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30 trimag.fr Après avoir arrêté sa carrière sur la distance reine il y a deux ans, l’Australien continue de courir au plus haut niveau sur Ironman 70.3, sur des courses plus proches de chez lui et de sa famille basée à Sydney. Il s’est ainsi imposé à Subic Bay aux Philippines début mars avant de gagner un mois plus tard en Malaisie sur le 70.3 de Putrajaya et à Busselton le 1 er mai… Recueilli par Gaël Couturier Photos : FinisherPix, AsiaTri, 2XU/Delly Carr INTERVIEW 31 trimag.fr Craig, est-ce que vous divisez toujours votre temps entre l’Australie l’hiver et l’été aux Etats-Unis, à Boulder dans le Colorado ? Non, je vis 100% du temps en Australie maintenant. Nous avions l’habitude ma femme et moi de passer 4-5 mois à Boulder en été, parce que c’est un endroit incroyable pour s’entraîner en triathlon, et puis d’enchaîner avec un mois à Kona, à Hawaii. Mais tout ça c’est fini maintenant. J’ai mis un terme à ma carrière sur Ironman il y a deux ans et je ne reviendrai pas là-dessus. L’an dernier je ne suis resté que 4-5 semaines à Boulder, c’est tout. Cette année je n’y vais pas. Je retourne aux Etats-Unis le mois prochain mais c’est pour une opération de promo. J’y vais pour me montrer dans les expos et faire des shooting photos mais je n’ai pas de courses de prévues là-bas. Aujourd’hui vous êtes « pro ambassador » de l’Ironman en Chine. Que pensez-vous de ce nouveau virage à l’Est ? Je crois que l’Asie en général, et la Chine en particulier, ont beaucoup à offrir au triathlon. Il y a d’abord de très beaux endroits pour faire des courses. Bon, maintenant, il faut aussi savoir que les proprié- taires de Ironman sont chinois. Ceci explique cela. Historiquement, cette boîte (Dalian Wanda Group, ndlr) était déjà bien implantée dans le sport, les médias et plus généralement dans le business de l’enter- tainment. Je crois qu’on peut leur faire confiance pour assurer le développement et la promotion de l’Ironman. Je pense que c’est une bonne chose pour notre sport parce que cette croissance dans cette partie du monde, et en Chine en particulier, va l’aider à grossir et à devenir un sport qui compte. Pendant très longtemps le triathlon est resté une affaire d’occidentaux et aujourd’hui les choses sont peu à peu en train de changer. Ca vous permet aussi de continuer à évoluer au plus haut niveau en étant plus près de chez vous ! J’aime toujours autant faire de la compétition, et je n’ai pas du tout envie d’arrêter. Mais je vais bientôt avoir 43 ans et il faut savoir se rendre à l’évidence : je sais que je ne peux plus être aussi performant qu’auparavant sur toutes les distances. Je suis bien sûr très fier de continuer à gagner des courses sur 70.3, mais ma motivation n’est plus la même pour le reste. Mes priorités ont évolué. Kona est der- rière moi maintenant. Ma famille a toujours été très importante mais disons qu’aujourd’hui je peux enfin leur consacrer plus de temps. J’ai trois enfants et je veux les voir grandir, chez moi, en Australie. Je fais des voyages plus courts, je continue de gagner des courses et je suis plus souvent avec ma famille. C’est idéal. D’autant que sur le circuit Ironman 70.3, c’est aussi plus simple d’enchaîner les courses. Est-ce que ça veut dire qu’il faut s’attendre à vous voir remporter un 3ème titre mondial sur cette distance ? Dans un monde idéal, c’est sûr, je signe tout de suite. Le fait que la course se déroule en plus tout près de chez moi, à Mooloolaba, c’est d’autant plus tentant que jusqu’à présent j’ai toujours dû me rendre à l’autre bout de la terre pour gagner des titres. Mais bon, la vraie compétition c’est contre les meilleurs athlètes, sur les plus belles courses et au plus haut niveau. Se préparer pour une finale Ironman, même en 70.3, demande une concentration extrême. La motivation doit être limpide et gagner la course doit devenir le seul but de votre vie sur la période. Je n’ai pas fait de championnat du monde depuis plusieurs années. Prenez les champions d’aujourd’hui, les Sebastian ÊTRE ET DURER ! ALEXANDER CRAIG

Craig Alexander TriMag France June16 Gael Couturier

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Après avoir arrêté sa carrière sur la distance reine il y a deux ans,

l’Australien continue de courir au plus haut niveau sur Ironman 70.3,

sur des courses plus proches de chez lui et de sa famille basée à

Sydney. Il s’est ainsi imposé à Subic Bay aux Philippines début mars

avant de gagner un mois plus tard en Malaisie sur le 70.3 de Putrajaya et à

Busselton le 1er mai…

Recueilli par Gaël Couturier Photos : FinisherPix, AsiaTri, 2XU/Delly Carr

interview

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Craig, est-ce que vous divisez toujours votre temps entre l’Australie l’hiver et l’été aux Etats-Unis, à Boulder dans le Colorado ?Non, je vis 100% du temps en Australie maintenant. Nous avions l’habitude ma femme et moi de passer 4-5 mois à Boulder en été, parce que c’est un endroit incroyable pour s’entraîner en triathlon, et puis d’enchaîner avec un mois à Kona, à Hawaii. Mais tout ça c’est fini maintenant. J’ai mis un terme à ma carrière sur Ironman il y a deux ans et je ne reviendrai pas là-dessus. L’an dernier je ne suis resté que 4-5 semaines à Boulder, c’est tout. Cette année je n’y vais pas. Je retourne aux Etats-Unis le mois prochain mais c’est pour une opération de promo. J’y vais pour me montrer dans les expos et faire des shooting photos mais je n’ai pas de courses de prévues là-bas.

Aujourd’hui vous êtes « pro ambassador » de l’Ironman en Chine. Que pensez-vous de ce nouveau virage à l’Est ?Je crois que l’Asie en général, et la Chine en particulier, ont beaucoup à offrir au triathlon. Il y a d’abord de très beaux endroits pour faire des courses. Bon, maintenant, il faut aussi savoir que les proprié-taires de Ironman sont chinois. Ceci explique cela. Historiquement, cette boîte (Dalian Wanda Group, ndlr) était déjà bien implantée dans le sport, les médias et plus généralement dans le business de l’enter-tainment. Je crois qu’on peut leur faire confiance pour assurer le développement et la promotion de l’Ironman. Je pense que c’est une bonne chose pour notre sport parce que cette croissance dans cette partie du monde, et en Chine en particulier, va l’aider à grossir et à devenir un sport qui compte. Pendant très longtemps le triathlon est resté une affaire d’occidentaux et aujourd’hui les choses sont peu à peu en train de changer.

Ca vous permet aussi de continuer à évoluer au plus haut niveau en étant plus près de chez vous !J’aime toujours autant faire de la compétition, et je n’ai pas du tout envie d’arrêter. Mais je vais bientôt avoir 43 ans et il faut savoir se rendre à l’évidence : je sais que je ne peux plus être aussi performant qu’auparavant sur toutes les distances. Je suis bien sûr très fier de continuer à gagner des courses sur 70.3, mais ma motivation n’est plus la même pour le reste. Mes priorités ont évolué. Kona est der-rière moi maintenant. Ma famille a toujours été très importante mais disons qu’aujourd’hui je peux enfin leur consacrer plus de temps. J’ai trois enfants et je veux les voir grandir, chez moi, en Australie. Je fais des voyages plus courts, je continue de gagner des courses et je suis plus souvent avec ma famille. C’est idéal. D’autant que sur le circuit Ironman 70.3, c’est aussi plus simple d’enchaîner les courses.

Est-ce que ça veut dire qu’il faut s’attendre à vous voir remporter un 3ème titre mondial sur cette distance ? Dans un monde idéal, c’est sûr, je signe tout de suite. Le fait que la course se déroule en plus tout près de chez moi, à Mooloolaba, c’est d’autant plus tentant que jusqu’à présent j’ai toujours dû me rendre à l’autre bout de la terre pour gagner des titres. Mais bon, la vraie compétition c’est contre les meilleurs athlètes, sur les plus belles courses et au plus haut niveau. Se préparer pour une finale Ironman, même en 70.3, demande une concentration extrême. La motivation doit être limpide et gagner la course doit devenir le seul but de votre vie sur la période. Je n’ai pas fait de championnat du monde depuis plusieurs années. Prenez les champions d’aujourd’hui, les Sebastian

Être et durer !AlexAnderCrAig

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Kienle, les Jan Frodeno, les Javier Gomez : la compétition est leur priorité numéro un. Ce qui n’est plus mon cas. Si j’arrive à m’entraîner correctement, alors pourquoi pas. Mais atten-tion, je parle d’un entraînement de classe mon-diale. Sinon ce n’est pas la peine.

Pensez-vous que votre longévité au plus haut niveau a quelque chose à voir avec le fait que vous avez démarré la compétition assez tard dans votre vie ? Oui. Absolument. Mais j’irai encore plus loin : ce n’est pas seulement parce que je n’ai pas commencé la compétition trop tôt dans ma vie que je suis encore au top à 43 ans, c’est parce que je n’ai pas démarré le triathlon tout court avant d’avoir 20-21 ans. Cela dit, je crois que les choses ne pourraient plus se passer de la même manière aujourd’hui, surtout sur les distances comme le 70.3 ou les courses ITU où les athlètes sont beaucoup plus jeunes qu’avant. En 10 ans, non seulement le niveau a beaucoup augmenté mais le nombre d’athlètes élite a aussi beaucoup augmenté. Se faire une

étant régulier à l’entraînement bien sûr, mais en adoptant surtout une mentalité positive qui va nous aider à garder le cœur bien accroché quand ça ne va pas.

Est-ce que tous les grands champions sont les mêmes qu’il fassent du tennis, du golf, du surf ou de l’Ironman ? Je crois que tous les sportifs professionnels font preuve de beaucoup d’engagement. Après, c’est vrai que notre sport offre aussi de la souffrance et donc du dépassement de soi, on ne s’en cache pas. Mais, je le répète, c’est aussi ce qui plaît. Voilà bien un trait de caractère que nous avons tous ont en com-mun, et pas seulement les pros. Je ne pense pas qu’on soit masochistes pour autant. Je n’ai jamais eu peur de souffrir. Je ne dis pas que j’ai aimé souffrir. Ce sont deux choses différentes. J’ai toujours su qu’à un moment donné de la course, sur le marathon sans doute, j’allais tra-verser des moments difficiles et qu’il y avait de grandes chances pour qu’ils s’inscrivent sur la durée, parfois pendant deux heures et de-mie. Il faut accepter ça. Autant je comprends que l’on puisse subir une défaite, autant je ne comprends pas qu’on ne donne pas tout pour réussir, ce qui sous-entend résister autant que possible à la souffrance physique.

Une nouvelle génération d’athlète a émergé ces dernières années sur les Ironman. En quoi sont-ils différents de vous ?Je pense qu’ils ont tous commencé à pratiquer le triathlon beaucoup plus jeune que moi. Et puis ils sont tout simplement plus forts. Ils ont aussi été mieux coachés. Prenez Jan Frodeno par exemple : c’est un pur produit de la fédé-ration allemande de triathlon. Il a longtemps couru en ITU et a eu accès à des structures d’entraînement très abouties, avec les meil-leurs entraîneurs nationaux. Quand vous regardez ces athlètes, on voit que leur tech-nique est très aboutie, qu’ils ont été corrigés à l’entraînement en piscine ou en vélo où leur position est vraiment très bonne. Jan à vélo, on dirait un champion du Tour de France ! Ja-vier Gomez a aussi un très belle technique de course à pied. Notre sport est en train de gran-dir, de mûrir, de progresser. Il continue de se professionnaliser. Jan, encore lui, voyage en permanence avec un kiné. Il est très, très, pro-fessionnel. Sebastian et Javier font à peu près la même chose. Moi je n’ai jamais eu de coach comme ça à plein temps. Et puis ils ne viennent

place au soleil est donc devenu beaucoup plus dur. Plus personne aujourd’hui ne peut se mettre au triathlon à 20 ans et espérer devenir champion du monde 10 ans plus tard, ce qui a été mon cas. J’ai fait mon premier Ironman à 34 ans ! Pas étonnant que je ne sois pas en « burnout »…

« Se battre jusqu’à la mort ». Je vous ai déjà entendu dire ça. Pensez-vous que tout le monde puisse faire de l’Ironman ? Avant toute chose, il faut savoir qu’un Ironman demande énormément de préparation. Sur les plus courtes distances, bien souvent, on part à fond et hop, c’est déjà fini. L’Ironman au contraire est une distance où vous avez tout le temps de réfléchir, de monter en puissance puis de… souffrir. La course est toujours assez longue pour que quelque chose d’imprévu sur-vienne et vous mette en difficulté. La vraie dif-férence entre une épreuve de courte distance et un Ironman c’est l’ampleur du test au niveau mental. Un Ironman c’est plus un défi psycho-logique qu’un défi physique parce qu’avec de

l’entraînement plus ou moins tout le monde peut être capable en théorie de s’aligner sur une telle distance. Je pense d’ailleurs que c’est ce défi psychologique qui fait justement tout l’attrait et le succès des Ironman partout dans le monde. On sait tous que ce n’est pas facile, qu’il va y avoir des moments difficiles, que c’est un combat contre soi-même. C’est facile de faire une belle course quand tout va bien. C’est à la portée de tout le monde. Mais prenez Simon Lessing, 4 fois champion du monde ITU, Mark Allen ou Dave Scott, tous deux 6 fois vainqueur de l’Ironman d’Hawaii, et même Jan Frodeno aujourd’hui… quand ces gars-là n’ont pas été dans un bon jour, ils ont toujours su trouver les ressources pour ren-verser la tendance, transformer des moments difficiles en victoires. Pour moi, c’est ça le secret. Et c’est pour ça que l’Ironman est si dif-ficile mentalement : il y a toujours des choses que l’on ne peut pas contrôler, il y a toujours des événements inattendus avec lesquels il faut se battre. Ne pas abandonner. Ça résume tout pour moi.

La peur face au mythe que représente un Iron-man, est-ce une émotion légitime selon vous ? Bien sûr ! La peur fait partie de l’exercice ! A chaque Ironman que j’ai fait, j’ai ressenti la peur, l’incertitude aussi. Parce que ça ne passe quasiment jamais comme prévu. Mais vous devez accepter ça parce que personne n’y échappe, pas même les pros. J’ai lu une citation intéressante à ce sujet l’autre jour. Elle disait ceci : « Si vous vous contentez de ne faire que ce dont vous vous savez capables, alors vous ne saurez jamais de quoi vous êtes vraiment fait ». On ne peut pas avancer dans la vie quand on fait toujours les choses que l’on maîtrise. C’est important de sortir de sa zone de confort. L’Ironman ça sert à ça. La course dure tellement longtemps que tout peut arriver. Il faut juste en avoir conscience et l’accepter, et puis se lancer. On prépare un Ironman en

pas d’un autre sport comme c’était souvent le cas à mon époque où les gars venaient du vélo ou du running. Ils sont triathlètes dès le départ. Le triathlon est en train de devenir plus profes-sionnel, le niveau monte. J’ai beaucoup de res-pect pour cette nouvelle génération parce que c’est grâce à eux que le triathlon progresse.

Avez-vous justement parfois été inspiré par des athlètes d’autres sports ?J’ai toujours admiré les athlètes qui étaient là sur la durée. Gagner une fois, tout le monde peut le faire. Ce n’est pas la même chose d’être au top pendant 5 ou 10 ans. J’ai grandi en jouant au foot et j’ai toujours aimé Diego Maradona. Lui, aussi, il a duré. Quand j’ai découvert le triathlon à la télévision, j’ai vu Kona à l’époque de Mark Allen et Dave Scott. J’ai aussi dé-couvert Greg Welch, un australien qui s’est

imposé en 1994, l’année où j’ai démarré dans ce sport. Pour moi, Welch était un personnage important parce qu’il était capable de s’impo-ser partout, sur toutes les distances. Chez les filles, pareil : je me suis beaucoup inspiré de Michellie Jones, une athlète australienne qui a gagné Kona en 2006 juste avant la domina-tion de Chrissie Wellington, elle-même arrêtée par une autre australienne : Mirinda Carfrae. Mine de rien, Michellie Jones était aussi très forte sur la durée. A chaque course, on savait qu’elle allait faire une grosse performance. Et comme Greg Welch, elle était capable de s’im-poser sur toutes les distances, d’une distance olympique sans drafting comme le triathlon de Chicago à une course ITU avec drafting ou en-core un half-Ironman et même un Ironman. En dehors du triathlon, il y a Roger Federer. C’est un être à part. Il a vraiment la classe. Pour moi c’est lui le meilleur. A 34 ans, après avoir tout gagné, il est encore au top alors qu’il est père de famille avec quatre enfants et que le tennis est typiquement un sport où les athlètes sont jeunes. Mais Roger est phénoménal. Jouer au tennis a l’air tellement facile pour lui.

Le débat continue de faire rage au sein de la communauté professionnelle pour savoir si les femmes doivent ou non avoir le même nombre de slot que les hommes à Hawaii. Quelle est votre opinion sur le sujet ?Je n’ai aucun souci à ce qu’il y ait le même nombre de femmes et d’hommes parmi les pros à Kona mais je pense qu’il faudrait en revanche limiter les deux à 30 dossards maximum et non 50 pour les hommes et 30 pour les femmes comme c’est le cas aujourd’hui. Pourquoi ? Parce que c’est la finale du championnat du monde et qu’il faut que cela reste prestigieux. La sélection se fait naturellement de toute façon car aujourd’hui on a l’impression que la WTC cherche désespérément à remplir son quota de pros. Bref, on marche sur la tête ! Je pense aussi qu’on devrait avoir les 10 premiers hommes et les 10 premières femmes à Kona au-

« Un 3ème titre en championnat du monde 70.3, en septembre, chez moi, en Australie ? Dans un monde idéal, c’est sûr, je signe tout de suite. Si j’arrive à m’entrainer correctement, alors pourquoi pas. Mais attention, je parle d’un entrainement de classe mondiale. Sinon c’est pas la peine ».

« C’est facile de faire une belle course quand tout va bien. Mais Lessing, Allen, Scott, Frodeno…quand ces gars-là n’ont pas été dans un bon jour, ils ont toujours su trouver les ressources pour renverser la tendance, transformer des moments difficiles en victoires. Pour moi c’est ça le secret ».

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tomatiquement qualifiés pour l’année suivante. La distance Ironman est vraiment spécifique. Et Kona ne ressemble à aucune autre course. C’est l’épicentre de notre sport. C’est là que se réunissent les meilleurs athlètes du monde. Si vous êtes performant et dans les 10 premiers à Kona, ça veut tout simplement dire que vous êtes dans les 10 meilleurs du monde, et c’est donc logique que pour tous les efforts que vous avez pu faire soient récompensés par une qua-lification automatique pour l’année d’après. De plus, le système actuel est dangereux car il pousse bon nombre de triathlètes, ceux qui sont plutôt en bas de classement, à faire plus que deux Ironman dans une saison pour tenter de se qualifier à Kona. Je pense que ce n’est pas bien. A terme, vous allez vous user, vous blesser et vous ne serez pas capable d’être à haut niveau pendant de longues années. Car ce n’est pas seulement les muscles et les car-tilages qui souffrent et s’usent dans ce sport mais c’est le système immunitaire tout entier qui est parfois fragilisé. Je l’ai moi-même vécu : après avoir gagné deux fois Hawaii en 2008 et 2009 mon corps m’a lâché. J’ai terminé 4ème à Kona en 2010 et j’ai aussitôt attrapé un mauvais virus. J’avais 37 ans, une famille à charge, je

ne savais pas si j’allais pouvoir revenir. C’était un moment très difficile. Je me souviens que je me suis même cassé des côtes en toussant. Bref, j’ai vécu l’enfer pendant 3 mois.

Quel est le meilleur conseil que vous ayez jamais reçu, et quelle est la plus grosse erreur que vous ayez jamais commise ? Il faut penser sur la durée, ne pas essayer de tout faire rapidement. En triathlon, si on veut progresser sainement, il faut avoir une stratégie à long terme. J’en suis la preuve vivante. J’ajoute qu’on peut bien sûr écou-ter les conseils des uns et des autres, aussi talentueux soient-ils. Mais, au final, il faut apprendre à se connaître suffisamment pour réussir à être dans une gestion personnelle de l’entraînement. Car ce qui convient à cer-tains ne convient pas à d’autres. La plus grosse erreur de ma carrière a justement sans doute été de répéter les mêmes choses trop souvent. Répéter les mêmes entraînements, appliquer toujours les mêmes stratégies de course. Beaucoup d’athlètes se retrouvent coincés dans une routine qui peut fonctionner pendant un temps mais peu savent s’en affranchir pour évoluer vers autre chose. C’est surtout vrai

en vieillissant. Je l’ai réalisé après mes deux victoires à Hawaii et comme vous dites ça m’a bien réussi pour aller chercher mon 3ème titre deux ans plus tard. A 30-35 ans on est souvent au top de son endurance mais vers 37-38 ans, le corps change, qu’on le veuille ou non. Il ne faut alors pas hésiter à changer sa manière d’aborder les choses. Je crois qu’il n’y a pas d’autres moyens si l’on veut continuer à être performant sans se blesser et en restant tou-jours autant motivé.

CrAIg ALExAndEr En BrEF

Né le 22 juin 1973 à Sydney (AUS)Mesure 1,80m pour 68kg

Palmarès :3X Champion du monde Ironman 2008,2009, 20112X Champion du monde Ironman70.3 2006 et 2011 (2e en 2012)10 victoires sur Ironman 70.3 (au 1er mai 2016, et hors championnats du monde)Vainqueur Ironman Melbourne 2012

« Le plus important à mes yeux ? La constance, le fait de durer. Gagner une course, une fois, tout le monde peut le faire. C’est pas la même chose d’être au top pendant 5 ou 10 ans ».

Craix Alexander collectionne les victoires sur 70.3 en ce début de saison

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