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Cours de psychopathologie et psychologie clinique (PSYCE301) (04/12/2013) Invité: Cédric Detienne

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Cours de psychopathologie et psychologie clinique (PSYCE301)

(04/12/2013)

Invité: Cédric Detienne

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Sujet du cours d’aujourd’hui:

Les manipulations dites répétitives et stéréotypées d’objets chez l’enfant autiste: méthodes standardisées et pari du sujet.

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Plan du cours d’aujourdhui

• PARTIE 1 : Des déficits dans l’autisme…A. L’utilisation atypique de l’objet dans l’autisme: Un item

dans le Manuel Statistique et Diagnostique des troubles mentaux.

B. Techniques standardisées de prise en charge de l’utilisation stéréotypée des objets dans l’autisme.

• PARTIE 2: …aux inventions du sujet autisteA. l’objet autistique et la construction d’un bord par le

sujet autiste.B. Séquence clinique: Les objets autistiques de Jacques

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Plan du cours d’aujourdhui

• PARTIE 1 : Des déficits dans l’autisme…A. L’utilisation atypique de l’objet dans l’autisme: Un item

dans le Manuel Statistique et Diagnostique des troubles mentaux.

B. Techniques standardisées de prise en charge de l’utilisation stéréotypée des objets dans l’autisme.

• PARTIE 2: …aux inventions du sujet autisteA. l’objet autistique et la construction d’un bord par le

sujet autiste.B. Séquence clinique: Les objets autistiques de Jacques.

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DSM-III (1980)Infantile Autism

Source: American Psychiatric Association. (1980).Diagnostic and statistical manual of mental disorders (3rd ed.). Washington, DC, p.89-90.

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DSM-III-R (1987)Autistic Disorder

Source: American Psychiatric Association. (1987).Diagnostic and statistical manual of mental disorders (3rd ed., rev). Washington, DC, p.38-39.

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DSM-III-R (1987)Autistic Disorder (suite)

Source: American Psychiatric Association. (1987).Diagnostic and statistical manual of mental disorders (3rd ed., rev). Washington, DC, p.38-39.

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DSM-III-R (1987)Autistic Disorder (suite)

Source: American Psychiatric Association. (1987).Diagnostic and statistical manual of mental disorders (3rd ed., rev). Washington, DC, p.38-39.

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DSM-IV (1994)Autistic Disorder

Source: American Psychiatric Association. (1994).Diagnostic and statistical manual of mental disorders (4th ed.). Washington, DC, p.70-71.

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DSM-IV (1994)Autistic Disorder (Suite)

Source: American Psychiatric Association. (1994).Diagnostic and statistical manual of mental disorders (4th ed.). Washington, DC, p.70-71.

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DSM-IV (1994)Autistic Disorder (Suite)

Source: American Psychiatric Association. (1994).Diagnostic and statistical manual of mental disorders (4th ed.). Washington, DC, p.70-71.

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DSM-IV (1994)Autistic Disorder (Suite)

Source: American Psychiatric Association. (1994).Diagnostic and statistical manual of mental disorders (4th ed.). Washington, DC, p.70-71.

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DSM-IV-TR (2000)Autistic Disorder

Aucune modification par rapport à la version originale de 1994

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DSM-V (2013)Pervasive developmental disorders

Autism Spectrum Disorder

• A. Persistent deficits in social communication and social interaction across contexts, not accounted for by general developmental delays, and manifest by all 3 of the following: – Deficits in social-emotional reciprocity – Deficits in nonverbal communicative behaviors used for social interaction – Deficits in developing and maintaining relationships

• B. Restricted, repetitive patterns of behavior, interests, or activities as manifested by at least two of the following: – Stereotyped or repetitive speech, motor movements, or use of objects – Excessive adherence to routines, ritualized patterns of verbal or nonverbal behavior, or excessive resistance to

change – Highly restricted, fixated interests that are abnormal in intensity or focus – Hyper-or hypo-reactivity to sensory input or unusual interest in sensory aspects of environment

• C. Symptoms must be present in early childhood (but may not become fully manifest until social demands exceed limited capacities)

• D. Symptoms together limit and impair everyday functioning

Source: American Psychiatric Association. (2010).Proposed revision: APA DSM-V. (http://www.dsm5.org/ProposedRevisions/Pages/proposedrevision.aspx?rid=94)

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En résumé

• DSM-III: Intérêt ou attachement particulier à des objets animés ou inanimés.

• DSM-III-R: Préoccupation persistante avec des parties d'objets (par exemple, renifler ou sentir des objets, toucher de façon répétitive la texture d'objets, tourner les roues d'un jeu de voiture) ou un attachement à des objets peu communs (par exemple, l'enfant insiste sur le déplacement d'un bout de ficelle).

• DSM-IV: Préoccupation persistante avec des parties d'objets.• DSM-5: Utilisation stéréotypée ou répétitive d'objets.

• Conclusion: Si les premières versions du DSM mentionnent une dimension subjective impliquée dans la manipulation des objets (“intérêt”, “attachement”, “préoccupation”), nous pouvons observer que la dernière version (DSM-5) la nie purement et simplement (“utilisation stéréotypée”).

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Plan du cours d’aujourdhui

• PARTIE 1 : Des déficits dans l’autisme…A. L’utilisation atypique de l’objet dans l’autisme: Un item

dans le Manuel Statistique et Diagnostique des troubles mentaux.

B. Techniques standardisées de prise en charge de l’utilisation stéréotypée des objets dans l’autisme.

• PARTIE 2: …aux inventions du sujet autisteA. l’objet autistique et la construction d’un bord par le

sujet autiste.B. Séquence clinique: Les objets autistiques de Jacques.

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Stratégies d’interventions standardisées

• La majorité des recherches et méthodes d’intervention issues de l’analyse du comportement appliqué (ABA) concernant “l’utilisation stéréotypée et répétitive des objets” sont congruentes avec la conceptualisation diagnostique déficitariste de l’autisme (DSM-5).

• Les comportements répétitifs sont alors exclusivement considérés comme des comportements automatiques n’engageant pas la subjectivité de l’enfant autiste et qui doivent être éradiqués et remplacés par des comportements dits “adaptés” au moyen de techniques standardisées.

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La nature de “l’utilisation répétitive et stéréotypée des objets”, selon ABA

• Il s’agit d’un “comportement d’autostimulation” (1.p.71).• Ce type de comportement fait partie des “renforcements

automatiques” (2.p.47):

“Les comportements d’auto-stimulation constituent une classe de comportements appris, opérants, pour lesquels les renforcateurs sont des stimuli perceptifs qui sont automatiquement produits par le comportement” (2. p.48)

Source 1: R. Leaf, J. Mc Eachin, Autisme et A.B.A.: une pédagogie du progrès, 2009, Pearson, pp.71-80

Source 2: I. Lovaas, & coll., “Self-stimulatory behavior and perceptual reinforcement”, In JABA, Vol. 20(1), 1987, pp.45-68

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Des comportements à réduire/supprimer

• “L’auto-stimulation est répétitive, c’est un comportement stéréotypé qui n’a d’autre fonction que la gratification sensorielle” (p.71).

• “Il convient de réduire ce comportement, pour trois raisons: l’auto-stimulation détourne beaucoup l’attention; elle est très renforçante pour l’enfant et rend donc les autres renforçateurs moins attirants; elle est stigmatisante” (p.71).

Source : R. Leaf, J. Mc Eachin, Autisme et A.B.A.: une pédagogie du progrès, 2009, Pearson, pp.71-80

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Des obstacles à l’apprentissage

• “L’autostimulation est comparable au comportement d’addiction. Le cheminement qui conduit à une autostimulation peut aboutir à des comportements proches des états dus à la prise de drogue. Tant que l’enfant est ‘euphorique’ ou, du moins, à la recherche de cet état, il n’apprendra rien. Et à l’image de toute addiction, la dépendance devient de plus en plus forte et se nourrit d’elle-même” (p.73, je souligne)

Source : R. Leaf, J. Mc Eachin, Autisme et A.B.A.: une pédagogie du progrès, 2009, Pearson, pp.71-80

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Sevrer l’enfant autiste

• Considéré comme un toxicomane dont les comportements sont involontaires (Leaf, 2009, p.73), ABA propose deux types de stratégies standardisées pour limiter/supprimer l’utilisation répétitive et stéréotypée des objets :

• Stratégies réactives: – Prévention de la réponse;– Réduction de la valeur renforçante de l’autostimulation;– Contrôle du stimulus.

• Stratégies proactives (l’apprentissage d’alternatives adaptées)

Source : R. Leaf, J. Mc Eachin, Autisme et A.B.A.: une pédagogie du progrès, 2009, Pearson, pp.71-80

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Stratégie réactive 1: Prévention de la réponse

• “Faire cesser immédiatement le comportement dès son apparition réduira, voire supprimera, le renforcement. Puisque le comportement auto-stimulant est en lui-même renforçant, la personne reçoit en permanence son propre renforcement. Cela revient à se servir soi-même des bonbons. Plus vite le comportement sera bloqué, moins l’enfant passera de temps à s’autorenforcer” (p.76).

Source : R. Leaf, J. Mc Eachin, Autisme et A.B.A.: une pédagogie du progrès, 2009, Pearson, pp.71-80

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Stratégie réactive 1: Prévention de la réponse (suite)

• Dans ses premières expériences (1965), Lovaas avait recours à des méthodes aversives particulièrement brutales pour “prévenir la réponse”, c’est-à-dire empêcher les comportements d’autostimulation (choc électrique, tape).

• A l’heure actuelle, des méthodes aversives sont toujours utilisées dans la plupart des programmes ABA, mais avec la précision que si l’intervenant a le choix (?), il convient d’ “utiliser les méthodes les moins intrusives et directives possibles” (2. p.77). Toutefois, “au début, vous aurez peut-être recours à une procédure plus intrusive, telle que des aides physiques [intervention physique partielle ou totale], car une méthode plus subtile ne suffira pas à réduire le comportement” (2. p.77).

Source 2 : R. Leaf, J. Mc Eachin, Autisme et A.B.A.: une pédagogie du progrès, 2009, Pearson, pp.71-80

Source 1: I. Lovaas & coll., “Building social behavior in autistic children by use of electric shock”, In JERP, Vol. 1, 1965, pp.99-109

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Stratégie réactive 2: Réduction de la valeur renforçante de l’autostimulation

• Une seconde méthode pour parvenir au sevrage (même partiel) est de “modifier la satisfaction que l’enfant tire de l’autostimulation” (p.77), en utilisant “l’autostimulation comme renforçateur” (p.77) : “vous pouvez d’abord fournir à l’enfant des occasions limitées de s’autostimuler, en récompense à certains comportements demandés ou même pour le gratifier de toute absence de comportement autostimulant” (p.78).

Source : R. Leaf, J. Mc Eachin, Autisme et A.B.A.: une pédagogie du progrès, 2009, Pearson, pp.71-80

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• “(…) vous modifiez ainsi la nature du comportement. Par son caractère même, l’autostimulation est contrôlée intérieurement par l’enfant. En déplaçant la dimension interne de l’autostimulation vers un contrôle extérieur, vous prenez possession de la maîtrise de ce comportement et le changez subtilement en y mettant des limites et des conditions. Vous produisez un effet de réduction de la valeur renforçante du comportement”(p.78).

Source : R. Leaf, J. Mc Eachin, Autisme et A.B.A.: une pédagogie du progrès, 2009, Pearson, pp.71-80

Stratégie réactive 2: Réduction de la valeur renforçante de l’autostimulation (suite)

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Stratégie réactive 3: Contrôle du stimulus

• “Les stratégies de contrôle du stimulus sont destinées à créer un environnement et/ou des situations qui ne provoquent aucun comportement autostimulant. Il faut pour cela déterminer des pièces de la maison ou des moments de la journée où ces comportements ne devront pas exister. (…) Vous pouvez instaurer, par exemple, que l’autostimulation n’ait lieu que dans la chambre de l’enfant ou dans le salon. (…). De même vous pouvez la limiter à ceratins moments de la journée et réduire progressivement la durée de ces moments” (p.78).

Source : R. Leaf, J. Mc Eachin, Autisme et A.B.A.: une pédagogie du progrès, 2009, Pearson, pp.71-80

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Stratégie proactive: l’apprentissage d’alternatives adaptées

• “Eliminer simplement un comportement ne fournit pas à l’enfant les situations alternatives susceptibles de remplir la fonction à laquelle ce comportement pourvoyait. Vous devez donc enseigner des comportements de remplacement adaptés, sinon l’auto-stimulation réapparraîtra , ou un autre comportement inadapté prendra probablement sa place” (p.79).

Source : R. Leaf, J. Mc Eachin, Autisme et A.B.A.: une pédagogie du progrès, 2009, Pearson, pp.71-80

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Identifier la fonction

• “Identifier le comportement de remplacement s’appuie sur l’identification de la fonction du comportement d’autostimulation. Puisque l’autostimulation est un moyen typique de recevoir certaines formes d’informations sensorielles, la manière la plus efficace de mettre en place des comportements de remplacement adaptés passera par l’apprentissage de compétences à forte composante sensorielle, telles que le jeu, la récréation et l’interaction” (p.79).

Source : R. Leaf, J. Mc Eachin, Autisme et A.B.A.: une pédagogie du progrès, 2009, Pearson, pp.71-80

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Plan du cours d’aujourdhui

• PARTIE 1 : Des déficits dans l’autisme…A. L’utilisation atypique de l’objet dans l’autisme: Un item

dans le Manuel Statistique et Diagnostique des troubles mentaux.

B. Techniques standardisées de prise en charge de l’utilisation stéréotypée des objets dans l’autisme.

• PARTIE 2: …aux inventions du sujet autisteA. l’objet autistique et la construction d’un bord par le

sujet autiste.B. Séquence clinique: Les objets autistiques de Jacques.

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L’objet “autistique”

• Tustin (1. 1972) a mis en évidence la fonction protectrice de l’objet autistique: “[les enfants autistes] développent des particularités idiosyncrasiques afin d’engendrer des sensations protectrices qui leur sont propres” (2. p.36).

Source 1.: F. Tustin, Autisme et psychose de l’enfant, 1972, tr. fr. 1977, Seuil.

Source 2.: F. Tustin, Autisme et protection, 1990, tr. fr. 1992, Seuil.

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Objet autistique: aspects protecteurs et pathologiques• Tustin fait l’hypothèse que l’investissement

de ces objets par l’enfant “permet de se mettre à l’abri d’expériences insupportables” (p.37), tout en mettant l’accent sur leur dimension “pathologique”, du fait qu’ils “les empêchent d’avoir un rapport normal, ludique, aux objets” (p.36). La dimension pathologique n’est donc pas le recours de l’enfant à cette protection, mais son exclusivité.

Source : F. Tustin, Autisme et protection, 1990, tr. fr. 1992, Seuil.

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Inquiétudes de Tustin• “Je suis (…) très inquiète quand j’entends des gens

parler de ‘supprimer l’autisme’, de le ‘guérir’, ou encore de le ‘percer’. J’ai vu des enfants, ou entendu parlé d’enfants, qui avaient été traités en fonction de telles conceptions (…): l’extrême vulnérabilité de ces enfants s’est trouvée mise à nue par des méthodes qui ne respectaient* pas leur autisme, sans qu’on leur ait donné suffisamment d’occasions de développer d’autres modes de protection, plus progressifs” (p.37, je souligne).

Source : F. Tustin, Autisme et protection, 1990, tr. fr. 1992, Seuil.

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Parenthèse sur le respect de l’autisme

• “Respecter l’autisme" ne veut pas dire “laisser faire”, ne pas se soucier du symptome !

• Par contre, c’est prendre acte de la dimension égosyntonique des symptômes (versus égodystonique). En effet, la majorité des autistes qui ont pu témoigner de leur parcours ne disent pas qu’ils ont un autisme (tel un parasite dont ils souhaiteraient guérir), mais bien qu’ils sont autistes (ce qui implique des ressources et des difficultés spécifiques) et qu’ils entendent être respectés en tant que tel, avec leur fonctionnement propre (et non pas à partir des normes “neurotypiques”).

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De l’auto-stimulation à la jouissance

• Les acteurs des méthodes standardisées ont très vite perçu (dès les années ‘70) l’implication de la jouissance du sujet dans la manipulation répétitive des objets chez l’enfant autiste (la comparaison faite plus haut avec la satisfaction du toxicomane est exemplaire). Mais du fait qu’elle est exclusivement considérée comme une gêne pour les apprentissages, cette jouissance est systématiquement contrecarrée, sans se soucier du consentement (ni même de l’avis) du patient directement concerné, souvent même en s’y confrontant frontalement: l’intervenant doit, rappelons-le, “prendre possession de la maîtrise de ce comportement” (p.71).

Source : R. Leaf, J. Mc Eachin, Autisme et A.B.A.: une pédagogie du progrès, 2009, Pearson, pp.71-80

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Objet autistique, objet de la jouissance du sujet autiste

• Maleval (2009) propose de situer de façon paradoxale les manipulations répétitives d’objets chez l’enfant autiste: à l’intersection de la production de la jouissance et de sa régulation.

Source : J-C Maleval, l’autiste et sa voix, 2009, Seuil.

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Objet autistique et formation d’un bord

• Selon Maleval, l’objet autistique constitue une modalité de jouissance du sujet (impliquant stimulation et excitation) mais qui a ceci de spécifique qu’elle constitue un bord rassurant: “La jouissance du sujet autiste n’est pas régulée par le symbolique (…), de sorte que ses sensations et ses images manquent d’éléments régulateurs. Sa perception du monde reste chaotique. (…) C’est pourquoi il se réfugie dans un monde sécurisé. C’est pourquoi l’autiste s’emploie à maîtriser la jouissance folle, non liée, dépourvue de chiffrage signifiant. Il s’efforce de la détourner du corps pour la faire servir à sa sécurité et ses défenses. A cette fin, il s’emploie à la création d’un bord qui sépare son monde rassurant et maîtrisé du monde chaotique et incompréhensible.” (p.105-106).

Source : J-C Maleval, l’autiste et sa voix, 2009, Seuil.

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Plan du cours d’aujourdhui

• PARTIE 1 : Des déficits dans l’autisme…A. L’utilisation atypique de l’objet dans l’autisme: Un item

dans le Manuel Statistique et Diagnostique des troubles mentaux.

B. Techniques standardisées de prise en charge de l’utilisation stéréotypée des objets dans l’autisme.

• PARTIE 2: …aux inventions du sujet autisteA. l’objet autistique et la construction d’un bord par le

sujet autiste.B. Séquence clinique: Les objets autistiques de Jacques.

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Jacques à la fenêtre

• Jacques, un enfant autiste mutique de six ans, nous indique, depuis deux mois, date de son entrée dans l’institution, qu’il importe pour lui de manipuler incessamment deux objets (un dans chaque main) et cela dans un endroit spécifique de l’institution (les appuis de fenêtre).

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Main gauche, main droiteJacques exige de disposer en permanence de deux objets (un dans chaque main) et qui semblent chacun avoir des fonctions particulières :- Le premier objet est du type "fil" (corde, tissu, bout de papier etc) et est essentiellement objet du regard: il est placé entre une surface et le regard de l'enfant pour être manipulé de façon incessante, dans un mouvement binaire. Lorsque cet objet manque, ce sont les doigts d'une main qui prennent la relève et qui se déplacent (mouvement de type "vague") devant le regard de Jacques.- Le second objet (placé dans l'autre main) est du type surface solide (petit jeu en plastique, couvercle etc) et est moins objet du regard qu'objet sonore/rythmique:(1) soit il est placé contre les lèvres de façon intermittente avec une production sonore du type tremolo (du fait que le passage de l'air est entrecoupé rythmiquement par le rapprochement de l'objet contre les lèvres);(2) soit il est placé sur une joue et l'enfant exerce un frottement continu et sonore sur l'objet, tout en manipulant l'autre objet (situé dans l'autre main).Il arrive souvent que la manipulation de ces objets entraîne Jacques à sautiller tout en faisant sautiller les objets qu'il a en main. A tel point qu'on ne sache plus qui fait sautiller qui...

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Les trois composants du bord

• Le corps (en face de la fenêtre)

• Les objets manipulés (dans chaque main)

• L’appui de fenêtre (sur lequel les objet sont manipulés

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Îlot sécurisé

• Ce champ construit par l’enfant, cette zone où Jacques réalise son activité répétitive est utilisée comme un îlot sécurisé qui lui permet de traiter l’angoisse associée à l’irruption des événements non symbolisables (par exemple un autre enfant qui rentre dans la pièce en courant, un autre qui crie, une demande qui lui est adressée…).

• En s’isolant dans ce coin, Jacques se protège contre des stimulations non maîtrisables, au moyen de la maîtrise d’un champ, de ses limites, c’est-à-dire de ce qui peut en faire partie et de ce qui ne peut pas en faire partie.

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Objets, Vision périphérique, champs.

• Lorsque Jacques est occupé avec ses objets, il est tout autant attentif à la manipulation (très spécifique) des objets qu'à ce qui se passe dans les alentours (vision dite périphérique). Comme si la polarisation de l'attention sur la manipulation des objets organisait la perception, en filtrant un espace autour des objets. La manipulation des objets (force de friction, amplitude des mouvements) varie lorsque des bruits surgissent dans la pièce où se trouve Jacques. Par ailleurs, il est également remarquable que Jacques peut faire un geste vers l'autre (par exemple pour accepter ou refuser un objet qui lui est proposé) alors qu’il semble très concentré sur la manipulation des objets. Comme si Jacques abordait l'autre (en tout cas pouvait lui répondre), à condition qu’il s’agisse d’un espace périphérique (le centre de l'espace étant l'objet). Avec cette hypothèse, la vision dite périphérique de Jacques aurait à voir avec la construction d'un champ (choix par rapport à un centre et une périphérie). Au centre du champ, il y a le connu, l'incessamment maîtrisé - l'objet- et en périphérie, il y aurait ce dont Jacques n'a pas la maîtrise (l'environnement et ses imprévus angoissants).

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Souplesse de la structure du champ

• Lorsque cette construction autistique de filtrage de l'environnement par la constitution d'un champ perceptif ne suffit pas, Jacques prend appui non plus sur le bord de la fenêtre mais sur le corps d’un adulte, contre lequel il s’accole fermement pour se protéger de quelque chose (cri, mouvement) qui a surgi dans la pièce.

• Par ailleurs, cette modification de la configuration (objet/corps/appui de fenêtre -> objet/corps/corps d’un adulte) n’est-il pas du même ordre que le mouvement des doigts (en forme de vagues) qui commence lorsque Jacques n’a pas à sa disposition l’objet ‘souple’ (fil) ?

• Il apparaît que les exigences fonctionnelles (versus matérielles) semblent suffisamment souples pour permettre à Jacques de recourir à différentes variétés de configurations des éléments participant au bord. De là les premières pistes de travail ont lui ont été proposées.

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Un exemple: proposition d’utilisation d’une interface vidéo. Pourquoi ?

• Des champs visuels semblent captiver l’enfant. Au sein de ceux-ci, l’image du corps de Jacques semble trouver un bord : le miroir (la maman dit que Jacques va souvent dans la

chambre de ses parents pour se mettre devant le miroir) ;

le sol et le mur (il suit du regard ‘son’ ombre); la vitre (de porte et de fenêtre) contre laquelle il se

trouve souvent dans l’institution); l’écran d’ordinateur (il sautille et rigole toujours de plus

en plus fort en ‘se’ regardant dans le retour vidéo de la webcam sur l’ordinateur).

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Proposition d’une activité “retour-vidéo”

Alors qu’il est occupé à manipuler ses deux objets contre un appui de fenêtre, un troc d’objet est proposé à Jacques: 2 objets contre 1, mais il n’est pas perdant, car il gagne un retour vidéo du nouvel objet à sa disposition. Non sans hésiter, il accepte.

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De l’objet à l’interface

• Après avoir pris soin de vérifier que l’objet était toujours bien là (derrière l’interface vidéo), Jacques prend l’initiative de réaliser, parmi d’autres choses, cinq opérations, dont chacune constitue un déplacement majeur par rapport aux manipulations habituelles de ses objets.

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1. Elever l’objet

• Alors que l'utilisation de l'objet en main est habituellement très réglée, voire fixée/rigide (un battement rapide), Jacques tient l'objet en main sans lui appliquer de battements, et élève lentement l'objet (alors qu'il reste au niveau de l'appui de fenêtre d'habitude), en regardant attentivement l'objet et la main dans le champ vidéo. Opération réitérée à plusieurs reprises.

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2. Lacher l’objet

• Alors que Jacques doit d'habitude avoir un contrôle de l'objet dans sa main ou lâché durant quelques dizièmes de secondes lors d'un battement sur l'appui de fenêtre, ici il lache délicatement l'objet de la main, posé sur l'appui de fenêtre, et regarde via l'interface vidéo la séparation et l'éloignement entre ces deux composants de la topologie du sujet que sont l'objet et la main. La main, vide d'objet, n'est pas ici une main qui reprend à son compte les mouvements de l'objet qui fait défaut, c'est une main qui explore un espace inédit.

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3. Cacher/montrer l’objet -1

• Jacques met de façon répétée l'objet hors du champ de la caméra pour l'y réintroduire ensuite en souriant.

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4. Cacher/montrer l’objet -2

• une variante: Jacques déplace, de façon contrôlée l'interface vidéo en déplaçant mon bras de quelques centimètres et en suivant le changement sur l'interface vidéo.

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5. Cacher/montrer la main• Une variante: Jacques

dépose l'objet sur l'appui de fenêtre (le focus du retour vidéo est mis sur l’objet), puis il met les mains hors du champ, les posant parfois contre une surface située hors du champ (le mur, le dossier de chaise), pour ensuite à toute vitesse faire recoller l'objet à la main dans le champ. L'opération est réitérée à plusieurs reprises.

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Un premier pas de côté• Cette proposition d’interface, soit le placement d’un

cadre entre le regard et l’objet, a permis à Jacques de faire un premier pas de côté concernant ses objets, et pas des moindre: les situer dans un champ inédit et jouer de leur absence. Cette activité ludique, la première de l’enfant, trois semaines après son entrée dans l’institution, fut la première d’une série d’autres qui ont suivi et qui rapprochent toujours un peu plus Jacques de la périphérie de ses champs, là où il loge l’Autre, celui-là même qui, dans un second temps seulement, et avec le consentement de l’enfant, pourra lui apprendre des choses.

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Conclusions• Il n’y a pas une solution standard concernant la prise en charge des

manipulations répétitives et envahissantes d’objets chez l’enfant autiste: “le travail avec le sujet autiste cherche, non pas à appliquer à tous une technique prédéterminée, mais à inventer pour chacun une manière de faire” (p.319).

• Maleval, à partir des enseignements et de l’éthique de la psychanalyse lacanienne, nous invite à prendre en compte la voix du sujet autiste, avant de prendre en charge la modification de ses symptomes, à chercher le consentement de l’enfant dans les propositions qui lui sont faites d’un déplacement par rapport à ses manipulations incessantes d’objets.

• Plutôt que de partir d’une analyse fonctionnelle standard pour chercher des comportements alternatifs plus adaptés, il apparaît que l’enfant lui-même, dans les partenariats entrepris avec lui, peut donner des pistes des comportements plus compatibles avec un lien social et des apprentissages.

Source : J-C Maleval, l’autiste et sa voix, 2009, Seuil.