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Année universitaire 2014-2015 Université Sidi Mohamed Ben Abdellah Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales FES Cours d’histoire des idées politiques Semestre V Pr. Mohamed Fakihi

Cours d’histoire des idées politiquesfsjes.usmba.ac.ma/cours/fakihi/hip.pdfHistoire des idées politiques, 9° ed. op. cit. p. 25. Les conflits sociaux et politiques qui ont secoué

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  • Année universitaire 2014-2015

    Université Sidi Mohamed Ben Abdellah

    Faculté des Sciences Juridiques,Economiques et Sociales

    FES

    Coursd’histoire des idées politiques

    Semestre V

    Pr. Mohamed Fakihi

  • Introduction

    L’histoire est faite d’une successiond’évènements. En effet, les idéologies reposentsur une interprétation spécifique de cesévènements. La doctrine capitaliste et ladoctrine marxiste… et même anarchistereposent sur une configuration interprétativearticulée autour d’un dogme social, politique ouéconomique.

  • les politiques publiques en matière deprogrammes universitaires des facultés de droitse sont avérées de plus en plus utilitaristes.Jouant le jeu de l’efficacité et de la rentabilité envue d’un objectif d’adéquation des formations àl’emploi, les formations théoriques et critiques,ne comptent plus parmi leurs priorités et à leurtête « l’histoire des idées politiques »

  • Malgré l’importance de cette discipline en tantque support de formation aussi bienméthodologique que critique, portant deséclairages multidimensionnels indispensablespour la compréhension des différentesarticulations intra et interdisciplinaire,engageant l’intégralité des formationsdispensées en faculté de droit.

  • la notion d’idées politiques

    Comprendre les grandes théories politiques passenécessairement par l’étude de l’histoire des idées,notamment « les grandes œuvres de la littératurepolitique qui jalonnent la route de l’humanité. »

    Or, l’élément de base à ce sujet est la notion d’« idée »dont la signification est souvent calquée sur la notionde « théorie » ou encore de « doctrine ».

  • Dans une première approche, les termes « théorie » et« doctrine » comportent une signification précise:

    - la doctrine porte un jugement sur les faits et estassortie des projets de réforme qui en découlent,

    - la théorie correspond à la systématisation objectivedes observations, à leur interprétation et, dans lamesure du possible, à leur explication et à leurgénéralisation.

  • C’est-à-dire que la doctrine repose sur un corpusnormatif indiscutable, relevant d’une « véritéque l’on ne pourrait que constater et à laquelle ilfaudrait adhérer » alors que la théorie estfondée sur une approche visant à mettre enplace des lois scientifiques appliquées aux faitsde la société qui doivent être qualifiés de« politiques »

    Marcel Prélot, Georges Lesquyer, idem, page : 4.

  • Les quêtes théoriques d’Aristote, d’AugusteComte, de Karl Marx ou d’Ibn Khaldoun peuventêtre qualifiées ainsi. Toutefois, la précision decette distinction doit être atténuée dans lamesure où se pose la question à savoir si lesfaits de nature politique peuvent être abordésau même titre que des objets physiques, c’est-à-dire soumis à la rigueur de la méthodescientifique.

  • D’autre part, certains auteurs rejettent ladistinction entre théorie et doctrine, par ce que« la pensée est une et que l'historien ne peutdistraire l'explication de l'appréciation, laconnaissance objective des jugements de valeuret que toute recherche s'inscrit dans un cadre“doctrinal”. »

    Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 11e année, n°3, 1956, page : 390, compte rendu del’ouvrage d’Emile James, Histoire de la pensée économique au XXe siècle, tome I : De 1900 à la«Théorie générale » de J. M. Keynes, éditions Montchrestien, 1955.

  • La notion d’ « idées » permet d’éluder lescontraintes méthodologiques qu’impliquent lesnotions de « théorie » et « doctrine ».

    Les « idées politiques » reposent sur « lesreprésentations que chacun se fait de lapolitique, qu’il s’agisse de la constitution de lasociété politique de la manière selon laquelleelle devrait être organisée, de l’origine dupouvoir et des conditions de son exercice

  • Le fondement structuré et systématiquementorganisé des théories et la nature normative etdirectrice des doctrines reposent en fait sur des« idées », mais les « idées » ne se réduisent passeulement à ce cadre, « il y a desreprésentations de la politique qui ne sont passtructurées en œuvres écrites et construitescomme le sont les théories et les doctrines.

  • Tout le monde a des idées, mais rares sont ceux quiélaborent des théories ou des doctrines politiques. »

    L’adjectif « politique » issu du mot grec « polis » quisignifie « cité » se rapporte aux « choses de la cité »,« ta politica », qui désigne chez Aristote « tout ce quiconcerne la polis, qui représente l’organisme natureldans lequel l’homme peut mener une vie heureuse,faite d’activités fort diverses, ne se limitant nullement àl’exercice du pouvoir. »

  • L’étude des idées politiques englobe donc uncorpus largement considéré de représentations,qu’elles soient sous forme d’ensemblesstructurés (théories et doctrines) ou clairsemésdans des écrits, contribuant à la compréhensionde l’action et de l’évolution de l’homme au seinde la société.

  • Le terme « idées » sera entendu dans un sens extensif,celui de représentation individuelle, à la vérité, et defaçon générale, au mode d’existence, quel qu’il soit,que peut avoir un objet déterminé indépendammentde l’esprit qui le pense.

    L’objet en question étant bien entendu un«phénomène» politique dans le cadre de notre cours.

    André Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Alcan, Paris, 1926,page : 328.

  • 2- Les sources de l’« histoire des idées politiques ».

    Le choix du terme « idées », indépendamment de celuide « théorie » ou de « doctrine », détermine lessources de notre réflexion dans ce cours.

    Au-delà des grandes œuvres politiques depuis l’époquehellénique et qui constituent l’épine dorsale de cettediscipline, il est question aussi d’écrits ou depamphlets d’auteurs qui ne sont pas forcémentreconnus comme des spécialistes de la politique.

  • Toute œuvre littéraire comporte en saquintessence une forme de réflexion politique,dans la mesure où toute réflexion mêmeabstraite sur le positionnement de l’homme vis-à-vis des autres hommes ou au sein de lasociété globalement, peut relever d’uneréflexion politique, car plus ou moins elle serapporte à une « chose quelconque » de la cité,dans la mesure où « il n’est aucun domaine de lalittérature qui soit soustraite à la politique »

  • lorsque qu’Émile Zola a pris part dans l’affaire Dreyfus,son article portant le titre « J’accuse » est forcément unécrit politique.

    L’œuvre d’Ibn Khaldoun « Prolégomènes », d’essencehistorique, est en réalité une œuvre politique ou plusprécisément de sociologie politique de taille.

    Marcel Prélot, Georges Lesquyer, Histoire des idées politiques, op. cit, page : 8.

  • Toutefois, notre intérêt sera axé sur les grandesœuvres dédiées à la politique, rédigées par desphilosophes ou penseurs, dont la matérialité, aprèsune forte résonance de leur vivant ou dans le temps.

    Les œuvres d’Aristote, de Platon, de Saint-Thomas-d’Aquin, du magister secondus, Abu Nassr Alfarabi, ded’Averoise, Machiavel ou de Karl Marx, sont lesprincipaux jalons de la pensée politique qui ont exercéune action directrice sur l’évolution de l’exercice dupouvoir au sein de la cité et de l’État moderne.

  • C’est de l’essence même des écrits mémoriauxde cette envergure que nous tirerons l’essentielde l’objet de notre cours.

    Ainsi sera-t-il question des éléments contenusdans le sommaire suivant :

  • - Première partie : La politique de la « Cité » à l’Empire.Chapitre 1- La cité grecque antique.Chapitre 2- La révolution chrétienne et l’empire médiéval.

    - Deuxième partie : La genèse du pouvoir institutionnalisé.Chapitre 3- Les bouleversements des 15e et XVIIe siècles.Chapitre 4- Le déclin de l’absolutisme et le gouvernement du

    peuple.

  • Lorsque Francis Fukuyama a annoncé la fin del’histoire, il s’est tout simplement posé laquestion à savoir « est-il raisonnable pour nousen cette fin du XXe siècle de continuer à parlerd’une histoire de l’humanité cohérente etorientée qui finira par conduire la plus grandepartie de l’humanité vers la démocratie libérale? » Bien entendu, il va conclure à une réponsepositive

  • Première partie : La politique dans la cité.

    D'Athènes, symbole de la cité grecque, à Rome,l'humanité a connu une évolution spectaculaire,institutionnelle, mais aussi d'idées et de mœurspolitiques.

    La pratique de la légalité a prit racine au cours de cettepériode, notamment pour marquer le passage de l'âge «féodale » à la « Polis », la « cité », fondée sur uneorganisation politique et sociale prévue par des normesou « lois » élaborées par la réflexion et la sagesse deshommes, et orientées vers le bien commun

  • Le « miracle grec » s'inscrit donc dans cetteévolution. Dragon et Solon furent chargés endébut de cette période (-600) d'élaborer desnormes dont la finalité est l'ordonnancement etl'organisation des relations entre les membresde la collectivité.

  • Mais si Rome n'a pas le même mérite du géniecréateur en matière législative et institutionnelle, sapuissance réside dans sa capacité de projection desprincipes issus du «miracle grec» au niveau del'organisation sociale et politique, d'une rigueurincontestable.

    Ainsi, «le droit, la respublica, et l'imperium agissenten tant qu'ils instituent l'ordre militaire etadministratif établi de fait par le peuple et le Sénat»

  • Chapitre 1- La cité grecque antique.

    « Le rayon de lumière venu de la Grèce antiquen'est pas le seul, sans doute, qui éclaire l'époquecontemporaine, mais, sans lui, la civilisation et laconscience européennes qui touchentaujourd'hui au paroxysme de leur crise neseraient pas pleinement intelligibles. »

    E.-J. Chevalier, L’âme grecque, cité par Marcel Prélot, Georges Lescuyer,Histoire des idées politiques, 9° ed. op. cit. p. 25.

  • Les conflits sociaux et politiques qui ont secoué lesgrandes cités grecques, Athènes et Sparte plusparticulièrement, ont atteint un niveau de violence qui amenacé la cohésion et la continuité des « Polis ».

    Les « nomothètes », législateurs, sages et désintéressés,appelé à la rescousse se sont attribué la tache de définirun corpus de règles connu par tous, élémentaire etfondateur des premières législations axées sur laréglementation de la vie commune et des relationssociales et économiques au sein de la « cité ».

  • La « loi » ainsi dégagée est l'apport notoire auprocessus de constitution de la cité organisée,fondamentalement communautaire.

    « La volonté des individus de se placer sous uneloi commune afin de vivre en communauté »constitue le critère fondamental de définition dela « Polis ». La volonté collective ainsi expriméeet à la base de tout pouvoir.

  • Section première : Les précurseurs de la « politea ».

    Les penseurs et nomothètes grecs ont contribuéà la consécration d’une forme particulière de« cité », de nature fondamentalementcommunautaire.

    Le principe du « vivre ensemble » prend racinede façon évolutive en faisant abstraction desdroits individuels, considérés comme des droitssubjectifs « originaires et antérieurs à touteorganisation politique. »

    Humbert, P. 5

  • Paragraphe premier :Le pouvoir arbitraire, Platon.

  • A- De l’utopisme politique.

    « La politique est un art qui doit s'apprendre »,affirme Socrate. Le maitre de Platon reproche parailleurs à la « démocratie » de joindre à sa propreignorance celle des magistrats, « qu'elle se donnepar le sort ou par les élections ». Il défend l'idéeselon laquelle « la politique et l’art le plus difficile,qu'elle doit être réservée à ceux là seuls qui en sontcapables ». Le rationalisme « élitiste » de Socratecontribue à écarter le débat intellectuel desinstitutions en place.

  • Influencé par son maître et ainsi opposantfarouche au régime démocratique, qu'ilconsidère comme une étape d'un cycle desuccessions (anakyklosis), qui est à la base detous les types de gouvernements en place, ilprône un régime qu'il considère comme parfait,c'est-à-dire ne contenant aucun germedestructeur et résistant aux altérations du tempset de l'histoire.Selon Platon, chaque étape du cycle de succession « fait naître, en se développant, ànotre régime politique qui, un jour, le supplantera inéluctablement. C'est ainsi quel'aristocratie, le pouvoir des meilleurs, engendre la timocratie, le pouvoir des plusambitieux (timè = ambition) pour lui l'oligarchie, le pouvoir des plus riches, quiexacerbe l'opposition du plus grand nombre. Le peuple, écarté du pouvoir et opprimé,instaure alors la démocratie, ou l'absence d'autorité et la licence amènent peu à peu àla tyrannie. Puis, lorsque le pouvoir d'un seul devient intolérable aux élites, celle-ciinstaure l'aristocratie. Et ainsi de suite ; car c'est un cycle sans fin ».

  • La « cité » ou république idéale (Kallipolis) doit sanature parfaite à sa structure qui emprunte leursmeilleures caractéristiques aux régimes en place.

    Elle est parfaite et repose sur les valeurs morales, lajustice et la vérité éternelles et universelles, car «les affaires de la république dépendent de la vertudes citoyens pratiquée par eux en vue du bien del'État. »

    Platon ne se soucie pas outre mesure que leshommes acceptent ou refusent ce régime à la basede la cité idéale. Ce sont des êtres imparfaits qui nepeuvent percevoir les choses qu’à travers le prismedéformant de leur ignorance. Dès lors « il estlégitime de les contraindre pour leur bien ».

  • Il prône une éducation élitiste et sélective envue d'entretenir l'élite politique destinée àgouverner la (Kallipolis). cette élite disposed'ailleurs des autorités qui ne peut être abusive.Ils ont ressort donc que « bâti à l'image de l’âmejuste, l'État juste remplira sa fonction : éduquerles âmes. »

    Pour Platon, la « cité idéale » correspond à la nature humaine dans laquelle ce superposent troiséléments : l'âme, le cœur et la tête. Au premier élément correspond au sein de la « cité » le siège desappétits et des désirs. Les êtres qui en sont dominés constituent la race de fer ou de bronze, leslaboureurs et artisans. Les hommes parmi lesquels le cœur est le plus prédominant représentent la raced'argent et sont voués aux métiers de guerre. Enfin les hommes guidés essentiellement par leur têtereprésentent la race d'or, c'est-à-dire l'élite des sages qui sont destinés à gouverner.

  • B- Retour à la légalité comme fondement del'art de la « politeia».

    La personnalité de Platon, polémique et guerrière par sanature discursive, marque profondément sa vision et sadéfinition de la politique et également de la « Cité ».

    Il affirme dans l'ouvrage que porte le même titre, que LaPolitique « est l'art d'élever les troupeaux, les troupeauxse divisant d'abord en bêtes cornues et non courues, puisen bipèdes et en quadrupèdes… La politique est l'art deconduire des bipèdes sans cornes et sans plumes. »

    Prelot, p. 72.

  • Et partant de la, il considère cet art de façon différenciée :il est possible de mener les hommes par la violence et lacontrainte, au contraire par une volonté consciente desgouvernés d'acceptation et d'acquiescement du pouvoirdu chef.

    Ainsi, « L'art de gouverner par la force se nommeratyrannie. L'art de gouverner en persuadant les hommess'appellera politique »…La politique est ainsi dire « l'artde gouverner les hommes avec leur consentement »,différente selon Platon de la science militaire etégalement de la jurisprudence et de la liturgie.

  • Platon envisage l'exercice de cet art (la politique)qui unit habilement une chose d'un tissu, et quipeut être considéré comme « la connaissancesuprême », dans le cadre d'un pouvoir arbitraire ettotalitaire, c'est-à-dire situé en dehors des règles etdes limites communes, connues par tous.

    D'où d'ailleurs le différend avec son disciple, leStagirite (Aristote) qui conçoit la loi comme unerègle fondamentale de l'organisation social etpolitique de la « Cité ».

  • Paragraphe second :la recherche du système idéal.

  • La « cité », lieu de la société des hommes.

    Chef de fil de la science politique grecque, Aristoteassigna un but particulier à la « cité » comme formed'organisation sociale : « le eu Zein, qui veut direvivre comme il convient que vive un homme »,parce que l'homme lui-même se définit comme unZoon politikon, un être créé pour vivre au sein d'uneorganisation politique ou d'une communautécivique, ou plus précisément « un animal politique», naturellement menée à coexister avec sescongénères et à confronter ses aptitude aux leurs.

  • Ce qui nous permet de déduire immédiatement quela « Cité » n’est par une construction artificielle ouseconde, dans laquelle les hommes assurent lalongue quête de l'affirmation de leurs droitsindividuels, contrairement à vocation libérale del'État, consolidée depuis T. Hobbes et J. -J.Rousseau, mais au contraire, les hommesdésintéressés, méconnaissent naturellement leursdroits à la liberté et, généralement, à l'affirmationde leurs droits individuels.Ces droits ne peuvent avoir d'importance quelorsqu'il ressort que c’est de l'intérêt du groupe deles protéger et de les affirmer.

  • D'autre part, soucieux d'un gouvernement le plusadapté aux exigences de la cité, Aristote procèdepar une méthode comparative et inductive qu'il adéveloppée au cours de sa formation pour sonmétier initial (biologiste), à une étude desdifférentes forme de gouvernements connues àl'époque.

    Il conclut d'abord que le meilleur gouvernement «n’est pas nécessairement le même pour tous lestemps et pour tous les pays ».

  • Puis il déploie son ingéniosité en vue de répondre àune question de base : « est-il préférable que dansle cadre des lois, tous les citoyens décident ouseulement le plus vertueux d'entre eux ? »Ainsi, Aristote affirme que si l'individu moyen nepeut pas égaler en vertu le plus vertueux, ce dernierne peut forcément pas égaler les membres de lacollectivité pris dans leur ensemble, par ce que «globalement plus vertueuse que l'individu, fut-il lemeilleur, la multitude est moins sujette à l'erreur etaux passions, moins corruptible aussi qu'un petitnombre de personnes. »

  • Aristote va plus loin pour préciser son point devue : « exiger que le règne de la loi (nomos),c'est semble-t-il exiger que Dieu et l'espritrègnent seuls ; exiger au contraire le règne d'unhomme, c'est ajouter aussi celui d'une bête, carle désir aveugle et l'emportement de la passionbouleversent les gouvernants, même lesmeilleurs des hommes ; tandis que la loi, c'est laraison libérée du désir. »

  • Aristote distingue donc trois formes degouvernement, qu'il considère normales et légitimes :la monarchie, l'aristocratie et une forme mixte, lapoliteia.Et en n parallèle, trois perversions qui en découlent :la tyrannie, l'oligarchie et la démocratie(concrètement, l'exercice du pouvoir par les classesinférieures).Au bout du compte sa préférence s'oriente vers unsystème mixte, politeia, qui englobe les bienfaits desformes légitimes de gouvernement et en exclut lesinconvénients.

  • Sophistique et démocratie.

    • De la sophistique.

    • La démocratie au sein de la cité

  • De la sophistique.

    • La loi, le fait de l’homme et à son image (laloi positive)

    • Le juste et l’utile selon les sophistes.

  • La loi, le fait de l’homme et à son image(la loi positive)

    L'importance de la doctrine sophiste réside dansles origines et des orientations multiples desauteurs qui ont animé ce courant de penséeainsi que des tout premiers rôles que cesprécurseurs ont joué en matière de débatpolitique, sans pour autant prétendre à unmodèle de doctrine ou d'une école de moralephilosophique ou politique.

  • La condition de métèques des sophistes, etnotamment exclus de la république, justifie àcertains égards le fait qu'ils « ne ressentaientpas le besoin de se demander quel effetproduirait sur l'État lui-même une largedistribution de connaissances et de la capacité,la sophia (sagesse.) »

    Prélot, p. 27.

  • Les précurseurs de la sophistique ont ainsi entreprisune quête d'observation et d'explication desrapports sociaux et des lois qui les déterminentd'une façon peu sujette aux contraintes morales etconfessionnelles de l'époque.Archélaos, un des maîtres de Socrate affirme eneffet « le juste et le honteux ne le sont pas parnature, mais d'après les conventions que l'hommecrée. »Par conséquent le bien et le mal ne tirent pas leurmatière de la nature.

    M. Humbert, p. 117.

  • Les sophistes rejettent ainsi toutes les notionsextérieures à l'homme et connues pour êtretranscendes,

    c'est-à-dire qui s'imposent à lui, permanente etimmanente, telle que la notion de justice.

    Pour eux, cette valeur ne peut être défini que dela manière dont elle est perçue par les hommes,au regard de sa nature relative et changeante enfonction du contexte historique et social.

  • Protagoras, précurseur de la doctrine sophiste,affirme que « l'homme est la mesure de chaquechose ».

    Il signifie bien que « les choses existent oun'existent pas selon l'estimation du senscommun individuel ».

    Le démos, la masse des individus, requiert doncune place centrale dans le processus de mise enplace des règles de conduite commune, la loi(nomos) et dans la conception du juste.

  • Ainsi, « quelles que soient les choses qui apparaissent àchaque cité comme juste est bonnes, elles demeurentjustes est bonnes pour la cité aussi longtemps que celle-ciconserve cette opinion. », Protagoras développe unagnosticisme raisonné.

    Il institue de la sorte la connaissance empirique commemode opératoire pour approcher la réalité de la cité.

    Ainsi, tout ce qui échappe à la vision empirique etrationnelle des choses doit être rejeté.

    Doctrine philosophique qui rejette toute métaphysique et déclare quel’absolu est inaccessible à l’esprit humain.

  • Il rejette ainsi « les mythes en bloc, avec parmieux, la croyance reçue du passé en l’existenced'une justice divine inspirée aux hommes. »

    Il est très aisé ainsi d'entrevoir les premierséléments de réflexion de la doctrinematérialiste.

    M. Humbert, p. 116.

  • Le juste et l’utile selon les sophistes.les sophistes n’ont pas évolué dans le cadre deréflexion harmonieuse (doctrine ou école depensée).Ils ont de ce fait laissé libre cours audéveloppement du discours comme art de lapolitique, ou « l'art de faire triompher la causesemblant la plus faible sur celle qui paraît la plusforte ».En développant l'idée de la relativité de la justice,Protagoras ouvre la voie au développement par sessuccesseurs d'idées plus audacieuses et violentes àcertains égards

  • Ces idées ont contribué à bouleverser les valeurs etles normes de base de la société au sein de la cité.

    Antiphon démontre l'utilité de l'opposition entre laloi de la nature et la loi humaine :

    « L'observation de la justice est tout à fait conformeà l'intérêt de l'individu, si c'est en présence detémoins qu'il respecte la loi ; mais s'il est seul, sonintérêt est d’obeire à la nature. »

    J. de Romilly, La loi dans la pensée grecque, cité par M. Humbert,p. 118.

  • Dans ce sens, l'homme est tout à fait disposé àvioler la loi, mais à condition de le faire dans desconditions que personne ne puisse dénoncer cecomportement injuste.

    L'homme aura ainsi suivi son propre intérêt et cesera conformé à la loi de la nature, qui estnotamment supérieure à la loi de l'homme.

  • Antiphon démontre que l'utile (conforme àla loi de la nature) l’emporte ainsi sur lejuste (la conformité à la loi de l'homme).

    Le propos de Socrate selon lequel « le justeet l'utile se confondent, de sorte que celuiqui choisit l’un du coup opte pour l'autre »paraît complètement obsolète.

    L. A-. Dorion, Aristote. Les réfutations sophistiques, Presses de l'UniversitéLaval, 1995, p : 307.

  • En témoigne également l'attitude d'un autresophiste, qui en rajoute encore de violence dupropos.

    Thrasymaque, tout en estimant que la justice estutile, l'envisage sous l'angle de la force au lieu del'envisager comme un art.

    Il affirme que « dans une démocratie, la loi exprimela volonté du démos ; or le démos légifère dans sonintérêt ; donc la justice contenue dans la loi reflètel'intérêt du plus fort. »M. Humbert, p. 118.

  • Se soumettre à la loi serait ainsi obéir au plusfort et faire preuve de faiblesse.

    Il justifie ainsi son attitude radicale selonlaquelle « l’injustice est plus forte, plus digned'un homme libre, plus royale que la justice ».La tyrannie est pour lui une issue incontournabledans la mesure où « l'injustice la plus achevée(est) celle qui met l’injuste au comble dubonheur. »M. Humbert, p. 119.

    M. Dixsaut, Etudes sur la République de Platon, Volume 1, Librairiephilosophique J. Vrin, Paris, 2005, p : 249.

  • Ainsi le mérite de la tendance sophistique peutêtre vérifié à plusieurs égards. En plus del'hypothèse matérialiste évoquée, le proposconcernant l'antinomie entre le juste et l'utile qui,amplifiée, peut se transformer en confrontationtel que envisagé par Thrasymaque et Calliclès.

    L'éloge de la tyrannie donnera beaucoup plustardivement au gouvernants des idées à mettresur la table pour négocier leur pouvoir et lelégitimer.

  • Le propos de Calliclès est encore plus excessif.Pour lui la loi ne représente pas l'intérêt du plus puissantmais celui du plus faible, « elle est une convention,imposée par la coalition majoritaire des faibles cherchantà se protéger elle-même par l'effet dissuasif de lasanction de la loi. »Du même point de vue que Thrasymaque, il estime querespecter la loi, serait interdit par la loi de la nature auxplus forts et que « l'impérieuse nécessité de la natureenjoint aux surhommes de suivre leur propre utilité et demépriser la loi. »M. Humbert, p. 119.

  • L'affaire de My� lène -428

    En 428 avant J-C., la cité de Mytilène dans l'îlede Lesbos, se révolte contre Athènes, pourtantson alliée mais qui la domine. Dans un premiertemps, les Athéniens décident de punirsévèrement cette cité qui a trahi son allianceavec eux. Thucydide, historien grec raconte cetépisode.

  • « À l'Assemblée, les Athéniens discutèrent du sort desprisonniers.

    Sous le coup de la colère, ils votèrent non seulement leurmort, mais aussi celle de toute la population adulte deMytilène et l'esclavage pour les femmes et les enfants.Mais, dès le lendemain, ils se mirent à réfléchir sur lacruauté́ d'une décision qui faisait périr une ville entière etnon pas les seuls coupables.

    La majorité des citoyens souhaitait une nouvelledélibération. L’Assemblée fut de nouveau convoquée. »

  • L'intervention du citoyen Cléon

    «Cléon monta à la tribune après d'autresorateurs. Il figurait parmi les plus écoutés dupeuple et avait fait voter la mort dansl'Assemblée précédente.

    Il parla ainsi: « Je m'étonne qu'on vous proposede délibérer à nouveau sur l'affaire de Mytilèneet qu'on vous fasse perdre ainsi votre temps.

  • Les My� léniens vous ont infligé le pire outragequ'un État ait jamais reçu. Ils ont complotécontre nous. Je lutte de toutes mes forces pourque vous ne reveniez pas sur notre précédentedécision. Punissez les My� léniens comme ils leméritent. Vos autres alliés seront intimementconvaincus que quiconque trahira Athènes serapuni de mort. »

  • La réponse du citoyen Diodote, lesophiste

    « Après lui, Diodote s'avança à la tribune. Dans laprécédente Assemblée, il avait vivement combattula sentence de mort votée contre les My� léniens.

    Il affirme : « J'estime que deux choses s'opposentessentiellement à une sage décision : la hâte et lacolère. C'est sur l'avenir et non sur le présent queporte notre délibération. Cléon affirme que la peinede mort aura l'avantage d'éviter à l'avenir lestrahisons des alliés.

  • J'affirme le contraire. La peine de mort n'empêcheaucun crime. Il est d'une extrême naïveté́ de croireque l'Homme peut être arrêté́ par la force des loisou par quelque autre crainte.Renonçons à punir sévèrement des peuples qui serévoltent ; faisons en sorte qu'ils n'aient pas le désirde se rebeller.Ne punissons du crime commis que les seulsresponsables. Si vous faites périr le peuple deMytilène, qui n'a pas par� cipé à la rébellion, vouscommettez une injustice. »

    Thucyde, Histoire de la Guerre du Péloponnèse, fin du v· siècle avant J.-c.

  • Diodotes démontra ainsi l’unitilité de la peine demort collective et aussi ses dangers menaçantpar son extrême rigueur la cohésion de l’empireathénien. Il a également affirmé l’intérêt derenoncer à ce châtiment dans la mesure où lacité concernée payera encore le tribut.

    il affirme « notre utilité et de subir de plein gréla justice », autrement dit la loi doit êtremeprisée si tel est notre intérêt.

  • Diodote a convaincu. L'ecclésia donne l'ordre derapporter la sentence, et, en hâte, une trièrepart l'annoncer. Elle atteint Mytilène au momentoù le sinistre décret était lu.

    La sophistique, de justesse, venait de sauver lavie des Mytiléniens. Car tel était, cette fois,l'intérêt d'Athènes.

  • La démocratie au sein de la citéL'instauration de la démocratie au sein de la Cité athéniennen'est pas le fruit d'un hasard ni d'ailleurs d'un projet structuré.

    La Cité a évolué sous un régime monarchique, puisaristocratique. Elle a connu par la suite un régime tyranniquesous Pisistrate et de ses fils vers le milieu du VIe siècle.

    La Cité d'Athènes a connu l'apogée de sa grandeur au début duVe siècle, sous un gouvernement démocratique.

    Cette évolution s'est effectuée sur la base de transformationsprofondes, sociales et économiques, plus visible à Athènes enraison de sa particularité en tant que Cité-type, voir un empirequi a dominé une grande partie de la Grèce antique et par lamême exercer une hégémonie politique qui a été à la base de sapuissance économique à effet stabilisateur à l'échelle interne.

  • La démocratie s'installe sur la base d'uneorganisation juridique rigoureuse. Lerayonnement de la démocratie est ainsi assuré.

    Puis la défaite dans la guerre contre Sparteimplique la remise en place du régimetyrannique. Au milieu du IVe siècle, Athènes,tout comme les autres cités grecques, sontsoumises au pouvoir des rois de MacédoinePhilippe II et son fils Alexandre le Grand.

  • Les conditions préalables à la démocratieLa richesse fastueuse d'Athènes est fondée engrande partie sur la domination politique qu'elleexerce sur les autres Cités.

    L'exemple de la ville de Mytilène est assezinstructif à cet égard.

    Athènes a réussi à mettre en place une idéologiede axée sur la lutte et le devoir de triompher surdes ennemis multiples : les barbares (à leur têteles perses), Sparte, et puis les cités réfractaires àsa domination.

  • Le paiement de tribut au gouvernement d'Athènespar les autres Cités constitue à la fois unereconnaissance de la soumission à l'empireégalement une contrepartie de la protectionpolitique et militaire assurée par cet même empireathénien.

    Les détracteurs du gouvernement démocratiqued'Athènes trouveraient certainement desarguments critiques, et en premier lieu le paiementdeux tribut.

  • « Le peuple se déshonore on faisanttransporter de Délos à Athènes l'argent detoute la Grèce… La Grèce ne peut sedissimuler que, par la plus injuste et la plustyrannique malversation, les formes qu'ellea déposées pour les frais de la guerre serveadorer notre ville comme une conquête. »

    M. Humbert, p. 110.

  • Les réformes apportées par Périclès,notamment, la rémunération des activitéspubliques et la mise en chantier de grandstravaux, financés sur cette manne financièreconsidérable prélevée sur les Alliés, ontcontribué à l'enrichissement puis au bien êtredes athéniens, facteurs d'une stabilité politiquedurable.

  • Les Citoyens-soldats, les clérouques,nouveaux colons ont à leur tour contribuéà cette stabilité en écartant de la Cité « lamenace des indigents et du surnombre,ennemi-né d'une démocratie modérée, »tel que Aristote l'a bien précisé.

    M. Humbert, p. 110.

  • Certains auteurs estiment que le regimetyrannique instauré Pisistrate et ses fils aconstitué un facteur décisif dans le processusde démocratisation d'Athènes. « Comme ladictature franquiste en Espagne (1937-1975),ramena l'ordre public en brisant définitivementles prétentions des Eupatrides et en muselantles revendications populaires.

  • Il en résulta la paix intérieure et la prospérité,qui a permit le développement d'une place depetits propriétaires nombreuse et stable et lerenouvellement de la classe noble, parl'adjonction de nouvelles élites venues descouches populaires, qui étaient indispensablesà l'établissement de la démocratie »

    A. Leca, 26.

  • les fondements de la démocratieathénienne.

    - Les fondements idéologiques.

    - Les fondements juridiques.

  • Les fondements idéologiques.

    - L’ ecclésia, le pouvoir souverain.

    - Le démos ou l’égalité des citoyens.

    - La subordination de la magistrature à ladécision politique.

    - l’intégration de la sphère de relations privéesdans l’ordre politique.

  • Les fondements juridiques.

    - Les pouvoirs de l’ecclesia.

    - Les pouvoirs des magistrats.

    - Le fonctionnement de la justice.

  • Chapitre second- La Cité de Dieu, fondement de l’empiremédiéval.

  • La déconfiture de la puissance de Rome, dueessentiellement à la dénaturation du pouvoir duSénat réduit au rôle d’« auxiliaire dugouvernement impérial » et le renforcement dupouvoir impérial, a transformé la configurationdes rapports entre l'empereur et les différentescomposantes de son entourage et du peuplesRomain globalement.

    A. Leca, Histoire des idées politiques. Des origines au XXe siècle, EditionsEllipses, op. cit, p. 85.

  • L'auteur ajoute que, tout d'abord le Sénat perd sonindépendance dès lors que l'empereur assume lesfonctions exercées auparavant par le Censeur, cequi lui a permis d'exclure de l'assemblée lessénateurs qui le déplaisaient.

    Par la suite le Sénat a dû renoncer aux plusimportantes de ses prérogatives, la politiqueextérieure, l'administration des provincesimpériales et la perception et la gestion des impôtsqui y étaient perçus, la mise en place d'impôtsnouveaux dans les régions sénatoriales…

  • Dès le Ier siècle, les auteurs paraissent avoir étéfrappés par l’omnipuissance impériale.

    Sénèque notamment alla jusqu'à exprimer uneidée - qu'aucun auteur ne reprit alors à soncompte - selon laquelle le prince était au-dessusdes lois.

    En toutes hypothèses, le sentiment dominantdemeurait que le fondement du pouvoirimpérial ne résidait pas dans le prince, maisdans le populis romanus »

  • Ce qui signifie que l'empereur détient désormaisune délégation de souveraineté du peuple etqu'il gouverne en son nom.

    La pratique de la proxynèse* prend racine pourcélébrer la grandeur des empereurs.

    La christianisation progressive de l'Empireromain ne va pas tarder à anéantir ce derniercontrepoids vis-à-vis de la puissance impériale.

    *L’obligation de s’agenouiller à l’approche de l’empereur.

  • En affirmant la transcendance divine, lechristianisme impose une transformationradicale de la perception de la divinité.

    La mythologie cède le pas à la métaphysique. Lamorale transcendante est devenue dès lors unfacteur régénérateur de la pensée politique.

    Le précepte religieux inspire profondément lesmodes de gouvernement qui doivent être à sonimage, animés par une puissance unique.

  • « La souveraine puissance, la majesté, leprincipe de toute domination étant en Dieu, lesrois doivent obéir à ses ordres. De même lessujets doivent obéir aux ordres des rois,lieutenants de Dieu, comme devant le Dieu lui-même.

    Les princes de la terre ont ainsi qu'unepuissance légitime, qui ne doit être exercée niarbitrairement, ni égoïstement. »

  • « Dieu demande (aux princes) des comptessévères. Le prince, en conséquence, devrareconnaître et respecter les lois, vivre dansl'humilité vis-à-vis de Dieu, ne s’abandonner niau luxe, ni à la volupté, être en tout pointattentif au bien du peuple que Dieu lui a confié.La justice du prince sera alors bénie de Dieu etse traduira par la prospérité du peuple et lemaintien de la dynastie. »

    Prélot, p.162.

  • les penseurs politiques de la chrétienté, et toutd'autant de l'islam, sont profondémentempreints de l’ordre politico-religieux de lachose politique. Les « lumières étendues del'inspiration religieuse » marquent ainsi lesnouveaux fondements de la société humaine,considérée dans sa déclinaison universelle : «l'humanité est soumise à la divinité, et par‘humanité’ je n'entends par la douceur ni laclémence, mais tout le genre humain ».

    Formule de Saint Jérôme, in Prelot, p. 168.

  • Cette évolution marque également la penséepolitique dans la civilisation arabo-musulmane.La quête d'adaptation de la pensée scientifiquecritique aux Ecritures débouche sur uneréflexion profonde sur le mode degouvernement sous une autre représentation :la justice, dans le sens d'équité, du prince.

  • Section I-La pensée politique médiévale, la prédominance dusacerdotalisme.

  • La conversion de l'empereur romain au christianismeannonce une transformation en profondeur de l'ordrepolitique, autant que la révolution chrétienne elle-même.La nouvelle perception de l'homme au sein de lasociété, et celle de la société en tant qu'entitéuniverselle des hommes quelque soient leurs origineset leur conditions sociales, implique que « l'humanitésoit juridiquement une, comme elle l'estspirituellement ; qu'elle soit soumise pas une seule loiet à un seul gouvernement. »*

    * Prélot, p. 169.

  • Parallèlement, le christianisme instaure unenouvelle dimension de la société humaine, ladimension divine qui relève directement deDieu, en plus de la dimension bien connue,celles relevant des contingences humaines.

    Une autorité religieuse s'installe pour prendreen charge les rapports avec la divinité.

  • Elle concurrence de plus en plus pour la dominerl'autorité chargée du gouvernement civil deshommes.

    Un problème d'inter-constitutionnalité se posealors et consiste à déterminer le rôle del'autorité temporelle d'un côté et de l'autoritéreligieuse de l'autre dans le système degouvernement impérial chrétien.

  • Entre exaltation et désacralisation du pouvoir impérial.

    L’influence du christianisme ne s'est pas effectuéeexclusivement sur le registre théologique. La conversionde l'empereur a permis la conjonction des deuxpuissances temporelle et spirituelle.

    Mais si dans un premier temps, l'ordre sacerdotal,appuyé sur la nouvelle doctrine d'universalisme chrétienet surtout sur une force mobilisatrice sans égal dans lepassé de l'humanité (la croyance religieuse notamment),a contribué au renforcement de la puissance del'empereur.

  • La contrepartie exigée ne fait pas moinsimportante. La pensée politique de l'époqueretrace le flux et reflux en termes d'influence etde pouvoir entre le représentant suprême del'autorité temporelle et la structure sacerdotale.

  • Eusèbe de Césarée, la sacralisation du pouvoirtemporel de l'empereur.

    Les premiers écrits qui relatent le pouvoir del'empereur romain chrétien lui attribuent unecaractéristique inédite : c'est un pourvoi divin.

    Eusèbe de Césarée élabore toute une doctrine pourétayer cette auréole religieuse reconnue au pouvoirde l'empereur Constantin.

    Celui-ci considère que la personne du roi elle-mêmeest l'objet d'une attention divine toute particulière

  • « Dieu seul serait capable de louer Constantin, leplus grand homme de l’histoire… le nouveauMoïse et le rénovateur de l’humanité. »

    L'auteur ne se suffit pas de simples louanges,parce que ça ne peut être le fondement de sadoctrine. Il précise que « c'est du seigneur del'univers et à travers lui, que l'empereur reçoit etrevêt l'image de sa suprême royauté. »

  • Seulement, certains y voient une mise en serviced’une religion par un empire en déliquescence,voir même l’instrumentalisation de cettereligion une vue de la mise en place d'un ordrepolitico-religieux dans lequel l’empereur est toutaussi bien le chef temporel que le souverain del'ordre religieux : le césaropapisme.

  • Augustin, la désacralisation du pouvoirtemporel de l'empereur.

    Dans le cadre de la confusion des pouvoirstemporel et spirituel entre les mains dumonarque, Augustin tranche dans le vif.

    Dans son immense écrit « La cité de Dieu », ildistingue deux types de cité, la cité des hommes,qui représente le pouvoir temporel et la cité deDieu, qui correspond à la dimension spirituellereprésentée par l'ordre religieux, et plusprécisément la communauté chrétienne.

  • la Cité des dieux selon Augustin.

    « Deux amours ont bâti de Cités, l'amour de soipoussé jusqu'au mépris de Dieu : la Cité de laterre, l'amour de Dieu poussait jusqu'au méprisde soi : la Cité de Dieu. L'une se glorifie en soi,l'autre dans le Seigneur. L'une demande sa gloireaux hommes, l'autre met sa gloire la plus chèreen Dieu témoin de sa conscience. L'une, dansl'orgueil de sa gloire, marche la tête haute ;

  • L'autre dit à son Dieu : vous êtes ma gloire etc'est vous qui élevez ma tête. Celle-là, dans seschefs, dans ses victoires sur les autres nationsqu'elle dompte, se laisse dominer par sa passionde dominer. Celle-ci nous représente descitoyens, unis dans la charité, serviteurs mutuelsles uns des autres, gouvernants tutélaires, sujetsobéissants.

    La Cité des Dieux, livre XIV, chapitre 23, cité par Prélot, p. 189.

  • En effet, du augustinisme politique est fondédans un premier point sur un postulat trèssimple : Dieu est la source de tout pouvoir dontjouit un prince à la commande d'une Cité.

    Mais l'interprétation que fait Augustin de cepostulat n'est pas aussi simple. Il affirme que parnature, l’homme a besoin d'une société et quecelle-ci comporte par essence une autorité.

  • Or si cette autorité est transcendante àl'organisation sociale, la détermination de sontitulaire et la détermination de la formeconcrète de sa déclinaison relève de faitshumains. Le prince ne peut pas considérer lepouvoir comme une propriété personnelle sansrompre le pacte social qui le lie à ses sujets.

  • La cité terrestre serait ainsi animée par uneaspiration permanente à la justice et est tenuede s'y approcher par des lois, par ce que « lajustice et, elle-même antérieure au pouvoir.Immuable, éternelle, souveraine, communedans l'espace et dans le temps, elle s'impose àtous les pays, à toutes les institutions, à toutesles consciences. »

    Ainsi n'est-elle « ni l'œuvre ni le sort communde l'homme déchu. » Leo Strauss, p. 199.

  • L’« augustinisme politique » se résume donc àune séparation stricte du pouvoir temporel et dupouvoir spirituel, de façon à ce que ni le princede son côté ni la structure ecclésiastique du sienne puissent s'attribuer un pouvoir prépondérantl’un vis-à-vis de l'autre, « chacun pour soncompte ne relève que de lui-même et de Dieu.

  • et toute ingérence d'un pouvoir quel qu'ilsoit, dans le domaine de l'autre et, d'unepart, coupable et, d'autre part, dangereusesoit pour le bien général, soit pour lepouvoir qui méconnaît les limites de sapropre sphère de compétence. »

  • Cette séparation puise son objet des actesfondateurs de chacun de ces deux pouvoirs : leslois.

    Selon Augustin, les lois temporelles, oeuvre deshommes, peuvent être conformes oucontradictoires en fonction des spécificités descités qui les ont adoptées et dans lesquelleselles seraient appliquées.

  • Par contre, la loi éternelle, celle de la divineProvidence, est universelle et préside à ladétermination du cheminement des hommessur terre, et plus particulièrement l'essor et lesort des gouvernements à la tête des empires etdes royaumes, et qui reçoivent de Dieu « ladélégation mystérieuse de commander ».

  • Si par exemple la majorité des citoyens d'unecité donnée étaient dévouées au bien commun,la démocratie serait une condition de la justiceune loi ordonnant que les magistrats de cettecité soient choisis par le peuple serait une loijuste. Semblablement, dans une cité corrompueune loi stipulant que seul un homme vertueuxest capable de diriger les autres vers la vertudoit être nommé au gouvernement serait uneloi juste.

  • Bien que mutuellement exclusives, ces deux loistirent leur justice de la loi éternelle. Selonlaquelle il est toujours plus approprié que leshonneurs soient distribués par des hommesvertueux que par des hommes méchants ; car nila contrainte, ni le hasard, ni une urgencequelconque, ne pourrons rendre injuste ladistribution équitable de biens dans la cité.

  • Cette loi temporelle variable est précisément cequi distingue une cité d'une autre et lui donneson unité et son caractère spécifique*.

    Toutefois la clarté du propos de l'évêqued’Hippone ne tardera pas à se dissiper pourlaisser place à une perception de la vie politiquequi va rapidement tolérée puis défendre laprépondérance de la structure sacerdotale sur lepouvoir politique temporel.*Leo Strauss, p. 200.

  • L'impérialisme carolingien laissera cetteprédominance s'exprimer dans tous ses états.

    Ainsi, « être roi, cela n'a rien en soi demerveilleux puisque d'autres le sont. Ce quiimporte c'est d’être un roi catholique ».Annaba, la ville algérienne actuellement.

    Ecrit du Pape Grégoire Ier au roi des Francs Childebert (497-558), Prelot, p.202.

  • Saint Thomas d'Aquin, l'apogée de la doctrinearistotélicienne.

    L’œuvre majestueuse de Thomas d'Aquinconstitue une réponse à un questionnementmajeur qui a jalonné la période pré-étatique ausens moderne dans le monde occidental.

  • La prédominance du sacerdotalisme atteint seslimites et l'évolution de la société occidentaledans ses dimensions démographique etéconomique ouvre de nouvelles perspectivesintellectuelles qui rendent indispensable laredéfinition des modes de gouvernement.

  • Mais Thomas d'Aquin ne rompe pas avecl'idéologie dominante de l'époque.

    En premier lieu et dans une parfaite conformitéavec l'esprit du temps, il considère que lesrapports entre le pouvoir sacerdotal et lepouvoir temporel sont de la même nature queceux de l'âme et du corps.

  • « il y a dans l'homme deux natures, deux fins,deux ordres de vertu, deux degrés de bonheur.Or, à ces parties de la nature humaine doiventcorrespondre deux pouvoirs, le pouvoirtemporel et le pouvoir religieux. Mais celui-ci estnécessairement supérieur à celui-là, comme lasupériorité de l’âme sur le corps tient à lasupériorité de la fin. »

    Prélot, p. 213.

  • Partant de là, le pouvoir pontifical,profondément ancré, est fondamentalementjustifié pour sévir à l'encontre de tout monarquene tenant pas rigueur de l'éthique et de la foichrétiennes, axées sur la notion de justicecomme élément pivot de l'exercice du pouvoir.

  • Deux fondements sont donc à la base de lapensée politique de Thomas d'Aquin :

    -une quête de réinterprétation de la philosophiepolitique d'Aristote confrontée à la foichrétienne,

    -la réforme de la théologie chrétienne en seréférant précisément à la philosophiearistotélicienne.Strauss, p. 271.

  • Sur ce point là, l’Aquinate procède à unedistinction nette entre le domaine de la foi et ledomaine de la raison et conclu au caractèreindépendant de la science théologique et de laphilosophie.

  • Or pour lui, « même sans la grâce divine, lanature est parfaite en elle-même et possède sapropre perfection intrinsèque en ce qu’elle a enelle ce au moyen de quoi elle peut atteindre safin et revenir à son principe. »

    Strauss, p. 273.

  • L’importance de cette distinction réside dans la mesurequ'elle puisse fournir au niveau du processus detransposition par Thomas d'Aquin de la penséepolitique d'Aristote.

    Reprenant l'analogie avancée par Aristote entre lescomposantes de la Cité et celle du corps humain, ilconsidère que « la cité est plus que la somme desparties et que sa fin suprême est plus que la sommedes intérêts particuliers de ses membres. »

    Strauss, p. 277.

  • La notion de « bien commun » que dégageThomas d'Aquin relève en effet de la nécessitéde la Cité, structure organisée, nécessaire à lasubsistance de celui-ci, dans la mesure où « toutcomme le tout est plus important que la partieet bien antérieur comme ce à quoi la partie estordonnée et sans quoi elle ne pourrait exister ».

  • ainsi la cité est antérieure à l'individu dansl'ordre de la causalité finale et son bien estd'une dignité plus élevée et il est ‘plus divin’ quecelui de chaque individu pris en lui-même. »

  • Thomas d'Aquin explique le bien communcomme étant la finalité de l'autorité politique,notamment la paix et l'harmonie entre lesdifférentes parties dans la combinaison de lacité. Il considère la paix comme étant lasituation dans laquelle chaque partie estadaptée au tout et y joue son rôle avec facilitéraisonnable.Strauss, p. 277.

  • La notion de bien commun élève la finalité de lacité au-delà de la simple exigence de survie. Le« bien commun » relève aussi bien d'un ordrematériel que spirituel et religieux. La cité, enprenant compte du bien de chacun, doit lui« assurer en suffisance des biens corporels dontun minimum est nécessaire à l'exercice de lavertu. »Prélot, 218.

  • L'autorité au sein de la cité, qui équivaut à l’âmequi anime le corps humain est en principeexercée sur la base d'un accord entre leséléments les plus vertueux parmi lesgroupements humains qui déterminent la cité,et à leur tête le plus vertueux d'entre eux.

  • La cité est donc être gouvernée par une autoritéunique, qui doit coordonner l'action de toutes lescomposantes par nature hétérogènes du « tout »social et veiller au bien de celui-ci.

    Ainsi se distingue l'une des principalesproblématiques de la philosophie politique del’Aquinate.

  • Si l'autorité dans toute société est de nature «divine par essence », elle est exercéeconcrètement par des hommes. Se pose alors laquestion du monde de gouvernement qui seraiten mesure d'assurer le bien commun descomposantes de la cité.

  • Thomas d'Aquin marque nettement sa préférencepour la Monarchie comme meilleur mode degouvernement, mais autant que la réserve observéepar Aristote souligne les dangers de dérive liéeinextricablement à ce système et également à lanature humaine.

    Il prône en conséquence un régime mixte quiconstitue une synthèse des avantages liés à la fois à lamonarchie et à la démocratie, notamment un régimemixte.

  • Le souci de l'unité de la cité implique que lesprétentions opposées de ses divers élémentssoient prises en considération et conciliées dansla mesure du possible.

    Dans tous les cas ou presque, il faut unir lesexigences de la sagesse et de l'excellence aveccelle du consentement.

  • Nonobstant, malgré l'importance et l'intensitéde l’oeuvre du Docteur Angélique, notamment latransposition, somme toute réussie, de l'œuvred'Aristote, les limites liées à la segmentation dupouvoir en pouvoir confessionnel et pouvoirtemporel et également la transcendance del'ordre naturel dans son intégralité.

  • l'étendue absolue de la pensée politique etphilosophique d'Aristote, à l'ordre de la grâcedivine, synonyme d’un royaume de Dieu,constitue des limites qui ont démontré par lasuite l'incohérence de la pensée politique deThomas d'Aquin aussi bien au regard desthéologiens conservateurs que des philosophesdans le monde occidental.

  • Nicolas Machiavel fut le plus notoire d'entreeux.

    Le rejet de l'idée d'harmonie de la nature et dupouvoir dans une société en pleine mutation, etégalement le rejet de l'hypothèse de la félicitéet de la vertu des hommes, ceux-ci mêmes quisont prédisposés à l'exercice du pouvoir,constitue une rupture au niveau de la penséepolitique dans sa ligne médiane d'évolution.

    Slide Number 1IntroductionSlide Number 3Slide Number 4la notion d’idées politiquesSlide Number 6Slide Number 7Slide Number 8Slide Number 9Slide Number 10Slide Number 11Slide Number 12Slide Number 13Slide Number 142- Les sources de l’« histoire des idées politiques ».Slide Number 16Slide Number 17Slide Number 18Slide Number 19Slide Number 20Slide Number 21Première partie : La politique dans la cité.�Slide Number 23Slide Number 24Chapitre 1- La cité grecque antique.�Slide Number 26Slide Number 27Section première : Les précurseurs de la « politea ». �Paragraphe premier : �Le pouvoir arbitraire, Platon.�A- De l’utopisme politique. �Slide Number 31Slide Number 32Slide Number 33B- Retour à la légalité comme fondement de l'art de la « politeia».Slide Number 35Slide Number 36Paragraphe second : �la recherche du système idéal.�La « cité », lieu de la société des hommes.�Slide Number 39Slide Number 40Slide Number 41Slide Number 42Slide Number 43Sophistique et démocratie.�De la sophistique.La loi, le fait de l’homme et à son image (la loi positive) �Slide Number 47Slide Number 48Slide Number 49Slide Number 50Slide Number 51Slide Number 52Le juste et l’utile selon les sophistes.Slide Number 54Slide Number 55Slide Number 56Slide Number 57Slide Number 58Slide Number 59Slide Number 60L'affaire de Mytilène -428Slide Number 62L'intervention du citoyen CléonSlide Number 64La réponse du citoyen Diodote, le sophisteSlide Number 66Slide Number 67Slide Number 68La démocratie au sein de la citéSlide Number 70Les conditions préalables à la démocratieSlide Number 72Slide Number 73Slide Number 74Slide Number 75Slide Number 76Slide Number 77les fondements de la démocratie athénienne.Les fondements idéologiques.�Les fondements juridiques.Chapitre second- La Cité de Dieu, fondement de l’empire médiéval. �Slide Number 82Slide Number 83Slide Number 84Slide Number 85Slide Number 86Slide Number 87Slide Number 88Slide Number 89Slide Number 90Section I-�La pensée politique médiévale, la prédominance du sacerdotalisme.�Slide Number 92Slide Number 93Slide Number 94Entre exaltation et désacralisation du pouvoir impérial. �Slide Number 96Eusèbe de Césarée, la sacralisation du pouvoir temporel de l'empereur. �Slide Number 98Slide Number 99Augustin, la désacralisation du pouvoir temporel de l'empereur.�Slide Number 101Slide Number 102Slide Number 103Slide Number 104Slide Number 105Slide Number 106Slide Number 107Slide Number 108Slide Number 109Slide Number 110Slide Number 111Slide Number 112Slide Number 113Saint Thomas d'Aquin, l'apogée de la doctrine aristotélicienne.�Slide Number 115Slide Number 116Slide Number 117Slide Number 118Slide Number 119Slide Number 120Slide Number 121Slide Number 122Slide Number 123Slide Number 124Slide Number 125Slide Number 126Slide Number 127Slide Number 128Slide Number 129Slide Number 130Slide Number 131Slide Number 132Slide Number 133Slide Number 134