COURS DE CINÉMA ITALIEN - Bérénice Luna · PDF fileBérénice LUNA Lundi 14 janvier 2008 COURS DE CINÉMA ITALIEN Petite étude autour de L’Évangile selon St MatThieu de Pier

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  • Brnice LUNA Lundi 14 janvier 2008

    COURS DE CINMA ITALIEN

    Petite tude autour de Lvangile selon St MatThieu de Pier Paolo Pasolini Comparaison avec La Dernire Tentation du Christ de Martin Scorsese

    (Pistes de recherches)

    Cours de Mr.Grard Anne Acadmique 2007/2008

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    INTRODUCTION

    Lvangile selon St Matthieu est surtout connu pour avoir pouss Pasolini remettre son style en cause et proposer une toute nouvelle image du Christ, inattaquable par les autorits religieuses. Mais Pier Paolo Pasolini ntait pas quun homme de cinma. Noublions pas ces premires vocations qutaient la littrature et la peinture1. Il sera ici propos quelques pistes dtudes autour de son troisime film : Lvangile selon St Matthieu et dautres adaptations de la vie du Christ plus traditionnelles ou controverses, en particulier La dernire tentation du Christ de Martin Scorsese.

    Depuis sa parution, le Christ de Pasolini a toujours t, en son temps (et mme encore aujourdhui), hors de ce dont on avait lhabitude, cest--dire loppos des grosses productions Hollywoodiennes qui privilgiaient une image du Christ mielleuse voire ennuyeuse. Il est intressant de noter justement que depuis quelques annes des adaptations controverses voient le jour, brisant fermement cette filiation artificielle dautres fois. Cest pourquoi un film comme La Dernire Tentation du Christ parat digne dintrt pour le comparer luvre de Pasolini. Il sagit de ladaptation dune nouvelle crite par Nikos Kazantzakis en 1951 (mise lindex par le Pape en 1954). Au travers de cette analyse, on reviendra sur lart qui a pu inspirer Pasolini et Scorsese tout en se posant une question quon tentera dapprofondir plus tard : peut-on retrouver certaines figures du Christ dans luvre de Pasolini ou chez le cinaste mme ?

    Pour un trs bref aperu, on peut dire que ces deux films se rejoignent dans la recherche dun nouveau Christ. Nikos Kazantzakis par exemple cherchait un Christ avec des caractristiques et des comportements plus humains ; son Christ est ainsi hant de doutes tout au long du film, comme tout homme qui a du mal croire en des manifestations inexplicables et surnaturelles. Lauteur sattache cette phrase prononce par Jsus sur la croix : Mon Dieu, mon Dieu ! Pourquoi mas-tu abandonn ? suivie de : Tout est accompli Qua-t-il bien pu se passer entre lexpression dun dsespoir et lacceptation totale de la situation2 ? La fin du film prtend rpondre cette question. Kazantzakis a donc imagin un homme refusant dtre le Messie. Alors que Pasolini recherchait plutt une retranscription de la parole du Christ la plus fidle possible au texte de lEvangile sans recours une mise en scne spectaculaire de grand.

    Les couleurs, le noir & blanc : Pour une simplicit plus pure, une nature encore vierge, le cinaste choisit de tourner en

    noir et blanc. Les costumes des personnages sont des robes blanches ou noires (pour lun de rois mages), mme les riches vtus de tissus, certes plus fins, ne possdent pas dornements 1 Pour un aperu de la peinture de Pasolini : Lunivers esthtique de Pasolini, Persona, 1984 2 La phrase : Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi mas-tu abandonn se trouve dans lvangile de MaTthieu, alors que Tout est accompli se trouve dans lvangile de Jean.

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    voyants ni de bijoux. Leur noblesse ne se remarque qu leurs grands chapeaux et quelques dtails discrets. Dans La Dernire Tentation, la richesse des costumes trs chargs et dcors masquant le visage des personnages se rapproche de lesthtique de Mde. On remarque aussi la rcurrence du rouge, dans les costumes et quelques dcors environnants. Principalement dans la scne du march dans le temple o lon voit de la fume rouge, du sang couler du temple, les riches marchands couverts de bijoux avec des robes de couleurs chaudes (mauves, rouges). Les pharisiens, quant eux, portent autour du cou de gros colliers qui leur couvrent le buste. La mode du dversement dhmoglobine commenait dj poindre, elle sera porte son paroxysme, quelques annes plus tard avec La Passion du Christ de Mel Gibson. Plus le Christ est un corps meurtri, plus il interpelle et intresse. Cest un pur phnomne de socit, cest ce qui marche aujourdhui. Chez Pasolini, pas besoin de couleurs pour retranscrire la peine et les blessures physiques, les corps paraissent dj se mler cette terre aride et vaste, ils semblent trs vulnrables sous leurs fines tuniques. La discrtion, les moyens dtourns pour suggrer les coups quil reoit par un gros plan sur les yeux de Jean, remplis de larmes, suffisent. Nous entendons aussi les coups et voyons souvent la foule en moi, plus agite que le Christ lui-mme pendant son procs. Langoisse est ainsi plus forte car nous sommes rduits comme les aptres suivre de loin ce qui se passe, notre vision bouche par les figurants.

    Jsus, un mystique ou un possd ? Dailleurs, le Christ de Kazantzakis se rapproche plus du possd que du mystique.

    Adulte, le Christ est tortur par de violents maux de tte chaque fois que Dieu sadresse lui, il se tord sur le sol, hurle et svanouit. La voix-over de Jsus renforce cette hypothse : Dieu, jespre que cest cela que tu veux, laisse moi mourir ici, sil Te plat, que tout ceci sachve vite pendant que jen ai encore la force . Le Christ de Pasolini, lui, va toujours de lavant, sans hsitation. Celui de Scorsese est souvent pouss par son meilleur ami Judas et les gens qui croient en lui. Nous avons affaire un Messie passif qui se laisse souvent emporter par ses doutes et agira le plupart du temps contre-cur. Cependant, il rejoint parfois la figure rvolutionnaire que lon peut trouver chez Pasolini. Lentre dans Jrusalem est scande par Pierre et Judas sous des airs de rvoltes politiques avec des btons et des poings levs : Roi des Juifs ! Roi des Juifs ! . Et une seconde fois Jsus chamboule le temple. Rappelons que Judas est parfois relanc par Barrabas qui mne une vritable lutte contre lautorit des Romains. Jsus annonce aussi quil va baptiser avec le feu et quil invite une guerre avant de se sortir par miracle le cur de la poitrine. Le phnomnal chez Scorsese (et Kazantzakis) nest donc pas minimis, bien au contraire. Il suffit de se rappeler Jean Le Baptiste transform en vritable gourou entour de ses fidles, pour la plupart entirement nus, en transe pileptique, coutant ses paroles. Enfin, on abandonne totalement le rcit biblique avec cette Vierge Marie qui nen est plus une. Cest une mre inquite pour son fils qui entend des voix et lui demande sil est sr quil sagit de Dieu. Marie na donc jamais reu

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    lannonciation et ne sait pas que son fils est appel devenir Le Messie. Certains critiques comme Roger Ebert et Gene Siskel3 apprcient le Christ de Kazantzakis pour son humanit plus prsente que son ct divin. La torture intrieure de Jsus et son incomprhension des vnements le rapprochent tellement dun homme ordinaire que tout individu peut alors sy reconnatre. Si le Christ doutait si fort et avait aussi peur, nous nous sentons plus laise avec nos propres hsitations.

    La dimension humaine ne disparat pas pour autant chez Pasolini. En effet celui-ci sattarde beaucoup sur le peuple, sur les lieux, sur lactivit des rues, des marchs et surtout sur les visages des figurants et acteurs non professionnels qui en disent bien plus que des stars dHollywood. Quant lhumanit du Christ, elle apparat deux reprises (de faon incertaine et discute par les critiques). Certains en veulent pour preuve cette larme verse par le Christ lorsquil passe devant la maison de sa mre qui lobserve de loin. Puis lorsque la famille du Christ vient le voir pendant quil prche, il se dtourne deux fois avant de leur prter attention ; ce moment on peut lgrement distinguer ses yeux humides et peut-tre une larme nouveau sur sa joue. Mais son visage reste ferme, concentr sur sa mission. Sa tristesse humaine serait alors reprsente mais toujours trs discrtement afin de ne pas basculer vers une extrapolation du texte.

    Chez Scorsese, la dimension divine semble tre vue sous un angle rationnel : Jsus est-il malade ? Chez Pasolini, la divinit mane de la force du texte brut et de la sobre intensit du personnage du Christ, totalement habit par sa mission et qui ne faiblit jamais.

    Visages neutres ou spectaculaires ? Afin de rendre cette parole telle quelle, Pasolini, comme a son habitude, choisit des

    inconnus pour interprter les personnages de son film.Scorsese, lui, choisit des figures connues du cinma, brisant ainsi une rception concentre sur le texte pour la reporter sur le visage des acteurs, Willem Dafoe et Harvey Keitel par exemple.

    On est loin des portraits frontaux de Pasolini films tels quels parmi la multitude des populations locales. Herv Joubert-Laurencin4 prcise justement que Pasolini demandait seulement un visage, un corps devant la camra, les plus neutres possibles, qui marchent, qui regardent, qui parlent et qui lisent un texte dj prsent. De plus, pour Pasolini, le gros plan frontal a pour vocation la mise en vidence de la Sacralit .5 Celle de la puret brute, la plus vierge possible, comme les paysages encore primitifs de Lvangile et les visages des habitants de la rgion. Ainsi Pasolini sattarde sur ces visages si diffrents les uns des autres, la recherche de quelque chose au fond deux. Enrique Irazoqui, ltudiant espagnol interprte du Christ, raconte que pendant le tournage, Pasolini continuait dorganiser des meeting

    3 http://www.youtube.com/watch?v=T4sGfOM9klE 4 Entretien avec H. Joubert-Laurencin, dition DVD Lvangile selon St MaTthieu, Carlotta Film, 2003 5 http://www.arte.tv/static/c3/pasolini/pasolini.htm

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    politiques et choisissait parmi les fascistes qui venaient interrompre ces rencontres ou discuter avec lui, ceux qui allaient incarner les sbires, les Pharisiens ou