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UPMC - LI 352 IIEE - Cours 1 - c J.-D. Kant 2015 Universit´ e Pierre et Marie Curie Licence Informatique 2014-2015 Cours LI 352 - Industrie Informatique et son Environnement ´ Economique Responsable : Jean-Daniel Kant ([email protected]) COURS 1 : INTRODUCTION A L’ECONOMIE. LE CONSOMMATEUR 1 Qu’est-ce que l’´ economie ? Avant de commencer, il est effectivement utile de poser quelques d´ efinitions. 1.1 Economie Etymologie : du grec oikos, maison et nomos, g´ erer, administrer. Etymologiquement, l’´ economie est l’art de bien administrer une maison, de g´ erer les biens d’une personne, puis par extension d’un pays. Plus g´ en´ eralement, l’´ economie est une science sociale qui ´ etudie, entre autres : – la production, la distribution, et la consommation des biens et des services ; – les moyens mat´ eriels d’existence de l’homme ; – les syst` emes d’´ echange quelles que soient leurs structures ; – l’allocation des moyens rares. L’´ economie est ´ etudi´ ee par les sciences ´ economiques et prend appui sur des th´ eories ´ economiques. La d´ efinition de l’´ economie n’est pas consensuelle. Ses contours et son contenu varient en fonction des auteurs et des courants de pens´ ee. Le point de vue de Galbraith est int´ eressant car il pose d’embl´ ee les bonnes questions : “Alfred Marshall disait que l’´ economie n’´ etait rien d’autre que l’´ etude de l’humanit´ e dans la conduite de sa vie quotidienne. J’ajouterai ` a cela l’´ etude du rˆ ole des organisations, de la mani` ere que les hommes ont de faire appel aux grandes entreprises, aux syndicats et aux gouvernements pour satisfaire leurs besoins ´ economiques ; l’´ etude des buts poursuivis par ces organisations dans la mesure o` u ils s’accordent ou s’opposent ` a l’int´ erˆ et g´ en´ eral. Et enfin la mani` ere de faire pr´ evaloir l’int´ erˆ et de la collectivit´ e” 1 . Concilier les int´ erˆ ets particuliers, qu’il s’agisse de particuliers ou d’entreprises, avec ceux de la collectivit´ e est effectivement un des probl` emes cruciaux de nos soci´ et´ es, et que tente d’aborder la science ´ economique. 1. Tout savoir, ou presque, sur l’´ economie de John Kenneth Galbraith et Nicole Salinger, Points Seuil, 1978, p. 11. 1

Cours economie

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Cours economie

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UPMC - LI 352 IIEE - Cours 1 - c© J.-D. Kant 2015

Universite Pierre et Marie Curie

Licence Informatique 2014-2015

Cours LI 352 - Industrie Informatique et son Environnement Economique

Responsable : Jean-Daniel Kant ([email protected])

COURS 1 : INTRODUCTION A L’ECONOMIE.

LE CONSOMMATEUR

1 Qu’est-ce que l’economie ?

Avant de commencer, il est effectivement utile de poser quelques definitions.

1.1 Economie

Etymologie : du grec oikos, maison et nomos, gerer, administrer.

Etymologiquement, l’economie est l’art de bien administrer une maison, de gerer les biensd’une personne, puis par extension d’un pays. Plus generalement, l’economie est une sciencesociale qui etudie, entre autres :

– la production, la distribution, et la consommation des biens et des services ;– les moyens materiels d’existence de l’homme ;– les systemes d’echange quelles que soient leurs structures ;– l’allocation des moyens rares.

L’economie est etudiee par les sciences economiques et prend appui sur des theorieseconomiques.

La definition de l’economie n’est pas consensuelle. Ses contours et son contenu varient enfonction des auteurs et des courants de pensee. Le point de vue de Galbraith est interessant caril pose d’emblee les bonnes questions :

“Alfred Marshall disait que l’economie n’etait rien d’autre que l’etude de l’humanite dansla conduite de sa vie quotidienne. J’ajouterai a cela l’etude du role des organisations, dela maniere que les hommes ont de faire appel aux grandes entreprises, aux syndicats et auxgouvernements pour satisfaire leurs besoins economiques ; l’etude des buts poursuivis par cesorganisations dans la mesure ou ils s’accordent ou s’opposent a l’interet general. Et enfin lamaniere de faire prevaloir l’interet de la collectivite” 1.

Concilier les interets particuliers, qu’il s’agisse de particuliers ou d’entreprises, avec ceux dela collectivite est effectivement un des problemes cruciaux de nos societes, et que tente d’aborderla science economique.

1. Tout savoir, ou presque, sur l’economie de John Kenneth Galbraith et Nicole Salinger, Points Seuil, 1978,p. 11.

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La science economique comprend plusieurs branches, suivant les objets auxquels elle s’interesse :economie du travail, de la finance, industrielle,... Une distinction importante, portant a la foissur l’objet et la methode, est souvent operee entre macroeconomie et microeconomie.

1.2 Macroeconomie

La macroeconomie 2 (dont le terme est introduit en 1933 par l’economiste norvegien RagnarFrisch) est l’approche theorique qui etudie l’economie a travers les relations existant entre lesgrands agregats economiques, comme le Produit Interieur Brut (PIB), qui mesure la valeurtotale de la production d’un pays au cours d’une annee, mais aussi le revenu, l’investissement,la consommation, le taux de chomage, l’inflation etc.

Certaines de ses relations sont de type comptable, decoulant de la facon dont les agregatssont definis. Par exemple, il y a egalite entre les ressources et les emplois des produits d’uneeconomie nationale :

PIB+ importations = consommation+ investissement+ variation des stocks+ exportations

On en deduit une facon (dites par les depenses) de calculer le PIB :

PIB = consommation+ investissement+ variation des stocks+ exportations− importations

On voit que si la balance commerciale (exportations − importations) est deficitaire (< 0), lePIB diminue et donc la croissance, qui est generalement mesuree par la variation du PIB.

Une facon plus courante de calculer le PIB est de mesurer directement la production :

PIB = Somme des Valeurs Ajoutees + TVA + Droits et Taxes sur les Importations –Subventions sur les Produits

avec

Valeur ajoutee = Valeur des biens et services produits - valeur des consommationsintermediaires + Marges commerciales

Les consommations intermediaires sont les depenses realisees pour produire les biens (e.g.matieres premieres) et qui seront detruites a la production. Les marges commerciales sont lavaleur des ventes de marchandises revendues en l’etat moins leur valeur d’achat.

D’autres modeles decrivent des comportements, comme la fonction de consommation deKeynes. Pour tester leur modeles, les macroeconomistes font appel a l’econometrie pour recupererdes donnees statistiques issus du “monde reel”. Ces donnees concernent en general des popula-tions d’individus et non des individus particuliers. C’est pourquoi les modeles macroeconomiquesutilisent des moyennes de comportement d’individus, ou leur resultantes, d’ou la qualifi-cation de “macro”.

2. Cf. Dictionnaire d’Analyse Economique de Bernard Guerrien, 3eme edition, La Decouverte, 2002, pp. 311-312

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Si elle peut emprunter quelques raisonnements issus de la microeconomie, elle s’en differepar son point de vue global sur l’economie, avec une insistance sur la notion de bouclage desdifferentes parties du systeme, l’importance de la monnaie et des phenomenes globaux fon-damentaux comme l’inflation et le chomage. La Figure 1 fournit un exemple de schema ma-croeconomique.

Figure 1 – Exemple de flux macroeconomiques. Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Image:Circulation_in_macroeconomics-fr.svg

1.3 Microeconomie

La microeconomie vise a “expliquer les phenomenes economiques a partir du comportementdes unites de base, “microeconomiques”, de la societe (ou de l’economie). Pour cela,le microeconomiste va d’abord caracteriser ces unites, qu’il divise en deux grandes categories,appelees “agents” : les consommateurs (ou menages), et les producteurs (ou entreprises)” 3.

La microeconomie est une conception de l’economie batie au 19eme siecle par les economistesdits neoclassiques (Menger, Jevons, Walras,...), eux-memes inspires par Adam Smith, qui pro-

3. Cf. Dictionnaire d’Analyse Economique de Bernard Guerrien, 3eme edition, La Decouverte, 2002, pp. 343

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posa le celebre concept de “main invisible” avec l’idee qu’un resultat positif pour une com-munaute peut decouler des actions individuelles, sans que ceux-ci aient deliberement cherche ceresultat (i.e. voulu explicitement œuvrer pour la collectivite). L’economie se reduit a des produc-teurs et des consommateurs individuels, et a des echanges libres entre eux (l’Etat par exemplen’a pas a intervenir). Ceci reste valable aussi longtemps que l’on suppose l’absence d’externalitesou de biens publics.

La microeconomie est utilitariste en ce sens qu’elle suppose que les individus sont ration-nels dans la mesure ou ils cherchent a maximiser leur satisfaction (qu’on appelle utilite). Cesagents economiques rationnels evoluent dans une economie de marche regulee par la variationde prix. Pour que la regulation par les prix soit optimale et que les marches soient ainsiqualifies d’efficients, il est necessaire de satisfaire les conditions de la concurrence pure etparfaite(CPP) (loyale) :

– atomicite du marche : il y a une multitude d’offreurs et de demandeurs, de maniere a cequ’aucun agent individuel ne puisse a lui seul maıtriser les prix ou le niveau de production,inflechir le marche en sa faveur (image de l’atome noye dans la masse).

– homogeneite des produits : ceux-ci sont semblables, comparables et substituables. Des lors,la concurrence ne s’effectue que par le prix et non pas la qualite du produit

– libre entree et sortie du marche, afin de le fluidifier– transparence : tout le monde doit disposer de la meme information (i.e. toutes les infor-

mations sont accessibles a tous les agents).

Comme souvent en microeconomie neoclassique, la CPP est purement normative : ellepropose un marche ideal qui n’existe pas dans la realite, mais que l’on doit s’efforcer d’approchersi on croit en ses vertus (i.e. celle d’une economie liberale). Comme nous les verrons plus loindans ce cours, ses hypotheses simplificatrices ont l’avantage de se modeliser facilement sousforme mathematique, ce qui en facilite grandement l’analyse. Elle permet de comprendre certainsmecanismes simples, comme la fixation par les prix et fournit un premier cadre qu’il faut ensuitecritiquer et depasser pour se rapprocher de la realite (Cf. cours 11).

Enfin, pour terminer cette premiere presentation de la microeconomie, il faut noter une deses particularites : son “marginalisme”, dans le sens ou l’on ne raisonne pas sur les quantitesglobales mais plutot sur des quantites additionnelles (dites marginales). La question est desavoir si a un moment donne un consommateur veut consommer une unite supplementaire, ousi le producteur veut produire une unite de plus ou embaucher un salarie en plus. On parle alorsde microdecisions.

Cette vision de l’economie portee par la microeconomie necoclassique, qui met l’accent surla rationalite forte, la concurrence parfaite, l’efficience des marches, les equilibres, une fortemathematisation dont l’abstraction s’eloigne souvent des realites reste dominante dans latheorie economique (on parle ainsi de “mainstream economics”). Cependant, elle est de plusen plus critiquee. Des mouvements pour une economie alternative se developpent 4 et commenous l’esquisserons au dernier cours, l’informatique, a travers l’economie computationnelle

4. Parmi les critiques et partisans d’alternatives, voir par exemple Economie heterodoxe, par John KennethGalbraith coll. Opus, ed. du Seuil, 2007 ; Bernard Maris (et ses antimanuels deja cites plus haut) ; Bernard Guerrienop. cit., A Guide to What’s Wrong with Economics by Edward Fullbrook (Editor), Anthem Press, 2004 ; le“mouvement des economistes non autistes” http://www.autisme-economie.org/., qui a publie notamment Petitbreviaire des idees recues en economie, Les Econoclastes, La Decouverte, 2004. Citons aussi celui des economistesatterres : http://www.atterres.org/

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a base d’agents, a un role important a jouer pour developper une nouvelle economie moinsrationnelle et plus proche du monde reel.

1.4 Relations Micro / Macro

La distinction entre macroeconomie et microeconomie a tendance a s’estomper quelque peudans la mesure ou les modeles macroeconomiques ont de plus en plus integre des equationsdecrivant des comportements inspires des analyses microeconomiques. Certains economistes es-timent que les phenomenes globaux doivent pouvoir s’expliquer a partir des comportements desindividus et leurs interactions. C’est ce qu’on appelle rechercher les fondements microeconomiquesde la macroeconomie. On retrouve cela notamment pour l’etude du marche du travail (travauxde Pierre Cahuc par exemple). Cependant, parvenir a faire des modeles individuels realistes (i.e.qui sont valides sur des comportements reellement observes) et qui permettent ensuite de faireemerger les phenomenes macroscopiques observes est d’une grande difficulte. La encore, il estpossible que les modeles informatiques a bases d’agents, et notamment les systemes multi-agents(issus de l’intelligence artificielle distribuee) permettent d’y contribuer 5.

5. C’est en tout cas tout le sens de mes recherches. Nous en reparlerons un peu a la fin de ce cours. Sinon,pour plus de details : http://www-poleia.lip6.fr/~kant/

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LE CONSOMMATEUR

2 Avertissement

En microeconomie, le comportement du consommateur est represente de maniere tres sim-plificatrice : son unique probleme consiste a choisir le nombre d’unites de chaque bien qu’il veutacheter. Pour ce faire, il maximise une fonction (numerique) mesurant sa satisfaction appeleefonction d’utilite.

Cette simplification amene plusieurs critiques :• la satisfaction ne provient pas que de la consommation de biens marchands. D’autres sa-

tisfactions existent : satisfactions morales, psychologiques, amoureuses, consommation debiens gratuits ou libres (l’air !), etc. Ainsi a la notion d’utilite devrait-on substituer la no-tion nettement plus complexe de bien-etre 6, le “vrai” bien-etre ressenti par les personnes,pas celui de la theorie neoclassique que l’on trouve dans les deux theoremes de l’economiedu bien-etre 7.• de nombreuses variables et facteurs sont negliges dans l’analyse microeconomique : l’in-

fluence du milieu, de l’histoire, de la psychologie des acteurs, ainsi que celles des normes so-ciales, culturelles, et des institutions. Le cadre de l’agent representatif est suppose constantet donc sans influence. La encore, on est loin de la realite.• par ailleurs, la maximisation - qui est donc un processus d’optimisation - depasse les capa-

cites de calcul et de memoire (on parle de capacites cognitives) des etres humains, commel’avait fait remarquer Herbert Simon 8 avec sa theorie de la rationalite limitee. Lesmodeles du comportement humain doivent ainsi tenir compte de ces capacites limiteesqu’on les sujets humains : ils ne peuvent examiner l’ensemble de toutes les situations ettoutes leurs connaissances, ce qui est necessaire si on veut optimiser. Ils vont plutot choisirdes solutions satisfaisantes (“satisficing” chez Simon) : le consommateur se donneun certain niveau d’utilite a atteindre et se satisfait de la premiere option qui atteint ceniveau.• Si l’on s’interesse a la decision humaine, la psychologie a bien montre que les humains

violent systematiquement les principes fondamentaux de la decision utilitariste (i.e fondeesur la maximisation d’utilite), avec notamment les travaux pionniers de Kahneman etTversky. Comme l’a propose Simon, et les chercheurs en psychologie de la decision qui ontsuivi 9, des modeles plus proches des decisions existent et devraient etre integres dans lesmodeles microeconomiques.

Au vu de ces critiques, on peut se demande a quoi bon etudier ce modele utilitariste, pourquoiles economistes le gardent-ils ? Pour deux raisons principales :

6. pour ne pas oser parler de bonheur, notion peut-etre trop subjective, mais ceci est une autre histoire7. Ceux-la sortent du cadre de ce cours, ils font la correspondance entre concurrence parfaite et optimum

de Pareto. Cf. Dictionnaire d’Analyse Economique de Bernard Guerrien, 3eme edition, La Decouverte, 2002, pp.173-175

8. Prix Nobel d’economie (ou plus exactement Prix de la Banque de Suede en sciences economiques en memoired’Alfred Nobel) en 1978 et un des peres fondateurs de l’Intelligence Artificielle !

9. C’est le courant de recherche qu’on appelle Naturalistic Decision Making. Cela sortcompletement du cadre de ce cours, mais pour ceux/celles interesse(e)s, voici un point de depart :http ://en.wikipedia.org/wiki/Naturalistic decision making

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1. Tout d’abord, ce modele est un moyen simple pour caracteriser les fonctions de demandeet evaluer l’impact des prix sur ces demandes

2. En modelisation, on applique souvent le principe dit du “rasoir d’Occam” 10 ou de par-cimonie qui consiste a utiliser le modele le plus simple possible pour rendre compte d’unphenomene, ne pas multiplier inutilement les parametres, les hypotheses, les composantesdu modele. La decision utilitariste a le merite de la simplicite, des modeles plus realistes en-traıneraient un nombre trop important de parametres supplementaires non indispensablesaux yeux des economistes neoclassiques pour effectuer leurs raisonnements.

3. C’est ce qui est enseigne majoritairement dans les cursus universitaires en economie (premieresannees).

3 Fonction d’utilite

3.1 Definition

Le consommateur (C.) est un agent economique qui cherche a tirer la satisfaction la plusgrande possible de sa consommation. S’il y a n biens, celle-ci est decrite par un vecteurx = (x1, .., xj , .., xn), ou xj ≥ 0 est la quantite du j eme bien qu’il consomme.x peut etre par exemple le contenu d’un caddie dans un supermarche, le fameux “panier de lamenagere”.

Les preferences du consommateur sont caracterisables par sa fonction d’utilite, applicationu de Rn

+ (ou parfois de (R∗+)n) dans R,

x = (x1, .., xj , .., xn) 7−→ u(x) = u(x1, .., xj , .., xn),

qui s’interprete comme suit :

si u(x) > u(y), C. prefere x a y ; si u(x) < u(y), C. prefere y a x ;et si u(x) = u(y), C. est indifferent entre x et y

On adopte ainsi une approche ordinale de l’utilite : plutot de demander au consommateur dedonner une valeur quantitative absolue a sa satisfaction, on lui demande simplement de dire sirelativement il prefere un panier A a un panier B.

L’ensemble{y ∈ Rn

+ : u(y) = u(x)}

est la classe d’indifference de x ; lorsque n = 2, la courbela representant graphiquement est la courbe d’indifference passant par x, comme sur la Figure 2.Un consommateur est donc indifferent entre tous les paniers de biens representes sur une memecourbe d’indifference.

10. Un principe de raisonnement que l’on attribue au moine franciscain et philosophe Guillaume d’Occam(XIVe siecle), mais qui etait connu et formule avant lui : “Les multiples ne doivent pas etre utilises sans necessite”(pluralitas non est ponenda sine necessitate).

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Figure 2 – Courbes d’indifferences

3.2 Hypotheses supplementaires

3.2.1 Monotonicite

En general, u est une fonction croissante de ses arguments (hypothese de monotonicite),ce qui signifie que le consommateur est insatiable : plus on lui donne de biens, plus il est content !

En consequence, plus on s’eloigne de l’origine, plus l’utilite croıt. Cela impliqueegalement que sur une meme courbe, la pente soit negative : pour que le consommateur soitindifferent, il faut se diriger vers le Nord-Ouest (diminuer x1 mais augmenter x2) ou le Sud-Est(la reciproque) car sinon on va soit augmenter les 2, soit les diminuer ensemble et donc augmenterou diminuer u. La pente des courbes d’indifference est donc negative.

3.2.2 Convexite des preferences

Les courbes d’indifference sont supposees convexes, car on suppose que le consommateurprefere la diversification. Il preferera donc un melange des deux biens x1 et x2 que les casextremes A et B de la Figure 3. Lorsque la courbe est convexe, on a bien la propriete que qu’unpanier combinaison lineaire de A et B et situe sur la droite AB a une plus grande utilite que Aou B.

La convexite de la courbe d’indifference se traduit mathematiquement par le fait que u soitquasi-concave, c.-a-d. que pour tout x, y et tout

{y ∈ Rn

+ : u(y) ≥ u(x)}

est un ensemble convexe.

Pour n = 2 on aura :

∀(x1, x2) ∈ R4+ ∀λ ∈ [0, 1] u(λ.x1 + (1− λ).x2) ≥ min(u(x1), u(x2))

Et sur la courbe d’indifference u(x1) = u(x2) donc l’equation devient :

∀(x1, x2) ∈ R4+ ∀λ ∈ [0, 1] u(λ.x1 + (1− λ).x2) ≥ [u(x1) = u(x2)]

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Figure 3 – Convexite des preferences

4 Taux marginal de substitution d’un bien a un autre bien

4.1 Variation locale de l’utilite avec la consommation

Supposons la fonction d’utilite u partout differentiable ce qui signifie :

(i) qu’en tout x et pour tout j = 1, .., n,la derivee partielle premiere par rapport a la variablexj existe ; on la note u′j(x) et appelle gradient de u en x le vecteur u′(x) = (u′1(x), .., u′j(x), .., u′n(x)).

(ii) que la variation d’utilite resultant d’une variation de consommation ∆x = (∆x1, ..,∆xj , ..,∆xn)est

∆u = u(x+ ∆x)− u(x) = u′(x)∆x+ o(∆x) avec u′(x)∆x =∑n

j=1 u′j(x)∆xj

(ce qui s’ecrit symboliquement, du =∑n

j=1 u′j(x)dxj).

4.2 Interpretation graphique

u(x1, x2) = C => du = u′1.dx1 + u′2.dx2 = 0

La tangente a la courbe d’indifference passant par x est, par definition, la droite lieu despoints (x1 + ∆x1, x2 + ∆x2) tels que u′1(x1, x2)∆x1 + u′2(x1, x2)∆x2 = 0. Le gradient de u en xest un vecteur normal (= perpendiculaire) en x a la courbe d’indifference passant par x, commeon le voit sur la Figure 4.

4.3 Utilite marginale d’un bien

Si seule la quantite consommee du bien 1 varie, de ∆x1, la variation d’utilite se reduit a

∆u = u′1(x)∆x1 + o(∆x1) et lim ‖∆x1‖ −→ 0∆u

∆x1= u′1(x).

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Figure 4 – Variation locale de l’utilite

Une unite supplementaire du bien 1 augmente donc approximativement l’utilite de la quantiteu′1(x), qui est dite utilite marginale du bien 1 en x.

Il est clair que cette definition s’etend a tous les autres biens.

4.4 Taux marginal de substitution d’un bien a un autre

Considerons des variations ∆x = (∆x1,∆x2, 0, .., 0), donc des quantites consommees desbiens 1 et 2 uniquement, qui maintiennent le niveau d’utilite en x, c’est-a-dire telles que

u(x1 + ∆x1, x2 + ∆x2, x3, .., xn) = u(x1, x2, x3, .., xn);

u etant differentiable, on a :

u(x1 +∆x1, x2 +∆x2, x3, .., xn)−u(x1, x2, x3, .., xn) = u′1(x)∆x1 +u′2(x)∆x2 +o( ‖∆x‖ ) = 0

d’ou

∆x2

−∆x1=

u′1(x)

u′2(x)+

o( ‖∆x‖ )

−∆x1.u′2(x)

.

On definit le taux marginal de substitution (TMS) du bien 2 au bien 1 en x, comme :

τ2,1(x) =DEF lim‖∆x‖ −→ 0

∆x2

−∆x1=

u′1(x)

u′2(x). (1)

Il indique donc dans quelles proportions il faut augmenter (diminuer) la consommation dubien 2 pour compenser une petite diminution (augmentation) de la consommation du bien 1 :∆x2 = −τ2,1(x).∆x1

Geometriquement, pour n = 2, le TMS en x est egal a l’oppose de la pente de la tangente ala courbe d’indifference passant par ce point (∝ −∆x2

∆x1).

Il est clair que cette definition s’etend a tout couple de biens.

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Le TMS represente donc un taux d’echange entre deux biens, qui permet de rester sur lameme courbe d’indifference. Il depend donc uniquement des preferences qui produisent cettecourbe et non du choix de la fonction d’utilite en soi. Remarquons que puisque les courbes sontconvexes, le TMS du bien j au bien i decroıt lorsque la quantite de i augmente. C’est bien lecas de la Figure 4 (i = 1, j = 2) : il faut diminuer la quantie de x2 en y par rapport a x pourrester sur la courbe, et la pente de la tangente est plus faible en y qu’en x.

5 Revenu et ensemble de budget

5.1 Contrainte de revenu

Le consommateur n’a helas pour lui pas de revenu illimite : il dispose d’un budget borne, lasomme maximale qu’il peut depenser a un instant donne, qu’on appelle son revenu. Il disposedonc d’un revenu R > 0 qui lui donne la possibilite d’acheter des quantites, xj , des differentsbiens a des prix unitaires pj > 0 (j = 1, .., n) ; R et les pj sont exprimes dans une meme unitemonetaire.

La valeur totale de ses achats ne pouvant depasser son revenu, ses choix doivent appartenira son ensemble de budget

B = B(p,R) =

x ∈ Rn+ : p.x =

n∑j=1

pjxj ≤ R

(2)

∑nj=1 pjxj = R est l’hyperplan de budget (la droite de budget si n = 2). Les x ∈ B sont les

consommations realisables.

Maximisation de l’utilite dans l’ensemble de budget

Le consommateur doit resoudre le probleme d’optimisation sous contrainte suivant :

∣∣∣∣∣∣MAX u(x1, .., xj , .., xn)∑n

j=1 pjxj ≤ Rxj ≥ 0

5.2 Resolution graphique pour n = 2

Pour resoudre le probleme de facon graphique, il suffit de representer la droite de budget(d’equation p1.x1 + p2.x2 = R) et les courbes d’indifference sur le meme graphique, comme surla Figure 5. On sait que les paniers au dessus de la droite de budget ne sont pas accessiblesau consommateur. D’apres l’hypothese de monotonicite, le consommateur cherche toujours aavoir plus de bien, donc il va saturer son budget. On doit donc etre sur la droite de budget al’optimum. A et B sont bien sur cette droite mais ne procurent pas la plus grande utilite. C’estle point C, situe sur le point de tangence entre une courbe d’indifference et la droitede budget, qui fournit la decision optimum : il maximise l’utilite et le budget.

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Figure 5 – Optimisation du budget

5.3 Resolution algebrique pour n = 2

On doit resoudre le systeme :∣∣∣∣ Maxx1,x2 U(x1, x2) (A1)R = p1.x1 + p2.x2 (A2)

(3)

De (A2) on deduit que :

x2 =R

p2− p1

p2x1 (4)

En substituant dans (A1), on peut alors maximiser U en fonction de la seule variable x1, soit :

dU

dx1= u′1(x) = 0 (5)

or 11

dU = u′1.dx1 + u′2.dx2 (6)

De (4), on deduit :

dx2 = −p1

p2.dx1 (7)

d’oudU = u′1.dx1 − u′2.

p1

p2.dx1 (8)

donc (5) devient :

u′1 − u′2.p1

p2= 0 ⇐⇒ u′1

p1=u′2p2⇐⇒ u′1

u′2=p1

p2(9)

L’equation (9) appelle deux remarques :

11. pour alleger la suite, on ecrira u′j au lieu de u′

j(x)

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• Tout d’abord, la forme gauche de l’equation exprime que le vecteur (u′1, u′2) (c’est a dire

le gradient de l’utilite) est orthogonal au vecteur (1,−p1

p2) qui est le vecteur directeur de

la droite de budget : on retrouve le resultat graphique expose en 5.2 plus haut : la droitede budget est tangente a la courbe d’utilite a l’optimum.• Les deux formes droites de l’equation montre qu’a l’optimum les utilites marginales

ponderees par les prix sont egales, ou si l’on prefere que le rapport des utilitesmarginales est egal au rapport des prix.

A l’optimum, le consommateur definit les quantites de biens qui maximisent sa satisfaction.La demande apparaıt donc comme une fonction des prix et du revenu du consommateur. C’estce qu’on appelle les fonctions de demande, qui feront l’objet du cours 2.

5.4 Bonus : Resolution generale (methode de Lagrange)

Si u est continue et deux fois derivable, on applique alors les conditions de Kuhn et Tuckeret on obtient donc a l’optimum :∣∣∣∣∣∣∣∣∣

−u′j(x) + λpj − µj = 0 (j = 1, .., n)

λ[R−

∑nj=1 pjxj

]= 0

µjxj = 0 (j = 1, .., n)λ > 0

(S2)

u etant quasi-concave, l’optimum est un maximum global.

λ > 0, d’ou∑n

j=1 pjxj = R : une solution optimale est necessairement sur l’hyperplan debudget.

Il se peut que xj = 0 pour certains j (optimum ”en coin”). En revanche, si xj > 0 , alors

µj = 0 etu′j(x)

pj= λ. D’ou :

Des conditions necessaires pour qu’une solution positive (x >> 0) et soit optimale sont queles utilites marginales soient proportionnelles aux prix :

u′j(x)

pj= cte, ce qu’on ecrit encore : u′(x) ∝ p.

Ce sont aussi des conditions suffisantes d’optimalite si de plus x est sur l’hyperplan de budget.

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