vectoriel de dimension 3. Sa base orthonormée (directe) est notée {~ei}.Pour un vecteur ~u quelconque, et en utilisant la convention d’Einstein (l’indice répété est sommé) :

~u = uj~ej (1)

Distinguons à ce niveau l’écriture intrinsèque ~u et la notation indicielle ui qui dépend de la base choi-sie. Cela prend toute son importance au niveau du principe d’objectivité (traité après). On utilise leproduit scalaire canonique ; δij est l’indice de Kronekker qui vaut 1 si i=j et 0 si non.

~ei.~ej = δij (2)

En utilisant (1, 2) il vient :

~u.~ei = uj~ej.~ei

= ujδij

ui = ~u.~ei (3)

Avec une démonstration équivalente, on a :

~u.~v = uivi (4)

Rappelons que ~u.~v = ‖u‖‖v‖cos(~u,~v), soit la contribution des deux vecteurs. En utilisant (1,3) onobtient le théorème de décomposition orthogonale :

~u = (~u.~ei).~ei (5)

La norme euclidienne naturelle est définie comme suit ; sa valeur représente la longueur du vecteur.

‖~u‖ =p~u.~u =p

uiui (6)

Le symbole de permutation circulaire (de Levi-Civita) Πijk vaut 0 si un des indices est répété (p. ex.Π122 = 0), 1 dans le cas d’une permutation directe de (1,2,3) : Π123 =Π231 =Π312 = 1 et −1 dans le casd’une permutation indirecte : Π321 = Π213 = Π132 = −1. On vérifie aisément ΠijkΠijk = 6. Le produitvectoriel se définit comme :

~ej ∧~ek = Πijk~ei (7)

~u ∧ ~v = Πijkujvk~ei (8)

On rappelle la relation ‖~u∧~v‖ = ‖u‖‖v‖sin(~u,~v). Combiné avec le produit vectoriel, on défini le pro-duit mixte dont on rappelle quelques propriétés :

(~u,~v, ~w) = (~u ∧ ~v). ~w (9)

= det([~u,~v, ~w]) (10)

Cette valeur correspond au volume du parallélépipède généré par les trois vecteurs.

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1.2 Changement de base

Ces notions sont triviales mais on se trompe si souvent que je crois bon de les rappeler. Soient~ei « l’ancienne »base et ~Ei la « nouvelle ». Partant du théorème de décomposition orthogonale (5), ondéfinit la matrice de changement de base P :

~Ej = (~Ej.~ei)~ei

~Ejdef= Pij~ei (11)

.~ei ⇒ Pij = ~ei.~Ej

Pij = ~ei

~Ej (~ei.~Ej)

(12)

La définition du produit mixte entraîne det(P) = 1. En partant dans l’autre sens on montre la propriétéclassique suivante :

~ei = (~ei.~Ej)~Ej

= Pij~Ej

= PijPkj~ek

or, ~ei = δik~ek

⇒ PijPTjk = δik

P−1 = PT (13)

Il faut bien faire attention au sens des indices lorsqu’on travaille sur les composantes v (dans l’an-cienne base) et V (dans la nouvelle) du vecteur ~v :

Vj = ~v.~Ej

= ~v.Pij~ei

⇒ Vj = Pijvi = PTji vi (14)

Finalement, pour avoir les composantes Vj, dans la nouvelle base, il faut utiliser PT pour effectuer unproduit ligne colonne... À l’inverse :

vj = P−1ij Vi

= PjiVi

en permutant i et j : vi = PijVj (15)

1.3 Rotations (transformations orthogonales)

Considérons l’opérateur R ∈ SO(3), où R est la matrice associée et le groupe des transformationsorthogonales ou groupe des rotations (le groupe des rotations et symétries, où det(R) =±1 se nommeO(3)).

R ∈ SO(3) ⇐⇒ R.RT = I et det(R) = 1 (16)

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Page 5: Cours Calcul Tensoriel 2

Par définition la matrice est construite de manière suivante, toujours à partir de la décompositionorthogonale :

R(~ej) = (R(~ej).~ei)~ei

def= Rij~ei

.~ei ⇒ Rij = ~ei.R(~ej)

Rij = ~ei

R(~ej) (~ei.R(~ej))

(17)

Les composantes d’un vecteur ~u s’obtiennent comme suit, toujours depuis la décomposition ortho-gonale :

~u = uj~ej

R(~u) = ujR(~ej)

R(~u) = ujRij~ei

R(~u).~ei = ujRij

R(~u)i = Rijuj (18)

On remarque que, par rapport à (15), le sens de calcul est différent.

Démonstrations

Montrons la propriété (16) à partir de la propriété de l’opérateur R : il conserve les angles, doncles produits scalaires.

Rij = ~ei.R(~ej)

Rij = R−1(R(~ej)).R−1(~ei)

Rij = ~ej.R−1(~ei)

Rij = R−1ji

=⇒ R = R−T

=⇒ RT = R−1

Montrons que le déterminant vaut 1 : la base ~ei est orthonormée, donc :

~e1.(~e2 ∧~e3) = 1

R(~e1).(R(~e2)∧R(~e3)) = 1

Ri1~ei.(Rj2~ej ∧Rk3~ek) = 1

=⇒ det(R) = 1

2 Objectivité et pertinence de la notation d’Einstein

Le principe d’objectivité stipule qu’un phénomène physique ne peut pas dépendre de la base choi-sie (purement mathématique, elle n’a pas de sens physique). Par exemple ~u est une grandeur objec-

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tive, mais ui (un seul terme...) ne l’est pas.

La convention d’Einstein est de sommer l’indice répété. Nous allons montrer qu’un terme ainsiconstitué est forcément objectif (c’est le réel intérêt, souvent méconnu, de la convention...). Par exemplesur une sommation de composantes, comme dans le cas du produit scalaire, on montre que la pro-priété (13) entraîne l’invariance du résultat par rapport à la base. Considérons le calcul de ~u.~v dansl’ancienne base :

~u.~v = uivi

= PikUkPilVl

= PTkiPilUkVl

= δklUkVl

= UkVk

Le même calcul, quelque soit la base, donne le même résultat ; c’est un invariant et un phénomènephysique peut être décrit en fonction d’un produit scalaire ; par exemple le travail d’une force dW =F.dl = Fidli ne dépend (heureusement !) pas de la base choisie.

Pour une expression contenant à la fois composantes et vecteurs de base, le résultat est similaire :

~u = ui~ei

= PikUkPil~El

= PTkiPilUk~El

= δklUk~El

= Uk~Ek

Il n’est pas nécessaire d’aller plus loin, répéter un nombre pair de fois dans une expression est uneopération objective. Nous en reparlerons dans la partie sur les tenseurs. Pour se donner une idée, sup-posons que ~u est le vecteur (L,H,P) représentant les cotes d’un bureau : u1 = 1m n’a pas de sens car ildépend de la base choisie : est-ce la longueur, la largeur, la hauteur ? Par contre ‖~u‖ = 2m représentela « trissectrice »du bureau (sa plus grande longueur) et c’est un invariant. Pour que ~u1 représente lalongueur du bureau il faut que ~e1 ait un sens physique précis, par exemple associé un l’axe du bureau.C’est ce que l’on rencontrera avec l’anisotropie.

Précisons enfin que tout calcul issu d’une écriture intrinsèque, ne dépendant d’aucune base, estpar essence objective. Par exemple, on pourra calculer ~n.C.~n, ou (~u ⊗ (~n ∧ ~m)) :C sans états d’âme.

Démonstrations : le cas du produit vectoriel, produit mixte et du déterminant

Vérifions l’invariance du produit vectoriel (vous êtes vous déjà posé la question ?) :

Πijkujvk~ei = ΠijkPjqUqPkrVrPip~Ep

= ΠijkPipPjqPkrUqVr~Ep

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Page 7: Cours Calcul Tensoriel 2

Analysons le terme ΠijkPipPjqPkr. À ce niveau je n’ai pas trouvé plus astucieux que d’analyser les caspossibles. Dans ce qui suit l’indice répété n’est pas sommé.

si p=q alors ΠijkPipPjpPkr = ΠijkPipPTpjPkr

= ΠijkδijPkr

= 0 car Πijk = 0,si i = j et δij = 0,si i 6= j

On a la même chose en analysant les cas q=r et p=r. Donc il nous reste à analyser les cas ou (p,q,r)sont différents. Commençons par le cas où ils forment une permutation directe, par exemple (1,2,3).Alors :

ΠijkPipPjqPkr = ΠijkPi1Pj2Pk3

= det(P)

= 1

Dans le cas d’une permutation indirecte on trouve bien sûr −1. L’ensemble de ces résultats montreque le terme recherché vaut 0 si deux indices sont égaux, 1 si (p,q,r) forment une permutation directeet −1 s’ils forment une permutation indirecte ; c’est à dire :

ΠijkPipPjqPkr =Πpqr (19)

Et donc, notre calcul devient :

Πijkujvk~ei = ΠpqrUqVr~Ep

qui est de structure totalement similaire. Nous avons montré l’invariance du produit vectoriel par rap-port au choix de la base. Cette propriété est vrai grâce aux propriétés particulières de Π (qui n’est pasun tenseur mais un pseudo-tenseur... et dont (19) montre qu’il est isotrope). Composé d’un produitscalaire et d’un produit vectoriel, le produit mixte(et donc le déterminant) est lui aussi un invariant.Donc ces grandeurs sont intrinsèques et utilisables dans un calcul scientifique. Par exemple ~f = q~v∧~best la force de Lorentz.

3 Tenseurs du second ordre

3.1 Qu’est-ce qu’un tenseur ?

Souvent posée par les étudiants, cette question n’a rien d’évident pour les tenseurs du premierordre (vecteurs) et du second, qui sont souvent assimilés à leur matrice de composantes. La défini-tion la plus simple est à mon sens celle trouvée dans Wikipedia :

Une application linéaire f d’un espace E vers un espace F est décrite par une matrice M dont lescoefficients dépendent de la base de E et de celle de F. Le tenseur représente l’ensemble des représen-tations de f dans toutes les bases. Une matrice est un tenseur dit « d’ordre 2 ».

Donc un vecteur ~u l’ensemble des matrices ui, (1,3) ou (3,1), dans toutes les bases.Un tenseur du second ordre σ, est l’ensemble des matrices σij (3,3) ou (1,9) ou (9,1) dans toutes lesbases.

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On retient donc que le mot tenseur est associé à une représentation intrinsèque et que l’ordre nreprésente le nombre d’indices ; on a donc en général 3n composantes dans un espace de dimension3.

Les tenseurs furent inventés dans les années 1900 par Voigt et Levi-Civita ; certains prémices setrouvent dans les travaux d’Hamilton (1846). L’analyse tensorielle a été utilisée par Einstein vers 1915,ce qui lui a permis de réaliser la théorie de la relativité. Rappelons que, lorsque la base n’est pas ortho-normée, les choses sont nettement plus compliquées, il faut alors distinguer les tenseurs covariantset contravariants, et utiliser le tenseur métrique.

3.2 Notations

Pas de règle universelle, hélas. Je montre ci-dessous les représentations les plus répandues. No-ter que les notations en gras sont équivalentes (ce sont des raisons techniques de typographie) auxnotations en relief. Rappelons que les scalaires se notent en italique (p. ex. x) et les matrices, en tant

TAB. 1 – notations des tenseurs

ordre composantes .fr .us -1 ui ~u u u2 σij σ σ σ

4 Cijkl C C C

qu’ensemble de scalaire, aussi (p. ex. P). La notation us a l’avantage de mettre en écriture droite tousles éléments intrinsèques...

3.3 Produit tensoriel et base canonique

On définit le produit tensoriel comme l’opérateur permettant de passer de tenseurs d’ordre n etm à un tenseur d’odre n +m. Un vecteur est un tenseur d’ordre 1 (il ne possède qu’un composante).L’espace des tenseurs du second ordre se nomme T 2.

⊗ : (~u,~v) −→ ~u ⊗ ~v (20)

La base canonique {~ei ⊗~ej} est définie depuis la base canonique des vecteurs ; elle possède 9 compo-santes. Un tenseur du second ordre, σ, possède donc 9 composantes sur cette base ; on reconnaîtdans ce qui suit le théorème de décomposition orthogonale (5) appliqué aux tenseurs.

σ=σij~ei ⊗~ej (21)

Les composantes σij sont généralement représentées sous forme de matrice 3×3. On utilisera essen-tiellement des tenseurs symétriques. Ils ne possèdent que 6 composantes indépendantes dans la basecanonique. Leur matrice représentante est symétrique.

σ ∈T 2s ⇐⇒σij =σji (22)

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Les composantes du produit tensoriel ~u ⊗ ~v s’obtiennent comme le résultat du produit colonne-ligne(à condition que les deux vecteurs soient exprimés dans la même base).

~u ⊗ ~v = ui~ei ⊗ vj~ej

= uivj~ei ⊗~ej

[~u ⊗ ~v]ij = uivj (23) u1v1 u1v2 u1v3

u2v1 u2v2 u2v3

u3v1 u3v2 u3v3

= u1

u2

u3

.[

v1 v2 v3]

(24)

3.4 Produit simple ou contraction d’indice pour les tenseurs du premier et second ordre

L’opérateur . est une extension du produit scalaire des vecteurs. Défini comme la contraction surl’indice proche permet d’identifier le produit ligne colonne au niveau du calcul matriciel, que ce soitpour un produit tenseur-vecteur :

σ.~n = σij~ei ⊗~ej.nk~ek

def= σijnk~ei(~ej.~ek)

= σijnkδjk~ei

= σijnj~ei

[σ.~n]i = σijnj (25)

ou pour un produit tenseur-tenseur, dont les composantes correspond au produit ligne colonne entredeux matrices.

σ.ε = σij~ei ⊗~ej.εkl~ek ⊗~el

def= σijεkl~ei ⊗ (~ej.~ek)~el

= σijεklδjk~ei ⊗~el

= σikεkl~ei ⊗~el

[σ.ε]il = σikεkl (26)

3.5 Tenseur associé à un projecteur

On identifie aisément (il suffit de vérifier que le calcul indiciel est identique sur les deux expres-sions) la structure et les composantes du tenseur Pn associé à la projection P[~n] (sur ~n normé) :

P[~n](~u) = (~u.~n)~n

soit P[~n](~u)i = ninjuj

P[~n](~u) = (~n ⊗ ~n).~u

P[~n](~u)def= Pn .~u

=⇒ Pn = ~n ⊗ ~n (27)

Cette dernière expression est particulièrement utile, ne pas l’oublier. On forme aisément le projecteurP⊥

n sur le plan ~n⊥ orthogonal à ~n, en utilisant (encore) le théorème de décomposition orthogonale,

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Page 10: Cours Calcul Tensoriel 2

avec {~n, ~m, ~p} choisis pour former une base orthonormée :

~u = (~u.~n)~n + (~u. ~m) ~m + (~u.~p)~p

= P[~n](~u)+P[~n⊥](~u)

P[~n⊥](~u) = ~u −P[~n](~u)

P⊥n .(~u) = I .~u −Pn .(~u)

=⇒ P⊥n = I −Pn

P⊥n = I − ~n ⊗ ~n (28)

Les expressions (27, 28) montrent sans ambiguïté que l’on peut parler des tenseurs de projection Pn

et P⊥n . Les opérateurs de rotation sont aussi des tenseurs.

3.6 Changement de base et transformations orthogonales

Il suffit de repartir de l’expression (21), qui au passage est la décomposition orthogonale de σ surla base ~ei ⊗~ej... pour obtenir la bonne formule :

σ = σij~ei ⊗~ej

= σijPik~Ek ⊗Pjl~El

= σijPikPjl(~Ek ⊗ ~El)

En nommant Σ la matrice représentantσ dans la nouvelle base ~Ei⊗~Ej, et en utilisant la propriété (13),on a alors l’expression (classique) :

Σkl = PTkiσijPjl (29)

Le calcul est similaires pour les rotations :

R(σ) = σijR(~ei)⊗R(~ej)

= σijRki~ek ⊗Rlj~el

= RkiRljσij~ek ⊗~el

et donc[R(σ)]kl = RkiRljσij (30)

Soit, matriciellement, avec la propriété (16) :

[R(σ)] = R.[σ].RT (31)

3.7 Double contraction

Cette opération est notée " :", on contracte les deux indices proches. Sur des tenseurs du secondordre, on obtient un scalaire. Concernant deux paires d’indices, l’opérateur est intrinsèque. Sur lestermes de la base :

~ei ⊗~ej : ~ek ⊗~eldef= (~ej.~ek)(~ei.~el)

= δjkδil (32)

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Sur deux tenseurs du second ordre :

σ : ε = σij(~ei ⊗~ej) : εkl(~ek ⊗~el)

= σijεklδjkδil

= σijεji (33)

Si les tenseurs sont symétriques :σ : ε=σijεij (34)

Sous Matlab, cette opération s’écrit simplement SUM(SUM(SIG.*EPS)), car l’opérateur .* représentela multiplication terme à terme. Une écriture équivalente est obtenue avec l’opérateur trace :

σ : ε= trace(σ.εT) (35)

Bien que répandue, cette façon de calculer implique 3x9=27 multiplications et 3 additions, tandis quela forme (33) ou (33) n’en impliquent que 9 multiplications et 9 additions.

Calculons les composantes d’un tenseur : c’est l’opération inverse de (29). Depuis cette expres-sion, on procède exactement comme avec les vecteurs :

σ = σij~ei ⊗~ej

σ : (~ek ⊗~el) = σij(~ei ⊗~ej) : (~ek ⊗~el)

σkl = σ : (~ek ⊗~el) (36)

3.8 Invariants

Un invariant est une fonction scalaire d’un tenseur qui ne dépend pas de la base considérée. C’estdonc une grandeur objective. On peut l’obtenir avec une ou des opérations de contraction, "." ou " :".Il doit dépendre du tenseur considéré σ et peut dépendre aussi d’un tenseur invariant par toute ro-tation (SO(3)-invariant). Il n’y en a qu’un c’est l’identité I . La décomposition harmonique en valeurspropres et vecteurs propres, nous fait savoir qu’il n’y en a que trois invariants indépendants. Contrai-rement à ce qui est malheureusement souvent enseigné, il existe non pas « les invariants »mais desfamilles d’invariants. Les plus utilisés sont :

Rivlin-Ericksen (relatifs à la décomposition éponyme)

J1 =σ : I = trace(σ)J2 = 1

2 (σ.σ) : I = 12 trace(σ.σ)

J3 = 13 (σ.σ.σ) : I = 1

3 trace(σ.σ.σ)

Les invariants Ii sont associés au théorème de Cayley-Hamilton, c’est à dire qu’ils forment lescoefficients du polynôme caractéristiques :

det(σ−λI ) = −λ3 + I1λ2 − I2λ+ I3 (37)

σ.σ.σ− I1σ.σ+ I2σ− I3I = 0 (38)

I1 = trace(σ)I2 = 1

2

(trace(σ)2 − trace(σ.σ)

)I3 = det(σ)

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Bien sûr, les trois valeurs propres λi,solutions du polynôme caractéristiques, sont aussi des inva-riants. Rappelons que la norme euclidienne naturelle, ‖σ‖ =p

σ :σ est un invariant. Enfin, le tenseurσ peut s’exprimer de manière intrinsèque sous sa forme diagonale. On remarque qu’il y a trois va-riables λi et trois pour le trièdre des vecteurs propres ~ui (angles d’Euler) qui forme une base ortho-normée si σ est symétrique (s’il ne l’est pas on retrouve 3+6=9 variables dans σ).

σ=λi(~ui ⊗ ~ui) (39)

Cette équation prose un problème au niveau du nombre de contractions (3 i...), il faut faire un entorseà la règle de sommation ou considérer le projecteur Pi = ~ui ⊗ ~ui. On trouve dans la littérature toutesles relations entre les différents invariants.

4 Bases des tenseurs du second ordre

Nous avons déjà étudié la base canonique. Celle-ci n’est pas forcément la plus adaptée aux ten-seurs symétriques auxquels nous avons à faire, mais encore moins aux tenseurs d’ordre supérieur,comme le tenseur d’élasticité que nous étudierons après, à cause de leur grand nombre de symétriesindicielles.

4.1 Écriture de Voigt

Voigt a eu le premier l’idée de profiter de la symétrie indicielle deσ et ε pour minimiser le nombrede variables indépendantes de 9 à 6 en adoptant la convention suivante :

σ=

σ11

σ22

σ33

σ23

σ31

σ12

(40)

Bien que commode et encore très utilisée, nous verrons au chapitre suivant que cette notation poseproblème. Néanmoins, l’ordre des indices est retenu aussi pour les autres bases.

4.2 Base des tenseurs symétriques du second ordre

Nous construisons une base orthonormée des tenseurs du second ordre :

E1 = ~e1 ⊗~e1

E2 = ~e2 ⊗~e2

E3 = ~e3 ⊗~e3

E4 = 1p2

(~e2 ⊗~e3 +~e3 ⊗~e2)

E5 = 1p2

(~e3 ⊗~e1 +~e1 ⊗~e3)

E6 = 1p2

(~e1 ⊗~e2 +~e2 ⊗~e1) (41)

12

Page 13: Cours Calcul Tensoriel 2

On vérifie aisément que cette base est orthonormée et qu’elle respecte la symétrie indicielle. Commepour les vecteurs, les composantes s’obtiennent par (double) contraction, c’est à dire par projectionsur ces tenseurs de base :

σI =σ : EI (42)

On peut donc établir l’équivalence avec la base canonique suivante :

σ1 = σ11

σ2 = σ22

σ3 = σ33

σ4 =p

2σ23

σ5 =p

2σ32

σ6 =p

2σ12 (43)

Cette base conserve toutes les opérations tensorielle. Par exemple, on calculera bien plus rapidementdans cette base que sous la forme canonique (3x3) les opérations suivantes :

‖σ‖ =√∑

σ2I (44)

σ : ε = σIεI (45)

On pourra vérifier, à à titre d’exercice, ces relations. L’idée générale est que les équations tensoriellesse convertissent en équation vectorielles dans cet espace à 6 dimensions.

4.3 Base hydrostatique et déviatorique

On montre que les seuls éléments isotrope (invariant par toute rotation, c’est à dire par SO(3) del’espace des tenseurs du second ordre T 2 sont proportionnels à l’identité I (pour cette raison onappelle souvent un tenseur du type aI sphérique. Prenons le représentant normé de cette famille :

Hdef= Ip

3(46)

La lettre H signifie hydrostatique, c’est à dire relatif à une pression de fluide statique ; c’est un termeéquivalent (pour les physiciens) à sphérique (pour les matheux...). On peut compléter la base par cinqéléments DI orthogonaux, (base d’Illiushin, exprimée ci-dessous en base des tenseurs symétriques dusecond ordre EI). Ils sont donc notamment orthogonaux à H , ne contiennent aucune « pression » ; onles nomme déviateurs.

H

1/p

31/p

31/p

3000

D1

2/p

6−1/

p6

−1/p

6000

D2

01/p

2−1/

p2

000

D3

000100

D4

000010

D5

000001

(47)

Remarquons que la projection d’un tenseur σ suivant H n’est autre que :

(σ : H)H = 1

3(σ : I ) : I

= 1

3trace(σ)I (48)

Le déviateur D1 est celui de la traction suivant ~e1.

13

Page 14: Cours Calcul Tensoriel 2

5 Tenseurs d’ordre supérieur et en particulier du quatrième ordre

5.1 Tenseurs d’ordre n

On généralise la notion précédente. Un tenseur d’ordre n est noté Tijklm... et possède n indices,variant de 1 à 3 en trois dimensions. La base canonique est construite à l’aide de l’opérateur ⊗ ; pourles tenseurs du 4e ordre, la base est : {

~ei ⊗~ej ⊗~ek ⊗~el}

(49)

Elle possède 3n composantes (soit ici 81) composantes. Les opérations de contraction suivant la règled’Einstein sont toujours objectives. La contraction . ou : s’entend toujours sur les indices proches. Parexemple, pour deux tenseurs du 4ème ordre :

A :B = AijklBpqrs(~ei ⊗~ej ⊗~ek ⊗~el) : (~ep ⊗~eq ⊗~er ⊗~es)

= AijklBpqrs(~ei ⊗~ej)⊗ (~er ⊗~es)(~ek.~eq)(~el.~ep)

= AijklBpqrs(~ei ⊗~ej)⊗ (~er ⊗~es)δkqδlp

[A :B]ijrs = AijklBlkrs (50)

Montrons qu’un contraction sur deux indices est indépendante du repère :

Aijkk~ei ⊗~ej = Aijkl(~ei ⊗~ej)~ek.~el

= AijklPip~Ep ⊗Pjq~Eq(Pkr~Er.Pls~Es)

= AijklPip~Ep ⊗Pjq~Eq(PkrPlsδrs)

= AijklPip~Ep ⊗Pjq~Eq(PkrPTrl )

= AijklPip~Ep ⊗Pjq~Eqδkl

= AijkkPip~Ep ⊗Pjq~Eq (51)

On obtient bien le même tenseur du second ordre, exprimé dans la nouvelle base ~Ei, l’opération decontraction restant la même. De la même manière on généralise les opérations de changement debase et de rotation par les formules suivantes :

Aijkl(~Ei ⊗ ~Ej ⊗ ~Ek ⊗ ~El) = PipPjqPkrPls Apqrs(~ei ⊗~ej ⊗~ek ⊗~el) (52)

R(A)ijkl = RpiRqjRrkRsl Apqrs (53)

5.2 Les symétries indicielles du tenseur d’élasticité

On nomme C le tenseur d’élasticité. Il fournit la loi d’élasticité linéaire, en général anisotrope,suivante :

σ=C : ε (54)

Les symétries σij = σji et εkl = εlk entraînent les deux « petites »symétries du tenseur d’élasticité. Latroisième symétrie indicielle est appelée « grande symétrie ».

Cijkl = Cjikl (55)

Cijkl = Cijlk (=Cjilk) (56)

Cijkl = Cklij (=Clkij =Cklji =Cjilk) (57)

14

Page 15: Cours Calcul Tensoriel 2

Démonstration de la grande symétrie

Pour démontrer cette dernière, écrivons le théorème de l’énergie cinétique, en quasi-staituqe ilvient :

dEc = δwi +δwe

0 = −σ : dε+δwe

δwe = σ : dε

La contrainte dérive de l’énergie libre de Helmholtz :

σ= ∂ρΨ

∂ε(58)

La relation de comportement linéaire peut se réécrire comme :

C = ∂σ

∂ε

= ∂2ρΨ

∂ε2

Cijkl = ∂2ρΨ

∂εijεkl

= ∂2ρΨ

∂εklεij

= Cklij

5.3 Base minimale

La base canonique comprend 81 termes. Les petites symétries de C font penser à utiliser une baseissue de la base des tenseurs symétriques du second ordre ~Ei (équation 41). Formons la base ~Ei ⊗ ~Ej.Elle possède 6x6=36 termes et respecte implicitement les petites symétries. Écrivons le tenseurC danscette base. Par rapport aux composantes en base canonique, nous avons (vérifier quelques termes àtitre d’exercice) :

C

C1111 C1122 C1133p

2C1123p

2C1131p

2C1112

C2211 C2222 C2233p

2C2223p

2C2231p

2C2212

C3311 C3322 C3333p

2C3323p

2C3331p

2C3312p2C2311

p2C2322

p2C2333 2C2323 2C2331 2C2312p

2C3111p

2C3122p

2C3133 2C3123 2C3131 2C3112p2C1211

p2C1222

p2C1233 2C1223 2C1231 2C1212

(59)

La grande symétrie implique que cette matrice est symétrique ; nous avons alors 21 composantesindépendantes. À l’aide de l’expression deσ (équation 43), la loi d’élasticité se met alors sous la formematricielle suivante (toujours par rapport aux composantes en base canonique) :

σI = C IJεJ (60)

σ11

σ22

σ33p2σ23p2σ31p2σ12

=

C1111 C1122 C1133p

2C1123p

2C1131p

2C1112

C2211 C2222 C2233p

2C2223p

2C2231p

2C2212

C3311 C3322 C3333p

2C3323p

2C3331p

2C3312p2C2311

p2C2322

p2C2333 2C2323 2C2331 2C2312p

2C3111p

2C3122p

2C3133 2C3123 2C3131 2C3112p2C1211

p2C1222

p2C1233 2C1223 2C1231 2C1212

.

ε11

ε22

ε33p2ε23p2ε31p2ε12

(61)

15

Page 16: Cours Calcul Tensoriel 2

On vérifie que l’on retrouve bien le résultat du calcul indiciel par exemple :

σ11 = C1111ε11 + ...+C1123ε23 +C1132ε32 + ...

σ23 = C2311ε11 + ...+C2323ε23 +C2332ε32 + ...

La matrice représentant C est bien issue d’une base de tenseurs. Le tenseur des souplesses, S est telque :

ε=S :σ (62)

On l’obtient par l’inverse de la matrice précédente :

S =C−1

(63)

5.4 Écriture de Voigt

On la trouve encore beaucoup. Il faut un jeu de coefficients 2 bien placés pour retrouver les équa-tions du calcul indiciel. On utilise :

σI = CIJεJ (64)

σ11

σ22

σ33

σ23

σ31

σ12

=

C1111 C1122 C1133 C1123 C1131 C1112

C2211 C2222 C2233 C2223 C2231 C2212

C3311 C3322 C3333 C3323 C3331 C3312

C2311 C2322 C2333 C2323 C2331 C2312

C3111 C3122 C3133 C3123 C3131 C3112

C1211 C1222 C1233 C1223 C1231 C1212

.

ε11

ε22

ε33

2ε23

2ε31

2ε12

(65)

L’écriture est séduisante d’autant que le terme 2ε12 = γ12, l’ancienne notation des distorsions. Maison ne peut calculer l’inverse, ni la norme, ni les projections en général.

5.5 Décomposition de Kelvin

La matrice C IJ, symétrique, est diagonalisable. Sa forme diagonale se nomme décomposition deKelvin. Les six valeurs propres λI sont les modules de Kelvin, GPa. Les six tenseurs propres K I associéssont les modes propres du système. Quelque soit l’anisotropie du matériau, il existe six déformationstelles que les contraintes leur sont proportionnelles. On peut donc noter la loi de Hooke sous sa formede Kelvin, analogue à celle des tenseurs du second ordre (39) :

C =6∑

I=1λIK I ⊗K I (66)

La thermodynamique impose que l’énergie libre soit positive pour tout ε. Celle-ci s’écrit 2ρΨ = ε :C : ε. Cela entraîne que C est strictement convexe, c’est à dire que les modules de Kelvin sont touspositifs :

λI > 0 (67)

Le nombre de constantes de C se décompose en 6 pour les λI, et, compte tenu des conditions de nor-malité et d’orthogonalité des modes, 5+4+3+2+1=15 pour les modes propres.

16

Page 17: Cours Calcul Tensoriel 2

Les K I, orthonormés, forment une base de T 2s. Tout tenseur ε peut se décomposer dans cettebase :

ε=5∑

I=1εIK I (68)

Si l’on forme l’énergie élastique suivante (du type kx2/2 pour les ressorts...), l’orthogonalité des K I

permet de monter qu’il existe une énergie par mode de Kelvin :

2W = ε :C : ε (69)

= εIK I :λJK J ⊗K J : εIK I

= λI(εI)2 (70)

On a donc à faire avec six modes propres, d’énergie distincte et additive. Comme pour toute diago-nalisation, certaines valeurs propres peuvent être confondues, cela revient à avoir des espace propresde dimension > 1. Nous allons en avoir un exemple ci-après.

5.6 Décomposition hydrostatique-déviatorique et loi d’élasticité isotrope

Nous avons vu au chapitre (4.3) que seul le tenseur du second ordre H est isotrope. Nous pouvonsformer le projecteur Ph, sur cet espace hydrostatique (sphérique), de dimension 1 :

Ph = H ⊗H (71)

Le complément de ce projecteur, le projecteur sur l’espace des déviateurs Pd peut être obtenu à partirdes autres éléments DI de la base (47), c’est à dire :

Pd = D1 ⊗D1 +D2 ⊗D2 +D3 ⊗D3 +D4 ⊗D4 +D5 ⊗D5 (72)

Ce projecteur est obtenu plus simplement en considérant le théorème de la décomposition orthogo-nale (où I est le tenseur identité du 4e ordre) :

ε = Ph : ε+Pd : ε

I : ε = Ph : ε+Pd : ε

Pd = I−Ph (73)

Les composantes du tenseur I sont évidemment des 1 sur la diagonale en base ~Ei⊗~Ei . Partant de l’uneou l’autre expression on trouve, l’expression des deux projecteurs dans cette base :

PH

1/3 1/3 1/3 0 0 01/3 1/3 1/3 0 0 01/3 1/3 1/3 0 0 0

0 0 0 0 0 00 0 0 0 0 00 0 0 0 0 0

(74)

PD

2/3 −1/3 −1/3 0 0 0−1/3 2/3 −1/3 0 0 0−1/3 −1/3 2/3 0 0 0

0 0 0 1 0 00 0 0 0 1 00 0 0 0 0 1

(75)

17

Page 18: Cours Calcul Tensoriel 2

D’un point de vue numérique il est particulièrement efficace de calculer les parties déviatoriques ethydrostatiques des tenseurs à l’aide de ces projecteurs. Ce qui se réduit (ce n’est pas écrit mais vousavez compris), en base ~Ei ⊗ ~E j , à un produit matrice-vecteur 6x6.

εh = Ph : ε (76)

εd = Pd : ε (77)

Le projecteur Ph est un opérateur isotrope (car issu de H). L’opérateur I, en tant qu’identité, est aussiobjectivement isotrope et donc l’opérateur Pd aussi (depuis 73). On admet que ce sont les deux seulsopérateurs isotropes possibles. En langage mathématique on peutparler de projecteur vers les sousespace T 2sd des déviateurs (5 dimensions) et T 2sh sphériques (1 dimension) et poser :

T 2s =T 2sh ⊕T 2sd (78)

La loi d’élasticité linéaire isotrope dépend alors des deux constantes 3K et 2µ, multiplicateur de cesprojecteurs :

C= 3KPh +2µPd (79)

Dans la base ~Ei ⊗ ~E j , on a alors :

C =

3K+4µ3

3K−2µ3

3K−2µ3 0 0 0

3K−2µ3

3K+4µ3

3K−2µ3 0 0 0

3K−2µ3

3K−2µ3

3K+4µ3 0 0 0

0 0 0 2µ 0 00 0 0 0 2µ 00 0 0 0 0 2µ

(80)

Dans la base (H ,DI) (quelques soient les tenseurs DI choisis pour compléter cette base) on identifiela forme diagonale de la décomposition de Kelvin :

C =

3K 0 0 0 0 00 2µ 0 0 0 00 0 2µ 0 0 00 0 0 2µ 0 00 0 0 0 2µ 00 0 0 0 0 2µ

(81)

Appliqué à un tenseur des déformations, on obtient :

σ= 3Kεh +2µεd (82)

On peut aussi séparer les parties hydrostatiques et déviatoriques de σ et reconnaître la forme de ladécomposition de Kelvin :

σh = 3Kεh (83)

σd = 2µεd (84)

La loi de Hooke sous forme d’homothétie dans les sous-espaces orthogonaux T 2sh et T 2sd est illus-trée par la figure (1) suivante : La première équation, contractée avec H permet d’obtenir le sens

18

Page 19: Cours Calcul Tensoriel 2

ε

εH

εD

HT2sh (dim.1)

T2sd (dim.5)

σH=3ΚεH

σD=2µεD

D2D3

D4

D1

D5

tenseurs de base

FIG. 1 – Loi de Hooke élastique isotrope

physique de 3K :

σh = (σ : H)H

σh : H = (σ : H)H : H

= 1p3

trace(σ) (85)

d′ou trace(σ) = 3K trace(ε) (86)

(87)

Si on se rappelle que trace(σ) =−3p où p est la pression moyenne et que trace(ε) =∆V /V la variationrelative de volume, on obtient :

p =−K∆V

V(88)

et K est le module de compressibilité hydrostatique, le même que celui des fluides. Si l’on applique larelation (84) à une sollicitation de cisaillement pur, par exemple σ = (~e1 ⊗ ~e2 + ~e2 ⊗ ~e1)/1 on se rendcompte que 2µ est le module de cisaillement (le 2 vient de l’ancienne écriture τ = σ12 = µγ12 avecγ= 2ε12).

Suivant la décomposition de Kelvin de l’énergie (70), nous obtenons :

2W = 3Kεh : εh +2µεd : εd (89)

Le second terme est relatif au carré de la norme de εd, utilisée dans le critère de Von Mises. Celui-cipeut donc s’écrire en fonction de l’énergie déviatorique W D (on dit aussi que le critère de Von Misesest un critère énergétique car il borne l’énergie déviatorique) :√

3

2‖σd‖−σy < 0√

3

2

√2µ2µεd : εd −σy < 0√

3µ√

W D −σy < 0

3µW D <σ2y (90)

19

Page 20: Cours Calcul Tensoriel 2

5.7 Autres formes de la loi d’élasticité linéaire isotrope

On retrouve aisément les coefficients de Lamé :

σ = 3KPh : ε+2µ(I−Ph) : ε

= (3K −2µ)Ph : ε+2µI : ε

= 3K −2µ

3trace(ε)I +2µε

= 2µε+λtrace(ε)I (91)

λ = 3K −2µ

3(92)

On donne la table de conversion des constantes d’élasticité : En fonction du module d’Young E et du

TAB. 2 – Conversions des constantes d’élasticité isotrope

E et ν λ et µ K et µ

E = E µ3λ+2µλ+µ

9Kµ3K+µ

ν= ν λ2(λ+µ)

3K−2µ2(3K+µ)

λ= νE(1+ν)(1−2ν) λ

3K−2µ3

µ= E2(1+ν) µ µ

K = E3(1−2ν)

3λ+2µ3 K

coefficient de Poisson ν, la loi d’élasticité s’écrit :

ε= 1+νE

σ− ν

Etrace(σ)I (93)

et les tenseurs de rigidité et de souplesses s’écrivent :

TAB. 3 – Tenseur des souplesses

ε11 1 −ν −ν 0 0 0 σ11

ε22 −ν 1 −ν 0 0 0 σ22

ε33 = 1E −ν −ν 1 0 0 0 σ33p

2ε23 0 0 0 1+ν 0 0p

2σ23p2ε31 0 0 0 0 1+ν 0

p2σ31p

2ε12 0 0 0 0 0 1+ν p2σ12

On pourra s’amuser à retrouver toutes ces relations.

5.8 Définition positive du tenseur d’élasticité

Cette condition se réduit à la positivité des modules de Kelvin, c’est à dire des valeurs propres deC. Soit, depuis (81) :

K > 0 (94)

µ > 0 (95)

20

Page 21: Cours Calcul Tensoriel 2

TAB. 4 – Tenseur des rigidités

σ111−ν

(1+ν)(1−2ν)ν

(1+ν)(1−2ν)ν

(1+ν)(1−2ν) 0 0 0 ε11

σ22ν

(1+ν)(1−2ν)1−ν

(1+ν)(1−2ν)ν

(1+ν)(1−2ν) 0 0 0 ε22

σ33 = E ν(1+ν)(1−2ν)

ν(1+ν)(1−2ν)

1−ν(1+ν)(1−2ν) 0 0 0 ε33p

2σ23 0 0 0 11+ν 0 0

p2ε23p

2σ31 0 0 0 0 11+ν 0

p2ε31p

2σ12 0 0 0 0 0 11+ν

p2ε12

Compte tenu de la correspondance des constantes d’élasticité table (2), on obtient une condition surλ :

λ>−2µ

3(96)

Et, les conditions suivantes sur E et ν (on trouve souvent dans les livres une condition ν > 0 qui esttrop restrictive...). On pourra vérifier que si ν = −1 le matériau, soumis à une traction σ~e1 ⊗ ~e1, sedéforme de manière sphérique, avec ε = εI ; cela correspond aussi à µ =∞ et K = E/9. La figure (2)montre ces cas en traction.

E > 0 (97)

−1 < ν < 1

2(98)

isochore spheriquepas de déformation

latérale

!=0.5 !=-1!=0

FIG. 2 – Réponse en traction pour quelques coefficients de Poisson particuliers

5.9 Fluides

La décomposition hydrostatique-déviatorique présente aussi l’intérêt d’unifier les relations decomportement des solides et des fluides :

– solides σ= 3Kεh +2µεd

– fluides compressibles non visqueuxσh = 3Kεh etµ= 0 soitσd = 0 (ils n’opposent pas de réactionau cisaillement)

– fluides visqueux incompressibles (Newtoniens) εh = 0 et σd = νεd

– fluides visqueux compressibles σ= 3Kεh et σd = νεd

21

Page 22: Cours Calcul Tensoriel 2

5.10 Une autre vision du critère d’Hencki-Huber-Mises

D’un aspect souvent compliqué, le critère de Von Mises limite simplement la norme du déviateur :

σeq = p3√

J2(σd)−σy mysterieux,non? (99)

=√

3

2‖σd‖−σy (100)

Le coefficient permet d’identifier σ en sollicitation de traction. Les lieux où σeq = 0 sont un cylindredans T 2s et une sphère dans T 2sd.

6 Dérivation des tenseurs

6.1 Dérivée par rapport à un scalaire, par exemple temporelle

La notation intrinsèque est relative à la dérivée de chaque terme par rapport au scalaire (ici letemps).

∂σ

∂t= σ

∂σ11∂t

∂σ12∂t

∂σ13∂t

∂σ21∂t

∂σ22∂t

∂σ23∂t

∂σ31∂t

∂σ32∂t

∂σ33∂t

(101)

6.2 Dérivée d’une fonction scalaire par rapport à un tenseur

On la trouve en posant l’expression de la différentielle de la fonction f (σ) :

d f = ∂ f

∂σ: dσ (102)

= ∂ f

∂σ11dσ11 + ∂ f

∂σ12dσ12 + ...+ ∂ f

∂σ33dσ33 (103)

=⇒ ∂ f

∂σ

∂ f∂σ11

∂ f∂σ12

∂ f∂σ13

∂ f∂σ21

∂ f∂σ22

∂ f∂σ23

∂ f∂σ31

∂ f∂σ32

∂ f∂σ33

(104)

Exercices

Calculer de diverses manières (en choisissant des bases astucieuses) les dérivées suivantes :

∂trace(σ)

∂σ∂‖σ‖∂σ

∂σd

∂σ

∂σh

∂σ∂‖σ ‖∂ε

22

Page 23: Cours Calcul Tensoriel 2

∂‖σd ‖∂σ

6.3 Dérivées spatiales

Rappels :

div(~u) = ui,i = ∂u1

∂x1+ ∂u2

∂x2+ ∂u3

∂x3(105)

grad(~u) = ∂~u

∂~x(106)

= ∂ui

∂xj~ei ⊗~ej (107)

=

∂ui∂xj

~ei⊗~ej

(108)

Sur un tenseur Aijk quelconque, on peut réaliser toutes sortes de divergences, comme Aijk,k ou Aijk,j ouAijk,kj... ou encore toutes sortes de gradients, comme Aijk,l, Aijk,lm... Quelques équations fréquemmentutilisées, en notation intrinsèque et indicielles : l’équilibre,

−→div(σ)+ ~f = ρ

d2~u

dt 2 (109)

σij,j + fi = ρui,tt (110)

la loi de Hooke,

σ = C : ε (111)

σij = Cijklεkl (112)

les déformations

ε = 1

2(grad(~u)+grad(~u)T) (113)

εkl = 1

2(uk,l +ul,k) (114)

23