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1 Procédure pénale Notes de cours de 2009-2010 MASTER 1 CARRIERES JUDICIAIRES ET SCIENCES CRIMINELLES PREMIER SEMESTRE Jean Danet

Cours Procedure Penale 2009-2010

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Procédure pénale

Notes de cours de 2009-2010

MASTER 1

CARRIERES JUDICIAIRES ET SCIENCES CRIMINELLES

PREMIER SEMESTRE

Jean Danet

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Le procès pénal

Sommaire

Introduction

1 La qualité de partie au procès.

2 L’examen préalable et l’orientation du dossier pénal.

3 La composition pénale et la CRPC.

4 L’information ou instruction préparatoire.

5 Les nullités de l’enquête et de l’instruction.

6 Les mesures privatives ou restrictives de liberté prises durant l’instruction.

7 Les caractères fondamentaux de l’audience de jugement.

8 La procédure d’audience devant le tribunal correctionnel et la cour d’assises. Aperçus.

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Présentation du cours

Ce cours de 36 heures proposé en master 1 fait suite à celui donné en licence qui

portait sur les principes généraux de la procédure pénale et sur l’enquête.

Vous avez la possibilité de choisir des TD en Procédure pénale. Ils seront enseignés

par deux praticiens, un magistrat du parquet, avocat général à la Cour d’appel de Paris M.

Jacques Bruneau, enseignant associé, et un avocat spécialisé en pénal, Me Patrick Letertre.

Présentation des séances de TD

Séance 1

Présentation des acteurs de la procédure

Attention !!!! Un exercice sera demandé pour la première séance de

TD

Présentation, Type d’exercices, et de contrôle continu,

Bibliographie,

Statistiques,

Présentation des mutations successives de la procédure depuis

1993,

L’importance de la loi Perben II et des réformes votées depuis

lors.

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(Notamment les Lois des 21 juin 2004, 26 juillet 2005, 12

décembre 2005, 23 janvier 2006, 5 mars 2007, 10 août 2007).

Présentation du code qui en résulte

Exercice oral : 1) Présenter les différents acteurs possibles du

procès pénal avec une définition de chacun d’eux et une présentation

succincte de leur fonction et statut. 2) Présenter les différents modes

de traitement des délits avec leurs caractéristiques essentielles en vous

aidant du tableau fourni et 3) en donnant ce que représente en

statistique chaque mode de traitement. Le tout en construisant des

tableaux ou schémas que vous exposerez à vos camarades.

Séance 2

L’orientation du dossier

Le traitement en temps réel, l’opportunité des poursuites,

l’intérêt de l’instruction,

L’orientation et la politique d’orientation du parquet.

Exercice écrit : note de synthèse sur les documents conseillés

et reproduits. Compte tenu de l’importance du travail demandé,

la note de synthèse pourra sous réserves de l’accord des chargés

de TD être rendue en séance 3 ou 4.

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Exercice oral : « Faut-il un débat contradictoire autour de la

décision d’orientation du dossier ? » A partir du texte proposé ci-

dessous et des documents conseillés à la lecture et reproduits, deux

exposés (l’un pour et l’autre contre) suivis d’un débat.

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Séance 3

La CRPC

Analyse de la procédure au regard des principes fondamentaux

de l’Article préliminaire du CPP et de l’Article 6 de la CEDH.

Synthèse des critiques portées à cette procédure et inventaire des

réponses qui peuvent y être apportées ?

Exercice écrit : Dissertation : La CRPC peut elle être une

procédure efficiente et respecter les droits des parties ?

Exercice oral : La procédure de CRPC pourrait-elle être étendue

à tous les crimes et délits reconnus ou faut-il imaginer une

procédure nouvelle d’audience pour les crimes et délits graves

reconnus, entre audience normale et CRPC? Débat contradictoire

entre tenants des deux propositions. Le cas échéant, troisième

exposé pour soutenir une autre position.

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Séance 4

Témoin assisté et mis en examen

Les notions de témoin assisté et de mis en examen

Les droits du témoin assisté et du mis en examen.

Exercice écrit : Commentaire de l’arrêt du 28 mars 2006 ou

du 6 mars 2007.

Exercices oraux : 1) Commenter l’article 80-1-1 du CPP

résultant de la loi du 5 mars 2007 ; 2) faites le point sur l’évolution

et 3) l’intérêt du statut de témoin assisté. 3 exposés.

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Séance 5

Les nullités

Les types de nullités, les nullités dans le code, les nullités

dans la jurisprudence,

La procédure et la purge des nullités

La sanction des nullités

Exercices oraux proposés :

L’arrêt Matheron c/ France de la CEDH illustre-t-il la

nécessité d’une réforme de la théorie des nullités en droit interne,

ou la chambre criminelle peut-elle, par son pouvoir normatif

apporter les correctifs qui s’imposent au droit positif ? Un exposé

en faveur de l’une et l’autre position.

Exercice écrit : Etablir une note de synthèse sur l’évolution

de la jurisprudence de la chambre criminelle relative aux écoutes

téléphoniques concernant un avocat.

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Séance 6

Détention provisoire et délai raisonnable

Le contrôle du délai raisonnable sur la détention provisoire

Le champ de la détention provisoire

La procédure de mise en détention

Exercice écrit : note de synthèse à partir de documents

conseillés à la lecture et reproduits (N. B. tenir compte des

modifications apportées par la loi du 5 mars 2007).

Exercice oral : La loi du 5 mars 2007 (sa modification de l’article

144 du CPP ainsi que la création du mécanisme prévu par l’article

221-3 nouveau du CPP) suffit-elle à corriger les défauts de la

procédure pénale française en matière de détention provisoire ?

Exposé pro et contra

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Séance 7

Les caractères fondamentaux de l’audience

Oralité des débats et publicité

La publicité des audiences de fond et de procédure, le huis

clos et ses nouveaux critères dans la loi du 9 mars 2004 et celle

du 5 mars 2007, l’enregistrement des dépositions à l’audience

(loi du 9 mars 2004), les questions des parties et du président, le

rôle du président d’assises et de correctionnelle dans le

déroulement des débats, l’utilisation du dossier lors de

l’instruction d’audience. Et les perspectives d’une entrée des

caméras dans les enceintes judiciaires.

Ou « de l’influence de textes mineurs sur le déroulement de

l’audience ».

Le lien entre ces textes et les principes du procès équitable.

Exercice oral : Exposé des différentes règles afférentes à ces

questions de l’oralité des débats et de la publicité en

montrant les évolutions des textes et de la pratique ainsi que

les effets conjoints de ces évolutions.

Exercice écrit : Commentaire des articles 145 alinéa 6 et 199

du CPP résultant de la loi du 5 mars 2007 sur la publicité des

audiences relatives à la détention provisoire.

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Séance 8

Le débat contradictoire et la comparution personnelle des

parties

Analyse des nouveaux textes relatifs à la comparution en

correctionnelle et à la procédure de défaut aux assises, de leur

genèse (jurisprudence de la CEDH et de la cour de cassation) et

réflexion sur les modifications à en attendre.

Exercice oral : 2 Exposés proposés

1) sur la compatibilité entre le principe du contradictoire et

l’oralité des débats.

2) sur les règles de comparution en correctionnelle et le principe

du contradictoire.

Exercice écrit : commentaire des deux décisions suivantes : l’arrêt

de la CEDH du 6 mai 2002 et l’arrêt de l’Assemblée Plénière de la

Cour de Cassation du 2 mars 2001 (un seul commentaire commun

des deux décisions).

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Séance 9

L’intime conviction et la motivation des décisions de cours

d’assises

Qu’est ce que l’intime conviction ? Comment la définir ?

Quel est son rapport avec la question de la motivation des

décisions ?

Quelle comparaison peut-elle être faite entre l’intime conviction

et l’absence de doute raisonnable ?

Exercice oral : Plaidoyer pour et contre la possible

motivation des décisions de cours d’assises.

Exercice écrit : Dissertation : les jurés et l’intime conviction.

*

* *

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L’objectif pédagogique du cours :

Ce qu’il ne peut pas être : tout traiter en cours. L’exposé complet de la matière,

dans des manuels représente entre 900 et 1200 pages ! ! !

Un exposé même incomplet du droit positif sur tous les sujets serait absurde.

Vous sortiriez du cours en ayant une vue totalement faussée de la matière.

Ce qu’il peut être : Il peut d’abord vous donner les grandes lignes de la matière.

Les notions fondamentales.

Les enjeux de la matière ensuite. On ne comprend la procédure que si on

comprend ce qui se joue et comment ça se joue, en action. Il n’est pas question d’être

déconnecté des questions de justice, des conséquences pour les justiciables (c’est aussi de

libertés individuelles qu’il est question et de bonne ou mauvaise justice).

On peut en cours exposer les éléments de la réflexion sur les thèmes que nous

aborderons plus spécialement et apprendre à aborder une question de procédure. Pour

pouvoir faire de même, par vous-même, demain.

Apprendre à être autonome dans votre réflexion et savoir vous diriger dans

l’univers du procès pénal.

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L’objectif pédagogique des TD

Ce qu’ils ne doivent pas être : une leçon particulière en plus du cours, un lieu où

l’on va avec crainte, un lieu d’où l’on sort bien content si on a pu éviter d’avoir à

prendre la parole.

Ce qu’ils peuvent être :

Pour la préparation, un lieu où l’on apprend à lire la documentation, à

l’exploiter, voire à pousser un peu la recherche sans perdre de temps. A ce sujet, les

documents contiennent des conseils de lecture en plus des documents reproduits.

Le TD doit être un lieu où l’on apprend à débattre, à construire une

argumentation par oral, à écouter, respecter et répondre avec habileté et pertinence aux

arguments de l’autre, un lieu où l’on apprend la complexité (à cent lieues des simplismes

de certains médias sur la justice) à utiliser ses lectures, à consolider ses connaissances en

écoutant les autres, y compris les chargés de TD.

D’où les exercices oraux proposés : beaucoup d’exercices autour du pour et du

contre, l’apprentissage de présentation synthétique aussi : la durée des interventions

orales sera très strictement encadrée.

Le choix de proposer beaucoup d’exercices sous la forme de deux exposés « le

pour et le contre » se veut l’apprentissage d’un principe fondamental du procès mais

plus largement de l’élaboration de la décision : le contradictoire. La prise de conscience

aussi que toutes les opinions peuvent être soutenues et débattues. Les TD de procédure

ne peuvent négliger la question de leur propre procédure ! ! !

On y fera évaluer aussi sa capacité à l’écrit par des exercices corrigés. Des

commentaires d’arrêts, des notes de synthèse (tellement nécessaires pour les concours !)

des dissertations. On a exclu les cas pratiques qui supposeraient une connaissance plus

approfondie de la procédure et l’utilisation de dossiers ce qui n’est, en l’état, pas

réalisable.

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Les outils ou la bibliographie

Bibliographie Générale :

Usuels absolument nécessaires pour les TD :

Code de procédure pénale 2010 Dalloz ou Litec

Un manuel parmi beaucoup et notamment:

F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure

pénale, Economica, première édition, 2009.

S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, Litec 4éd. Edition

2008.

J. Pradel, Procédure pénale, 14ème éd. 2008/9 Cujas, ou édition

suivante si parue.

G. Stefani, G. Levasseur, B. Bouloc, Procédure pénale, Précis

Dalloz, 21 éd. 2007.

E. Vergés, Procédure pénale, Objectif droit, 2 éd. Litec, 2007.

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Traités et autres ouvrages à consulter

Traités :

R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, Tome II

Procédure pénale, 5e éd. 2001.

M.L. Rassat, Traité de procédure pénale, PUF, 2001.

Encyclopédies et dictionnaires

Encyclopédie Dalloz, Dir Y. Mayaud

Jurisclasseur de procédure pénale, Dir H. Angevin

et A. Decocq

Dictionnaire de la justice, Dir. L. Cadiet, PUF

2004

Autres manuels et ouvrages

J. F. Renucci, Droit européen des droits de l’homme,

LGDJ,

F. Sudre Droit international et européen des droits de

l’homme, PUF,

F. Saint- Pierre, Le guide de la défense pénale,

Dalloz, 2007

C. Lazerges (Dir.), Figures du parquet, PUF., 2006

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G .Giudicelli-Delage et C. Lazerges (Dir.), La victime

sur la scène pénale en Europe, PUF. 2008.

J. Danet, Défendre, pour une défense pénale critique,

Coll. Etats de droit, Regards sur la justice, 2 éd. 2004,

Dalloz.

J. Danet, Justice pénale, le tournant, Folio, Gallimard,

2006.

Revues :

Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, RSC

Droit pénal, DP

AJ Pénal, AJP

Revue pénitentiaire et de droit pénal, RPDP

Revue de droit pénal et de criminologie, RDPC

Revue internationale de criminologie et de police scientifique,

RICPTS

Revue trimestrielle des droits de l’homme, RTDH

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Le cours

Une seule nécessité : on vient en cours avec son code !

Les temps du cours :

1) A l’écran : les notes de cours.

2) Le temps du cours est d’abord celui de l’explication

détaillée du droit positif, des textes, de la

jurisprudence (le sens d’une évolution, des

précisions sur ce qui fait problème à partir de vos

questions). Pas de références d’arrêts sur les

questions qui ne font pas débats depuis longtemps,

elles sont au code et vous pouvez donc les retrouver.

3) Il est aussi le temps de l’explicitation des enjeux

plus larges, des pratiques, des indications de

bibliographie. Le temps du débat aussi. Vous

pouvez prendre des notes, mais elles n’ont pas

besoin d’être exhaustives. L’idéal : le temps 3 serait

le plus souvent possible celui de la troisième heure

du cours.

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L’examen

Pour les étudiants qui ne suivent pas les td, deux questions en deux heures ou

deux heures trente. Ce ne sont pas des questions de cours mais plutôt de synthèse.

Pour les étudiants ayant choisi TD, des questions du même type, ou une

dissertation ou un commentaire d’arrêt ou une mini note de synthèse, bref des

exercices que vous aurez fait en td.

Le contrôle continu : un écrit, un oral, une participation

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En guise d’introduction

En guise d’introduction à ce cours de procédure pénale qui vient pour les

étudiants ayant fait leur cursus à Nantes après un cours de droit processuel et un

premier semestre de procédure pénale, je vous propose de commencer tout

simplement par deux commentaires : le commentaire du sommaire de ce cours.

Et le commentaire de la table des matières du CPP.

Commentaire du sommaire.

Pourquoi cette présentation, cette organisation des titres du cours ? Pour

souligner les tendances, et ce qui fait débat, ou ce qui émerge. Ce ne sont pas les

subdivisions du code.

Pour vous faire prendre conscience de ce que la procédure pénale bouge

beaucoup. En même temps que le droit pénal et notamment le droit pénal spécial.

Ils sont les instruments de la politique criminelle, en espérant qu’elle ait une

unité.

Citons les plus importantes des réformes de cette décennie qui le plus souvent

touchent à la fois la procédure et le fond du droit pénal :

La loi n°2000-516 du 15 juin 2000 sur la présomption d’innocence et les droits des

victimes.

La loi n°2001-1062 du 15 novembre 2001 sur la sécurité quotidienne.

La loi n°2202-307 du 4 mars 2002 modifiant la loi renforçant la protection de la

présomption d’innocence et les droits des victimes.

La loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la

sécurité intérieure.

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La loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la

justice (dite Perben I).

La loi n° 2003-88 du 3 février 2003 visant à aggraver les peines punissant les

infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe.

La loi n° 2003-87 du 3 février 2003 relative à la conduite sous l'influence de

substances ou plantes classées comme stupéfiants.

La loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

La loi constitutionnelle n° 2003-267 du 25 mars 2003 relative au mandat d'arrêt

européen.

La loi n°2003-495 du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière.

La loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la

criminalité (dite Perben II).

La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

La loi n° 2005-47 du 26 janvier 2005 relative aux compétences des juridictions de

proximité.

La loi n°2005-1549 du 12 décembre 2005 sur la récidive.

La loi n°2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme.

La loi n°2006-399 du 4 avril 2006 sur la prévention et la répression des violences au

sein du couple ou contre les mineurs.

La loi n°2007-291 du 5 mars 2007 sur l’équilibre de la procédure pénale.

La loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

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La loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs

et des mineurs.

La loi n°2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la

déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Prenons l’une des plus importantes d’entre elles et voyons comment s’y prend le

législateur pour réformer la procédure.

L’importance de la loi du 9 mars 2004 pour le procès pénal : un aggiornamento

Presque tout l’objet de notre programme a fait l’objet de modifications.

Importance de la diversité de ses modifications.

Elle crée d’abord. Elle innove depuis les juridictions (T.A.P., C.A.P.), les procédures

(C.R.P.C., procédures d’exception en matière de criminalité organisée), en passant par les

infractions (le «contrat ») ou les peines (le stage de citoyenneté).

Elle réforme des textes «anciens », (tout est relatif en droit pénal) en tout cas des

textes qui n’avaient pas été touchés dans les dernières années. On pense à la contumace, les

mandats et leur exécution, l’application des lois de prescription dans le temps ou la contrainte

par corps.

Elle tire un bilan de certaines innovations du nouveau code pénal. Citons ici la

responsabilité pénale des personnes morales.

Elle revient sur certaines des innovations de la loi du 15 juin 2000 tel le double regard

du juge d’instruction et du JLD sur la détention, et l’intervention de l’avocat en début de

garde à vue repoussée en certains cas.

Elle la contourne par les pouvoirs donnés à la police en phase d’enquête, par le mandat

de recherche, et de nouveaux pouvoirs donnés au JLD qui vont peut-être permettre de retarder

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voire éviter l’ouverture d’informations en matière délictuelle et par là même retarder ou

empêcher l’exercice des droits qui y sont attachés.

Mais elle prolonge parfois l’esprit de la loi du 15 juin 2000 en achevant la

juridictionnalisation de l’application des peines.

Elle retouche certaines dispositions, pourtant très récentes, et corrige de ci de là, la loi

Perben I de septembre 2002, la loi du 3 février portant aggravation des peines punissant les

infractions à caractère raciste antisémite ou xénophobe, la loi du 18 mars 2003 sur la sécurité

intérieure et celle du 12 juin 2003 sur la violence routière. On pense à des quanta d’amendes

corrigés, à l’application de circonstances aggravantes de racisme, au FNAE ou au juge de

proximité.

Elle «reprise » même pourrait-on dire, pour filer jusqu’au bout la métaphore

empruntée à la couture, des retouches effectuées par de précédentes lois. Ainsi en est-il de la

composition pénale créée en 1999 qui venait d’être modifiée en 2002.

Elle simplifie certains dispositifs procéduraux, elle les rationalise avec le souci

louable, mais presque obsessionnel de gagner du temps, de traquer les temps morts,

d’anticiper les échecs, d’éviter les contretemps, d’articuler par exemple jugement de fond et

exécution des peines ou de prévoir par avance la sanction de l’échec d’une peine alternative.

Elle légalise des pratiques jusque là non écrites et je pense bien sûr à la retenue.

Elle codifie le droit de l’extradition.

Elle intègre la norme internationale au droit interne avec le mandat d’arrêt européen et

la jurisprudence européenne avec notamment les règles de comparution ou l’abrogation du

délit d’offense à chef d’état étranger.

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Elle accroît la répression en augmentant le quantum de peines encourues pour d’assez

nombreuses infractions ou en ajoutant des circonstances aggravantes pour d’autres.

Innover, réformer, tirer des bilans, grignoter les réformes précédentes, les contourner,

les retoucher, les repriser, simplifier, rationaliser, légaliser, codifier, intégrer la norme

internationale, et accroître la répression, la loi Perben II, on le voit, a recours à toutes les

techniques de la réforme.

La loi Perben II est donc à la fois un texte très politique et très technique.

Elle se veut un aggiornamento de la justice pénale comme d’ailleurs son titre le dit

explicitement, un titre dont on doit souligner qu’il ne vise pas seulement la criminalité

organisée. En cela, elle est d’une certaine façon le pendant de la loi du 18 mars 2003 sur la

sécurité intérieure, dans l’ordre judiciaire, chacune des deux faisant suite à une loi de

programmation1

Elle entend donner à la police judiciaire et à la justice pénale des outils rénovés,

adaptés aux technologies nouvelles afin de rechercher, poursuivre, juger et sanctionner les

auteurs d’infraction avec plus d’efficacité. Il en résulte une autre organisation de l’espace et

du temps judiciaire très marquée par les nouvelles technologies. L’unité de temps et de lieu du

procès pénal se défait tandis que la cartographie des compétences judiciaires se complexifie

avec à la clé de véritables déplacements des enjeux et donc une nouvelle distribution des

pouvoirs, des rôles, des hiérarchies.

Plus que jamais avec cette loi, notre droit et notre procédure pénale poursuivent une

mutation qui les amène à se penser toujours plus comme en charge d’assurer une réponse au

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risque d’insécurité, avec des procédures d’exception conçues pour affronter les risques perçus

comme majeurs par le législateur. Ainsi, la notion de «criminalité organisée » dessine-t-elle

de manière transversale à la classification tripartite des infractions de nouveaux fléaux qui

justifient le recours à des procédures d’exception. Mais la liste des infractions qui y sont

rattachées ne semble pourtant pas évidente. Le conseil constitutionnel n’a accepté d’y

maintenir le vol en bande organisée qu’avec une réticence exprimée dans une réserve

d’interprétation. Le blanchiment n’y a été introduit qu’au cours des débats parlementaires et la

corruption en est encore étrangement absente.

Le traitement des délits est diversifié avec un élargissement de la palette de réponses

susceptibles d’y être apportée en amont ou non des poursuites, avec l’espoir explicite d’en

finir à terme avec les «classements secs » non motivés. Mais, cette mission de répondre et

prévenir le risque d’insécurité marque aussi profondément le temps de l’application et de

l’exécution des peines, le temps d’après la prison aussi, avec le contrôle socio-pénal (sorties

de prison aménagées, suivi socio-judiciaire, fichier judiciaire des délinquants sexuels).

Et cependant malgré l’ampleur de cette réforme, huit autres textes ont depuis lors

touché la procédure. D’autres sont annoncés sans compter une réforme vraisemblable de la

carte judiciaire qui touchera la procédure pénale en tout cas sa pratique. C’est parfois une

affaire telle celle d’Outreau qui les a générées. Ce sera demain celle de la récidive D’Evrard à

l’été 2007. C’est parfois l’évolution d’une criminalité ou les mouvements d’opinion autour

d’une délinquance précise (terrorisme, violences dans le couple). C’est parfois l’évolution de

la technologie (l’économie numérique), ou l’évolution de l’institution judiciaire (juges de

proximité) ou celle de la politique criminelle (prévention, récidive).

Lisons ensemble la table des matières du CPP telle qu’elle se présente

aujourd’hui dans ses grandes masses et nous allons au passage signaler les parties

sur lesquelles nous nous attarderons.

1 Lois n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et n°

2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice,

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PREMIERE PARTIE LEGISLATIVE

Article préliminaire (important, à lire, relire et méditer ! !)

Titre préliminaire De l’action publique et de l’action civile (Voici les deux « actions » qui sont celles de nos acteurs de la procédure, du moins ceux qui

vont être à l’origine du procès pénal, par l’étude desquels nous débuterons.)

Livre premier De l’exercice de l’action publique et de

l’instruction

Titre premier Des autorités chargées de l’action

publique et de l’instruction (Un mot d’explication historique sur ce découpage)

Chapitre premier de la police judiciaire Voir cours L3

Chapitre 1 bis Des attributions du Garde des sceaux

ministre de la justice

Chapitre 2 Du ministère public

Titre deuxième Des enquêtes et des contrôles d’identité

(Voir cours L3)

Titre troisième Des juridictions d’instruction

C’est l’une des parties importantes du cours.

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Livre deuxième Des juridictions de jugement

Titre premier De la cour d’assises

Titre deuxième Du jugement des délits

Ici encore, allons voir dans le détail, car on y trouvera beaucoup de nouveautés

relatives (2004 notamment) qui vont nous intéresser.

Titre troisième du jugement des contraventions

Livre troisième Des voies de recours extraordinaires

Livre quatrième De quelques procédures particulières

C’est de l’humour législatif ! ! ! Car vous n’avez pas moins de 26 titres ! ! !

Lisons-les !

Qu’en conclure ?

Il y a des procédures d’exception, une série de codes dans le code qu’on ne peut pas

oublier.

Livre cinquième Des procédures d’exécution

Important mais nous ne ferons qu’une rapide incursion si nous en avons le temps à

propos de l’audience d’application des peines.

SECONDE PARTIE REGLEMENTS D’ADMINISTRATION

PUBLIQUE ET DECRETS EN CONSEIL D’ETAT

La partie réglementaire, nous ne l’utiliserons qu’assez peu.

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En revanche ne négligez pas les annexes ! !

Avec bien sûr la CESDH et les arrêts cités de la CEDH. C’est 140 pages de code tout

de même dans l’édition Dalloz !

Avec le pacte international, la charte des droits fondamentaux

Et l’ordonnance de 1945 sur les mineurs (qui concerne aussi la procédure)

Page 29: Cours Procedure Penale 2009-2010

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1. La qualité de partie au procès.

L’action publique

Elle est exercée, au nom de la société, par le ministère public et elle a pour

objet l’application de la loi pénale à l’auteur de l’infraction afin de réparer le

dommage qu’il a causé à la société.

L’action civile

Elle est ouverte à la victime d’une infraction pénale devant une juridiction

répressive; son objet : la réparation du dommage personnel que lui a causé cette

infraction.

SECTION 1 LES DEMANDEURS A L’ACTION

PUBLIQUE

Le parquet ou ministère public

SECTION 2 LES DEMANDEURS A L’ACTION CIVILE

Les victimes

La place particulière des associations

Article 2-1 et suivants CPP

Page 30: Cours Procedure Penale 2009-2010

30

SECTION 3 LA PLACE PARTICULIERE DE

CERTAINES ADMINISTRATIONS

Des « substituts extérieurs » ou « parquets-bis »

Une action publique tantôt concurrente, tantôt conjointe à

celle du MP

Page 31: Cours Procedure Penale 2009-2010

31

Avant tout exercice de l’action publique, de quoi dispose-t-on ? D’un dossier de police

le plus souvent et en tout cas de l’information selon laquelle des infractions peuvent être

imputées à une ou à plusieurs personnes connues ou non.

Nous avons aussi parfois un trouble à l’ordre public avec le cas échéant un dommage

causé à une ou plusieurs victimes.

Deux « actions » vont pouvoir être engagées :

1ère action : celle destinée à sanctionner l’atteinte à l’ordre public et à l’intérêt général.

Elle se définit selon le Vocabulaire Capitant comme celle qui est exercée au nom de la société

par le ministère public et qui a pour objet l’application de la loi pénale à l’auteur de

l’infraction afin de réparer le dommage qu’il a causé à la société. Le ministère public apparaît

logiquement comme l’acteur principal de la procédure, partie principale au procès pénal.

2ème action, l’action civile qui désigne celle qui est ouverte à la victime d’une

infraction pénale devant une juridiction répressive; son objet : la réparation du dommage

personnel que lui a causé cette infraction. La victime est un acteur secondaire de la procédure

pénale.

Mais entre les deux, nous avons deux séries d’acteurs qui, peu à peu, ont pris leur

place

1) Certaines administrations

2) Certaines associations

Aussi verrons-nous tout ceci en trois sections distinctes: Cf. écrans précédents

Commençons par le parquet, acteur central, si l’en est, du procès pénal.

Page 32: Cours Procedure Penale 2009-2010

32

SECTION 1 LES DEMANDEURS A L’ACTION

PUBLIQUE

Le parquet ou ministère public

Présent auprès de toutes les juridictions répressives, d’instruction ou de jugement, de

droit commun ou d’exception (Art. 32 CPP), le ministère public est composé de magistrats,

mais ces magistrats tant qu’ils occupent ces fonctions ne sont pas des juges.

Organisation Revoyez le détail de ce qu’est le ministère public auprès des différents

juridictions mais retenez l’essentiel : un parquet par TGI, un parquet général au niveau de

chaque cour d’appel, le tout sous l’autorité du garde des Sceaux. Le parquet près la cour de

cassation n’a pas l’autorité hiérarchique sur les parquets des cours d'appel (c'est un parquet

général spécial, ce n’est pas lui qui saisit la Cour de cassation, il est partie jointe).

La composition d’un parquet.

Un caractère hiérarchisé. Les membres du MP (Ministère public) sont nommés par

décret du président de la république, L’avis du CSM n’est qu’un avis simple et encore pour

les PG, nommés en conseil des ministres, il n’est pas requis d’avis du tout ! Nota bene, la

réforme de la constitution de l’été 2008 n’a rien changé à cela.

Conséquences de ce caractère hiérarchisé :

Article 30 du CPP loi du 9 mars 2004 : le pouvoir du garde des Sceaux.

Article 34, 35 et 36 du CPP : formules plus insistantes sous la forme Perben II

Des sanctions disciplinaires possibles.

Certes il existe des limites à ce caractère hiérarchisé du parquet: le pouvoir propre du

chef de parquet : poursuivre ou refuser de poursuivre, pouvoir de plus en plus encadré

cependant, ainsi que la liberté de parole à l’audience. Donc des postes très politiques surtout

dans certaines juridictions.

Caractère indivisible : explication

Page 33: Cours Procedure Penale 2009-2010

33

Fonctions : Poursuivre, Article 31

Pour cela, le parquet dispose de pouvoirs au niveau de l’enquête, accrus récemment

(en 2004 avec le mandat de recherche) ; il peut accomplir tous actes d’enquête en crime ou

délit flagrant, constater les infractions, recevoir les plaintes et les dénonciations ; il va avoir

un rôle très actif tout au long de l’instruction, depuis la saisine jusqu’à la fin.

Il dirige la police judiciaire Art. 41 et 42 et le PG peut saisir la chambre de

l’instruction pour engager des poursuites disciplinaires contre des membres de la police

judiciaire.

C’est lui qui est chargé de l’exécution des peines ou plutôt de leur mise à exécution en

concurrence désormais, il est vrai, en certains cas avec le JAP.

Tout ceci, c’est la présentation classique du parquet. En gros, celle que l’on pouvait

déjà faire il y a trente ans à quelques nuances près.

Voyons maintenant quelles sont les questions qui ont été soulevées ces dernières

années à propos du Parquet et les réponses qui y ont été faites, avant de terminer par les

perspectives de réforme.

D’abord le fait que cet accusateur soit magistrat et soumis à l’autorité hiérarchique du

pouvoir exécutif fait débat. Existe-t-il un problème d’impartialité ?

Extraits du code Dalloz Expert 2008 sur cette question :

_ b. Magistrats du parquet.

_ 33. Impartialité fonctionnelle du parquet. Aucune atteinte à l'indépendance et à

l'impartialité de la chambre d'accusation ne résulte du fait que le représentant du ministère

public présent lors du prononcé de l'arrêt ait précédemment connu, en tant que juge

d'instruction, de l'affaire dont elle est saisie. Crim. 3 nov. 1992: Dr. pénal 1993. Com. 99,

obs. Maron. La garantie du droit à un tribunal indépendant et impartial, énoncée à l'article 6,

§ 1, Conv. EDH, ne vise que les juges et non pas le représentant de l'accusation ou celui de la

défense. Crim. 6 mai 1996: Bull. crim. no 187; Petites affiches 1997. 102. 8, note Josserand

6 janv. 1998: Bull. crim. no 1; D. 1999. 246, note Yildirim; RG proc. 1998. 461. Chron.

Rebut; Procédures 1998. Comm. 96, note Buisson; Gaz. Pal. 1998. 1. Chron. 79, note

Page 34: Cours Procedure Penale 2009-2010

34

Doucet; Dr. pénal 1998. Comm. 40, obs. Maron. Le magistrat qui a occupé les fonctions du

ministère public auprès d'une cour d'assises dont l'arrêt a été cassé, peut, sans que puisse être

invoquée une violation de l'article 6 Conv. EDH, exercer les mêmes fonctions devant la cour

d'assises de renvoi. Crim. 10 déc. 1986: Bull. crim. no 370; D. 1987. Somm. 85, obs.

Pradel. ... Ou devant la cour d'assises statuant en appel. Crim. 21 mai 2003: Bull. crim. no

103; D. 2003. IR. 2052; JCP 2003. IV. 2266. Aucune disposition légale n'interdit que le

ministère public soit représenté devant la juridiction de renvoi par le magistrat ayant siégé lors

des débats de la juridiction dont la décision a été cassée. Crim. 19 mars 1998: Bull. crim. no

106; Dr. pénal 1998. Comm. 26, obs. Maron. Aucune disposition de loi n'interdit à un

magistrat du ministère public de requérir successivement contre le même accusé devant la

chambre d'accusation et devant la cour d'assises. Crim. 23 nov. 1966: Bull. crim. no 266; D.

1967. Somm. 19. Selon l'art. 6, § 1, Conv. EDH et l'art. préliminaire, al. 2, C. pr. pén., toute

personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial. Il en

résulte que ne peut participer au jugement d'une affaire un magistrat qui en a connu en qualité

de représentant du ministère public. Crim. 5 déc. 2001: Bull. crim. no 253 24 mai 2005:

Bull. crim. no 152; D. 2006. Pan. 619, obs. Pradel; JCP 2005. IV. 2551; AJ pénal 2005. 290,

obs. Enderlin; RSC 2005. 935, note Renucci.

_ 34. Impartialité personnelle du parquet. La garantie du droit à un tribunal

indépendant et impartial, énoncée à l'art. 6, § 1, Conv. EDH, ne vise que les juges et non pas

le représentant de l'accusation; le ministère public ne décidant pas du bien-fondé de

l'accusation en matière pénale, le moyen pris de la partialité éventuelle de ce magistrat est

inopérant. Crim. 6 janv. 1998: préc. note 33. A les supposer établis, des faits étrangers à

la conduite de l'action pénale concernant la procédure en cours, en l'espèce les conditions

déloyales dans lesquelles une action pénale aurait été exercée contre l'intéressé au cours d'une

précédente poursuite devant la même juridiction, ne constituent pas un motif, au sens de l'art.

662 C. pr. pén. et de l’art. 6 Conv. EDH, pour attribuer à un autre tribunal la connaissance de

l'affaire. Crim. 20 mars 1996: Bull. crim. no 124.

Sur l’évolution du parquet depuis 2004,

cf. documents annexes aux notes de ce cours :

Extraits de « Défendre » 2 éd. 2004, J. Danet

Extrait de « justice pénale, le tournant », 2006 J. Danet

Page 35: Cours Procedure Penale 2009-2010

35

SECTION 2 LES DEMANDEURS A L’ACTION CIVILE

Les victimes

Je ne vais pas traiter ici de l’action civile dans toutes ses dimensions, il y faudrait des

heures.

Disons d’abord que la victime a un rôle secondaire. A la lecture de l’art. 1 du CPP,

c’est net

Mais son action n’en est pas moins très complexe : action en réparation mais aussi

action vindicative.

Vous lirez les développements de J Pradel sur la justification des prérogatives

pénales contenues dans l’action civile [l’intérêt de la partie lésée, (faciliter la preuve de son

préjudice, assouvir son besoin de vengeance), l’intérêt de la justice pénale,, (en terme

d’opportunité des poursuites (contra rapport Magendie) recherche des preuves la victime sert

le procès), la détermination de la sanction mieux cernée grâce à la victime] et de la

compétence civile donnée à la juridiction pénale (simplification de la procédure !,

économie de temps pour la victime, réparation complément de peine). Il faut bien avoir à

l’esprit qu’elles sont à la fois toutes présentes et toutes contestables et que d’ailleurs elles ne

parviennent pas à convaincre nombre de nos voisins chez qui la victime n’a rien à faire dans

le procès pénal.

Caractère accessoire de l’action civile : il faut qu’il existe une infraction pénale

punissable

Nécessité d’un préjudice certain qui peut prendre la forme d’une perte de chance.

S’agissant des personnes physiques, nécessité d’un préjudice directement causé par

l’infraction .Article 2 mais le législateur a élargi un peu la portée de ce principe Article 3

alinéa 2

Cf. accidents de la circulation aujourd’hui des applications diverses

Nécessité d’un préjudice personnellement souffert par la victime, mais là encore des

extensions aux héritiers dans divers cas

Exclusion des demandeurs faisant état d’un préjudice d’autrui ou collectif ou social.

Ainsi les créanciers ou le cessionnaire qui peut agir devant la juridiction civile mais pas

pénale. Mais on a admis l’intervention volontaire de l’assurance subrogée dans les droits de

Page 36: Cours Procedure Penale 2009-2010

36

la victime, de la sécurité sociale ou du fonds de garantie et de l’Etat et les collectivités

publiques pour les fonctionnaires victimes.

S’agissant des personnes morales

Les syndicats vont être autorisés à agir s’ils invoquent un intérêt professionnel et

collectif distingué du préjudice individuel et du préjudice social. Idem pour les ordres

professionnels.

Voir aussi sur l’exemple récent du conseil général de Vendée Crim 19 12 2006 (doc

JD 2007 J104)

La place particulière des associations

Article 2-1 et suivants du CPP

Au départ une hostilité de principe de la jurisprudence à voir les associations se

constituer partie civile devant la juridiction répressive pour y faire valoir un préjudice

directement causé par une infraction à l’intérêt collectif qu’elles défendaient. Pour la

jurisprudence en 1913, les associations ne représentaient que leurs membres alors que les

syndicats étaient légalement investis de la charge de représenter une profession. Pas d’intérêt

susceptible de fonder une action civile collective destinée à défendre un quelconque intérêt

collectif.

Puis des assouplissements, en matière de chasse, au regard de la mission confiée par

la loi à certaines associations ainsi que pour les associations sportives. Mais la règle générale

demeure.

Elles peuvent bénéficier d’un texte leur reconnaissant le droit d’agir ou d’intervenir.

Ces textes sont au tout début du CPP Art. 2-1 à 2-21 et dans des lois particulières.

Il faut cependant distinguer plusieurs cas de figures un peu différents.

En certains cas le législateur a donné aux associations le droit d’agir .

Dans d’autres cas un droit d’intervention parfois.

Dans l’un et l’autre catégorie il s’y ajoute parfois la condition tenant à l’autorisation de

la victime.

Droit d’action s’exerçant à l’instar de l’action publique sur le fondement d’un intérêt

général. Pas besoin de démontrer un préjudice direct ou indirect causé par l’infraction à

l’intérêt dont l’association a la charge par ses statuts. Il faut qu’elles soient régulièrement

Page 37: Cours Procedure Penale 2009-2010

37

déclarées à la date des faits et avoir pour objet de lutter contre les comportements incriminés.

S’y ajoute une condition tenant à la durée de vie de l’association 5 ans. N.B. Elles peuvent

donc ainsi déclencher l’action publique.

Ce sont les droits prévus aux Articles

2-1 en matière de racisme et discriminations

2-2 de violences sexuelles et atteintes graves aux personnes

2-4 de crimes contre l’humanité

2-6 de discriminations fondées sur le sexe et les mœurs

2-8 de discriminations à l’égard des malades et handicapés

2-10 de lutte contre l’exclusion sociale

2-13 de défense et protection des animaux

2-14 de défense de la langue française

Outre la lutte contre le tabagisme, la défense du droit des femmes à la contraception et

à l’avortement, la lutte contre les infractions de presse en matière de racisme et d’apologie

des crimes de guerre.

Droit d’action encore mais cette fois subordonné à la démonstration de ce que les

faits ont causé un préjudice direct ou indirect à la mission remplie par l’association.

Nous sommes ici très près de l’action donnée aux syndicats. Il s’agit

2-5 résistants et déportés

2-11 défense des anciens combattants et victimes de guerre

Et beaucoup de textes spéciaux dans d’autres codes.

Droit d’intervention

Ici, on a un droit seulement d’intervention au procès pénal déjà engagé par la victime

ou le ministère public. En matière

2-3 de défense de l’enfance martyrisée et des mineurs victimes d’agression sexuelle

2-9 de défense des victimes du terrorisme

2-12 de lutte contre la délinquance routière

2-15 de défense de victimes d’un accident survenu dans les transports collectifs

Page 38: Cours Procedure Penale 2009-2010

38

2-16 de stupéfiants

2-17 de défense des droits et libertés lutte contre les sectes

2-18 de défense des victimes d’accident s du travail

2-19 de défense des maires

2-20 de locataires et propriétaires d’immeubles

2-21 de protection archéologique

Avec parfois, on l’a dit, l’exigence de l’accord de la victime à leur intervention

Bref, ces textes sont à examiner avec beaucoup d’attention quand on a à les mettre en

œuvre ! ! !

Il est bien difficile au plan des intérêts pris en compte de trouver des lignes directrices.

Qu’y trouve-t-on ? De tout Toute sorte d’intérêts sociaux que ces associations sont

censées protéger.

Corps humain, moralité famille, consommateurs, les animaux, la liberté et égalité

(discriminations, sectes) environnement, fédérations de pêcheurs, tranquillité des immeubles

et culture (archéologie).

Des conditions exigées un peu différentes, bref un mille feuille ! ! !

Danger ! ! !

Page 39: Cours Procedure Penale 2009-2010

39

SECTION 3 LA PLACE PARTICULIERE DE

CERTAINES ADMINISTRATIONS

Des « substituts extérieurs » ou parquets-bis

Une action publique tantôt concurrente, tantôt conjointe à

celle du MP

Certains fonctionnaires se voient confier par la loi un droit d’action publique limité à

quelques infractions limitativement énumérées qui n’entrent pas dans la compétence’ de droit

commun du PR. C’est une position ancienne qui concerne des domaines de haute technicité

dans lesquels on estimait que les OPJ et APJ seraient moins compétents. L’argument est plus

faible aujourd’hui avec la constitution de groupes pluridisciplinaire comme les G.I.R. En tout

cas on a là des substituts extérieurs encore appelés par les praticiens « procureurs-bis ».

C’est une action publique spéciale qui est ainsi confiée à l’administration.

Pour plusieurs raisons : l’action publique du PR demeure possible soit concurremment

à cette action spéciale soit conjointement. Elle est aussi destinée à permettre la réparation des

dommages d’intérêt général dont ces administrations ont la charge. Nous verrons que cela a

des conséquences en termes d’infractions car nous avons des infractions spéciales qui

s’ajoutent aux infractions de droit commun (ex. délits douaniers ou fiscaux) de sanctions. Et

enfin l’administration peut transiger avant ou après le jugement sur le « délit spécial ».

Action concurrente : l’administration peut engager l’action publique

indépendamment du PR. Sauf exception le PR peut exercer l’action publique avant que le

fonctionnaire n’agisse. Et il peut requérir à l’audience dans un sens contraire à

l’administration.

Exemples

Eaux et forêts

Article L153-1

L'administration chargée des forêts exerce, tant dans l'intérêt de l'Etat que dans celui

des autres propriétaires de bois et forêts relevant du régime forestier (2), les poursuites en

réparation de tous délits et contraventions commis dans ces bois et forêts.

Page 40: Cours Procedure Penale 2009-2010

40

Les actions et poursuites sont exercées, au nom de cette administration, par les

ingénieurs de l'Etat chargés des forêts, sans préjudice du droit qui appartient au ministère

public près les tribunaux de grande instance et les cours d'appel.

Voirie routière

Article L116-4

Les infractions à la police de la conservation du domaine public routier peuvent être

poursuivies à la requête du directeur départemental de l'équipement ou du chef du service

technique intéressé. Ceux-ci peuvent faire citer les prévenus et les personnes civilement

responsables par des agents de l'Administration.

Article L116-5

Lorsque les infractions concernent la voirie nationale, les fonctions de Ministère

public près le tribunal de police peuvent être remplies par le directeur départemental de

l'équipement ou par l'agent désigné par lui pour le suppléer; devant le tribunal

correctionnel et la cour d'appel, le directeur départemental de l'équipement ou son délégué

peut exposer l'affaire ou être entendu à l'appui de ses conclusions.

Article L116-6

L'action en réparation de l'atteinte portée au domaine public routier, notamment celle

tendant à l'enlèvement des ouvrages faits, est imprescriptible.

Les personnes condamnées supportent les frais et dépens de l'instance, ainsi que les

frais des mesures provisoires et urgentes que l'Administration a pu être amenée à prendre.

Article L116-8

En matière d'infractions relatives à la police de la conservation du domaine public

routier national, le ministre chargé de la voirie routière peut transiger avec les justiciables

tant qu'un jugement définitif n'est pas intervenu.

Contributions indirectes

Action publique d’une nature particulière dit la Jpdce de la cour de cassation

Article L 235 LPF L'Administration instruit et défend sur l'instance portée

devant le tribunal. En cas d'infraction touchant à la fois au régime fiscal et au régime

économique de l'alcool, le service désigné par décret est seul chargé des poursuites.

(Alinéa créé à compter du 1er octobre 2004, L. 2004-204, 9 mars 2004, Art.. 33, IV

207, I) Pour les affaires dans lesquelles des agents de l'administration des douanes ont été

requis en application des I et II de l'article 28-1 du Code de procédure pénale, le ministère

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41

public exerce l'action publique et l'action pour l'application des sanctions fiscales. Dans ce

cas, les dispositions de l'article L. 248 du présent livre relatives au droit de transaction ne

sont pas applicables.

Poursuite à la seule diligence du directeur des services fiscaux, le ministère public ne

pouvant intervenir que si une peine d ‘emprisonnement est encourue, ici compétence

exclusive de l’administration.

Action conjointe

On la rencontre en matière douanière. Et assimilée

Article L234 LPF

Les infractions relatives à l'application des taxes sur le chiffre d'affaires et taxes

assimilées à l'importation sont poursuivies et jugées selon la procédure et par les tribunaux

compétents en matière douanière.

Il en est de même:

1° Des infractions relatives à l'assiette, à la liquidation et au recouvrement de la taxe

sur la valeur ajoutée perçue par l'administration des douanes et droits indirects sur les

produits pétroliers, à l'exception du contentieux relatif aux déductions;

Le caractère conjoint de leur pouvoir tient à ce qu’on a là une double action qui naît

d’un même fait. Ce fait va faire naître une action publique, une action civile et une action

fiscale, qui est l’action douanière distincte des deux autres.

Le PR est seul compétent pour exercer l’action publique ; il garde le pouvoir de

l’opportunité des poursuites même si l’action fiscale est engagée par les douanes. S’il s’agit

de délits, les infractions n’étant pas comme c’est le cas en matière de contraventions punies

seulement de sanctions fiscales mais aussi de sanctions pénales, le PR peut exercer l’action

fiscale accessoirement à l’action pénale (autrement dit pas la première sans la seconde). Il

peut ouvrir une information pour infraction pénale et douanière.

Enfin le PR recouvre une compétence exclusive pour poursuivre les infractions

pénales dans les hypothèses où les agents des douanes ont été saisis dans le cadre de l’article

28-1 du CPP c’est à dire ont exercé des pouvoirs de police judiciaire.

Article 343 code des douanes

1. L'action pour l'application des peines est exercée par le Ministère public.

Page 42: Cours Procedure Penale 2009-2010

42

2. L'action pour l'application des sanctions fiscales est exercée par l'administration des

douanes; le Ministère public peut l'exercer accessoirement à l'action publique.

3. (3 créé, L. 99-515, 23 juin 1999, Art.. 28, II) L'administration des douanes ne

peut exercer l'action pour l'application des sanctions fiscales dans les procédures dont

ses agents ont été saisis en application des I et II de l'article 28-1 du Code de procédure

pénale. Cette action est, dans ces cas, exercée par le Ministère public, et les dispositions

de l'article 350 ne sont pas applicables.

(Alinéa créé à compter du 1er octobre 2004, L. 2004-204, 9 mars 2004, Art. 33, III

207, I) Dans ces mêmes procédures, l'administration des douanes exerce l'action en

paiement des droits et taxes compromis ou éludés, prévue à l'article 377 bis. A cette fin,

elle est informée de la date de l'audience par l'autorité judiciaire compétente.

Or, que recouvre l’article 28 –1 I et II du CPP ? Pas mal de choses :

Voir indications données en cours.

Art. 28-1 (L. no 99-515 du 23 juin 1999) I. Des agents des douanes de catégories

A et B, spécialement désignés par arrêté des ministres chargés de la justice et du budget, pris

après avis conforme d'une commission dont la composition et le fonctionnement sont

déterminés par décret en Conseil d'État, peuvent être habilités à effectuer des enquêtes

judiciaires sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire

du juge d'instruction.

Ces agents ont, pour l'exercice des missions prévues par le présent article,

compétence sur l'ensemble du territoire national. (L. no 2004-204 du 9 mars 2004, Art. 33-I,

entrant en vigueur le 1er oct. 2004) «Ils sont compétents pour rechercher et constater:

«1o Les infractions prévues par le code des douanes;

«2o Les infractions en matière de contributions indirectes, d'escroquerie sur la

taxe sur la valeur ajoutée et de vols de biens culturels;

«3o Les infractions relatives à la protection des intérêts financiers de l'Union

européenne;

«4o (L. no 2005-1550 du 12 déc. 2005, Art. 18) «Les infractions prévues par les

articles L. 2339-1 à L. 2339-11 et L. 2353-13 du code de la défense;» — V. ces Art. du C. défense

in C. pén., App., vo Armes et munitions. — C. pén.

«5o Les infractions prévues par les articles 324-1 à 324-9 du code pénal;

(blanchiment)

Page 43: Cours Procedure Penale 2009-2010

43

«6o Les infractions prévues aux articles L. 716-9 à L. 716-11 du code de la propriété

intellectuelle; (contrefaçon)

«7o Les infractions connexes aux infractions visées aux 1o à 6o.

«Toutefois, sous réserve des dispositions du II, ils n'ont pas compétence en

matière de trafic de stupéfiants.»

II. Pour la recherche et la constatation des infractions prévues par les articles 222-34

à 222-40 du code pénal (stupéfiants) et des infractions qui leur sont connexes, le procureur

de la République ou le juge d'instruction territorialement compétent peut constituer des

unités temporaires composées d'officiers de police judiciaire et d'agents des douanes pris

parmi ceux mentionnés au I. Le procureur de la République ou le juge d'instruction

désigne le chef de chaque unité qu'il constitue.

Les unités temporaires agissent sous la direction du procureur de la

République ou du juge d'instruction mandant, conformément aux dispositions du

présent code. Elles ont compétence sur toute l'étendue du territoire national.

(Abrogé par L. no 2004-204 du 9 mars 2004, Art. 33-I, à compter du 1er oct. 2004)

«III. Les agents de l'administration des douanes mentionnés aux I et II ne sont pas compétents

pour effectuer des enquêtes judiciaires lorsque les faits ont été constatés en application des

dispositions du code des douanes. Toutefois, ils peuvent dans ce cas exécuter des

commissions rogatoires du juge d'instruction.»

IV. Les agents des douanes désignés dans les conditions prévues au I doivent, pour

mener des enquêtes judiciaires et recevoir des commissions rogatoires, y être habilités

personnellement en vertu d'une décision du procureur général.

La décision d'habilitation est prise par le procureur général près la cour d'appel du

siège de leur fonction. Elle est accordée, suspendue ou retirée dans des conditions fixées par

décret en Conseil d'État…

V. Pour l'exercice des missions mentionnées aux I et II, les agents des douanes

sont placés sous la direction du procureur de la République, sous la surveillance du procureur

général et sous le contrôle de la chambre de l'instruction du siège de leur fonction dans les

conditions prévues par les articles 224 à 230.

VI. …

BIBL. - DOBKINE, D. 2001. Point de vue no 19 (la création d'une nouvelle force de police

judiciaire: la douane judiciaire).

Page 44: Cours Procedure Penale 2009-2010

44

2 L’examen préalable et l’orientation du dossier pénal.

L’orientation du dossier pénal est aujourd’hui une question importante en raison de la

diversité des réponses pénales qui peuvent être apportées par le Ministère public à un délit et de la concurrence entre procédures de poursuites ou alternatives aux poursuites, instaurée par le législateur. Le plus souvent opérée dans le cadre du « traitement en temps réel », c'est-à-dire du mode essentiel de relation entre la police et le parquet sur les enquêtes menées par la police de son initiative, sur plainte ou sur dénonciation, cette orientation ne relève pas d’une procédure contradictoire et souligne la place centrale occupée par le Parquet entre la phase policière et la phase judiciaire. La notion d’orientation a l’immense mérite de faire apparaître ce moment discret mais déterminant du processus pénal.

Cependant, il nous faut d’abord examiner deux questions préalables à l’orientation du dossier, les questions de la compétence et de la recevabilité. L’orientation du dossier ne saurait en effet constituer un moyen de les éluder.

I La compétence L’Essentiel :

1) C’est une question d’ordre public, que les juridictions doivent relever d’office, toute juridiction ayant le devoir de vérifier sa compétence, à tout moment et à toute hauteur de la procédure. Exemple récent : Crim 15 nov. 2006, bull n°289.

2) Chacune des parties a le droit de l’invoquer à tout moment et à toute hauteur de la procédure sous réserves d’exceptions. Deux exceptions qui sont à connaître: l’incompétence territoriale ne pourra pas être soulevée devant la cour de cassation pour la première fois, et l’incompétence matérielle ne pourra pas l’être devant le tribunal correctionnel si une correctionnalisation a été acquise au temps de l’instruction toutes parties étant présentes (voir l’article 469 alinéa 4 CPP et les limites à cette exception).

3) La sanction de l’incompétence est la nullité, et cette nullité appartient à la catégorie des nullités substantielles d’ordre public, c’est à dire que l’atteinte aux droits de la

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défense n’est pas une condition nécessaire de cette nullité (voir le cours sur les nullités).

4) Traditionnellement, on distingue sous cette question de la compétence, trois problèmes : la compétence territoriale, matérielle, et personnelle.

La compétence territoriale : Il existe une compétence territoriale ordinaire, des dérogations de plus en plus nombreuses et d’importance à ses règles, et des solutions en cas de conflit. S’agissant de la compétence territoriale ordinaire, deux notions sont ici à l’œuvre, le ressort et le lien de rattachement : Le ressort (c’est une portion de territoire sur laquelle s’exerce cette compétence) et le lien de rattachement de l’infraction à ce ressort. Deux cas de figure sont ensuite à distinguer : les infractions commises en France et celles commises à l’étranger.

Pour les infractions commises en France ou réputées commises en France (sur ce point revoir le cours de droit pénal général sur l’application de la loi pénale dans l’espace), comment les dossiers les concernant vont-ils être attribués à telle ou telle juridiction ? Ils vont être rattachés à un ressort d’une juridiction. Les liens de rattachement pour les personnes physiques sont, dans les matières criminelles et correctionnelles, au nombre de quatre (articles 43,52, et 382 du CPP) : le lieu de commission de l’infraction, le lieu de résidence de l’une des personnes soupçonnées d’avoir participé à cette infraction, le lieu d’arrestation d’une de ces personnes, même lorsque cette arrestation a été opérée pour une autre cause et enfin ajouté par la loi du 9 mars 2004, le lieu de détention d’une de ces personnes même lorsque cette détention est « effectuée » pour une autre cause. Pour le jugement du délit d'abandon de famille prévu par l'article 227-3 du code pénal, est également compétent le tribunal du domicile ou de la résidence de la personne qui doit recevoir la pension, la contribution, les subsides ou l'une des autres prestations visées par cet article.

En matière contraventionnelle, les deux premiers liens de rattachement sont concernés (il n’existe ici ni arrestation ni détention), et un lien de rattachement particulier, le siège de l’entreprise détentrice du véhicule pour les contraventions aux règles relatives au chargement ou à l’équipement du véhicule ou encore aux réglementations relatives au transport terrestre (Art. 522 CPP). Pour les personnes morales, les liens de rattachement (Article 706-42 du CPP) seront le lieu de commission de l’infraction ou le lieu où la personne morale a son siège.

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Pour les infractions commises à l’étranger, la question de la compétence des juridictions françaises relève ici encore des règles de l’application de la loi pénale dans l’espace (voir cours de droit pénal général) mais il s’agit ensuite de définir LA juridiction répressive qui va connaître de l’infraction commise à l’étranger et qui peut

être jugée en France. Ici, les liens de rattachement sont multiples et sont énoncés à

l’article 693 du CPP qui en son second alinéa prévoit la compétence subsidiaire de Paris.

Il existe de nombreuses dérogations à ces règles : la prorogation, la

plénitude de juridiction de la Cour d’Assises, le renvoi, la compétence concurrente des juridictions spécialisées, la compétence en matière d’instruction après la loi du 5 mars 2007.

La prorogation, définie comme une extension de la compétence d’une juridiction

(Vocabulaire juridique Capitant) peut être due à la connexité définie à l’article 203 du CPP ou à l’indivisibilité entre des infractions. On va proroger la compétence territoriale d’une juridiction pour l’un de ces deux motifs. La connexité (voir Article 203 du CPP) est un lien étroit entre deux ou plusieurs infractions. Elle tient à l’ unité de temps ou de lieu, (des infractions ont été commises par plusieurs personnes, ici sans unité de dessein, dont une a été arrêtée en un lieu qui va définir la compétence et où les autres personnes arrêtées seront jugées avec elle), à l’unité de dessein, et c’est le cas de l’association de malfaiteurs : on juge tous les faits commis par la même bande dans le même dossier quelque soit le lieu de leur commission et ceci bien sûr devant une juridiction compétente pour l’un de ces faits, au lien de causalité entre les infractions, l’une étant la cause des autres, ou au lien créé par le recel.

La liste n’est pas posée par la cour de cassation comme limitative. La notion définie

par la loi à l’article 203, et visée à l’article 382 du CPP pour le jugement des délits, a été élargie par la jurisprudence, d’une part, bien au-delà du seul domaine de l’instruction mais aussi aux rapports étroits analogues à ceux visés par la loi. Pour autant, l’appréciation de la connexité est soumise au contrôle de la cour de cassation.

Quels sont les effets de cette connexité en termes de compétence? Elle justifie la

jonction de procédures établies distinctement. L’indivisibilité, aux effets identiques, est quant à elle, visée à l’article 382 pour le

jugement des délits : la compétence du tribunal correctionnel s'étend aux délits et contraventions qui forment avec l'infraction déférée au tribunal un ensemble indivisible. L’indivisibilité n’est pas définie par la loi. Elle n’est pas très facile à dissocier de la connexité. On peut résumer la jurisprudence rendue en ce domaine en disant qu’elle résulte d'une relation particulièrement étroite entre les différentes infractions, découlant d'une unité d'auteur ou d'une unité de faits frauduleux. Voir pour un exemple récent : Crim. 15 mars 2006, pourvoi 05-83556.

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Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 52, 203, 382, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a retenu la compétence territoriale des juridictions du ressort du tribunal de grande instance de Strasbourg ;

"alors que Dominique X... soutenait, dans son mémoire (p. 10 et 11), que la compétence territoriale des juridictions du ressort du tribunal de grande instance de Strasbourg ne pouvait, en tout état de cause, résulter de la seule constatation par le magistrat instructeur de la présence à Strasbourg d'une détentrice d'un visa frauduleusement délivré par la mission diplomatique française à Sofia ; qu'en ne répondant pas à cette articulation essentielle du mémoire de Dominique X..., la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Dominique X..., ambassadeur de France en Bulgarie du mois de mai 1999 à courant 2001, a été mis en examen le 12 octobre 2001 par le juge d'instruction de Strasbourg des chefs de fourniture frauduleuse habituelle de documents administratifs et aide au séjour irrégulier pour avoir, dans les locaux de l'ambassade de France à Sofia durant la période précitée, procuré frauduleusement et habituellement des visas autorisant l'entrée et le séjour d'étrangers en France ; que, le 12 octobre 2004, une ordonnance dudit juge d'instruction a prononcé un non-lieu du chef d'aide au séjour irrégulier et, pour le surplus, a ordonné le renvoi de l'intéressé devant le tribunal correctionnel de Strasbourg ; que cette ordonnance a été confirmée par l'arrêt attaqué ;

En cet état ;

Attendu qu'il n'importe que l'arrêt confirmatif attaqué fonde la compétence des lois et juridictions françaises sur des considérations partiellement erronées dès lors qu'il résulte de l'ordonnance du magistrat instructeur, renvoyant Dominique X... devant le tribunal correctionnel de Strasbourg du chef de fourniture frauduleuse habituelle de visas autorisant l'entrée et le séjour d'étrangers en France, que ces faits, commis sur le territoire bulgare, sont indivisibles de ceux de recel de visa indûment obtenu et usage dudit visa qui auraient été commis à Strasbourg par Fidanka Z..., entre les mois de janvier et de mars 2000, et pour lesquels celle-ci se trouve également renvoyée devant le tribunal correctionnel de cette ville ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en forme ;

REJETTE le pourvoi

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La plénitude de juridiction de la Cour d’assises (article 231 du CPP) : la cour a compétence pour connaître de toutes les infractions dont elle est saisie même s‘il s’avère qu’elle n’aurait pas dû être territorialement compétente.

Le renvoi : Ici, la cour de cassation à qui ce contentieux est en principe attribué, va dessaisir une juridiction au profit d’une autre pour des raisons de « bonne justice ». C’est le cas de la suspicion légitime (article 662 CPP), du renvoi pour cause de sûreté publique (Article 665 CPP l’initiative en incombe au seul PG près la cour de cassation), du renvoi pour cause d’interruption du cours de la justice ou d’impossibilité de constituer la juridiction normalement compétente (Article 665-1 CPP) et du renvoi dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice (Article 665 al 2 CPP). Il existe un sixième motif de renvoi, le renvoi à la juridiction du lieu de détention qui a perdu de son intérêt depuis la loi du 9 mars 2004 qui en a fait un lien de rattachement.

La compétence concurrente ou exclusive des juridictions spécialisées. Le mouvement a ici débuté en 1986. Il a consisté à donner une compétence concurrente aux juridictions de droit commun et à des juridictions d’instruction et de jugement spécialisées en matière de terrorisme (Articles 706-17 CPP), toutes situées à Paris. C’est le fameux « pôle antiterrorisme » dont les médias vous parlent parfois. Le mouvement s’est poursuivi en d’autres domaines : en 1994, en matière de délinquance « écofi » c'est-à-dire économique et financière (article 705 CPP), en 2004 en matière d’infractions de pollution maritime (article 706-109 CPP), des juridictions d’instruction et de jugement spécialisées sont concurremment compétentes avec les juridictions de droit commun sur le ressort de plusieurs TGI. Ce mouvement se poursuit mais sur le mode d’une compétence exclusive puisque la loi du 23 janvier 2006 sur le terrorisme (article 706-22-1) confie aux seules juridictions parisiennes, la compétence en matière d’application et d’exécution des peines dans le domaine du terrorisme. Un mouvement plus complexe s’est affirmé avec la loi du 9 mars 2004 à propos de la criminalité et de la délinquance organisée. Les articles 706-73 et 706-74 du CPP donnent compétence concurrente de celles des juridictions normalement compétentes pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement à huit pôles interrégionaux et ceci en matière de criminalité et de délinquance organisée pour les dossiers d’une grande complexité et en matière économique et financière pour les dossiers d’une très grande complexité (en ce domaine, les dossiers complexes pouvant déjà être traitées par les juridictions spécialisées « écofi » de l’article 705 du CPP). Les huit pôles interrégionaux sont situés à Paris, Lyon, Marseille, Lille, Rennes, Bordeaux, Nancy et Fort de France. Ces huit pôles comprennent une section du parquet spécialisée, et des formations d’instruction et de jugement spécialisées.

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La compétence territoriale en matière d’instruction après la loi du 5 mars 2007. Dans certains TGI, les juges d’instruction sont regroupés au sein de pôles de

l’instruction (Article 52-1 CPP). Ces pôles, dont nous verrons plus loin la compétence matérielle, ont une compétence territoriale sur plusieurs TGI. Le Décret n°2008-54 du 16 janvier 2008 contient la liste des 91 pôles de l’instruction prévus par l’article 52-1 CPP.

La solution des conflits de compétence territoriale au niveau de l’instruction. Ici,

très brièvement, on distingue : le dessaisissement volontaire sur requête du Procureur (Article 663 CPP) qui met fin au conflit et le règlement de juges en cas de conflit positif (chacun des juges d’instruction refuse de se dessaisir), ou négatif (personne ne se reconnaît compétent).

Faute de dessaisissement volontaire, si nous sommes devant un conflit positif entre juridiction de même nature et qui relèvent d’une même cour d’appel, c’est la chambre de l’instruction qui tranche (Article 658 CPP). Si nous sommes devant un conflit négatif ou positif entre juridictions qui ne sont pas de même nature ou ne relèvent pas de la même cour, c’est la chambre criminelle de la cour de cassation qui tranche. Ajoutons qu’elle a en tout état de cause toujours le pouvoir de « régler de juges d’office et même par avance » (Article 659 CPP), c'est-à-dire procéder à un règlement de juges afin de résoudre ou éviter un conflit.

En matière de délinquance et de criminalité organisée, la loi du 9 mars 2004 a repris partiellement ce système pour résoudre les conflits de compétence (Article 706-77 et 78 CPP). Mais, elle n’envisage les choses que sous la forme d’une saisine par le parquet aux fins de dessaisissement du juge d’instruction non spécialisé au profit du juge d’instruction du pôle interrégional. Quelle que soit la décision de ce juge, des recours existent portés selon les cas devant la chambre de l’instruction (le juge d’instruction spécialisé est dans le ressort de la même Cour que celui à qui on demande de se dessaisir) ou devant la chambre criminelle (il est dans le ressort d’une autre cour d’appel). La jurisprudence a eu l’occasion de rappeler qu’aux termes de ces textes, seul le ministère public peut prendre l’initiative d’une procédure de dessaisissement, et la chambre de l’instruction ne peut s’en saisir elle-même. Crim. 11 mai 2006, IR, Dalloz, p. 1705.

La compétence matérielle appelle de moindres développements.

En principe, elle est fondée sur la distinction tripartite des infractions.

S’agissant de la compétence du juge d’instruction, la loi du 5 mars 2007 a donné une compétence exclusive aux pôles pour les instructions criminelles et ils demeurent compétents en cas de requalification en cours d’instruction. La création de ces pôles et la question de leur compétence ne va pas sans complexifier la phase d’ouverture de l’instruction comme nous le verrons dans la leçon qui lui sera consacrée.

S’agissant du tribunal correctionnel ou de police, leur compétence est fixée par les

faits dont ils sont saisis, et on notera ici ce que nous reverrons ensuite : il n’existe pas, sauf infractions commises à l’audience, d’auto saisine possible de leur part.

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Ici encore il existe de nombreuses prorogations de compétence matérielle. Le juge de l’action est d’abord juge de l’exception, avec cependant certaines limites : il arrive que le législateur impose au juge répressif de renvoyer une exception au juge naturel de celle ci. Ces exceptions à la règle selon laquelle le juge de l’action est le juge de l’exception sont puisées dans le droit civil (Droit réel immobilier, Nationalité, Etat civil) et dans le droit public (tout ce qui ne relève pas de la compétence ouverte par l’article 111-5 du CP). Nous retrouvons ici encore l’extension de compétence pour connexité et indivisibilité, la plénitude de juridiction de la Cour d’assises et la prorogation de compétence du tribunal correctionnel pour juger les contraventions. Et enfin, la compétence étendue à l’indemnisation civile.

Quant à la compétence personnelle des juridictions pénales, on doit ici préciser que

le principe constitutionnel d’égalité devant la justice ne fait pas obstacle à la création de juridictions spécialisées en fonction de la personne du prévenu (ex. les juridictions des mineurs).

II La recevabilité Ici, la question est de savoir si l’action publique et l’action civile sont recevables, ou

dit autrement s’il existe des causes légales d’extinction de l’une ou de l’autre, un obstacle aux poursuites.

Ces causes légales d’extinction atteignent en réalité l’exercice de l’action et non pas

le droit d’action lui-même. On les trouve énumérées à l’article 6 al. 1 du CPP. Normalement l’action civile, accessoire, ne devrait pas connaître une cause particulière d’extinction. Toutefois l’article 10 du CPP envisage distinctement la question de la prescription de l’action civile.

Voyons tout d’abord les causes d’extinction de l’action publique. Ce sont la

prescription de l’action publique, et il s’agit alors seulement de l’exercice de l’action ou elles peuvent être liées à « l’action » des parties (le décès de la personne mise en cause, le retrait de la plainte si elle est un préalable obligé aux poursuites comme par exemple en matière de diffamation, la transaction si l’administration dispose du pouvoir de mettre en mouvement l’action publique ou l’exécution d’une composition pénale (voir la leçon suivante). Elles peuvent être liées à la volonté du législateur (abrogation de l’incrimination, loi d’amnistie). Elles peuvent encore tenir à l’action antérieure du juge (l’autorité de chose jugée).

Nous rappellerons seulement ici les principales questions soulevées par la prescription

de l’action publique dont on commencera par rappeler que la loi l’exclue en ce qui concerne les crimes contre l’humanité (Article 213-5 CP) et certains crimes du code de justice militaire (Article 94 alinéa 2 C. just.mil.)

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La prescription de l’action publique a plusieurs fondements assez mal distinguées et parfois mêlés dans des expressions vagues telle « la grande loi de l’oubli ».En fait, on peut les résumer comme suit, sous forme de quelques postulats :

L’opinion ne nécessite plus un jugement, le trouble causé à l’ordre public est éteint. La

victime ne réclame plus vengeance. Les preuves ont dépéri et la justice sera impossible à rendre. Le coupable a craint pendant tout le temps de la prescription la justice et ce temps a été pour lui non pas un vrai temps de liberté mais comme celui d’une peine s’il n’a pas réitéré. L’inaction de la partie poursuivante doit être sanctionnée. Ces fondements ont connu selon les époques des succès divers et il est certain que l’évolution des mentalités, mais aussi du rapport de la société au temps, à l’espace, l’évolution des modes de preuve conduisent à les repenser.

Quoiqu’il en soit il est important de noter que la CEDH a considéré le mécanisme de

la prescription comme compatible avec le droit à un tribunal consacré par l’article 6-1 de la convention) (CEDH, 22 oct. 1996, arrêt Stubbings c/ R. U.). A cette occasion la CEDH a même exprimé ce que sont à son sens les finalités de la prescription.

51. Il faut noter que des délais de prescription dans les affaires

d'atteinte à l'intégrité de la personne sont un trait commun aux systèmes juridiques des Etats contractants. Ces délais ont plusieurs finalités importantes, à savoir garantir la sécurité juridique en fixant un terme aux actions, mettre les défendeurs

potentiels à l'abri de plaintes tardives peut-etre difficiles à contrer, et empecher

l'injustice qui pourrait se produire si les tribunaux étaient appelés à se prononcer sur des événements survenus loin dans le passé à partir d'éléments de preuve auxquels on ne pourrait plus ajouter foi et qui seraient incomplets en raison du temps écoulé. L’écoulement du délai de prescription de l’action publique va entraîner l’acquisition

de la prescription et par suite l’irrecevabilité de l’action publique. Depuis 1791, les délais de droit commun de la prescription de l’action publique sont de 1 an pour les contraventions, de 3 ans pour les délits et de 10 ans pour les crimes (Articles 7, 8 et 9 CPP). Mais on compte aujourd’hui de très nombreux délais d’exception, plus longs que les délais de droit commun ou plus courts. On en donnera ici quelques exemples. S’agissant de délais plus longs, citons les infractions en matière de stupéfiants (article 706-31 CPP) ou de terrorisme (article 706-25 CPP), délai : 30 ans pour les crimes et 20 ans pour les délits, certaines atteintes aux personnes (article 706-47 CPP), délai : 20 ans pour les crimes et certains délits et 10 ans pour d’autres délits. S’agissant de délais plus courts, citons la matière des délits à la loi électorale et les délits de presse, délai : 3 mois. Le délai n’inclut pas le « dies a quo » mais il inclut le « dies ad quem ». La prise en compte de la nature de l’infraction instantanée, continue ou d’habitude va décider du point de départ du délai.

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Le législateur comme la jurisprudence a, au fil du temps, prévu en de nombreux cas le report du point de départ du délai de prescription soit par exemple en raison de la personnalité de la victime (mineurs) ou de la nature clandestine de l’infraction ou son caractère continué. Sans pouvoir entrer ici dans des analyses qui relèvent davantage du droit pénal spécial, disons que ces reports du point de départ du délai de prescription soulèvent de très vives polémiques et que la difficulté de trouver des règles qui fassent consensus et soient en même temps aussi générales que possible, est bien réelle, malgré les études parlementaires qui ont pu être menées.

Voir notamment à cet égard « Pour un droit de la prescription moderne et cohérent »

JJ. HYEST, Président, H. PORTELLI et R. YUNG, rapporteurs, Sénateurs, Commission des lois, Mission d’information sur le régime des prescriptions civiles et pénales, Les rapports du Sénat, n°333, 2006-2007.

Voir à propos du droit pénal des affaires, les préconisations du rapport déposé par M.

Jean-Marie Coulon, La dépénalisation des affaires, 2008 (version PDF à la documentation française) qui préconise de poser comme point de départ intangible de la prescription, la commission des faits et d’allonger les délais.

Voir enfin, « La prescription de l’action publique », in « Prescription, amnistie,

grâce » coll. Y. Le Gall, J . Danet, S. Grunvald, M. Herzog-Evans, rapport au GIP mission Recherche Droit et justice, mai 2006 et Dalloz coll. Textes et documents 2007.

La prorogation du délai de prescription qui survient du fait de l’interruption ou de

la suspension, est un principe qui n’a jamais été remis en cause. Il est essentiel de bien en comprendre les effets pour saisir les limites du mécanisme de prescription dans notre droit.

L’interruption, c’est l’arrêt du cours de la prescription pour des causes définies par la

loi et cet arrêt efface rétroactivement le délai écoulé antérieurement (Voc. Juridique Capitant). Le délai de prescription repart de zéro. Cet arrêt peut intervenir autant de fois que l’on veut. En pratique, cela signifie qu’une instruction contre un crime qui se prescrit par dix ans, peut demeurer ouverte un demi-siècle ou plus sans que l’action publique ne se trouve prescrite si le juge ou les juges successifs qui sont en charge du dossier prennent soin d’interrompre régulièrement le délai de prescription de telle sorte que dix ans ne viennent pas à s’écouler entre deux causes d’interruption. Une telle précaution peut aujourd’hui tout à fait se justifier si on espère par exemple un jour pouvoir découvrir l’identité d’une personne qui a laissé sur la scène du crime son empreinte génétique. Tout acte d’instruction ou de poursuite, mais pas de simples actes d’enquêtes, interrompt la prescription selon les articles 7 à 9 du CPP. La jurisprudence, dans le souci manifeste de sauver des affaires parfois graves (Cf. l’affaire « Emile Louis ») de la prescription a tendance à se montrer très ouverte dans la définition des actes d’instruction et de poursuites : citation, réquisitoire, jugement avant dire droit, « remise de cause », transmission au procureur d’un dossier par une autorité indépendante tel que le conseil de la concurrence, actes d’une autorité judiciaire étrangère,

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une instruction donnée par le procureur à un OPJ quelle qu’elle soit, et récemment une demande faite à l’expert avec intention manifestée d’audiencer à nouveau, etc.

Tout acte d’instruction y compris ceux qui sont faits par des OPJ pendant

l’instruction sur commission rogatoire ou celui qui est accompli au cours d’une procédure incidente devant la chambre de l’instruction interrompt la prescription. Et la Jurisprudence accepte comme interruptifs des actes irréguliers si l’irrégularité est découverte par des actes subséquents ou si elle est couverte ultérieurement.

La portée de l’interruption est générale quant aux personnes impliquées, auteurs et

complices connus ou non, poursuivis ou pas et elle est spéciale quant aux faits reprochés : la poursuite contre X pour homicide involontaire n’interrompt pas la prescription de l’action publique contre Y pour meurtre sur la même victime « les faits étant distincts » (Crim. 2 février 1993 bull n°55). En revanche, on notera l’effet contagieux de l’interruption sur les faits connexes, non encore prescrits à l’accomplissement de l’acte interruptif.

L’effet de l’interruption est donc, on l’a compris, de faire courir un nouveau délai,

mais encore faut-il préciser que c’est un délai de droit commun, sauf en matière de presse. La suspension est un arrêt temporaire du cours de la prescription. Au contraire de

l’interruption, elle n’anéantit pas le délai écoulé. C’est l’application de la maxime civiliste « La prescription ne court pas contre celui qui a été empêché d’agir ». Il existe différentes causes légales de suspension. On citera par exemple la qualité de président de la République.

La question de la prescription de l’action publique pose aujourd’hui dans la pratique

de la procédure pénale de réelles difficultés. Les très nombreuses réformes législatives parfois sur les conditions de la prescription d’un même type d’infractions, notamment les infractions sexuelles commises sur mineurs exigent des praticiens une vigilance toute particulière notamment pour l’application de ces lois dans le temps. Elle conduit à des délais de prescription distincts de plusieurs décennies pour des faits commis à quelques jours d’intervalle. La prescription constitue donc un véritable enjeu de politique criminelle. Les auteurs du rapport sénatorial cité plus haut ont retenus diverses recommandations pour construire un droit de la prescription « moderne et cohérent ».

Il n’est pas inutile de les rappeler ici : 1. Conserver le caractère exceptionnel de l'imprescriptibilité en droit français,

réservée aux crimes contre l'humanité. 2. Veiller à la cohérence du droit de la prescription, en évitant des réformes

partielles. 3. Préserver le lien entre la gravité de l'infraction et la durée du délai de la

prescription de l'action publique afin de garantir la lisibilité de la hiérarchie des valeurs protégées par le code pénal, en évitant de créer de nouveaux régimes dérogatoires.

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4. Allonger les délais de prescription de l'action publique applicables aux délits et aux crimes, en fixant ces délais à cinq ans en matière délictuelle et à quinze ans en matière criminelle.

5. Consacrer dans la loi la jurisprudence de la Cour de cassation tendant, pour les infractions occultes ou dissimulées, à repousser le point de départ du délai de prescription au jour où l'infraction est révélée, et étendre cette solution à d'autres infractions occultes ou dissimulées dans d'autres domaines du droit pénal et, en particulier, la matière criminelle.

6. Établir, pour les infractions occultes ou dissimulées, à compter de la commission de l'infraction, un délai butoir de dix ans en matière délictuelle et de trente ans en matière criminelle, soumis aux mêmes conditions d'interruption et de suspension que les délais de prescription.

7. Fixer l'acquisition de la prescription au 31 décembre de l'année au cours de laquelle expirent les délais de prescription.

Extrait de « Pour un droit de la prescription moderne et cohérent » JJ. HYEST, Président, H. PORTELLI et R. YUNG, rapporteurs, Sénateurs, Commission des lois, Mission d’information sur le régime des prescriptions civiles et pénales, Les rapports du Sénat, n°333, 2006-2007.

Voyons maintenant les causes légales d’extinction de l’action civile.

S’agissant de la prescription, l’article 10, alinéa 1 du CPP dispose : « Lorsque l'action civile est exercée devant une juridiction répressive, elle se prescrit selon les règles de l'action publique. Lorsqu'elle est exercée devant une juridiction civile, elle se prescrit selon les règles du code civil. »

L’action civile devant les juridictions répressives, accessoire est donc atteinte par les causes d’extinction de l’action publique. L’action en réparation devant les juridictions civiles (maladroitement confondue avec l’action civile par l’utilisation de l’adverbe « elle »dans la seconde phrase de l’article 10 CPP) se prescrit selon les règles du code civil.

Jusqu’en 1980, il existait une solidarité des prescriptions pénale et civile. Elle n’a été maintenue qu’en matière de presse. Aujourd’hui, l’action en réparation devant la juridiction civile se prescrit selon les règles de prescription civile c’est à dire 10 ans (2270-1CC) et, lorsque le dommage est causé par des tortures et des actes de barbarie, des violences ou des agressions sexuelles commises contre un mineur, l'action en responsabilité civile est prescrite par vingt ans.

La dissociation de cette solidarité avait pour but d’éviter que les prescriptions de

l’action publique de droit commun ne viennent à pénaliser les victimes de faits délictueux (prescription de droit commun de 3 ans) par rapport à des victimes de simples quasi-délits

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civils. Mais comme depuis cette réforme, de nombreux délais spéciaux allongés ont été édictés en matière pénale, la dissociation n’a plus nécessairement de logique ou en tout cas de cohérence générale.

La disposition du droit d’action civile est une cause d’extinction qui lui est

spécifique. La partie civile peut en effet disposer de son droit, être satisfaite par paiement, compensation, novation, transaction, abandonner ses droits, ou enfin exercer l’action civile et être là au procès mais ne pas user de son droit à réparation ou de façon symbolique (1 euro).

On notera ici qu’à côté du droit de transiger de certaines administrations habilitées à

exercer l’action publique qui éteint l’action publique, avec ou sans l’accord selon les cas du Procureur de la république, est apparu en 2006 (loi du n° 2006-396 du 31 mars 2006 et étendu en 2007 (loi n°2007-297 du 5 mars 2007) un « droit de transiger » pour les maires sur les infractions ayant causé un préjudice aux biens de la commune qui en réalité s’apparente à une forme de composition pénale au sens où le maire propose la réparation du dommage ou l’exécution d’un travail non rémunéré et qui est homologuée par le Procureur. En disposant ainsi de son droit d’exercer l’action civile et de mettre en mouvement l’action publique, le maire, sous réserve de l’exécution des mesures qu’il propose et de l’homologation du procureur provoque l’extinction de l’action publique.

Enfin, l’irrecevabilité de la constitution de partie civile peut tenir au défaut de

plainte simple préalable depuis la loi du 5 mars 2007 (article 85 CPP). En matière délictuelle, (sauf matière électorale ou presse) les plaintes avec constitution de partie civile ne sont plus recevables qu’après décision du parquet de ne pas poursuivre ou si trois mois se sont écoulés depuis le dépôt de plainte sans que des poursuites aient été engagées par le parquet. Pendant ce temps, la prescription est suspendue au profit de la « victime ». Nota bene : le choix par le parquet d’alternatives aux poursuites n’empêche pas le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile.

Quelques autres obstacles aux poursuites doivent encore être cités : Cas de plainte

préalable à l’action publique (particulier ou administration), avis préalable à l’action publique (fisc et infractions militaires), une décision judiciaire préalable à l’action publique (Article 6-1 CPP) destinée à éviter les poursuites « en gigogne » à des fins dilatoires ou encore le cas ou la poursuite est soumise à autorisation d’une institution (les parlementaires) et enfin les immunités.

Les questions de compétence et de recevabilité étant levées ou en tout cas ayant

normalement été examinées, ce qui n’empêchera pas dans la pratique que le contentieux sur ces questions soit soulevé plus tard à tort ou à raison par une partie ou, on l’a vu pour la compétence, par la juridiction, voyons comment se présente la décision d’orientation du dossier?

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III La décision d’orientation. « La poursuite, première étape du procès pénal, peut-être définie comme l’accès

procédural par lequel une partie à la procédure, exerçant son action, saisit une juridiction d’instruction ou de jugement, ouvrant ainsi le procès pénal. » (Cf. Guinchard et Buisson n°1325). Pour cela le Ministère public et/ ou la victime vont devoir faire des choix, guidés par des exigences légales, et tenant compte de l’état du dossier et des finalités qu’ils poursuivent. C’est la « décision d’orientation » comme la nomment ces auteurs et cette dénomination, qui fait ressortir cette phase de la procédure un peu fondue dans le paysage du Code de procédure pénale, est la bienvenue car, dans la pratique, ce moment est essentiel. D’autant que le ministère public peut aussi décider, plutôt que de poursuivre d’orienter la procédure vers une alternative aux poursuites ou classer sans suite.

Décision d’orientation et traitement en temps réel. Dans la plupart des cas en matière de délits, la décision d’orientation va être prise non

pas tant au vu du dossier comme au temps où le ministère public recevait les dossiers et prenait sa décision d’orientation après en avoir pris connaissance, mais plutôt au su du dossier, à partir de ce qu’il en sait, de ce que dans le cadre du traitement en temps réel on le lui en dit. On a voulu depuis quelques années rationaliser l’action des parquets en imaginant le traitement en temps réel des procédures pénales. Ce « schéma organisationnel standardisé » (C. Etrillard, « Des relations du ministère public avec la police judiciaire en France : étude du traitement en temps réel des procédures pénales » Revue internationale de criminologie et de police scientifique, 3/03, p.277 et s.) consiste pour le parquet à apporter une réponse judiciaire immédiate à une procédure pénale qu’un officier de police judiciaire lui présente par téléphone. Quel que soit le type de procédure (flagrant délit, dépôt de plainte et interpellation) les services de police, de gendarmerie ou des douanes doivent signaler au parquet toutes les infractions constatées par leurs services.

La réussite du traitement en temps réel repose sur la qualité de ce contact téléphonique à partir duquel le magistrat du parquet va prendre sur-le-champ sa décision: le défèrement devant lui de la personne gardée à vue pour ouvrir une information judiciaire, la comparution immédiate devant le tribunal correctionnel, ou une convocation pour une date ultérieure devant le tribunal correctionnel par procès verbal. Le magistrat du parquet peut faire convoquer la personne soupçonnée par l’officier de police judiciaire pour une audience devant le tribunal correctionnel, pour lui proposer une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou lui faire proposer une procédure alternative aux poursuites, de médiation par exemple ou de composition pénale. Il peut aussi prescrire la poursuite de l’enquête ou son classement. Sur le « TTR » ou traitement direct lire aussi : B. Bastard et C. Mouhanna, Une justice dans l’urgence : le traitement en temps réel des affaires pénales, PUF, 2007.

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C’est donc ici d’abord l’exercice de l’opportunité des poursuites encadré aujourd’hui par les règles posées à l’article 40-1 ,41-1 et 41-2 du CPP.

L’article 41-1 du CPP dispose :

« Lorsqu'il estime que les faits qui ont été portés à sa connaissance en application des dispositions de l'article 40 constituent une infraction commise par une personne dont l'identité et le domicile sont connus et pour laquelle aucune disposition légale ne fait obstacle à la mise en mouvement de l'action publique, le procureur de la République territorialement compétent décide s'il est opportun :

1° Soit d'engager des poursuites ;

2° Soit de mettre en œuvre une procédure alternative aux poursuites en application des dispositions des articles 41-1 ou 41-2 ;

3° Soit de classer sans suite la procédure dès lors que les circonstances particulières liées à la commission des faits le justifient. »

A l’alternative ancienne, classer ou poursuivre, s’est substitué un choix entre trois solutions qui semblent bien hiérarchisées : poursuivre immédiatement, mettre en œuvre une procédure alternative ce qui n’exclut pas qu’en cas d’échec les poursuites soient reprises, et en ce sens M. Guinchard et Buisson parlent d’une « poursuite différée », ou enfin classer sans suite.

1) Le classement sans suite est une décision purement administrative sur laquelle le parquet peut revenir tant que la prescription n’est pas acquise. A la suite de Messieurs Guinchard et Buisson, on peut classer les motifs de ces classements en trois grandes catégories.

Les motifs peuvent être d’ordre légaux : l’infraction ne semble pas constituée, il existe une cause d’irresponsabilité de la seule personne poursuivables, l’action publique est éteinte.

Ils peuvent être d’ordre factuels : les faits ne sont pas élucidés ou personne ne peut se voir imputer les faits alors même qu’il y a eu des suspects mais qui ont été mis en l’état hors de cause. On le sait, en pratique, l’absence d’élucidation demeure la première cause de classement. Mais ce sont là des motifs qui ne constituent pas le véritable exercice de l’opportunité des poursuites en ce sens que le ministère public ne peut pas échapper au classement. Ces dossiers ne sont pas des affaires poursuivables.

Il existe en revanche de véritables motifs tenant à l’opportunité des poursuites. Ici les infractions sont poursuivables mais ne seront pas poursuivies. Faible préjudice, faible gravité, personnalité du prévenu, reclassement assuré, indemnisation de la victime et souvent tout cela à la fois ou deux ou trois de ces

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critères, conduisent le parquet à cette décision. Depuis le 1 janvier 2008, le Procureur de la république a l’obligation dans tous les cas de motiver un classement sans suite (Article 40-2 CPP) et il ne peut, sauf élément nouveau, classer sans suite après l’absence d’exécution d’une alternative aux poursuites (Article 41-1 dernier alinéa).

Il existe plusieurs mécanismes de nature et d’utilisation très différents pour contrebalancer le pouvoir du Procureur de classer sans suite : la constitution de partie civile, le recours auprès du procureur général contre le dit classement (Article 40-3 CPP) et l’ordre de poursuivre que le garde des Sceaux peut adresser par écrit au Procureur (Article 30 alinéa 2).

2) Les alternatives aux poursuites. Il s’agit ici pour le parquet « préalablement à

sa décision sur l’action publique » de choisir la mise en œuvre de l’une des procédures alternatives aux poursuites définies aux articles 41-1 et 41-2 du CPP.

Quel est le but général poursuivi ? Tout d’abord apporter une réponse à une infraction et éviter si possible le classement sans suite de toute affaire poursuivable. De ce point de vue, la volonté du législateur ne laisse pas place au doute et le soin depuis plusieurs années pris à diversifier ces alternatives en serait, s’il en était besoin, la meilleure preuve.

Quelles sont les finalités assignées à ces alternatives ? Pour celles définies à l’article 41-1 du CPP, le texte en cause les énonce clairement : « assurer la réparation du dommage causé à la victime, mettre fin au trouble résultant de l’infraction, contribuer au reclassement de l’auteur des faits». La finalité de la composition pénale prévue à l’article 41-2 et qui est également proposée à l’auteur « tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement » est de nature différente ; l’existence ici d’une sanction sous formes d’une ou de plusieurs mesures ne permet pas de la dissocier en termes de finalités de celles qui peuvent être assignées aux poursuites. Elle n’exclut pas la dimension rétributive de la sanction. M. Guinchard et Buisson évoquent une « alternative punitive » (Guinchard et Buisson page 718 n°1369). On est à divers égards avec la composition pénale aux frontières de l’exercice des poursuites au point que sa spécificité vaut à la composition pénale d’être analysée en termes statistiques par exemple à part des autres alternatives (voir son analyse leçon suivante).

L’article 41-1 définit six procédures alternatives aux poursuites distinctes que l’on se

contentera ici d’énumérer : le rappel à la loi qui pourra être oral ou écrit, l’orientation vers une structure sanitaire sociale ou professionnelle avec accomplissement à ses frais d’un stage, (notamment d'un stage de responsabilité parentale, d'un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants, d’un stage de citoyenneté ou d’un stage de sensibilisation à la sécurité routière, d’une formation dans un service ou un organisme sanitaire, social ou professionnel), la demande de régularisation au regard de la loi ou du règlement, la demande

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de réparation, la médiation avec éventuel engagement de réparer, la demande de résider hors du domicile conjugal et de faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique s’agissant d’infractions commises dans le cadre intrafamilial.

Il est certain que le rappel à la loi qui constitue aujourd’hui la procédure alternative la

plus usitée, et de très loin, n’est qu’une réponse pénale minimale, tout juste plus effective que la signification d’un classement sans suite.

La composition pénale (article 41-2 CPP) constitue la septième forme d’alternative

aux poursuites, bien particulière et dont les spécificités seront étudiées dans la leçon suivante. 3) Les poursuites ou l’exercice de l’action publique. Soit directement, soit après

avoir tenté une procédure alternative aux poursuites qui a échoué, (le stage n’a pas été effectué, la régularisation pas faite, la mesure de composition pénale n’a pas été exécutée etc.) le ministère public peut, de son initiative, mettre en mouvement l’action publique. A ce stade, il est important de noter que la mise en mouvement de l’action publique met fin au pouvoir lié à l’opportunité des poursuites. La juridiction d’instruction ou de jugement saisie, le parquet ne peut plus mettre fin aux poursuites. Il pourra requérir un non-lieu ou une relaxe ou un acquittement mais ne sera pas nécessairement suivi. L’action publique une fois exercée, il ne peut plus revenir sur son choix (Article 388 CPP).

L’acte de poursuite saisit la juridiction et exclut que le parquet puisse par exemple décider d’ouvrir une information (Crim.20 février 2007, Pourvoi 06-89229).

La mise en mouvement de l’action publique va prendre diverses formes. La

grande distinction passe justement d’abord entre les cas où le parquet va ouvrir une information chez un juge d’instruction et les cas où il va saisir une juridiction de jugement.

A L’ouverture d’une information chez un juge d’instruction est, on le sait,

obligatoire en matière criminelle et facultative en matière de délits. Autrefois obligatoire pour les mineurs en matière de délits et de contraventions de 5ème classe, l’instruction peut être évitée sous certaines conditions (Articles 8-1 et 8-2 de l’ordonnance du 2 février 1945) et le parquet peut saisir directement la juridiction de jugement.

L’information peut être ouverte sans qu’il y ait la moindre identification de la

personne impliquée. Elle sera alors ouverte contre X… et deviendra peut-être une information ouverte « contre X devenu « untel ».

Quels sont les situations qui peuvent conduire à ouvrir l’information en matière de délictuelle ?

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Les indices recueillis ne sont pas suffisants pour saisir une juridiction de fond et les éléments de preuve manquants ne peuvent être obtenus que par la voie coercitive. L’enquête préliminaire de droit commun ne permettrait pas d’y parvenir. Ou bien les faits sont complexes et nécessitent une analyse que l’enquête ne permettrait pas. Des auteurs ou complices n’ont pas été interpellés et il faut pouvoir poursuivre tout le monde à la fois avec peut-être nécessité et possibilité d’une détention provisoire de ceux qui ont été mis en cause.

C’est donc une appréciation qui tient essentiellement à des questions relatives à la preuve et à l’usage nécessaire de la coercition. Il n’en reste pas moins que le nombre d’informations ouvertes à l’initiative du parquet en matière délictuelle n’a cessé de diminuer ces dernières années. Et que dans bien des cas, le parquet préfère aujourd’hui, compte tenu des pouvoirs dont la police et lui-même disposent en phase d’enquête, poursuivre celle-ci et se dispenser de l’ouverture d’une information.

B L’orientation du dossier correctionnel estimé en état par le parquet.

En matière correctionnelle, lorsque le parquet estime d’une part devoir poursuivre et d’autre part que le dossier est en état d’être jugé, plusieurs solutions s’offrent à lui en fonction du type d’infractions. C’est là une situation qui fait dire qu’on est en présence d’une compétence « variable » du tribunal correctionnel en ces différentes formations (Guinchard et Buisson).

1) Le procureur peut saisir en certains cas, par requête, le tribunal correctionnel d’une demande d’homologation d’une peine qu’il a proposé à la personne mise en cause laquelle l’a acceptée. C’est la procédure de comparution après reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) (Articles 495-7 à 495-16 CPP). Nous l’étudierons en détail dans la prochaine leçon avec la composition pénale.

2) Il peut saisir pour certaines infractions, plus restreintes en l’état, le président du tribunal d’une requête aux fins de statuer sans débat préalable, sur le dossier, par une ordonnance pénale portant relaxe ou condamnation. C’est la procédure simplifiée appelée aussi « Ordonnance pénale délictuelle » ou « Ordonnance pénale ». (Articles 495- à 495-6 CPP). Cette procédure a vu son champ modifié à trois reprises en 2004, 2005, et 2007 depuis son extension en 2002 de la matière contraventionnelle à la matière délictuelle.

En l’état actuel des textes (Article 495 CPP), son champ d’application est le suivant :

« 1° Les délits prévus par le code de la route et les contraventions connexes prévues par ce code ;

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2° Les délits en matière de réglementations relatives aux transports terrestres ;

3° Les délits prévus au titre IV du livre IV du code de commerce pour lesquels une peine d'emprisonnement n'est pas encourue ;

4° Le délit d'usage de produits stupéfiants prévu par le premier alinéa de l'article L. 3421-1 du code de la santé publique ;

5° Le délit prévu par l'article L. 126-3 du code de la construction et de l'habitation. »

Le législateur a édicté des limites à son champ d’application :

« 1° Si le prévenu était âgé de moins de dix-huit ans au jour de l'infraction ;

2° Si la victime a formulé, au cours de l'enquête, une demande de dommages et intérêts ou de restitution, ou a fait directement citer le prévenu avant qu'ait été rendue l'ordonnance prévue à l'article 495-1 ;

3° Si le délit prévu par le code de la route a été commis en même temps qu'une contravention ou qu'un délit d'homicide involontaire ou d'atteinte involontaire à l'intégrité de la personne. »

Enfin, l’article 495 du CPP se termine ainsi : « Le ministère public ne peut recourir à la procédure simplifiée que lorsqu'il résulte de l'enquête de police judiciaire que les faits reprochés au prévenu sont établis et que les renseignements concernant la personnalité de celui-ci, et notamment ses charges et ses ressources, sont suffisants pour permettre la détermination de la peine. ». Cette dernière condition est destinée à assurer l’individualisation de la peine dont le principe est affirmé à l’article 132-24 du CP.

Le rapport remis au garde des Sceaux le 30 juin 2008 par la commission présidée par M. le recteur Guinchard préconisait de donner à la procédure simplifiée (comme d’ailleurs à la CRPC, voir leçon suivante) un champ élargi couvrant tous les délits sauf exceptions particulières (des délits du droit du travail ou des manquements aux règles d’hygiène et de sécurité entraînant des blessures involontaires ou des homicides involontaires) ou communes à la CRPC (délits de presse, les homicides involontaires, les délits politiques et les délits dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale).

Dans le cadre de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures, l’Assemblée Nationale avait voté une disposition reprenant cette préconisation. Le Sénat par la voix de son rapporteur sur ce texte M. Bernard Saugey (Rapport n°209 tome 1) s’y est opposé au motif que « si l’ordonnance pénale a montré son utilité dans le traitement de contentieux extrêmement simples (tels que les infractions au code de la route), elle n’est pas nécessairement adaptée pour des contentieux plus complexes. (…) En outre, la procédure de l’ordonnance pénale modifie l’équilibre entre le rôle du juge du siège,

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qui ne peut se prononcer que sur la base du dossier transmis, et celui du parquet, dont l’analyse se fonde nécessairement sur le travail parfois excessivement rapide des enquêteurs. (…) En raison de la façon de travailler imposée aux magistrats du parquet, dans le cadre du traitement en temps réel des affaires pénales, un recours systématisé à la procédure de l’ordonnance pénale pourrait affecter la qualité de la justice. (…) En tout état de cause, il lui a semblé qu’une question de cette nature dépassait de loin le champ d’un texte de simplification du droit ».

3) Le Procureur peut enfin saisir le tribunal correctionnel aux fins de jugement et là encore, non seulement selon les cas, il saisira ce tribunal dans sa formation collégiale ou au contraire dans sa formation statuant en juge unique (voir la leçon sur le tribunal correctionnel) mais il peut le saisir de diverses manières et nous sommes là encore sur un choix d’orientation et sur le mode d’exercice de l’action publique.

a) Le mode de poursuite le plus usité il y a encore deux décennies, la citation directe est devenu très minoritaire (20% des saisines du TC selon M. Desportes et Mme Lazerges-Cousquer, n°1203). Elle demeure pourtant le mode de saisine ordinaire du TC utilisable pour tous les délits (Article 390 CPP). Elle prend la forme d’un exploit d’huissier délivré à la requête du ministère public.

b) Créé en 1985, la convocation par officier ou agent de police judiciaire (COPJ) est (Article 390-1 CPP) devenue le mode poursuite le plus usité. Il est vrai qu’elle présente l’avantage de « valoir citation à personne », excluant ainsi le risque d’une procédure de jugement par défaut. Le prévenu se voit convoqué sur instructions du Procureur, qui peut être donnée dans le cadre du traitement direct, par un OPJ ou un APJ ou si la personne est détenue pour une autre cause par le chef de l’établissement pénitentiaire.

c) La comparution immédiate, (Article 393 et s. CPP) consiste pour le parquet à choisir de faire comparaître immédiatement devant le tribunal correctionnel une personne à qui il vient de notifier les faits qui lui sont reprochés. Son champ est défini par l’article 395 du CPP. La peine encourue doit être de deux ans d’emprisonnement au moins, l’affaire en état d’être jugée et les charges suffisantes. En matière de délit flagrant, le seuil de la peine encourue est abaissé à six mois. Depuis la loi du 9 septembre 2002, il n’existe plus de limite supérieure de peine encourue. Les délits faisant encourir dix ans d’emprisonnement et vingt ans en cas de récidive peuvent être jugés dans ce cadre. Sont exclus de son champ d’application, (Article 397-6 du CPP) les

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délits de presse, les délits politiques ou d’infractions dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale.

Cette orientation suppose (Article 393 CPP) d’une part le défèrement devant le procureur de la République aux termes de la garde à vue et en tout cas dans le délai de 20 heures à compter de la levée de cette garde à vue (Article 803-3 CPP qui précise les conditions de cette retenue), l’information sur les faits qui lui sont reprochés, le recueil des déclarations du mis en cause s’il en fait la demande, l’information sur son droit à l’assistance d’un avocat, lequel peut aussitôt sa désignation consulter le dossier et s’entretenir avec le prévenu, la réalisation d’une enquête sociale et enfin l’avis à la victime de la date de l’audience (Article 393-1 CPP).

La comparution doit en principe avoir lieu le jour même (Article 395 CPP) mais si la réunion du tribunal s’avère impossible, le Procureur peut saisir le juge des libertés et de la détention pour voir ordonner le placement en détention provisoire du prévenu jusqu’à sa comparution qui doit intervenir dans le troisième jour ouvrable suivants (Article 396 CPP).

Jurisprudence

Le non-respect des dispositions de l’article 803-3 du CPP entraîne en cas de comparution immédiate la nullité de la saisine du tribunal correctionnel car la rétention du prévenu, entachée d’illégalité est le support nécessaire de cette saisine. (Crim 6 déc. 2005, Bull. n°321) ce qui n’est pas le cas en revanche de la garde à vue (Crim. 26 mars 2008, Bull. n°76).

d) La convocation par procès-verbal (Article 394 CPP). Elle est peu utilisée. Elle passe aussi par un défèrement, le plus souvent à l’issue d’une garde à vue, et le procureur notifie à la personne mis en cause les charges retenues contre elle et la date de l’audience. Applicable aux délits quelle que soit la peine encourue, elle permet au parquet de solliciter du juge des libertés et de la détention un placement sous contrôle judiciaire. Elle vaut « citation à personne ». A l’instar de la comparution immédiate, sont exclus de son champ d’application, les délits de presse, les délits politiques et les infractions dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale.

L’exercice simultané de deux modes d’exercice des poursuites rendu possible.

L’enchevêtrement des convocations.

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La jurisprudence a rapidement tranché la question de savoir si le ministère public peut avoir comme l’écrivent M. Desportes et Mme Lazerges-Cousquer (op.cit. n°1241) deux fers au feu. La chambre criminelle avait déduit de la rédaction de l’article 495-12 du CPP qu’il ne pouvait concomitamment saisir le tribunal correctionnel selon l’un des modes prévu par le Code de procédure pénale avant que le prévenu ait déclaré ne pas accepter la ou les peines proposées ou que le président du tribunal ait rendu une ordonnance de refus d’homologation, en bref avant que la CRPC n’ai échoué (Crim. 4 oct. 2006, Bull. n°244).

Par une décision du 14 octobre 2008, la chambre criminelle (Bull. n°208) avait donc rejeté le pourvoi contre une décision annulant la convocation par procès-verbal ainsi que le jugement du tribunal correctionnel subséquent au motif que le procureur de la République avait fait délivrer concomitamment deux convocations pour les mêmes faits, l'une en vue d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et l'autre, par officier de police judiciaire, en vue de l'audience correctionnelle avant même l’échec de la CRPC.

Dans une décision du 29 octobre 2008 (Bull. n°219), la chambre criminelle acceptait en revanche que le ministère public saisisse la juridiction correctionnelle selon l'un des modes prévus par le premier de ces textes lorsque, après la délivrance d'une convocation en vue d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, il renonce à proposer une peine dans les conditions prévues à l’article 495-8 du CPP (en l’espèce en raison d’une grève des avocats).

Le législateur est venu en 2009 balayer cette construction jurisprudentielle.

La loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et

d'allègement des procédures est venu ajouter un article 495-15-1 au CPP qui prévoit : La mise en œuvre de la procédure prévue par la présente section [la CRPC]n'interdit pas au procureur de la République de procéder simultanément à une convocation en justice en application de l'article 390-1. La saisine du tribunal résultant de cette convocation en justice est caduque si la personne accepte la ou les peines proposées et que celles-ci font l'objet d'une ordonnance d'homologation.

Au total, le parquet a donc le choix en matière délictuelle entre un peu plus d’une douzaine d’options, six procédures alternatives aux poursuites qui poursuivent des finalités différentes mais ont ceci en commun d’être des réponses pénales données en amont des poursuites et six modes d’engagement des poursuites, l’information et six modes de saisine du tribunal correctionnel bien différents au plan de leur conditions et de leur déroulement processuel.

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Commentaire de l’Annuaire statistique de la justice 2009 Les chiffres analysés sont ceux de 2006. Les 550.000 poursuites devant les T.C. (+6,6% sur un an par rapport à 2005) se

répartissent comme suit: - Les convocations sur PV d’OPJ ou d’APJ représentent 38,36% du

total, en diminution légère au plan relatif et absolu. - Les citations directes restent (en légère baisse) aux alentours de 18%

(99.000) mais les ordonnances pénales progressent et passent de 20% à 22,54% (+ 24.000 en un an, 130.000 en 2006).

- La Comparution immédiate est en légère diminution en chiffre relatif (8,24%), et absolu.

- La CRPC, dont on pouvait dire en 2008 sans prendre de risque qu’elle n’était pas à son niveau de croisière en 2005, a tout simplement presque doublé et passe de 27.000 en 2005 à 50.000 en 2006 soit 9%. L’évolution est à suivre. - Et la convocation sur PV du procureur régresse à 2,5%. La CRPC et l’Ordonnance pénale sont les grandes gagnantes au jeu de la

concurrence entre procédures de poursuites. A elles deux, elles en viennent à représenter tout près d’un tiers des poursuites.

Si l’on agrège CRPC et composition pénale, qui partagent le fait de ne s’appliquer qu’en cas de reconnaissance des faits et accord du mis en cause, elles permettent de traiter en 2006, 101.000 dossiers soit 8,2% de la réponse pénale (poursuites et alternatives). Le chiffre est désormais loin d’être négligeable.

Parmi les procédures alternatives, la composition pénale a poursuivi sa croissance entre 2005 et 2006 passant de 40.000 à 51.000.

S’agissant du rappel à la loi, véritable alternative au classement sans suite, sa progression continue (240.000, soit +8,5% en un an). De 2002 à 2006 sa progression équivaut à 74% de la diminution des classements sans suite sur la même période. Sans doute faut-il se garder de ce genre de « transvasements » mais il est indéniable que l’explication de la diminution des classements sans suite est, au mois partiellement, là. Le rappel à la loi représente 51% de toutes les alternatives. Les réparations mineurs progressent très lentement, les injonctions thérapeutiques régressent sur trois ans mais les orientations vers les structures sanitaires, sociales et professionnelles continuent de progresser doublant presque sur cinq ans. Les médiations pénales régressent.

C’est à partir de l’ensemble de ces chiffres qu’il faut comprendre l’amélioration du taux de réponse pénale qui en 2006 a dépassé légèrement la barre des 80%.

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3 La composition pénale et la CRPC Pourquoi étudier, en une même leçon, une procédure qui se situe en amont des

poursuites et une autre qui suppose que le parquet ait, au contraire, choisi de poursuivre ? C’est que la CRPC a été instauré ainsi que le rappelle M. Desportes et Mme Lazerges-

Cousquer « dans le sillage de la composition pénale » (op. cit. n°1237) au point d’ailleurs que la mission d’information sur les procédures accélérées de jugement en matière pénale installée au Sénat s’était interrogée sur le point de savoir si la création de la CRPC ne devait pas emporter suppression de la composition pénale (Rapport d’information sur les procédures accélérées de jugement en matière pénale, Sénat, 2005).

Les deux procédures possèdent trois points communs qui constituent une triple rupture

au plan culturel dans notre procédure et qui explique les mouvements d’humeur divers avec lesquels elles ont été accueillies, voire l’opposition caractérisée de certains magistrats ou avocats à ces innovations quelques années après leur création. Il est donc important de comprendre ce qui se joue de si nouveau dans ces deux procédures.

La triple rupture tient à notre sens au fait d’une part que la mise en œuvre de ces

deux procédures suppose la reconnaissance de culpabilité par le mis en cause. Or, jusqu’ici, les procédures de jugement au fond n’avaient jamais été construites à partir de ce critère. La présomption d’innocence semblait même l’interdire d’autant que l’aveu n’est jamais une preuve absolue de culpabilité. D’autre part, la rupture tient encore au fait que ces deux procédures reposent sur l’acceptation par le mis en cause des mesures (la composition pénale) ou des peines (la CRPC) qui lui sont proposées par le ministère public. Enfin, l’office du juge est singulièrement restreint : il valide ou homologue l’accord passé entre le parquet et le mis en cause mais ne peut modifier les termes de l’accord qui lui sont soumis.

Eléments statistiques. Si l’on agrège CRPC et composition pénale, qui partagent le

fait de ne s’appliquer qu’en cas de reconnaissance des faits et accord du mis en cause, elles permettent de traiter en 2006, 101.000 dossiers soit 8,2% de la réponse pénale (poursuites et alternatives). Le chiffre est désormais loin d’être négligeable. Mais les chiffres relatifs à l’utilisation de telle ou telle procédure rappelés ci-dessus sont des moyennes qui cachent de grandes disparités.

L’analyse des statistiques de la composition pénale démontrent par exemple pour des

tribunaux ayant la même activité pénale, dans les uns, son absence totale, et dans les autres, des usages de l’ordre de 1 à 20. Sur l’ensemble des juridictions on trouve sans difficulté des écarts de 1 à 100, voire 150 sur l’usage proportionnel de cette procédure (exemple Bordeaux 46 compositions pénales pour 40.000 affaires poursuivables, la Roche-sur-Yon, 1400 pour 8.000). Il en est de même pour la CRPC. On pourrait relever de pareils écarts.

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I La composition pénale. La composition pénale qui, à sa naissance, avait pu être présenté comme une

procédure lourde et complexe (Cf. notamment, la critique de J. Volff, « la composition pénale, un essai manqué » Gaz. Pal. Mars-avril 2000, p. 559) a au contraire pu être décrite par une doctrine récente et bénéficiant donc de plus de recul comme une procédure hybride et relativement souple (Desportes et Lazerges-Cousquer op. cit. n°1177 et 1179). Avant de justifier ce dernier qualificatif par l’examen des pratiques judiciaires, il nous faut nous arrêter sur ce caractère hybride en examinant, son champ d’application, sa finalité, son déroulement, et ses suites. On doit aussi relever que cette nouvelle procédure institué par la loi n°99-515 du 23 juin 1999, et prévue par l’article 41-2 du CPP n’a pas fait l’objet de moins de sept modifications en dix ans (2001, 2002, 2004, 2005, 2006, 2007, et 2009) ! Elle illustre parfaitement la nouvelle forme de législation qui s’installe et qui relève moins de l’érection d’une norme processuelle que de la gestion d’un « process » au sens technique et industriel du terme emprunté à la langue anglaise, toujours censé être susceptible d’amélioration ou seulement d’adaptation à des besoins qui sont ceux de la gestion des contentieux et de leur traitement.

A la différence de la CRPC, la composition pénale ne peut être proposée que tant que

l’action publique n’a pas été mise en mouvement (Article 41-2 al.1 CPP) Le champ d’application. D’abord défini sous la forme d’une liste

d’infractions, il a été élargi par la loi du 9 mars 2004 aux délits punis à titre de peine principale d’une peine d’amende ou d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure à cinq ans, ainsi que le cas échéant, une ou plusieurs contraventions connexes. Les délits d’homicides involontaires, les délits de presse, et les délits politiques sont exclus de ce champ. Disons également que c’est aussi là le champ d’application de la CRPC à une exclusion près (voir infra).

Comme pour la CRPC, le rapport de la commission Guinchard (proposition n°63)

suggérait de faire sauter la limite tenant à la peine d’emprisonnement encourue et de viser tous les délits tout en conservant les exclusions citées ci-dessus.

S’agissant des personnes concernées, il semblait de la lecture de l’article 41-2 qu’elle

n’était applicable qu’aux personnes physiques. Cependant, l’article 470-4-2 du code de commerce issu de la loi n°2005-882 du 5 août 2005, dispose que la composition pénale est applicable aux personnes morales qui reconnaissent avoir commis un ou plusieurs délits prévus au titre IV du livre IV relatifs à la transparence et aux pratiques restrictives de concurrence pour lesquels une peine d'emprisonnement n'est pas encourue ainsi que, le cas échéant, une ou plusieurs contraventions connexes. Elle est alors proposée par un fonctionnaire de l’administration concernée et seule la mesure d’amende de composition peut être proposée.

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D’abord réservée aux majeurs, la composition pénale peut sous réserves de modalités particulières dont l’assistance obligatoire d’un avocat être proposée désormais aux mineurs de plus de treize ans depuis la loi n°2007-297 du 5 mars 2007 (article 7-2 de l’ordonnance n°45-174 du 2 février 1945.

Il est donc clair que le champ d’application de la composition pénale est depuis sa

création un univers en expansion. Les mesures. La composition pénale étant une alternative aux poursuites, il est exclu que puisse être

proposée à la personne qui reconnaît avoir commis un délit, l’exécution d’une peine. Le législateur a donc choisi une terminologie assez neutre : la mesure. En fait, il faut bien dire que sous ce mot, la loi se cache à peine de réintroduire d’une part nombre de sanctions qui s’analysent en pénologie comme des peines complémentaires et que l’amende de composition comme le travail non rémunéré masquent difficilement leur étroite parenté avec la peine d’amende et le TIG.

La liste reproduite ci-dessous des mesures qui peuvent être proposées en matière

correctionnelle s’est également allongée en 2002, 2004, 2006 et 2007.

Article 41-2 CPP extrait.

1° Verser une amende de composition au Trésor public. Le montant de cette amende, qui ne peut excéder le montant maximum de l'amende encourue, est fixé en fonction de la gravité des faits ainsi que des ressources et des charges de la personne. Son versement peut être échelonné, selon un échéancier fixé par le procureur de la République, à l'intérieur d'une période qui ne peut être supérieure à un an ;

2° Se dessaisir au profit de l'Etat de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou qui en est le produit ;

3° Remettre son véhicule, pour une période maximale de six mois, à des fins d'immobilisation ;

4° Remettre au greffe du tribunal de grande instance son permis de conduire, pour une période maximale de six mois ;

5° Remettre au greffe du tribunal de grande instance son permis de chasser, pour une période maximale de six mois ;

6° Accomplir au profit de la collectivité, notamment au sein d'une personne morale de droit public ou d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitées, un travail non rémunéré pour une durée

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maximale de soixante heures, dans un délai qui ne peut être supérieur à six mois ;

7° Suivre un stage ou une formation dans un service ou un organisme sanitaire, social ou professionnel pour une durée qui ne peut excéder trois mois dans un délai qui ne peut être supérieur à dix-huit mois ;

8° Ne pas émettre, pour une durée de six mois au plus, des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et ne pas utiliser de cartes de paiement ;

9° Ne pas paraître, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, dans le ou les lieux dans lesquels l'infraction a été commise et qui sont désignés par le procureur de la République, à l'exception des lieux dans lesquels la personne réside habituellement ;

10° Ne pas rencontrer ou recevoir, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, la ou les victimes de l'infraction désignées par le procureur de la République ou ne pas entrer en relation avec elles ;

11° Ne pas rencontrer ou recevoir, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, le ou les coauteurs ou complices éventuels désignés par le procureur de la République ou ne pas entrer en relation avec eux ;

12° Ne pas quitter le territoire national et remettre son passeport pour une durée qui ne saurait excéder six mois ;

13° Accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de citoyenneté ;

14° En cas d'infraction commise soit contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin ou partenaire, résider hors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, s'abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ; les dispositions du présent 14° sont également applicables lorsque l'infraction est commise par l'ancien conjoint ou concubin de la victime, ou par la personne ayant été liée à elle par un pacte civil de solidarité, le domicile concerné étant alors celui de la victime ;

15° Accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants ;

16° Se soumettre à une mesure d'activité de jour consistant en la mise en œuvre d'activités d'insertion professionnelle ou de mise à niveau scolaire soit auprès d'une personne morale de droit public, soit auprès d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitées à mettre en œuvre une telle mesure ;

17° Se soumettre à une mesure d'injonction thérapeutique, selon les modalités définies aux articles L. 3413-1 à L. 3413-4 du code de la santé publique, lorsqu'il apparaît que

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l'intéressé fait usage de stupéfiants ou fait une consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques.

Lorsque la victime est identifiée, et sauf si l'auteur des faits justifie de la réparation du préjudice commis, le procureur de la République doit également proposer à ce dernier de réparer les dommages causés par l'infraction dans un délai qui ne peut être supérieur à six mois. Il informe la victime de cette proposition. Cette réparation peut consister, avec l'accord de la victime, en la remise en état d'un bien endommagé par la commission de l'infraction.

En tout état de cause, si la composition pénale est utilisée à propos de faits ayant causé

un dommage, et que la victime est identifiée, le procureur doit aussi proposer au mis en cause de réparer le dommage subi par la victime. Autrement dit, la composition pénale prétend pouvoir traiter dans le même temps de la réponse pénale et civile.

En matière contraventionnelle, les mesures qui peuvent être proposées, définies à

l’article 41-3 du CPP sont évidemment plus restreintes (notamment pour les contraventions des quatre premières classes). Quant aux mineurs, les mesures qui peuvent leur être proposées dans ce cadre sont d’une part celles de l’article 41-2 mais aussi des mesures spécifiques au caractère éducatif plus marqué (Article 7-2 de l’ordonnance du février 1945) et en tout état de cause la durée d’exécution des mesures ne doit pas dépasser un an.

Le déroulement de la procédure Le texte de l’article 41-2 du CPP paraît simple et ne pas beaucoup laisser place à

l’imagination. Deux temps se dégagent, celui de la proposition du parquet, et celui de la validation par le juge. L’exécution de la mesure ne présentant pas de caractère processuel particulier.

La proposition du parquet peut être faite soit directement par le procureur soit par

l’intermédiaire d’une « personne habilitée » : un délégué du procureur ou un OPJ. S’il s’agit d’un OPJ, la proposition doit être écrite et signée d’un membre du parquet, préciser la nature et le quantum des mesures proposées et être jointe à la procédure. Et lorsque la composition pénale est proposée à un mineur elle doit aussi être présentée aux représentants légaux du mineur.

L’article 41-2 du CPP prévoit que « le procureur de la République, tant que l'action

publique n'a pas été mise en mouvement, peut proposer… une composition pénale à une personne physique qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits » et cette formulation, implicitement, suppose que la reconnaissance des faits soit effective au moment où il fait cette proposition. Les discussions parlementaires avaient donc conduit dans le souci que la proposition ne puisse être faite contre l’obtention d’aveux ou qu’en tout cas la composition pénale ne soit pas acceptée dans le contexte de grande vulnérabilité psychologique que

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constitue une mesure de garde à vue à exclure la possibilité de proposer la composition pénale durant la garde à vue. La loi du 9 septembre 2002 a supprimé cette restriction. L’OPJ peut donc proposer la composition pénale durant la garde à vue dans les conditions citées plus haut.

La personne mise en cause n’a pas obligation de se déterminer aussitôt que la

proposition lui est communiquée. L’article R15-33-39 du CPP dispose que la personne à qui est proposée une composition pénale peut demander à disposer d'un délai de dix jours avant de faire connaître sa décision. L’article 41-2 al.3 dispose quant à lui que la personne à qui est proposée une composition pénale est informée qu'elle peut se faire assister par un avocat avant de donner son accord à la proposition du procureur de la République. Avant de se déterminer sur la proposition qui lui est faite la personne peut donc consulter un avocat et bénéficier pour ce faire de l’Aide Juridictionnelle.

En cas de refus des mesures proposées par la personne mise en cause, l’article 41-2

prévoit la mise ne mouvement de l’action publique « sauf élément nouveau » L’accord de la personne sur la composition pénale et sur les mesures qui lui sont proposées est recueilli par procès verbal (sur son contenu voir l’article R15-33-40 du CPP) signé par elle et par le procureur ou la personne habilitée qui lui a fait la proposition de composition. L’accord du mineur et de ses représentants légaux doit quant à lui être recueilli en présence d’un avocat (Article 7-2 al. 3 de l’Ordonnance du 2 février 1945).

Le législateur de 1999 avait estimé nécessaire de préciser, dans la logique des procédures alternatives aux poursuites, que « la composition pénale peut être proposée dans une maison de justice et du droit » (Article 41-2 al.4 CPP). En réalité, le lieu de proposition dépend essentiellement de l’identité de la personne qui propose la composition : procureur, délégué, médiateur, OPJ.

La validation de la composition pénale. Cette phase de la procédure était nécessaire pour éviter en 1999, la répétition de l’échec enregistré en 1995 quand le Conseil constitutionnel avait déclaré non conforme à la Constitution (CC, Déc. N°95-360 du 2 février 1995) une procédure dénommée « injonction pénale ». La première phase était pour l’essentiel identique à celle que nous venons de voir à propos de la composition pénale, mais le législateur n’avait pas prévu d’intervention du juge après proposition et acceptation de l’injonction. Le Conseil constitutionnel avait jugé : « Considérant que certaines mesures susceptibles de faire l'objet d'une injonction pénale peuvent être de nature à porter atteinte à la liberté individuelle ; que dans le cas où elles sont prononcées par un tribunal, elles constituent des sanctions pénales ; que le prononcé et l'exécution de telles mesures, même avec l'accord de la personne susceptible d'être pénalement poursuivie, ne peuvent, s'agissant de la répression de délits de droit commun, intervenir à la seule diligence d'une autorité chargée de

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l'action publique mais requièrent la décision d'une autorité de jugement conformément aux exigences constitutionnelles ci-dessus rappelées ; ».

La chambre criminelle (Crim. 20 novembre 2007, n°07-82808) a jugé que « lorsque l'auteur des faits a donné son accord aux mesures proposées par le procureur de la République, ce dernier est tenu de saisir le président du tribunal aux fins de validation de la composition et ne recouvre la possibilité de mettre en mouvement l'action publique que si ce magistrat refuse de valider la composition ou si, une fois la validation intervenue, l'intéressé n'exécute pas intégralement les mesures décidées ». Le parquet ne peut donc pas reprendre en quelque sorte sa proposition une fois celle-ci acceptée et doit saisir le président du tribunal pour validation. Et il avertit de cette saisine l’auteur des faits et la victime. Le juge compétent peut en matière délictuelle être tout juge du tribunal ou tout juge de proximité exerçant dans le ressort du tribunal (Article 41-2 CPP). En matière contraventionnelle, est compétent le juge du tribunal de police ou le juge de proximité (article 41-3 CPP) et s’agissant des mineurs, seul le juge des enfants est compétent (Article 7-2, al.4 Ord. 2 février 1945).

Valider ou refuser de valider, ce sont les deux seules possibilités du juge saisi. Il ne

peut modifier les mesures proposées et acceptées. Avant la loi du 9 septembre 2002, l’audition par le juge de la personne mise en cause était de droit. Cette possibilité d’accès au juge a été supprimée par cette loi, alors que dans le même temps la loi en question donnait compétence au juge de proximité pour valider les compositions pénales, ce qui constitue une étrange conception de la proximité. Il reste que le juge peut décider avant de prendre sa décision de procéder à l’audition de l’auteur des faits et de la victime assistés le cas échéant de leurs conseils. Il est nécessaire de préciser qu’avant la loi de 2002, les demandes d’audition formées par les justiciables étaient très rares, et que les décisions des juges d’entendre les parties le sont tout autant. La phase de validation n’est pas conçue, ni par le législateur, ni par les praticiens comme une phase contradictoire. Lorsque le champ d’application de la composition pénale a été étendu aux mineurs par la loi du 5 mars 2007, le législateur a en revanche estimé nécessaire d’ouvrir la possibilité au mineur et à ses représentants légaux d’accéder au juge. L’audition est de droit. S’il refuse de valider, la proposition de composition devient caduque. Et la décision du juge n’est susceptible d’aucun recours (Article 41-2 al.6).

L’exécution des mesures. Ces mesures ne sont pas susceptibles d’exécution forcée.

Les articles R15-33-49 à R15-33-60 du CPP précisent type de mesure par type de mesure les conditions de leur exécution. Des délais d’exécution plus longs que ceux initialement prévus peuvent être accordés pourvu qu’ils demeurent inférieurs à ceux prévus par la loi à l’article 41-2 du CPP.

La fin de la composition pénale. Deux cas sont à envisager. Les mesures ont été exécutées. Le procureur avise l’intéressé et la victime de

cette exécution constatée. L’action publique s’éteint. L’action civile demeure ouverte et la partie civile, dont le préjudice n’a pas nécessairement été connu ou pris en compte ou pu être

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réparé par le mis en cause peut délivrer une citation devant le tribunal correctionnel qui, à juge unique, statuera sur les intérêts civils au vu du dossier de composition pénale ou utiliser la procédure civile d’injonction de payer en produisant l’ordonnance de validation à l’appui de ses demandes et de leurs justificatifs. Les décisions de composition pénales exécutées sont inscrites au seul Bulletin n°1 du casier judiciaire pour une durée de trois années sauf nouvelle condamnation criminelle ou correctionnelle ou composition pénale. Elles peuvent le cas échéant avoir pour conséquence une inscription au FIJAIS ou un retrait de points du permis de conduire.

Les mesures n’ont pas été totalement exécutées. L’article 41-2 prévoit comme en

cas de refus des propositions la mise en mouvement de l’action publique, mais si une partie des mesures a été exécutée, il est tenu compte du travail non rémunéré qui a déjà été accompli ou des sommes déjà versées. L’action civile demeure ouverte sous les formes rappelées ci-dessus.

Dans tous les cas d’échec de la composition pénale, les actes tendant à sa mise en

œuvre ou à son exécution interrompent la prescription de l’action publique. Pratique des parquets et judiciaire. L’observation du terrain révèle une variété

surprenante de modèles procéduraux construits par les juridictions qui ont fait choix d’utiliser la composition pénale. (CF. pour de plus amples développements, J. Danet et S. Grunvald « Brèves remarques tirées d’une première évaluation de la composition pénale » AJP, mai 2004, p.196 et J. Danet et S. Grunvald, « La composition pénale Une première évaluation», L’harmattan, 2005, 200 pages). C’est qu’en effet, l’article 41-2 du CPP ne suffit pas à enfermer la composition pénale dans un corset strict qui dessinerait un nouveau rituel spatio-temporel dans notre procédure. Nous avons relevé pas moins de 13 variables autour desquelles des choix différents ont pu être faits. Les acteurs sont tantôt les délégués du procureur, tantôt les officiers de police, tantôt le personnel du greffe. La composition pénale peut être proposée sur le lieu de l’infraction s’agissant des CEA ou à la gendarmerie, dans une maison de la justice et du droit ou au palais de justice. Dans une salle d’audience ou dans le bureau du membre du parquet. La proposition peut-être faite immédiatement suite au constat de l’infraction ou plus tard. On peut d’abord sonder l’auteur sur son éventuel intérêt pour une telle proposition afin limiter les refus ultérieurs. Les auteurs peuvent être convoqués collectivement pour se voir proposer la composition pénale ou bien être reçus seuls sur rendez-vous par le délégué. L’information de l’auteur sur ses droits et notamment celui d’être assisté d’un conseil, est plus ou moins précoce, effectuée par oral ou par écrit. Selon les modèles, les dossiers avec des victimes sont exclus ou au contraire intégrés dans le champ de la composition pénale. Dans le second cas, les délégués prennent ou non l’initiative d’organiser un contact entre auteur et victime. La délégation donnée aux délégués par le procureur pour la proposition des mesures peut-être ouverte ou fermée, laissant ou non place à une individualisation. Les mesures proposées sont très diversement variées selon les modèles, assorties ou non de délais pour leur exécution. Une enquête sociale sur l’auteur est tantôt systématique, tantôt exclue. La notification de l’homologation de la mesure se fait par écrit ou

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à l’occasion d’un nouvel entretien. Des juges du siège prennent connaissance des dossiers avant l’acceptation de la composition par l’auteur et d’autres ne conçoivent même pas qu’il puisse en être ainsi.

On le voit, les juridictions ont, au gré de leurs besoins et de leurs contraintes, construit

des modèles assez différents de composition pénale. Ces modèles sont plus ou moins centrés sur un objectif de simplification ou de normalisation tandis qu’au contraire d’autres entendent utiliser cette procédure pour atteindre des objectifs pédagogiques ou de meilleure individualisation des sanctions.

Ce qui doit enfin être noté, c’est d’une part que la mise en œuvre de cette procédure a

été précédé dans toutes les juridictions qui l’ont adopté d’une phase de préparation et de discussion entre parquet et siège, sur les types de dossiers qui lui seraient dédiés et les mesures qui seraient proposées, ceci afin d’éviter de multiplier les risques de refus de validation. Le résultat est tangible. Les refus de validation sont rares. Enfin dans l’étude menée en 2002, sur plusieurs tribunaux, il était relevé des taux très importants d’acceptation de la composition pénale par les justiciables et des taux d’exécution également très satisfaisants notamment au regard des taux de recouvrements des amendes classiques.

Ces paramètres qui s’inscrivent aujourd’hui dans les indicateurs quantitatifs

d’évaluation des politiques publiques et notamment ceux de la LOLF ne sauraient être ignorées du juriste, même si pour certains ils relèvent de la sociologie du droit et à ce titre n’entrent pas dans son champ d’étude.

II La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou CRPC. Nous partageons avec M. Desportes et Mme Lazerges-Cousquer l’opinion selon

laquelle la CRPC n’est pas un « plaider coupable », fut-il à la française. Cette procédure s’en distingue à beaucoup d’égards et au surplus elle s’inscrit dans un système processuel très différent. En tout cas la dénommer « plaider coupable » ne la rend pas plus lisible aux yeux des justiciables auprès desquels il n’est peut-être pas utile d’entretenir la confusion entre séries télévisuelles américaines et réalité judiciaire française. (Sur le plaider coupable, on lira I. Papadopoulos, Le plaider coupable : la pratique américaine, le texte français, PUF, coll. Les notes, 2004.

La CRPC a été instituée par la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 et vient donc, du côté

de l’exercice des poursuites, instaurer une procédure qui par le rôle nouveau qu’elle confie au parquet et par le fait qu’elle suppose une reconnaissance de culpabilité s’approche beaucoup de la composition pénale.

Elle s’en distingue cependant par quatre caractères principaux :

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Le parquet ne peut déléguer son pouvoir de proposition. L’intervention du juge donne ici lieu obligatoirement à une audience, dite audience

d’homologation. Faisant suite à l’exercice des poursuites, la CRPC donne lieu sous réserve

d’homologation au prononcé de peines exécutoires et qui peuvent être des peines d’emprisonnement.

La voie de l’appel est ouverte contre les décisions d’homologation. Le champ d’application. La CRPC peut être utilisée pour juger les délits punis à titre

de peine principale d’une peine d’amende ou d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure à cinq ans. Les délits d’homicides involontaires, les délits de presse, les délits politiques et les délits dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale sont exclus de son champ (Articles 495-7 et 495-16 du CPP). Selon la circulaire d’application du 2 septembre 2004, et même si la loi ne le prévoit pas expressément, elle permettrait aussi de juger les contraventions connexes reprochées à l’auteur du délit.

Le rapport de la commission Guinchard (proposition n°62) suggérait de faire sauter la

limite tenant à la peine d’emprisonnement encourue et de viser tous les délits tout en conservant les exclusions citées ci-dessus.

S’agissant de l’auteur du délit, la CRPC n’est pas applicable aux mineurs (Article 495-

16 du CPP) et le texte de l’article 495-7 du CPP visant « la personne » qui reconnaît avoir commis un délit, sans autre précision, on doit en déduire que cette procédure peut aussi concerner une personne morale dont le représentant sera convoqué dans les conditions prévues de manière générale à l’article 706-43 du CPP.

Les peines prononçables en CRPC. On ne saurait ici confondre le champ

d’application de la CRPC (sauf exclusions les délits punis d’amende ou de peines de 5 ans et moins d’emprisonnement) avec les peines susceptibles d’être prononcées dans ce cadre. Les trois premiers alinéas de l’article 495-8 du CPP limitent ainsi qu’il suit les peines qui peuvent être proposées à la personne qui reconnaît les faits dans ce cadre processuel :

« Le procureur de la République peut proposer à la personne d'exécuter une ou plusieurs des peines principales ou complémentaires encourues ; la nature et le quantum de la ou des peines sont déterminés conformément aux dispositions de l'article 132-24 du code pénal.

Lorsqu'est proposée une peine d'emprisonnement, sa durée ne peut être supérieure à un an ni excéder la moitié de la peine d'emprisonnement encourue. Le procureur peut proposer qu'elle soit assortie en tout ou partie du sursis. Il peut également proposer qu'elle fasse l'objet d'une des mesures d'aménagement énumérées par l'article 712-6.

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Si le procureur de la République propose une peine d'emprisonnement ferme, il précise à la personne s'il entend que cette peine soit immédiatement mise à exécution ou si la personne sera convoquée devant le juge de l'application des peines pour que soient déterminées les modalités de son exécution, notamment la semi-liberté, le placement à l'extérieur ou le placement sous surveillance électronique.

Lorsqu'est proposée une peine d'amende, son montant ne peut être supérieur à celui de l'amende encourue. Elle peut être assortie du sursis. »

La procédure de CRPC n’échappe donc pas à la nécessaire individualisation des

peines. La limitation prévue par le texte aux peines susceptibles d’être prononcées peut s’entendre de deux manières. Soit comme la volonté du législateur de voir prononcées des peines allégées en raison de la reconnaissance des faits, interprétation qui est celle de la circulaire du 2 septembre 2004, mais qui laisse perplexe sur l’égalité des justiciables devant la loi pénale, et sur le bien fondé de ce lien posé apriori entre le choix d’une procédure et la peine prononcée, ou même une stratégie de défense et la peine. Soit comme la volonté du législateur de réserver cette procédure à des faits de gravité limitée qui, quel que soit le mode de poursuites ne justifierait pas une peine d’emprisonnement supérieure à un an.

L’initiative de la procédure et son contexte. L’initiative du recours à la CRPC est

réservée au parquet, mais il peut choisir d’y recourir d’office ou à la demande de l’intéressé ou de son avocat (Article 495-7 et 495-15 CPP). Alors que les poursuites sont engagées, par un autre mode, le procureur peut donc choisir de faire « bifurquer » (Desportes et Lazerges-Cousquer, op.cit. n°141) les poursuites vers la CRPC, accédant à la demande de la défense. S’il s’y refuse, il n’est pas tenu de faire connaître sa décision. Afin d’éviter que cette demande ne masque des intentions dilatoires, ou ne fasse perdre à la justice sa célérité, l’audience initialement prévue devant le tribunal correctionnel à la suite d’une citation directe ou d’une convocation en justice pourra se tenir si, plus de dix jours avant cette audience, la CRPC a échoué du fait du refus de l’intéressé ou du refus d’homologuer du juge. Dans le cas contraire, l’échec survient à moins de dix jours de l’audience, il faudra « reciter » c'est-à-dire délivrer un nouvel acte de poursuite. Le délai entre la citation et la comparution doit être respecté et l’existence d’une CRPC en cours durant ce délai risquerait de nuire aux droits de la défense. Si, bien sûr la CRPC est en cours à la date de l’audience prévue ou si elle a abouti, la convocation à l’audience du tribunal correctionnel sera caduque.

Non seulement, le fait d’accéder à la demande de la défense de recourir à une CRPC

n’empêche pas le ministère public de conserver sous la réserve énoncée ci-dessus le bénéfice d’un autre mode de poursuite, mais, on l’a dit dans la précédente leçon, la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures

autorise désormais le procureur à saisir le tribunal et à engager une CRPC (Article 495-15-1 CPP). « La saisine du tribunal résultant de cette convocation en justice est caduque si la personne accepte la ou les peines proposées et que celles-ci font l'objet d'une ordonnance d'homologation. »

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Faut-il alors penser la CRPC comme une forme d’exercice des poursuites alternatif ? Le déroulement de la procédure. Elle comporte deux phases bien distinctes. Devant le Procureur de la république. Répétons-le, seul un magistrat du parquet

peut proposer la CRPC et il n’est même pas question ici comme la circulaire d’application l’envisageait de faire demander par un OPJ, par exemple en fin de garde à vue et avant le traitement direct à l’intéressé s’il serait susceptible d’accepter une CRPC (ce qui se pratique pour la composition pénale nous l’avons vu). Le Conseil d’Etat a par arrêt du 26 avril 2006 annulé sur ce point les dispositions de la circulaire.

Dès cette phase de la procédure, l’assistance d’un avocat est obligatoire (choisi ou

commis d’office) (Article 495-8 al.4 et5 CPP). L’avocat peut consulter le dossier. C’est en sa présence que sont recueillies sur procès-verbal d’une part la reconnaissance des faits qui lui sont reprochés par l’intéressé, la ou les peines proposées par le magistrat du parquet et l’acceptation ou le refus de l’intéressé. Bien entendu, ce dernier peut après avoir entendu la proposition du procureur s’entretenir avec son conseil hors la présence du procureur. Comme en matière de comparution immédiate, l’enquête sociale est ici obligatoire (Article 41 CPP).

La circulaire du 2 septembre 2004 semblait exclure toute « négociation » de la peine

entre le parquet et la défense, tout en convenant implicitement que de leur dialogue, la peine proposée pouvait évoluer puisqu’elle recommandait de ne faire figurer au procès verbal que le dernier état de la proposition. En réalité, d’une part, il peut arriver que la défense apporte aux parquets des éléments de personnalité qui justifient voire imposent de reconsidérer la peine proposée, et l’article 132-24 du CP rappelé à l’article 495-8 du CPP, conduit à devoir les prendre en compte. Pour le reste, les praticiens rapportent des pratiques fort différentes sur la teneur du dialogue entre parquet et défense et sa plus ou moins grande proximité avec ce qui serait une négociation, y compris parfois au sein d’un même parquet.

Pour se déterminer, le mis en cause dispose d’une information importante : le parquet

doit, s’il « propose une peine d'emprisonnement ferme », préciser « s'il entend que cette peine soit immédiatement mise à exécution ou si la personne sera convoquée devant le juge de l'application des peines pour que soient déterminées les modalités de son exécution, notamment la semi-liberté, le placement à l'extérieur ou le placement sous surveillance électronique »Article 495-8 CPP). L’aléa du mode d’exécution de la peine d’emprisonnement ferme est donc également supprimé.

Enfin, le prévenu peut demander à bénéficier d’un délai de dix jours pour donner sa

réponse (Article 495-8 al.5 du CPP). Mais il s’expose alors à ce que le parquet le présente au juge des libertés et de la détention afin de voir ordonner son placement sous contrôle judicaire ou, à titre exceptionnel, son placement en détention provisoire. Sa nouvelle comparution devant le procureur doit alors intervenir dans un délai compris entre dix à vingt jours à compter de la décision du juge des libertés et de la détention.

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La phase d’homologation. Comme pour la validation de la composition pénale, le

juge n’a d’autre choix que d’homologuer ou de refuser d’homologuer. Encore doit-on signaler qu’à l’occasion de la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et

d'allègement des procédures, il a été voté par l’Assemblée nationale une disposition par

laquelle la possibilité était offerte aux juges du siège de moduler à la baisse la peine proposée par le procureur de la République et acceptée par le prévenu. Le Sénat a fait obstacle à cette modification arguant de ce qu’elle était contestée par les magistrats du parquet, qui font valoir qu’elle est contraire à l’esprit même de la procédure (qui repose sur l’acceptation par le prévenu de la peine proposée par le procureur de la République) ».(Rapport de M. E. Blanc, n°1578 A.N. 1er avril 2009).

Préalablement à cette décision binaire, il a en revanche le devoir de vérifier la réalité

des faits et leur qualification juridique, et la reconnaissance libre et sincère de culpabilité de l’intéressé (Article 495-9 du CPP). C’est ici la vérification de ce que les poursuites sont bien justifiées et de ce que la condition de la CRPC, la reconnaissance des faits, est bien remplie. Sa décision qui prend la forme d’une ordonnance, doit, quant à elle être motivée par les constatations, d'une part, que la personne, en présence de son avocat, reconnaît les faits qui lui sont reprochés et accepte la ou les peines proposées par le procureur de la République, d'autre part, que cette ou ces peines sont justifiées au regard des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur (Article 495-11 du CPP). Une réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel (C.C. Décision n°2004-492 du 2 mars 2004) n’a fait que souligner le fait que l’homologation ne saurait être une décision plus ou moins formelle (réserve au considérant n°107 ci-dessous).

C.C. Décision n°2004-492 du 2 mars 2004.Extrait 107. Considérant, en premier lieu, que, si la peine est proposée par le parquet et

acceptée par l'intéressé, seul le président du tribunal de grande instance peut homologuer cette proposition ; qu'il lui appartient à cet effet de vérifier la qualification juridique des faits et de s'interroger sur la justification de la peine au regard des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ; qu'il pourra refuser l'homologation s'il estime que la nature des faits, la personnalité de l'intéressé, la situation de la victime ou les intérêts de la société justifient une audience correctionnelle ordinaire ; qu'il ressort de l'économie générale des dispositions contestées que le président du tribunal de grande instance pourra également refuser d'homologuer la peine proposée si les déclarations de la victime apportent un éclairage nouveau sur les conditions dans lesquelles l'infraction a été commise ou sur la personnalité de son auteur ; que, sous cette réserve, les dispositions contestées ne portent pas atteinte au principe de séparation des autorités chargées de l'action publique et des autorités de jugement ;

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La place de la victime. Ce qui fait aussi l’une des particularités de la CRPC au

regard de la culture judiciaire française, c’est la place de la victime dans cette procédure. Habituée à tenir et depuis plus longtemps qu’on ne le dit parfois, une vraie place dans l’instruction et l’audience de fond de jugement des délits, elle se voit réduite ici à présenter sa demande de réparation après homologation d’une peine qui a été proposée et acceptée en amont, sans participer à la phase pénale du procès qui s’est déroulé devant le procureur. La vérification du juge de la réalité des faits et de la sincérité de l’aveu n’aura pas grand-chose à voir avec « l’aveu-récit » (sur cette notion, nous renvoyons à nos développements dans « Défendre », J. Danet, Dalloz, coll. Etats de droit, 2éd. 2004) que l’audience correctionnelle suscite et auquel la partie civile peut par ces questions participer.

La victime peut aussi présenter sa demande par lettre recommandée selon les formes prévues à l’article 420-1 du CPP (Article 495-13 du CPP). Lorsque la victime ne s’est pas constitué partie civile l’article 495-12 du CPP prévoit que « le procureur de la République doit l'informer de son droit de lui demander de citer l'auteur des faits à une audience du tribunal correctionnel statuant conformément aux dispositions du quatrième alinéa de l'article 464, dont elle sera avisée de la date, pour lui permettre de se constituer partie civile. Le tribunal statue alors sur les seuls intérêts civils, au vu du dossier de la procédure qui est versé au débat. »

Les formes de l’audience d’homologation : publique mais sans présence

obligatoire du procureur. Le législateur avait prévu une audience en chambre du conseil c'est-à-dire sans caractère public. Le conseil constitutionnel avait censuré cette disposition comme non conforme à la constitution (C.C. Décision n°2004-492 du 2 mars 2004) « le jugement d’une affaire pénale pouvant conduire à une privation de liberté doit, sauf circonstances particulières nécessitant le huis clos, faire l’objet d’une audience publique. »

L’article 495-9 du CPP modifié par la loi n°2005-847 du 26 juillet 2005 dispose : « la

présence du procureur de la République à cette audience [l’audience d’homologation] n'est pas obligatoire ». Le texte initial était muet. Les pratiques des parquets furent différentes. Dans sa circulaire du 2 septembre 2004 le garde des Sceaux soutenait que cette présence n’était pas nécessaire. Dans un avis n° 005 0004 P du 18 avril 2005, la chambre criminelle estima au contraire qu’en application de l’article 32 du CPP, le ministère public devait être présent à cette audience d’homologation qui est une audience d’une juridiction répressive. Par une nouvelle circulaire, le garde des Sceaux maintint sa position estimant même que l’avis de la Cour de cassation ne s’imposait pas aux juridictions. Le conseil d’Etat suspendit l’exécution des deux circulaires sur ce point par ordonnances de référé du 11 mai 2005. Une proposition de loi fut alors déposée aboutissant au vote du texte rappelé ci-dessus. La loi du 26 juillet 2005 soumise au Conseil constitutionnel fut déclarée conforme à la constitution.

Ce feuilleton juridico-législatif qui dura presqu’un an démontre à quel point

l’institution de nouvelles procédures n’est pas si aisée. En fait, cette question énoncée ci-dessus sous ses aspects juridiques cachait un problème de pratiques. L’obligation posée par

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l’article 495-9 de présenter « aussitôt » l’acceptation de la peine, devant le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui la personne, saisi d'une requête en homologation, la personne concernée obligeait et oblige le plus souvent à faire tenir par le siège des audiences d’homologation qui sont différentes des audiences pénales à juge unique auxquelles par principe, le ministère public est présent. L’exigence faite au parquet d’être présent à ces audiences d’homologation aboutissait à faire de la CRPC une audience « chronophage » là où les parquets et le ministère de la justice avaient espérer des gains de temps.

Articulation des deux phases. Dès le projet de loi qui a institué la CRPC, il avait été

prévu que les deux phases, la proposition de peine du procureur et l’homologation de la peine acceptée se suivraient sans délai. Ce qu’exprime l’adverbe « aussitôt ». La CRPC devait être une procédure rapide. La loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et

d'allègement des procédures a tout en maintenant ce principe ouvert une brèche dans la

conception d’une CRPC aux deux phases accolées. Elle a ajouté au premier alinéa de

l’article 465-9 du CPP la phrase suivante : « Si la personne n'est pas détenue, elle peut être convoquée devant le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui dans un délai inférieur ou égal à un mois. » L’homologation pourra donc désormais intervenir dans le mois suivant la proposition et l’acceptation de la peine.

L’appel. Le législateur a ouvert la voie de l’appel contre les seules ordonnances

d’homologation au prévenu, au parquet sur appel incident et à la partie civile. Il n’est pas suspensif. La cour d’appel évoque l’affaire et statue sur le fond et, sauf appel incident du ministère public, elle ne peut aggraver la peine.

Les suites d’un échec. En cas de refus par l’intéressé de la peine prononcée, comme

en cas de refus d’homologation, les poursuites sont reprises ou se poursuivent sur les convocations déjà effectuées sous les réserves visées ci-dessus. L’article 495-12 prévoit alors : « Lorsque la personne déclare ne pas accepter la ou les peines proposées ou que le président du tribunal de grande instance ou son délégué rend une ordonnance de refus d'homologation, le procureur de la République saisit, sauf élément nouveau, le tribunal correctionnel selon l'une des procédures prévues par l'article 388 ou requiert l'ouverture d'une information.

Lorsque la personne avait été déférée devant lui en application des dispositions de l'article 393, le procureur de la République peut la retenir jusqu'à sa comparution devant le tribunal correctionnel ou le juge d'instruction, qui doit avoir lieu le jour même, conformément aux dispositions de l'article 395 ; si la réunion du tribunal n'est pas possible le jour même, il est fait application des dispositions de l'article 396. Les dispositions du présent alinéa sont applicables y compris si la personne avait demandé à bénéficier d'un délai et avait été placée en détention provisoire en application des dispositions des articles 495-8 et 495-10.

Conclusion

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La composition pénale et la CRPC sont encore bien trop récentes pour que l’on puisse tirer un bilan définitif de leur acclimatation à la procédure pénale française. Elles ont suscitées de fortes réticences. La fréquence pour l’une et l’autre des modifications législatives intervenues depuis leur création témoigne de certains tâtonnements mais aussi de la volonté de les adapter autant que nécessaires aux besoins de procédures rapides. Elles sont incontestablement en concurrence avec les autres modes de poursuite et notamment avec l’ordonnance pénale délictuelle.

La CRPC plus « garantiste » que la composition pénale et bien plus encore que l’OP délictuelle est celle des trois procédures qui paradoxalement aura suscité le plus de défiance de la part de la défense. Il va de soi que les modifications qui pourraient intervenir sur la question du champ d’application de ces procédures donneront des indications importantes sur la manière selon laquelle, à l’avenir leur concurrence se développera et sur les usages respectifs qu’en feront les juridictions à supposer sur ce plan qu’une certaine uniformité se fasse jour ce qui en l’état est loin d’être acquis.

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4 L’information ou instruction préparatoire « L’information est la phase de la procédure au cours de laquelle le juge d’instruction

recherche s’il existe des charges permettant de renvoyer un individu devant une juridiction de jugement. Cette phase est le plus souvent appelée instruction ou instruction préparatoire ». (A. Beziz-Ayache, Dictionnaire de droit pénal général et procédure pénale, ellipses, 4éd. p.141). La notion d’instruction « préparatoire » sert à distinguer cette phase du procès de l’instruction qui sera menée à l’audience de jugement, appelée instruction d’audience. Par souci de simplicité, on emploiera dans cette leçon indifféremment les notions d’instruction ou d’information.

L’instruction est peut-être à la veille d’une réforme qui bousculera le paysage de notre

procédure pénale si le choix de supprimer la fonction de juge d’instruction se confirmait. L’étude des dispositions relatives à l’instruction telles que nous les connaissons aujourd’hui pourrait justifier un cours complet à elle seule. Autant dire que cette leçon n’a d’autre prétention que de présenter les notions de base permettant à l’étudiant d’en comprendre les lignes de force. Nous avons réservé pour les deux leçons qui suivent d’une part l’étude des restrictions et privations de liberté qui peuvent être mises en œuvre en cours d’instruction et d’autre part l’étude des nullités qui peuvent affecter enquête et instruction.

Quelques données statistiques extraites de l’annuaire statistique de la

justice 2008 Il existe 609 postes budgétaires de juge d’instruction. L’effectif stagne depuis

2004. Le nombre des affaires terminées est passé en 2006 en dessous de son niveau de 2002.

Au réquisitoire introductif, en 2006, on compte un dossier dans lequel l’infraction principale est qualifiée crime pour trois dans lesquels elle est qualifiée délit. En chiffres absolus, les qualifications « crimes » ont augmenté de 2002 à 2005 et baissent en 2006 (8.111) tandis que les qualifications « délits » baissent elles aussi légèrement mais depuis trois ans déjà (de près de 27.000 à 24.936). Si on peut penser que la complexité des affaires instruites s’accroît, ce n’est semble-t-il pas en raison du nombre de personnes impliquées, car le nombre de mises en examen par affaire au réquisitoire introductif est très stable : dans trois cas sur quatre, on a zéro ou une mise en examen. Et pour 10.796 affaires sans mise en examen au réquisitoire introductif, 7.781 se terminent par des non-lieux.

La durée moyenne des instructions pour autant progresse de manière continue. En cinq ans, la durée moyenne est passée de 17,7 mois à 20,2 mois. Avec en matière de crimes, une progression plus forte (de 20,5 mois à 23,6 mois).

La courbe du nombre des mises en examen suit celles du nombre d’instruction

en légère décrue. Dans les affaires terminées en 2006, on a dénombré 49.000 mises en examen. Pour 11.374 mises en examen pour des infractions principales qualifiées

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crimes au réquisitoire introductif (et 37.760 pour des délits), on a, en décision de clôture, 3.290 transmissions aux cours d’assises majeurs ou mineurs ce qui renvoie, soit à un phénomène de surqualification à l’ouverture de l’information, soit plus probablement à une pratique de correctionnalisation massive. La différence entre la qualification au réquisitoire introductif et le renvoi, en chiffres relatifs, semble assez stable (entre 31% de renvois aux assises en 2002 et 29% de renvois en 2006). Les non-lieux pour article 122-1 du code pénal (irresponsabilité pour trouble mental) diminuent encore et passent sous la barre des 200 par an. Trois mis en examen sur quatre sont renvoyés devant le tribunal correctionnel (37.400 sur 49.100 mises en examens dans les affaires terminées en 2006).

Les mis en examen sont des hommes à 88%, âgés de moins de trente ans à 51,6%, et étrangers à proportion de 14%.

Extrait de « Bref commentaire de quelques chiffres de l’annuaire 2008 » AJ pénal juin 2009

I L’ouverture de l’information.

La loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 a modifié assez profondément les règles de l’ouverture de l’information en créant des pôles de l’instruction, seuls compétents pour connaître des crimes et des affaires faisant l’objet d’une cosaisine en raison de leur gravité ou de leur complexité (Article 52-1 du CPP). Ce dispositif est entré en vigueur le 1er mars 2008. Il devait être transitoire jusqu’au 1er janvier 2010 date à laquelle la loi prévoyait l’instauration de la collégialité pour instruire dans toutes les informations. La loi n ° 2009-526 du 12 mai 2009 a reporté l’entrée en vigueur de la collégialité au 1er janvier 2011, ce qui ne préjuge pas de la réforme de la procédure pénale qui pourrait intervenir d’ici là.

En tout cas, la création des pôles de l’instruction a modifié sensiblement les règles

relatives à la saisine initiale du juge d’instruction et à la désignation du juge. L’ouverture d’une information à l’initiative du min istère public pose en effet deux

questions simples : comment le ministère public ouvre-t-il l’information ? Et comment le juge d’instruction est-il désigné ? Cette dernière question supposant que dans une juridiction, il existe plusieurs juges d’instruction car, sinon, évidemment, le choix du juge ne se pose pas. Enfin, il faut rappeler ici les conditions dans lesquelles la plainte avec constitution de partie civile va provoquer l’ouverture d’une information.

Le réquisitoire introductif ou « réquisitoire à fin d’informer » est l’acte par

lequel le procureur de la république demande à un juge d’instruction d’informer sur des faits. Parce que le juge d’instruction ne saurait s’autosaisir (Article 80 du CPP), le réquisitoire introductif doit être, selon la jurisprudence, signé et daté à peine de nullité ce qui implique qu’il soit écrit. Pour la même raison, le réquisitoire doit obligatoirement déterminer les faits

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dont il entend saisir le juge d’instruction. Il le fera le plus souvent par référence aux pièces jointes (procès-verbaux d’enquête préliminaire ou de flagrance ou une dénonciation par exemple) mais l’acte en lui-même mentionne les qualifications retenues en l’état par le parquet et les textes d’incrimination applicables.

« Le réquisitoire peut être pris contre personne dénommée ou non dénommée »

(Article 80 al.2 du CPP). On parlera dans le second cas de « réquisitoire contre X ». La désignation d’une personne au réquisitoire introductif suppose que, de l’avis du parquet, il existe à son encontre des indices graves ou concordants rendant possibles sa mise en examen et cette appréciation aura ultérieurement quelques conséquences en termes de droits de la défense. Mais la désignation d’un individu ou d’une personne morale dans le réquisitoire introductif ne s’impose pas au parquet.

L’auteur du réquisitoire introductif. A quel procureur revient-il de prendre

le réquisitoire introductif lorsque l’affaire relève de la compétence d’un pôle ? L’article 80 II du CPP prévoit comme en matière d’enquête la compétence concurrente du procureur territorialement compétent au regard des dispositions de droit commun de l’article 43 du CPP et celle du procureur près le tribunal pourvu d’un pôle. Des dispositions règlementaires organisent cette compétence concurrente et le règlement des difficultés qu’elle peut susciter.

L’ouverture d’une information peut aussi survenir à la suite d’une plainte avec

constitution de partie civile.

Article 85, alinéa 1er du CPP : « Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge d'instruction compétent… » et l’article 86 du CPP dispose quant à lui que « le juge d'instruction ordonne communication de la plainte au procureur de la République pour que ce magistrat prenne ses réquisitions ». Le procureur peut demander au juge d’instruction, si la plainte ne lui semble pas suffisamment motivée ou justifiée, d’entendre la partie civile ou l’inviter à produire tout pièces utiles à l’appui de sa plainte mais il ne peut ensuite prendre des réquisitions de non informer que si, « pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent légalement comporter une poursuite ou si, à supposer ces faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale ».

La loi du 5 mars 2007 a ajouté la possibilité pour le parquet de prendre dès ce stade des réquisitions de non-lieu, c'est-à-dire tendant à ce qu’il n’y ait pas lieu à poursuivre, « dans le cas où il est établi de façon manifeste, le cas échéant au vu des investigations qui ont pu être réalisées à la suite du dépôt de la plainte ou en application du troisième alinéa, que les faits dénoncés par la partie civile n'ont pas été commis »(Article 86 al.4).

Hors ces hypothèses, la partie civile a ainsi pu mettre en mouvement l’action publique et sa plainte avec constitution de partie civile produit les mêmes effets que le réquisitoire

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introductif. Le parquet en effet ne prend pas en cette hypothèse un réquisitoire introductif mais des réquisitions aux fins d’informer.

Ce droit accordé à la partie civile, contre-pouvoir important au pouvoir d’apprécier l’opportunité des poursuites donné au parquet, doit lui-même être encadré et il l’est notamment par le mécanisme de la consignation : la partie civile qui met en mouvement l’action publique et qui ne bénéficie pas de l’aide juridictionnelle voit mettre à sa charge la consignation d’une certaine somme d’argent en garantie du paiement de l'amende civile susceptible d'être prononcée à sa charge au titre d’une procédure abusive ou dilatoire (article 88 à 88-2 et177-2 du CPP).

La loi n°2007-291 du 5 mars 2007 a cependant institué une condition préalable en matière délictuelle, (sauf matière électorale ou de presse) à la recevabilité des plaintes avec constitution de partie civile : elles ne sont plus recevables qu’après notification d’une décision du parquet de ne pas poursuivre ou si trois mois se sont écoulés depuis le dépôt de plainte simple sans que des poursuites aient été engagées par le parquet (Article 85 al.2 du CPP).

Formellement la plainte peut prendre la forme d’une simple lettre, voire, le cas est

rare, d’une déclaration orale dont le juge fera dresser procès-verbal par son greffe, mais elle doit en revanche, selon la jurisprudence, contenir la manifestation non équivoque de ce que son auteur entend se constituer partie civile. Elle doit préciser les faits qui vont délimiter la saisine du juge mais non rapporter leur preuve, bien entendu, et il n’est pas nécessaire qu’elle leur donne des qualifications juridiques ou vise les textes d’incrimination. Comme le réquisitoire introductif, elle n’a pas obligation de désigner les personnes soupçonnées d’être les auteurs de ces faits. Mais si elle les nomme, celles-ci pourront bénéficier du statut de témoin assisté (Voir infra) (Article 113-2 du CPP).

La désignation du juge d’instruction.

Cette question s’est évidemment compliquée d’une part du fait de la création des 91

pôles de l’instruction (Article 52-1 du CPP) dont les juges sont seuls compétents pour connaître des dossiers criminels (en cosaisine ou pas) et d’autre part de l’élargissement des cas de cosaisine, cosaisine qui doit, aux termes de la loi, emporter la désignation de juges situés dans un pôle d’instruction (Articles 80 II et 118 du CPP).

Le plus simple pour présenter la situation à laquelle on aboutit est de distinguer

deux séries de cas : 1) La désignation d’un seul juge d’instruction est possible, il n’y a pas lieu à

cosaisine.

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- s’il n’existe qu’un seul juge d’instruction dans le TGI : il est évidemment désigné, sauf en matière criminelle, car celle-ci relève de la compétence d’un juge d’instruction d’un pôle, or, par hypothèse, s’il n’existe qu’un seul juge dans ce TGI, il n’y a pas de pôle. Le dossier est alors transmis pour désignation d’un juge du pôle compétent territorialement.

- s’il existe plusieurs juges d’instruction dans le TGI (avec ou sans pôle). La

désignation du juge d’instruction est également confiée au Président du TGI (Article 83 al. 1 du CPP). Il y procède soit dossier par dossier à leur réception, soit par avance en établissant un « tableau de roulement » qui désigne un juge pour instruire les affaires donnant lieu à réquisitoire introductif durant telle période.

Nota bene : en matière criminelle, ce dispositif est nécessairement mis en œuvre par le

président d’un TGI doté d’un pôle.

2) Il y a lieu à cosaisine. (Article 83-1)

Rappel : les cas de cosaisine sa désignation et son effet.

Article 83-1 al.1 CPP) « Lorsque la gravité ou la complexité de l'affaire le justifie, l'information peut faire l'objet d'une cosaisine selon les modalités prévues par le présent article ».

Définition de la cosaisine : un ou plusieurs juges d’instruction sont adjoints à celui qui est chargé de l’information. Ce n’est pas une collégialité. Article 83-2 du CPP : « En cas de cosaisine, le juge d'instruction chargé de l'information coordonne le déroulement de celle-ci. Il a seul qualité pour saisir le juge des libertés et de la détention, pour ordonner une mise en liberté d'office et pour rendre l'avis de fin d'information prévu par l'article 175 et l'ordonnance de règlement. Toutefois, cet avis et cette ordonnance peuvent être cosignés par le ou les juges d'instruction cosaisis. »

- 1er cas La cosaisine est décidée en ouverture d’information.

Elle est décidée par le président du Tribunal, siège du pôle Soit d’office, Soit sur réquisitions du ministère public (celui de son tribunal ou d’un tribunal

dépourvu de pôle estimant la cosaisine souhaitable). - 2éme cas La cosaisine est décidée en cours d’information.

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Elle est décidée par le président du Tribunal siège d’un pôle, Soit à la demande du juge chargé de l’information Soit avec l’accord de ce juge, sur réquisitions du ministère public ou sur requête des

parties privées. Si l’information est ouverte dans un TGI sans pôle, il y a donc lieu à dessaisissement

de la juridiction saisie au profit de la juridiction siège du pôle territorialement compétent (une cosaisine n’étant possible qu’au siège d’un pôle). L’opération est complexe et se déroule en plusieurs temps : le juge initialement saisi se « dessaisit au profit du pôle » et adresse à ce pôle la copie du dossier, puis le président du pôle désigne au sein de celui-ci le juge chargé de l’instruction et le ou les juges adjoints. Le juge alors véritablement dessaisi envoie son dossier aux juges désignés (Article D31-1 du CPP).

En cas de refus de la cosaisine par le président ou de silence pendant un mois suite à la

demande qui lui a été présentée ou si le juge en charge de l’instruction refuse la cosaisine, le Président de la chambre de l’instruction ou la Chambre saisie par lui tranchent. On notera que si l’information est ouverte dans un tribunal sans pôle, il appartient à la chambre de l’instruction, compétente en ce cas, de vérifier en outre que la cosaisine « est indispensable à la manifestation de la vérité et à la bonne administration de la justice » (Article 83-1 al.4 du CPP).

La désignation du juge d’instruction est une mesure d’administration judiciaire non

susceptibles de recours (Articles 83 al. 2 et 83-2 dernier alinéa du CPP) sauf si toutes les dispositions légales ont été éludées (Crim. 26 février 2008, B. n°51) en encadré ci-dessous.

Crim. 26 février 2008 N° de pourvoi: 07-87865 Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le juge d'instruction a rendu, le

13 novembre 2006, une ordonnance de mise en accusation de trois personnes devant la cour d'assises des

mineurs et de renvoi d'une quatrième devant le tribunal correctionnel ; que le procureur de la République, avisé

le 12 mars 2007, de ce qu'une empreinte génétique relevée lors de l'enquête appartenait à Joël X..., a délivré, le

26 mars 2007, un réquisitoire de réouverture de l'information sur charges nouvelles et requis "qu'il plaise à

Madame le juge d'instruction rouvrir le dossier d'information n° 1/04/53" ;

Attendu que Joël X..., mis en examen le 11 mai 2007, a excipé de la nullité de la procédure en faisant valoir que, d'une part, le réquisitoire aurait dû être pris sur le seul fondement de l'article 80 du code de procédure pénale et que, d'autre part, le juge d'instruction n'a pas été régulièrement désigné dans les conditions prévues par l'article 83 du code de procédure pénale ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 80, 81, 83, 175,

177, 178, 179, 181, 188 à 190, 591 à 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits

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de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir ;

"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler l'ensemble des actes accomplis par le juge d'instruction et tous les actes subséquents, y compris la mise en examen de Joël X... le 11 mai 2007 et son interrogatoire du 13 juin 2007, et ordonné le retour de la procédure au juge d'instruction ;

"aux motifs qu"en procédant conformément aux dispositions des articles 188 à 190 du code de procédure pénale le procureur de la République a cependant éludé l'application des dispositions de l'article 83 du code de procédure pénale relatives à la désignation du juge d'instruction par le président du tribunal ; que, néanmoins, ces règles, contrairement à ce que soutient le demandeur, ne sont plus d'ordre public ; que le dernier alinéa de l'article 83 du code de procédure pénale dispose que les désignations sont des mesures d'administration judiciaire ; qu'il s'ensuit que les parties ne peuvent se plaindre de l'absence de désignation du juge d'instruction ; qu'une nullité pourrait cependant être encourue si, en recourant à la procédure des articles 188 à 190 du code de procédure pénale, des dispositions d'ordre public telles la compétence ou l'organisation des juridictions avaient été méconnues ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ; que, notamment, concernant la compétence, le juge d'instruction de Chartres saisi par l'acte du 26 mars 2007 est celui-là même qui aurait été compétent en vertu de l'article 52 du code de procédure pénale si un réquisitoire à fin d'informer avait été délivré au visa de l'article 80 du même code" ;

"1°) alors qu'il résulte des règles posées par les articles 175 et suivants du code de procédure pénale que le juge d'instruction qui, sur les réquisitions du procureur de la République, rend une ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement, est définitivement dessaisi de l'ensemble de la procédure dans laquelle il ne peut plus accomplir valablement d'acte ; qu'en refusant d'annuler l'ensemble des actes accomplis par le magistrat instructeur après avoir constaté qu'il avait instruit dans la même procédure dont il avait pourtant été définitivement dessaisi sans avoir été ressaisi pour poursuivre cette information, et en ordonnant de surcroît le retour de la procédure à ce même juge d'instruction incompétent, la chambre de l'instruction a violé les articles 175, 179 et 181 du code de procédure pénale, et consacré l'excès de pouvoir du juge d'instruction ; que la cassation aura lieu sans renvoi ;

"2°) alors que, si le mis en examen ne peut contester le mode de désignation d'un juge d'instruction par le président du tribunal ou son remplaçant tel que prévu à l'article 83, alinéa 1, du code de procédure pénale, qui constitue un acte d'administration judiciaire, il est en revanche fondé à soulever l'incompétence du juge d'instruction qui, en l'absence de tout acte de désignation, rouvre une précédente information dont il a été totalement dessaisi par une ordonnance de renvoi devant une juridiction de jugement devenue définitive et commet ainsi un excès de pouvoir ; qu'en décidant du contraire, la chambre de l'instruction a violé les articles 83, 175, 179, 181 et 188 à 190 du code de procédure pénale ;

"3°) alors que, lorsque l'information ne peut être réouverte pour charges nouvelles en application des articles 188 à 190 code de procédure pénale, les pouvoirs que détient le juge d'instruction en vertu de l'article 81 dudit code ne lui permettent de procéder à des actes d'instruction que s'il a été régulièrement saisi en application de l'article 80 du même code ;qu'en validant les actes du juge d'instruction, accomplis dans le cadre de la poursuite d'une information close, lequel était dessaisi, non désigné et n'a, au surplus, pas instruit sur le fondement d'un réquisitoire introductif aux fins d'ouverture d'une nouvelle information, la chambre de l'instruction a également violé les articles précités ;

"4°) alors que, même en admettant, pour les besoins du raisonnement, que le réquisitoire du 26 mars 2007 ait pu être valablement qualifié de "réquisitoire introductif" par l'arrêt attaqué, le juge d'instruction n'a, en toute hypothèse, été saisi que d'une nouvelle information, distincte de la précédente, ce qui lui interdisait de rouvrir l'information close et de la poursuivre ; qu'en rejetant la requête aux fins d'annulation après avoir pourtant constaté que le juge d'instruction avait poursuivi une information définitivement clôturée, bien qu'il n'ait pas le pouvoir de le faire au regard d'un réquisitoire qualifié "d'introductif", la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a, une fois encore, violé les articles susvisés ; que la cassation interviendra sans renvoi" ;

Vu l'article 83 du code de procédure pénale ; Attendu qu'il résulte de ce texte que, lorsqu'il existe dans un tribunal plusieurs juges d'instruction, seul

le président du tribunal ou, en cas d'empêchement, le magistrat qui le remplace, a compétence pour désigner, pour chaque information, le juge qui en sera chargé ;

Attendu que, pour écarter l'argumentation du demandeur et dire la procédure régulière, l'arrêt, après

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avoir énoncé qu'en procédant conformément aux dispositions des articles 188 à 190 du code de procédure pénale, le procureur de la République a éludé les dispositions de l'article 83 du même code relatives à la désignation du juge d'instruction par le président du tribunal, retient que, le dernier alinéa dudit article disposant que les désignations sont des mesures d'administration judiciaire, les parties ne peuvent se plaindre de l'absence de désignation du juge d'instruction ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'en prenant un réquisitoire visant à tort les articles 188 à 190 du code de procédure pénale, le procureur de la République s'est substitué au président du tribunal en désignant le juge chargé d'instruire, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus énoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

II L’étendue de la saisine du juge.

L’essentiel. Dans notre procédure, la séparation des autorités de poursuite et d’instruction constitue un principe fondamental (Voir cependant sur la relativité de ce principe, Guinchard et Buisson, op. cit. n°147). C’est de ce principe que découle la prohibition de l’auto saisine du juge d’instruction. Cette prohibition a pour conséquence que le juge d’instruction ne peut instruire que sur les faits dont il est saisi, c’est le principe de la saisine in rem. L’extension de la saisine en cours d’information, si elle est possible suit des règles précises. En revanche, le juge d’instruction a obligation d’instruire et d’instruire à charge et à décharge comme le rappelle l’article 81 al.1 du CPP à la suite de la loi du 15 juin 2000. Cette précision législative traduit assez bien le malaise qui depuis plusieurs années a touché l’institution qu’est le juge d’instruction.

La saisine in rem. Le juge est saisi des faits qui figurent dans sa saisine et pas d’autres faits. Cela veut dire aussi qu’il est saisi des faits et non pas des personnes. S’agissant des personnes, sa saisine n’est pas limitée. Il a pu être saisi de faits par un réquisitoire contre une personne dénommée et découvrir que celui qui était visé par ce réquisitoire avait des complices ou coauteurs. Il peut sans difficulté instruire contre eux et contre « tous autres qui viendraient à être découverts et qui seraient auteurs ou complices ».

Quels sont les faits qui sont inclus dans la saisine ? Initialement, ceux qui sont visés au

réquisitoire introductif ou dans la plainte avec constitution de partie civile et clairement énoncés, et ceux qui sont visés dans les documents qui leur sont annexés (les PV d’une enquête préliminaire ou de flagrance, documents versés par la partie civile). Les chambres de l’instruction peuvent, quant à elles, aller plus loin et l’art. 202 al 1 du CPP leur permet d’étendre les poursuites par requalification ou mise en examen complémentaire à tous les faits qui « résultent de la procédure » au delà de ceux qui sont dans l’acte de saisine ou ses annexes (par exemple des PV arrivés depuis le dernier réquisitoire supplétif), pourvu qu’elle respecte les droits de la défense.

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Ajoutons que le visa des faits au réquisitoire et leurs qualifications pénales

matérialisent les faits dont le juge d’instruction est saisi (Crim. 10 mai 2001, le juge, saisi de faits de viol et de corruption de mineur, ne peut mettre en examen la compagne du mis en examen pour abstention volontaire d’empêcher un crime alors que le juge n’est pas saisi de ces faits). La détermination de l’étendue de la saisine du juge quant aux faits donne lieu à un contentieux qui relève de l’appréciation souveraine des chambres de l’instruction, la chambre criminelle relevant toutefois les erreurs manifestes d’appréciation (voir sur ce point Desportes et Lazerges-Cousquer, op. cit. n°1697).

Le juge est en revanche libre de qualifier ces faits (sauf exception : délits de presse)

et donc de procéder à leur requalification, étant rappelé qu’il a le devoir de rechercher toutes les qualifications possibles et de retenir chaque fait « sous la plus haute acception pénale dont il est susceptible » (Crim.17 juillet 1984, Bull. n°260). La correctionnalisation est une forme d’exception à cette règle. Le juge peut instruire sur les circonstances aggravantes des faits même si elles n’ont pas été visées.

Les actes d’information qui seraient accomplis par le juge à propos de faits non

compris dans sa saisine seraient nuls. Lorsqu’il découvre des faits nouveaux, comment le juge peut-il obtenir l’extension de sa saisine? Il communique aussitôt au parquet (Art. 80 alinéa 3) les plaintes ou PV qui les constatent. Mais s’il a reçu par auditions, ces informations sur les faits nouveaux, ou s’il les a découverts lors d’investigations, jusqu’où alors peut-il aller dans ce recueil sans sortir de sa saisine ? Les actes et investigations peuvent se justifier par l’urgence, par la nécessité de donner la possibilité de permettre au procureur d’apprécier l’opportunité de prendre un réquisitoire supplétif sur les faits nouveaux, et le tout dans des vérifications sommaires ce qui exclut les actes coercitifs (garde à vue, perquisition et saisies) (parmi de nombreux arrêts, Crim 6 février 1996, n°95-84041).

Quelles solutions pour le parquet lorsqu’il est saisi par le juge de faits nouveaux et que

ce dernier souhaite se voir délivrer un réquisitoire supplétif qui étende sa saisine ? (Art. 80 al. 3 du CPP): il peut soit faire droit à sa demande et requérir au juge d’informer (réquisitoire supplétif), soit requérir l’ouverture d’une information distincte, soit ordonner une enquête, soit saisir la juridiction de jugement ou procéder à l’une des mesures alternatives des articles 41-1 à 41-3, ou encore transmettre les pièces à son collègue territorialement compétent. Bref, il a à sa disposition tout l’éventail de l’orientation pénale. Si le juge reçoit du parquet un réquisitoire supplétif, sa saisine se trouve donc élargie aux faits qu’il vise.

Obligation d’informer à charge et à décharge Art. 81 al 1

L’obligation d’informer ne fut jamais discutée lorsque le juge d’instruction est saisi par le parquet. L’évidence est telle qu’aucun texte ne l’énonce. Lorsque la saisine provient de

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la plainte avec constitution de partie civile, elle n’est plus discutée depuis l’arrêt Laurent Athalin (Crim. 8 déc. 1906, D. 1907, 1 p.207). Elle est formulée aujourd’hui, bien maladroitement, à l’article 86 al.4 du CPP cité plus haut qui énonce les conditions sous lesquelles le parquet peut prendre des réquisitions de refus d’informer. Et on doit en déduire que le juge ne peut pas refuser d’informer dans les cas où le parquet ne peut prendre de telles réquisitions.

Article 86 al.4 du CPP.

Le procureur de la République ne peut saisir le juge d'instruction de réquisitions de non informer que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent légalement comporter une poursuite ou si, à supposer ces faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale. Le procureur de la République peut également prendre des réquisitions de non-lieu dans le cas où il est établi de façon manifeste, le cas échéant au vu des investigations qui ont pu être réalisées à la suite du dépôt de la plainte ou en application du troisième alinéa, que les faits dénoncés par la partie civile n'ont pas été commis. Dans le cas où le juge d'instruction passe outre, il doit statuer par une ordonnance motivée.

De nombreux auteurs (Guinchard et Buisson, op. cit. n°1647, Desportes et Lazerges-Cousquer, n°1706) estiment que le refus d’informer doit aussi pouvoir être opposé par le juge en cas de réquisitoire introductif du parquet, et ce malgré une jurisprudence incertaine.

Avant la loi du 5 mars 2007, la Chambre criminelle estimait que « le seul examen

abstrait de la plainte » ne pouvait suffire à justifier un refus d’informer (pour un arrêt récent, Crim. 20 juin 2006, Bull. n°185). L’obligation d’informer devait prendre la forme d’actes d’instruction. En permettant au parquet de prendre ab initio des réquisitions de non-lieu ouvrant donc au juge la possibilité des les suivre et de se dispenser d’instruire, le législateur de 2007 modifie ainsi la portée de l’obligation d’informer (Crim.3 mars 2009, pourvoi n°08-84521).

La loi du 15 juin 2000 a quant à elle inscrit à l’article 81 du CPP l’obligation pour le

juge d’instruire à charge et à décharge. III Les parties à l’information.

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L’essentiel. Le procureur de la République est une partie nécessaire au procès disposant de droits spécifiques.

La notion de « personne mise en cause » est une notion doctrinale sous laquelle on

entend désigner les deux statuts processuels de « personne mise en examen » et de « témoin assisté ». Si le témoin assisté n’est pas considéré comme partie à la procédure, il n’en dispose pas moins de droits qui sont allés se renforçant au fil des réformes.

Le simple témoin n’est pas partie à la procédure. Par ailleurs, en cours d’information,

une personne peut être soupçonnée. Ce suspect qui peut dans le cadre d’une commission rogatoire être placé en garde à vue n’est pas non plus, à ce stade, partie à la procédure ce qui n’empêche pas qu’il dispose des droits accordés au gardé à vue. Il convient alors de se reporter aux dispositions relatives à l’enquête.

Parce que le mis en examen et la partie civile se sont vus à bien des égards accordés

les mêmes droits et qu’ils ne sont pas sur un pied d’égalité avec le parquet, l’habitude a été prise de les désigner sous l’expression « parties privées » par opposition au ministère public.

Le procureur de la République. Il a un droit de regard permanent sur la procédure

qu’il peut se faire communiquer en permanence (Article 82 al.2 du CPP). Il doit être avisé des transports sur les lieux, peut vouloir être avisé des interrogatoires et confrontations (article 119 du CPP) et est avisé par les OPJ des commissions rogatoires qui leur sont confiées (Article 151 CPP). De nombreux textes imposent au juge d’instruction de solliciter ses réquisitions notamment en matière de détention provisoire ou de contrôle judiciaire, pour contraindre un témoin à comparaître, délivrer un mandat d’arrêt ou en matière de criminalité organisée pour décider une infiltration ou une sonorisation. Le procureur peut aussi prendre l’initiative de réquisitions et à tout moment « requérir du magistrat instructeur tous actes lui paraissant utiles à la manifestation de la vérité et toutes mesures de sûreté nécessaires. »(Article 82 al.1 du CPP).

Il peut interjeter appel de toute ordonnance du juge (Article 185 du CPP) et à cet égard soulignons déjà que son droit est plus étendu que celui des parties privées (voir infra). Il peut encore demander l’annulation d’un acte d’information (Articles 170 et 173, al. 2 du CPP). Comme le détenu, il peut saisir directement la chambre de l’instruction s’il n’est pas répondu par le juge à une demande de mise en liberté (Article 148 du CPP) et, depuis la loi du 5 mars 2007, saisir le président chambre de l’instruction d’une demande d’examen de l’ensemble de la procédure lorsqu’ une détention provisoire dure depuis plus de trois mois et que la fin de l’instruction n’est pas annoncée (Article 221-3 du CPP). En un mot, il est un interlocuteur permanent du juge d’instruction.

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La personne « mise en examen ». Par la phase de mis en examen, le juge d’instruction notifie à une personne qu’il existe « des indices… rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi » (Article 80-1 al.1er du CPP). Saisi in rem et non in personam, c’est donc à lui d’informer l’intéressé des accusations portées contre lui et ceci pour respecter les dispositions de l’article 6-3 de la CESDH. Le réquisitoire nominatif n’emporte pas et surtout ne vaut pas mise en examen. Créatrice de droit mais tout aussi stigmatisante que l’était la notion d’inculpé, la mise en examen parce qu’elle mine la présomption d’innocence (l’affirmation par un juge du siège de l’existence d’indices), se doit d’être précisément encadrée. Elle l’est aujourd’hui par le contentieux de l’annulation qui permet à la personne mise en examen de contester l’existence des indices (article 80-1 et 174-1 du CPP) mais aussi depuis la loi du 5 mars 2007 par le contentieux de l’appel. Le refus du juge de revenir sur une mise en examen quand l’information aurait révélé l’inconsistance ou la fragilité des indices peut être porté par le mis en examen devant la chambre de l’instruction (Article 81-1-1 du CPP).

La mise en examen ne saurait être prématurée et les indices doivent être « graves ou concordants » au sens d’un seul indice grave ou de plusieurs indices concordants (article 80-1 du CPP). La mise en examen parce qu’elle ouvre des droits ne saurait être tardive et l’existence d’indices « graves et concordants » si elle n’oblige pas le juge à une mise en examen immédiate l’empêche en tout cas d’entendre ou faire entendre la personne en cause comme simple témoin (Article 105 du CPP). Mais elle peut être entendue comme témoin assisté.

Le statut de témoin assisté, même s’il ouvre des droits ne saurait aboutir à priver celui qui en bénéficie des droits accordés au mis en examen et l’article 113-6 al.1er du CPP ouvre au témoin assisté la possibilité de demander sa mise en examen qui est alors de droit.

Les formes de la mise en examen.

On a compris que le juge d’instruction dispose encore d’une large marge de manœuvre pour décider du moment de la mise en examen. Les indices graves ou concordants la rendent possibles mais non obligatoires, les indices graves et concordants n’interdisent qu’une audition en qualité de témoin mais permettent toutes autres sortes d’investigations et même le placement en garde à vue pourvu qu’il ne donne pas lieu à audition.

Seul un juge d’instruction (celui qui est en charge du dossier ou l’un de ses collègues

délégataire du premier) peut mettre en examen. Une personne déférée au juge à la fin d’une garde à vue ou après exécution d’un mandat d’arrêt ou d’amener ne peut être mise en examen que dans le cadre de ce qu’on appelle « une première comparution », La « première comparution » peut aussi faire suite à une convocation à cette fin (Article 80-2 du CPP). De même que cette convocation, le déroulement de la première comparution est très précisément organisé par l’article 116 du CPP. La mise en examen ne pourra être prononcée qu’après notification des charges, et recueil de ses observations. Si le juge ne prononce pas la mise en examen, la personne bénéficie des droits du témoin assisté. En cas de mise en examen, et

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selon la situation de la défense, l’interrogatoire du mis en examen sera ou non possible. L’article 117 du CPP ménage cependant quelques rares exceptions où l’interrogatoire sera possible en cas d’urgence. Cette disposition est peu utilisée.

La mise en examen d’une personne déjà entendue comme témoin assisté est moins

lourde au plan des formes et peut-être orale ou écrite (Article 113-8 du CPP). Vue d’ensemble sur les droits du mis en examen. Ils sont le résultat d’un combat qui

s’est ouvert en 1897 lorsque la défense a pu assister l’inculpé (nom d’alors du mis en examen) dans le cabinet du juge. A ce droit d’être assisté d’un avocat aux interrogatoires et confrontations (Articles 114,120) et de communiquer librement avec lui en détention (145-4 du CPP) se sont ajoutés ceux d’accéder gratuitement au dossier de la procédure y compris sous sa forme numérique (Article 114), le droit de se taire ou de mentir (le mis en examen ne prête pas serment), celui d’être entendu par un juge et non par un OPJ (article 152), le droit d’appel des ordonnances juridictionnelles du juge qui doivent lui être notifiées, le droit de demander des investigations, de contester les expertises dont les conclusions lui sont notifiées (Article 167 du CPP), de présenter ses observations avant la clôture de l’information, de réclamer sa clôture (article 175-1 du CPP), de demander l’annulation de la procédure, le tout sans être tenu au secret de l’instruction.

Le témoin assisté. C’est un statut hybride, entre partie à la procédure qu’il n’est pas

et simple témoin qu’il n’est plus puisque mis en cause. Comme son nom l’indique, le témoin assisté bénéfice de droits que n’a pas le témoin et notamment de celui d’être assisté d’un avocat. Ici encore seul un juge peut notifier ce statut. Mais à l’inverse du mis en examen, le témoin assisté peut être entendu par un OPJ à sa demande (Article 152 al.2 du CPP).

En quel cas le statut de témoin assisté peut-il ou doit-il être accordé ?

Le juge peut l’accorder (Article 113-2 al.3 du CPP) en cas de mise en cause par un témoin ou lorsqu’il existe des indices rendant vraisemblables que la personne ait pu participer à la commission des infractions dont le juge est saisi.

Le juge doit l’accorder à la demande de l’intéressé avant toute comparution (Article 113-2 al.1 et 2 du CPP) et ne peut l’entendre ou la faire entendre (Article 152 CPP, voir sur ce point Crim. 6 août 2008, Bull. n°171) qu’en cette qualité lorsque la personne est visée dans une plainte simple ou avec constitution de partie civile ou dans une audition de victime.

Le juge doit l’accorder d’office en plusieurs hypothèses : à défaut de mise en examen, et pour l’entendre quand la personne est mise en cause dans un réquisitoire (Article 113-1 du CPP) ou lorsqu’elle fait l’objet d’un mandat (Article 122, al.7 du CPP). Les autres hypothèses, marginales, sont celles de l’annulation ou du retrait de la mise en examen ou de la perte du statut de mise en examen à la suite du renvoi d’une partie du dossier, tandis que l’autre partie demeure ouverte à l’instruction (et sur ces faits là, la personne en cause n’est pas

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mise en examen). Ou enfin lorsqu’après première comparution, la mise en examen n’est pas prononcée.

Vue d’ensemble sur ses droits. Ses droits sont pour l’essentiel énumérés à l’article

113-3 du CPP : droit d’être assisté d’un avocat, d’accéder au dossier, de poser des questions et de présenter des observations aux auditions et confrontations. Il ne dispose pas du droit de demander toutes investigations mais il peut demander à être confronté avec ceux qui le mettent en cause (Article 82-1 du CPP). Il peut encore demander une contre-expertise (Article 167 du CPP), il est informé de la fin de l’information (Article 175 du CPP), il peut en demander la clôture (Article 175-1 du CPP) Il reçoit notification des ordonnances de règlement (Article 183 du CPP) et peut faire valoir ses observations sur appel d’une ordonnance de non-lieu devant la chambre de l’instruction (Article 197-1 du CPP). Il peut former des demandes d’annulation. Il ne prête pas serment, lui non plus (Article 113-7 du CPP).

La partie civile. Au stade de l‘instruction déjà ouverte, la constitution de partie civile

est dite incidente ou par intervention. Toute victime (en tout cas supposée telle) des faits instruits par le juge doit être informée par lui de l’ouverture de l’information, de son droit de se constituer partie civile, des modalités de ce droit et de la possibilité d’être assistée d’un avocat (Article 80-3 du CPP). Elle n’est soumise à aucune forme particulière sinon d’effectuer une déclaration d’adresse qui peut être celle de son conseil. Lors d’une première audition ou par lettre, le juge devra donner à la partie civile diverses informations sur ces droits (Article 89-1 du CPP).

Vue d’ensemble de ses droits. Pas plus que la personne mise en examen, la partie

civile ne peut être entendue comme témoin. Comme le témoin assisté, elle peut être entendue par un OPJ à sa demande (Article 152 al.2 du CPP). Elle ne prête donc pas serment et n’est pas tenue au secret de l’instruction. Elle a le droit d’être assistée d’un avocat (et c’est même une obligation si elle est mineure) (Article 706-50 du CPP), qui doit être avisé de toute audition ; elle a accès au dossier, peut poser des questions ou présenter des observations (Article 120 du CPP). La plupart de ses droits sont décalqués de ceux du mis en examen, mais on doit signaler certains droits qui lui sont spécifiques tel celui en matière de crimes et d’atteintes aux personnes d’être avisé de l’état d’avancement du dossier tous les six mois, voire tous les quatre mois (Article 90-1 du CPP). Elle a le même droit général de critique et d’intervention dans l’instruction que le mis en examen.

IV Les pouvoirs d’investigation et leur contrôle

L’article 81 al.1 du CPP dispose que « Le juge d'instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité. Il instruit à charge et à décharge. » Il est donc un enquêteur au sens large du terme. La simple lecture de l’article 81 et de la table des matières du code donne une idée des actes qu’il peut

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accomplir ou faire accomplir : enquêtes de personnalité sur la personne poursuivie ou sur la victime (Article 81 et 81-1 du CPP) transports, perquisitions, saisies (articles 92 à 99 du CPP), interceptions de correspondance (Articles 100 à 100-7 du CPP), auditions ou interrogatoires (Articles 101 et suivants du CPP), expertises (Articles 156 à 169-1 du CPP), et d’autres encore spécifiques à la matière de la criminalité organisée. Mais il en est beaucoup d’autres : reconstitution, parade d’identification etc.

Au-delà de son obligation d’instruire à charge et à décharge, le juge doit respecter les principes directeurs de la procédure pénale et ne pas recourir à des moyens prohibés, déloyaux, ou attentatoires aux droits de la défense. Le secret professionnel de l’avocat fondé sur la protection des droits de la défense lui est notamment opposable. Au fil du temps sa liberté a été encadrée et il doit aussi procéder à certains actes : auditions régulières de la personne mise en examen si elle en fait la demande (Article 82-1 du CPP), expertise ou contre expertise de droit en certains cas ou domaines (Articles 167-1 et 706-47-1 du CPP). L’article 175-2 lui fait obligation d’instruire dans un délai raisonnable mais l’absence de sanctions au dispositif prévu à cet article ôte toute effectivité à ce rappel du législateur.

Le contrôle de la conduite des investigations est en premier lieu un contrôle administratif, qui prend la forme d’un pouvoir général de surveillance confié au président de la chambre de l’instruction (Article 220 du CPP). Sa discrète pratique en rend bien difficile le bilan. Les contrôles juridictionnels sont plus importants. Les lois du 15 juin 2000 et du 5 mars 2007 ont, aux articles 175-1, 221-1 à 221-3 du CPP, organisés un contrôle sur l’ensemble de la procédure, en raison de la durée de la procédure, ou en cas de détention provisoire supérieure à trois mois. En certains cas, il peut intervenir à l’initiative du président de la chambre de l’instruction en d’autres à l’initiative des parties. Mais il ne semble pas que ce nouveau contrôle ait jusqu’ici été beaucoup utilisé en pratique. Enfin, dotées depuis la loi du 15 juin 2000 d’un droit général de demander des investigations, mais qui est enfermé dans des délais et des formes précises (Articles 175, 81 et 82-1 du CPP), les parties privées ont comme le procureur un recours en cas de refus opposé par le juge à ces demandes (Cf. infra).

L’exécution sollicitée.

Le parquet, a-t-on dit, peut se faire communiquer le dossier à tout moment a toujours pu solliciter l’exécution d’investigations. Le juge doit lui répondre s’il n’entend pas y faire droit dans les cinq jours (nota bene : le délai est plus court que celui d’un mois par lequel le juge doit répondre aux parties privées, cf. supra) par une ordonnance motivée dont le parquet peut faire appel. Si le juge ne répond pas, le parquet peut saisir directement la chambre de l’instruction (et là, il n’y a pas de filtre à l’appel comme pour les appels des parties privées sur le refus du juge de suivre leurs demandes, cf. supra).

Il peut aujourd’hui participer à l’exécution des actes qu’il requiert Art. 82CPP

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Les parties privées ont, rappelons-le conquis en 1993 puis par la loi du 15 juin 2000, le droit de demander l’exécution de tout acte d’instruction. Il existe une procédure pour formaliser la demande et le juge doit y répondre par ordonnance motivée dans le délai d’un mois (Article 81 alinéas 9 et 10 du CPP) susceptible d’appel. Mais cet appel est aux termes de l’article 186-1 du CPP porté devant le président de la chambre de l’instruction qui a charge par une ordonnance insusceptible de recours, de « filtrer » au fond, et non pas seulement en la forme, ces appels des parties privées sur des refus d’actes.

Ainsi, tandis que le parquet peut saisir directement la chambre de l’instruction, les parties privées doivent quant à elles saisir de leur appel le président de la chambre de l’instruction qui décide ou non en opportunité de saisir la chambre par une ordonnance insusceptible de recours. La rupture d’égalité entre parquet et parties privées est ici manifeste. Elle est justifiée en théorie par le fait que le juge doit conserver pour l’essentiel la maîtrise de l’instruction et en pratique par le souci d’éviter l’asphyxie des chambres de l’instruction sous ce type d’appel. Les pratiques de certains présidents de chambres de l’instruction sont si restrictives des droits des parties privées que la chambre criminelle a du annuler certaines de leurs décisions pour excès de pouvoir.

Les parties, y compris le témoin assisté, peuvent ainsi demander qu’il soit procédé à leur interrogatoire ou audition, à l’audition d’un témoin, à une confrontation, un transport, qu’il soit ordonné la production d’une pièce, ou procédé à tous actes (expertises, contre expertise, compléments d’expertise).

L’avocat de la partie civile peut, quant à lui, demander comme le parquet tout acte permettant d’apprécier la nature et l’importance des préjudices ou de recueillir des renseignements sur la victime, demande qui n’est pas ouverte à la défense (Article 81-1 du CPP).

Le mis en examen et la partie civile peuvent demander à ce que leur avocat soit présent à un transport sur les lieux, à l’audition d’un témoin, d’une partie civile ou d’un autre mis en examen (Article 82-2 du CPP). Un recours est possible sur la décision du juge.

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Vue d’ensemble sur le droit d’appel des parties

-Droit d’appel général du ministère public contre toutes les ordonnances juridictionnelles du juge d’instruction (Article 185 al.1 du CPP). Ce droit est ouvert au procureur général (Article 185 al.2 CPP).

-Principaux droits d’appel des parties privées : des droits limités, tantôt communs, tantôt particuliers et parfois filtrés.

Appels du Mis en examen des

ordonnances

Article 186 CPP

Appel de la Partie civile des ordonnances

Droit d’appel commun :

Ordonnances rendues sur la compétence (Article 186 al.3 du CPP)

Ordonnances de refus de complément d’expertise et contre expertise (Article 186 al.1

CPP).

Ordonnance de refus de restitution (Article 99 du CPP).

Ordonnance de renvoi « disqualifiante » c'est-à-dire procédant à une disqualification

de crime en délit, (Article 186-3 du CPP).

Non

filtré

Recevabilité de CP Civile (87 CPP)

Détention judiciaire et Contrôle

judiciaire (voir leçon suivante).

Refus de remise en cause de la mise en

examen.

Ordonnance de mis en accusation

Irrecevabilité de partie civile.

Fixation de consignation,

Ordonnance de règlement omettant de

statuer sur un chef de prévention.

Filtré Ordonnances de refus d’actes

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V L’exécution déléguée.

Des articles 49, 81 et 93 du CPP, il ressort que si le juge d’instruction a bien le monopole des actes d’investigation ce qui lui permet « si les nécessités de l’instruction l’exigent …de se transporter… sur toute l’étendue du territoire national » (Article 93 du CPP), il peut cependant en application des dispositions de l’article 151 du CPP déléguer leur exécution. Il existe donc deux formes d’exécution : l’exécution personnelle et l’exécution déléguée. Dans les deux cas, l’exécution peut être spontanée ou faire suite à une demande des parties. Elle a alors été sollicitée (Cf. supra).

Article 151 al.1 du CPP

Le juge d'instruction peut requérir par commission rogatoire tout juge de son tribunal, tout juge d'instruction ou tout officier de police judiciaire, qui en avise dans ce cas le procureur de la République, de procéder aux actes d'information qu'il estime nécessaires dans les lieux où chacun d'eux est territorialement compétent.

L’exécution déléguée

Elle est depuis plusieurs décennies devenue habituelle et c’est donc le plus souvent par commission rogatoire que le juge d’instruction travaille. La commission rogatoire en elle-même, c'est-à-dire l’acte par lequel le juge donne mission à un autre juge ou, plus fréquemment à un OPJ de procéder à des investigations n’est pas un acte juridictionnel et elle n’est donc pas susceptible d’appel mais seulement d’une demande d’annulation.

C’est une sorte de délégation de pouvoirs, à distinguer d’une réquisition ou d’un dessaisissement.

La forme de la commission rogatoire est définie aux articles 151 et 155 du CPP.

Le juge d’instruction ne peut pas délivrer de commissions rogatoires générales, au sens où le délégataire doit respecter la saisine du juge mais, la chambre criminelle admet que les OPJ qui découvrent des faits étrangers à la saisine du juge, puissent procéder à des investigations en application des règles de flagrance. Ils établiront sur ces faits étrangers des procédures incidentes.

La délégation, dans le cadre de la saisine du juge, peut être générale (« tous actes utiles à la manifestation de la vérité ») ou spéciale. Mais certains des pouvoirs du juge d’instruction

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ne sont pas susceptibles de délégation aux OPJ : mettre en examen, interroger un mis en examen, placer quelqu’un sous le statut de témoin assisté, confronter un mis en examen ou un témoin assisté à d’autres personnes, délivrer un mandat, effectuer une perquisition dans un local protégé (tel un cabinet d’avocat par exemple).

Les OPJ ont en revanche des pouvoirs exclusifs qui peuvent être utilisés pendant l’exécution d’une commission rogatoire et qu’ils ne tiennent pas de leur juge déléguant : la garde à vue (Art. 154du CPP). Mais ces gardes à vue qui interviennent dans le cadre de l’exécution d’une commission rogatoire sont contrôlées par le juge délégant.

VI Le règlement de l’information.

La clôture de l’instruction est aussi appelée « phase de règlement ». Au sens où l’on dit d’une affaire qu’elle doit être réglée tôt ou tard. On va dire en pratique « ce dossier est au règlement » pour signifier qu’on attend le réquisitoire de règlement qui précèdera l’ ordonnance de règlement.

Parce que le juge d’instruction est indépendant, il peut décider de clôturer alors qu’une

partie a relevé appel d’une de ses ordonnances ou sans avoir mis en examen une personne visée au réquisitoire introductif. A l’inverse, il peut ne pas apprécier les choses comme le parquet ou les parties privées qui estiment que l’information pourrait être clôturée et estimera devoir poursuivre son instruction.

Depuis la loi du 15 juin 2000, il existe une possibilité pour les parties privées (y

compris le témoin assisté) de demander la clôturer de l’instruction (voir supra). La clôture est aujourd’hui devenue une véritable procédure à elle-seule. Jusque là, elle

s’effectuait en deux temps pour qu’elle ne surprenne pas. La loi du 5 mars 2007 l’a complexifiée encore (quatre temps) pour la rendre plus contradictoire.

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Le schéma de la clôture 1er temps avis de 175 CPP 2éme temps 3éme temps 4éme temps ↑������������������↓�����������������↓�����������������[1er

délai (1mois si détenu] [2ème délai10 jours si un [l’ordonnance de règlement [3 mois si pas de détenu] détenu, un moi sinon ] motivée* est possible]

Le PR prend ses réquisitions Réquisitions du Pr Copie aux parties qui, et/ou observations à leur tour, font leurs complémentaires observations, (copie au PR) des parties possibles et demandes d’actes Plus de demandes d’actes possibles Témoin assisté idem Témoin assisté idem

* « Cette motivation est prise au regard des réquisitions du ministère public et des observations des parties qui ont été adressées au juge d'instruction en application de l'article 175, en précisant les éléments à charge et à décharge concernant chacune des personnes mises en examen. »

Quelle est la fonction de l’ordonnance de règlement ? « Vider la saisine » du juge c’est à dire examiner tous les faits dont il est saisi et dire s’il existe contre la ou les personnes mises en examen des charges constitutives d’infraction dont il doit déterminer la qualification juridique. A partir de là, quels sont les choix ouverts au juge dans la phase de règlement? Il peut rendre une ordonnance de non lieu à suivre, une ordonnance de renvoi ou une ordonnance de mise en accusation.

L’ordonnance de non lieu (Art. 177 al 1 et 182 al 1 CPP). Le non lieu peut être total

ou partiel. Ses causes peuvent être diverses : des charges insuffisantes, un ou des auteurs inconnus, aucune qualification juridique ne peut être retenue, il existe un fait justificatif ou l’action publique est éteinte. Ses effets : le juge est dessaisi, la personne détenue est libre, elle n’est plus mise examen ou n’est plus témoin assisté, elle peut demander la restitution des objets saisis et à être indemnisée d’une détention provisoire. Le tout, sous réserve de l’appel du ministère public et de la partie civile. Et la partie civile peut être condamnée si elle a mis en action l’action publique à une amende civile sur réquisitions du parquet.

Son autorité : elle n’éteint pas l’action publique.

Elle a une autorité absolue et définitive si elle est motivée en droit. Avec cependant une exception : la fraude (à la démence par exemple) ou la révélation d’un fait qui transforme la qualification d’un délit en crime qui, du coup n’est pas prescrit alors que c’est ce motif de droit qui avait conduit sur la base d’une qualification délictuelle au non lieu.

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Elle a une autorité relative et provisoire si elle est motivée en fait : toute personne non citée à la procédure peut faire l’objet de poursuites et selon la jurisprudence la plus récente ce serait le cas même si elle a été entendue comme témoin (Crim. 22 01 1997) ce qui est une solution sévère pour les témoins et pas très sécurisante.

Enfin, signalons l’exception de la réouverture sur charges nouvelles (rare) (Art. 188

du CPP). La réouverture est possible contre des personnes mises en examen et la jurisprudence l’a étendu aux personnes visées dans une plainte. Seul le parquet peut la requérir et la notion de charges nouvelles ne signifie pas la découverte de faits nouveaux mais de faits inconnus ou connus mais la portée n’était pas connue.

L’Ordonnance de renvoi

Il s’agit d’un renvoi devant le tribunal de police (rare en pratique), devant le tribunal correctionnel, parfois le tribunal pour enfants si le mis en examen est mineur.

Le renvoi suppose en tout cas pour le juge d’avoir interrogé le mis en examen sur le fond ou d’avoir au moins recueilli ses explications lors de la première comparution.

Le renvoi peut-être partiel. Et en ce cas, la personne contre qui le juge va peut-être

continuer d’instruire, si elle n’a pas, pour ce qui reste à instruire, le statut de mis en examen a celui de témoin assisté (Cf. Supra). L’ordonnance de renvoi précise, si c’est le cas, que le prévenu bénéficie du statut de « repenti » (loi du 9 mars 2004). Elle met fin à la détention provisoire, sauf maintien en détention motivé par le juge d’instruction. Le mandat d’arrêt conserve sa force exécutoire et si le mandat d’amener ou de recherche cesse de pouvoir recevoir exécution, le juge peut leur substituer un mandat d’arrêt.

Depuis la loi du 9 mars 2004, l’ordonnance avise le prévenu de ce qu’il a obligation de

faire connaître ses changements d’adresse avec une sanction à cette obligation : S’il ne le fait pas, la citation à l’adresse fournie en dernier lieu vaut citation à personne. La décision rendue contre lui serait contradictoire et le délai d’appel court alors du jour où elle est prononcée.

Par l’ordonnance de renvoi, tous les vices de la procédure sont purgés (voir leçon

sur les nullités).

En contrepartie de l’impossibilité de soulever sauf exception l’incompétence matérielle du tribunal correctionnel au profit de la Cour d’assises, le législateur a ouvert la possibilité de faire appel de l’ordonnance de renvoi en correctionnelle lorsque le mis en examen ou la partie civile estiment que les faits sont criminels (Article 186-3 CPP).

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L’Ordonnance de Mise en accusation

La loi du 15 juin 2000 a modifié le système ancien qui ne permettait pas au juge d’instruction de renvoyer un mis en examen devant la Cour d’assises et qui l’obligeait à saisir la Chambre de l’instruction qui, seule, avait le pouvoir de rendre un arrêt de renvoi devant la Cour d’assises. Ce système était présenté comme une compensation à l’absence de recours ordinaire contre les décisions de Cour d’assises. La création de l’appel en matière criminelle a conduit le législateur à simplifier les conditions de la saisine de la Cour d’assises. Elle peut l’être par une ordonnance de mise en accusation prise par le juge d’instruction et susceptible d’appel (Art. 181 CPP pour les faits criminels et connexes).

A peine de nullité, elle doit contenir l’exposé des faits, la qualification légale,

l’identité de l’accusé et s’il bénéficie de la qualité de repenti. Le contrôle judiciaire et le mandat de dépôt criminel continuent de produire leurs effets, le mandat d’arrêt lancé contre un mis en examen en fuite peut recevoir exécution.

Depuis la loi du 5 mars 2007, les ordonnances de renvoi et de mise en accusation doivent non seulement être motivées avec précision mais au surplus ces motifs doivent répondre aux réquisitions et observations qui ont été échangées entre le ministère public et les parties privées durant la phase de règlement. Ainsi le législateur a-t-il voulu mettre fin à la mauvaise habitude pris bien avant l’informatisation des tribunaux de reprendre par un copier/coller dans l’ordonnance de renvoi les termes du réquisitoire définitif.

Article 184 CPP : « Les ordonnances rendues par le juge d'instruction en vertu de la présente section contiennent le nom, prénoms, date, lieu de naissance, domicile et profession de la personne mise en examen. Elles indiquent la qualification légale du fait imputé à celle-ci et, de façon précise, les motifs pour lesquels il existe ou non contre elle des charges suffisantes. Cette motivation est prise au regard des réquisitions du ministère public et des observations des parties qui ont été adressées au juge d'instruction en application de l'article 175, en précisant les éléments à charge et à décharge concernant chacune des personnes mises en examen. »

Brève conclusion sur les caractères de l’instruction

Procédure de type inquisitoire donc cela pourrait vouloir dire : secrète, écrite et non contradictoire. De moins en moins secrète et depuis le XIXème siècle, beaucoup considèrent que le secret de l’instruction n’a jamais été effectif. Elle est encore largement écrite, mais désormais les auditions sont en matière criminelle enregistrées. Progressivement, elle s’est faite plus contradictoire. Elle est aussi devenue de plus en plus complexe. Rien ne dit pour autant que malgré ses défauts, et dans la pratique, ils sont bien réels, dénoncés avec force par exemple à l’occasion de l’affaire d’Outreau, il sera si facile de lui substituer une institution qui d’emblée fasse mieux.

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5 Les nullités de l’enquête et de l’instruction.

Au milieu du XIXème siècle, Faustin Hélie plaidait ainsi en faveur de la nécessité de sanctionner clairement de nullité la violation de certaines règles de procédure pénale : « N’y a-t-il pas dans toutes les procédures des règles qui ne sauraient être impunément violées, parce que l’instruction ne peut conduire à la vérité, parce que la justice pénale ne peut conserver son nom qu’à la condition de les observer ? » (F. Hélie, Traité de l’instruction criminelle, Paris, 1845, Livre cinquième, §445, p. 493).

Les causes de nullité des procédures d’enquête et d’instruction et les conditions de

leur mise en œuvre constituent une question complexe dont l’étude laisse une impression d’opacité sinon entretenue du moins acceptée avec une résignation tout juste contrite par un législateur qui abandonne au juge la maîtrise du système. L’analyse des conditions de leur mise en œuvre révèle une défiance des juges devant des demandes toujours soupçonnées d’être des moyens dilatoires de la défense. Difficilement admises, délicates à mettre en œuvre, et parfois décevantes au plan des effets pour ceux qui s’en prévalent, et notamment la défense, la situation faite aux nullités de l’enquête et de l’instruction rend toujours aussi actuelle l’inquiète interrogation de Faustin Hélie.

La typologie des nullités et son évolution

La situation actuelle de notre droit est le résultat de stratifications législatives dont l’histoire débute avec le code d’instruction criminelle (Voir R. Garraud, Précis de droit criminel, 1885, p.689 et 768). Le code de procédure criminelle de 1958, sous l’apparente simplicité d’une typologie binaire, a, en réalité laissé au juge la possibilité de construire un système complexe articulant les conditions qui déterminent les cas de nullités avec les conditions déterminant le prononcé de la nullité (Cf. Desportes et Lazerges-Cousquer op. cit. n°2005). La dernière période, de 1975 à nos jours, témoigne d’une incapacité législative à stabiliser et clarifier ce système Bien plus, aux stratifications législatives, la jurisprudence ajoute dans ce contexte ses propres concrétions qui déforment l’édifice législatif. L’opacité relative qui en résulte nourrit sans aucun doute le contentieux. Elle est source d’insécurité juridique pour l’ensemble des justiciables. Elle peut, sur certains contentieux, alimenter les préventions voire les soupçons de l’opinion à l’encontre de la justice pénale.

Il est d’abord nécessaire de clarifier certaines notions tenant à l’existence de cas de

nullités. Rappelons d’abord que l’article 171 du CPP vise la violation « de toute disposition de procédure pénale » expression qui doit s’entendre comme une disposition légale.

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Nullités textuelles ou nullités virtuelles.

La distinction entre des nullités « textuelles », expressément visées par le code de procédure, et d’autres qui ne le sont pas mais qui existeraient en puissance et sont donc « virtuelles », est née de la nécessité, relevée très tôt par la jurisprudence, d’élargir le champ des annulations aux formalités jugées « substantielles » même si elles n’ont pas été prescrites par le législateur « à peine de nullité ». « Nullités textuelles » et « nullités virtuelles », encore appelées « substantielles », recouvraient les unes et les autres à l’origine des nullités d’ordre public, prononcées sans autre condition.

Sous l’empire du code de procédure pénale de 1958, la distinction entre nullités

textuelles et virtuelles subsiste mais elle s’efface derrière la question de la nature de ces nullités qui peuvent être les unes et les autres qualifiées par le juge de nullités d’ordre public ou au contraire d’intérêt privé, nature qui conditionne leur prononcé.

Les réformes successives de 1975 et de 1993 (lois du 4 janvier et du 24 août 1993) et

leur interprétation jurisprudentielle aboutissent finalement à ruiner en grande partie l’intérêt de la distinction initiale entre nullités textuelles et substantielles. Il n’existe plus de liste des nullités textuelles. Elles sont disséminées dans le code, apparaissent et disparaissent au gré des réformes multiples de la procédure pénale.

A titre d’exemple, la loi du 15 juin 2000 avait créé de nouveaux cas de nullités

textuelles aux articles 80-1, 82-1 et 77-2 et 137-1 notamment. La loi dite Perben II du 9 mars 2004 supprime en abrogeant les alinéas 2 à 4 de l’article 77-2 la nullité d’actes d’enquête effectués sans que le juge des libertés et de la détention ait été saisi alors qu’une demande sur les suites données à une garde à vue a été formée. Elle prescrit à peine de nullité la rédaction d’un procès verbal en matière de CRPC (article 495-14) et soumet à autorisation et à peine de nullité les infiltrations et perquisitions en matière de criminalité organisée (706-83 et 706-92 du CPP).

Mais surtout, en présence d’une nullité textuelle ou virtuelle qualifiée par le juge

d’intérêt privé, la violation de la règle de procédure n’est sanctionnée par l’annulation que si l’existence d’un grief aux intérêts de celui qui l’invoque est établie. La mise en œuvre des nullités textuelles est, elle aussi, suspendue à la qualification jurisprudentielle et à l’existence d’un grief en cas de nullités d’intérêt privé.

Lorsqu’il prescrit une règle de procédure pénale à peine de nullité aujourd’hui, le

législateur ne fait donc rien d’autre que d’affirmer qu’elle n’est pas secondaire. Il dispense certes le juge de dire que la violation de cette règle peut être sanctionnée de nullité en l’écrivant lui-même dans la loi. Mais il lui laisse toute latitude pour qualifier cette nullité et la soumettre ou non à la condition d’un grief.

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Cette situation s’analyse comme la résultante de plusieurs facteurs : des initiatives législatives d’inspiration contradictoires prises en 1975 et 1993, le refus par les législateurs successifs d’adopter les systèmes cohérents qui ont pu leur être proposés et qui visaient à la sécurité juridique (Voir notamment les propositions de Mme M.L. Rassat Propositions de réforme du Code de procédure pénale 1997 et précédemment celles de la commission Justice pénale et droits de l’homme dit projet Delmas-Marty, La mise en état des affaires pénales, 1991.), et enfin la volonté remarquable de la Cour de cassation de demeurer le maître des équilibres entre intérêts individuels et intérêts collectifs, entre les droits de la défense et l’efficacité de la police et de la justice, entre les principes généraux de la procédure et les nécessités de la répression.

Nullités d’ordre public ou nullités d’intérêt privé .

En 1975, le législateur avait voulu soumettre l’ensemble des nullités, à l’exception de l’inculpation tardive, à la condition d’un grief. Ce système simple mais « sévère » (Guinchard et Buisson, Procédure pénale, 2éd. Litec, n°1265). n’a jamais été suivi par la chambre criminelle qui a continué de juger que les nullités qu’elle qualifiait d’ordre public devaient être prononcées sans grief à prouver. La loi du 4 janvier 1993 introduit dans le code une liste de nullités textuelles qui étaient toutes qualifiées par le législateur d’ordre public et sans grief à prouver. Elle laissait au juge le soin de sanctionner les violations d’autres formalités substantielles d’intérêt privé sous la condition d’un grief. Système clair qui superposait exactement la distinction ancienne de nullités textuelles et virtuelles avec celle plus récente de nullité d’ordre public et d’intérêt privé. La liste fut supprimée par la loi du 24 août suivant. Le nouveau législateur la jugeait trop large et lui reprochait une conception trop extensive de l’ordre public.

Le législateur semble avoir depuis lors renoncé à exprimer une théorie claire des

nullités de la procédure pénale. Il n’affirme nulle part expressément dans la loi l’existence de nullités d’ordre public et c’est le pouvoir exécutif qui précise à la suite de la loi du 24 août 1993 par voie de circulaire que « la loi nouvelle ne remet pas en cause la jurisprudence de la cour de cassation relative aux nullités d’ordre public » (Circulaire du 24 août 1993 article 802 CPP point 5).

Article 802 du CPP (rédaction issue de la loi du 24 août 1993) « En cas de

violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d’une demande d’annulation ou qui relève d’office une telle irrégularité ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu’elle concerne. »

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Une lecture littérale de l’article 802 du CPP placé dans à la fin du CPP parmi des « Dispositions générales » conduirait pourtant à soumettre les nullités d’ordre public à l’emprise de ce texte et donc à la condition de l’existence d’un grief. Deux arguments militent en ce sens : l’article 802 ne les écarte pas et il vise tout à la fois le cas d’une juridiction saisie d’une demande d’annulation et celui d’une nullité relevée d’office « formule qui ne peut viser que les nullités d’ordre public » (Cf. Merle et Vitu, Traité de droit criminel, tome 2 procédure pénale, 5éd. Cujas. n°582 et M. L. Rassat, Traité de procédure pénale, PUF 2001. n°434.)

Telle n’est pas l’interprétation jurisprudentielle qui considère que l’article 802 ne

s’applique pas aux nullités qu’elle déclare d’ordre public. Selon la formule de la chambre criminelle et sur un exemple récent : Crim. 14 oct. 2003, Bull. 187 « Les dispositions de l'article 77-1 du Code de procédure pénale sont édictées dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice […] et leur méconnaissance est constitutive d'une nullité à laquelle les dispositions de l'article 802 dudit Code sont étrangères. »

S’agissant des nullités d’intérêt privé auxquelles l’article 802 s’applique donc seulement, sa rédaction ambiguë peut encore laisser place à deux interprétations, tout comme d’ailleurs celle de l’article 171 du CPP qui relatif aux nullités de l’information dispose : « Il y a nullité lorsque la méconnaissance d'une formalité substantielle prévue par une disposition du présent code ou toute autre disposition de procédure pénale a porté atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne ». Comment faut-il entendre l’expression « a porté atteinte » ?

La première interprétation (Voir notamment en ce sens J. Pradel Procédure pénale,

Cujas, 11éd. n°738.) estime que l’annulation implique la preuve d’un grief causé au demandeur, grief qui devrait s’apprécier in concreto, espèce par espèce. Bien entendu cette interprétation conduit à confier à chaque juridiction y compris à la Cour de cassation expressément visée par le texte, le soin d’apprécier en fait l’existence d’un grief. La seconde interprétation (Guinchard et Buisson, op. cit. n°1267.) n’enferme pas l’article 802 dans cette conception d’un grief à prouver dans chaque espèce. Elle consiste à dire que sa rédaction permet aussi de concevoir l’atteinte requise comme inhérente à la violation dénoncée. Telle violation d’une formalité substantielle peut alors être considérée comme portant nécessairement atteinte aux intérêts de la partie concernée.

Grief à prouver ou « atteinte nécessairement portée aux intérêts concernés ».

La jurisprudence s’est effectivement engagée dans ce subtil distinguo. En certains cas

la chambre criminelle affirme à propos d’une nullité d’intérêt privé qu’elle « porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée ». Ou si l’on préfère elle considère qu’elle est en présence d’une irrégularité qui fait « intrinsèquement grief » (Desportes et Lazerges-Cousquer, op. cit. n°2017). C’est le cas pour certaines des nullités de la garde à vue telle la notification des droits (Parmi une très abondante jurisprudence, Crim. 30 avril 1996, Bull. n°182, Crim 10 mai 2000, Bull. 182 ou encore Crim 2 mai 2002 pourvoi

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n°01-88.453). Encore ajoute-t-elle que cette notification tardive doit être sanctionnée pour porter nécessairement atteinte aux droits du gardé à vue, sauf l’hypothèse où elle ressort d’une « circonstance insurmontable ».

Il peut être alors tentant de dire qu’ici « la charge de la preuve du grief est renversée »

et que ce sont là des « nullités avec présomption simple de grief qui rejoignent le contentieux de l’ordre public » (En ce sens M. Guerrin, Rép. Pénal Dalloz, « Nullités de procédure », fév. 2001, n°21). En réalité, la réserve des « circonstances insurmontables » renvoie au cas de force majeure, sans nier pour autant l’existence d’un grief. Pour le reste, la charge de la preuve de ce grief n’est pas seulement renversée, elle disparaît derrière son admission « par principe » (en ce sens M. L. Rassat, op. cit. n°435.), le grief étant inhérent à la violation de la règle.

A chaque nouvelle nullité, soulevée à propos de la violation d’une formalité

substantielle s’attache donc de multiples enjeux auxquels seule la Chambre criminelle apportera réponse définitive. La nullité est-elle d’ordre public, et doit-elle en conséquence être sanctionnée sans qu’il soit besoin de satisfaire aux conditions de l’article 802 ? La nullité est-elle d’intérêt privé ? Mais alors peut-on considérer que la violation de la formalité en cause porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée ? Enfin si tel n’est pas le cas, le juge et in fine celui de la cour de cassation reconnaîtra-t- il une violation ayant causé grief à celui qui l’invoque ? Cette cascade d’enjeux auxquels les praticiens sont donc directement exposés ouvre en apparence tous les espoirs y compris bien sûr celui d’un revirement de jurisprudence.

Le grief recouvre le plus souvent une atteinte aux droits de la défense. Il sera donc

écarté lorsqu’il y « a été pallié de sorte que les droits de la défense ont été assurés dans des conditions équivalentes à celles prévues par la loi ou en tout cas suffisantes » (Desportes et Lazerges-Cousquer op. cit. n°2020) ou lorsque la méconnaissance de la procédure est demeurée sans conséquences, ou lorsque l’avocat, voire la partie concernée était présente lors de l’accomplissement de l’acte irrégulier et n’a pas protesté. On présume alors en quelque sorte une renonciation implicite de la part de la défense à se prévaloir de la nullité.

Apprécié globalement, ce système produit des effets non recherchés. Il n’est pas

économe de la peine des juridictions. Il encourage évidemment le contentieux même si « la Cour de .cassation utilise massivement l’article 802, estimant qu’il n’y a pas en l’espèce de préjudice pour le demandeur » et si « l’article 802, CPP, est un facteur de célérité en sauvant des procédures qui ne méritent pas toujours d’être anéanties » (J. Pradel, op. cit. n°738.). Il est également injuste au sens où il n’est pas également mobilisable par les justiciables. Les « ressources » qu’il suppose, intellectuelles et matérielles seront plus facilement mobilisées par ceux qui sont mis en cause à propos d’infractions économiques et financières faisant l’objet d’une information judiciaire, que par les personnes poursuivies dans des procédures d’urgence et défendues par des avocats non spécialisés. Le système n’est pas à l’abri de formulations confuses ou d’interprétation délicate. On en citera deux exemples. Il arrive qu’à propos d’une nullité textuelle (Articles 82-1, 82-2 et 81 al. 10 CPP), la chambre criminelle

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répondant à un moyen qui lui proposait de voir dans la violation de la formalité en cause une nullité portant nécessairement atteinte aux intérêts de l’auteur du pourvoi préfère constater en l’espèce le grief non sans avoir auparavant pris soin de caractériser la formalité de substantielle (Crim. 11 mai 2004 Bull. n°114).

Crim. 11 mai 2004, Bull. n°114. Attendu qu'il résulte des articles 82-1, alinéa premier, et 82-2 du Code de procédure pénale, qu'à peine de nullité, la demande écrite et motivée d'une partie civile tendant à ce qu'il soit procédé en présence de son avocat à l'interrogatoire d'une personne mise en examen, doit être présentée dans les formes prévues par le dixième alinéa de l'article 81 dudit Code;

Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation de l'interrogatoire de première comparution de Françoise P., épouse S., la chambre de l'instruction prononce par les motifs repris au moyen;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi alors que la demande formée par l'avocat de la partie civile ne répondait pas aux exigences légales et que la personne mise en examen n'avait pas renoncé à se prévaloir de la méconnaissance de cette formalité substantielle, laquelle faisait en l'espèce grief à ses intérêts, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et des principes ci-dessus énoncés; »

Il n’est pas toujours aisé de savoir à la lecture d’un arrêt de rejet sur un pourvoi du

ministère public si la chambre criminelle alors même qu’elle affirme qu’une violation porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée ne fonde pas essentiellement sa solution sur les arguments factuels relevés par la cour d’appel et qui selon elle établissaient un grief.

Crim. 29 janvier 2003, Bull n°22 Attendu que, pour faire droit au moyen de

nullité, présenté par Franck C., pris de l'irrégularité de sa mise en examen et de son placement en détention provisoire, l'arrêt attaqué relève que le rapport d'expertise …n'a pas été porté à la connaissance de l'avocat de Franck C., lors de la mise en examen de ce dernier, le 30 septembre; que les juges retiennent qu'ont ainsi été violées les dispositions de l'article 116 du Code de procédure pénale qui imposent que l'avocat puisse consulter sur-le-champ le dossier, lequel doit comprendre toutes les pièces de la procédure; qu'ils ajoutent qu'en l'espèce, cette omission a constitué une atteinte caractérisée aux droits de la défense;

Attendu qu'en prononçant ainsi, par des motifs qui établissent que l'absence de mise à la disposition de l'avocat de Franck C. d'une pièce de la procédure, déterminante dans la mise en examen, a nécessairement porté atteinte aux droits de la défense, la chambre de l'instruction a justifié sa décision. Rejette

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Apprécié au travers de chacune de ses composantes, le système s’il ne révèle pas une cohérence absolue permet cependant de relever quelques grands traits caractéristiques de chacune des catégories de nullité. Les nullités textuelles

Principales nullités textuelles de l’enquête et de l’instruction .

Articles 49 al 2 (nullités subséquente à l’instruction : participation du juge d’instruction au

jugement des affaires pénales dont il a eu à connaître), 59 al.2 (Perquisitions) , 76 (décision du juge des

libertés en matière de perquisitions), 78-3 (rétention en vue d’un contrôle d’identité), 80-1 (conditions

de fond de la mise en examen), 81 (forme des demandes d’actes des parties privées), 100-7 (mise sous

écoute de la ligne téléphonique d’un parlementaire, d’un avocat ou d’un magistrat), 137-1 (participation

du juge de la liberté et de la détention au jugement des affaires dont il a connu) 393 al 4 (formalités du

défèrement par le procureur de la République), 495-14 (procès verbal dressé par le procureur en matière

de CRPC), , 696-10 (procès-verbal du Procureur général en matière d’extradition de droit commun),

696-36 (nullités des extraditions obtenues par le gouvernement français), 698-1 (procédure en matière

militaire)706-35(perquisitions en matière de traite des être humains etc.)., 706-60(conditions d’audition

d’un témoin anonyme), 706-83, 706-92, 706-93 (perquisitions en matière de délinquance organisée).

Les nullités textuelles relèvent d’époques différentes. Le choix de les inscrire dans la loi peut ressortir de quelques explications assez logiques. Certaines nullités sont « d’origine » au sens où on les trouve dans le Code de Procédure pénale de 1958, telle l’interdiction faite au juge d’instruction de participer au jugement des affaires dont il a connu en sa qualité de juge d’instruction (Art. 49 al.2 du CPP) et elles ont parfois leur réplique postérieure : la même disposition a été prise en 2000 pour le juge des libertés et de la détention (Art. 137-1 du CPP). Ici la qualité de nullités d’ordre public semble bien expliquer leur caractère textuel.

Dans d’autres cas, on peut dire que le choix du législateur de prévoir expressément des

nullités concerne les domaines les plus sensibles pour les libertés. Contrôle d’identité, écoutes téléphoniques, perquisitions, mise en examen, défèrement en comparution immédiate, témoin anonyme, procédures d’exception en matière de criminalité organisée, droit de la presse, les exemples ne manquent pas où la nullité textuelle sonne comme une contrepartie (quelque peu illusoire, on l’a vu en raison de la portée de la notion de nullité textuelle) accordée lors d’innovations procédurales jugées par certains inquiétantes au moins à l’époque de leur création. Il s’agit parfois de souligner l’importance accordée à une disposition sensible pour les relations entre pouvoir exécutif et autorité judiciaire telle la dénonciation ou l’avis du ministère de la défense exigée par la loi pour que l’action publique puisse être mise en mouvement en matière d’infractions imputables à des militaires ou gendarmes en service (Art. 698-1, al.2 du CPP). Il peut s‘agir enfin de rassurer les juges lorsque de nouveaux droits sont

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accordés aux justiciables qui introduisent une nouvelle dose discrète d’accusatoire dans la phase d’instruction, en prescrivant à peine de nullité des formes précises pour l’exercice de ces nouveaux droits. Ce qui n’exclut pas que la nullité en question puisse dans la pratique être invoquée par une autre partie privée à qui elle fait grief comme c’était le cas dans l’arrêt du 11 mai 2004 cité plus haut où une personne mise en examen reprochait à la partie civile de n’avoir pas respecté les formes d’une demande d’interrogatoire du mis en examen en la présence de son avocat.

Les nullités d’ordre public

Les nullités d’ordre public recouvrent traditionnellement les règles touchant à l’organisation et à la composition des juridictions, à leur compétence, à l’exercice des pouvoirs des juridictions et de leurs auxiliaires, ou aux formes substantielles des actes de procédure. C’est ici l’intérêt d’une bonne administration de la justice qui est en cause. Globalement la catégorie ne s’étend pas bien au contraire. La qualification de nullité d’ordre public donnée ou refusée par la jurisprudence aux nullités soulevées méritent évidemment la plus grande attention.

On en donnera quelques exemples récents. La nullité prise de l’irrégularité des interceptions téléphoniques (art. 100-5 CPP.)

échangées entre des personnes ultérieurement mises en examen et leurs avocats est-elle une nullité d’ordre public ? La réponse donnée par la cour de cassation dans une décision du 21 mai 2003 (Pour une synthèse des nullités d’ordre public dans la jurisprudence d’avant 1993, cf. Merle et Vitu, op. cit. n°583.) peut à tout le moins le laisser espérer même s’il n’est pas formellement précisé que la nullité doit être prononcée « sans qu’il soit nécessaire de rechercher si elle a fait grief au requérant ». La chambre de l’instruction pour rejeter le moyen d’annulation relevait tout à la fois que les avocats à l’époque où les conversations avaient été retranscrites n’avaient pas été désignés dans le dossier, que la mise en examen du requérant ne reposait pas sur le contenu de ces conversations et qu’il n’avait subi ni même allégué aucun grief. Elle avait ainsi clairement opté pour une nullité d’intérêt privé, restreignant par ailleurs le champ temporel de la notion de défense à la phase judiciaire et à la condition d’une désignation. Sa décision est cassée. La retranscription n’est possible que « s’il apparaît que son contenu et sa nature sont propres à faire présumer la participation de cet avocat à une infraction ». Hors cette hypothèse, la retranscription doit être annulée. Il semble bien s’agir d’une nullité auxquelles les dispositions de l’article 802 sont ici étrangères.

Un réquisitoire introductif peut-il être annulé lorsqu’il est ouvert pour « pallier la

crainte d’une infraction future » et la nullité est-elle alors d’ordre public ? C’était la conception retenue par une chambre de l’instruction dont la décision est cassée (Crim. 5 juin 2002, Bull. n°129) Le réquisitoire introductif ne peut être annulé que s'il ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale et le procureur de la République peut requérir l'ouverture d'une information au vu de tous renseignements dont il est

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destinataire. C’est là une lecture restrictive des règles d’ordre public en matière de réquisitoire introductif alors que cet acte n’est pas susceptible de recours.

En 1996 (Crim 25 janvier 1996, Bull. n°51), la chambre criminelle a estimé que la

violation du secret de l'instruction, non pas postérieure mais concomitante à l'accomplissement d'un acte de la procédure, ne peut conduire à son annulation que s'il en est résulté une atteinte aux intérêts d'une partie. En l’espèce un mis en examen recherchait la nullité d’une garde à vue enregistrée, filmée, diffusée sans son consentement. On ne doit donc pas trop compter sur la théorie des nullités pour faire respecter le secret de l’instruction qui n’aurait ainsi rien à voir avec une bonne administration de la justice !

Le caractère d’ordre public des nullités ne va décidément pas de soi.

Les nullités d’intérêt privé et l’atteinte nécessairement portée aux intérêts du

requérant

Il est des cas où il serait difficile de contester que la violation de la règle procédurale a « nécessairement porté atteinte » aux intérêts de celui qui s’en prévaut. Ainsi en matière de jugement, celui du prévenu qui se plaint de ne pas avoir eu la parole le dernier tant la preuve concrète du grief en l’espèce serait d’ailleurs difficile à exiger ! Mais n’est-on pas alors justement devant une nullité qui pourrait être qualifiée d’ordre public ? N’est-ce pas d’abord dans le but d’une bonne administration de la justice que la règle s’impose ?

La plupart des hypothèses où la chambre criminelle retient « l’atteinte nécessairement

portée aux intérêts de la personne concernée », intéresse aujourd’hui les contrôles d’identité et à leur suite les placements en rétention, la garde à vue et les perquisitions, c’est à dire des situations où le déséquilibre entre les pouvoirs de la police et les droits de la personne concernée est le plus grand. L’information du procureur sur le placement en garde à vue (Crim 10 mai 2001, Bull. n°119) le dépassement de la durée totale de la garde à vue (Crim 13 fév. 1996, Bull. n°74 ; D. 1996, Somm. 258, obs. J. Pradel. ), y compris lorsqu’il s’agit de garde à vue successives (mais à suivre) et indépendantes (Crim 17 mars 2004, Bull. n°69, AJ pénal 2004 p. 248 obs. Coste ), la notification tardive de droits(Crim. 30 avril 1996, Bull. n°182, Crim 10 mai 2000, Bull. 182 ou encore Crim 2 mai 2002 pourvoi n°01-88.453 ), la mise en œuvre du droit à l’entretien avec un avocat (Crim 9 Mai 1994, Bull. n°174, Civ 2ème 23 janv. 2003 Bull. Civ. 2 n°13, 24 avril 2003, Bull. Civ. 2 n°108) ont été retenus comme des violations qui portent nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée.

Encore faut-il parfois que les prévenus mènent leurs recours jusque devant la Cour de

cassation pour obtenir satisfaction. Ainsi, l’audition de trois personnes , par des policiers agissant sur commission rogatoire, en qualité de témoins alors que nommément visées dans une plainte avec constitution de partie civile et sans notification des droits prévus aux articles 104 et 152 alors en vigueur, n’avait-elle pas été annulée par une chambre de l’instruction. Cette dernière avait certes relevé l’irrégularité mais refusait l’annulation des auditions au motif qu’aucun aveu n’était passé dans l’une et que les autres concernaient deux avocats qui

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avaient « nécessairement connaissance de leurs droits ». L’arrêt est cassé (Crim 14 nov. 2001 Bull. n°238.). L’omission des formalités requise à l’article 104 « porte atteinte » aux droits de la personne concernée est-il discrètement réaffirmé en oubliant d’ailleurs l’adverbe « nécessairement ».

La seconde chambre civile de la Cour de cassation est parfois amenée à connaître de

moyens de nullité soulevés devant le premier président de la cour d’appel par des personnes étrangères placées en rétention. Dans une telle espèce le retard apporté à l’information du Procureur sur le placement en garde à vue de nombreuses personnes interpellées lors d’un contrôle d’identité fondé sur l’article 78-2-2, ne relève certes pas selon la seconde chambre civile de circonstances insurmontables mais de « circonstances particulières justifiant l’existence d’un délai matériellement incompressible ». L’arrêt les présente comme faisant disparaître « l’atteinte portée aux intérêts du gardé à vue » sans que le lien entre les deux questions ne soit plus étayé (Civ 2ème 19 fév. 2004, Bull. Civ. N°70, AJ pénal 2004, p. 160). Tout se passe comme si l’extension des contrôles d’identité de type administratif sur réquisition du procureur (Extension de la période de temps et des types d’infractions recherchées récemment voulue par le législateur de 2001 et 2003 ) emportait « nécessairement » si l’on ose dire des contrôles d’identité de masse qui justifieraient tout aussi « nécessairement » l’allégement des contraintes d’information au procureur.

La qualification des nullités demeure une question délicate, difficilement prévisible au

regard de seuls critères juridiques. Au point qu’il est permis de se demander parfois si son étude ne relève pas davantage de la politique pénale que de la matière processuelle.

Sur la mise en œuvre des nullités de l’enquête et de l’information.

Absence de renonciation à la nullité. Avant d’examiner les conditions procédurales

de l’annulation des actes d’enquête et d’instruction, Il faut encore ajouter que la nullité ne pourra être soulevée qu’à la condition qu’il n’y ait pas été renoncé. La renonciation a posteriori est largement ouverte. S’agissant des nullités virtuelles ou substantielles, la partie concernée peut renoncer à s’en prévaloir (Article 172 du CPP) mais cette renonciation doit être expresse et ne peut être donnée qu’en présence de son avocat ou ce dernier dûment appelé. La circulaire du 1er mars 1993 entendait qu’il soit aussi possible de renoncer sur la base de cette disposition à invoquer une nullité d’ordre public. La doctrine considère quant à elle que le texte même s’il ne les vise pas doit aussi s’appliquer aux nullités textuelles pourvu un grief est nécessaire au prononcé de la nullité, mais qu’en revanche, il ne saurait permettre de couvrir les nullités d’ordre public qui par hypothèse ne portent pas atteinte à une partie déterminée, condition visée par l’article 172 (Desportes et Lazerges-Cousquer, op. cit. n°2025). Il est enfin des cas où le législateur par souci de simplification de la procédure ouvre aux parties la possibilité de renoncer par avance à un droit. Il va de soi que la partie qui renonce à telle formalité comme la loi l’y autorise ne peut ensuite se prévaloir de la nullité tenant à ce qu’elle n’a pas été accomplie.

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Vue d’ensemble. Le cercle de ceux qui peuvent invoquer une nullité est large, et sous

la pression des décisions de la CEDH, la chambre criminelle a dû admettre la recevabilité des demandes d’annulation dirigées contre des pièces extraites d’un autre dossier d’instruction et versées au débat d’une procédure, admettant finalement que l’exigence d’un procès équitable l’exigeait (Crim.8 juin 2006, Bull. n°166).

Crim.8 juin 2006, Bull. n°166

…Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que les investigations effectuées sur commission rogatoire dans le cadre d'une information ouverte à Draguignan, le 4 janvier 2004, à la suite de l'incendie volontaire d'un véhicule dont le conducteur avait été gravement brûlé, ont révélé que ces faits étaient liés à un trafic de cannabis ; qu'au vu d'un rapport de police accompagné de procès-verbaux établis dans la procédure criminelle, le procureur de la République de Draguignan a ouvert, le 8 mars 2004, une nouvelle information pour trafic de stupéfiants ; que le juge d'instruction, saisi des deux dossiers, a ordonné ultérieurement, à plusieurs reprises, le versement, dans cette procédure, de pièces de l'information portant sur les faits criminels ;

Attendu que, pour rejeter le moyen d'annulation, proposé par Bulent et Levent X..., mis en examen dans la seule information pour trafic de stupéfiants, et pris de l'irrégularité du réquisitoire introductif, en ce qu'il serait fondé sur des actes accomplis dans la procédure distincte sur des faits dont le juge d'instruction n'était pas saisi, l'arrêt attaqué constate qu'au cours de l'exécution de la commission rogatoire délivrée dans le dossier criminel, destinée à rechercher les causes et à identifier les auteurs de l'incendie volontaire, les investigations conduites par les policiers, notamment les auditions auxquelles ils ont procédé, ont révélé que ces faits auraient eu pour origine un différend financier opposant les protagonistes d'un trafic de stupéfiants organisé à Fréjus par un dénommé Chrys Z... ; que ces éléments ont fait l'objet d'un rapport de police, auquel étaient joints des procès-verbaux établis en exécution de ladite commission rogatoire, qui a été communiqué au procureur de la République, lequel a décidé d'ouvrir une nouvelle information pour infractions à la législation sur les stupéfiants ; que les juges, rappelant que Bulent et Levent X... n'ont fait l'objet d'aucune mesure coercitive et n'ont pas même été visés ou concernés par les actes accomplis dans le dossier criminel, retiennent qu'ils ne sont, dès lors, pas recevables à contester la régularité de certains d'entre eux ;

Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, l'arrêt attaqué n'encourt pas la censure dès lors que, d'une part, les demandeurs n'allèguent pas avoir été privés de la possibilité de contrôler une atteinte à l'un de leurs droits qui aurait été commise dans la procédure distincte à laquelle ils n'ont pas été partie et que, d'autre part, il n'est pas établi que les éléments provenant d'une autre information et versés dans la procédure ayant donné lieu à leur mise en examen ont été illégalement recueillis ;

D'où il suit que le moyen, en partie nouveau et comme tel irrecevable, en ce qu'il critique la régularité, au regard notamment de l'article 8 de la Convention européenne

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des droits de l'homme, d'interceptions de communications téléphoniques, non contestée par les demandeurs devant la chambre de l'instruction, ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Mais les mécanismes multiples de filtre, de purge et de forclusion témoignent d’une

volonté de limiter fortement leur mise en œuvre. Il ne s’agit plus seulement, comme avant 1993, d’éviter que dans les affaires criminelles les nullités de l’information ne puissent être discutées devant la Cour d’assises, mais de conforter le plus souvent l’instruction tout en évitant autant que possible la saisine de la juridiction d’appel.

Des nullités soulevées par qui ?

Durant l’instruction (Article 170 du CPP), la nullité des actes ou pièces de la procédure insusceptibles d’appel de la part des parties peuvent être sollicités par le juge d’instruction, le procureur de la république, par les parties et depuis la loi du 9 mars 2004 par le témoin assisté. La mise en œuvre des nullités suppose un intérêt à agir largement ouvert mais aussi la qualité pour agir (voir sur cette distinction délicate en ce domaine Desportes et Lazerges-Cousquer, op. cit. n°2028 et 2029). Ce sont là les conditions de recevabilité de la demande en annulation. Si l’intérêt à agir ne soulève guère de difficultés, la qualité pour agir nécessite qu’on en précise le sens et les limites.

Pour être recevable en sa demande d’annulation, la partie privée, la partie civile ou le témoin assisté doit faire la démonstration de ce qu’il est « concerné » par la nullité, c'est-à-dire que l’acte en cause soit de ceux qui se rapporte aux faits lui sont reprochés (ou pourraient l’être, pour le témoin assisté) ou de ceux qui se rapportent aux faits déterminant sa constitution de partie civile. Cette condition est déduite de la lecture des articles 171 et 802 du CPP. Au surplus, la règle dont la violation est invoquée doit avoir pour objet de préserver les droits du requérant. Ce sera nécessairement le cas d’une règle d’intérêt public, mais si la règle est posée pour protéger un intérêt privé, la jurisprudence exige la démonstration de ce que le requérant a été « personnellement victime » de l’irrégularité (Crim. 15 février 2000, Bull. n°68).

Crim. 15 février 2000, Bull. n°68

…Attendu qu'il résulte de l'arrêt et des pièces de la procédure qu'à la suite de la découverte du corps de Y..., atteint de deux balles de fort calibre, le juge d'instruction de Montpellier a délivré à la gendarmerie, le 12 décembre 1997, une première commission rogatoire pour déterminer les circonstances du meurtre, puis, le 25 décembre 1997, une nouvelle commission rogatoire en vue de " sonoriser, à l'occasion de la perquisition qui y sera effectuée, le domicile de Z... ", domicile que l'auteur présumé, prénommé X..., était susceptible de fréquenter ;

Que, le lendemain, les officiers de police judiciaire ont procédé à une perquisition

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dans l'appartement de Z..., avec l'assistance de gendarmes du groupe d'observation et de reconnaissance de Versailles, qui y ont mis en place un équipement permettant de capter et d'enregistrer à distance les conversations ; qu'une nouvelle perquisition effectuée le 28 décembre a permis l'interpellation de X..., lequel a été mis en examen pour homicide volontaire le 30 décembre 1997 ;

Attendu que, pour rejeter la requête en annulation de la commission rogatoire du 25 décembre 1997, des opérations de sonorisation et de toute la procédure subséquente, déposée par l'avocat de X... après la notification de l'avis de fin d'information, l'arrêt énonce que " le magistrat instructeur était en droit, au visa tant de l'article 81 que des articles 100 et suivants du Code de procédure pénale, d'autoriser, par une commission rogatoire technique, l'opération de sonorisation d'un appartement " et que les officiers de police judiciaire, qui ont agi dans un cadre légal défini par le juge d'instruction, " n'ont provoqué ni la venue de X... dans les lieux, ni les conversations qu'il y a librement entretenues avec Z... " ;

Attendu qu'en cet état, le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que la perquisition du 26 décembre 1997, qui ne pouvait avoir d'autres fins que la recherche d'objets utiles à la manifestation de la vérité, était irrégulière, dès lors que seul celui qui en est personnellement victime a qualité pour invoquer une violation des règles de procédure, portant atteinte à l'intimité de la vie privée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas recevable ;

La partie qui soulève la nullité doit être victime de l’irrégularité. Celle-ci ne peut avoir

été commise au préjudice d’un tiers. Malgré la jurisprudence de la CEDH (CEDH 24 août 1998, Lambert c/France, JCP 1999-I-105n°45, obs. Sudre., D. 1999, Somm. Com. P.271 obs. Renucci, Rsc 1999 p. 393 obs. Koering-Joulain), la cour de cassation a continué de juger sans qualité pour contester une interception de conversations téléphoniques la partie qui n’est pas concernée par les conversations et à qui la ligne n’est pas attribuée (Crim. 14 nov. 2001, Bull. n°238.) avant de procéder, sur ce point précis, à un revirement de jurisprudence (Crim. 15 janvier 2003, Bull. n°10).

Il reste que sur d’autres exemples la jurisprudence de la chambre criminelle peut susciter des réserves par exemple quand elle l’a conduit à considérer qu’un prévenu n’a pas qualité pour invoquer la nullité de l’audition d’un témoin qui l’a mis en cause (Crim. 9 nov. 2004, Bull. 276, AJ pénal, janvier 2005, p. 31). Ainsi que le relève la doctrine, certaines décisions entretiennent parfois la confusion entre les notions d’intérêt à agir, de qualité pour agir et de grief (Desportes et Lazerges-Cousquer, op.cit. n°2033).

Devant qui sont soulevées les nullités de l’enquête et de l’instruction?

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Si les parties et le témoin assisté doivent en cours d’instruction saisir la chambre de l’instruction seule compétente pour examiner une demande d’annulation d’un acte ou d’une pièce, l’article 206 du CPP invite aussi les chambres de l’instruction en cas de découverte d’une nullité à la relever d’office mais elles ne peuvent le faire que dans les cas où elle sont saisies de l’entier dossier de la procédure.

Devant le tribunal correctionnel, deux situations doivent être distinguées. Saisi après

clôture d’une information, l’ordonnance de renvoi emporte purge des nullités. En cas de saisie directe du tribunal, la jurisprudence interprète l’article 385 du CPP de telle sorte que le tribunal ne peut soulever d’office les nullités même d’ordre public, à la seule exception des nullités tirées de l’incompétence des juridictions (Voir par exemple, Crim. 10 déc. 2003, AJ pénal, 2004, p.120 note C. Girault).

Quand peuvent-elles être soulevées?

Les articles 173-1, 174 et 175 du CPP issus des lois de 1993, 2000, 2002 et 2004 placent les parties et plus encore leurs conseils devant de lourdes responsabilités quant à la mise en œuvre en temps utile des demandes de nullités. Le système est fondé sur trois objectifs : les nullités doivent être soulevées le plus tôt possible, chaque saisine de la chambre de l’instruction doit être utile et donc purger toutes les nullités pouvant être soulevées par quelque partie que ce soit, et à la fin de l’instruction, la procédure doit être purgée de toute nullité.

A partir de là, chaque partie doit faire état des moyens de nullité concernant les actes

accomplis jusque et y compris sa première comparution dans les six mois de la notification de sa mise en examen. Chaque interrogatoire ultérieur lui ouvre un délai de six mois pour invoquer les nullités des actes qui lui sont antérieurs (art 173-1). Toute saisine de la chambre de l’instruction d’une requête en nullité déclenche pour chaque partie le devoir de proposer tous les moyens de nullité de la procédure qui lui est transmise après quoi elle est irrecevable à le faire sauf le cas où elle n’aurait pu les connaître (art. 174). Enfin, l’avis de fin d’instruction ouvre pour chaque partie un mois ou de trois mois selon les cas, pour présenter une requête en annulation (art. 175).

L’expiration du délai prévu par l’article 173-1 rend irrecevable la présentation par la

partie concernée des moyens de nullité pour lesquels elle est forclose (Crim. 10 juillet 2002, Bull.n°152). Ni les dispositions de l’article 174, ni celles de l’article 175 ne rendent à nouveau recevables ces moyens (Crim.4 avril 2002, Bull.n°79). La purge organisée par l’article 174 n’est pas paralysée par les délais ouverts à l’article 173-1(Crim. 30 mai 1996, Bull.n°226.). L’avis de l’article 175 fait courir un délai durant lequel des nullités peuvent être soulevées mais à condition que ces moyens ne se heurtent pas à une autre cause d’irrecevabilité tirée par exemple de l’article 173-1 ou 174 (Crim. 10 juillet 2002Bull. n°152 et 11 juin 2002 Bull. n°130). Hors le cas de réquisitoire supplétif et de poursuite de l’instruction, le délai de l’article 175 expiré, les parties sont irrecevables à soulever un moyen de nullité, les délais

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ouverts par l’article 173-1 ne survivant pas à l’expiration du délai de l’article 175 (Crim. 6 mai 1998, Bull. 153 et 10 juillet 2002 préc.).

En un mot toutes les purges et forclusions se cumulent (Voir sur ces questions Ch.

Guéry, Droit et pratique de l’instruction préparatoire, Dalloz Action, 5éd. 2004 n°203-31 à36 et 203.52.et du même auteur « Un toilettage progressif et personnalisé : les nullités de l’instruction après l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 » Dr. pénal nov. 2002 Chron. 38). Seule la chambre de l’instruction est invitée par l’article 206 à relever d’office tout moyen de nullité même après l’avis de l’article 175 (Crim. 6 mai 2003 Bull. n°92).

Non seulement la qualification des moyens des nullités et l’appréciation des griefs

rendent difficilement prévisibles les résultats des demandes d’annulation mais leur mise en œuvre est devenue pour les parties privées au cours de l’instruction une technique complexe dans laquelle elles doivent se défier de toute inattention voire des stratégies de leurs adversaires. Devant le tribunal correctionnel, lorsque le dossier n’a pas donné lieu à information, l’utilisation de plus en plus fréquente des procédures d’urgence exige de la défense une réactivité remarquable si elle veut faire sanctionner les violations des formalités substantielles ; elle doit en tout cas soulever le moyen in limine litis. Encore doit-on ajouter que le dépôt de conclusions au début de l’audience suffit à satisfaire à cette exigence (Crim. 10 déc. 2003, AJ pénal 2004, p. 75.).

Sur les effets de l’annulation

Les conséquences des décisions d’annulation sont également laissées par le législateur pour l’essentiel à l’appréciation du juge.

L’étendue de l’annulation est décidée par la chambre de l’instruction (article 174 al 2

et 206 CPP) sous le contrôle de la cour de cassation. Si l’annulation d’un acte emporte annulation de tous les actes qui en dérivent Et sûrement pas de ceux antérieurs, (Crim. 4 janvier 2005, pourvoi n°04-84.876), la jurisprudence a largement tempéré les conséquences de ce principe. Dès lors que des actes ou des pièces pourtant en relation directe avec un acte annulé trouvent aussi leur source ailleurs dans la procédure, qu’elles ont un « autre support », leur annulation sera évitée (Crim. 4 oct. 1994, Bull. n°313. Voir aussi Crim. 4 fév. 2004, Dr. pénal 2004, Comm. 75). Elle estime en effet qu’il résulte de l’article 174 du CPP que « l’irrégularité d’un acte de procédure n’entraîne l’annulation d’autres actes postérieurs qu’à la condition que ces derniers aient pour support nécessaire l’acte annulé » (Crim 10 déc. 2003, Bull. 243 ).

Bien plus, la chambre criminelle estime que les juges du fond sont tenus de rechercher

si les actes postérieurs en relation avec l’acte annulé ne trouvaient pas leur support dans des actes réguliers (Crim. 15 oct. 2003 Bull. 193 cassant une décision d’une chambre des appels correctionnels annulant une garde à vue et à sa suite la procédure d’enquête et la citation). Le retrait ou la cancellation des actes touchés par la nullité sera ainsi limité. La chambre de

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l’instruction peut à la suite d’une annulation décider souverainement d’évoquer, de renvoyer le dossier au même juge d’instruction ou à tel autre.

Les conséquences des nullités qu’elles soient d’ordre public ou d’intérêt privé sont

donc le plus souvent ainsi largement atténuées par le souci manifeste de sauver tout ce qui peut l’être des poursuites.

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6 Les mesures privatives ou restrictives de liberté prises durant l’instruction. L’essentiel. Durant l’instruction, des mesures privatives ou restrictives de liberté

peuvent être prises qui, pour indispensables qu’elles puissent être en certains cas, constituent l’un des points forts du débat public sur la justice pénale. Les principes de nécessité et de proportionnalité visés à l’article 5 de la CESDH sont ici centraux. Il est certain que l’affaire dite d’Outreau a suscité le débat en raison pour l’essentiel des questions de détention provisoire.

La garde à vue ayant été examinée au début de ce cours à propos de l’enquête

préliminaire, nous allons ici nous pencher en un premier temps les mandats et plus précisément les mandats coercitifs qui peuvent être pris dans le cadre de l’instruction. Ils sont à la source de mesures privatives ou restrictives de droit. En un second temps nous examinerons, le contrôle judiciaire et la détention provisoire, avant de présenter les dispositions qui seront examinées à l’automne 2009 dans le cadre du débat sur la loi pénitentiaire. Le cadre de ce cours ne permet pas de traiter des règles spécifiques à la détention provisoire des mineurs (Voir sur ce point, Desportes et Lazerges-Cousquer, 2815 à 2828).

I Les mandats coercitifs. La loi du 9 mars 2004 a procédé à une large réécriture des

dispositions du Code de Procédure pénale relatives aux mandats, c'est-à-dire les articles 122 à 136.

La lecture de ces dispositions démontrent d’emblée que tous les mandats ne sont pas coercitifs. Le mandat de comparution a en effet « pour objet de mettre en demeure la personne à l'encontre de laquelle il est décerné de se présenter devant le juge à la date et à l'heure indiquées par ce mandat » (Article 122 al.4 du CPP) même s’il peut être décerné à l’encontre d’une personne contre laquelle il existe des indices graves ou concordants (Article 122 al.3 du CPP).

Les mandats coercitifs sont également énumérés et définis à l’article 122 du CPP.

Le mandat de recherche (Articles 122 à 124 et 134 du CPP) créé par la loi du 9 mars 2004, n’est pas spécifique à l’instruction. « Il est l'ordre donné à la force publique de rechercher la personne à l'encontre de laquelle il est décerné et de la placer en garde à vue » (Article 122, al. 2 dernière phrase du CPP). Et il est donc logique qu’il puisse être « décerné à l'égard d'une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction », puisque c’est là le critère du placement en garde à vue. Délivré par le procureur au cours de l’enquête de flagrance ou préliminaire, il est réservé aux enquêtes portant sur des crimes et délits faisant encourir trois ans d’emprisonnement au moins. Aucun seuil en revanche n’est prévu lorsqu’il est délivré par le juge d’instruction. Inscrit au fichier des personnes recherchées, ce mandat va pouvoir

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provoquer l’interpellation et le placement en garde à vue. Il ne pourra être délivré contre une personne visée dans un réquisitoire introductif ou supplétif, et s’il a été pris avant un tel réquisitoire, le juge d’instruction devra lui substituer un mandat d’arrêt et il devient caduc au règlement du dossier. Mais on doit noter que si une personne n’est pas visée dans un réquisitoire, elle peut faire l’objet d’un mandat de recherche alors pourtant qu’il existe contre elle des indices graves ou concordants. Elle pourra ainsi être placée en garde à vue et entendue avant, le cas échéant, d’être présentée au juge. Mais cette présentation n’est nullement obligatoire. Demeurée infructueuse, la recherche vaut (Article 134 du CPP) à la personne concernée d’être considérée comme mise en examen. Elle peut donc être visée par une ordonnance de renvoi ou de mise en accusation.

Le mandat d’amener et le mandat d’arrêt sont les mandats propres à l’instruction , le mandat de dépôt pouvant aussi être pris par la juridiction de jugement.

Le mandat d’amener est « l'ordre donné à la force publique de conduire immédiatement devant lui [le juge d’instruction] la personne à l'encontre de laquelle il est décerné » (Article 122 al.5 du CPP). Le mandat d’arrêt est quant à lui «l'ordre donné à la force publique de rechercher la personne à l'encontre de laquelle il est décerné et de la conduire devant lui après l'avoir, le cas échéant, conduite à la maison d'arrêt indiquée sur le mandat, où elle sera reçue et détenue. » (Article 122 al.6 du CPP).

Le critère relatif aux personnes à l’encontre desquelles ces mandats peuvent être délivrés coïncide avec celui d’une possible mise en examen ou du témoin assisté : « Le mandat de comparution, d'amener ou d'arrêt peut être décerné à l'égard d'une personne à l'égard de laquelle il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elle ait pu participer, comme auteur ou complice, à la commission d'une infraction, y compris si cette personne est témoin assisté ou mise en examen » (Article 122 al.3 du CPP). Autant dire qu’il s’agit donc de personnes mises en examen ou qui potentiellement peuvent l’être.

S’agissant du mandat d’arrêt , trois autres conditions sont requises : Une peine de prison doit être encourue pour les faits dont est suspecté celui qui en fait l’objet, la personne concernée doit être en fuite ou résider hors du territoire national et l’avis préalable du procureur (Article 131 du CPP).

La validité des deux mandats n’est pas la même, le mandat d’arrêt conservant sa force exécutoire après le règlement, sauf bien entendu non lieu (Articles 179 et 181 du CPP).

Bien qu’ils soient délivrés contre des personnes contre lesquels il existe des indices graves ou concordants, les mandats d’amener et d’arrêt ne font pas de ceux-là des parties à la procédure ce qui ne leur ouvre donc pas les droits correspondants. Mais comme pour le mandat de recherche, lorsque les mandats d’amener ou d’arrêt sont

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demeurés infructueux, l’article 134 du CPP prévoit que la personne concernée est considérée comme mise en examen.

Les conditions de mise à exécution des deux mandats (interpellation, rétention, transfèrement, présentation) qui conduisent nécessairement à une présentation au juge mandant sont minutieusement organisées (Article 135-2 du CPP).

Le mandat de dépôt au contraire des mandats d’amener et d’arrêt ne présente pas de réelle autonomie : il est étroitement lié à la procédure de placement en détention provisoire et c’est dans ce cadre qu’il convient de l’étudier. Aux termes de l’article 122, dernier alinéa, « Le mandat de dépôt peut être décerné à l'encontre d'une personne mise en examen et ayant fait l'objet d'une ordonnance de placement en détention provisoire. Il est l'ordre donné au chef de l'établissement pénitentiaire de recevoir et de détenir la personne à l'encontre de laquelle il est décerné. Ce mandat permet également de rechercher ou de transférer la personne lorsqu'il lui a été précédemment notifié. »

II Le contrôle judiciaire et la détention provisoire.

Le contrôle judiciaire et la détention provisoire peuvent être pris durant l’information mais ils ne sont autorisés qu’à l’encontre des personnes mises en examen. Toutefois, la création de pôles de l’instruction a nécessité l’organisation de mesures de contrôle judiciaire et de détention provisoire à titre conservatoire, lorsque la procédure doit passer d’un juge près un tribunal sans pôle à un pôle ou l’inverse (Articles 87 III et 397-2 et 397-7 du CPP).

La liberté est la règle, même pour les mis en examen et quelque soient les faits qui leur sont reprochés. Aussi le législateur affirme-t-il clairement que contrôle judiciaire et détention provisoire doivent être exceptionnels (Article 137 du CPP). Au surplus, la détention provisoire n’est possible selon ce texte que s’il est démontré que les objectifs qu’elle poursuit ne peuvent être atteints par le contrôle judiciaire. Les statistiques ne sont pas très convaincantes sur le respect, dans la réalité, des vœux du législateur.

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Quelques statistiques extraites de l’annuaire statistique de la justice 2008 Pour 49.100 mises en examen effectuées dans les affaires terminées sur l’année

2006, on comptait 25.700 mesures de contrôle judiciaire et 19.200 mesures de détention provisoire (20.810 en 2005). Dans l’un et l’autre cas, le chiffre des mesures prises ab initio étonne : 7.000 contrôles judiciaires et 10.700 détention provisoire. On l’attendait peut-être plus important. En termes d’évolution, le taux des détentions provisoires sur les mises en examens diminue légèrement et s’établit à 39,07% en 2006, pour 40,47% en 2005 mais 36 ,97% en 2002.

Le nombre de détentions provisoires comptabilisées dans les affaires terminées

chaque année avait augmenté constamment sur les dernières années (+25% en 5 ans). Il baisse pour retrouver son niveau de 2003 (19.211). C’est la détention provisoire correctionnelle qui avait augmenté le plus en chiffres absolus et relatifs. Les deux types de détention ont baissé en 2006 de 8 à 10%. En 2006, 82% des détentions provisoires concernent des délits ou des crimes correctionnalisés (14.909 détentions dans des affaires transmises au tribunal correctionnel et 837 au Tribunal pour enfants). Près d’un millier de détentions provisoires concernent des mineurs (crimes et délits).

592 personnes placées en détention provisoire (durée moyenne, 5,4 mois) ont

vu clôturé l’instruction qui les concernait par un non-lieu en 2006, chiffre moyen depuis cinq ans. Le nombre de requêtes en indemnisation de détention provisoire est passé de 365 en 2002 à 640 en 2006 et le nombre des affaires restant à juger à ce titre par les premiers présidents a doublé en cinq ans (615 en 2006).

La durée moyenne des détentions provisoires à l’ordonnance de clôture a

diminué en 2006. Elle était passée de 6,1 mois en 2001 à 8,7 en 2005. Elle est à 7,3 en 2006. En matière criminelle, elle était passée sur la même période de 14 à 16, 8 pour les majeurs, elle est de 15,7 et elle est stable pour les mineurs, à 9,9 mois. En matière correctionnelle, pour les majeurs, elle était passée de 5,2 mois en 2001 à 7,9 mois en 2005. Elle est en 2006 de 6,4 mois. Elle est de 3,7 mois pour les mineurs. Légère amélioration donc pour ce qui concerne la durée des détentions provisoires imputables à l’instruction qui rompt en tout cas avec un cycle de 5 années d’augmentation.

L’instruction a eu naguère sa part de responsabilité dans l’augmentation des

durées totales de détention provisoire. Elle n’est pas la seule. L’audiencement devant les juridictions de jugement en est aussi largement responsable et de ce point de vue les choses ne s’arrangent pas.

Sur 2.500 condamnations après détention provisoire pour crime, la durée moyenne de détention provisoire totale est de 26,1 mois, en augmentation constante depuis 2001 (24,3 mois). Dans 20% des cas, la détention provisoire dépasse les trois années.

En matière correctionnelle, aux 20.047 détentions provisoires imputables à l’instruction (durée moyenne : 6,6 mois), il faut ajouter les 12.387 détentions

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provisoires imputables à la comparution immédiate (durée moyenne : 0,4 mois). On ne s’étonnera donc pas que sur l’ensemble des détentions provisoires, 13.275 d’entre elles durent moins d’un mois. Mais 10.900 sont d’une durée supérieure à 4 mois.

Extrait de « Bref commentaire de quelques chiffres de l’annuaire 2008 »

AJ pénal juin 2009.

1) Le contrôle judiciaire. Notion. Institué par une loi n°70-643 du 17 juillet 1970, le contrôle judiciaire est très représentatif d’une époque où le législateur était soucieux de construire par une politique criminelle active des alternatives à la peine de prison. S’il est en effet une mesure restrictive de liberté décidée à titre de mesure de sûreté ou pour les nécessités de l’instruction, il avait explicitement pour objectif d’éviter le recours à la détention provisoire en étant pensé comme une alternative à celle-ci. De même que les alternatives aux peines de prison n’ont pas toujours, en pratique, été utilisées à cette fin mais bien plutôt comme un mode de diversification des autres peines, l’examen statistique témoigne que le contrôle judiciaire talonne la détention provisoire mais sans la dépasser.

Le contrôle judiciaire est régi par les articles 137, 137-2, 138 à 143 du CPP qui pour certains ont été remaniées à de très nombreuses reprises.

Les conditions du contrôle judiciaire.

Le champ d’application. Il ne peut être décidé que si l’infraction pour laquelle la personne concernée est mise en examen fait encourir à une personne physique une peine d’emprisonnement correctionnel au moins. Son champ d’application dépasse toutefois celui auquel cette finalité ferait penser (une alternative à la prison) puisqu’il est aussi applicable aux personnes morales (Article 706-45 du CPP). Il n’est pas applicable en matière d’infractions militaires et de presse.

La procédure de placement sous contrôle judiciaire. Le contrôle judiciaire peut être décidé par le juge d’instruction « en tout état de l’instruction » (Article 137-2 et 139 du CPP) après réquisitions du ministère public. Mais le législateur n’a pas organisé ici de débat contradictoire comme on en rencontrera lorsqu’il s’agira pour le juge des

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libertés et de la détention de décider une détention provisoire. Le juge des libertés et de la détention peut néanmoins choisir le placement sous contrôle judiciaire au lieu et place de la détention provisoire (Article 145 al.3 du CPP). Et la chambre de l’instruction peut aussi, sur appel d’une ordonnance du juge d’instruction ou du juge des libertés et de la détention, décider un contrôle judiciaire, soit sur un appel du parquet après refus d’envisager ou de placer en détention provisoire, soit à l’occasion d’une mise en liberté.

Bien entendu le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention peuvent aussi faire suivre une détention provisoire d’un contrôle judiciaire, que la mise en liberté intervienne pour des motifs de droit (sa durée) ou de fait lorsqu’il s’agit notamment de protéger la partie civile de certains risques (Article 144-2 du CPP). Dans tous les cas la décision sera motivée. Le contrôle judiciaire est exécutoire nonobstant toute voie de recours (Crim 8 juillet 2004, Bull n° 179)

Les mesures de contrôle judiciaire. Au nombre de dix-sept aujourd’hui, elles se sont diversifiées au fil des réformes et on renverra sur ce point à la lecture de l’article 138 du CPP et l’analyse qui en est faite dans les traités (voir notamment Desportes et Lazerges-Cousquer, op. cit. n°2661 à 2675). L’effectivité du contrôle sera confié soit aux services de police et de gendarmerie, soit à des associations de contrôles judiciaires ou des enquêteurs de personnalité, personnes physiques, ou encore au service pénitentiaire d’insertion ou de probation ou enfin, s’agissant des mineurs, à des services éducatifs. Le cautionnement, assez peu pratiqué, constitue l’une des mesures de contrôle judiciaire (138 al2 11° et 142 du CPP).

D’office, ou sur demande de l’intéressé ou du procureur, le juge d’instruction peut aménager, alléger ou renforcer le contrôle judiciaire en modifiant les mesures auxquelles le mis en examen est soumis (Article 137 al.2 du CPP). Notons enfin que la loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002 a introduit la surveillance électronique comme mode possible, avec l’accord de l’intéressé, de la mesure de contrôle judiciaire prévue à l’article 138 alinéa 2, 2° à savoir l’assignation à résidence. La surveillance électronique en cause s’effectue selon les modalités prévues aux articles R18-2 et R57-10 à R57-35.

La mainlevée du contrôle judiciaire. Le juge d’instruction peut ici encore d’office ou sur demande de l’intéressé ordonner la mainlevée du contrôle judiciaire après avoir pris l’avis du parquet. Ce dernier peut aussi être le demandeur à la mainlevée. La demande formée par le mis en examen est enfermée dans des formes précises (Articles 148-6 et 148-7 du CPP) et le juge dispose de cinq jours pour y répondre (Article 140 al.2 du CPP). Les ordonnances rendues en matière de contrôle judiciaire peuvent faire l’objet d’un appel du parquet, du mis en examen mais non des parties civiles (Articles 185 et 186 du CPP). En ce cas d’ailleurs la chambre de l’instruction ne pourra juger quelque question étrangère que ce soit au contrôle judiciaire. C’est la règle dite de l’unique objet (Voir sur ce point Guinchard et Buisson, n°2204, Desportes et

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Lazerges-Cousquer n°2697 et 2142 et 2164). Ajoutons que comme en matière de détention provisoire (Voir infra) la chambre de l’instruction peut statuant sur le contrôle judiciaire décider plutôt que laisser compétence au juge d’instruction pour gérer la suite du contrôle judiciaire, décider de se réserver cette question (Article 207 al 1 du CPP).

La fin du contrôle judiciaire et la fin de l’inform ation. Le contrôle judiciaire n’est pas à l’inverse de la détention provisoire enfermé dans des limites maximales de durée. En fin d’instruction, la mesure se poursuit même de droit à l’égard de ceux qui font l’objet d’une ordonnance de mise en accusation (Article 181 al.5 du CPP) et en matière correctionnelle, le juge d’instruction peut maintenir le contrôle judiciaire jusqu’à la comparution devant le tribunal (Article 179, al.2 du CPP). Il peut même sous certaines conditions être maintenu par le jugement de condamnation du tribunal correctionnel jusqu’à ce que la décision devienne définitive et donc pendant l’instance d’appel (Article 471 du CPP).

La fin du contrôle judiciaire par la détention provisoire. Son inexécution expose celui qui se « soustrait volontairement à ses obligations » au placement en détention provisoire (Article 141-2 du CPP). Durant l’information, c’est le juge des libertés et de la détention qui est ici compétent pour la décider. La détention provisoire n’est alors pas subordonnée au respect des conditions de fond ordinaires prévues par l’article 144 du CPP. La détention sera enfermée dans les mêmes limites de durée maximale que si elle avait été décidée initialement, sauf si le mis en examen avait déjà été placé en détention et avait été placé sous contrôle judiciaire. Le contrôle judiciaire peut alors excéder de quatre mois sa durée normale maximale (Article 145-1 et 145-2 du CPP).

3) La détention provisoire de l’information.

Nous examinerons dans une leçon prochaine les règles de la détention provisoire qui peut être ordonné en matière de comparution immédiate et nous nous en tiendrons ici à la détention provisoire décidée en cours d’information mais qui peut se prolonger jusqu’au prononcé de la décision définitive sur le fond.

La notion de détention provisoire et son évolution

La détention provisoire tient son nom de la loi du 17 juillet 1970 et s’appelait auparavant « détention préventive » tandis qu’on parlait alors d’un inculpé (nom d’alors du mis en examen) en « liberté provisoire » Et le Code d’instruction criminelle

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de 1808 prévoyait qu’en matière criminelle la « détention préventive » était de principe et d’une durée illimitée. C’est dire que l’institution est héritière d’une procédure inquisitoire.

La difficulté à l’encadrer, à l’extraire de ce contexte inquisitorial est manifeste lorsqu’on tente de rendre compte des nombreuses réformes qui s’y sont attaché, ponctuées de régressions, tout au long des XIXème et XXe siècles, mais à l’évidence le cycle des réformes n’est pas achevé. Tour à tour, le législateur a modifié le champ des personnes susceptibles de faire l’objet de détention provisoire, des infractions qui la font encourir, sa durée, ses motifs, la procédure de son prononcé, les recours et les contrôles dont elle fait l’objet et le juge qui la prononce ( pour une vue d’ensemble de la question voir récemment Desportes et Lazerges-Cousquer, n°2702 et s.). Ces multiples réformes ont peu à peu constitué autour de la question de la détention provisoire une procédure complexe et « quasi-autonome » (Desportes et Lazerges-Cousquer, n°2703) au sein de la procédure d’information.

Le placement en détention provisoire.

La loi du 15 juin 2000 a constitué une importante rupture dans le droit de la détention provisoire en instituant un juge des libertés et de la détention (que nous désignerons désormais par l’acronyme utilisé par les praticiens « JLD »)ayant le pouvoir de placer en détention provisoire, de rejeter les demandes de mise en liberté et de prolonger la détention. C’était retirer à la juridiction d’instruction du premier degré l’un de ses trois pouvoirs, celui du placement en détention provisoire (aux côtés du pouvoir d’enquêter et du pouvoir juridictionnel de renvoyer devant le juge du fond). Or, dès le XIXème siècle, Faustin Hélie et d’autres après lui, Garraud, Garçon, avait critiqué ce choix législatif du code d’instruction criminelle et en 1947 encore Donnedieu de Vabres souhaitait séparer « les fonctions d’inquisiteur et celles de juges ».

Quand et par qui le JLD est-il saisi ? La question de la détention provisoire peut se poser au moment même d’une mise en examen ou plus tard lorsque se révèle telle ou telle circonstance concernant la personne mise en examen. L’initiative de cette question et de la procédure qui s’en suit peut tenir au procureur de la République ou au juge d’instruction, qui peuvent l’un et l’autre ou l’un ou l’autre estimer la détention nécessaire.

Le procureur de la République s’il estime la détention nécessaire va saisir le juge d’instruction de réquisitions en ce sens. Si celui-ci partage cette vue, il va saisir le juge des libertés et de la détention. Si le juge d’instruction estime la détention injustifiée, il

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peut par décision motivée soit laisser la personne en liberté soit la placer sous contrôle judiciaire. Le parquet immédiatement informé de cette décision peut dans tous les cas en faire appel. Mais l’article 137-4 al.1 du CPP lui ouvre aussi en certains cas une autre voie : la saisine directe du juge des libertés et de la détention.

Cette saisine directe suppose d’abord que le parquet ait précisé dans ses réquisitions qu’il envisageait en cas de refus de placement en détention cette saisine directe. Et surtout cette saisine n’est possible qu’en cas de mise en examen pour crime ou délit puni de dix ans d’emprisonnement et sous réserve que la détention ait pour objectif de protéger le mis en examen, garantir son maintien à la disposition de la justice, prévenir le renouvellement de l’infraction ou mettre fin à l’ordre public (objectifs énumérés à l’article 144, 4°à 7° du CPP).

Les conditions de fond de la détention. Ainsi posée la question du placement en détention provisoire sera tranchée à partir de l’examen des conditions de fond suivantes. Comme le contrôle judiciaire, la détention provisoire peut être décidée selon l’article 137 du CPP pour « les nécessités de l’instruction ou à titre de mesure de sûreté ». Même si sa durée sera imputée sur celle de la peine, la détention provisoire ne saurait être justifiée par les faits reprochés fussent-ils parfaitement établis et reconnus. Le champ de la détention provisoire est aujourd’hui, à la suite de la modification intervenue par la loi du 9 septembre 2002 sur le choix du législateur précédent (loi du 15 juin 2000), très large : il suffit que la mise en examen soit intervenue pour un crime ou un délit puni de trois ans d’emprisonnement ou plus ce qui recouvre aujourd’hui la plus grande part des délits visés au code pénal.

L’article 137-3 du CPP précise que toute décision du JLD qui prononce, maintient ou prolonge une détention doit « comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait sur le caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire et le motif de la détention par référence aux seules dispositions des articles 143-1 et 144. » La décision du JLD est donc enfermée dans des motifs précis qui recouvrent des finalités assignées à la détention. L’article 144 du CPP, disposition fondamentale en matière de détention provisoire énonce ces finalités non sans avoir rappelé auparavant, et ce depuis la loi du 15 juin 2000, qu’elle doit être « l’unique moyen » de parvenir à ces objectifs. C’est dire qu’ils ne doivent pas pouvoir être atteint par un contrôle judiciaire. Depuis la loi du 5 mars 2007, dont il convient de rappeler ici qu’elle fait suite aux travaux parlementaires tenus après l’affaire dite d’Outreau, l’article 144 pose une exigence supplémentaire : il doit « être démontré, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure qu’elle constitue l’unique moyen » de parvenir à l’un de ces objectifs.

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Les sept motifs de détention provisoire de l’article 144 du CPP

1° Conserver les preuves ou les indices matériels qui sont nécessaires à la manifestation de la vérité ;

2° Empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ;

3° Empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices ;

4° Protéger la personne mise en examen ;

5° Garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice ;

6° Mettre fin à l'infraction ou prévenir son renouvellement ;

7° Mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction, les circonstances de sa commission ou l'importance du préjudice qu'elle a causé. Ce trouble ne peut résulter du seul retentissement médiatique de l'affaire. Toutefois, le présent alinéa n'est pas applicable en matière correctionnelle.

Ces objectifs assignés à la détention provisoire sont limitatifs. Il est certain que les trois premiers motifs relèvent de préoccupations tenant à l’instruction (les nécessités de l’instruction) tandis que les quatre suivants relèvent plutôt de mesures de sûreté (tendant à éviter la commission de nouvelles infractions pas nécessairement d’ailleurs par celui qui est en détention lorsqu’il s’agit de le protéger). Le dernier motif tenant au trouble à l’ordre public a depuis toujours suscité la controverse et une réelle défiance de la défense pour le caractère imprécis de la notion. Le législateur a donc voulu encadrer de motif en excluant son usage en matière correctionnelle, en le qualifiant « d’exceptionnel et persistant », en le rattachant exclusivement à « la gravité de l'infraction, les circonstances de sa commission ou l'importance du préjudice qu'elle a causé » et enfin en 2007 en précisant qu’il «ne peut résulter du seul retentissement médiatique de l'affaire », distinction pour le moins délicate.

La détention provisoire constitue à la fois un choc psychique pour ceux qui la vivent, tant en raison de l’incarcération elle-même que des conditions de celle-ci, notamment la première fois, et un choc social susceptible d’avoir de lourdes répercussions sur un parcours de vie, celui du détenu et ceux de ses proches. Ces éléments connus de tous les praticiens de la justice conduisent le législateur à faire en sorte que soit prises en

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compte la situation personnelle du mis en examen. Pour les jeunes majeurs (moins de vingt et un ans au temps de l’infraction) mis en examen pour des infractions faisant encourir une peine égale ou inférieure à cinq ans (Article 81 al.7 du CPP), une enquête de personnalité devra être menée et pour les parents de mineurs de seize ans (Article 145-5 du CPP) la recherche préalable des éventuelles mesures destinées à éviter que la détention du parent ne place le mineur en situation de danger est requise.

Le « débat contradictoire ». La décision de placement en détention n’interviendra qu’après un « débat contradictoire » dont les formes sont précisées à l’article 145 du CPP. Le JLD à qui la personne mise en examen est présentée suite à sa saisine, doit entendre ses observations. Si le JLD n’envisage pas de détention, la personne est remise en liberté sous les réserves vues plus loin. S’il envisage la mise en détention, il doit l’informer qu’elle ne pourra intervenir qu’après un débat contradictoire, qu’elle a le droit de demander un délai pour préparer sa défense et qu’elle sera nécessairement assistée par l’avocat de son choix ou un avocat désigné d’office à ce débat. Cette assistance obligatoire a été instaurée par la loi du 5 mars 2007.

Le JLD peut lui-même vouloir reporter le débat (article 145 al.7 à 10 du CPP) s’il souhaite que des vérifications soient effectuées sur la personnalité du mis en examen ou sur les faits. Quelle que soit la cause du report, le JLD peut prescrire une incarcération provisoire pour une durée de quatre jours, délai à l’intérieur duquel devra intervenir le débat contradictoire. Le seul recours contre l’ordonnance d’incarcération provisoire est le référé-liberté que nous verrons plus loin.

Le « débat contradictoire » et la décision qui lui fait suite sont en principe publics depuis la loi du 5 mars 2007 (Article 145 al.6 du CPP), sous quelques exceptions (criminalité organisée, risque d’entrave aux investigations, risque d’atteinte à la présomption d’innocence, à la sérénité des débats, à la dignité de la personne ou aux intérêts d’un tiers).

Après avoir entendu le ministère public et la défense, le JLD va donc trancher. S’il estime la détention provisoire nécessaire, il va sous les conditions de fond et de forme étudiées ci-dessus prendre une ordonnance de placement en détention provisoire et un mandat de dépôt.

Pratique judiciaire. Il ne faut pas cependant se représenter cette publicité comme celle des audiences correctionnelles. Ces audiences n’ayant pas de régularité d’heure

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et de jour, elles ne sont pas, sauf à ce qu’elle en soit spécialement avertie, fréquentée par la presse, ni par un public d’habitué. Elles peuvent se tenir dans le cabinet du JLD et non pas en salle d’audience et la jurisprudence a même admis que la porte de ce cabinet puisse être fermée durant le débat dès lors que le public n’est pas empêché d’entrer ! (Crim. 18 juin 2008, Bull. n°157).

Autant dire que la publicité de ce débat sera en bien des cas très formelle, sauf à ce que la défense l’organise elle-même. Le débat peut aujourd’hui se tenir en ayant recours à la visioconférence (Article 706-71 du CPP) par exemple lorsque la personne est détenue pour autre cause, ce qui ne manque pas de poser de sérieuses questions à la défense qui ne peut être en ce cas à la fois devant le JLD et aux côtés du mis en examen. La visioconférence ici comme en matière d’audience de fond modifie plus qu’on ne le pense le rituel du contradictoire.

L’exécution de la détention provisoire.

Les règles qui gouvernent l’exécution de la détention provisoire telles qu’elles figurent aux articles 714 à 716 du CPP et D. 53 à D.69 du CPP ne donnent pas une exacte image des questions qui se posent en ce domaine. C’est en tout cas le juge d’instruction qui pour l’essentiel qui est en charge de cette exécution. En charge du contrôle des détentions provisoires, en capacité de visiter les prisons, les juges d’instruction n’ont jamais véritablement investis ces pouvoirs, et lorsqu’un groupe de onze juges d’instruction décida en fin 2008 de visiter la prison de la Santé et faire savoir à la grande presse qu’ils n’en « pouvaient plus d’incarcérer dans ces conditions », un de ses organes dans un article intitulé « A la Santé, des juges inquiets d’incarcérer » commençait par « C’est rare pour ne pas dire inédit… » (O. Millot Libération, 11 décembre 2008).

Exécutées dans les maisons d’arrêt qui concentrent seules la surpopulation

carcérale au contraire de maisons centrales et des centres de détention, les détentions provisoires ne sont pas nécessairement exécutées près du juge d’instruction ni du domicile ou de la famille du détenu. Le juge d’instruction, dans l’espoir d’empêcher des communications entre co-mis en examen peut « disperser » ceux-là dans différentes maisons d’arrêt (Article D56-2 du CPP). Le juge peut selon des limites prévues à l’article 145-4 interdire les communications du détenu avec ses proches voire le placer à l’isolement (D56-1 du CPP). Ces dispositions ne sauraient concerner la défense (Article 716 dernier alinéa du CPP) dont les droits doivent être préservés durant la détention et notamment le droit de communiquer librement. Il n’en reste pas moins que des règles précises et parfois vécues comme très contraignantes par la défense régissent la désignation de l’avocat par le détenu (Article 115 du CPP).

Quant au « principe de l’emprisonnement individuel » prévu depuis 1875,

inscrit aujourd’hui à l’article 716 du CPP et jamais respecté, le Sénat vient de voter le 6 mars 2009 son report à au cinquième anniversaire de la date de publication de la loi

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pénitentiaire discutée à l’automne 2009. En attendant, la France se voit condamner par la CEDH sur le fondement de diverses dispositions de la CESDH pour les conditions dans lesquelles s’exécute la détention provisoire. On lira notamment l’édifiant arrêt rendu le 9 juillet 2009 (Affaire Khider c/ France, requête n°39364/05, 9 juillet 2009, 5éme section) dans lequel la France est condamnée pour violation des articles 3 et 13 de la Convention relatifs aux transfèrements, à la mise à l'isolement et aux fouilles corporelles, survenus durant plusieurs années de détention provisoire.

La durée de la détention provisoire pendant l’information.

Cette question est évidemment celle où de subtils compromis tentent de concilier sécurité publique et protection de la liberté individuelle, nécessité et proportionnalité de la privation de liberté. On peut résumer le dispositif législatif en disant que tout titre de détention a une durée de validité limitée, que la loi permet des prolongations de la détention sous des formes assez voisines de celles du placement initial, et sous des périodicités diverses, que la durée totale de détention provisoire est enfermée dans une double contrainte : celle du délai raisonnable et surtout celle de durées maximales complexes car soumises à divers régimes et exception.

On peut aussi résumer les dispositions prévues à l’article 145-2 du CPP sous forme d’un tableau (ci –dessous). Il est important de souligner que les durées légales maximales atteignent jusqu’à 3 ans et quatre mois pour un certain type de délit et quatre ans et huit mois pour certains crimes. Certes, et il faut y insister la situation des détenus aura été revues à plusieurs reprises mais l’un des enseignements de l’affaire d’Outreau est précisément de montrer que ce n’est pas là une garantie suffisante pour éviter des prolongations de routine.

La prolongation est en tout cas décidée par le JLD après avis du parquet et sur saisine du juge d’instruction. A ce stade le parquet ne peut saisir directement le JLD. Seule la voie de l’appel lui est ouverte contre un refus par le juge d’instruction d’envisager de prolonger la détention et de saisir le JLD. L’avocat de la défense est dûment convoqué au débat contradictoire et le JLD doit (Article 145-3 du CPP) exposer dans son ordonnance de prolongation, lorsque la durée de la détention provisoire excède un an en matière criminelle ou huit mois en matière délictuelle, les indications particulières qui justifient en l'espèce la poursuite de l'information et le délai prévisible d'achèvement de la procédure.

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Durée de la détention provisoire

Matière correctionnelle

Matière criminelle

Durée de validité du titre initial de DP

4 mois 1 an

Durée de validité du titre prolongeant la DP

4 mois 6 mois

Durée légale maximale –Principe

4 mois 2 ans

1 an -peine encourue supérieure

à 5 ans ou -déjà condamnée à une peine criminelle ou correctionnelle ferme supérieure à un an

2 ans -peine encourue

supérieure à 5 ans ou prévenu déjà condamné à une peine criminelle ou correctionnelle ferme supérieure à un an et poursuivi pour une infraction en tout ou partie commise hors du territoire national ou certaines infractions punies de 10 ans

Durée légale maximale-

Régimes d’exception-

3 ans association de

malfaiteurs terroristes Article 706-24-3 CPP

3 ans

2 cas

Peine encourue supérieure à 20 ans de réclusion ou détention

criminelle Ou

poursuites pour un crime en tout ou partie commis hors du

territoire national

__________________________

4 ans

2 cas

-Peine encourue supérieure à 20 ans de réclusion ou détention criminelle Et poursuites

pour un crime en tout ou partie commis hors du territoire

national

-Poursuites pour plusieurs crimes ou pour certains crimes

Nombre de débats contradictoires minimum pour une durée maximale

2 à 8

2 à 5

Durée de l’allongement exceptionnel (Art.145-1 et 145-2) qui peut être prononcé par la Chambre de l’instruction

4 mois

8 mois

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La décision de remise en liberté.

La mise en liberté de la personne placée en détention provisoire peut résulter du d’un motif de droit : le non-lieu, le dépassement de la durée maximale de la détention ou en tout cas l’arrivée au terme de l’effet du mandat de dépôt et alors que la prolongation n’est pas demandée ou enfin parce que certains délais n’ont pas été respectés soit par la chambre de l’instruction soit par la chambre criminelle. Elle peut encore être la conséquence de l’annulation de pièces qui étaient le support nécessaire du mandat de dépôt qui se trouve annulé comme par exemple l’annulation d’un interrogatoire de première comparution.

La mise en liberté peut être prononcée d’office par le juge d’instruction ou par le JLD ou encore la chambre de l’instruction après avis du parquet. L’article 144-1 du CPP l’impose même lorsque les conditions de la détention provisoire énoncées à l’article précédent ne sont plus remplies ou lorsqu’elle « excède une durée raisonnable, au regard de la gravité des faits reprochés à la personne mise en examen et de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité ». Cependant, le contrôle très réduit exercé par la chambre criminelle sur cette dernière question (le défaut de réponse ou l’erreur de droit dans l’appréciation du délai, le reste étant de l’appréciation souveraine des chambres de l’instruction), cette contrainte demeure assez théorique.

La mise en liberté résulte le plus souvent d’une demande formée par l’intéressé ou son conseil au juge d’instruction et en certains cas directement à la chambre de l’instruction. Ces demandes, leur refus, les appels qu’ils génèrent constituent le plus gros du contentieux des chambres de l’instruction. En théorie (Article 147 al.2 du CPP) le Procureur peut aussi solliciter la mise en liberté.

S’agissant des demandes formées par le détenu et sa défense, elles sont enfermées dans des formes précises à peine d’irrecevabilité de la demande (Article 148-6 et 148-7 du CPP). Il est statué sur ces demandes sans débat contradictoire.

La procédure devant la chambre de l’instruction relative à la détention provisoire.

Si les articles 201, 221-3, 222 et 223 du CPP prévoient diverses hypothèses sous lesquelles la chambre de l’instruction peut statuer sur la détention provisoire, il faut bien reconnaître leur usage rare en pratique. C’est essentiellement des appels d’ordonnances rendues en matière de détention provisoire qu’elle est saisie d’autant que c’est la seule voie de recours ouverte contre elles.

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On se tiendra à brosser ici les grandes lignes de la procédure en vigueur devant elle.

En la matière, les appelants peuvent être le parquet (Procureur ou procureur général) (Article 185 du CPP) et la personne mise en examen (Article 186 du CPP). La partie civile n’y est pas recevable. Après une courte phase de mise en état, enserrée dans de stricts délais, la chambre de l’instruction examine l’appel et depuis la loi du 5 mars 2007, le principe est ici encore devenu celui de la publicité de l’audience (Article 199 du CPP). Si le principe est celui de la comparution personnelle de la personne concernée pourvu qu’elle en ait fait la demande, ce principe subit de plus en plus d’exceptions et tend de plus en plus à prendre la forme de la visioconférence (Article 199 et 706-71 du CPP).

Divers délais de 10 à 20 jours imposent à la chambre de l’instruction une célérité qui peut expliquer pour partie certains dysfonctionnements. D’autant que la sanction du non-respect de ces délais est la remise en liberté (Article 194 al. 3 du CPP). En revanche, ce que l’on appelle l’effet dévolutif de l’appel lui permet de rendre son arrêt à une date postérieure au terme du délai légal de la détention tel qu’il résultait de l’ordonnance frappée d’appel. C’est qu’en effet, l’appel la saisit de la question de la détention provisoire telle qu’elle se posait au juge de premier degré. Comme en matière de contrôle judiciaire, la chambre de l’instruction peut se réserver le contentieux de la détention provisoire quand elle décerne mandat de dépôt, infirme une ordonnance de mise ne liberté ou de refus de prolongation (Article 207 du CPP).

Enfin, l’appel en ce domaine n’étant pas suspensif, la décision d’incarcérer ou de mise en liberté reçoit exécution immédiate. Or, les effets négatifs d’une détention provisoire (choc psychologique, perte d’emploi, effet de pilori médiatique) se produisent dans les jours suivants l’incarcération. Pour tenter de corriger ce danger lorsque finalement la détention s’avère pouvoir être évitée, le législateur par la loi du 15 juin 2000 a institué une procédure de référé-liberté au bénéfice de la personne placée en détention provisoire.

Un « fait divers » malheureux a quant à lui amené le législateur de la loi du 9 septembre 2002 à créer son pendant : le référé-détention ouvert au bénéfice du parquet. Il s’agit dans l’un et l’autre cas (Article 187-1 du CPP pour le référé-liberté et 187-3 du CPP pour le référé-détention) de pouvoir provoquer l’examen en urgence par le président de la chambre de l’instruction voire de la chambre (Article 187-2 du CPP) pour le référé-liberté, par le Premier président de la cour pour le référé détention, de l’appel. Dans le référé-liberté, s’il estime la demande de l’appelant justifiée, le président (ou la chambre) peut infirmer l’ordonnance qui lui est soumise, sinon, la chambre examinera l’appel en temps utile ; en matière de référé-détention, le premier président peut déclarer l’appel sur la décision de mis en liberté suspensif. Les motifs d’impartialité qui ont justifié que le référé-détention soit porté devant le Premier Président de la cour auraient tout aussi bien justifié la même solution pour le référé détention. Le président de la chambre de l’instruction est en effet amené à connaître de l’appel qu’il a d’abord écarté en référé-liberté.

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La poursuite de la détention provisoire après le règlement de l’information

En matière correctionnelle, l’article 179 du CPP dispose « L'ordonnance de règlement met fin à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire … Toutefois, le juge d'instruction peut, par ordonnance distincte spécialement motivée, maintenir le prévenu en détention ou sous contrôle judiciaire jusqu'à sa comparution devant le tribunal. L'ordonnance de maintien en détention provisoire est motivée par référence aux 2°, 4°, 5° et 6° de l'article 144. ». Le maintien en détention en fin d’instruction ne saurait en effet se justifier par les nécessités de l’instruction, ni par le trouble à l’ordre public que le temps de l’information et les résultats de l’information elle-même sont censés avoir apaisé.

Le maintien en détention est de plein droit en matière criminelle.

Dans tous les cas, la détention n’est enfermée directement que dans la règle du délai raisonnable dont le CEDH tend à assurer le respect faute par la chambre criminelle d’exercer un contrôle effectif (voir supra).

Mais elle est enfermée indirectement dans le délai de comparution du prévenu ou de l’accusé devant le tribunal correctionnel ou la Cour d’assises. Et la sanction du non respect de ces délais est la remise ne liberté. Le délai calculé à compter de la date de l’ordonnance de renvoi est de deux mois qui peut être prolongé de deux mois encore (quatre mois au total) en matière correctionnelle (Article 179 du CPP) et il est de un an susceptible d’une prolongation de six mois à compter de la date à laquelle la décision de mise en accusation est définitive (article 181 du CPP). Cette largesse du législateur n’a qu’un effet : les délais de comparution en Cour d’assises sont souvent trop longs et aucun moyen n’est pris pour y remédier.

Le projet d’assignation à résidence.

Le projet de loi pénitentiaire discuté au parlement en 2009 comporte la création d’un dispositif dénommé « assignation à résidence sous surveillance électronique » qui deviendrait une mesure de sûreté autonome, entre contrôle judiciaire et détention provisoire, l’autonomie du dispositif étant censée le rendre plus attractif que l’actuel contrôle judiciaire sous surveillance électronique. En réalité ce qui le rendrait plus « attractif » au sens de plus facilement accepté par les personnes qui le subiraient teint à ce que la durée de son exécution s’imputerait sur une peine d’emprisonnement ferme. A n’en pas douter, un pas important de plus dans l’imagination d’une alternative à la prison telle que nous la connaissons. Mais nul ne peut prétendre dire pour quels résultats ?

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Loi pénitentiaire. Extraits du texte adopté par le Sénat en première lecture (urgence déclarée)

De l’assignation à résidence avec surveillance électronique

Article 37

I. – L’intitulé de la section 7 du chapitre Ier du titre III du livre Ier est ainsi rédigé : « Du contrôle judiciaire, de l’assignation à résidence et de la détention provisoire ».

II. – L’article 137 est ainsi rédigé :

« Art. 137. – Toute personne mise en examen, présumée innocente, demeure libre.

« Toutefois, en raison des nécessités de l’instruction ou à titre de mesure de sûreté, elle peut être astreinte à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire ou, si celles-ci se révèlent insuffisantes, être assignée à résidence avec surveillance électronique.

« À titre exceptionnel, si les obligations du contrôle judiciaire ou de l’assignation à résidence avec surveillance électronique ne permettent pas d’atteindre ces objectifs, elle peut être placée en détention provisoire. »

III. – Les sous-sections 2 et 3 de la section 7 du chapitre Ier du titre III du livre Ier deviennent respectivement les sous-sections 3 et 4, l’article 143 devient l’article 142-4 et, après cet article 142-4, il est rétabli une sous-section 2 ainsi rédigée :

« Sous-section 2

« De l’assignation à résidence avec surveillance électronique

« Art. 142-5. – L’assignation à résidence avec surveillance électronique peut être ordonnée, avec l’accord ou à la demande de l’intéressé, par le juge d’instruction ou par le juge des libertés et de la détention si la personne mise en examen encourt une peine d’emprisonnement correctionnel d’au moins deux ans ou une peine plus grave.

« Cette mesure oblige la personne à demeurer à son domicile ou dans une résidence fixée par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention et de ne s’en absenter qu’aux conditions et pour les motifs déterminés par ce magistrat.

« Cette obligation est exécutée sous le régime du placement sous surveillance électronique, à l’aide du procédé prévu par l’article 723-8. Elle peut également être exécutée sous le régime du placement sous surveillance électronique mobile, à l’aide du procédé prévu par l’article 763-12, si la personne est mise en examen pour une infraction punie de plus de sept ans d’emprisonnement et pour

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laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru. Les articles 723-9 et 723-12 sont applicables et, le cas échéant les articles 763-12 et 763-13, le juge d’instruction exerçant les compétences attribuées au juge de l’application des peines.

« La personne peut être en outre astreinte aux obligations et interdictions prévues par l’article 138.

« Art. 142-6. – L’assignation à résidence avec surveillance électronique est décidée par ordonnance motivée du juge d’instruction ou du juge des libertés et de la détention, qui statue après un débat contradictoire conformément aux dispositions de l’article 145.

« Elle peut également être décidée, sans débat contradictoire, par ordonnance statuant sur une demande de mise en liberté.

« Art. 142-7. – L’assignation à résidence est ordonnée pour une durée qui ne peut excéder six mois. Elle peut être prolongée pour une même durée selon les modalités prévues au premier alinéa de l’article 142-6, sans que la durée totale du placement dépasse deux ans.

« Art. 142-8. – Le deuxième alinéa de l’article 139 et les articles 140 et 141-3 sont applicables à l’assignation à résidence avec surveillance électronique.

« La personne qui ne respecte pas les obligations résultant de l’assignation à résidence avec surveillance électronique peut faire l’objet d’un mandat d’arrêt ou d’amener et être placée en détention provisoire, conformément à l’article 141-2.

« Art. 142-9. – Avec l’accord préalable du juge d’instruction, les horaires de présence au domicile ou dans les lieux d’assignation peuvent être modifiés par le chef d’établissement pénitentiaire lorsqu’il s’agit de modifications favorables à la personne mise en examen ne touchant pas à l’équilibre de la mesure de contrôle. Le chef d’établissement informe le juge d’instruction de ces modifications.

« Art. 142-10. – En cas de non-lieu, relaxe ou acquittement, la personne placée sous assignation à résidence avec surveillance électronique a droit à la réparation du préjudice subi selon les modalités prévues par les articles 149 à 150.

« Art. 142-11. – L’assignation à résidence avec surveillance électronique est assimilée à une détention provisoire pour son imputation sur une peine privative de liberté, conformément aux dispositions de l’article 716-4.

« Art. 142-12. – Les juridictions d’instruction et de jugement peuvent prononcer, comme mesure alternative à la détention provisoire, une assignation à résidence avec surveillance électronique dans les cas prévus par les articles 135-2, 145, 148, 201, 221-3, 272-1, 397-3, 695-34 et 696-19.

« Cette mesure peut être levée, maintenue, modifiée ou révoquée par les juridictions d’instruction et de jugement selon les mêmes modalités que le contrôle judiciaire en application des articles 148-2, 148-6, 213, 272-1, 695-35, 695-36, 696-20 et 696-21.

« Art. 142-13. – Un décret détermine, en tant que de besoin, les modalités d’application de la présente sous-section. »

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7 Les caractères fondamentaux de l’audience de

jugement Avant d’étudier plus précisément le déroulement des divers types d’audience

devant le tribunal correctionnel et devant la cour d’assises, il est nécessaire de nous arrêter un moment sur les caractères fondamentaux de l’audience de jugement. Leur examen nous permettra de mieux comprendre comment les nouveaux modes de traitement des délits, l’ordonnance pénale, la CRPC ou la composition pénale, étudiés plus tôt, composent avec certains de ces caractères fondamentaux. Nous retiendrons ici la publicité, l’oralité, la comparution personnelle qui tous subissent à notre époque des mutations, et aussi le principe d’immutabilité du litige.

Le principe de publicité. Notion C’est évidemment une garantie essentielle du procès équitable. Ce principe

proclamé dans toutes les grands textes internationaux l’est notamment à l’article 6§1 de la CESDH « toute personne a droit a ce que sa cause soit entendue publiquement » et « le jugement doit être rendu publiquement ». C’est donc à la fois l’audience de jugement et le prononcé de la décision qui sont en cause.

Le conseil constitutionnel a pour sa part reconnu le principe de publicité qui se fonde

sur la lecture combinée des articles 6, 8, 9 et 16 de la DDHC de 1789 mais il a limité l’exigence constitutionnelle d’une audience publique de jugement des affaires pénales à la seule hypothèse où la privation de liberté est encourue. En matière de CRPC, il a donc exigé que l’audience d’homologation soit publique.

Si donc le législateur pourrait supprimer le caractère public des audiences du tribunal

de police sans encourir les foudres du conseil constitutionnel, en revanche, l’extension du champ de la procédure d’ordonnance pénale délictuelle peut trouver ici sa limite. S’il est possible de l’étendre à tous les délits, ce serait à la condition que comme aujourd’hui, le prononcé d’une peine privative de liberté soit exclu (Article 495-1 al.2 du CPP).

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Extrait de la décision du Conseil constitutionnel n°2004-492 du 4 mars 2004 à

propos de la CRPC.

… En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du principe de publicité des débats :

117. Considérant qu'il résulte de la combinaison des articles 6, 8, 9 et 16 de la Déclaration de 1789 que le

jugement d'une affaire pénale pouvant conduire à une privation de liberté doit, sauf circonstances

particulières nécessitant le huis clos, faire l'objet d'une audience publique ;

118. Considérant que constitue une décision juridictionnelle l'homologation ou le refus d'homologation

par le président du tribunal de grande instance de la peine proposée par le parquet et acceptée par la

personne concernée ; que cette homologation est susceptible de conduire à une privation de liberté d'un an

; que, par suite, le caractère non public de l'audience au cours de laquelle le président du tribunal de

grande instance se prononce sur la proposition du parquet, même lorsqu'aucune circonstance particulière

ne nécessite le huis clos, méconnaît les exigences constitutionnelles ci-dessus rappelées ; qu'il s'ensuit que

doivent être déclarés contraires à la Constitution les mots : " en chambre du conseil " à la fin de la

première phrase du second alinéa de l'article 495-9 nouveau du code de procédure pénale ;

La CEDH quant à elle a jugé qu’une procédure d’ordonnance pénale qui ne

respecte à aucun moment le principe de publicité violait l’article 6§1 de la convention (CEDH, affaire Erkan Orhan c/ Turquie, 1 mars 2007).

Extraits de CEDH, affaire Erkan Orhan c/ Turquie, 1 mars 2007

27. La Cour rappelle que la publicité des débats judiciaires constitue un principe fondamental consacré par l'article 6 § 1 de la Convention. Selon sa jurisprudence, le droit de chacun à ce que sa cause soit « entendue publiquement » implique par principe le droit à une « audience ». La publicité des débats comme celle du prononcé du jugement protège les justiciables contre une justice secrète échappant au contrôle du public et constitue ainsi l'un des moyens de contribuer à préserver la confiance dans les tribunaux. Par la transparence qu'elle donne à l'administration de la justice, elle aide à atteindre le but de l'article 6 § 1, à savoir le procès équitable, dont la garantie compte parmi les principes de toute société démocratique (voir Sutter c. Suisse, arrêt du 22 février 1984, série A no 74, p. 12, § 26, Gautrin et autres c. France, arrêt du

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20 mai 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-III, pp. 1023-1024, § 42, Serre c. France, no 29718/96, § 21, 29 septembre 1999, et Stefanelli c. Saint-Marin, no 35396/97, § 19, CEDH 2000-II).

28. La Cour note que, selon les dispositions pertinentes de l'ancien code de procédure pénale, le juge d'instance pouvait, pour certaines catégories d'infractions, émettre une ordonnance pénale sur la seule base du dossier, sans tenir d'audience. La procédure d'opposition devant le tribunal correctionnel se déroulait également sans audience lorsqu'elle était formée contre une ordonnance portant sur une condamnation à une amende légère ou lourde ou à une interdiction temporaire d'exercer une profession et un métier ou une saisie. Le tribunal correctionnel statuait sur la seule base du dossier et de l'avis écrit du procureur de la République qu'il pouvait entendre, si nécessaire.

29. La Cour relève qu'à aucun stade de la procédure, le requérant n'a bénéficié d'une audience devant les juridictions internes. Ni le tribunal de police qui a délivré l'ordonnance pénale ni le tribunal correctionnel qui s'est prononcé sur l'opposition n'ont tenu d'audience. Le requérant n'a jamais eu la possibilité de comparaître personnellement devant les magistrats appelés à le juger.

30. La Cour constate également que l'absence d'audience devant le tribunal correctionnel a été débattue par la Cour constitutionnelle, laquelle a considéré que celle-ci n'était pas compatible avec le droit à un procès équitable et les droits de la défense. Elle prend en considération ce constat ainsi que l'absence de disposition sur l'ordonnance pénale dans les nouveaux codes pénal et de procédure pénale.

31. Dès lors, à la lumière de ce qui précède, la Cour considère qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention en ce que la cause du requérant n'a pas été entendue publiquement par les juridictions saisies de son affaire.

En l’état, le principe de publicité est posé pour toutes les juridictions de jugement (Article 306 du CPP) pour la cour d’assises, (Article 400 du CPP) pour le Tribunal Correctionnel et (Article 535 du CPP) pour le tribunal de police. Il s’applique y compris lorsque ces juridictions statuent avant dire droit sur le fond, par exemple, en correctionnelle, sur une demande de mise en liberté du détenu déjà renvoyé devant elles.

L’exigence de publicité est d’ordre public et sa violation emporte donc la nullité de

la décision en cause. La solution a paru être remise en cause par deux arrêts de la chambre criminelle, à tout le moins ambigus dans leur formulation trop générale (Crim. 15 juin 1999, Bull n°135 et 136, D. 1999 note Mayer et Chassaing, p.680). La chambre criminelle avait estimé que « si c'est à tort que l'affaire a été débattue en chambre du conseil et non pas en audience publique, l'irrégularité commise ne doit pas entraîner l'annulation de la décision, dès lors qu'il n'est pas établi, ni même allégué, qu'elle ait porté atteinte aux intérêts du demandeur ». La nullité tenant au défaut de publicité de l’audience était-elle devenue une

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nullité d’intérêt privé ? Tel n’était pas le sens de l’arrêt et encore moins sa portée. Mais il fallut toutefois que le rapport annuel de la cour de Cassation vienne préciser que rendues à propos de demandes de relèvement d’une astreinte prononcée par une juridiction pénale en matière d’urbanisme, la solution s’expliquait par le fait que le relèvement constituait une mesure de faveur rendue généralement en chambre du conseil (Article 703 du CPP) et que « la méconnaissance du principe fondamental de la publicité des débats constitue une cause de nullité sans qu’il soit nécessaire à celui qui l’invoque d’établir la preuve du grief ».

Comment cette publicité est-elle assurée? Par la présence possible du public à

l’audience de jugement, la possibilité de reproduire les débats dans la presse, voire la possibilité d’enregistrer le procès (Article 308 al. 1 du CPP).

Il suffit que le public puisse accéder à la salle d’audience de jugement pour que la

publicité soit satisfaite et il va de soi que cette possibilité s’entend de manière relative, en fonction de la taille de la salle d’audience et des contraintes de sécurité. La publicité du jugement n’impose pas sa lecture intégrale et la jurisprudence de la CEDH a depuis longtemps admis une simple lecture du dispositif de la décision voire une remise au greffe de celle-ci dès lors que le public puisse y accéder (CEDH, 8 décembre 1983, Prettoc/Italie).

S’agissant de l’enregistrement des procès pénaux, il faut bien distinguer ceux qui sont

à usage strictement judiciaire et qui par exemple vont permettre par exemple de disposer en appel de l’enregistrement d’une déposition faite en première instance question qui ne concerne pas le principe de publicité, de ceux qui sont destinés à informer le public. Les premiers, à usage judiciaire, sont prévus par les dispositions de l’article 308 al.2 et 3 du CPP.

S’agissant des enregistrements destinés à l’information du public, le principe demeure

aujourd’hui la prohibition des enregistrements audiovisuels ou sonores (Article 308 al.1 du CPP). La loi n° 85-699 du 11 juillet 1985 (voir articles L221-1 et suivants du Code du patrimoine) autorise l’enregistrement aux fins de constituer des archives historiques. Si elle a été utilisée pour quelques procès dont la dimension historique n’échappe à personne (Procès Klaus Barbie, Maurice Papon) ne serait-ce qu’en raison des chefs de poursuites tenant à des crimes contre l’humanité, elle commence de l’être de manière plus large en correctionnelle et aux assises débouchant sur des montages et des diffusions par les chaînes de télévision. Il est certain que le procès pénal constitue pour les médias un « produit » attractif dont la valeur marchande est constituée par sa diffusion précédée de publicités.

Depuis plusieurs années, la réflexion sur l’ouverture des audiences pénales aux

médias, qui existe en d’autres pays, ce qui n’est jamais un argument péremptoire, suscite en France des débats et même des travaux (Voir le rapport de la commission présidée par Madame le Premier Président Linden, du 22 février 2005, en ligne sur le site www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics ). Quelque soient les mérites des « produits médiatiques » en cause et leur valeur informative ou pédagogique, il n’en reste pas moins que l’ouverture des audiences aux médias audiovisuels modifie profondément le rituel

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judiciaire, la mémoire collective du procès pénal et que de là, tant le procès pénal que la dignité de ceux qui y participe peuvent en être affectés.

Les exceptions au principe. L’article 6§1 de la CEDH offre une large possibilité aux

Etats d’introduire des exceptions au principe mais pour le seul déroulement des débats.

Article 6§1 seconde phrase de la CESDH

« Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. »

En droit interne, l’exception au principe de publicité des audiences de jugement porte le nom un peu désuet de « huis clos ».

Une première exception légale, un premier cas de huis clos doit être noté qui concerne

les affaires impliquant des mineurs. En matière criminelle, et s’agissant des infractions sexuelles, le huis clos est de droit

pour la partie civile qui est en réalité maître de la publicité des débats et du huis clos au sens ou ni l’une ni l’autre ne peuvent être décidées sans son accord (Article 306 al.3 du CPP). En matière correctionnelle, le tribunal a en ces matières comme dans les autres la charge de trancher sur les demandes de huis clos selon les critères énoncés par la loi ; il n’est pas de droit.

Hors les cas où le huis clos est de droit, il est possible, totalement ou partiellement

tant en matière correctionnelle que criminelle. Il est alors motivé sur les critères assez larges énoncés par le législateur aux articles 306 et 400 du CPP. En 2004, le législateur a modifié les dispositions de l’article 400 du CPP mais n’a pas touché à l’article 306 qui lui concerne la Cour d’assises. Il s’en suit aujourd’hui un manque d’uniformité dans l’expression des critères, à défaut d’une véritable diversité, qui n’est toutefois pas satisfaisante.

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Article 306 (Cour d’assises)

Les débats sont publics, à moins que la publicité ne soit dangereuse pour l'ordre ou les mœurs. Dans ce cas, la cour le déclare par un arrêt rendu en audience publique.

Toutefois, le président peut interdire l'accès de la salle d'audience aux mineurs ou à certains d'entre eux.

Lorsque les poursuites sont exercées du chef de viol ou de tortures et actes de barbarie accompagnés d'agressions sexuelles, le huis clos est de droit si la victime partie civile ou l'une des victimes parties civiles le demande ; dans les autres cas, le huis clos ne peut être ordonné que si la victime partie civile ou l'une des victimes parties civiles ne s'y oppose pas.

Lorsque le huis clos a été ordonné, celui-ci s'applique au prononcé des arrêts qui peuvent intervenir sur les incidents contentieux visés à l'article 316.

L'arrêt sur le fond doit toujours être prononcé en audience publique.

Les dispositions du présent article sont applicables devant la cour d'assises des mineurs si la personne poursuivie, mineure au moment des faits, est devenue majeure au jour de l'ouverture des débats et qu'elle en fait la demande, sauf s'il existe un autre accusé qui est toujours mineur ou qui, mineur au moment des faits et devenu majeur au jour de l'ouverture des débats, s'oppose à cette demande.

Article 400 du CPP (Tribunal correctionnel).

Les audiences sont publiques.

Néanmoins, le tribunal peut, en constatant dans son jugement que la publicité est dangereuse pour l'ordre, la sérénité des débats, la dignité de la personne ou les intérêts d'un tiers, ordonner, par jugement rendu en audience publique, que les débats auront lieu à huis clos.

Lorsque le huis clos a été ordonné, celui-ci s'applique au prononcé des jugements séparés qui peuvent intervenir sur des incidents ou exceptions ainsi qu'il est dit à l'article 459, alinéa 4.

Le jugement sur le fond doit toujours être prononcé en audience publique.

Les dispositions du présent article sont applicables devant le tribunal pour enfants si la personne poursuivie, mineure au moment des faits, est devenue majeure au jour de l'ouverture des débats et qu'elle en fait la demande, sauf s'il existe un autre prévenu qui est toujours mineur ou qui, mineur au moment des faits et devenu majeur au jour de l'audience, s'oppose à cette demande.

L’oralité

De nombreuses affaires, médiatisées, illustrent régulièrement cette évidence : l’oralité des débats est un principe essentiel qui relativise, en certains cas l’importance du dossier écrit, qu’il résulte ou non d’une information. L’instruction orale menée à l’audience de jugement modifie parfois fondamentalement la « lecture » au sens propre et figuré qui avait été faite du dossier par les différentes parties. L’intime conviction des juges, en

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correctionnelle comme aux assises va devoir se forger à partir de cette administration orale des preuves. L’audience de fond rejoint alors, au moins par ce principe d’oralité des débats, le modèle accusatoire.

L’oralité des débats assure aussi leur caractère contradictoire. D’autant que la loi

assure une immunité pénale pour les paroles prononcées à l’audience (Article 41 de la loi du 29 juillet 1881).

L’écrit est cependant présent lors de l’instruction d’audience au support de l’oral. Le

dossier écrit de police ou d’instruction a été lu par le président et les parties y ont eu accès, dans tous les cas. Si les parties peuvent apporter aux débats des pièces écrites, c’est à la condition qu’elles soient contradictoirement échangées et qu’elles puissent donc faire l’objet d’un débat oral.

On doit pouvoir interroger les enquêteurs, les témoins, et les experts doivent pouvoir

être interrogés. La jurisprudence a rappelé récemment que le témoin cité par le prévenu qui n’a pas été entendu en première instance doit être entendu par la cour d’appel (Article 513 al.2 du CPP) (voir parmi de nombreux arrêts Crim. 23 juin 2004 n°166 et Crim 3 juin 2009, pourvoi n°08-83665).

Si le système du témoin anonyme qui s’est introduit à peu près dans toutes les

législations ces dernières années est accepté y compris par la CEDH, c’est à la condition qu’il puisse être entendu, que la personne renvoyée aux assises ou en correctionnelle puise être confrontée avec ce témoin anonyme (706-61 du CPP) et encore avec une restriction sur la force probatoire de ces témoignages anonymes (Article 706-62 CPP.

La comparution personnelle des parties.

Le principe apparaît comme le corollaire de celui de l’oralité. Il est en réalité très relatif et subit de plus en plus d’exceptions.

La partie civile n’a nulle obligation de comparution en personne. Elle peut être

représentée par son conseil. En matière correctionnelle et de police, la loi admet aussi, et sans limitation depuis la loi du 15 juin 2000, la constitution de partie civile par lettre recommandée et la décision sur intérêts civils est alors contradictoire.

Le principe de comparution personnelle du prévenu devant le Tribunal

Correctionnel, a subi une grande évolution sous la pression de la CEDH. Certes le principe de comparution demeure, posé par l’article 410 du CPP. « Le prévenu régulièrement cité à personne doit comparaître à moins qu'il ne fournisse une excuse reconnue valable par la juridiction devant laquelle il est appelé ».

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S’il a été cité à personne ou s’il est établi qu’il a eu connaissance de la citation le concernant, le prévenu non comparant et non excusé peut être jugé et le jugement rendu contre lui sera contradictoire à signifier. Seule la voie de l’appel lui sera ouverte et non celle de l’opposition. Le prévenu n’est pas pour autant privé en pareil cas de la possibilité de se défendre. En effet, le dernier alinéa de l’article 410 prévoit que dans ces cas de figure, « si un avocat se présente pour assurer la défense du prévenu, il doit être entendu s'il en fait la demande ». Et la chambre criminelle a précisé que les conclusions déposées par cet avocat étaient recevables (Crim 12 déc. 2006, Bull. 310).

Mais le tribunal peut souhaiter la comparution personnelle et le législateur lui a dans

un grand nombre de cas ouvert la possibilité de le faire respecter même sous la contrainte. En effet, si la peine encourue est supérieure à deux ans d’emprisonnement, le tribunal peut ordonner le renvoi de l'affaire et, par décision spéciale et motivée, décerner mandat d'amener ou mandat d'arrêt (Article 410-1 du CPP).

S’il n’a pas été cité à personne ou s’il n’est pas démontré qu’il a eu connaissance

de la citation, et s’il ne comparaît pas, le prévenu n’est encore pas dénué du droit de se défendre, puisque, l’avocat qui se présente pour assurer la défense du prévenu doit être entendu s'il en fait la demande (Article 412 du CPP).

Enfin quel que soit le mode de citation et la peine encourue, le prévenu peut, par

lettre adressée au président du tribunal et qui sera jointe au dossier de la procédure, demander à être jugé en son absence en étant représenté au cours de l'audience par son avocat ou par un avocat commis d'office. L'avocat du prévenu, qui peut alors intervenir au cours des débats, est entendu dans sa plaidoirie et le prévenu est alors jugé contradictoirement (Article 411 du CPP). Il convient de noter que dans cette hypothèse l’avocat exerce tous les droits de la défense (notamment il participe aux débats et peut interroger les témoins, experts etc.) alors que dans les hypothèses précédentes, il était seulement entendu en sa plaidoirie. Mais le tribunal peut préférer renvoyer l’affaire et le prévenu sera alors cité à nouveau par le ministère public.

Le principe de comparution personnelle devant la cour d’assises a subi lui aussi des évolutions pour tenir compte de la jurisprudence européenne. La vieille procédure de contumace, très sévère pour l’accusé en fuite et très contraignante, a laissé place à une procédure de jugement par défaut de même nature qu’en matière délictuelle. L’accusé absent, la cour peut aussi décider de renvoyer l’affaire en décernant un mandat d’arrêt contre l’accusé (Article 379-2 du CPP).

Mais si elle décide de retenir l’affaire, ici encore l’accusé absent ne perd pas pour autant le droit de faire assurer sa défense. Selon le second alinéa de l’article 379-3 du CPP, « Si un avocat est présent pour assurer la défense des intérêts de l'accusé, la procédure se déroule conformément aux dispositions des articles 306 à 379-1, à l'exception des

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dispositions relatives à l'interrogatoire ou à la présence de l'accusé. » A cette évidente exception, des dispositions relatives à l'interrogatoire ou à la présence de l'accusé, les débats se déroulent donc comme si l’accusé était présent. Arrêté après condamnation, cet accusé sera rejugé.

Il est donc clair que les dispositions actuelles de notre droit interne tendent à permettre à la fois le maintien du principe de la comparution personnelle et sa conciliation avec le droit de se défendre avec l’assistance d’un avocat (sur ces questions voir Guinchard et buisson op.cit. n°464 et s, 2265 et s, 2278 et s, et 2288 et s.).

L’immutabilité du litige

Le principe de l’interdiction de l’auto-saisine, dérivé du principe de séparation des

autorités de poursuite et de jugement affirmé à l’article préliminaire du CPP, s’applique aux juridictions de jugement. Au contraire des juges d’instruction, les juridictions de jugement sont saisies in personam et pas seulement in rem.

Saisie in personam, ce qui signifie que la juridiction de jugement ne peut juger celui

qui n’est pas renvoyé devant sa juridiction dans l’affaire dont il est saisi, et ce même s’il le demande, situation originale qui peut se rencontrer lorsqu’un mouvement social revendique une action qualifiée d’infraction et que d’autres personnes que celles poursuivies demandent à l’être avec elles.( Pour une illustration récente, en matière de fauchage de cultures d’OGM, Crim. 7 fév. 2007, pourvoi n°06-80108).

Saisie in rem, ce qui signifie que la juridiction de jugement sont saisies des faits visés

à la prévention, sur lesquels elles ont obligation de statuer, mais qu’elles ne sont pas tenues par les qualifications donnée à ces faits par le parquet ou les juridictions d’instruction. Elles ont en revanche l’obligation d’envisager toutes les qualifications possibles notamment avant de relaxer ou d’acquitter (Crim. 31 mai 2005, Bull. n° 166) à condition bien entendu de respecter les droits de la défense. Le prévenu doit avoir été mis en mesure de s’expliquer (sans qu’il soit pour autant exigé qu’il ait accepté de s’expliquer) (Crim.13 fév. 2008, Bull. n°38). Le contrôle de cette question a pu faire l’objet d’appréciations différentes par la chambre criminelle et la CEDH (Crim. 6 mars 2002, et CEDH 19 déc. 2006 Mattei c/ France, obs. C. Saas, AJP, fév. 2007, p.82).

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Crim. 6 mars 2002, pourvoi n°01-85243

…Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'à la suite de l'attentat ayant provoqué la destruction du golf du domaine de Spérone, exploité par Jacques A..., François F..., Marie-Hélène D... et Dominique E... ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour tentative d'extorsion de fonds en relation avec une entreprise terroriste et pour participation à une entente en vue de préparer des actes de terrorisme ;

Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables du second de ces délits ainsi que de complicité du premier, l'arrêt attaqué retient que, la veille de l'attentat, Jacques A... a eu la visite d'André-Noël Fillippeddu, que Marie-Hélène D... lui avait demandé de recevoir de la part de François F..., dont elle était la compagne, et qui a exigé, sous la menace de représailles, le versement de fonds au mouvement nationaliste dirigé par le même François F... ; que les juges ajoutent que Dominique E... avait fourni à Jacques A... le numéro de téléphone où il pourrait appeler Marie-Hélène D... ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations procédant de son appréciation souveraine, et dès lors que la requalification des faits de tentative d'extorsion de fonds en complicité de ce délit n'a en rien modifié la nature et la substance de la prévention, dont les prévenus avaient été entièrement informés lors de leur comparution devant le tribunal correctionnel, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments chacune des infractions distinctes qu'elle a sanctionnées ;

D'où il suit que les moyens ne peuvent être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Par ces motifs,

I - Sur le pourvoi de Dominique E... contre l'arrêt du 11 mars 1999 :

Le REJETTE ;

CEDH 19 décembre 2006 Mattei c/ France

…B. Sur le fond

1. Le Gouvernement

22. Le Gouvernement souligne qu'en droit interne les juges du fond ont la possibilité de requalifier les faits pour remédier au caractère erroné d'une qualification initiale. Il précise que les juridictions de jugement, étant saisies in rem, elles doivent statuer sur tous les faits dont elles sont saisies et peuvent appliquer des qualifications qui n'avaient pas été préalablement retenues par l'acte de poursuite ou par la juridiction d'instruction, à la condition pour les juges du fond, d'une part, de ne pas ajouter aux faits dont ils sont saisis et, d'autre part, d'informer le prévenu du changement de qualification projeté et de l'inviter à s'expliquer. Sur ce dernier point, le Gouvernement indique que la Cour de cassation contrôle l'existence de garanties procédurales visant à

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assurer le respect des droits de la défense en cas de requalification des faits.

23. Le Gouvernement rappelle que dans l'arrêt Pélissier et Sassi c. France ([GC], no 25444/94, CEDH 1999-II), la Cour n'a pas contesté le pouvoir de requalification des juges mais a conclu à une violation de l'article 6 §§ 1 et 3 a) et b) en raison du non respect des droits de la défense. Se référant à l'affaire Balette c. Belgique (déc., no 48193/99, 24 juin 2004), il précise que la Cour a jugé qu'en matière pénale les juges « doivent s'assurer que les accusés ont eu l'opportunité d'exercer leurs droits de défense d'une manière concrète et effective, en étant informés, en temps utile, de la cause de l'accusation, c'est-à-dire des faits matériels qui sont mis à leur charge et sur lesquels se fonde l'accusation, mais aussi de la qualification juridique donnée à ces faits et ce d'une manière détaillée ». Il relève néanmoins que, dans la même décision, la Cour a considéré que les dispositions de l'article 6 de la Convention n'imposaient aucune forme particulière quant à la manière dont l'accusé devait être informé de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui.

24. Le Gouvernement affirme ensuite que la Cour de cassation a tiré les enseignements de la jurisprudence de la Cour telle qu'elle résulte de la l'arrêt Pélissier et Sassi c. France précité, qu'elle mentionne, depuis 2001, l'article 6 § 1 dans ses visas et reprend l'attendu de principe suivant : « Attendu que s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition que le prévenu ait été mis en mesure de se défendre sur la nouvelle qualification envisagée ». Le Gouvernement se réfère à de nombreux arrêts de la Cour de cassation pour illustrer cette jurisprudence.

25. Enfin, le Gouvernement souligne que, dans l'arrêt Pélissier et Sassi c. France précité, la Cour a également jugé que les moyens de défense auraient pu être différents de ceux choisis pour contester l'action principale si les requérants avaient eu connaissance de la requalification des faits. Elle a également considéré que la complicité ne constituait pas un simple degré de participation à l'infraction principale et a ajouté que le principe d'interprétation stricte du droit pénale interdisait d'éluder les éléments spécifiques de la complicité.

26. En l'espèce, le Gouvernement expose, à titre principal, que la requalification des faits n'a pas porté atteinte aux droits de la défense de la requérante. Il ne conteste pas que la requalification des faits de tentative d'extorsion de fonds en relation avec une entreprise terroriste en complicité de ce délit soit intervenue au cours du délibéré de la cour d'appel, mais, il estime toutefois que les moyens de défense de la requérante n'auraient pas été différents de ceux choisis pour contester la tentative d'extorsion de fonds en relation avec une entreprise terroriste. Il considère en effet que la requalification a été purement formelle et n'a apporté aucun élément supplémentaire ou différent aux faits et circonstances compris dans la poursuite initiale et soumis à l'appréciation du juge. Il précise que les faits matériels sur lesquels la cour d'appel s'est appuyée pour qualifier l'aide ou l'assistance et condamner la requérante du chef de complicité de tentative d'extorsion de fonds en relation avec une entreprise terroriste ont été établis de manière détaillée tant dans le réquisitoire définitif du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris en date du 14 juin 1999, que dans l'ordonnance du juge d'instruction du 17 juin 1999, et dans le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 8 mars 2000.

27. Le Gouvernement estime également que la requalification des faits n'a pas porté atteinte aux droits de la requérante, représentée par les avocats de son choix devant les

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juridictions, de discuter contradictoirement le bien-fondé de l'accusation pénale dirigée contre elle et de présenter sa défense. Il relève que l'ensemble des faits et leur qualification juridique ont été discutés et contestés par la requérante, tant sur les éléments matériels qu'intentionnels de l'infraction, tout au long de la procédure, tant lors des auditions et des confrontations que des débats devant les juges de première instance et d'appel. Il cite à cet égard des passages du procès verbal de première comparution du 17 décembre 1996, du réquisitoire définitif du 14 juin 1999, du jugement du tribunal de grande instance du 8 mars 2000 et des conclusions déposées le 26 mars 2001 devant la cour d'appel.

28. A titre subsidiaire, le Gouvernement relève que la requalification des faits n'a pas conduit à alourdir la peine encourue par la requérante, contrairement à l'affaire Pélissier et Sassi c. France précitée. Il souligne en effet que la requérante, qui avait été condamnée à titre principal à quatre années d'emprisonnement en première instance a vu sa peine réduite à trois ans d'emprisonnement dont un an avec sursis simple en appel. Il affirme par conséquent que la requérante ne peut se prévaloir d'aucun préjudice. Enfin, le Gouvernement estime que la deuxième infraction pour laquelle la requérante a été jugée, à savoir la participation à une entente en vue de préparer des actes de terrorisme, justifiait à elle seule la condamnation.

2. La requérante

29. La requérante ne conteste pas la possibilité dont disposent les juges du fond de modifier la qualification des faits poursuivis mais s'interroge sur les limitations apportées à ce pouvoir. Elle partage l'explication donnée par le Gouvernement français concernant les nouvelles limitations résultant de la jurisprudence de la Cour sur l'article 6 de la Convention et notamment sur le fait que « les juges sont désormais tenus d'informer le prévenu du changement de qualification projeté et de l'inviter à s'expliquer ». Toutefois, elle souligne que, dans l'arrêt du 6 mars 2002 la concernant, la Cour de cassation n'a pas appliqué la jurisprudence Pélissier et Sassi c. France précitée. Elle relève en effet que, s'il est exact d'affirmer que la Cour de cassation mentionne depuis 2001 l'article 6 § 1 dans ses visas et reprend l'attendu de principe cité par le Gouvernement, la Cour de cassation, dans son arrêt du 6 mars 2002, n'a nullement rappelé cette règle et s'est bornée à affirmer que « la requalification des faits de tentative d'extorsion de fonds en complicité de ce délit n'a en rien modifié la nature et la substance de la prévention ».

30. La requérante note, à l'instar du Gouvernement, que les juges doivent s'assurer que les accusés ou prévenus ont eu l'opportunité d'exercer les droits de la défense d'une manière concrète et effective, en étant informés, en temps utile de la cause de l'accusation tant sur les faits matériels que sur la qualification juridique donnée à ces faits et ce d'une manière détaillée.

31. Elle insiste également sur le fait que le principe d'interprétation stricte du droit pénal interdit d'éluder les éléments spécifiques de la complicité.

32. Par ailleurs, la requérante considère que le point de vue exprimé par le Gouvernement, selon lequel ses moyens de défense n'auraient pas été différents si elle avait été informée de la requalification envisagée, n'est qu'une pure affirmation. Elle considère, au contraire, que ses défenseurs, s'ils avaient été informés de cette requalification, auraient à l'évidence insisté sur l'élément intentionnel de la complicité par aide ou assistance, et que ce débat juridique et factuel sur les éléments spécifiques

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de la complicité aurait permis d'obtenir sa relaxe au titre de la complicité. La requérante souligne également qu'elle n'a jamais conclu au cours de la procédure à « l'inexistence d'une tentative d'extorsion de fonds » mais simplement affirmé depuis sa première comparution qu'elle y était personnellement étrangère. Elle réfute par conséquent l'affirmation du Gouvernement selon laquelle la requalification des faits a été purement formelle.

33. Enfin, la requérante insiste sur l'étroite et nécessaire connexité entre les deux infractions pour lesquelles elle était poursuivie et considère par conséquent que l'infraction de participation à une entente en vue de préparer des actes de terrorisme ne pouvait se justifier sans reconnaissance de culpabilité pour le fait de complicité de tentative d'extorsion de fonds. Elle s'oppose par conséquent à l'affirmation du Gouvernement selon laquelle sa condamnation pour la seconde infraction justifiait à elle seule la condamnation prononcée.

3. Appréciation de la Cour

34. La Cour rappelle que les dispositions du paragraphe 3 de l'article 6 montrent la nécessité de mettre un soin particulier à notifier l' « accusation » à l'intéressé. L'acte d'accusation jouant un rôle déterminant dans les poursuites pénales, l'article 6 § 3 a) reconnaît à l'accusé le droit d'être informé non seulement de la cause de l'accusation, c'est-à-dire des faits matériels qui sont mis à sa charge et sur lesquels se fonde l'accusation, mais aussi de la qualification juridique donnée à ces faits et ce d'une manière détaillée (Pélissier et Sassi c. France précité, § 51).

35. La portée de cette disposition doit notamment s'apprécier à la lumière du droit plus général à un procès équitable que garantit le paragraphe 1 de l'article 6 de la Convention. En matière pénale, une information précise et complète des charges pesant contre un accusé, et donc la qualification juridique que la juridiction pourrait retenir à son encontre, est une condition essentielle de l'équité de la procédure.

36. Les dispositions de l'article 6 § 3 a) n'imposent aucune forme particulière quant à la manière dont l'accusé doit être informé de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui. Il existe par ailleurs un lien entre les alinéas a) et b) de l'article 6 § 3 et le droit à être informé de la nature et de la cause de l'accusation doit être envisagé à la lumière du droit pour l'accusé de préparer sa défense (Pélissier et Sassi c. France précité, §§ 52-54). Si les juridictions du fond disposent, lorsqu'un tel droit leur est reconnu en droit interne, de la possibilité de requalifier les faits dont elles sont régulièrement saisies, elles doivent s'assurer que les accusés ont eu l'opportunité d'exercer leurs droits de défense sur ce point d'une manière concrète et effective, en étant informés, en temps utile, de la cause de l'accusation, c'est-à-dire des faits matériels qui sont mis à leur charge et sur lesquels se fonde l'accusation, mais aussi de la qualification juridique donnée à ces faits et ce d'une manière détaillée.

37. En l'espèce, la Cour constate que la requalification des faits de tentative d'extorsion de fonds en complicité de ce délit a été effectuée au moment du délibéré de la cour d'appel, ce qui, en tant que tel, peut faire douter du respect des garanties de l'article 6 et des principes susmentionnés.

38. La Cour observe néanmoins, qu'à des stades antérieurs de la procédure, les notions d'aide ou assistance apportées par la requérante à l'entreprise criminelle ont été évoqués et même débattus. Ainsi, elle relève notamment que le jugement du tribunal

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correctionnel du 8 mars 2000 évoque clairement « l'assistance » portée par la requérante à F. Santoni. Toutefois, elle note que ce même jugement a également établi que la requérante avait « pris une part personnelle active dans les faits visés par la poursuite » et qu'ils avaient été, avec F. Santoni, « les maîtres d'œuvre de cette opération », ce qui implique clairement une participation directe et non une simple complicité de la requérante dans l'opération projetée. La Cour souligne également que la requérante a été aussi poursuivie et condamnée pour l'infraction de participation à une entente en vue de préparer des actes de terrorisme. En conséquence, la Cour ne saurait déduire des éléments relevés qu'ils se rattachent forcément à la notion de complicité et non à celle de participation. Dans le même sens, la Cour relève également que la notion de complicité n'a pas été évoquée en elle-même à des stades antérieurs et « qu'il n'apparaît pas que les magistrats composant la cour d'appel ou le représentant du ministère public, aient, au cours des débats, évoqué cette possibilité [de requalification]» (Pélissier et Sassi c. France, précité, § 55).

39. Ainsi, au vu de l'ensemble de ces éléments et compte tenu de la particularité des éléments constitutifs des deux infractions retenues contre la requérante, la Cour considère qu'il n'est pas établi que la requérante a eu connaissance de la possibilité de requalification des faits en complicité de tentative d'extorsion de fonds. En tout état de cause, compte tenu de la « nécessité de mettre un soin extrême à notifier l'accusation à l'intéressé » et du rôle déterminant joué par l'acte d'accusation dans les poursuites pénales (arrêt Kamasinski c. Autriche, arrêt du 19 décembre 1989, série A no 168), la Cour estime qu'aucun des arguments avancés par le Gouvernement, pris ensemble ou isolément, ne pouvait suffire à garantir le respect des dispositions de l'article 6 § 3 a) de la Convention (Pélissier et Sassi c. France, précité, § 56).

40. Par ailleurs, la Cour, qui est sensible à l'argument du Gouvernement selon lequel la Cour de cassation mentionne, depuis 2001, l'article 6 § 1 dans ses visas et reprend l'attendu de principe précisant « que s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition que le prévenu ait été mis en mesure de se défendre sur la nouvelle qualification envisagée », relève, qu'en l'espèce, la Cour de cassation a considéré que « la requalification des faits de tentative d'extorsion de fonds en complicité de ce délit n'a en rien modifié la nature et la substance de la prévention dont les prévenus avaient été entièrement informés lors de leur comparution devant le tribunal correctionnel ».

41. Concernant le contenu de la requalification, la Cour rappelle qu'on ne peut soutenir que la complicité ne constitue qu'un simple degré de participation à l'infraction ( Pélissier et Sassi c. France, précité, § 59). Soulignant son attachement au principe de l'interprétation stricte du droit pénal, la Cour ne saurait admettre que les éléments spécifiques de la complicité soient éludés. A cet égard, elle note, tout comme dans l'affaire Pélissier et Sassi c. France (précitée, § 60) qu'elle n'a pas à apprécier le bien-fondé des moyens de défense que la requérante aurait pu invoquer si elle avait eu la possibilité de débattre de la complicité de tentative d'extorsion de fonds, mais relève simplement qu'il est plausible de soutenir que ces moyens auraient été différents de ceux choisis afin de contester l'action principale.

42. Quant aux peines prononcées à l'encontre de la requérante, la Cour ne saurait souscrire aux arguments développés par le Gouvernement. En effet, elle considère tout d'abord qu'on ne peut pas affirmer que la requalification a été sans incidence sur la condamnation au motif, qu'en tout état de cause, la requérante a été condamnée pour

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participation à une entente en vue de préparer des actes de terrorisme puisqu'on ne peut spéculer sur la peine qui aurait été effectivement prononcée si la requérante avait pu se défendre utilement sur la nouvelle qualification retenue de complicité de tentative d'extorsion de fonds. Enfin, elle relève qu'effectivement la peine prononcée par la cour d'appel, à la suite de la requalification, est plus clémente que celle prononcée par le tribunal correctionnel, passant de quatre années d'emprisonnement à trois années d'emprisonnement dont une avec sursis. Toutefois, la Cour souligne que la peine prononcée en appel a été motivée par « l'état de santé actuel de l'intéressée » et par ses antécédents judiciaires, la requérante n'ayant « pas été condamnée dans les cinq années précédant les faits, pour crime ou délit de droit commun, à une peine de réclusion ou d'emprisonnement ».

43. Eu égard à tous ces éléments, la Cour estime qu'une atteinte a été portée au droit de la requérante à être informée d'une manière détaillée de la nature et de la cause de l'accusation portée contre elle, ainsi qu'à son droit à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense.

44. Partant, il y a eu violation du paragraphe 3 a) et b) de l'article 6 de la Convention, combiné avec le paragraphe 1 du même article, qui prescrit une procédure équitable…

En matière correctionnelle, il ne sera possible d’ajouter aux faits compris dans la prévention que si le prévenu a accepté expressément d’être jugés sur des faits ou des circonstances aggravantes non compris dans la poursuite (Crim. 22 nov. 1994 Bull. n°370). Il est évident que la frontière entre la requalification par ajout et celle des faits de la prévention peut donner lieu à débat (voir sur ces questions Desportes et Lazerges-Cousquer, n°2910 et Guinchard et Buisson n°2269). En matière criminelle, l’obligation d’informer exclut par hypothèse la possibilité d’ajouter aux faits de l’ordonnance ou de l’arrêt de mise en accusation et donc aussi la comparution volontaire.

L’état de récidive légale soulevé d’office. Afin de faciliter l’application des

dispositions relatives aux peines minimales désormais encoures par les prévenus en état de récidive, le législateur (loi n°2005-1549 du 12 décembre 2005), a ouvert la possibilité au tribunal de soulever d’office l’état de récidive légale du prévenu, non visé à la citation dès lors qu’il en a été informé et mis en mesure de s’expliquer et en étant assisté d’un avocat (Article 132-16-5 du CP).

La requalification n’est pas possible en matière de presse.

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8 La procédure d’audience devant le tribunal

correctionnel et la cour d’assises. Aperçus.

La complexité des règles de procédure applicables à la phase d’information ne doit pas laisser penser que le déroulement de l’audience correctionnelle serait laissé à la fantaisie des parties ou des juges. En réalité, si elles posent moins de problèmes et suscitent moins de contentieux, les règles de procédure applicables à l’audience de jugement correctionnel sont tout aussi minutieuses et il n’est pas question de pouvoir ici les présenter d’autre façon que sommaire.

I Rappel sur le tribunal correctionnel. Avant de présenter les grands traits de la

procédure d’audience, il nous faut ici rappeler brièvement que le tribunal correctionnel va présenter des formes différentes auxquelles sont liées des compétences variables.

Sa forme la plus simple, le juge unique n’a cessé de voir ses compétences s’élargir.

En l’état, le tribunal correctionnel statuant à juge unique est compétent lorsque seuls les intérêts civils sont en jeu et pour les délits énumérés à l’article 398-1 du CPP. Mais ce texte prévoit quelques exceptions à cette compétence : la détention provisoire, la comparution immédiate et le cas de connexité entre les délits qui relèvent du juge unique et d’autres qui n’en relèvent pas (Article 398-1 du CPP). Même hors ces cas et alors qu’il est compétent, le juge unique peut préférer renvoyer le jugement de l’affaire devant la juridiction collégiale pour divers motifs et notamment la complexité de l’affaire (Article 398-2 al.3du CPP). Le juge unique ne peut prononcer de peine d’emprisonnement supérieure à cinq ans (Article 398-2 du CPP dernier alinéa).

La forme classique du tribunal correctionnel est la forme collégiale prévue à l’article 398 du CPP : « Le tribunal correctionnel est composé d'un président et de deux juges » dont l’un peut être un juge de proximité.

Nous avons vu dans la leçon sur l’orientation des procédures que les poursuites pouvaient en certains cas prendre la forme d’une comparution immédiate devant le tribunal correctionnel (Articles 393 et s ; du CPP). Rappelons-en les traits essentiels. Son champ est défini par l’article 395 du CPP. La peine encourue doit être de deux ans d’emprisonnement au moins, l’affaire en état d’être jugée et les charges suffisantes. En matière de délit flagrant, le seuil de la peine encourue est abaissé à six mois. Depuis la loi du 9 septembre 2002, il n’existe plus de limite supérieure de peine encourue. Les délits faisant encourir dix ans d’emprisonnement et vingt ans en cas de récidive peuvent être jugés dans ce cadre. Sont exclus de son champ d’application, (Article 397-6 du CPP) les délits de presse, les

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délits politiques ou d’infractions dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale.

Cette orientation suppose (Article 393 CPP) d’une part le défèrement devant le procureur de la République aux termes de la garde à vue et en tout cas dans le délai de 20 heures à compter de la levée de cette garde à vue (Article 803-3 CPP qui précise les conditions de cette retenue), l’information sur les faits qui lui sont reprochés, le recueil des déclarations du mis en cause s’il en fait la demande, l’information sur son droit à l’assistance d’un avocat, lequel peut aussitôt sa désignation consulter le dossier et s’entretenir avec le prévenu, la réalisation d’une enquête sociale et enfin l’avis à la victime de la date de l’audience (Article 393-1 CPP).

La comparution doit en principe avoir lieu le jour même (Article 395 CPP) mais si la réunion du tribunal s’avère impossible, le procureur peut saisir le juge des libertés et de la détention pour voir ordonner le placement en détention provisoire du prévenu jusqu’à sa comparution qui doit intervenir dans les trois jours ouvrables suivants (Article 396 CPP).

Les audiences correctionnelles ne sont donc pas uniformes de par les formes diverses que le tribunal prend et selon qu’il est saisi ou non en comparution immédiate. Mais il faut bien comprendre que la pratique judiciaire aboutit de facto à une plus grande diversité encore. Quoi de commun entre l’audience d’un tribunal correctionnel qui va examiner plusieurs dizaines de dossiers en un long après midi et celles qui sur un « procès de catastrophes » aux multiples parties civiles vont se tenir sur plusieurs mois ? Sans plaider plus que nécessaire pour la prise en compte de cette dimension sociologique, il doit être compris par le juriste débutant que les règles de procédure en cause vont avoir à organiser le procès dans ces situations très distinctes.

II Les règles de procédure de l’audience correctionnelle.

Au début de l’examen de chaque affaire, le président du tribunal correctionnel va devoir procéder à certaines vérifications et formalités : vérification de l’identité du prévenu (Article 406 du CPP), lecture de la citation que le prévenu a déjà reçu, vérification de la présence ou de l’absence des différents intervenants : prévenu, partie civile présente ou constituée par lettre, et le cas échéant témoins, experts et interprètes.

Avant que ne s’ouvrent les débats, les éventuelles demandes de renvoi seront examinées. Il faut ici distinguer le cas particulier d’une citation directe devant le tribunal correctionnel à l’initiative de la partie civile. En cette hypothèse, statistiquement rare, le

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tribunal doit lors de la première audience fixer une consignation (tout comme le juge d’instruction le fait en cas de plainte avec constitution de partie civile, voir leçon sur l’instruction) à la charge de la partie civile (Article 392-1 du CPP) et doit donc renvoyer l’examen au fond à une prochaine audience. Le renvoi s’imposera encore si le délai de dix jours qui doit séparer la citation de la comparution n’a pas été respecté et que la partie en cause demande le renvoi (Article 553 du CPP). Rappelons que le renvoi est également de droit en comparution immédiate (Article 397-1 du CPP) et il peut enfin s’imposer pour des motifs qui empêchent l’exercice des droits de la défense, tel que l’absence d’un interprète alors que le prévenu ne parle pas suffisamment la langue française (Article 407 du CPP).

L’instruction d’audience au tribunal correctionnel est menée par le président du tribunal, voire l’un de ses assesseurs, si le président la lui confie. Le président a « la police de l’audience et la direction des débats » (Article 401 du CPP). Devant la chambre des appels correctionnels, l’instruction d’audience débute obligatoirement par le rapport d’un des conseillers de la cour sur l’affaire (Article 513 du CPP).

L’instruction d’audience doit commencer par l’interrogatoire du prévenu (Article 442 du CPP) avant que les témoins ne puissent être entendus. Cet interrogatoire mené par le président sera suivi des questions du ministère public et des avocats des parties privées qui depuis la loi du 15 juin 2000 peuvent poser leurs questions directement au prévenu après avoir demandé la parole au président (Article 442-1 du CPP). Le président mène cet interrogatoire à l’aide de la connaissance qu’il a du dossier écrit et objecte le cas échéant tel ou tel élément tiré du dossier écrit aux réponses du prévenu. Il peut lire tel ou tel extrait du dossier et solliciter les commentaires du prévenu, hormis les dépositions des témoins qu’il est prévu d’entendre, faute de quoi le principe d’oralité serait mis à mal.

Les auditions de témoin sont encadrées par les nombreuses dispositions prévues aux articles 435 à 457 pour le tribunal et 513 du CPP pour la cour d’appel.

Si le prévenu peut faire citer devant le tribunal correctionnel les témoins de son choix, la pratique consiste plutôt à procéder à la lecture des témoignages écrits figurant au dossier et c’est là incontestablement une limite factuelle à l’oralité des débats.

En appel, l’article 513 al.2 du CPP dispose que « les témoins cités par le prévenu sont entendus dans les règles prévues aux articles 435 à 457. Le ministère public peut s'y opposer si ces témoins ont déjà été entendus par le tribunal. La cour tranche avant tout débat au fond. ». La cour d’appel doit statuer sur l’opposition à audition du témoin. La jurisprudence

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de la CEDH (12 février 2004, Morel c/ France et 8 novembre 2005 De Sousa c/ France) et celle de la chambre criminelle contrôlent les motivations des refus et la chambre criminelle censure en tout cas les refus d’audition de témoin opposés par les cours d’appel lorsque le témoin n’a pas été entendu en première instance donnant ainsi une effectivité au droit d’interroger ou faire interroger les témoins à charge ou à décharge (parmi de nombreux arrêts, Crim. 13 février 2008, Bull. n°38.).

Entendus sous serment (Article 466 du CPP), les témoins doivent déposer oralement et l’article 452 du CPP les autorise exceptionnellement à s’aider de notes. En tout cas, ils doivent déposer spontanément avant de se voir poser quelque question que ce soit (Article 454 du CPP). Les témoins peuvent aussi être confrontés. Ils peuvent quitter l’audience après leur déposition sauf décision contraire du président (Article 452 du CPP) notamment en vue d’une confrontation avec un autre témoin.

L’audition des témoins anonymes et des agents infiltrés sont organisés par l’article 706-61 du CPP et suppose évidemment le truchement de dispositifs techniques permettant la déposition et l’interrogatoire du témoin par les parties et notamment la défense mais sans que soit révélée leur identité.

Les experts peuvent aussi être entendus à l’audience après avoir prêté serment (Article 168 du CPP).

Bref aperçu sur les exceptions et incidents d’audience.

La procédure a charge de poser les règles qui vont s’appliquer lorsque des incidents de procédure surgissent ou lorsque des exceptions sont soulevées par les parties. Dans les deux cas, le tribunal correctionnel doit statuer sur la difficulté ou l’exception soulevée (Article 459 du CPP) et le principe posé par le même texte est celui de la jonction au fond de l’incident ou de l’exception, ce qui signifie que le tribunal tranchera l’incident ou l’exception certes avant de trancher le fond, mais dans le même jugement. Cela n’empêchera pas que la gestion de l’incident ou de l’exception à l’audience prend la forme d’une procédure dans le procès, chaque partie devant être invitée à s’expliquer sur l’incident ou l’exception en cause.

Il serait fastidieux de vouloir énumérer les motifs d’incidents qui peuvent surgir au cours d’une audience correctionnelle. Disons à titre d’illustration que les plus fréquents peuvent porter sur la publicité des débats dans des procès sensibles, médiatisés, sur des demandes de renvoi et notamment du juge unique vers la formation collégiale, sur des demandes d’expertise ou suppléments d’information encore que la contradiction instaurée au

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niveau de la clôture de l’instruction rendent logiquement ce type d’incidents plus rares. En différentes hypothèses, la détention provisoire peut donner lieu à contentieux.

Des exceptions de procédure doivent être relevées d’office par le tribunal, ce sont les exceptions d’ordre public. Nous ne reviendrons pas sur les causes d’extinction de l’action publique déjà étudiées, ou sur la violation des règles de compétence, le défaut d’une plainte préalable lorsqu’elle est nécessaire à la mise en mouvement de l’action publique et en matière de presse la nullité de la citation qui en raison des exigences particulières et complexes de la loi du 29 juillet 1881 peuvent se rencontrer plus fréquemment qu’en droit commun.

D’autres exceptions doivent être soulevées par les parties et l’article 385 al. 6 du CPP exige qu’elles le soient avant toute défense au fond, « in limine litis », ce qui concrètement implique le dépôt de conclusions écrites ou la présentation d’observations orales avant l’interrogatoire au fond du prévenu et la règle vaut en première instance comme en appel. L’irrecevabilité de l’exception tenant à ce qu’elle n’a pas été présentée avant toute défense au fond empêchera qu’elle puisse être valablement présentée pour la première fois en cassation.

Les exceptions en cause sont bien entendu les exceptions de nullité tenant à l’enquête, lorsqu’il n’y a pas eu ouverture d’une information. On se souvient en effet que la clôture de l’instruction a pour effet de « purger » le dossier de toute nullité, c'est-à-dire de les couvrir, d’empêcher qu’elles ne puissent être invoquées.

Enfin, d’autres exceptions pourront être soulevées par les parties à tout stade de la procédure. Nous retrouvons là les exceptions tenant à l’existence d’un obstacle à l’action publique telle la prescription, ou à son exercice, telle la plainte préalable lorsqu’elle est exigée par les textes, l’incompétence territoriale ou matérielle d’une juridiction.

L’instruction d’audience terminée, l’article 460 du CPP prévoit que « la partie civile est entendue en sa demande, le ministère public prend ses réquisitions, le prévenu, et, s'il y a lieu, la personne civilement responsable, présentent leur défense. La partie civile et le ministère public peuvent répliquer. Le prévenu ou son avocat auront toujours la parole les derniers. »

Depuis la loi du 15 juin 2000, l’ordre de prise de parole en appel est le même qu’en première instance (plutôt que suivre l’ordre des appels).

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Les parties civiles sont ici traitées différemment en appel devant la chambre des appels correctionnels et devant la cour d’assises. En effet alors que la loi du 15 juin 2000 leur a ouvert (Article 380-6 du CPP) le droit d’exercer en appel les droits de la partie civile « même lorsqu’il n’a pas été fait appel de la décision sur l’action civile », la même disposition ne se retrouve pas à propos de la procédure d’appel correctionnelle et la chambre criminelle leur refuse cette intervention qu’il s’agisse d’un appel du ministère public sur une relaxe ou d’un appel du prévenu sur une condamnation (Crim 9 mars 2005, Bull. n°86. et Crim. 19 janvier 2005, Bull. n°26). Certains auteurs préconisent la modification de l’article 515 du CPP pour mettre les deux procédures d’appel en harmonie et accroître ainsi les droits de la partie civile devant la chambre des appels correctionnels.

C’est parfois juste avant le délibéré, et après avoir entendu les plaidoiries que le président devra demander au prévenu s’il accepterait d’effectuer une peine de Travail d’intérêt général pour le cas où elle serait prononcée, ceci afin de pouvoir utilement délibérer sur cette hypothèse.

Sans formalisme, la clôture des débats intervient devant le tribunal correctionnel à la fin de la dernière plaidoirie ou de la dernière déclaration du dernier prévenu. Il n’existe pas non plus de formalisme excessif autour du délibéré, puisqu’il arrive qu’il se tienne « sur le siège » c'est-à-dire à l’audience, et même en audience collégiale. Tenu en chambre du conseil ou à l’audience, il ne concerne que les seuls membres de la formation de jugement, avec le cas échéant les auditeurs de justice qui ont alors voix consultative. La décision prise à la majorité des voix en formation collégiale ne permettra pas de connaître quoi que ce soit des délibérations dont le secret doit être gardé « religieusement » selon le serment prêté par les magistrats (Article 6 Ord. n°58-1270 du 22 déc. 1958).

Le jugement. Il peut être rendu le jour même des débats ou à une audience tenue à une date ultérieure dont les parties sont avisées (Article 462 du CPP) et en ce cas d’ailleurs le délibéré pourra se tenir entre les deux dates. Le jugement sur le fond sera prononcé publiquement (Article 400 al.4 du CPP) a-t-on vu dans la leçon précédente.

Le prononcé du jugement tend à devenir un exercice de pédagogie à la fois important et difficile en ce que le législateur, sous les meilleures intentions, a au fil du temps souhaité que l’attention des justiciables (condamnés ou relaxés, prévenus ou parties civiles) soient attirée sur certaines conséquences du jugement, qu’ils soient informés de certains de leurs droits.

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Effectués par le président juste après la lecture du dispositif de la décision, la solennité et la certitude de la délivrance de ces avis et informations sont assurées. Il n’est pas sûr en revanche que cet exercice tenu par le président après lecture du dispositif de la décision soit très productif, et que sous le coup de l’émotion provoqué par la décision, les justiciables soient très aptes à comprendre et retenir le sens de ces avertissements.

Ces informations et avertissements pourront être repris par le greffier du BEX (bureau de l’exécution des peines) qui peut être amené à délivrer une convocation devant le juge de l’application des peines (D 48-2 du CPP). Il va sans dire que la défense à charge le plus souvent de reprendre encore ces avis et informations et de les expliciter. Il ressort de l’examen de ces avis que la mutation de la pénalité et la création de dispositifs d’aide aux victimes et de mesures de sûreté ont généré cette phase de pédagogie, en tout cas d’information nécessaire à la suite de la décision du tribunal correctionnel.

Avis et informations au prévenu et à la partie civile à la suite du jugement

Au prévenu condamné

Avis facultatif sur les conséquences d’une récidive (Article 132-20-1 du CP)

Avis obligatoire donné au prévenu présent sur les conséquences d’une nouvelle condamnation en cas de sursis (Article 132-29 du CP).

Avis obligatoire donné au prévenu sur le sursis avec mise à l’épreuve (obligations, condamnation non avenue en cas de respecte des obligations (132-40 du CP), informations sur les conséquences du refus de sa part de se soumettre à une injonction de soins, information sur la possibilité de commencer un traitement pendant l’exécution de la peine ferme avant de le poursuivre au titre de la mise à l’épreuve une fois libéré (Article 132-45-1 du CP).

Avis obligatoires sur le suivi socio-judiciaire lorsqu’il est prononcé (obligations, injonction de soin, possibilité de commencer un traitement en prison) (131-36-1 à 131-36-4 du CP.

Avis en cas de placement sous surveillance électronique mobile, du consentement nécessaire du prévenu au placement et sur les conséquences d’un refus (Article 131-36-12 du CP).

Avis en cas de condamnation à une peine d’amende sur la diminution du montant de la peine d’amende en cas de règlement rapide de celle-ci sans que celui-ci fasse

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obstacle aux voies de recours. (Article 707-3 du CPP)

Avis de convocation devant le JAP remis à l’issue de l’audience en certains cas.

Avis le cas échéant, par le président, le greffier ou une personne habilitée au prévenu présent de son inscription au FIJAIS et des obligations qui en découlent.

Avis au prévenu condamné au titre de l’action civile à des dommages-intérêts du droit de la victime, passé un délai de 2 mois à compter de la décision définitive de faire recouvrer ceux-ci par le fonds de garantie des victimes, et des majorations qui s’en suivent. (Article 474-1 du CP).

Au prévenu relaxé

Avis de la possibilité d’être indemnisé du préjudice résultant de l’éventuelle détention provisoire (Article 149 du CPP).

A la partie civile

Information sur la possibilité de saisir la CIVI (Article 706-15 et D48-3 du CPP)

L’essentiel des mentions que doit comprendre le jugement du tribunal correctionnel est précisé aux articles 485 et 486 du CPP. En réalité, il faut dire que lorsque le jugement n’est pas frappé d’appel, il demeurera le plus souvent sous la forme minimaliste du dispositif, c'est-à-dire de la peine, inscrite sur la couverture du dossier. La pratique judiciaire se situe ici assez loin des textes.

Les différentes formes du jugement correctionnel au regard de la comparution du prévenu et ses conséquences sur les voies de recours.

Le jugement contradictoire ou réputé contradictoire peut être frappé d’appel par le prévenu dans le délai de dix jours à compter de son prononcé.

Le jugement contradictoire à signifier peut être frappé d’appel par le prévenu dans le même délai mais calculé à compter de sa signification

Le jugement par défaut est seulement susceptible d’opposition par le prévenu, ouverte dans un délai de dix jours à compter de sa signification

La loi du 9 mars 2004 a abouti à réduire strictement les hypothèses de jugement

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par défaut. Les hypothèses de jugement contradictoire impliquent toujours la certitude de ce que le prévenu avait connaissance de l’audience et a pu avoir connaissance du jugement par son conseil. Toutes les autres situations s’analysent désormais comme des jugements contradictoires à signifier.

Jugement contradictoire à l’égard du prévenu. Principales hypothèses.

- prévenu comparant à l’audience et présent au prononcé du jugement

- art. 411 al. 2 du CPP: prévenu non comparant mais représenté par son avocat à sa demande.

- article 410 : prévenu non comparant, un avocat s’est présenté et a été entendu après avoir déposé des conclusions ce qui laisse présumer un mandat de représentation (Crim. 14 oct. 2008, Bull. n°207).

-Article 416 du CPP le prévenu non comparant en raison de son état de santé et qui est entendu à son domicile et peut être représenté à l’audience par un avocat.

Jugement contradictoire à signifier à l’égard du prévenu. Principales hypothèses

- Article 413 du CPP Le prévenu était présent à l’appel de la cause mais non comparant au débat et au prononcé du jugement. (Crim 26 avril 2006, Bull. n°113)

-Art. 498 du CPP Après débat contradictoire, le prévenu n'était pas présent ou représenté à l'audience où le jugement a été prononcé, mais seulement dans le cas où elle-même ou son représentant n'auraient pas été informés du jour où le jugement serait prononcé ;

-Article 498 et 412 al.2 Pour le prévenu qui a été jugé en son absence, mais après audition d'un avocat qui s'est présenté pour assurer sa défense, sans cependant être titulaire d'un mandat de représentation signé du prévenu ;

-Article 498 et 411 Le prévenu est non comparant, il a demandé à être représenté, mais son avocat n’est pas présent.

-Article 498 et 410 Le prévenu cité à personne ou dont il est établi qu’il a eu connaissance de la citation est non comparant, non excusé.

-Article 179-1 du CPP Prévenu cité à sa dernière adresse déclarée à l’issue de l’information ne comparaît pas.

Jugement par défaut à l’égard du prévenu. Principales hypothèses

-Article 412-1 CPP. Le prévenu qui n’a pas été cité à personne et dont il n’est pas établi qu’il ait eu connaissance de la citation ne comparaît pas et aucun avocat ne s’est présenté pour lui.

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III La procédure d’audience devant la cour d’assises. Notions de base.

Avant l’ouverture de la session de la cour d’assises et donc des débats relatifs à quelque affaire que ce soit inscrite à cette session, diverses formalités auront été effectuées : Les pièces à conviction et le dossier auront été transférés au siège de la cour d’assises, (article 270 du CPP), l’accusé s’il est détenu aura été transféré à la maison d’arrêt du lieu où se tiennent les assises (article 269 du CPP) le président aura procédé à son interrogatoire non pas sur le fond mais à un interrogatoire destiné à s’assurer de son identité, de ce que la mise en accusation lui a été signifié, de ce qu’il a un défenseur (article 272 à 277 du CPP). C’est au terme de cet interrogatoire tenu hors la présence du conseil que le président peut estimer devoir ordonner un supplément d’information (article 283 et 284 du CPP), les parties se seront signifiées la liste des personnes qu’elles veulent faire entendre comme témoins ou comme experts (article 281 du CPP). Chaque accusé se sera vu signifier la liste des jurés de session (article 282 du CPP) mais aussi une copie gratuite du dossier (article 279 du CPP).

A l’oralité et à la publicité des débats, il faut ajouter ici le principe de la continuité des débats (Article 307 du CPP) qui exclut que comme en correctionnelle il puisse être délibéré à une date qui ne suivrait pas les débats. Ici, les débats et le délibéré se suivront et ne seront suspendus que « pendant le temps nécessaire au repos des juges, de la partie civile et de l’accusé ».

La juridiction de la cour d’assises est complexe. Trois organes ont en effet chacun des fonctions et des pouvoirs précis : le président, la Cour composée du président et des assesseurs, et la cour d’assises composée de la Cour et du jury.

Les premières phases du déroulement d’un procès d’assises lui sont pour

l’essentiel spécifiques et très solennelles. Après avoir vérifié l’identité de l’accusé (article 294 du CPP), le président qui à ce stade est entouré de ses deux seuls assesseurs, va procéder au tirage au sort du jury de jugement mais, en droit, c’est la cour qui procède à la formation de ce jury et qui décide d’ailleurs s’il y a lieu au tirage au sort d’un jury supplémentaire (Article 296 al.2 du CPP). Les articles 297 à 302 du CPP organisent minutieusement la récusation des jurés par le ministère public et la défense y compris lorsqu’en cas de pluralité d’accusés la défense ne se met pas d’accord pour exercer les récusations.

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Le serment des jurés article 304 du CPP

« Le président adresse aux jurés, debout et découverts, le discours suivant :

"Vous jurez et promettez d'examiner avec l'attention la plus scrupuleuse les charges qui seront portées contre X..., de ne trahir ni les intérêts de l'accusé, ni ceux de la société qui l'accuse, ni ceux de la victime ; de ne communiquer avec personne jusqu'après votre déclaration ; de n'écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l'affection ; de vous rappeler que l'accusé est présumé innocent et que le doute doit lui profiter ; de vous décider d'après les charges et les moyens de défense, suivant votre conscience et votre intime conviction, avec l'impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre, et de conserver le secret des délibérations, même après la cessation de vos fonctions".

Chacun des jurés, appelé individuellement par le président, répond en levant la main : "Je le jure". »

A la suite de ce serment, le jury est constitué. Après le cas échéant qu’il ait été statué sur les nullités entachant la phase antérieure de

la procédure (formalités antérieures à l’ouverture des débats puisque les nullités de l’instruction sont quant à elles purgées), les débats vont pouvoir s’ouvrir.

Rôle du président. Comme le président du tribunal correctionnel, le président de la

cour d’assises a la police de l’audience. Il a aussi le pouvoir de direction des débats et ce n’est pas le fait que depuis la loi du 15 juin 2000, le ministère public et les avocats des parties puissent poser directement leurs questions (Article 312 du CPP) qui a modifié cette situation. Même si aussitôt après cette réforme, certains présidents ont tenté l’expérience d’une véritable cross examination, laissant les parties poser directement leurs questions et demeurant quant à eux dans un rôle silencieux, cette expérience n’a guère duré (Voir sur ce point, « Le procès d’assises après la réforme, Regards sur les pratiques », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, n°2, 2003, pp. 289-309.) C’est récemment que le pré-rapport de la commission Léger reprend, à la suite de critiques tenues contre les débats menés devant des cours d’assises, l’idée de placer le président dans un rôle d’arbitre silencieux. Il est certain que le rôle du président est en tout état de cause délicat puisque s’il doit interroger l’accusé, « il a aussi le devoir de ne manifester son opinion sur la culpabilité » (Article 328 du CPP).

Le pouvoir de direction des débats du président de la cour d’assises dépasse largement

la simple question de l’interrogatoire de l’accusé. Il concerne l’ordre des débats et notamment la question de savoir si les faits seront examinés avant la personnalité de l’accusé ou l’inverse, l’ordre dans lequel les témoins et les experts seront entendus.

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Le président a aussi un pouvoir discrétionnaire (article 310 du CPP) qui lui permet de « prescrire toutes mesures qu’il croit utiles pour découvrir la vérité ».

Pouvoirs de la Cour. Disons succinctement que les pouvoirs propres de la Cour

concernent en premier lieu les incidents contentieux (Article 316 du CPP) qui peuvent se présenter, y compris les exceptions de nullité qui peuvent concerner les formalités antérieures à l’ouverture des débats ou les incidents contentieux de l’audience (Article 305-1 du CPP) et au jugement desquels on n’imagine pas associer les jurés mais qui doivent être tranchés par une collégialité. C’est elle qui statue sur les demandes de huis-clos (Article 306 al. 2 du CPP) statue sur les demandes de renvoi (Article 343 du CPP), les demandes afférentes à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire. C’est elle enfin, sans le jury, qui statue après la décision rendue sur l’action publique sur les intérêts civils (article 371 du CPP).

Sans entrer plus avant dans le détail des règles qui concernent ces débats, l’audition

des témoins et des experts, précisons seulement que là aussi le code de procédure pénale et la jurisprudence ont construit, sur la durée, un droit minutieux attaché pour l’essentiel à permettre aux principes d’oralité d’être pleinement respecté ce qui est d’autant plus nécessaire que les jurés ne sont pas des magistrats professionnels.

Aux termes de l’instruction d’audience, la partie civile ou son avocat mais aussi les

éventuelles associations autorisées par le législateur à exercer les droits de la partie civile sont entendues. A leur suite le ministère public en ses réquisitions et la défense en sa ou ses plaidoiries. L’article 346 du CPP prévoit là aussi la réplique mais elle est fort peu usitée et en tout état de cause l’accusé ou son avocat doivent toujours avoir la parole en dernier (Article 346 du CPP).

La clôture des débats est ici plus formalisée. D’une part au contraire de ce qui se

passe en correctionnelle, le principe est ici que la cour et le jury vont délibérer sans le dossier d’instruction, le président ne conservant avec lui que l’arrêt de mis en accusation (Article 347 du CPP). Le dossier est donc remis entre les mains du greffier. Une procédure exceptionnelle est cependant envisagée au dernier alinéa de cet article pour le cas où, au cours de la délibération, la cour d'assises estime nécessaire l'examen d'une ou plusieurs pièces de la procédure. L’usage de cette possibilité est rarissime. A noter que cet article prévoit encore la possibilité pour le président de « résumer les moyens de l'accusation et de la défense. » Cet alinéa hérité d’un temps où les rapports entre le président, les jurés et les parties étaient autres n’est jamais utilisé de nos jours. Le risque de voir considérer qu’au travers de cet exercice le président a manifesté son opinion serait très élevé !

La lecture des questions constitue le second temps fort de cette clôture. La cour

d’assises en l’état de notre droit rend, on le sait, une décision qui est motivée sous la forme des réponses apportées par la cour et le jury réunis aux questions qui sont, en principe, posées dans les termes de la décision de mise en accusation (Article 348 du CPP).

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Les articles 349 à 352 précisent les divers types de questions qui peuvent être posées par le président à la Cour et au jury et dont la teneur peut donner lieu à incident contentieux. Les questions principales vont ainsi décomposer soigneusement les faits et les circonstances aggravantes des faits spécifiés dans le dispositif de la décision de mise en accusation. Cette méthode doit évidemment permettre le strict respect de la saisine in rem.

L’existence d’une éventuelle cause d’irresponsabilité pénale invoquée comme moyen

de défense conduira à poser en une seule fois ou pour chaque fait, selon les cas, une question sur ce point.

La cour et le jury peuvent se prononcer sur l’existence de circonstances aggravantes

qui n’étaient pas visées dans la décision de mise en accusation et ont été invoquées durant les débats. Ce sont là des questions spéciales.

Enfin, il existe une troisième forme de questions qui sont les questions subsidiaires et

qui elles, recouvrent l’hypothèse d’une requalification d’un fait visé bien entendu au dispositif de l’acte de mise en accusation. Ce sera par exemple la situation lorsque les débats nécessitent d’envisager une requalification d’un fait poursuivi sous la qualification de meurtre en coups ayant entraîné la mort sans intention de la donner.

Article 349

Chaque question principale est posée ainsi qu'il suit : "L'accusé est-il coupable d'avoir commis tel fait ?"

Une question est posée sur chaque fait spécifié dans le dispositif de la décision de mise en accusation.

Chaque circonstance aggravante fait l'objet d'une question distincte.

Il en est de même, lorsqu'elle est invoquée, de chaque cause légale d'exemption ou de diminution de la peine.

Article 349-1

Lorsque est invoquée comme moyen de défense l'existence de l'une des causes d'irresponsabilité pénale prévue par les articles 122-1 (premier alinéa), 122-2, 122-3, 122-4 (premier et second alinéas), 122-5 (premier et second alinéas) et 122-7 du code pénal, chaque fait spécifié dans le dispositif de la décision de mise en accusation fait l'objet de deux questions posées ainsi qu'il suit :

"1° L'accusé a-t-il commis tel fait ?

"2° L'accusé bénéficie-t-il pour ce fait de la cause d'irresponsabilité pénale prévue par l'article ... du code pénal selon lequel n'est pas pénalement responsable la personne qui ... ?"

Le président peut, avec l'accord des parties, ne poser qu'une seule question

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concernant la cause d'irresponsabilité pour l'ensemble des faits reprochés à l'accusé.

Sauf si l'accusé ou son défenseur y renonce, il est donné lecture des questions posées en application du présent article.

Article 350

S'il résulte des débats une ou plusieurs circonstances aggravantes, non mentionnées dans l'arrêt de renvoi, le président pose une ou plusieurs questions spéciales.

Article 351

S'il résulte des débats que le fait comporte une qualification légale autre que celle donnée par la décision de mise en accusation, le président doit poser une ou plusieurs questions subsidiaires.

Article 352

S'il s'élève un incident contentieux au sujet des questions, la cour statue dans les conditions prévues à l'article 316.

Deux dernières formalités importantes restent à effectuer par le président. Le président donne lecture de l’instruction aux jurés selon les termes de l’article 353

du CPP, instruction qui est affichée en outre dans la chambre des délibérations :

L’instruction de l’article 353 du CPP

" La loi ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d'une preuve ; elle leur prescrit de s'interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l'accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : " Avez-vous une intime conviction ? "."

C’est peu dire que la notion d’intime conviction donne lieu parfois à des critiques

fondées sur des contre sens, notamment par ceux qui pensent que la notion ne concernerait que la cour d’assises voire les seuls jurés. Les magistrats qui jugent en correctionnelle jugent également en leur intime conviction, cette notion s’opposant à un système de preuves légales vers lequel il est difficile d’envisager vouloir revenir. L’intime conviction qui signifie que chaque juge doit se déterminer « dans la sincérité de sa conscience », sans subir ni pression ni influence, n’exclut nullement une décision fondée sur la raison et non sur l’émotion.

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La notion ne doit pas être non plus confondue avec le fait qu’en réduisant les arrêts de cour d’assises à la réponse par oui ou non à des questions et à la fixation éventuelle d’une peine en cas de condamnation, le législateur place le degré d’exigences de motivation à son plus bas niveau. Là aussi, le rapport déposé par la commission Léger préconise la motivation des arrêts d’assises, rejoignant ainsi l’opinion de nombreux auteurs. Ce n’est pas pour autant que « l’intime conviction » cesserait d’être la mesure du devoir des juges.

Enfin, le président fait retirer l’accusé de la salle d’audience et si l'accusé est libre, il lui enjoint de ne pas quitter le palais de justice pendant la durée du délibéré, en indiquant, le cas échéant, le ou les locaux dans lesquels il doit demeurer, et invite le chef du service d'ordre à veiller au respect de cette injonction.

Il invite le chef du service d'ordre à faire garder les issues de la chambre des délibérations, dans laquelle nul ne pourra pénétrer, pour quelque cause que ce soit, sans autorisation du président.

Le président déclare l'audience suspendue. (Article 354 du CPP).

Le délibéré. Les praticiens et notamment les avocats ont l’habitude de dire que le délibéré est la boîte noire des magistrats tandis que l’entretien avec le client est la boîte noire des avocats. Il y a là un peu de vrai. Mais cela ne signifie pas que le délibéré n’est pas organisé. La lecture des articles 355 à 365 du CPP démontrent le contraire.

S’agissant de la délibération sur la culpabilité, l’essentiel à retenir concerne d’abord les majorités sous lesquelles sont prises les décisions. Toute décision défavorable à l’accusé se forme par une majorité renforcée de huit voix en première instance et dix en appel sur un nombre de vois respectif de douze et quinze voix (les jurés sont neuf en première instance et douze en appel). Il résulte donc de cette exigence qu’à supposer que les magistrats professionnels votent en défaveur de l’accusé, il faut tant en première instance qu’en appel une majorité de jurés qui partagent cette opinion pour que la décision défavorable à l’accusé soit prise (cinq en première instance sur neuf et sept en appel sur douze). Les magistrats professionnels ne sont donc quant à eux jamais maîtres du vote.

La délibération sur la peine commence par la lecture des dispositions du code pénal et notamment de l’article 132-24 sur les fonctions ou finalités de celle-ci. Les peines de réclusion criminelle à perpétuité et de trente ans de réclusion lorsqu’elles constituent la peine

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maximale encourue ne peuvent être prononcée que par les mêmes majorités renforcées que pour la culpabilité.

Toute autre décision sur la peine se forme à la majorité absolue des votants. Lorsque cette majorité ne s’est pas formée après deux tours de scrutin, le vote se poursuit en éliminant à chaque tour la peine la plus forte ayant recueillie au moins une voix au tour de scrutin précédent jusqu’à ce qu’une majorité absolue se soit formée. La décision se forme ainsi par élimination des votes minoritaires en faveur des peines les plus élevées.

Section I : De la délibération de la cour d'assises. Article 355 Les magistrats de la cour et les jurés se retirent dans la chambre des

délibérations.

Ils n'en peuvent sortir qu'après avoir pris leurs décisions.

Article 356

La cour et le jury délibèrent, puis votent, par bulletins écrits et par scrutins distincts et successifs, sur le fait principal d'abord, et s'il y a lieu, sur les causes d'irresponsabilité pénale, sur chacune des circonstances aggravantes, sur les questions subsidiaires et sur chacun des faits constituant une cause légale d'exemption ou de diminution de la peine.

Article 357 Chacun des magistrats et des jurés reçoit, à cet effet, un bulletin ouvert, marqué du timbre de la cour d'assises et portant ces mots : "sur mon honneur et en ma conscience, ma déclaration est ...".

Il écrit à la suite ou fait écrire secrètement le mot "oui" ou le mot "non" sur une table disposée de manière que personne ne puisse voir le vote inscrit sur le bulletin. Il remet le bulletin écrit et fermé au président, qui le dépose dans une urne destinée à cet usage.

Article 358

Le président dépouille chaque scrutin en présence des membres de la cour et du jury qui peuvent vérifier les bulletins. Il constate sur-le-champ le résultat du vote en marge ou à la suite de la question résolue.

Les bulletins blancs, ou déclarés nuls par la majorité, sont comptés comme favorables à l'accusé.

Immédiatement après le dépouillement de chaque scrutin, les bulletins sont brûlés.

Article 359

Toute décision défavorable à l'accusé se forme à la majorité de huit voix au moins lorsque la cour d'assises statue en premier ressort et à la majorité de dix voix au moins lorsque la cour d'assises statue en appel.

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Article 360

La déclaration, lorsqu'elle est affirmative, constate que la majorité de voix exigée par l'article 359 au moins a été acquise sans que le nombre de voix puisse être autrement exprimé.

Article 361

Au cas de contradiction entre deux ou plusieurs réponses, le président peut faire procéder à un nouveau vote.

Article 361-1

Si, lorsqu'il est fait application des dispositions de l'article 349-1, la cour d'assises a répondu positivement à la première question et négativement à la seconde question, elle déclare l'accusé coupable. Si elle a répondu négativement à la première question ou positivement à la seconde question, elle déclare l'accusé non coupable.

Si elle a répondu positivement à la première question et positivement à la seconde question portant sur l'application des dispositions du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal, il est fait application des articles 706-129 et suivants relatifs à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Article 362

En cas de réponse affirmative sur la culpabilité, le président donne lecture aux jurés des dispositions des articles 132-18 et 132-24 du code pénal, ainsi que, si les faits ont été commis en état de récidive légale, de l'article 132-18-1 et, le cas échéant, de l'article 132-19-1 du même code. La cour d'assises délibère alors sans désemparer sur l'application de la peine. Le vote a lieu ensuite au scrutin secret, et séparément pour chaque accusé.

La décision sur la peine se forme à la majorité absolue des votants. Toutefois, le maximum de la peine privative de liberté encourue ne peut être prononcé qu'à la majorité de huit voix au moins lorsque la cour d'assises statue en premier ressort et qu'à la majorité de dix voix au moins lorsque la cour d'assises statue en appel. Si le maximum de la peine encourue n'a pas obtenu cette majorité, il ne peut être prononcé une peine supérieure à trente ans de réclusion criminelle lorsque la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité et une peine supérieure à vingt ans de réclusion criminelle lorsque la peine encourue est de trente ans de réclusion criminelle. Les mêmes règles sont applicables en cas de détention criminelle.

Si, après deux tours de scrutin, aucune peine n'a réuni la majorité des suffrages, il est procédé à un troisième tour au cours duquel la peine la plus forte proposée au tour précédent est écartée. Si, à ce troisième tour, aucune peine n'a encore obtenu la majorité absolue des votes, il est procédé à un quatrième tour et ainsi de suite, en continuant à écarter la peine la plus forte, jusqu'à ce qu'une peine soit prononcée.

Lorsque la cour d'assises prononce une peine correctionnelle, elle peut ordonner à la majorité qu'il soit sursis à l'exécution de la peine avec ou sans mise à l'épreuve.

La cour d'assises délibère également sur les peines accessoires ou complémentaires.

Dans les cas prévus par l'article 706-53-13, elle délibère aussi pour déterminer

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s'il y a lieu de se prononcer sur le réexamen de la situation du condamné avant l'exécution de la totalité de sa peine en vue d'une éventuelle rétention de sûreté conformément à l'article 706-53-14.

Article 363

Si le fait retenu contre l'accusé ne tombe pas ou ne tombe plus sous l'application de la loi pénale, ou si l'accusé est déclaré non coupable, la cour d'assises prononce l'acquittement de celui-ci.

Si l'accusé bénéficie d'une cause d'exemption de peine, la cour d'assises le déclare coupable et l'exempte de peine.

Article 364

Mention des décisions prises est faite sur la feuille de questions, qui est signée séance tenante par le président et par le premier juré désigné par le sort ou, s'il ne peut signer, par celui désigné par la majorité des membres de la cour d'assises.

Article 365

Les réponses de la cour d'assises aux questions posées sont irrévocables.