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Economie Internationale L3 AES Page | 1 A.Closse Économie Internationale Examen : dissertation avec deux sujets au choix en deux heures. Présentation : 15 points Introduction : 20 points, mise en contexte du sujet, énoncer le sujet lui-même, dégager une problématique (une question ou un ensemble de question distinct du sujet), dégager un plan (le plan découle logiquement de la problématique) Développement : 45 points, chaque paragraphe doit développer un argument avec des exemples Conclusion : 20 points, on peut terminer par une ouverture Plan du cours : Introduction Générale : Au tournant du siècle quelques faits marquants Chapitre 1 : D’une brève histoire des échanges internationaux aux caractéristiques de la mondialisation actuelle Chapitre 2 : Les théories traditionnelles du commerce international Chapitre 3 : Quelques éléments d’Economie Politique Internationale Chapitre 4 : La place des pays en développement dans le monde contemporain Introduction générale : Au tournant du siècle quelques faits marquants La fin du 20e siècle a été marqué par un certains nombre de phénomènes, de circonstances qui ont eu un impact à l'échelon international et si le tournant des années 1980 aux années 1990 a été marqué par la chute du mur de Berlin et par la décomposition du bloc soviétique en république aux aspirations démocratiques, on peut dire que la transition entre le 20e et le 21e siècle aura été encore plus brutal et les attentats du 11 septembre 2001 sont venus conforter la thèse d'un choc des civilisations. Quelques rappels sur les faits officiels : le 11 septembre 2001 à quelques minutes d'intervalles 4 avions se seraient écrasés sur la côté Est des Etats-Unis. Les deux premiers sur les tours jumelles du World Trade Center à New York, le troisième se serait écrasé sur le pentagone à Washington et le dernier se serait écrasé en rase campagne quelque part en Pennsylvanie. Le bilan de ces attentats a été très lourd puisqu'on a dénombré plus de 3 000 morts qui sont presque tous des civiles. Suite à ces attentas la réaction de l'état américain qui a subit le choc a été très rapide et un certains nombre de liens ont été vite établit entre ces attentats et le mouvement terroriste Al Qaida et leur chef Houssama Ben Laden. Ces attentats ont semé le trouble à bien des niveaux. En effet, comment un état sécuritaire comme les Etats-Unis d'Amérique avaient-ils pu laisser opérer des terroristes sans que les services secrets américains soient avertis ? Quelles étaient les motivations profondes de ces

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Économie Internationale

Examen : dissertation avec deux sujets au choix en deux heures.

Présentation : 15 points

Introduction : 20 points, mise en contexte du sujet, énoncer le sujet lui-même, dégager une

problématique (une question ou un ensemble de question distinct du sujet), dégager un plan

(le plan découle logiquement de la problématique)

Développement : 45 points, chaque paragraphe doit développer un argument avec des

exemples

Conclusion : 20 points, on peut terminer par une ouverture

Plan du cours :

Introduction Générale : Au tournant du siècle quelques faits marquants

Chapitre 1 : D’une brève histoire des échanges internationaux aux caractéristiques de la

mondialisation actuelle

Chapitre 2 : Les théories traditionnelles du commerce international

Chapitre 3 : Quelques éléments d’Economie Politique Internationale

Chapitre 4 : La place des pays en développement dans le monde contemporain

Introduction générale : Au tournant du siècle quelques faits

marquants

La fin du 20e siècle a été marqué par un certains nombre de phénomènes, de circonstances qui

ont eu un impact à l'échelon international et si le tournant des années 1980 aux années 1990 a

été marqué par la chute du mur de Berlin et par la décomposition du bloc soviétique en

république aux aspirations démocratiques, on peut dire que la transition entre le 20e et le 21e

siècle aura été encore plus brutal et les attentats du 11 septembre 2001 sont venus conforter la

thèse d'un choc des civilisations.

Quelques rappels sur les faits officiels : le 11 septembre 2001 à quelques minutes d'intervalles

4 avions se seraient écrasés sur la côté Est des Etats-Unis. Les deux premiers sur les tours

jumelles du World Trade Center à New York, le troisième se serait écrasé sur le pentagone à

Washington et le dernier se serait écrasé en rase campagne quelque part en Pennsylvanie. Le

bilan de ces attentats a été très lourd puisqu'on a dénombré plus de 3 000 morts qui sont

presque tous des civiles. Suite à ces attentas la réaction de l'état américain qui a subit le choc a

été très rapide et un certains nombre de liens ont été vite établit entre ces attentats et le

mouvement terroriste Al Qaida et leur chef Houssama Ben Laden.

Ces attentats ont semé le trouble à bien des niveaux. En effet, comment un état sécuritaire

comme les Etats-Unis d'Amérique avaient-ils pu laisser opérer des terroristes sans que les

services secrets américains soient avertis ? Quelles étaient les motivations profondes de ces

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attentats ? Et pourquoi s'attaquer à des civiles en même temps qu'au symbole du libéralisme et

de la mondialisation qui était situé en plein milieu du quartier des affaires et à deux pas de

Wall Street ? Il semblerait que les révélations des semaines suivantes ont démontrés que ces

attentats n'avaient pu être organisés que de longue date c'est-à-dire bien avant l'arrivée au

pouvoir de George W Bush en janvier 2001 et même bien avant la reprise de la 2e Intifada

(révolte des pierres) en septembre 2000. Par ailleurs, les auteurs de ces attentats et leur

cerveau présumé Mohamed Atta n'étaient absolument pas des palestiniens de la bande de

Gaza ni même des Irakiens opprimé par une dizaine d'années d'embargo par les nations unies.

Mais sur les 19 terroristes, 15 d'entre eux étaient originaire d'Arabie Saoudite et les 4 autres

étaient originaires de riches familles d'Egypte, du Liban ou encore des Emirats arabes Unis.

De plus, les 19 terroristes kamikazes n'étaient de jeunes désœuvrés à l'avenir incertain mais la

plupart étaient diplômé de grandes universités et donc voué à un avenir prometteur. Les

causes de ces attentats sont sans doutes à rechercher ailleurs et donc plutôt dans la pratique

d'un islamisme radicale et belliqueux où les impies de confession chrétienne et à l'idéologie

libérale étaient visés.

Le traumatisme causé par le 11 septembre a été mondial et pour la première fois depuis leur

constitution au 18e siècle les USA étaient touchés sur leur sol en plein cœur des centres de

décision politique, militaire et économique. On peut souligner que bien peu d'experts en

géostratégie ou en géopolitique avaient émis l'hypothèse de tels attentats. Par exemple, un

ouvrage a été publié par Pascal Boniface intitulé « Les guerres qui menacent le monde » mais

il n'a pas été assez lucide pour prévoir un tel phénomène.

On peut tenter de mettre en évidence les liens qui peuvent exister entre cet événement et le

phénomène de mondialisation. Le sociologue Zaki Laidi avait en 2001, quelques semaines

après ces attentats, mis en évidence trois éléments qui mettent en rapport le 11 septembre

2001 et le phénomène de mondialisation. Tout d'abord « le fait que la mondialisation est aussi

porteuse d'une violence collective à l'abri de laquelle aucune société ne peut se placer »,

ensuite « le fait que sans régulation politique la mondialisation démultiplie les maux publics

mondiaux (drogue, terrorisme, inégalité sociale) ainsi que les risques d'une double violence :

la violence différencialiste qui s'exprime dans l'intention de casser ce qui apparaît comme un

processus d'uniformisation culturelle du monde et la violence mimétique qui s'exprime parce

que l'on ne possède pas ce que le puissant ou le riche possède », enfin « la révélation du

profond déficit de sens dont souffre la mondialisation, déficit qui s'exprime de deux façons,

d'une part la difficulté croissante de faire de la libéralisation des échanges une finalité de

l'ordre social mondial et d'autre part l'impossibilité de doter la communauté internationale

d'un principe d'ordre ».

Au delà des enseignements de ces attentats et de la chute du mur de Berlin, on peut identifier

un ensemble de phénomènes qui permettent de caractériser la transition qui s'opère ou qui

s'est opéré entre le 20e et le 21e siècle.

I- La fin d'un monde polarisé

On est passé d'un monde composé au plan diplomatique par deux blocs Est et Ouest à une

recomposition des relations internationales, recomposition qui s'avère chaotique et peut-être

d'avantage marquée par des disparités culturelles ou religieuses même si la composante

idéologique demeure importante. Dans ce contexte là, on a assisté à une multiplication de

conflits d'origine ethnique et religieuse entre les composantes d'un même état. Parmi ces

conflits, on retrouve du terrorisme en Tchétchénie, en Afghanistan, au Mexique... Comme le

note Ignacio Ramonet, Geopolitique du chaos, « la plupart des conflits

en cette fin de siècle sont des conflits internes,

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intra-étatique qui opposent souvent un pouvoir

central à une fraction de sa propre population ». A

ces conflits vient s'ajouter une accentuation des disparités économiques et sociales au sein des

pays mais aussi entre les pays. A la polarisation Est-Ouest fait place à une mosaïque de

conflits localisé et en même temps une polarisation Nord -Sud qui s'accentue notamment au

plan économique.

II- L'émergence de nouveaux acteurs et une nouvelle répartition des

rôles

La transition entre le 20e et le 21e siècle a aussi été marqué par l'émergence des ONG

œuvrant au plan mondial comme le WWF, Amnesty International ou encore Attac. Cette

modification des règles du jeu diplomatique s'est surtout révélée en 1999 lors de la première

réunion interministérielle de l'organisation mondiale du commerce qui avait été organisée à

Seattle et c'est lors de cette réunion que des manifestants anti-mondialisation ont réclamé de

prendre part aux discussions sur les enjeux mondiaux. Ces nouveaux acteurs internationaux

viennent s'ajouter aux acteurs traditionnels que sont les états et les organisations

internationales (ONU, Unisef, FMI, la banque mondiale...). Dans ce contexte on peut

s'interroger sur le poids de l'état nation ? Et on peut notamment se demander si l'échelle

nationale à encore une signification ? On peut rappeler aussi que la fin du 20e siècle a

également marqué une transition dans la place accordée aux institutions internationales. En

effet, depuis 1945 (accords de Bretton Woods) les institutions créées par ces accords

fonctionnaient sur une régulation reposant sur une concertation entre les états. Or, les années

1980 vont marquer un coup d'arrêt aux politiques nationales d'état providence pour laisser

place à une doctrine libérale dont les plus fervent défenseurs ont étaient Margaret Tatcher ou

encore Ronald Reagan. D'une certaine manière le centre du pouvoir politique à l'échelle

internationale a progressivement basculé de New-York (siège des nations unies) à Washington

(sièges de la banque mondiale et du FMI). Certains l'ont qualifié de consensus de Washington

qui marque le nouveau paradigme (idée dominante) des relations internationales fondé sur la

domination de l'économique sur la politique. Les réunions annuelles qui se déroulent à Damos

en Suisse ou encore les réunions du G8 illustrent bien ce nouveau paradigme.

III- La montée des préoccupations environnementales et l'émergence

du développement durable

On est toujours dans la fin du 20e et début du 21e siècle. Les décennies 1980 et 1990 ont

également mis sur le devant de la scène les problématiques environnementales avec un

certains nombres d'évènements importants comme la catastrophe de Bhopal en 1984, la

catastrophe de Tchernobyl en 1986, un certains nombres de marées noires, la raréfaction de

l'eau douce, le trou dans la couche d'ozone, le phénomène des pluies acides ou encore le

changement climatique avec l'accroissement de l'effet de serre. Les enjeux environnementaux

apparaissent désormais manifestement liés aux enjeux économiques, sociaux, culturels et

géopolitiques. De ce point de vue, la diffusion du concept de développement durable permet

l'annonce d'un changement dans la façon d'appréhender la relation entre l'homme et la nature.

Définition du développement durable : défini en 1987 dans le rapport Brundtland,

développement qui répond au besoin du présent sans compromettre la capacité des

générations futures de répondre à leurs propres besoins.

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IV- Les rapports entre la technique et l'éthique

Les relations entre l'homme et la technique ont toujours été sulfureuse (mythe de Prométhée).

Le génie génétique couplet au progrès de l'informatique permet d'espérer des progrès de la

médecine fondamentaux mais ils ravivent aussi les craintes des plus sceptiques. D'une

certaine manière les rapports entre science et éthique sont au cœur des préoccupations

contemporaines. Par exemple comment s'assurer que l'usage d'internet puisse se faire sans

violation de la vie privée ? Les manipulations génétiques ne vont-elles pas conduire certaines

personnes à tenter le clonage humain ? Au cours du 20e siècle bien des techniques se sont

développées mais se sont sans doute les biotechnologies et les nouvelles techniques de

l'information et de la communication qui avivent le plus d'espoir mais aussi le plus de crainte.

En effet depuis une trentaine d'années, l'essor de moyens de télécommunication et des moyens

de transports à rendu les évènements de ce monde plus instantanés et la diffusion de l'outil

internet et de l'ensemble des nouvelles technologies de l'information et de la communication

conduit à une recomposition des relations aussi bien au sein de l'entreprise qu'entre les

citoyens du monde. Cependant il faut rappeler que si le développement à l'accès internet à été

rapide il demeure largement inégalitaire.

Parallèlement, on assiste depuis une trentaine d'année à un développement sans précédant des

biotechnologies et du génie génétique à tel point que tous les grand pays se sont lancé dans

une course au décodage du génome humain. Si les enjeux alimentaires et médicaux de ces

techniques sont importants (les OGM permettraient de cultiver diverses plantes dans des

milieux hostiles ou le génie génétique offrirait la possibilité de soigner des maladies

génétiques), les enjeux économiques sont tout aussi important. On assiste à une course au

brevetage du vivant qui a été lancé dès les années 1990 par les grandes firmes

pharmaceutiques mondiales. Là encore il est permis de percevoir un processus qui est

fondamentalement inégalitaire à travers les échanges dette-nature. Les pays « pauvres » du

Sud qui sont richement doté en biodiversité vont échanger leurs ressources naturelles contre

une annulation de leur dette. En contre partie les pays du Nord qui sont faiblement doté en

ressources génétiques investissent dans la recherche et achètent massivement des brevets ou

en déposent dans l'espoir que l'une des plantes qu'ils auront breveté devienne un vaccin

efficace. Dans ces conditions même si les firmes pharmaceutiques affirment que leur

découvertes pourraient profiter à tous, y compris aux habitants des pays en développement, il

est permis d'en douter.

V- L'explosion démographique

En l'an 2000, on a atteint le chiffre symbolique de 6 milliards d'êtres humains sur terre. Cette

question de l'accroissement démographique à l'échelle globale avait été soulignée dans les

années 1960. Au niveau de la prospective, les études estiment à environ 9 milliards le nombre

d'être humain qui devraient peupler la terre en 2050 et à partir de là ce chiffre devrait se

stabiliser pour ne plus croitre que faiblement. La question de la démographie est liée de

manière étroite à celle de la culture et du niveau de développement. Par exemple dans les

sociétés occidentales on a assisté à une baisse du taux de fécondité et en même temps à un

vieillissement de la population qui est vraisemblablement lié au développement du planning

familial mais aussi à l'accroissement du niveau de l'éducation. Ce processus conduit à des

situations contrastées entre les pays du nord et les pays du sud. On assisterait à une

mondialisation à deux vitesses où les pays riches du nord détiennent la plus grande part du

PIB mondial (20 % de la population mondiale détiendrai 80 % du PIB mondial) tandis que les

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pays pauvres se partagerai la plus petite part c'est-à-dire 20 % du PIB mondial pour 80 % de

la population mondiale. A cela s'ajoute des processus migratoire et notamment un exode rural

très important dans les pays en développement qui conduit à des phénomènes de

métropolisation. La planète regroupait environ 50 % d'urbains en 2002 et selon les études

prospectives, elle devrait en compter environ 60 % en 2025. Ce processus croissant

d'urbanisation va s'accompagner d'une concentration de la population dans les très grandes

agglomérations. En 1900 Pékin comptait 1 million d'habitants, aujourd'hui il y a une

multiplication x 10. Face à la poussée démographique, on se rend compte que c'est dans les

pays en développement que le nombre de mégapole de plus d'1 million d'habitant est le plus

élevé.

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Chapitre 1 : D’une brève histoire des échanges

internationaux aux caractéristiques de la

mondialisation actuelle

I- Une brève histoire des échanges commerciaux

1- L’Antiquité : la domination de l’espace méditerranéen

Contrairement à une idée reçue, les économies qui se sont développées depuis l’Antiquité

n’étaient pas toutes fondamentalement tournée vers l’échange marchand.

Comme le remarque Jacques Adda dans son ouvrage « La mondialisation de

l’économie » : « s’ils n’ignoraient pas le marché les

premiers empires de l’Antiquité et les sociétés

primitives qui les ont précédées étaient

généralement organisées selon des principes

différents fondés sur la réciprocité, sur la

redistribution et sur l’autarcie. La réciprocité

qui est caractéristique de nombreuses sociétés

primitives signifie que les actes économiques

s’inscrivent dans une chaine de don et de contre

don réciproque qui à long terme s’équilibre

avantageant de la même façon chacune des parties

concernées. »

Effectivement, si on regarde d’un point de vue historique l’Antiquité nous a légué des

constructions monumentales dont on peut encore admirer les vestiges telles que les pyramides

d’Egypte, aux temples Grecs, Romains ou Maya… dont le but initial n’était absolument pas

tournée vers l’échange marchand. Au-delà de ces caractéristiques, on peut rappeler que

l’Antiquité est aussi la période où se sont développés les premiers échanges marchand entre

les civilisations et entre continents. Par exemples c’est l’âge d’or du commerce chez les

grecques, la route de la soie qui partait de la Chine jusqu’en Turquie ou jusqu’au Liban et ce

voyage durait de 5 à 7 ans, chaque étape était un lieu d’échange d’épices de thé et de soie.

2- Le Moyen Age : le temps des marchands, des foires et du développement de la

monnaie

Au Moyen Age les foires et les marchés vont s’étendre et se spécialiser et les caravanes de

marchands sillonnent les routes et donc avec l’arrivée de nouvelles activités se créent de

nouveaux besoins. Il n’est pas étonnant que ce développement de la sphère marchande se soit

accompagné d’un développement de la monnaie, de sa forme fiduciaire jusqu’à sa forme

moderne qui est la forme scripturale. Dans ce contexte, les banques se développent et bientôt

les banquiers italiens vont ouvrir des succursales dans toutes les grandes villes d’Europe.

Précisément, cette époque va voir l’essor et l’autonomie des villes et en particulier des ports

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de commerces notamment de Venise, Gènes ou Pise ou encore de Bisance. Mais c’est aussi le

temps des foires régionales qui vont permettre à certaines villes de se développer de façon

importantes (exemple : Arras).

Cette première poussée du capitalisme marchand va s’interrompre brutalement à partir du

milieu du 14e siècle parce qu’on assiste à une série de crises et de dépressions avec

notamment des grandes famines et des guerres et des épidémies de peste, de coléra. On peut

retenir l’exemple de l’épidémie de peste noire de 1348 puisqu’elle a été favorisée par le

développement des voies de communication entre les villes. Cette épidémie a été

particulièrement meurtrière puisqu’elle va tuer un européen sur trois. Cela va faire passer la

population totale en Europe en dessous des 50 millions.

3- La Renaissance et le grand désenclavement de l’Europe

En l’espace d’un peu plus d’un siècle, entre 1430 et 1540, c’est-à-dire en pleine Renaissance,

les navigateurs conquérants vont découvrir ou défricher de nombreuses terres jusqu’alors

inconnues des européens. C’est l’âge d’or des navigateurs italiens mais aussi espagnols et

portugais. Par exemple les voyages de Vasco de Gama en 1490 et en 1492 Christophe

Colomb part à la conquête de l’Inde mais découvrira l’Amérique. A partir de ce moment là,

les espagnols essentiellement vont investir les territoires d’Amérique du sud et d’Amérique

centrale en ramenant des gigantesques quantités d’or et de métaux précieux en même temps

qu’ils vont perpétuer le plus grand génocide de l’humanité. A partir de là les espagnols et les

portugais vont détrôner les italiens et c’est Lisbonne qui va devenir la capitale du commerce

des épices. Pendant ce temps, le port d’Anvers va se développer et va bientôt s’imposer

comme le port de commerce le plus important d’Europe dans la première moitié du 16e siècle.

L’énorme empire de Charles Quint va se constituer et va s’étendre du Sud au Nord de

l’Europe et cela va conduire à consacrer les Pays-Bas et en particulier Amsterdam comme

centre principal de décision et de commerce. La Renaissance est aussi marquée par la

consolidation des états nations comme la France et l’Angleterre, par exemples, et par la

prédominance d’une doctrine le mercantilisme qui fait des marchands les conseillers du

prince. La doctrine mercantilisme a été forte au cours du 17e siècle et elle conduit notamment

au protectionnisme et au développement de l’auto suffisance alimentaire.

4- De l’époque classique aux prémisses de la révolution industrielle

Le 18e siècle, appelé siècle des Lumières, voit le développement de la science (théorie de la

gravitation) mais aussi une ouverture et un cosmopolitisme croissant. Par exemple dans ses

cahiers Montesquieu s’affirme comme citoyen du monde. Et c’est le développement aussi de

l’encyclopédie de Diderot et d’Alembert avec pour projet de rendre accessible les

connaissances au plus grand nombre.

Sur les travaux économiques se sont le début de l’économie politique (Adam Smith). Sur le

plan de l’activité économique, on observe une prédominance du secteur agricole qui

représente entre la moitié et les trois quarts du revenu national en Angleterre et en France. Il y

a la disparition du servage et la constitution d’une société rurale où les ouvriers agricoles

peuvent louer ou acheter leurs terres et où ils vivent en autarcie complète. A cette époque, les

techniques ont peu progressées et les productivités restent faibles et l’élevage reste extensif.

Dans ce contexte on assiste à des famines et des disettes plus ou moins importantes. Au

niveau de l’industrie, la production reste très liée à l’activité agricole. Les paysans ou les

agriculteurs fabriquent eux-mêmes les objets de … et s’ajoute à cela une industrie rurale très

dispersée dans les régions et en même temps très spécialisés.

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Au cours du 18e siècle, les activités vont se diversifier et la manufacture qui au départ était la

simple réunion commerciale ou d’ateliers familiaux indépendants va devenir un bâtiment à

part entière situé près du lieu d’exploitation de la matière première ou près de l’eau et du bois

qui sont les deux principales sources d’énergie. On passe à des systèmes de fabrique d’où

vont naitre les industries nouvelles, l’essentiel des produits de l’industrie est destiné à la

consommation et la production de biens d’équipement reste relativement marginale. La seule

industrie massive qui se développe à cette époque c’est l’industrie textile et malgré tout, on

est encore dans des économies qui restent relativement figée, sans réelle croissance et

l’absence de croissance est liée essentiellement à la faiblesse de la circulation. Le transport le

plus sûr est par voie d’eau. Un seul secteur évolue véritablement est le secteur du commerce

maritime, transocéanique et colonial.

5- De la révolution industrielle à la Première Guerre Mondiale

Les historiens ont pour habitude de désigner sous l’expression de révolution industrielle une

période qui a complètement bouleversée l’histoire du travail et des travailleurs. Cette

révolution industrielle débute dans la seconde moitié du 18e siècle et va donner naissance à la

machine qui va progressivement se substituer au travail manuel et qui nécessitera d’autres

sources d’énergies que celles qui étaient jusque là utilisées (animale, musculaires, éolienne,

hydraulique) comme la vapeur. Le terme de révolution ne doit cependant pas faire illusion

puisque en effet les nouveaux modes de travail mécanique ont eu du mal à s’implanter dans la

mesure où il menaçait les situations acquises et les attitudes héréditaires. L’apparition des

machines n’a pas été vue par un très bon œil car les ouvriers craignaient de se voir privé de

travail, c’est-à-dire être réduit au chômage et leurs chefs se sentaient menacé dans leurs

positions sociales et dans leurs privilèges. On peut citer Claude Fohlen, 1971, « Qu’est-ce que

la révolution industrielle ? » : « les transformations ne furent pas

seulement industrielles mais sociales et

intellectuelles. D’autre part, le terme de

révolution implique une soudaineté dans le

changement qui peut difficilement affecter une

révolution économique. ». De nombreux secteurs avaient acquis dès le 17e

ou le 18e siècle les caractères reconnus à une industrie moderne c'est-à-dire la concentration

de la main d’œuvre, le recours à des investissements importants ou encore l’emploi des

machines sans que cela ait modifié en quoi que se soit l’économie du pays. Si la

transformation d’un ou de plusieurs secteurs ne suffit pas à créer une révolution celle-ci ne

suppose pas que tous les secteurs ne soient touchés. Pour Karl Marx, la révolution industrielle

se manifeste avec l’apparition de la machine à vapeur, la transformation des rapports de

production et à l’apparition du prolétariat. Pour Karl Polanyi (1944, « La grande

transformation ») la révolution industrielle est une des manifestations d’une transformation

structurelle dans l’histoire de l’humanité qui va être caractérisé d’un point de vue économique

par le passage à une économie de marché.

La révolution industrielle s’est manifestée :

par une révolution dans les transports avec le développement du chemin de fer et des

voies navigables, des routes ;

par une accumulation du capital et développement des investissements ; par

l’établissement de la constitution d’un système bancaire moderne ;

par des transformations sociales avec la naissance de la classe ouvrière et l’affirmation

de la bourgeoisie industrielle.

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A partir de 1850, on assiste aux premières crises de surproduction qui sont liées à la saturation

du marché international. La solution trouvée à ces crises est l’augmentation des salaires qui va

permettre de maintenir la production et les profits.

Le mouvement de colonisation du 19e siècle et du début du 20

e siècle aura aussi contribué au

développement du commerce mondial à tel point que certains analystes caractérisent la

période qui s’étend entre 1880 et 1914 comme une première vague de mondialisation.

6- De la Première à la Seconde Guerre Mondiale

Le processus de mondialisation qui s’était développé dans la période antérieure va être

complètement remis en cause entre les deux guerres mondiales.

Le premier choc va découler directement des conséquences de cette guerre puisque les

grandes puissances européennes vont sortir de la guerre très affaiblies et en particulier elles

sont très endettées et elles sont devenues incapables de poursuivre leur stratégie de

développement de leurs investissements directs à l’étranger (IDE). La nouvelle économie

dominante s’est les Etats-Unis qui sont sortis renforcés de leur intervention en Europe à partir

de 1917. Cette époque marque la fin de l’ère des Tsars, suite à la révolution russe de 1917.

Les années 1920 vont confirmer l’ampleur des changements qui sont issus de la guerre avec la

fin du système de l’étalon or et l’affaiblissement des monnaies européennes. Par ailleurs, il y a

un ralentissement des échanges commerciaux.

Dans ce contexte la crise qui va s’étendre de 1929 à 1932 va exprimer l’ampleur des

déséquilibres qui se sont accumulés depuis 1914. Dans le même temps, la montée des

dictatures agressives au Japon, en Allemagne et en Italie va conduire progressivement le

monde vers la Seconde Guerre Mondiale.

7- Les Trente Glorieuses et les prémisses de la mondialisation actuelle

Les Trente Glorieuses est une période qui s’étend de la fin de la Seconde Guerre Mondiale et

qui s’achève au moment du premier choc pétrolier (1973). Durant cette période, le monde et

en particulier les pays industrialisés vont connaitre une croissance économique soutenue,

régulière et d’une ampleur inégalée sur une période aussi longue. Jean Fourastié a utilisé pour

la première fois cette période de Trente Glorieuses et il écrivait : « ne doit-on pas dire

glorieuses les trente années qui ont fait passé la France de la vie végétative traditionnelle au

niveau de vie et au genre de vie contemporain. »

Les transformations économiques au cours de cette période sont tout à fait spectaculaires

puisque le produit national brut mondial est passé de l’indice 100 en 1950 à l’indice 170 en

1960 et à l’indice 270 en 1970. Cette croissance s’est effectuée sans recul d’une année sur

l’autre. Mais ceci dit, cette croissance a surtout bénéficié à quelques pays développés puisque

6 d’entre eux (Etats-Unis, URSS, Japon, République Fédérale d’Allemagne, France et

Royaume-Uni) assuraient les deux tiers du PNB mondial en 1970.

Cette période a été marquée sur le plan politique par le processus de décolonisation dans les

années 1960 et par des tensions diplomatiques importantes entre les deux blocs Est et Ouest

(Guerre Froide). Dans ce contexte les échanges internationaux vont s’organiser autour de ce

clivage politique fort.

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II- Les caractéristiques de la mondialisation

Si on a vu que le développement des échanges internationaux est un phénomène ancien, on

assiste depuis une trentaine d’années à un développement sans précédant de ces échanges.

Depuis les années 1970, l’internationalisation des économies s’amplifie. Cette

internationalisation participe au processus de mondialisation économique c'est-à-dire à

l’émergence d’un vaste marché des biens, des services, des capitaux et de la force de travail

s’affranchissant de plus en plus des frontières politiques entre les états et accentuant les

interdépendances entre les pays.

Le terme de mondialisation ou encore globalisation est apparu dans les années 1960 mais son

usage s’est surtout répandu à partir des années 1980. Jacques Adda affirme que la

mondialisation est un processus distinct du processus d’internationalisation. Il dit « la

mondialisation c'est-à-dire l’intégration croissante des parties constituant le tout de

l’économie mondiale donne à celle-ci une dynamique propre échappant de plus en plus au

contrôle des états et portant atteinte aux attributs essentiels de leur souveraineté tels que le

contrôle monétaire et la gestion des finances publiques ». Dans ce sens, la mondialisation

constituerait donc une rupture qui contribuerait à instituer un nouvel ordre planétaire. Pour

d’autres auteurs, la mondialisation ne doit pas être dissociée de l’internationalisation, elle

constituerait donc un approfondissement de l’internationalisation des échanges.

1- Une intégration commerciale croissante

Le commerce mondial s’est très nettement développé au cours des 25 dernières années.

D’ailleurs, le rapport entre les échanges et le PIB mondial a plus que doublé entre 1980 et

2005. Cette hausse a été en grande partie générée par l’évolution des économies émergentes

dont la part dans les échanges mondiaux a significativement progressée puisqu’elle est passée

d’environ un quart au début des années 1980 à environ un tiers en 2005. Sur cette période,

l’expansion des flux commerciaux internationaux a été particulièrement forte à partir de 1995.

Depuis 1999, les économies émergentes représentent plus de 40 % de la croissance des

importations mondiales et plus de 50 % de la croissance des exportations mondiales. Dans ce

contexte, il est intéressant de noter que depuis 1990 plus des trois quarts de l’augmentation de

l’ouverture commerciale des Etats-Unis et de l’Union Européenne résultent des échanges

internationaux avec des pays qui n’appartiennent pas à l’OCDE. L’insertion de ces nouveaux

acteurs ne se limite pas à l’extension du commerce mondial car elle en transforme aussi la

nature.

Les échanges commerciaux entre deux pays peuvent être de deux natures différentes, c’est ce

qu’on appelle le commerce intra branche et le commerce inter branche.

Le commerce intra branche est celui qui recouvre les échanges de biens similaires

(exemple : automobiles de qualités différentes ou identiques).

Le commerce inter branche représente des échanges de biens différents (exemple :

échange de textile contre des avions entre la Chine et la France).

Suivant ces distinctions, on peut noter que les échanges au sein de l’Union Européenne sont

très marqués par des échanges intra branche dont la part continue d’augmenter

significativement sur la période récente avec 58 % en 1993, 64 % en 2002.

A l’inverse, le commerce inter branche est plus important dans nos échanges avec les pays

tires et notamment avec les pays en développement.

Jusqu’à la fin des années 1990 l’approfondissement des échanges avec les pays développés

qui dominaient la structure du commerce de l’UE et des Etats-Unis a contribué à la réduction

de la part du commerce inter branche au profit du commerce intra branche. En ce sens, les

gains de la mondialisation proviennent alors principalement de l’accroissement de la variété

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des biens qui sont consommés. Cependant, depuis quelques années et contrairement à ce

qu’on peut observer dans les échanges intra européens, la part du commerce inter branche

remonte aussi bien dans les échanges des Etats-Unis que dans ceux de l’Union Européenne.

2- La transformation de la place des Etats et l’émergence des firmes

multinationales

Avec le processus de mondialisation, on assisterait à l’affaiblissement voire à la disparition

des Etats non en tant qu’instance de régulation politique mais en tant qu’espace économique.

Si on met de côté certains Etats forts comme la Chine, par exemple, on peut admettre que le

pouvoir politique cède progressivement la place au pouvoir économique. Les limites de

l’intervention de l’Etat qui sont calquées sur les limites de son territoire vont exclure la plus

grande part du domaine économique puisque celui-ci est devenu international. Cela signifie

que l’interventionnisme économique des Etats a trouvé ses limites. Le concept de patriotisme

économique qui a pu être évoqué sous différentes formes par des pays comme la France,

l’Italie ou encore les Etats-Unis a finalement peu d’outils à sa disposition dans le cadre du

libéralisme qui règne à l’échelle internationale.

De la même manière la nationalité des firmes n’a plus tellement de signification comme le cas

français puisqu’entre 1917 et 2005 la part du capital étranger d’origine étrangère dans les

entreprises du CAC 40 est passée de 33 à 47 %. D’après les estimations de la CNUCED

(conférence des nations unies sur le commerce et le développement) il existe aujourd’hui dans

le monde environ 65 000 entreprises multinationales qui comptent environ 850 000 filiales

étrangères établies dans différents pays.

Une firme est qualifiée de firme multinationale lorsqu’elle réalise des investissements directs

à l’étranger (IDE) c'est-à-dire une prise de participation assez significative dans le capital

d’une entreprise étrangère qui lui donne en même temps un certain contrôle sur les décisions

de cette firme. Les conventions internationales retiennent le seuil de 10 % du capital pour

avoir un certain contrôle. On peut rappeler que l’IDE peut se faire selon deux modalités

principales.

Tout d’abord la construction d’un site de production ex nihilo (à partir de rien), on

parle d’investissements greenfield.

Par le rachat d’un site de production existant, on parle de fusion et acquisition

internationale

L’évolution des flux d’IDE permet de traduire l’extension du poids des firmes

multinationales. Sur la période récente, on remarque que ces investissements ont augmentés

rapidement sur une trentaine d’années, en particulier depuis les années 1980. Si bien que

selon certains analystes la mondialisation serait davantage portée par l’accroissement des flux

d’IDE que par l’ouverture commerciale des pays. L’essor ou le développement de la place des

firmes multinationales dans l’économie mondiale a deux conséquences principales :

L’impact de la multinationalisation des firmes est une source de préoccupation

croissante pour les responsables politiques du monde entier mais aussi pour les

travailleurs des pays développés

Cette activité importante des firmes multinationales amène à revisiter les analyses de

la mondialisation. En effet, comme ces entreprises sont naturellement très actives sur

les marchés mondiaux (d’après les estimations de la CNUCED, elles sont appliquées

dans près des deux tiers des relations commerciales internationales), les réflexions sur

le développement du commerce international ne peuvent plus négliger l’influence de

ces acteurs aujourd’hui. Les FMI sont devenus des acteurs incontournables de la

mondialisation économique.

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3- Mondialisation économique mais intégrations économiques régionales

Les deux mouvements de mondialisation d’une part et d’intégration régionale d’autre part

sont souvent perçus comme contradictoire car la mondialisation est sensé refléter la

disparition des frontières alors que l’intégration régionale va traduire au contraire la volonté

d’imposer des nouvelles frontières. La coexistence de ces deux mouvements constitue une

sorte de paradoxe.

Tout d’abord, d’un point de vue dynamique (dans le temps), la séquence entre mondialisation

et intégration régionale n’est pas la même pour toutes les économies. En effet, dans un certain

nombre de pays l’intégration dans le processus de mondialisation semble avoir précédé la

constitution de groupements régionaux institutionnalisés comme c’est le cas par exemple du

regroupement en Asie de l’Est : l’ASEAN. Pour d’autres pays et notamment les pays

d’Amérique latine membre du MERCOSUR, l’inverse est vrai. Cette constatation suggère

finalement que les liens entre les dynamiques d’intégration régionale et de mondialisation

sont complexes. Finalement, la coexistence de ces deux mouvements voire même leur essor

parallèle pourrait suggérer que ces deux mouvements se renforcent mutuellement. Dans le

cadre d’une conception économique libérale, l’intégration régionale peut être envisagée

comme une étape vers la mondialisation. Dans ces conditions, le régionalisme ne serait rien

d’autre une forme de méso mondialisation (étape intermédiaire entre l’intégration régionale et

la mondialisation économique). Le cas du régionalisme ouvert illustre ce cas de figure

puisque le principal déterminant de cette forme d’intégration est la recherche de l’efficacité

économique ou de la croissance économique à travers la participation à des activités qui crée

de la richesse au niveau global. L’UE constitue une de ces formes d’intégration régionale à

travers le traité de Lisbonne.

L’un des principaux bénéfices de la mondialisation économique est d’ouvrir de nouveaux

marchés et de favoriser la spécialisation. Toutefois, le revers de la médaille est qu’on assiste

souvent à un accroissement de la concurrence et en intensifiant la concurrence au niveau

mondial (on parle d’une concurrence sur les IDE ou sur les marchés à exportations) et en

exacerbant les exigences de compétitivité, la mondialisation pourrait inciter aux

regroupements régionaux. En effet, dans un environnement fortement concurrentiel il est

important d’atteindre la taille critique ce que précisément l’intégration régionale ne peut que

favoriser. En d’autres termes, l’intégration régionale peut constituer un moyen de catalyser les

effets bénéfiques de la mondialisation. Là encore, on peut prendre l’exemple de l’UE, le

mouvement d’intégration européenne constitue une bonne illustration puisque le projet du

marché unique puis l’établissement d’une monnaie unique étaient un moyen de répondre à la

concurrence qui provenait essentiellement du Japon et des Etats-Unis.

4- La globalisation financière

La mondialisation économique et la globalisation financière ont fortement impulsé la

croissance économique mondiale depuis une quinzaine d’années. D’une certaine manière,

c’est le capitalisme international productif et financier qui a assit sa domination sur

l’économie mondiale contribuant en cela à une forte croissance. En moyenne la croissance

économique de 1990 à 2007 a été de 3,8 % par an. Ceci a essentiellement bénéficié aux pays

en développement. Mais cette croissance a été instable. Cela est une différence majeure par

rapport aux Trente Glorieuses. L’économie mondiale a été secouée par une série de crise

financière d’une fréquence inégalée dans l’histoire économique contemporaine. L’intensité de

ces crises est devenue importante. Après la crise de la dette des pays en développement au

début des années 1980, la crise du système monétaire européen en 1992-1993, la crise

mexicaine en 1994-1995, la crise asiatique en 1997-1998 et la même année la crise russe,

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1999 et 2002 pour le Brésil, en 2000 la crash des valeurs de la nouvelle économie, la crise

Argentine entre 2001 et 2003, 2007 la crise actuelle. Toutes ces crises montrent les risques en

termes de stabilité et de soutenabilité d’un mode de croissance qui est impulsé par les firmes

multinationales et par les marchés financiers mais aussi des risques qui sont liés à des

stratégies nationales non coordonnées et sans institution de gouvernance mondiale.

La globalisation financière repose sur trois processus c’est la règle des 3 D :

Déréglementation : conduite essentiellement par les états et qui amène à abolir les

entraves aux flux de capitaux et qui favorise les innovations financières (possibilité de

créer de nouveaux placements) et qui permet de libéraliser les transactions sur le

marché des changes ;

Désintermédiation financière : processus qui permet à des agents à besoin de

financement de recourir directement au marché financier plutôt que de faire appel à un

établissement bancaire ;

Décloisonnement des marchés : se traduit par la suppression des barrières entre les

différents marchés monétaires et financiers au sein de chaque pays et en même temps

par l’ouverture vers l’extérieur des marchés nationaux de capitaux.

Depuis le début des années 1980, l’économie mondiale a connu un prodigieux développement

des institutions et des marchés financiers qui gère des masses énormes de capitaux et qui sont

en quête d’une rentabilité forte qui est découplée des performances réelles.

Tous ces marchés financiers, de capitaux contribuent à la détermination des taux de change

mais aussi des taux d’intérêts et par conséquent, déterminent les conditions de financement

des entreprises et des ménages. La globalisation financière avec ces alternances de boom et de

crash révèlent que les marchés sont « myopes » et en plus ils sont instables mais aussi

« moutonniers » et « cyclotynique » (lunatique). La globalisation financière va conduire au

gonflement de déséquilibres qui finissent un jour par éclater.

5- Un monde sans cesse plus urbanisé

Aujourd’hui, une personne sur deux dans le monde est un urbain. Environ 3 milliards d’autres

personnes devraient rejoindre les villes d’ici à 2050. Tout ceci accentuant un mouvement qui

s’accélère depuis la fin des années 1980. Pour l’essentiel, cet accroissement de la population

urbaine se produit dans les villes d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine. Ces villes qui

accueillent chaque mois 5 millions de nouveaux habitants contre 500 000 dans les villes

d’Europe et d’Amérique du Nord. Finalement si on peut dire que ce processus d’urbanisation

est un processus commun aux cinq continents, les trajectoires différentes restent marquées par

les cultures et les conditions sociales, économiques et techniques locales. De cette manière, ce

sont essentiellement des grandes villes qui vont attirer la nouvelle population urbaine en

Amérique Latine, en Amérique du Nord et en Asie alors qu’en Europe et en Afrique la

croissance urbaine se fait majoritairement dans les villes moyennes qui sont nées de

l’urbanisation des zones rurales. En même temps, on observe que dans d’autres villes,

notamment en Europe de l’Est, la population diminue ceci étant la conséquence de la crise

économique que ces pays traversent. Le facteur économique est déterminant pour comprendre

cette dynamique d’urbanisation.

En effet, le premier ressort de l’urbanisation est économique. Certaines villes vont devenir des

moteurs incontournables de la mondialisation, c’est ce qu’on appelle la ville globale. Quand

on analyse les échanges mondiaux concernant les biens, les services ou les capitaux se font

surtout entre des villes qui sont reliées les unes aux autres par de multiples réseaux matériels

(voie de communication) mais aussi immatériels (réseaux politiques, culturels ou

scientifiques). Ce sont ces opportunités d’enrichissement, économiques qui attirent toujours

plus de personnes vers les centres urbains. L’impact environnemental de ces migrations va

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être proportionnel à l’ampleur du phénomène d’urbanisation. En effet, on estime que les villes

seraient responsables d’environ 75 % des émissions de gaz à effet de serre en même temps

qu’elles consommeraient environ 75 % de l’énergie à l’échelle globale. Cela s’explique par le

fait que les villes accueillent la moitié de la population mondiale mais surtout parce qu’elles

concentrent l’essentiel de l’activité économique. Ces proportions importantes s’expliquent

aussi parce que l’urbanisation a, jusqu’à aujourd’hui, reproduit le modèle d’expansion des

villes des pays industrialisés comme les villes étalées des Etats-Unis avides de ressources et

qui ont été façonnées par le développement du transport automobile et par un prix de l’énergie

relativement faible depuis environ un demi siècle. Or, on sait que les ressources naturelles

mais également les ressources financières n’existent plus en quantité suffisante pour continuer

sur ce type de trajectoire. Tout ceci appelle à une rupture profonde en termes de transport

mais aussi industriel et tertiaire et enfin en termes d’habitats. Toute transition urbaine est

marquée par une ségrégation sociale et spatiale grandissante. La plupart des nouveaux citadins

s’installent dans des quartiers irréguliers mal desservis, mal équipés et qui concentrent

souvent une très forte pauvreté. Selon quelques chiffres, la part de la population urbaine

précaire ou pauvre s’élève à 43 % en Asie du Sud et à 62 % en Afrique Subsaharienne et ceci

sans que les politiques d’accompagnement dans ces quartiers soit à la hauteur des besoins.

Pourtant, parmi les objectifs du millénaire on retrouve la réduction de moitié de la population

pauvre et avoir accès des réseaux d’eaux et d’assainissements pour cette population.

Finalement, les villes sont aujourd’hui prises dans les flux de l’économie mondialisée et les

plus grands centres urbains qui sont directement connectés aux réseaux commerciaux,

financiers, scientifiques, culturels et politiques en sont les principaux acteurs et parfois même

ces acteurs ont plus d’importance que les états. Exemple : le produit national brut de Tokyo

est le double de celui du Brésil et la capitale japonaise concentre une population plus

importante que la Suède, la Finlande, le Danemark et la Norvège réunie. Cette puissance

économique n’est pas le simple résultat de l’urbanisation mais plutôt le résultat d’une stratégie

économique qui est fondée sur des investissements ciblés comme les infrastructures

notamment, secteur économique porteur, mais aussi le capital humain : éducation, culture tout

ceci permettant de rendre les villes attractives, innovantes et dynamiques.

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Chapitre 2 : Les théories traditionnelles du commerce

international

I- L’analyse traditionnelle du commerce international

Ce chapitre expose la démarche et les principaux résultats de ce que l’on peut considérer

comme l’expression traditionnelle de la théorie du commerce international. Ce qui est au

centre de l’analyse va être la question du libre échange. Dans cette perspective, l’inspiration

des premiers auteurs relevait pour une bonne part d’une démarche normative (analyse de ce

qui doit être). L’analyse va tenter de favoriser le libre échange. L’objectif de ces auteurs était

de montrer l’avantage que les pays pouvaient retirer d’une libéralisation du commerce.

Finalement, la dimension normative dans l’analyse du commerce international va demeurer

dans une très large mesure dans les travaux ultérieurs.

Dans cette perspective le libre échange va être décrit comme une situation optimale de

référence. Ceci dit, comme dans toute approche économique, il existe toujours une dimension

positive de la théorie qui cherche à comprendre le fonctionnement effectif de l’échange

international va être également présente dans ces approches. Le fait que les modèles

théoriques multiplient les hypothèses restrictives ne signifie pas qu’il se désintéresse de la

réalité. Mais en réalité, ils vont s’efforcer de la simplifier, de n’en retenir que les aspects les

plus fondamentaux et ceci pour mieux l’expliquer. Afin de préciser le cadre de l’analyse du

commerce international, on commence par en exposer les caractéristiques et les hypothèses

essentielles.

Tout d’abord, l’analyse est a-monétaire, a-temporelle et a-spatiale. Cette analyse ignore la

monnaie en supposant sa parfaite neutralité et elle va raisonner en termes réels plutôt qu’en

termes nominaux. Par ailleurs, elle ne fait pas intervenir le temps ce qui signifie qu’elle va

ignorer tous les problèmes de dynamique, de l’ajustement à l’équilibre. Elle ne prend pas en

compte l’espace et lorsqu’il est question de localisation des activités, cela va se faire en

référence aux caractéristiques propres au pays indépendamment de leur éloignement

géographique. Par ailleurs le cadre théorique reprend les hypothèses qui fondent l’analyse

microéconomique dans un monde de concurrence pure et parfaite et de parfaite certitude.

Enfin, la dimension internationale de l’échange va être caractérisée en faisant référence à une

différence de mobilité des biens et des facteurs de production. Les biens sont supposés

parfaitement mobiles au sein de chaque pays et entre les pays alors que les facteurs de

production vont être supposés parfaitement mobiles à l’intérieur d’un même pays mais

totalement immobiles entre les pays.

1- Les fondements classiques

La théorie du commerce international est née de l’analyse qui a été développé essentiellement

par les auteurs classiques anglais. Les thèses de ses auteurs ont été élaborées au moment de la

révolution industrielle en Grande Bretagne. Ces thèses s’opposaient aux arguments des

mercantilistes qui étaient favorables au protectionnisme et elles défendaient l’argument

opposé c'est-à-dire celui du libre échange. En ce la, elles répondaient aux attentes de

l’industrie anglaise qui était naissante. Les deux arguments principaux pour soutenir cette idée

des vertus du libre échange étaient d’une part la libéralisation du commerce qui permettait une

baisse du coût de la main d’œuvre en rendant possible une diminution des coûts de

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subsistance grâce à l’importation de produits agricoles étrangers moins onéreux. D’un autre

côté, le libre échange offrait des débouchés à la production industrielle britannique.

Cette adéquation entre la théorie traditionnelle du commerce international et les attentes de

cette époque expliquent sans doute, au mois partiellement, le succès de cette analyse. Mais si

l’analyse nous intéresse aujourd’hui encore, c’est parce que le schéma général qu’elle a tracé

reste toujours au cœur de la théorie contemporaine de la théorie internationale.

Finalement, toute l’analyse du commerce international va s’articuler autour de trois questions

essentielles :

Pourquoi les pays échangent-ils ? Question du fondement de l’échange ;

Quel pays échange quel produit ? Question du sens de l’échange ;

Comment se fait l’échange ? Question des termes de l’échange avec son corolaire qui

est la question de la répartition de ses gains.

Il est possible d’établir une correspondance entre les trois grands auteurs classiques et les trois

questions fondamentales. L’apport essentiel de Smith (1776) résiderait dans sa réponse à la

première question. Pour lui, l’échange est le corolaire de la spécialisation, de la division du

travail qui est source de richesse. David Ricardo (1817) a marqué l’analyse du commerce

international par sa réponse à la deuxième question. La réponse la plus complète à la question

des termes de l’échange va être fournie par John Stuart Mill en 1948 avec sa loi des valeurs

internationales qui n’est autre qu’une reformulation de la loi de l’offre et de la demande. Les

réponses apportaient par les auteurs classiques sont encore d’actualité. Certes, elles ont pu être

reformulées, complétées mais elles n’ont jamais été complètement rejetées.

a- Le fondement de l’échange : la spécialisation des tâches

Adam Smith1 est connu pour avoir célébré les avantages de la division du travail ou de la

spécialisation des tâches. Cette division du travail est pour lui un moyen de produire

davantage ou de produire à un moindre coût. Mais cette question de la division du travail va

en réalité de paire avec l’échange. En effet, se spécialiser implique de renoncer à soi même

certains biens qui sont obtenus en échange du surplus de production que permet cette

spécialisation. Cette idée va fonder toute la doctrine libérale d’Adam Smith et plus largement

de l’ensemble des économistes classiques. Ce principe va fonctionner aussi bien à l’échelle

individuelle qu’à l’échelle internationale. Selon cette doctrine, l’ouverture au libre échange

doit être la plus large possible puisque c’est l’extension du marché qui va accroitre la faculté

d’échanger et cela va donner lieu à la division du travail considéré comme une source de

richesse. Par ailleurs l’échange va permettre à chacun de concentrer ses activités dans le

domaine où il est le plus performant voire de renforcer ses compétences si la spécialisation

accroit la productivité. L’échange va permettre une affectation plus efficace des ressources

productives. En se spécialisant chaque pays va abandonner une part de la production dans

laquelle il est le moins performant pour se concentrer sur la production où il est performant.

Cette idée générale, se retrouve dans toutes les analyses du commerce international mais elle

va apparaitre de manière différente dans les analyses qui à la suite des travaux de David

Ricardeau vont constituer les bases de l’analyse traditionnelle du commerce internationale

depuis cette époque (début 19ème

siècle) jusqu’à la période contemporaine. Dans ces

formulations l’accent va être mis sur la capacité d’exploiter par la spécialisation des tâches,

des écarts de compétences qui sont pré déterminées. Pour Adam Smith, il ne s’agit pas là du

seul avantage de la spécialisation. Pour lui la spécialisation permet aussi d’accroitre la

productivité. Le renforcement de la production va pouvoir s’accompagner d’une baisse du

coût unitaire.

1 Ouvrage de 1876

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b- Le sens de l’échange : de l’avantage absolu à l’avantage relatif

Deux pays : l’Angleterre et le Portugal qui produisent chacun deux biens : des draps et du vin.

Les coûts unitaires en travail

Production

Pays Drap Vin

Angleterre 3 4

Portugal 6 2

Chaque pays est capable de produire un bien à un coût unitaire qui est dans l’absolu plus

faible que celui de son partenaire. Suivant l’analyse de Smith, l’Angleterre possède un

avantage absolu dans la production de drap tandis que le Portugal possède un avantage absolu

dans la production de vin. A partir de là on comprend que la production totale des deux pays

peut être accrue si chaque pays se spécialise conformément à son avantage. Mais compte tenu

de la variété des besoins dans chaque pays, une telle spécialisation n’est acceptable que s’il

existe une possibilité d’échange avec le pays partenaire qui s’est spécialisé dans la production

qui a été abandonnée.

La réponse à la question pourquoi les pays échangent-ils est assez claire : ils échangent pour

bénéficier des avantages de la spécialisation c'est-à-dire de la division internationale du

travail. Cette théorie va aussi apporter un début de réponse à la question du sens des échanges

puisqu’elle enseigne que chaque pays doit se spécialiser dans la production pour laquelle il a

l’avantage. Ceci signifie qu’il va produire dans ce secteur au-delà de ses besoins et qu’il

pourra exporter le surplus de production. C’est grâce à ces exportations que l’on pourra

acquérir par le biais des importations les biens que le pays a renoncé à produire. Chaque pays

va exporter le bien pour lequel il a un avantage absolu c'est-à-dire le bien qu’il produit à un

coût plus faible que son pays partenaire.

Cependant on peut souligner des limites à cette théorie de l’avantage absolu. Ces limites

apparaissent notamment quand on tente de répondre à la question qui échange quoi ? En effet,

l’exemple mentionné ci-dessus donne une réponse assez claire, mais on ne peut pas traiter un

cas où l’un des deux pays serait capable de produire à un coût unitaire plus faible que son

partenaire.

Pour tenter de résoudre ce problème, Ricardo va proposer sa théorie ou son principe général

de l’avantage relatif (ou avantage comparatif).

Les coûts unitaires en travail

Production

Pays Drap Vin

Angleterre 3 4

Portugal 6 5

Plutôt que de retenir les coûts absolus tels qu’ils apparaissent dans le tableau, Ricardo va

raisonner sur le rapport de ces coûts. C’est ce qu’on appelle les coûts relatifs. L’idée est que

pour bénéficier des avantages de la spécialisation et de l’échange, chaque pays doit

développer la production dans laquelle il a le coût relatif le plus faible. Dans l’exemple,

l’Angleterre va posséder un avantage relatif dans la production de drap et le Portugal va avoir

un avantage relatif dans la production du vin. Dans un cadre avec deux pays et deux biens, on

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voit qu’on a une distribution des avantages relatifs où les positions des deux pays sont

symétriques.

Selon la division du travail la spécialisation et l’échange international conformément au

principe de l’avantage relatif doit permettre une plus grande efficacité productive. En effet

pour développer se production de drap de une unité, l’Angleterre va avoir besoin de déplacer

trois unités de travail de sa production de vin vers la production de drap. Cela signifie qu’il

suffit de renoncer à produire trois quart d’unité de vin qui signifie que le coût relatif du drap

est de trois quart en Angleterre et symétriquement, en renonçant à produire une unité de drap,

le Portugal va pouvoir accroitre sa production de vin de 1,2 unité. Le coût relatif du drap au

Portugal est de 6/5ème

. Ces coûts relatifs mettent en évidence un avantage réciproque.

La spécialisation des pays conformément à leurs avantages relatifs a permis une création nette

de richesse puisqu’on se rend compte qu’on a une augmentation de la production mondiale de

vin sans diminution de la production de drap.

Si on suppose que les coûts unitaires de production restent constants, le gain que l’on a fait

apparaitre peut être obtenu de nouveau par l’abandon d’une unité supplémentaire de la

production dans laquelle le pays n’a pas l’avantage. La recherche d’un gain maximal va

pousser chaque pays à renoncer totalement à la production pour laquelle il n’est pas

compétitif. On est face à une logique de spécialisation intégrale sous réserve que les capacités

de production soient suffisantes pour satisfaire les besoins totaux des deux pays.

Un élément supplémentaire est qu’on n’a pas raisonné sur la taille des pays. Si les deux pays

sont de taille inégale, on peut supposer que le grand pays peut être conduis à réduire sa

production dans le secteur où il n’a pas l’avantage relatif mais sans l’annuler ceci si le petit

pays ne peut répondre à la demande totale mondiale.

c- Les termes de l’échange : la loi de l’offre et de la demande

La théorie de l’avantage relatif va aussi permettre de donner un début de réponse à la question

des termes de l’échange. En effet, en situation d’autarcie les rapports d’échanges des biens

dans chaque pays sont déterminés par les rapports de coût de ces biens. Pour s’ouvrir à

l’international, pour être accepté par les deux partenaires, le rapport d’échange international

doit avoir une valeur comprise entre les rapports d’échanges d’autarcie. John Stuart Mill a

permis da poser les mécanismes qui sont sous-jacent à la détermination de l’équilibre

international. Selon ses propres termes, il ne s’agit que d’une extension de la loi générale de

l’offre et de la demande.

Les coûts unitaires en travail

Production

Pays Drap Vin

Angleterre 3 4

Portugal 6 5

En situation d’autarcie il faut l’équivalent en travail de trois quart d’unité de vin pour produire

une unité de drap en Angleterre. Alors que cette même unité de drap peut être obtenue avec

l’équivalent en travail de 6/5ème

d’unité de vin au Portugal.

Si on suppose qu’on ouvre les possibilités d’échanges entre les pays, et donc possibilité

d’arbitrage entre les deux pays. Il est plus avantageux d’acquérir le drap en Angleterre en y

vendant du vin et symétriquement il est plus avantageux d’acquérir du vin au Portugal en y

vendant du drap. On fait face à un double déséquilibre dans cette situation. On se retrouve

face à une demande excédentaire de drap en Angleterre et une demande excédentaire de vin

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au Portugal. Tout ceci va conduire à une hausse de la valeur d’échange du drap en termes de

vin en Angleterre et à une baisse de ce même rapport au Portugal. Ce double mouvement va

se poursuivre jusqu’à l’élimination de l’écart justifiant l’échange entre les deux marchés

nationaux. Si on fait l’hypothèse d’une nullité des coûts de transaction2 cet équilibre

international va être atteint lorsqu’un même rapport d’échange va prévaloir dans les deux

pays. C’est la loi du prix unique qui caractérise la loi d’intégration des marchés. Ce rapport

d’échange international d’équilibre qui est compris entre les rapports d’échanges d’autarcie

correspond à une spécialisation et à des flux de commerce qui sont conformes à la distribution

des avantages relatifs. Le rapport d’échange du drap en termes de vin va être plus élevé sur le

marché international qu’en Angleterre lorsque celle-ci vivait en autarcie. Tout ceci constitue

bien une incitation pour les producteurs anglais à réorienter leur activité vers la fabrication du

drap ce qui implique une réduction de la production de vin. Evidemment l’inverse vaut pour

le Portugal.

Le mécanisme marchand qui conduit à l’équilibre des échanges s’accompagne d’une

spécialisation des pays qui est celle dont l’analyse de Ricardo a pu montrer qu’elle était

source de gain.

2- L’interprétation factorielle du commerce international

Ce sont deux économistes Suédois Heckscher (1919) et Ohlin (1933) qui ont développé une

analyse des déterminants de l’avantage relatif. La démarche de ces auteurs est liée au cadre

général d’hypothèse dans lequel s’inscrit le modèle néoclassique. Dans ce cadre d’analyse, ce

qui va caractériser l’échelle internationale et ce qui va la différencier de l’échelle nationale

c’est la question de la mobilité des facteurs de production. Cette mobilité est nulle entre les

pays et parfaite à l’intérieur de chacun des pays. Dans cette perspective ce qui va caractériser

un pays c’est sa dotation factorielle. On chercher à identifier ou à expliquer l’avantage relatif

et donc l’échange international dans les différences de l’interprétation factorielle de chacun

des pays.

La loi des proportions de facteur La loi des proportions de facteurs appelés aussi le théorème de Heckscher et Ohlin peut être

énoncé de cette manière : sous certaines hypothèses, un pays à l’avantage relatif dans la

production utilisant plus intensivement le facteur de production relativement plus abondant.

L’analyse reprend l’ensemble des hypothèses du modèle néoclassique standard c'est-à-

dire du principe de la concurrence pure et parfaite. Par ailleurs, dans sa version

initiale, l’analyse se limite à une configuration où on ne retient que deux pays qui

échangent deux biens qui sont produits chacun à l’aide de deux facteurs qui sont le

capital et le travail.

En situation d’autarcie, chacun des pays produit les deux biens.

A ces hypothèses on peut en ajouter d’autres qui permettent d’isoler les dotations factorielles

comme déterminant de l’avantage relatif. Les conditions de production vont dépendre

simultanément des dotations en facteurs et des fonctions de production.

La validation de ce théorème de Heckscher et Olhin va exiger dans un premier temps que soit

neutralisé l’influence potentielle des écarts technologiques entre les pays. Cela signifie que

l’hypothèse qui est faite est que pour chaque bien, on a une fonction de production identique

2 Ce sont les coûts d’information, de négociation qui amène à la conclusion des contrats. Le contrat est la forme

principale d’échange dans les mécanismes économiques.

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Economie Internationale L3 AES

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dans les deux pays. Avec cette hypothèse, la question de la division internationale de

l’innovation technologique ne va pas se poser. Cette identité des fonctions de production va

permettre de garantir que la comparaison des intensités factorielles peut être effectuée sur une

base identique dans les deux pays. Mais cette hypothèse n’est pas suffisante. Il faut encore

supposer une absence de renversement des intensités factorielles.

L’intensité factorielle d’une production peut être définie par sa technique c'est-à-dire par le

rapport des quantités de facteur qui sont utilisés. On distingue les facteurs substituables et les

facteurs complémentaires. Si on prend le cas général d’une production avec des facteurs

substituables, le rapport des quantités de facteurs va varier en fonction du rapport de prix des

facteurs. Une augmentation du prix relatif du travail par rapport au capital va induire une

technique de production plus intensive dans le capital. La caractérisation des productions en

termes d’intensité factorielle n’est possible que s’il existe une invariance du classement de

leurs techniques. Si la technique de production d’un bien est moins capitalistique que celle de

l’autre bien pour une valeur donnée du prix relatif des valeurs, elle doit le rester pour toute

autre valeur de ce prix relatif. C’est l’hypothèse d’irréversibilité des intensités factorielles.

On peut établir une relation entre les rapports de prix des biens et de facteurs. Si on prend

l’exemple d’une augmentation du prix relatif du bien dont la production est relativement plus

intensive en travail, ce mouvement d’augmentation du prix relatif va inciter à développer la

production de ce bien en réduisant celle de l’autre bien. Etant donné les écarts d’intensité

factorielle des deux secteurs la réduction de la seconde production va libérer relativement plus

de capital que de travail ce qui va conduire à un déséquilibre sur le marché des facteurs de

production. Il résulte de ce processus une augmentation du prix du premier facteur de

production par rapport au second.

Cela peut se résumer à travers le théorème de Stolper et Samuelson qui traite de la variation

du prix d’un bien qui sera associé à une variation de même sens du prix relatif du facteur qui

est utilisé intensivement dans la production de ce bien. Cette relation va permettre de fonder

le théorème de Heckscher Ohlin Samuelson.

II- Les nouvelles théories du commerce international

Depuis les travaux des premiers classiques jusqu’au modèle de Heckscher et Olhin, on peut

considérer que la théorie du commerce international a connu un développement linéaire.

Finalement, chaque étape a tenté de reformuler et d’approfondir la précédente sans qu’il y ait

de véritable rupture dans la démarche qui avait été initié par les premiers classiques. A partir

de la fin des années 1950, on va assister à une explosion des recherches dans le domaine du

commerce international. Sans remettre fondamentalement en cause l’approche théorique

traditionnelle, un certain nombre de travaux se sont efforcés de relâcher certaines hypothèses

particulièrement restrictives. Le renouvellement théorique s’est encore amplifié avec le

développement d’un certain nombre d’analyse qui ont proposé d’expliquer l’échange

international non plus sur la base d’une logique d’exploitation de différences entre les pays

mais plutôt sur une logique d’exploitation d’économies d’échelles.

1- Le paradoxe de Leontief3

La loi des proportions de facteurs qui se fonde sur une explication de l’échange qui porte sur

des caractéristiques physiques et donc des caractéristiques observables, se prête assez bien à

3 Economiste Russe.

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des travaux de validation empirique. Dans un premier temps une observation rapide des

échanges internationaux conduit à accepter la proposition selon laquelle chaque pays exporte

le bien qui utilise davantage le facteur dont il est relativement le mieux pourvu. Mais ce qui

semblait évident à était remis en cause par les travaux de Wassili Leontief qui a tenté pour la

première fois de mener une vérification empirique du théorème de Heckscher et Ohlin.

Les travaux datent de 1953. Il est parti de l’idée que les Etats-Unis étaient relativement mieux

dotés en capital que le reste du monde. Leontief a voulu montrer que leurs exportations

avaient un contenu en capital plus élevé que leurs importations. Il s’est trouvé confronté à un

certain nombre de difficultés. Pour évaluer le contenu en facteur des biens qui sont échangés,

Leontief a mobilisé les informations rassemblées dans le tableau des échanges inter

industriel4. A partir de là, l’étude de l’intensité factorielle des secteurs américains qui sont

exportateurs pouvaient être effectué de manière directe. Il s’est retrouvé coincé puisqu’il ne

disposait pas d’un tel tableau pour le reste du monde. De ce fait, il a évalué le contenu en

facteur productif des biens importés par les Etats-Unis à partir de l’intensité factorielle dans

les secteurs américains qui produisaient des biens concurrents des produits importés. Même si

il s’agit d’une approximation, cette procédure semble tout à fait acceptable si on retient

l’hypothèse de non renversement des intensités factorielles.

Les résultats auxquels Leontief est parvenu ont créé la surprise puisque selon ses calculs la

production domestique de biens destinés à remplacer les importations des Etats-Unis

nécessitent 30 % de capital par unité de travail en plus de ce qui est utilisé dans les secteurs

exportateurs. Ce résultat contredit la loi de proportion de facteurs puisqu’en théorie les Etats-

Unis auraient dû utiliser moins de capital dans leurs secteurs importateurs que dans leurs

secteurs exportateurs. On a pris l’habitude de désigner sous l’expression de paradoxe de

Leontief ce résultat.

Ce paradoxe de Leontief a alimenté un nombre important de travaux à la fois théorique et

empirique. La plupart des études empiriques qui ont été réalisées à la suite des travaux de

Leontief n’ont fait que confirmer les doutes qu’avaient fait naitre les premiers résultats

auxquels Leontief avait été parvenu. Leontief a poursuivit des études dans ce même domaine

et il a obtenu de nouveaux des résultats en contradiction avec la loi des proportions de

facteurs. D’autres travaux sont venus parfois confirmer ou infirmer les conclusions de ce

théorème. Les tests empiriques qui ont été conduits à la suite de Leontief ont soulevé par leur

résultat à la fois peut satisfaisant et parfois contradictoire un certain nombre de questions.

Trois positions sont possibles face à ce paradoxe :

Rejeter purement et simplement le théorème de Heckscher et Ohlin

Considérer que les études menées par Leontief et ses successeurs ne constituent pas un

test fiable du modèle théorique qui resterait valide.

Approfondir l’analyse théorique pour dépasser les faiblesses du modèle que les teste

empiriques ont mis en évidence.

C’est cette troisième voie qui a été empruntée de manière majoritaire dans les années qui ont

suivies puis à partir des années 1960, on a eu une éclosion, un essor du nombre de théories

concurrentes qui sont plus ou moins hétérodoxes.

2- L’approche néo technologique

Quand on parle de technologie on parle d’innovation. L’innovation est définie comme étant

un changement dans une fonction de production. Elle joue un rôle central dans l’approche

technologique en levant l’hypothèse d’une identité des fonctions de production qui seraient

4 Tableau qui met en relation les biens et les facteurs de production

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assurés par une diffusion internationale parfaite de la technologie. Posner (1961) va s’efforcer

de préciser cette approche en étudiant plus précisément les composants de l’écart

technologique. Selon lui, l’innovation va permettre une brèche technologique en procurant un

avantage temporaire pour les firmes qui innovent à la fois dans la production et dans

l’exportation. L’importance de cet écart technologique va dépendre de deux délais de

réponses de la part des pays partenaires. Le premier concerne la réponse de la demande

étrangère face à l’apparition d’un nouveau produit. Le second délai est celui qui est nécessaire

à une réaction de l’offre étrangère soit pour imiter soit pour acquérir cette nouvelle

technologie. Posner va considérer que le premier de ces deux délais est plus court que le

second. Si bien qu’il existe une période pendant laquelle les consommateurs étrangers vont

exprimer une demande que les producteurs étrangers ne seront pas en mesure de satisfaire.

C’est cet intervalle de temps durant lequel le pays innovateur va pouvoir exporter le nouveau

produit.

C’est en 1966 que Vernon va prolonger cette approche technologique en proposant une

synthèse originale de cette approche et d’autres apports. C’est ce qu’on appelle la théorie du

cycle de vie du produit. Cette théorie qui va agréger un certains nombres d’apports théoriques

multiples va proposer une approche, une conception biologique du cycle de vie du produit.

Selon cette conception, la période d’existence d’un produit peut être découpée en phase :

La naissance

La croissance

La maturité

Le déclin

On va assister au cours du cycle de vie du produit à une modification progressive des

conditions qui caractérisent sa production, sa consommation et la structure de son marché.

Pour définir la dimension internationale du cycle de vie du produit, on va croiser les

caractéristiques de ce cycle avec les caractéristiques de différents pays qui vont être répartis

en trois groupes :

Le pays leader : il doit cette position à l’existence d’un marché intérieur large, à des

niveaux de revenus élevés, à une abondance de la main d’œuvre qualifiée et une forte

capacité de recherche et développement

Le second groupe occupe une position intermédiaire et réunit les pays industrialisés

autre que le pays leader. L’ensemble des caractéristiques de ces pays sont légèrement

inférieures à celles du pays leader à la fois en termes de revenus et en termes de

capacité de recherche et développement mais ces caractéristiques vont faire apparaitre

un avantage de dotation en capital et en main d’œuvre moyennement qualifiée.

Les pays en développement : il est caractérisé par de faibles niveaux de revenus et par

une abondance de la main d’œuvre non qualifiée.

En confrontant les caractéristiques du cycle de vie du produit et celles des pays on va pouvoir

décrire l’évolution de la production et de la consommation du produit par différents pays et

donc d’en déduire les flux d’échanges internationaux.

La naissance du produit a lieu dans le pays leader. On assiste ensuite à une période de

développement du produit mais qui est limitée au marché interne du pays leader. Puis

progressivement à une extension vers les autres marchés. La diffusion du produit à l’échelle

internationale, et en même temps la diffusion de la technologie incorporée au produit qui se

standardise, va provoquer une modification progressive de la distribution des avantages

relatifs puisque les besoins en capacité de recherche et développement et les besoins en main

d’œuvre hautement qualifiée vont diminuer tandis que vont augmenter, par la suite, les

besoins qui accompagnent le passage à une production en grande série. A partir de là, les pays

industrialisés qui sont relativement bien dotés en capital et qui ont été les premiers à être

touché par la diffusion du produit vont pouvoir concurrencer le pays leader et ultérieurement

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lorsque la concurrence par les prix conduit à rechercher la mise en œuvre au moindre coup

d’une technologie banalisée, on va assister à un dernier basculement des avantages relatifs en

faveur des pays en développement.

Cette théorie possède incontestablement des atouts puisqu’elle est une tentative d’intégration

d’une variété d’apports antérieurs variés à la fois dans une vision globale et en même temps

dans une vision relativement cohérente. Tout d’abord, elle possède une conception plus

dynamique de la distribution des avantages relatifs qui est capable d’expliquer une évolution

des courants d’échange des produits qui est donc un aspect positif de cette analyse.

Cependant, même si elle introduit une vision plus dynamique du commerce internationale,

l’analyse semble toujours marquée par un assez grand déterminisme5. Déterminisme qui

apparait sous deux angles : à la fois dans la hiérarchisation des pays et dans le déroulement du

cycle.

En effet, il parait tout à fait concevable qu’un pays ou une firme puisse adopter une stratégie

de remontée technologique dans une filière. Dès lors que l’on accepte l’idée d’un possible

rattrapage technologique la conception d’un pays leader doit être relativisée selon les produits

ou selon les stratégies de développement industriel mises en œuvre. Le second aspect du

déterminisme de l’analyse va résider dans la conception même du cycle. L’analyse ne prêtant

pas quantifiée la durée de chaque phase de ce cycle de vie mais elle semble admettre une

forme d’inéluctabilité dans son déroulement. Pourtant des stratégies industrielles ou encore

commerciales peuvent altérer le déroulement du cycle, par exemple en prolongeant certaines

phases ou en abrégeant d’autres phases, ceci afin de maintenir ou de renforcer une position

sur le marché mondial. La mondialisation des marchés et la multinationalisation des firmes ne

peuvent que favoriser le développement de telles stratégies, ceci afin d’échapper au

déterminisme du cycle de vie du produit. Vernon lui-même en 1979 a reconnu ces

phénomènes et l’a amené à sensiblement nuancer le pouvoir explicatif du cycle de vie du

produit compte tenu des modifications de l’organisation du commerce mondial.

5 On est condamné à suivre un comportement donné, à suivre une évolution inéluctable.

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Chapitre 3 : Quelques éléments d’Economie Politique

Internationale

L’économie internationale en tant que discipline constituée connait aujourd’hui un certain

essoufflement dans la mesure où elle ne parvient pas à rendre compte de la complexité des

relations qui se tissent dans le cadre de la mondialisation économique car elle se focalise

essentiellement sur les questions de commerce international et de finance.

Berthau et Kebabdjan, ‘La question politique en Economie Internationale’, 2006, Paris, La

Découverte, Collection ‘Recherches’.

Précisément Aubin et Norel prennent actes de cette transition qui s’opère dans l’analyse

économique et ils tempèrent dès lors la pertinence des théories traditionnelles de l’économie

internationale. Ils écrivent en introduction de leur ouvrage : « il n’en reste pas

moins que toute analyse fine (positive ou

interprétative) des situations réelles doit

immanquablement avoir recours à l’Economie

Politique Internationale, discipline relativement

neuve qui conceptualise les comportements

complexes des états en interaction (avec la

théorie des régimes internationaux) et qui

étudient le fait transnational ».

L’économie politique internationale serait-elle en mesure dès lors d’offrir un cadre de

réflexion pertinent pour penser les relations entre acteurs dans le contexte de la mondialisation

économique ?

I- Les courants de l’économie politique internationale

L’économie politique internationale vise à expliciter les rapports de force entre les états et à

donner un sens au désordre mondial en analysant les jeux de pouvoirs économique et

politique des états, des firmes multinationales, des organisations internationales et des ONG.

Christian Chavagneux estime que l’une des questions centrales auxquelles les théoriciens de

l’économie politique internationale tentent de répondre est la question suivante : qui dirige

l’économie mondiale ? Cela lui permet de retenir trois courants qui se distinguent à la fois par

les outils qu’ils vont mobiliser mais aussi par les visions du monde qui les sous tendent.

Le premier courant est l’EPI américain, on parle aussi de l’approche néo réaliste. Les

représentants sont Robert Gilpin, Robert Keohane et Joseph Nye. Ce premier courant va tenter

d’analyser le rôle des états dans l’économie mondiale ceux-ci exerçant un ‘pouvoir

relationnel’ car ils s’expriment dans un affrontement direct entre les acteurs. Tout d’abord, ce

courant s’inscrit dans une perspective de légitimation de l’ordre établi qui est porté par la

suprématie américaine et par la doctrine libérale de la bonne gouvernance qui est défendue

par les institutions internationales. On cherche à définir le bon modèle qui suscitera les bonnes

pratiques qui seront capables d’assurer une action efficace des institutions

intergouvernementales.

Le second courant est l’EPI Britannique, la représentante est Susan Strange. Ce courant

montre que le pouvoir exercer par la présence de quatre structures fondamentales, la structure

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de sécurité, la structure de la production, la structure de la finance et la structure de la

connaissance régule les rapports de force entre les états, les firmes multinationales, les ONG

mais aussi d’autres acteurs émergents comme les mafias. Chavagneux avance que cette

approche structurelle du pouvoir « permet de décrypter la façon

dont s’exerce le pouvoir dominant des Etats-Unis

mais aussi les canaux d’influence de la montée en

puissance des acteurs privés internationaux ». Si ce

second courant offre une perspective plus critique de l’état du monde, c’est une approche

hétérodoxe, le troisième courant l’est tout autant.

Le troisième courant est porté par Robert Cox, il s’agit de l’EPI Canadienne. Selon cette

troisième vision, l’hégémonie du modèle néo libéral qui est fondé sur la suprématie du marché

est soutenue par une classe dirigeante qui s’approprie toutes les ficelles du pouvoir et qui

impose sa vision du monde aux autres acteurs. Cette approche est caractérisée par une critique

de l’idéologie dominante et par un appel à un contrôle démocratique des décisions politiques

et économiques mondiales. Ce courant et Robert Cox en particulier souhaitent voir dans la

constitution des mouvements internationaux alter mondialistes la voix d’une mondialisation à

visage humain.

II- De la théorie de la stabilité hégémonique à la théorie des régimes

internationaux : l’école réaliste américaine

Même si les concepts qui ont été forgé par le courant américain de l’économie politique

internationale ont perdu à la fin du 20ème

siècle une partie de leur pertinence avec notamment

la fin de la Guerre Froide mais aussi avec l’essor de la mondialisation économique, les

attentats du 11 septembre 2001 et l’attitude très offensive des Etats-Unis dans les années qui

ont suivies ont contribuées à renouveler l’intérêt pour cette approche de l’économie politique

internationale. Cette école américaine s’est constituée au cours des années 1970 dans le

prolongement du courant réaliste des relations internationales. Elle a pris pour qualificatif de

réaliste puis de néo réaliste et elle propose une lecture des relations internationales fondée sur

les hypothèses suivantes.

Les Etats nation constituent les principaux acteurs du système international. Les autres

acteurs n’exercent pas d’influence déterminante sur ce système. Dans ce contexte,

chaque état va disposer de la même légitimité et en l’absence d’une autorité supérieure

qui permet la coordination entre les états l’anarchie va devenir une caractéristique

fondamentale du système. On retrouve l’influence de Hobbes et de son état de nature

c'est-à-dire la guerre de tous contre tous dans cette représentation de l’économie

politique internationale.

Chaque état va agir rationnellement (sens de rationalité économique). Chaque état va

agir rationnellement, il va faire une analyse des coûts avantages de chaque situation.

Chaque état poursuit un objectif de puissance qui le conduit à défendre ses propres

intérêts. Comme le souligne Kebabdjan en 1999 la notion de puissance est une notion

fortement subjective et sa mesure va poser des problèmes méthodologiques. Est-ce

qu’on va mesurer la puissance à partir de facteurs objectifs (taille de la population par

exemple, la quantité de ressources naturelle, le nombre de firmes…) ou doit-elle

prendre en compte des facteurs plus subjectifs (par exemple la capacité

d’intimidation) ?

Il existerait une hiérarchie d’objectifs qui va conduire à donner la priorité aux

questions de sécurité extérieure et donc aux questions militaires (high politics) sur les

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questions économiques et sociales (low politics). L’idée est que le politique prime sur

l’économique et le social. Ceci dit il ne faudrait pas minimiser l’importance de

l’économie. Mais on peut remarquer que cet aspect ne va être perçu pour ce courant

que comme servant les objectifs de sécurité internationale. Kebabdjan remarque à ce

propos en 1999 que « lorsque les intérêts économiques

d’’un état s’opposent à ses intérêts

politiques (faire une guerre coûteuse sans

contre partie économique ou accepter de ne pas

faire la guerre et enregistrer un recul

politique), lorsque les arbitrages doivent

être fait entre l’’économique et la politique

l’’hypothèse qui est associée au réalisme est

que le politique prime sur l’’économique »

C’est en s’appuyant sur ces trois séries d’hypothèse que la théorie de la stabilité hégémonique

puis la théorie des régimes internationaux ont été forgés.

1- La théorie de la stabilité hégémonique

On doit à Robert Keohane en 1980 d’avoir été le premier à introduire dans le vocabulaire

socio politique contemporain l’expression de théorie de la stabilité hégémonique. Ceci dit,

cette théorie doit beaucoup à Kindleberger dans un ouvrage publié en 1973 même si celui-ci

préférait l’expression de leadership à celle d’hégémonie. Kindleberger a étudié la crise de

1929 et il va tenter d’expliquer les raisons de la persistance de cette crise tout au long des

années 1930. Il remarque en particulier que cette période charnière coïncidait avec le déclin

du Royaume-Uni et avec la montée en puissance des Etats-Unis mais sans que cet état ne soit

encore devenu la puissance dominante susceptible de stabiliser le système financier

international. Pour cet auteur, la nécessité d’un leader ou d’un hégémon résulte du fait que

l’économie mondiale a besoin de biens collectifs internationaux et la production de ces biens

pose le problème du passager clandestin. La théorie de la stabilité hégémonique va s’appuyer

sur cette analyse pour affirmer que les états ont intérêts dans leur ensemble à abdiquer une

partie de leurs pouvoirs au profit de l’un d’entre eux (l’hégémon) qui assurera la stabilité et la

sécurité internationale. Cet hégémon ne va pas assurer ce rôle par simple générosité mais

parce que lui-même y trouve un intérêt et notamment parce que ceci va garantir sa propre

sécurité. En outre, comme le souligne Grégory Vanel « cet acteur en

promouvant le libre échange et en produisant un

bien public international à cette fin prend à sa

charge la responsabilité de stabilisation du

système international. Aussi, deux éléments

complémentaires peuvent être associés à cette

proposition théorique. D’une part cet acteur

hégémonique provisionne un régime de commerce

international stable et, d’autre part, même si

celui-ci en tire partie tous les états en sont

bénéficiaires. Ces deux éléments ont des

implications normatives énormes puisqu’ils

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reviennent à justifier l’existence de l’hégémonie

par l’augmentation générale du bien être qu’elle

produit en permettant la stabilité ». Selon Gilpin la question de

la stabilité à moyen et long terme du système se pose notamment pour l’hégémon dans le

cadre d’une société libérale. En assurant le bien être collectif et la sécurité de tous les pays, la

stabilité hégémonique concoure à diffuser les innovations de telle sorte que les pays qui

bénéficient de la sécurité du système peuvent concurrencer sérieusement l’hégémon lui-

même. Cette situation marquerait une période de transition avec le passage d’un hégémon en

déclin à un nouvel hégémon et les grandes puissances se livreraient une guerre hégémonique

pour s’assurer le pouvoir de l’économie mondiale.

Cette théorie a suscité de nombreux travaux et de nombreux commentaires en particulier

parce qu’elle offre une clé de lecture assez caricaturale des relations internationales. Ceci dit

en présence d’un état qui déclarait livrer une guerre sans merci contre les « forces du mal »

pour assurer la sécurité du monde et ceci en investissant des territoires sans aucun mandat des

nations unies. Cette théorie semble encore détenir un pouvoir explicatif ne serait ce que pour

comprendre les schémas mentaux qui alimentent la réflexion et qui ont justifié la position de

ce pays à l’égard des autres pays de la planète.

2- La théorie des régimes internationaux

Pour des auteurs cette théorie apparait comme un complément plutôt que comme un

concurrent de la théorie de la stabilité hégémonique. La notion de régime international part de

l’idée d’un monde sans hégémonie. Dans ce contexte, la coordination entre les états est

rendue plus difficile mais la coopération peut conduire à la constitution de régimes

internationaux. Robert Krasner dans un article paru en 1983 introduit une définition des

régimes internationaux qui fait aujourd’hui encore figure de référence pour ses défenseurs

comme pour ses détracteurs. Les régimes internationaux désignent « les

principes, normes, règles et processus de décision

autour desquelles convergent les anticipations des

acteurs dans un domaine précis d’interaction ». Malgré

le caractère relativement flou de cette définition on retient la division hiérarchique suivante

entre les quatre attributs du régime. Les deux premiers attributs (les principes et les normes)

désignent les finalités du régime et se sont des éléments invariants qui désignent les buts

fondamentaux (principes) et les droits et obligations (normes). D’un point de vue hiérarchique

ce sont les attributs principaux des régimes. Les deux attributs suivants (règles et processus de

décision) sont généralement considérés comme secondaires. Il s’agit d’éléments variables qui

désignent les instruments dont les régimes disposent pour remplir leurs objectifs. L’idée est

que les régimes sont multiples, ils opèrent dans un nombre important de domaines, et cette

multiplicité offre la possibilité d’aboutir à une stabilité des relations internationales même en

l’absence d’un hégémon. Pour chaque domaine des relations économiques et politiques

internationales, dans le domaine du commerce ou de la finance par exemples, une négociation

s’instaure entre les pays pour aboutir à une sorte de hiérarchie enchevêtrée où les forces des

uns vont contrebalancée celles des autres. Le monde n’est plus dominé par un seul acteur mais

la pluralité des régimes va faire jouer des rapports de force qui sont beaucoup plus complexes.

Dans cette approche de l’EPI les questions de pouvoir ne sont pas absentes mais on a à faire à

un pouvoir qui est beaucoup plus diffus et qui ne repose pas uniquement sur un rapport de

force frontal pour qu’un seul vainqueur se dégage dans cette lutte. Toutefois, même si cette

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théorie est bien distincte de la stabilité hégémonique. Elle partage les mêmes hypothèses que

la théorie de la stabilité hégémonique puisque les états demeurent les seuls acteurs importants

sur la scène internationale.

De nombreuses études empiriques ont tenté d’appliquer la théorie des régimes internationaux.

On peut retenir trois approches qui tentent d’expliquer la formation et la transformation des

régimes internationaux : l’approche par les intérêts, l’approche par le pouvoir, l’approche par

le savoir. Cette distinction on l’a doit à Hasenclaver, Mayer et Rittberger (1997).

La première approche est l’approche par les intérêts. L’idée est que finalement les

régimes internationaux se mettent en place sous la pression des états qui poursuivent chacun

leurs propres intérêts. Dans cette perspective, ces régimes permettraient grâce aux

informations qu’ils contribuent à diffuser de réduire les incertitudes ce qui favoriserait dès

lors la coopération entre les états. Par exemple la constitution d’un régime pétrolier qui a été

mené suite au premier choc pétrolier par les pays de l’OPEP (organisations des pays

producteurs et exportateurs de pétrole) qui ont tous bien compris la nécessité de s’unir pour

déterminer et avoir un certain poids dans la détermination du prix du pétrole.

La seconde approche est l’approche par le pouvoir. Selon cette idée les relations de

pouvoir qu’entretiennent les états entre eux conduiraient à la formation de régimes dont la

stabilité serait renforcée par la présence d’un état dominant.

La troisième approche est l’approche par le savoir. L’idée est que les régimes se

mettraient en place dans la mesure où les croyances et les savoirs normatifs des décideurs

définissent les relations entre les états et influence la constitution de régimes.

En termes d’application, la théorie des régimes internationaux a été appliquée pour

comprendre les coalitions qui se forment notamment au sein du commerce international et

également dans le cadre de régimes monétaires. Ceci dit un certains nombres d’auteurs ont

souligné le caractère assez décevant des études empiriques qui ont été menées sur les régimes

internationaux. Par exemple une critique de Christian Chavagneux « Economie Politique

Internationale », 2004. En fait il s’agit d’une critique assez ancienne qui avait été formulée

dès 1982 par Susan Strange qui qualifiait le régime international de concept mou. Au-delà de

ces critiques, il est possible de relever une série de problèmes que cette approche doit

affronter pour passer d’une définition et d’une description des régimes à une véritable

problématique des régimes. Le premier problème est la question du flou conceptuel de la

notion de régime. D’ailleurs Hasenclaver, Mayer et Rittberger ont répertorié dans leur travail

de synthèse sur la théorie de régimes internationaux au moins six cadres conceptuels

différents. Et ils concluent à la validité de la critique de Susan Strange. Le second problème

est que le questionnement proposé par la théorie des régimes internationaux est jugé trop

américano centré. Cela contribue à légitimer un certain ordre établi. Le troisième problème est

le fait que la théorie des régimes internationaux présente une vision trop statique et finalement

elle ne donne qu’un cadre d’analyse qui observe un ensemble de régimes à un moment donné

mais elle ne s’interroge pas sur leur origine, sur les transformations de ces régimes. On peut

aussi se demander pourquoi ces régimes sont supposés être stables ? Toutes ces questions

restent sans réponse quand on applique strictement la théorie des régimes internationaux.

Enfin, le quatrième problème est qu’on a toujours à faire à une approche qui est trop stato-

centrée. Elle est préoccupée par le rôle des états.

C’est en se basant sur ces critiques qu’un certain nombre d’auteurs ont tenté de remobiliser la

notion de régime international mais en lui donnant une dimension beaucoup plus critique.

C’est ce que va proposer Claude Serfati dans une contribution parue en 2006 dans l’ouvrage

de Hugon et Michalet (2006), « Les nouvelles régulations de l’économie mondiale », Paris,

Karthala, Collection « Economie et développement ». Il va remobiliser la notion de régime

international pour l’appliquer à la question de la défense. Mais il va opérer un certains

nombres d’ajustements. Premièrement, il va relâcher l’hypothèse de la dimension stato

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centrée des relations internationales pour prendre en compte le rôle des firmes et surtout les

coalitions qui peuvent exister entre les firmes et les états. C’est ce qu’on appel les systèmes

militaro-industriels qui montrent que les intérêts des états en lien avec les intérêts des firmes

de la production d’armement sont souvent très liés. Deuxième élément il va essayer de donner

une dimension plus historique à l’analyse. Toujours en mobilisant cette dimension de régime

international, il essaye de comprendre l’évolution des régimes internationaux. On peut

identifier deux manières de se positionner dans la critique des régimes internationaux. C’est

soit de mener une critique interne au régime (approche favorisée par Serfati) ou on mène une

critique externe ce qui revient à rejeter la théorie des régimes internationaux pour proposer

une approche alternative. C’est l’un des axes du programme de recherche que s’est donné

Strange.

III- L’EPI Britannique de Susan Strange

L’approche hétérodoxe6 de l’EPI qui a été développé par Susan Strange s’est construite en

réaction aux propositions des réalistes et des néo réalistes de l’école américaine. Evidemment,

l’idée est que leurs cadres d’analyse sont jugées trop étroitement liés aux rôles des états et

minimisent de fait le rôle des autres acteurs de la mondialisation. C’est ce qu’elle va affirmer

dans l’un de ses derniers travaux en 1999 « nous devons échapper et

résister au statocentrisme inhérent à l’analyse

des relations internationales conventionnelles.

L’étude de la mondialisation doit inclure celle du

comportement des firmes tout autant que celle des

autres formes de pouvoir politique. L’économie

politique internationale doit être réassociée à

l’économie politique comparative au niveau

infranational comme au niveau de l’état ». Suivant cette

approche le pouvoir ne résulte pas les seules pressions exercées par les états mais il doit

prendre en compte l’ensemble des autres acteurs. Celle-ci défini le pouvoir comme « la

capacité d’une personne ou d’un groupe de

personnes d’influer sur l’état des choses de telle

sorte que ses préférences aient la priorité sur

les préférences des autres. L’exercice du pouvoir

relèverait de quatre structures fondamentales : la

structure de sécurité, la structure de production,

la structure financière et la structure du savoir,

des connaissances.». C’est une approche du pouvoir structurelle qui se distingue

de l’approche du pouvoir américaine, réaliste qui est d’avantage relationnelle.

1- Les quatre structures du pouvoir

6 Hétérodoxe : travail sur l’historique. Critique de l’approche libérale.

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Economie Internationale L3 AES

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Comme le souligne Susan Strange, ce découpage n’a de sens que dans la mesure où les quatre

dimensions sont mises en réseau pour faire apparaitre leur poids relatif et leurs

interconnexions.

Tout d’abord, la structure de sécurité. Susan Strange ne l’a jamais vraiment développé par la

suite. La structure de sécurité dépasse le stricte cadre militaire puisqu’elle prend aussi en

considération les questions de sécurité sanitaire, de sécurité alimentaire ou encore de sécurité

environnementale. Elle est définie comme l’ensemble des accords qui déterminent les

conditions dans lesquelles est distribuée la protection qui permet aux sociétés humaines de se

mettre à l’abri des menaces qui pèsent sur elle. La quête de sécurité est une des

caractéristiques des sociétés modernes et Susan Strange estime qu’il est peu probable qu’un

conflit militaire majeur oppose les grandes puissances occidentales qui ont plus intérêt à la

paix qu’à la guerre. Cependant, elle se distingue d’autres penseurs comme Auguste Comte ou

Raymond Aron qui pensaient que le développement du commerce international était un

facteur d’harmonie et de paix. Selon elle, l’arrogance commerciale conduit à des situations

conflictuelles mais la paix se maintient néanmoins car la guerre peut occasionner des dégâts

considérables et ruiner les accords commerciaux qui ont été établis. Dans ce contexte Strange

affirme que depuis la deuxième moitié du 20è siècle l’industrie d’armement occupe à côté des

états un rôle important et ce sont les alliances entre les états et les industries d’armement qui

vont influencer cette structure de sécurité. D’un point de vue méthodologique, le

fonctionnement de cette structure de sécurité va pouvoir être analysée à travers les

marchandages auxquels se livrent les acteurs présence. Cela dit, dans le contexte récent la

sécurité militaire n’est pas la menace la plus importante qui pèse sur les états et on peut

mobiliser cette notion de structure de sécurité pour adresser la question des catastrophes

naturelles, la question des épidémies ou encore aux questions de changement climatique.

La deuxième structure proposée est la structure de production. Elle va désigner l’ensemble

des accords qui déterminent ce qui est produit, par qui, pour qui, à quel endroit, avec quelles

méthodes (combinaison de facteurs de production) et dans quelles conditions. Dans le

contexte de la mondialisation actuelle, on peut dire que la structure de production est dominée

par les fusions acquisitions qui conduisent à donner un poids croissant aux firmes

multinationales. Selon Strange, cette concentration du capital dans les mains de grands

groupes est le produit des innovations technologiques qui amènent les entreprises à renouveler

plus rapidement leurs équipements. Ceci conduit à rendre plus coûteux le capital et en même

temps à diminuer sa durée de vie. Dans ce contexte particulier, la recherche du profit devient

un objectif d’autant plus important pour les entreprises. Comme le souligne Chavagneux, pour

autant, les états n’ont pas perdu tous leurs pouvoirs sur les entreprises puisqu’ils conservent

une capacité d’influence sur les règles du jeu économique et social au niveau des marchés

nationaux dans lesquels les firmes doivent s’inscrire. Par exemple on a pu assister à la fin des

années 90 à la mise en place des 35 heures, qui est une mesure qui n’a pas fait fuir les FMN

puisque la France est restée parmi les pays qui accueillent le plus d’investissement directs à

l’étrangers. Malgré tout, le pouvoir d’influence des états sur l’organisation de la production de

biens et services a diminué. Ils ne peuvent aujourd’hui que marchander leur place dans un

environnement de concurrence exacerbée.

La troisième structure est la structure financière. Elle est définie comme l’ensemble des

accords qui décident de la disponibilité des financements dans les différentes parties du

monde et qui définissent le niveau des taux de change entre les devises. Dans ces domaines,

les états ont clairement perdu de leur pouvoir puisqu’ils sont incapables de déterminer le

niveau des taux de change ou encore le montant des crédits disponibles à un endroit ou à un

autre. A ce sujet, Strange s’est surtout attachée à retracer dans ses travaux sur la finance

l’histoire des différentes décisions comme le passage des taux de change fixes aux taux de

change flottants ou encore la libéralisation de capitaux mais aussi l’histoire de l’absence de

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décisions politiques comme par exemple le refus de légiférer sur les paradis fiscaux qui ont

amenés la structure de finance dans son état actuel c'est-à-dire une absence totale de maitrise

des risques que cette structure financière a fait subir à l’économie mondiale. L’idée est de

démontrer que la finance est la principale zone de non droit ou de non gouvernance de

l’économie mondiale.

La quatrième structure est la structure du savoir. Elle peut se définir à un niveau plutôt abstrait

comme l’ensemble des représentations du monde et donc l’ensemble des contraintes et des

opportunités que chacun peut développer en lien avec ses représentations. Et à un niveau plus

pratique elle concerne tous les accords qui définissent les conditions permettant de découvrir,

d’accumuler, de stocker et de communiquer des informations. Ces deux représentations du

savoir sont liées selon Strange.

Elle précise que les quatre structures n’évoluent pas de manières indépendantes. Les

interactions qui peuvent exister entre ces structures vont déterminer les structures secondaires

de la mondialisation dont les plus importantes sont la structure des transports, de l’aide public

au développement, de l’énergie ou encore du commerce international. Une des grandes

erreurs des spécialistes d’économie politique internationale est de se focaliser sur ces

structures secondaires alors que à ses yeux ils négligent les structures jugées les plus

importantes à part la structure de sécurité. De ce point de vue elle réfute l’approche

économique traditionnelle qui est d’abord préoccupé par les questions de commerce

international et par le rôle que jouent les états dans ces questions de commerce international.

Roger Tooze a poursuivit ses travaux dans la même perspective. Tout comme Pierre

Berthaud, économiste à l’université de Grenoble.

2- L’approche britannique de l’EPI comme méthode de diagnostic

L’idée est de souligner que cette approche de l’économie politique internationale ne se

présente pas comme une théorie mais plutôt une méthode de diagnostic articulé en cinq

points. Cette méthode de diagnostic serait valable pour n’importe domaine qu’on souhaite

aborder.

La première étape consiste à identifier le réseau complexe d’autorité et de pouvoir qui sont à

l’œuvre.

La seconde étape consiste à mettre en évidence les accords que ces autorités ont passés entre

elles et le résultat qui en découle.

La troisième étape est de mettre en évidence l’ensemble des valeurs qui sont retenues par ces

autorités (valeurs de justice et d’équité, de liberté et d’autonomie de décision, la richesse et la

prospérité, la sécurité, à l’ordre et à la stabilité) et d’identifier comment ces valeurs se

répartissent entre les groupes sociaux et les individus.

La quatrième étape consiste à identifier les points de fragilité des accords étudiés.

La cinquième étape consiste à mettre en évidence les accords alternatifs possibles.

Si on souhaite qualifier cette approche de l’économie politique internationale on peut

reprendre ce qu’en dit Roger Tooze. Ce type d’économie politique internationale ne propose

pas une théorie mais plutôt « un champ d’investigation, un

ensemble particulier de questions et une série

d’hypothèses sur la notion de système

international et sur la façon dont on peut le

comprendre ».