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1 Beethoven / Elgar / Beethoven Constantin Trinks direction Gary Hoffman violoncelle Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon vendredi 4 avril 2014 à 20h samedi 5 avril 2014 à 17h Opéra Berlioz / Le Corum Cahier pédagogique Saison 2013-2014 Service Jeune Public et Actions Culturelles - 04 67 600 281 - www.opera-orchestre-montpellier.fr

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Beethoven / Elgar / Beethoven

Constantin Trinks direction Gary Hoffman violoncelle

Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon

vendredi 4 avril 2014 à 20h samedi 5 avril 2014 à 17h Opéra Berlioz / Le Corum

Cahier pédagogique Saison 2013-2014 Service Jeune Public et Actions Culturelles - 04 67 600 281 - www.opera-orchestre-montpellier.fr

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Programme Ludwig van Beethoven 2 Coriolan, ouverture symphonique en ut mineur opus 62 Edward Elgar 3 Concerto pour violoncelle et orchestre en mi mineur opus 85 Ludwig van Beethoven 1 Symphonie n° 3 « Héroïque » en mi bémol majeur opus 55 Constantin Trinks direction Gary Hoffman violoncelle Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon

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Un partenariat, plusieurs initiatives Depuis de nombreuses années, l’Opéra Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon et le Conservatoire à Rayonnement Régional de Montpellier Agglomération font vivre un partenariat pédagogique qui a pour objectif de favoriser les modalités de rencontres et les liens entre une structure de création et de diffusion musicale et des jeunes inscrits dans un enseignement artistique spécialisé. Cette saison, les équipes pédagogiques du Conservatoire à Rayonnement Régional de Montpellier Agglomération et le service jeune public et actions culturelles de l’Opéra Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon ont souhaité proposer aux élèves des classes de formation musicale de s’impliquer dans la rédaction de documents pédagogiques à propos de la Symphonie n° 3 « Héroïque » en mi bémol majeur opus 55. Guidés et accompagnés par Mikaël Le Padan, Dominique Millet et Hélène Berthoul, Mirélia AUZANNEAU, Anaïs Nour BENLACHHAB, Davis BOYER, Samuel GUIBAL, Léa LESTRADE, Araceli REJALA, Étudiants au CRR de Montpellier Agglomération Classe de formation musicale de Mikaël LE PADAN se sont prêtés au jeu.

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Sommaire Musique et romantisme 5 Beethoven, éléments biographiques 7 Qu’est-ce qu’une symphonie ? 9 Les symphonies de Beethoven 10 L’impact et la réception de la Symphonie n°3 12 Guide d’écoute des mouvements 13 Coriolan, ouverture symphonique en ut mineur opus 62 16 Edward Elgar 17 Elgar en cinq dates 18 Elgar en cinq œuvres 18 Concerto pour violoncelle et orchestre en mi mineur opus 85 19 La structure de l’œuvre et sa brève analyse 19 Les indications de tempo 25 Une interprétation marquante 26 Où trouver la partition ? 26 Manuscrit du Concerto pour violoncelle et orchestre en mi mineur opus 85 27 Bibliographie 27 Biographies des artistes 28

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Musique et Romantisme

Voyageur contemplant une mer de nuages, Caspar David Friedrich, 1818-1819 Tous droits réservés, diffusion gratuite à usage pédagogique

Le romantisme englobe l’ensemble des mouvements artistiques et littéraires qui, à partir de la fin du XVIIIème siècle firent prévaloir la sensibilité individuelle sur la raison, et les créations de l’imaginaire sur la représentation classique de la nature humaine. Ce mouvement éclot en réaction à l’esprit rationaliste du XVIIIème siècle. Dès les années 1790-1800 apparaît une nouvelle sensibilité privilégiant l’introspection et la rêverie mélancolique. Une nostalgie inquiète hante l’âme romantique, qui aspire à un monde nouveau et idéal, sorte de paradis perdu, désiré et indéfini à la fois. Chateaubriand nomme cet état d’âme le « mal du siècle », et Baudelaire l’appellera le « spleen ». Rejetant le formalisme, l’impersonnalité et la mesure du classicisme, le romantisme exalte le « moi », l’individualité et la communion avec la nature. Il revendique la liberté de l’imagination et la libre peinture des sentiments. En musique, le romantisme prône la liberté de l’artiste et l’expression du moi. Les compositeurs s’affranchissent de la forme (les formes classiques). C’est également l’avènement de la composition spontanée, libre et non sur commande. L’orchestre s’enrichit et se diversifie, les instruments sont choisis pour leur timbre, leur couleur. Cette nouvelle esthétique s’instaure de manière notoire en Allemagne, puisant son inspiration dans le Sturm und Drang Allemand (Tempête et Passions en français). Parmi les œuvres et les compositeurs représentatifs de cette période, nous pouvons citer Berlioz (Symphonie Fantastique), Schumann (Les Amours du Poète), Verdi (Rigoletto), Liszt (Faust-Symphonie), Wagner (Tristan et Isolde), ou encore Mahler (Kindertotenlieder), Brahms, Mendelssohn et Tchaikovsky. Beethoven réalise la parfaite mise en œuvre de l’ensemble de cette nouvelle esthétique (émancipation de la forme, diversification des timbres, expression d’une individualité forte).

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Le XIXème siècle est celui du romantisme. Le style est amorcé par Beethoven mais on situe la période romantique de Schubert (1797-1828) à Richard Strauss (1864-1949). La musique romantique se modélise sur l’œuvre de Beethoven : le style cherche fondamentalement à exprimer le moi. La musique devient subjective et la transmission d’émotions domine sur la rigueur de la forme. C’est un style qui se développe en réaction au classicisme et les compositeurs transcendent le cadre qui cloisonnait leur musique jusqu’alors. La musique romantique développe les mêmes genres que l’époque classique (sonate, symphonie, concerto, Opéra), mais les transcende en les élargissant et les modifiant. Le langage harmonique reprend les principes de base de l’harmonie classique et l’usage des altérations et des chromatismes pousse l’écriture aux limites de la tonalité. La mélodie garde une place souveraine et sort du cadre symétrique de la phrase « classique ». Le rythme s’enrichit, ternaire et binaire se côtoient (duolets et triolets peuvent coexister), et les « rythmes personnels » apparaissent (autre notion de l’individualisme). L’évolution de la facture instrumentale ainsi que l’apparition de nouveaux instruments permettent de développer une meilleure technique instrumentale et orchestrale et l’augmentation considérable de la masse orchestrale. C’est aussi l’apparition de la « musique à programme » qui associe une composition musicale à un sujet littéraire ou poétique. La musique romantique cherche à se démarquer du style viennois, galant, et en d’autres termes, de la musique « comme il faut ». Le terme « romantique » désigne à l’inverse du terme « classique », tout ce qui touche au domaine de l’irrationnel, du conte, du rêve, du fantastique, du sentiment et du pressentiment. Cette musique vise plus que tout la transmission d’un univers personnel peuplé d’émotions et de rêveries, ou d’impressions élevées telles que la foi en l’humanité que l’on peut retrouver dans les symphonies de Beethoven. Le romantisme vient se fondre dans le classicisme sans qu’on ne puisse vraiment marquer une rupture entre ces deux styles. De la rigueur traditionnelle et formelle classique, le style évolue vers l’expansion du style romantique dans son déferlement de sentiments, de passions et d’impressions grandioses. On leur trouve points communs et différences, et d’une certaine manière, ces deux styles et époques forment un tout, une continuité dans laquelle Beethoven a su réaliser un trait d’union unique et génial.

Mirélia AUZANNEAU

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Beethoven, éléments biographiques

Tous droits réservés, diffusion gratuite à usage pédagogique

Ludwig Van Beethoven par l’ampleur et l’originalité de son œuvre a profondément marqué l'histoire de la musique. Ses œuvres sont encore aujourd'hui parmi les plus jouées dans les salles de concert du monde entier ; le thème de la 9eme symphonie est devenu l'hymne de l'Union Européenne (l'Ode à la Joie). Avec une créativité hors normes et un tempérament fougueux, il ouvre de nouveaux horizons en s'affranchissant des règles classiques pour poser les bases du langage musical romantique. Beethoven est né en 1770 à Bonn dans une famille de musiciens. Son père est chanteur à la cour du Prince Électeur de Bonn. Il commence l’étude du piano et du violon en 1775 et se montre très vite extrêmement doué. À partir de 1781 il devient élève de Christian Gottlob Neefe pour l'orgue et le piano. Avec Neefe, il commence la composition et écrit ses premières pièces pour piano en 1782. À l'âge de 14 ans, il devient organiste de la cour du Prince Electeur Max-Franz. Il y rencontre Joseph Haydn en 1792 qui lui propose de lui enseigner la composition. Comme Haydn est à cette époque déjà un compositeur réputé et célébré dans toute l’Europe, Beethoven le suit à Vienne. Il apprend beaucoup sur la composition pour orchestre mais développe très vite un style bien à lui et peut-être trop novateur pour son maître. Les relations entre les deux artistes sont assez difficiles, en effet, Haydn ne tarde pas à s'irriter devant l'indiscipline et l'audace musicale de son élève. il le décrit en ces termes en 1794 : "vous aurez des pensées que personne n'a encore eues, vous ne sacrifierez jamais votre pensée à une règle tyrannique, mais vous sacrifierez les règles à vos fantaisies, car vous me faites l'impression d'un homme qui a plusieurs têtes, plusieurs cœurs, plusieurs âmes." « Courage ! » écrit-il au début de l'année 1797, « malgré toutes les défaillances du corps, mon génie doit triompher, […] il faut que cette année révèle l'homme achevé, il ne doit plus rien rester à faire. » Le mot est lâché : génie. À partir d'ici commence son combat solitaire, celui de son existence, contre lui-même, avec les notions de caractère et de mérite individuel que l'on retrouvera dans bien des aspects de sa vie et qui lui seront chères jusqu'à sa mort, en 1827. « Homme aide-toi toi même », cette phrase révèle le caractère inébranlable de Beethoven qui veut s'en sortir seul. Cette fin de siècle, souvent appelée le tournant du siècle, est décisive. En effet, celle-ci marque un grand tournant dans la vie du compositeur, commençant depuis 1797 à prendre conscience de sa surdité (il deviendra complètement sourd à la fin de l'année 1819), ce qui l'oblige à s'isoler, lui donnant une réputation de misanthrope aux yeux du monde (réputation qui le fera souffrir toute sa vie). Cette situation l’emmène au bord du suicide en 1802. Dans le Testament de Heiligenstadt, en plus d'exprimer

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sa profonde tristesse, il annonce aussi sa foi en son Art ce qui est primordial ! « C'est l'Art et lui seul qui m'a retenu » : Ainsi, il a cette nécessite intérieure de créer, de composer, et de donner au monde ce qu'il a à dire. En entrant dans sa période « Héroïque », la plus féconde, il veut « ouvrir un nouveau chemin » et « saisir le destin à la gorge » ! Beethoven se libère des règles classiques et compose des chefs d’œuvres tels que la Sonate pour piano n°8, « Pathétique » (1799), ou encore la Sonate pour piano n°14, « Clair de lune » (1802). En 1803, il signe une de ses plus grandes œuvres, la Symphonie « Héroïque ». Cette œuvre monumentale ouvre alors une voie nouvelle pour le genre symphonique. À cette période naissent aussi les Sonates « Waldstein » (1804) et « Appassionata » (1805) qui franchissent irrévocablement les frontières du style pianistique classique pour créer des sonorités et des textures neuves. Les Symphonies 5 et 6, illustrent de même les nombreuses innovations imaginées pour le compositeur. Le dernier Beethoven, isolé dans un monde de silence depuis plus d'une décennie, trouve au fond de lui même les ressources nécessaires pour livrer au monde des œuvres grandioses que l'on peut qualifier de testamentaires, telle la Missa Solemnis (1818-1822), la Sonate « Hammerklavier » (1819) ou bien encore la Symphonie n°9 (1824). Ces œuvres monumentales font véritablement éclater les cadres. Hérissées de difficultés, ces œuvres donnent une idée de ce que peut être la musique absolue, l'art pour l'art, œuvres transcendantes pour piano, véritables extases, entre virtuosité et puissance extrême. Les derniers quatuors sont eux aussi d'une difficulté considérable. « Croyez-vous que je pense à vos misérables cordes quand l'esprit me parle? » répondra Beethoven au violoniste Schuppanzigh qui soulignait la difficulté d’exécution du Quatuor n°7. De même, le Concerto pour violon sera longtemps considéré injouable. Jusqu'à sa mort en 1827, Beethoven reste entouré de ses quelques amis. Ses funérailles réunissent un cortège impressionnant de plusieurs milliers d'anonymes. L'oraison funèbre de Grillparzer rendait honneur aux dons extraordinaires de l'artiste créateur, mais rappelait également à l'assistance sa profonde humanité, avec toutes ses forces et ses faiblesses : « Il fut un artiste mais aussi un homme, un être humain dans le plus parfait sens du mot. Il s'était retiré du monde, on l'a cru hostile, il fuyait le sentimentalisme, on l'a dit insensible. Non ! […] s'il a fui le monde, c'était parce que des profondeurs de sa nature trop aimante, il ne savait pas le combattre. S'il a fui l'humanité, c'est parce qu'il s'était donné en entier et n'avait rien reçu en échange. […] Et pourtant, jusqu'à sa mort il conserva un cœur humain pour en faire don à toute l'humanité, une affection paternelle pour l'offrir à tous ses semblables, et ses richesses et son sang pour nourrir toute la terre. Ainsi était-il, ainsi mourut-il et ainsi vivra-t-il en toute éternité. » L’œuvre de Beethoven a atteint de nombreux sommets (quatuors, symphonies, musique pour piano). Elle a eu une très grande influence et un grand poids durant les décennies qui ont suivi sa mort. Par un langage résolument novateur, il fait entrer la musique dans l'ère du romantisme. En tout état de cause, Beethoven est un de ces artistes qui ne rendent pas leur discipline dans l'état où ils l'ont trouvée et aujourd'hui nous pouvons dire qu'il y a réellement un avant et un après Beethoven.

David BOYER et Samuel GUIBAL

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Qu’est-ce qu’une symphonie ?

La symphonie appartient au genre symphonique, qui comprend aussi d’autres formes musicales comme le poème symphonique, la musique de ballet ou encore certaines pièces isolées du répertoire orchestral. La symphonie reste toutefois prédominante dans ce genre, en se distinguant par son architecture spécifique, originale et relativement constante, bien que chaque compositeur ait sa propre manière de « penser » l’orchestre, et de permettre ainsi son évolution. Les compositeurs recherchent un son, ils font intervenir de nouveaux timbres en choisissant les sonorités autrefois soumises à la disponibilité des instrumentistes. La forme « symphonie » est d’après Albert Lavignac « le plan d’ensemble d’une œuvre, son architecture dans les grandes lignes ». La forme comporte la structure que nous pouvons définir comme « l’agencement de diverses parties en vue de constituer un tout » selon André Hodeir. Le compositeur veut nous faire oublier les structures afin que nous puissions jouir de l’œuvre dans son ampleur, son unicité. Il est difficile de donner une définition unique de la symphonie en regard de la diversité des compositeurs et des différentes époques. En la considérant dans son aspect classique, nous pouvons la définir comme une composition en plusieurs mouvements (quatre), destinée a un orchestre de taille et d’instruments variables, s’établissant sur un schéma structurel stable. Les quatre mouvements qui la composent sont de durée relativement égale mais se distinguent par leurs contrastes : Le premier mouvement généralement de tempo Allegro qui énonce les éléments thématiques est

parfois précédé d’une introduction Adagio (à l’aise). Le second mouvement est souvent plus lent (parfois andante parfois Adagio) et représente un

apaisement dans la symphonie. Le mouvement suivant est une danse : un menuet ou un Scherzo-Trio. Il se compose de trois parties.

Sa partie centrale se nomme le « trio », il fait partie du menuet mais son caractère peut-être totalement différent du Scherzo qui l’entoure.

Enfin le quatrième mouvement est souvent considéré comme le dénouement de l’œuvre : le final Vivace (vif). Il est le plus dynamique et léger.

Nous constatons dans cette architecture l’importance des contrastes, en effet ce sont eux qui apportent l’essence de l’œuvre. Elle évolue à travers la progression d’un discours fait d’oppositions, de reliefs et d’apaisements.

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Cette brève description s’appuie sur le modèle de la symphonie classique de Haydn qui pose les bases du genre sur lesquelles s’appuiera Beethoven. Chaque symphonie de Beethoven sera synonyme d’innovation, tant du point de vue formel que timbrique et harmonique.

Anaïs Nour BENLACHHAB

Les symphonies de Beethoven

Les symphonies de Beethoven ont aujourd'hui une place considérable dans l'histoire de la musique. En effet, malgré leur petit nombre (seulement neuf symphonies alors qu'Haydn en a composé une centaine), celles-ci sont uniques et possèdent chacune une identité propre. Les deux premières symphonies (respectivement créées en 1800 et 1802) sont empreintes de classicisme (la dernière Symphonie n°104 de Haydn date de 1795), en effet, celles-ci sont proches par leur esthétique des dernières symphonies de Haydn. La Symphonie n°3 « Eroica » (1804) marque un tournant majeur dans l’œuvre de Beethoven. Tout d'abord par ses dimensions et son architecture monumentale qui en fait une œuvre deux fois plus longue que la Symphonie n°1 mais aussi par l'ampleur de chaque mouvement, par le traitement de l'orchestre ainsi que par le poids historique et idéologique qui lui est propre. Écrite au départ en hommage à Napoléon Bonaparte, Beethoven renonce par la suite à cette dédicace lorsque celui-ci se fait couronner empereur. Le compositeur se résout à dédier sa symphonie « à la mémoire d'un grand homme ». Avec cette symphonie, Beethoven entre dans sa période « Héroïque » et nous pouvons considérer que celle-ci constitue l’amorce du romantisme en musique.

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La Symphonie n°4 (1806), plus courte, se rapproche davantage du classicisme de Haydn bien qu'ayant une vitalité intense et un lyrisme abondant. Elle peut apparaître comme la plus équilibrée des symphonies de Beethoven. Avec la Symphonie n°5 (1808), Beethoven marque l'histoire pour l'éternité, avec son motif légendaire de quatre notes (souvent dit « du destin ») qui ouvre le premier mouvement. Son aspect monumental et triomphal en font la symphonie par excellence de Beethoven ainsi qu'une œuvre mondialement considérée comme modèle du genre. Il en est de même pour la Symphonie n°6 « Pastorale » (1808). Bien que très différente de la cinquième, Beethoven illustre ici encore une fois son génie. Lyrique, paisible et rêveuse, celle-ci s'oppose en effet profondément à la précédente mais le compositeur arrive par la subtilité de l’orchestration à évoquer la nature, si chère à ses yeux, ce qui en fait un véritable hymne poétique à la nature. La Symphonie n°7 (1812), assez rythmique, est souvent caractérisée par son second mouvement « allegretto » aux allures de marche funèbre. Ses rythmes qui se répètent et qui constituent une véritable obsession créent une sorte de jubilation rythmique chez l'auditeur. Plus classique, la Symphonie n°8 (1813) est avec la première la plus courte des neuf. Brillante et spirituelle, celle-ci est plus légère que les autres, à l'exception de son dernier mouvement, original et puissant, qualifierpar Igor Markevitch (chef d'orchestre) de « prodigieux final ». En 1824, Beethoven signe sa dernière symphonie achevée, la Symphonie n°9. Elle constitue un sommet de l’œuvre de Beethoven mais bien aussi de l'histoire de la musique. Beethoven explose avec celle-ci les cadres classiques (durant plus d'une heure), notamment avec son final, avec chœur et quatuor vocal, sur l'Hymne à la joie de Schiller. Avec cette œuvre, Beethoven se réconcilie en quelque sorte avec le monde et partage avec celui-ci un message d'espoir, de joie et de fraternité. Aujourd'hui encore, les symphonies de Beethoven apparaissent comme un bloc majeur et incontournable de l'histoire de la musique. « Dans cet orchestre, il y a le cœur humain » disait Victor Hugo. Le feu beethovenien n'a pas encore cessé d'éclairer et d'enflammer des milliers d'hommes, ceux qui ont compris les mots du compositeur lui-même : « La musique est une révélation plus haute que toute sagesse et toute philosophie ».

David BOYER et Samuel GUIBAL

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L’impact et la réception de la Symphonie n°3 de Beethoven

Un choc musical Une œuvre qui sort des sentiers battus. La 3e symphonie se développe en quatre mouvements. Bien que respectant le schéma habituel d’une symphonie de l’époque, c'est une oeuvre « révolutionnaire » qui développe un discours nouveau. En rupture avec les canons de l’écriture symphonique de l’époque, cette symphonie s’impose comme une œuvre incontournable. Elle s’étend sur un temps plus long, presque le double des symphonies précédentes. On remarque également le renfort de vents et un plus gros effectif orchestral. Le compositeur laisse ses sentiments les plus sincères s’entremêler dans cette œuvre, faisant apparaître d’un côté son admiration pour Napoléon Bonaparte et de l’autre une situation personnelle difficile tandis que sa surdité l’isole de plus en plus. Une réception partagée À la création de l’œuvre, les avis sont très partagés. Les auditeurs privilégiés qui avaient pu entendre la 3e symphonie lors d’un concert privé chez le Prince Lobkowitz en 1804, jugèrent l’œuvre « d’une divine longueur ». En revanche, lors de la première représentation publique, le public jugea la composition « d’une longueur interminable et décousue », certains laissant entendre que la symphonie gagnerait infiniment en clarté si le compositeur décidait de réaliser quelques coupures. Aux sources de l’œuvre : une crise personnelle et historique La composition de cette symphonie se fait dans un contexte de crise tant personnelle qu'historique. En 1802, dans une lettre écrite à ses frères il fait part de la difficulté qu'il a à surmonter sa surdité. Il manifeste également le sentiment d'être proche de la mort, il affirme alors que la musique lui permet de survivre et qu'il ne quittera le monde que lorsqu'il aura exprimé tout ce qu'il avait à transmettre à travers ses compositions. Beethoven connaît alors une période de forte créativité et manifeste une insatisfaction vis-à-vis de ce qu'il a pu

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composer auparavant. C'est alors qu'il décide d’emprunter une autre voie et la 3e symphonie en marque le début. Cette symphonie annonce les prémisses du romantisme. Le compositeur était un admirateur de la Révolution Française, il admirait Napoléon Bonaparte qu’il considérait comme un homme extraordinaire, qui avait su rétablir l’ordre lors du chaos révolutionnaire : un nouvel ordre qui reposait sur des principes républicains. Le général Bernardotte, ambassadeur de la république française, lui commande la composition d’une œuvre (la 3e symphonie) en l'honneur du héros du siècle (Napoléon), Beethoven est tout de suite séduit par ce projet. Cependant, le 2 décembre 1804, Napoléon Bonaparte s’autoproclame empereur à Notre Dame. Ries, élève et ami proche de Beethoven témoigne que lorsque le compositeur apprit la nouvelle, extrêmement déçu il s’exclama : « Ce n’est donc rien de plus qu’un homme ordinaire ! Maintenant il va fouler aux pieds tous les droits humains, il n’obéira plus qu’à son ambition ; il voudra s’élever au-dessus de tous les autres, il deviendra tyran ! » La légende raconte que Beethoven, déçu, se déplaça vers son bureau, saisit la feuille titre de sa symphonie, la déchira complètement puis la jeta par terre. Il réécrit alors la première page de sa composition et l’intitula « Sinfonia Eroica ». Deux années plus tard, la symphonie était publiée en parties séparées avec le titre « Sinfonia Grande Eroica, pour fêter le souvenir d’un grand homme » et dédiée au Prince Lobkowitz.

Guide d’écoute des mouvements 1er Mouvement – allegro con brio Ce mouvement respecte l’usage qui consiste à commencer la symphonie par un mouvement de forme sonate. La forme Sonate s’articule en 3 parties. Pour commencer une exposition qui présente les éléments thématiques sous-tendus ici par un crescendo permanent de l’orchestre (entrées progressives des instruments), une seconde partie appelée développement puis un retour fracassant de la première partie avec tout l'orchestre, c’est la réexposition. L’exposition commence par 2 accords joués par tout l'orchestre (tutti) comme un appel. Il est suivi immédiatement par le thème « héroïque » aux violoncelles d’abord, puis repris ensuite par les bois (la petite harmonie). Tous les pupitres rentrent pour conclure ensemble lors d’une nouvelle présentation du thème donné fortissimo. L’exposition présente deux groupes thématiques, le thème 1, solennel et énergique, puis le thème B plus harmonique et tendre. A

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Le développement est plus agité : Beethoven développe son thème sur des accords très dissonants pour l’époque. On retrouve des éléments thématiques de manière fragmentée entre toutes les voix. La dernière partie (réexposition) semble reprendre comme le début mais un immense crescendo et une fin tonitruante où tout l'orchestre joue de grands accords exalte le thème « héroïque » pour clore ce mouvement. Le 1er mouvement innove par sa durée, par le traitement en bloc des différentes combinaisons orchestrales, par les nombreuses dissonances et des contrastes harmoniques qui colorent progressivement l’évolution du thème. 2e Mouvement – marcia funebre – adagio assai Le deuxième mouvement de la 3ième symphonie de Beethoven est une marche funèbre : c’est une idée novatrice bien que le compositeur ait déjà eu cette démarche dans sa sonate en la bémol, opus 2, datant de 1802. C’est aussi un mouvement sans précédent dans l’histoire par ses proportions et sa densité. C’est sans doute l’une des pages les plus célèbres de Beethoven et que participera largement au succès de la 3e symphonie. Ce mouvement est à 2/4, il possède une forme tripartite, typique de la marche : La première et la dernière partie sont en do mineur en contraste avec la partie centrale en do Majeur. Le caractère funèbre du thème est suggéré par le rythme caractéristique et la partie de contrebasse qui au début suggère le roulement de tambour. Thème principal de l’œuvre

Le thème est d’abord exposé par les violons, il est aussitôt repris par le hautbois ; les cordes jouent quant à elles un motif de quatre notes (motif que l’on retrouvera dans la 5ième symphonie.) La partie centrale arrive en apportant un peu de lumière dans ce mouvement au registre sombre. Dans la troisième partie on retrouve le thème aux violons puis une double fugue dans laquelle les bois et les cuivres ont une place primordiale. Le caractère de cette fugue est assez solennel. Juste après on a une brève reprise du thème qui donne sur une fanfare jouée par les trompettes et les cors, le tout sur un motif obstiné des cordes. Lorsque cette fanfare prend fin le thème réapparaît aux hautbois et clarinettes. Ce mouvement se termine par une coda de grande ampleur. On y trouve une phrase lumineuse aux violons qui nous conduit peu à peu à l’obscurité du début et débouche sur une reprise désarticulée du thème principal. C’est un accord poignant et empreint de désolation qui clôture le mouvement. C’est l’une des codas les plus inspirées de Beethoven et qui n’est pas sans rappeler la fin tout aussi tragique de Coriolan.

3e Mouvement – Scherzo – allegro vivace Le troisième mouvement, le scherzo (grande innovation de l'époque puisqu'il remplace le menuet traditionnellement prévu en 3e mouvement) est "étincelles de flamme, de matière sonore nouvelle, palpitante qui fuse, qui se déploie et se redéploie dans le temps par gerbes entières" (A. Boucourechliev). Ce mouvement Allegro vivace, se structure en trois parties : scherzo, trio, scherzo (comme le menuet). Il débute par une sorte de lointain murmure des cordes, bouillonnement incessant, (« sempre pianissimo e staccato »), auquel se joint le hautbois, avec son chant vif et perçant. Suivent alors une succession de frémissements de plus en plus intenses qui aboutissent finalement juste avant le trio à un fortissimo où la tonalité de Mi bémol Majeur s'affirme enfin clairement, « C'est le génial bouillonnement du scherzo» écrit Romain Rolland.

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Suit alors le trio central, assuré par une fanfare de cuivres où trois cors dialoguent entre eux, ponctués par de brèves interventions des cordes. Contrastant clairement avec le scherzo, le trio égrène à l'aide des cors, l'accord parfait de MI bémol majeur. Leur sonorité n'est pas sans évoquer la chasse ou une charge de cavalerie. Pour clore le mouvement, le scherzo initial est repris quasiment textuellement, sans compter la coda finale ajoutée par Beethoven, dans laquelle l'ébullition d'origine, véritable tournoiement, refait surface pour s'éteindre avec force sur un accord massif de Mi bémol Majeur assuré par tout l'orchestre.

4e Mouvement – finale - Allegro Molto - Poco Andante – Presto Le finale de la Symphonie Héroïque est constitué d’une série de variations basée sur deux groupes thématiques, le thème de basse et le thème de Prométhée. Dans ce dernier mouvement, Beethoven utilise un thème qu’il avait déjà exploité auparavant, le « thème de Prométhée » déjà présent notamment dans le final du Ballet « Les Créatures de Prométhée » (1801), dans la 7e des 12 contredanses pour orchestre (1801) et dans les 15 variations sur un thème de Prométhée pour piano op.35 (1802). Le dernier mouvement débute par une introduction assez vivante en tutti. Progressivement, c’est le thème de basse qui va être introduit lentement en pizzicato :

Ceci déclenche une conversation plus active (sur le même thème) entre les bois et les cordes. Plus tard, le thème de Prométhée est introduit par le hautbois et sera suivi par dix variations sur le thème avant de conclure par un presto final au rythme étourdissant et à l’accord de tonique scandé durant les treize dernières mesures. Le thème de Prométhée

Ce thème musical fait allusion au mythe de Prométhée issu de la mythologie grecque, ce mythe inspira plusieurs compositeurs, peintres et écrivains. Dans la mythologie grecque, Prométhée est un titan, cousin de Zeus. Ce personnage est connu comme le sauveur de l’humanité car il aida les hommes à plusieurs reprises lorsqu’ils devaient faire face à la colère de Zeus. Le mythe raconte que Zeus priva les Hommes du feu vital (autrement dit le « feu sacré de l’Olympe »), Prométhée lutta pour le ramener auprès des Hommes. Ainsi, il parvient à ramener le feu vital à l’humanité tout en transmettant des savoirs faire précieux. Ceci provoqua une forte colère chez Zeus, qui décida de condamner Prométhée pour avoir volé le savoir divin et de l’avoir transmis aux Hommes. Il décida donc d’enchaîner Prométhée sur le mont Caucase, où l’aigle de Zeus venait tous les jours lui dévorer le foie. Ce dernier repoussait sans cesse, provoquant une souffrance éternelle à Prométhée. Beethoven décida donc d’utiliser ce thème de Prométhée pour finir cette symphonie dédiée à Bonaparte car il considérait que tout comme Prométhée, Bonaparte était le héros de l’époque qui allait se battre pour son peuple afin d’apporter des changements positifs.

Léa LESTRADE et Aracelli REJALA

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Coriolan, ouverture symphonique en ut mineur opus 62 Ludwig van Beethoven : Bonn, le 16 décembre 1770; Vienne, le 26 mars 1827 Contrairement aux autres ouvertures que Beethoven a écrites pour Egmont, Prométhée, Les Ruines d'Athènes ou Le Roi Étienne, qui ne sont que les premières d'une longue série d'œuvres écrites pour accompagner une pièce de théâtre, l'ouverture de Coriolan se suffit à elle-même. Bien que cette œuvre fût indéniablement destinée à introduire une pièce de son ami, le poète et dramaturge viennois Heinrich Joseph von Collin (1771-1811), le compositeur avait probablement une autre raison plus pressante d'écrire ce morceau. En effet, il avait besoin d'une nouvelle ouverture pour ses propres concerts et d'ailleurs, la première exécution de l'ouverture de Coriolan eut lieu au cours d'un concert privé donné au palais du prince Lobkowitz. La pièce de Collin fut présentée pour la première fois en 1802 et connut un assez bon succès, tout au moins pendant un certain temps. La musique de scène utilisée pour lapièce provenait de l'opéra Idoménée de Mozart, dans des arrangements d’Abbe Stadler. Joseph Lange, le gendre de Mozart, obtint d'excellentes critiques pour son interprétation du rôle-titre. La pièce fut retirée de l'affiche au bout de trois ans, mais, à l'occasion d'une reprise pour une seule représentation en 1807, Beethoven composa une ouverture qui reflète autant sa propre personnalité que celle du général romain dont elle reprend le nom. Le Coriolan de la pièce de Collin s'inspire du Coriolanus, héros de la dernière tragédie deShakespeare et du personnage cité dans les récits de Plutarque, œuvres que Beethoven connaissait bien. Gaïus Marcius, fut surnommé Coriolanus en raison de l'extraordinaire bravoure dont il fit preuve lorsqu'il mena les Romains à la victoire sur les Volsques, leurs ennemis de toujours, et en prenant la ville de Corioli. C'est ce qui lui valut de porter le surnom honorifique de Coriolanus. Cependant, de retour à Rome, il fut mêlé à des intrigues politiques et dut s'exiler. Pour venger cette terrible injustice, Coriolanus, plein d'amertume et de rage, offrit ses services aux Volsques et dirigea leur armée contre Rome. Ils firent le siège de la ville et Coriolanus renvoya tous les plénipotentiaires et émissaires, jusqu'à ce que les Romains fassent intervenir sa femme, sa mère et son jeune fils. Sensible aux supplications de sa famille, Coriolanus céda, et les Volsques, furieux, le tuèrent. (Dans la pièce de Collin, il se suicide.) On comprend très bien que Beethoven ait été attiré par cette histoire qui analyse les épreuves et les tribulations de l'âme humaine, pose des questions lourdes de sens et évoque le conflit de nobles idéaux (dans ce cas la fierté et l'amour). Par ailleurs, Beethoven se sentaitcertainement des affinités avec l'individualisme, l'audace, la ténacité et la solitude de Coriolanus. Le conflit qui déchire l'âme du héros se retrouve dans le contraste entre les deux thèmes principaux de l'ouverture de Beethoven. Les quatorze mesures d'introduction donnent le ton en opposant de sombres passages joués à l'unisson par les cordes à des interventions provocantes et cinglantes de tout l'orchestre. Le premier thème principal, en do mineur, est rempli d'une énergie nerveuse et agitée. C'est un thème qui exprime une sombre menace et des reproches amers. Cependant, il cède bientôt le pas à une musique lyrique et émouvante qui évoque pour de nombreux auditeurs les supplications désespérées de la mère et de la femme de Coriolanus. Bien que Beethoven ne se soit probablement pas imposé un programme précis, l'utilisation frappante des silences et des contrastes abruptes marqués par l'agitation et le lyrisme, l'impétuosité rythmique et l'émoi intérieur que suscite la musique s'associent pour tracer un portrait magnifique du personnage. L'ouverture est construite sur la forme classique de la sonate, mais avec une particularité surprenante. Il n'y a rien d'étrange à ce que la tonalité de do mineur cède le pas à une tonalité de mi bémol majeur dans le second thème contrastant. En revanche, la récapitulation ne se fait pas en do mineur, mais dans une autre tonalité (fa mineur), ce qui est extrêmement rare. (Beethoven a-t-il imité la Sonate pour piano «facile» en do, K. 545 de Mozart où l'on retrouve également un passage en fa majeur?) Le fluide second thème réapparaît momentanément en do majeur, avant de revenir en mineur.

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La coda, dont le matériau provient des quatorze mesures de l'introduction, illustre en musique la tragédie véritable de Coriolanus qui est aux prises avec un dilemme sans issue. Toutes les possibilités qui s'offrent à lui sont négatives. «La musique, écrit Klaus G. Roy ne nous offre aucun autre exemple illustrant de manière aussi perspicace la déchéance et la chute d'une personnalité; le thème principal explose littéralement, évoquant l'anéantissement total.» Coriolanus a été victime de son orgueil indomptable; le héros d'autrefois est devenu objet de mépris. La tragédie a fait son œuvre.

Robert Markow

Edward Elgar

Sir Edward Elgar est un chef d’orchestre et compositeur britannique, figure clé de la musique anglaise dite « romantique » du XIXe, début XXe siècle. L'influence d'Edward Elgar est incontestable sur les compositeurs britanniques, tels que Holst, Tippett et Britten. Compositeur largement autodidacte (initié à la musique par son père), Edward Elgar ne se limite pas à un genre en particulier : son œuvre musicale est composée de symphonies et concertos (Concerto pour violoncelle en mi mineur op.85), de musique pour chœur, cantates et oratorios (The Dream of Gerontius), de ballets (The

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Sanguine Fan), de musique de chambre (Salut d’Amour), et de musique pour clavier ainsi que pour orgue (Sonate pour orgue en sol op.28). Bien qu’il soit apprécié pendant sa carrière pour sa musique anglaise quasi- « chauvine », Elgar se sent tout de même excentré, culturellement et musicalement, de la société anglaise contemporaine : son manque de formation musicale de conservatoire (et une forte influence musicale européenne plutôt que britannique), sa foi catholique romaine, ainsi que ses origines de classe moyenne, font qu’Elgar n’atteint pas la renommée avant ses quarante ans. Reconnue aujourd’hui principalement pour son aspect mélodique, sa musique fait partie du canon musical ; Edward Elgar est aujourd’hui considéré comme un pilier incontournable de la musique anglaise. Edward Elgar en cinq dates • 1877 : premières leçons de théorie, orgue et de violon • 1899 : compose les Variations Enigma • 1904 : anobli à Buckingham Palace • 1911 : reçoit l’Ordre du Mérite • 1926 : le premier compositeur à enregistrer ses propres œuvres à l’aide du tout nouveau microphone Edward Elgar en cinq œuvres • 1899 : Variations on an Original Theme (Enigma), Op. 36 • 1899-1900 : The Dream of Gerontius, Op. 38 • 1901-1930 : Pomp and Circumstance, Op. 39 • 1913 : Falstaff, étude symphonique, Op. 68 • 1918-1919 : Cello Concerto in E minor, Op. 85

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Concerto pour violoncelle en mi mineur op. 85 Le Concerto pour violoncelle en mi mineur opus 85 d’Edgar a été écrit durant l'été 1919 dans la résidence "Brinkwells" du compositeur, dans le Sussex, comté situé au sud de Londres au bord de la Manche en Angleterre. Il est dédié à Sir Sidney et Lady Frances Colvin, deux amis du musicien. Ce concerto est considéré comme la dernière grande œuvre du musicien et fut créé à Londres le 26 octobre 1919 avec l'orchestre symphonique de Londres au Queen's Hall, sous la direction d’Elgar. Les répétitions qui précédèrent la première se déroulèrent dans des conditions difficiles car Albert Coates, chef en titre de l’orchestre, monopolisait les musiciens. Lors de la première, le manque de temps accordé aux répétitions du concerto fut ressenti par le public et les critiques. Elgar expliqua plus tard qu’il conserva l’œuvre au programme par égard du travail du violoncelliste Felix Adrian Norman Salmond. Ce concerto rompt avec les œuvres plus « joviales » du compositeur et reflète son état d’esprit d’après-guerre. Il est composé de quatre mouvements et son exécution dure environ une demi-heure. La structure de l’œuvre et sa brève analyse

Adagio – moderato

L’œuvre débute par un court récitatif de violoncelle au caractère1 dramatique :

Le premier mouvement s’ouvre avec un thème2 nonchalant exposé par les altos et repris par le soliste. Ce mouvement est d’une forme lied ABA. C’est la clarinette qui fera entendre le thème B qui se déploiera par la suite avec beaucoup de lyrisme.

1 Le caractère désigne la façon d'interpréter une pièce musicale. Il peut par exemple être : agité, amoureux, douloureux, rustique etc. 2 Air ou mélodie importante. 

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Lento – Allegro molto

Ce mouvement débute par un court solo de violoncelle à l’effet de guitare lié notamment à des accords égrainés3.

L’allegro molto est composé d’un rythme perpétuel et demande une grande virtuosité. L’orchestre ponctue les phrases du violoncelle.

3 L’égrainé d'accords est une technique qui consiste à jouer plusieurs notes d'un accord les unes après les autres. Il demande un jeu aux doigts avec une position de main stable.

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Adagio

Au caractère mélancolique et tendre, le court adagio débute par un thème au violoncelle accompagné par les cordes. Il se déroule ensuite comme une ample mélodie.

Allegro – Moderato – Allegro, ma non troppo – Poco più lento

Le finale est le plus vaste des 4 mouvements. Il débute par un récitatif qui rappelle le début de l’ouvrage. Avant de conclure cette œuvre, Elgar insère un bref épisode lent qui rappelle la deuxième phrase de l’adagio. La partition se termine de façon abrupte en mêlant pour la première fois étroitement le violoncelle et l’orchestre.

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Les indications de tempo4 Appellation italienne

Signification des indications de tempo

GRAVE Extrêmement lent (le plus lent des tempos)

LARGO Très lent

LARGHETTO Un peu moins lent que largo

LENTO Lent, entre largo et adagio

ADAGIO Lent (littéralement : à l'aise)

ADAGIETTO Un peu plus lent (ou vif) qu'adagio

ANDANTINO Plus lent qu'andante (plus vif, selon certains auteurs)

ANDANTE Modéré

MODERATO Modéré (entre andante et allegro)

ALLEGRETTO Moins vif qu'allegro

ALLEGRO Vif (littéralement : rapide, joyeux)

ALLEGRO CON MOTO

Un peu plus vif qu'allegro

VIVACE Vif, rapide

PRESTO Très rapide

PRESTISSIMO Extrêmement rapide (le plus rapide des tempos)

MODERATO Modérément (se place pour préciser la vitesse des indications comme allegro, andante)

4 Tableau réalisé à partir d’un article du Dictionnaire Dandenault de langue française « Musique - Théorie : Les indications des diverses interprétations musicales » : http://www.dddllf.com/index.php?tableau=mus_11_mouvements&mot_recherche=&mot_selection=

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Une interprétation marquante Enregistrement de l’interprétation de la célèbre violoncelliste britannique Jacqueline du Pré, accompagnée par l’orchestre symphonique de la BBC dirigé par John Barbirolli : http://www.youtube.com/watch?v=1LULTpqHNU8 Lien vers un article évoquant cette interprétation : http://fr.medici.tv/#!/jacqueline-du-pre-concerto-pour-violoncelle-elgar

Vidéo du premier mouvement par la même interprète avec l’Orchestre Philarmonique de Londres dirigé par Daniel Barenboim en 1967 : http://www.youtube.com/watch?v=UUgdbqt2ON0 Ou trouver la partition ? La partition du Concerto pour violoncelle en mi mineur op. 85 est libre de droit, on la trouve sur une page des pages du site imslp.com dont voici le lien : http://imslp.org/wiki/Cello_Concerto,_Op.85_%28Elgar,_Edward%29

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Manuscrit du Concerto pour violoncelle et orchestre en mi mineur opus 85

   

Bibliographie Voici le lien vers un site très riche consacré au concerto et à l’œuvre d’Elgar : http://www.elgar.org/3cellcon.htm Une des pages est consacrée aux ouvrages traitant de cette œuvre : http://www.elgar.org/3cello-f.htm

 

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Biographies des artistes   Constantin Trinks Né à Karlsruhe en 1975, Constantin Trinks est depuis 2009, Directeur musical de l’Opéra de Darmstadt. Assistant de Thomas Hengelbrock au Festival de Schwetzingen et de Andreas Spering au Händel Festspiele de Karlsruhe, il s’imprègne des techniques de l’époque baroque. Doté d’une voix de ténor, il a souvent chanté avec le Chœur de chambre de Stuttgart et a développé sa passion auprès de Christian Thielemann en assistant ce dernier pour la production de Tannhäuser, à Bayreuth en 2004. Trois saisons en tant que Kapellmeister au Théâtre de Sarrebruck l’ont amené à en devenir le directeur artistique, et il signe, en 2004, la spectaculaire production Intolleranza 1960 de Luigi Nono. Jusqu’en 2009, il est directeur musical à Sarrebruck et signe la création européenne du First Emperor de Tan Dun. Après une production des Maîtres Chanteurs de Nuremberg à Darmstadt, qui marque ses débuts en tant que directeur musical, le théâtre lui confie les productions de Lohengrin, Hänsel et Gretel, Parsifal, puis celle du Ring. En mars 2010, on le voit, au légendaire Semperoper de Dresde, diriger l’œuvre phare de cette maison : Der Rosenkavalier. Au Komische Oper de Berlin, Constantin Trinks dirige Don Giovanni, au Théâtre national du Luxembourg Lohengrin, à Mannheim Rigoletto et au Staatstheater Nürnberg Lucia di Lammermoor. Au New National Theater de Tokyo il signe une nouvelle production de Don Giovanni. En concert, il dirige la Deutsche Radio Philharmonie Saarbrücken, le Hessisches Rundfunk Sinfonieorchester Frankfurt, le Münchner Rundfunkorchester, les Stuttgarter Philharmoniker, ainsi que le Tokyo Philharmonic Orchestra. En décembre 2010, il est à l’Opéra national de Paris pour La Fiancée vendue et au Nationaltheater de Münich pour Der Rosenkavalier. Le jeune chef a dirigé en mars 2012 au Semperoper une nouvelle production du rarissime Svanda Dudak du compositeur juif Jaromir Weinberger, opéra classé « dégénéré » par le nazisme (entartet Muzik) dans les années 30, et traduit, à l’époque, en 27 langues. Il dirigera au Semperoper une nouvelle production du Vaisseau Fantôme pour le bicentenaire Wagner 2013, et au Festival de Bayreuth l’opéra de jeunesse de Wagner Das Liebesverbot, il sera ensuite sur les scènes du Deutsche Oper Berlin et de l’Opéra de Zürich.

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Gary Hoffman La plénitude de la sonorité, une technique parfaite, une sensibilité artistique exceptionnelle caractérisent le style de Gary Hoffman. Membre d'une famille de nombreux musiciens originaires de Vancouver, Gary Hoffman fait ses débuts au Wigmore Hall de Londres dès l'âge de 15 ans. New York l'accueillit ensuite, tandis qu'à l'âge de 22 ans il devenait, en 1979, le plus jeune professeur de la célèbre école de musique de l'Université d'Indiana où il resta huit ans. Il continue toujours d'enseigner dans les plus grandes académies et festivals (Aspen, Gregor Piatigorsky Seminar/California, Académie Sibélius à Helsinki...). Le Premier Grand Prix Rostropovich qu'il obtient à Paris en 1986 lui ouvre les voies d'une carrière internationale qui le conduit à se produire avec les plus grandes formations : Chicago, London Symphony et English Chamber Orchestra, Montréal, Toronto, Baltimore, Los Angeles Chamber Orchestra, National Symphony Orchestra, Orchestre Philharmonique de Radio-France sous la direction d'André Prévin, Herbert Blomstedt, James Levine, Andrew Davis, Mstislav Rostropovich, Charles Dutoit, Kent Nagano, Jésus Lopez-Cobos… Gary Hoffman est également un récitaliste confirmé, invité dans les plus grandes salles : Alice Tully Hall à New York, Suntory Hall à Tokyo, Ambassador Auditorium à Pasadena (Californie), Teatro Pergola à Florence, Tivoli à Copenhague, Gulbenkian à Lisbonne, St-Lawrence Center à Toronto, Mc Gill University à Montréal, au Théâtre des Champs-Élysées, à la Beethovenhaus de Bonn (intégrale des Sonates pour piano et violoncelle de Beethoven), Théâtre du Châtelet ... Gary Hoffman est le créateur de nombreux concertos (Petitgirard, 1994, Hoffman, 1998, Gagneux, 2000, Shohat, 2001, Finzi, 2002, avec l'Orchestre Philharmonique de Radio France). Il est depuis 2011, professeur à la Chapelle Musicale Reine Elisabeth à Bruxelles. Installé depuis 1990 à Paris, Gary Hoffman joue sur un Nicolo Amati de 1662 ayant appartenu à Léonard Rose.