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CRISE ET GUERRE SONT-ELLES LIÉES ? Rémy Herrera De Boeck Supérieur | Innovations 2013/3 - n° 42 pages 175 à 194 ISSN 1267-4982 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-innovations-2013-3-page-175.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Herrera Rémy, « Crise et guerre sont-elles liées ? », Innovations, 2013/3 n° 42, p. 175-194. DOI : 10.3917/inno.042.0175 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur. © De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - National Chung Hsing University - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 00h26. © De Boeck Supérieur Document téléchargé depuis www.cairn.info - National Chung Hsing University - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 00h26. © De Boeck Supérieur

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CRISE ET GUERRE SONT-ELLES LIÉES ? Rémy Herrera De Boeck Supérieur | Innovations 2013/3 - n° 42pages 175 à 194

ISSN 1267-4982

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-innovations-2013-3-page-175.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Herrera Rémy, « Crise et guerre sont-elles liées ? »,

Innovations, 2013/3 n° 42, p. 175-194. DOI : 10.3917/inno.042.0175

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© De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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CRISE ET GUERRE SONT-ELLES LIÉES ?

Rémy HERRERACNRS, Centre d’Économie de la Sorbonne (UMR 8174)

Université de Paris 1 Panthé[email protected]

Le point de départ du présent article est un constat d’entrée en crise tant de la domination de la haute finance sur le système mondial capitaliste que de la doctrine idéologique sur laquelle cette stratégie s’est déployée. Compo-sée des plus puissants oligopoles bancaires et financiers, propriétaires du ca-pital mondialement dominant, la haute finance a jusqu’à ce jour son centre de gravité situé au cœur de l’hégémonie globale : les États-Unis. Après s’y être consolidée dans les dernières décennies du XIXe siècle, puis s’être lancée à la conquête du monde jusqu’à la Dépression de 1929 qui marqua son recul relatif et son placement sous surveillance, elle dut attendre les années 1970 et le démantèlement du régime d’étalon de change-or, instauré au sortir de la Seconde Guerre mondiale, pour s’imposer à nouveau. Cette reprise du pouvoir par la haute finance intervint dans un contexte de déclin des taux de profit enregistré dès la fin des années 1960 dans la plupart des pays du centre, qui s’approfondit et se généralisa en une crise ouverte, avec basculement dans le chaos monétaire. Le point tournant de cette transformation fut le « coup d’État financier » de 1979, par lequel la Federal Reserve Bank (Fed), prêteur en dernier ressort du système financier international, récemment gagnée aux thèses monétaristes, décida unilatéralement, et brutalement, de relever ses taux d’intérêt. Les effets de cette réorientation de la politique monétaire états-unienne furent tout à fait énormes, tant pour ses partenaires du Nord, dont les politiques plièrent sous la contrainte extérieure, que pour l’ensemble des pays du Sud – en contribuant à poser les conditions d’une crise de la dette.

Cette « reconquista financière » opéra sur les ruines des anciens piliers du système mondial : remise en cause de la « régulation fordiste » et stagflation au Nord (années 1970), échec des programmes des bourgeoisies nationales et endettement au Sud (années 1980) et effondrement du bloc soviétique à l’Est (début des années 1990). Une profonde modification du rapport de

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forces capital/travail à l’échelle mondiale permit l’offensive globale de l’idéo-logie néolibérale. Ses dogmes purent dès lors s’attaquer à l’État que, chacune à sa façon, les diverses stratégies volontaristes de développement avaient placé au cœur de leurs projets d’autonomisation des conditions d’accumula-tion et de reproduction dans les relations internationales (Herrera, 2006a, 2006b) : compromis keynésien au Nord, planification à l’Est et dans le Sud socialiste, « développementisme » des bourgeoisies nationales ailleurs. Au niveau national, la logique antiétatique fut poussée par une déformation de la structure de propriété du capital au profit du secteur privé et la réduction des dépenses publiques et sociales, ainsi que par une rigueur salariale deve-nue le pivot de la désinflation, prioritaire sur toute autre considération. Au niveau global, les objectifs étaient de perpétuer la suprématie internatio-nale du dollar, avec des changes flexibles, et de promouvoir le libre-échange par la levée du protectionnisme et la libéralisation des transferts de capi-taux. La « normalisation » planétaire de cette stratégie de dérégulation (i. e. de re-régulation par la seule force des oligopoles) et de mondialisation financière, aux effets amplifiés par l’absence d’entité supra-étatique face aux marchés globalisés, relevait des fonctions des institutions monétaires locales (banques centrales « indépendantes ») et des organisations internationales, comme aussi de celles – c’est l’hypothèse que nous voudrions soumettre au lecteur – de l’arsenal militaire des États-Unis. À l’heure où ce nouvel ordre, imposé il y a plus de trois décennies, semble remis en cause, nous propose-rons donc de questionner ici les liens existant entre crise et guerre.

SORTIR DU MAINSTREAM NÉOCLASSIQUE POUR COMPRENDRE LA CRISE ET LA GUERRE

Pour tenter de saisir ces liaisons, une condition préliminaire est de s’ex-traire de la « science-fiction » néoclassique1. L’analyse de la guerre est rare-ment abordée par les économistes du mainstream, qui s’en détournent assez systématiquement pour l’abandonner à leurs collègues d’autres disciplines, politologues ou spécialistes de géostratégie notamment. Toute différente, l’« économie de la défense » a certes fait l’objet de contributions extrême-ment nombreuses, toujours plus technicisées (mathématisées) au fur et à mesure de son intégration au sein du corpus dominant, et émanant d’auteurs de tout premier plan, comme Arrow ou Intriligator2. Le paradoxe est que

1. Pour une critique, à la fois radicale et technique, de l’« idéologie scientifique » néoclassique : Herrera (2010b).2. Cf. Intriligator (1990) et Arrow (1992). Également : Leontief et al. (1983), Tinbergen (1990), Sen (1992).

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ces recherches ne sont pas parvenues, jusqu’à l’heure présente, à dégager de conclusions claires et assurées. Force est de constater que la grande com-plexité de ce champ d’étude, qui implique souvent une dimension politico-stratégique, et que renforce la fréquente opacité des informations statistiques relatives aux dépenses militaires3, est réelle et l’économiste qui investit ce domaine se heurte d’emblée à de très sérieuses difficultés, comme : le manque de données concernant la défense, qui gêne l’économètre dans ses tenta-tives de vérification empirique ; un problème d’identification des effets dif-férenciés de telles dépenses, dont le rôle dans l’économie, fort singulier et multiforme, est particulièrement délicat à démêler pour le formalisateur ; ou la nécessité de combiner dans l’analyse des considérations de nature à la fois économique et stratégique, contribuant ainsi à sophistiquer la modéli-sation. D’évidence, ces problèmes sont délicats à résoudre ; ils ne sauraient cependant être prétextes à dissimulation des défectuosités et incohérences des travaux orthodoxes.

Ce sont surtout les effets des dépenses de défense qui retiennent l’intérêt des néoclassiques, en particulier sur les dynamiques de l’innovation, du pro-grès technique et de la croissance. Le débat portant sur les externalités de la recherche-et-développement (R&D) du secteur militaire reste controversé. Nombre de travaux théoriques et empiriques orthodoxes évaluant l’impact de la R&D de défense montrent que le détournement de ressources vers cette dernière s’avère coûteux en termes de production, notamment par effet d’éviction au détriment de la recherche civile – sans toutefois qu’un tel arbitrage ne soit d’ailleurs démontré de façon convaincante. Un consen-sus semble se dessiner autour de l’idée que les retombées technologiques de la défense tendraient à se réduire ; d’aucuns allant jusqu’à soutenir que les flux nets de connaissances scientifiques se seraient inversés et iraient plutôt du civil vers le militaire. Quant aux études économétriques considérant la défense comme un bien public, leurs conclusions sont partagées. En macro-dynamique, les effets des dépenses militaires sur la productivité totale ou le taux de croissance du produit se révèlent souvent non significatifs, ou contradictoires (Aschauer, 1989a, 1989b ; Barro, 1981, 1991). L’estimation de modèles d’offre – typiquement néoclassiques – avec externalités du sec-teur de la défense dans la formalisation multisectorielle des contributions factorielles donne fréquemment des résultats décevants, sans impact sur la croissance4. Là encore, le débat n’est pas tranché. Plus lourds, les modèles d’équilibre général calculable – microéconomiques –, dont les simulations

3. Herrera (1994).4. Le plus communément utilisé, inspiré de Feder (1983) et de Ram (1985), est jusqu’à maintenant dû à Biswas et Ram (1986).

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sont censées mesurer les gains de production consécutifs à une réduction de budgets militaires, sont critiquables, comme le sont ceux – macroécono-miques – inspirés de la théorie de la croissance à progrès technique endo-gène, visant à capter les effets dynamiques de la défense. L’une des (mul-tiples) insuffisances de ces formalisations est l’absence de prise en compte d’indicateurs de sécurité, empêchant de raisonner en termes stratégiques. L’approfondissement des liaisons croissance - sécurité, qui peut se traduire par l’étude des interactions entre Pareto-optimalité et équilibre de Nash, conduit à la théorie des jeux, mais les conclusions alors obtenues, dans ce domaine de l’expression mathématique par excellence, sont très divergentes (Intriligator, Brito, 1976 ; Herrera, 2010a). Au total, et en bref, il reste que les tentatives destinées à incorporer des variables militaires dans les travaux néoclassiques ont parfois amené d’intéressantes intuitions, mais elles sont le plus souvent contradictoires, contingentes, voire infructueuses. À cela rien de vraiment surprenant : comment les tenants du mainstream parvien-draient-ils à construire une « économie de la guerre », eux qui mobilisent une méthodologie faisant abstraction du pouvoir, du conflit et de la politique ?

Qu’en est-il de l’analyse de la crise. Le fait est (incroyable) qu’il n’existe pas de théorie de la crise à l’intérieur du courant dominant. Pire : pour les néoclassiques, la crise n’existe pas – ne peut pas exister – dans l’élément de la théorie. Ceci est tellement vrai que la majorité des encyclopédies éco-nomiques orthodoxes n’ont pas même d’entrée ou de chapitre sur le sujet. Dans la théorie (pour l’économie orthodoxe : la modélisation) aussi bien que dans l’empirie (pour elle : l’économétrie), le thème de la crise intéresse assez peu d’auteurs néoclassiques : rares sont les travaux académiques qui y sont consacrés, y compris à ses frontières (internes) néokeynésiennes (Nakatani, Herrera, 2010). Rappelons que, pour le mainstream, la monnaie n’est pas intégrée dans le circuit, encore moins dans la dynamique de reproduction du capital : valeur égale prix ; taux de profit égale taux d’intérêt. En microéco-nomie, il n’y a pas de monnaie dans l’équilibre général d’Arrow et Debreu (1954) ; en macroéconomie, la monnaie est neutre, de telle sorte que l’équi-libre devient automatique, et la crise « interdite » par construction. Il est important de garder à l’esprit que l’idéologie scientifique du capitalisme ne prend pas la crise pour objet d’étude, et n’est donc pas en mesure d’expliquer les crises du capitalisme réellement existant.

Toutefois, comme la crise est un fait difficile à nier en pratique, ceux d’entre les auteurs néoclassiques qui l’analysent le font presque exclusive-ment à partir de facteurs extérieurs aux marchés, venant perturber les méca-nismes de correction automatique par le système des prix : les interventions inopportunes de l’État, des « bugs » informatiques (les ordres de transactions

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financières étant passés par ordinateur, avec des temps de réaction mesu-rés en nanosecondes), ou encore les mauvais comportements de quelques agents (des fraudes de Ponzi à la Madoff aux « trous » à la Kerviel creusés par des traders imprudents). En réalité, la spéculation n’est pas un excès ou une erreur de la corporate governance ; il s’agit d’une potion magique contre le mal structurel du capitalisme, un remède pour contrecarrer la tendance à la baisse du taux de profit et offrir des débouchés aux masses de capitaux ne trouvant plus à s’investir dans la production de façon rentable – l’éclatement des « bulles » étant le prix à payer (par qui ?). Dans la vision néoclassique, la concentration de la propriété privée, pas plus que la logique de maximi-sation du profit individuel, ne sont en elles-mêmes tenues pour probléma-tiques. Et la conception orthodoxe de l’État reste celle d’une entité séparée de la sphère économique et non dominée par les intérêts du capital. Dans ce cadre, les syndicats existent, au moins en théorie ; pas la lutte des classes. Par conséquent, pour saisir les relations qui nous occupent, il convient de s’éloi-gner de telles interprétations, ascientifiques et tournant le dos au réel ; car les crises sont parties intégrantes de la dynamique contradictoire de repro-duction élargie du capital (Herrera, 2010b, 2011).

AUX ORIGINES PROFONDES DE LA CRISE SYSTÉMIQUE

Une erreur commune des interprétations de la crise actuelle consiste à la considérer comme financière et contaminant la sphère réelle de l’économie. Il s’agit en réalité d’une crise du capital, dont l’un des phénomènes les plus visibles a surgi au sein de la sphère financière en raison de la financiarisation extrême du capitalisme contemporain. Nous avons véritablement affaire à une crise systémique – qui touche le centre du système capitaliste, au cœur même du pouvoir de la haute finance contrôlant l’accumulation depuis trois décennies. Elle s’interprète comme crise de suraccumulation, découlant de l’anarchie de la production et conduisant à une pression à la baisse tendan-cielle du taux de profit dès lors que les contre-tendances (y compris les nou-velles, liées aux instruments financiers) viennent à s’épuiser. Cette suraccu-mulation de capital se manifeste à travers un excès de production vendable, parce que la concentration des richesses tend à exclure une proportion tou-jours plus grande de la population de la possibilité d’acheter des biens. Mais au lieu de faire face à une surproduction standard de marchandises, l’essor du système du crédit permet aujourd’hui au capital de s’accumuler sous les formes les plus abstraites du capital-argent.

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Ici, le concept de « capital fictif », son principe de base – c’est-à-dire la capitalisation d’un revenu dérivé d’une survaleur à venir – et les formes sous lesquelles il se déploie (capital bancaire, bourses ou endettement public) sont centraux pour appréhender la crise que nous traversons. Bien que la monnaie et les marchés aient connu des changements considérables depuis son époque, Marx5 a laissé à ce sujet des éléments théoriques tout à fait fondamentaux pour saisir ces mouvements fictifs du capital, qui intègrent le système de crédit et le capital monétaire, et dont l’analyse conduit à celles de la reproduction élargie en lien avec l’essor exorbitant de formes de plus en plus irréelles du capital, en tant que sources de valorisation autonomisées, en apparence séparées de la plus-value et appropriées sans travail, comme « par magie ». La titrisation et les échanges de produits dérivés constituent aujourd’hui de puissants vecteurs d’expansion du capital fictif. Dans un tel contexte, on comprendra que les dépenses consacrées à la défense nationale (et à la sécurité intérieure) peuvent devenir, lorsqu’elles sont financées par de la dette publique, une source majeure de rentabilité pour les capitalistes, dans la mesure où elles permettent de transformer du capital productif en ca-pital fictif. Néanmoins, en dépit de sa nature (en grande partie) parasitaire, ce dernier bénéficie d’une redistribution de plus-value et alimente la forma-tion de capital fictif additionnel à considérer comme moyen de sa propre rémunération (Nakatani, Carcahnolo, 2001).

Ainsi, les conditions de la crise qui éclata sur le compartiment des sub-primes du marché immobilier états-unien avaient été préparées par des dé-cennies de suraccumulation de capital fictif. Il convient de ce fait de replacer les événements actuels dans une perspective de plus longue période d’aggra-vation des dysfonctionnements des mécanismes de « régulation » du système mondial sous l’hégémonie des États-Unis, et ce, depuis au moins les années 1960, lorsque les déficits internes et externes caractérisant leur économie, causés notamment par la guerre du Vietnam, provoquèrent la multiplication des eurodollars et des pétrodollars sur les marchés interbancaires et de très fortes tensions sur le dollar – lesquelles se sont finalement révélées intenables. Pendant la Guerre froide, le développement des forces productives aux États-Unis avait été impulsé, dans une certaine mesure, par l’importance des dépenses de défense et du complexe militaro-industriel, à travers la « course aux armements » et les progrès techniques induits (par exemple, les systèmes informatisés et les robots commandés par ordinateur…). Les contradictions majeures que la crise a mises en évidence, situées à l’articulation des sphères financière et réelle, plongent leurs racines profondes dans l’épuisement des

5. Lire : Marx (1977), section 5 du Livre III du Capital, à partir du chapitre XXV, et surtout au chapitre XXIX.

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moteurs de cette expansion de l’après Seconde Guerre mondiale ; y compris du fait de l’atténuation de l’impact des retombées technologiques du secteur de la défense (Deger, Sen, 1995 ; Hartley, Sandler, 2007). Les modalités d’extraction de la plus-value et d’organisation de la production ont peu à peu touché leurs limites, et durent être relayées par des méthodes modernisées et réimpulsées par de nouvelles formes de progrès technique, ce qui bouleversa les bases sociales mêmes du système productif, notamment par substitution toujours plus poussée de capital au travail (Herrera, Nakatani, 2008). Après cette longue période de suraccumulation, concentrée de plus en plus dans la sphère financière, l’excès d’offre accentua les pressions à la baisse des taux de profit, observable dès la fin de la décennie 1960.

C’est précisément pour tenter de résoudre – sans succès – ces problèmes d’orientation à la baisse tendancielle des taux de profit et d’essoufflement des moteurs de la croissance aux États-Unis que la Fed permit ce que nous avons appelé le « coup d’État financier » de 1979, par le biais duquel la haute finance états-unienne reprit le pouvoir sur l’économie mondiale. Cet événement, majeur, était imposé après une série d’autres, et dont le plus marquant fut le démantèlement des accords de Bretton Woods, avec le choix des États-Unis d’abandonner la convertibilité-or et de liquider le système d’étalon de change-or en 1971-1973, ouvrant ainsi la voie à une flexibilisa-tion des régimes de change et aux vagues de déréglementation des marchés monétaires et financiers à compter de la fin des années 1970. Ces marchés allaient être modernisés, tout spécialement à travers l’essor d’outils de cou-verture rendus nécessaires par la volatilité de marchés globalement intégrés, après la libéralisation des taux de change et des taux d’intérêt. Les montants correspondant à la création de capital fictif (sous forme de produits dérivés notamment) ont vite, et largement, dépassé ceux destinés à la reproduc-tion du capital productif, tandis que leurs échanges étaient dominés par un nombre très restreint et de plus en plus concentré d’oligopoles financiers géants, tels Morgan ou Goldman Sachs, désormais en mesure d’imposer leur diktat à toute l’économie – État compris (Herrera, 2003).

C’est dans ce cadre que l’on peut entendre que la succession de crises monétaro-financières à répétition qui ont frappé les différentes grandes éco-nomies depuis 1979 participe en réalité d’une même crise globale : mora-toire mexicain (1982), crise de la dette du « tiers-monde » dans la décennie 1980, krach états-unien (1987), attaques spéculatives contre les monnaies de l’Union européenne, en particulier contre la livre sterling et la lire (1992-1993), Mexique à nouveau (1994), Japon ensuite (1995), Asie « émergente » ou non (1997-1998), Russie et Brésil (1998-1999) – Côte d’Ivoire même, pourtant réputée à l’époque « miracle africain » –, et encore les États-Unis

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(2000), puis l’effondrement (2000) et la cessation de paiements de l’Argentine (2001), Turquie presque au même moment… Ceci, jusqu’à l’aggravation de la crise depuis le centre même de l’hégémonie mondiale, à partir de 2007, et sa généralisation à l’ensemble de la planète. Il nous semble donc bien difficile d’apercevoir avec les conseillers du président Barack H. Obama le « beginning of the end of crisis ». Il ne s’agit pas là d’une crise de crédit ou de liquidité habituelle et passagère, par laquelle le capitalisme trouverait à se recomposer et à se consolider en recommençant à fonctionner « normale-ment », grâce à un essor renouvelé des forces productives et dans le cadre de rapports sociaux reconfigurés. Cela paraît beaucoup plus grave.

LES TEMPS DE LA CRISE… ET DE LA GUERREOn se souvient que la crise dite « des subprimes » a éclaté aux États-Unis

quand une masse critique de débiteurs commença à éprouver des difficultés pour rembourser les emprunts contractés ; ce qui fut le cas lorsque la Réserve fédérale releva son taux d’intérêt (prime rate) dans le but d’attirer davantage de capitaux destinés à financer les déséquilibres internes et externes croissants enregistrés par son économie. Les prix de ces titres composites, ainsi que les risques qui les caractérisent, étant de plus en plus mal évalués, les problèmes se sont vite déplacés du compartiment des subprimes vers celui des crédits de crédits immobiliers, puis vers ceux des prêts solvables (les primes). L’implosion de la bulle des instruments adossés aux hypothèques immobilières contamina alors les autres segments des marchés financiers et, de là, le marché monétaire proprement dit. C’est par conséquent le système de financement de l’écono-mie états-unienne dans son ensemble qui se trouva bloqué. Dans une société où des masses d’individus toujours plus nombreuses sont exclues ou « sans droits », l’élargissement des débouchés offert aux propriétaires capitalistes pouvait certes retarder la dévalorisation de l’excédent de capitaux placés sur les marchés financiers, mais en aucun cas l’éviter. De fait, l’effondrement bru-tal du pan financier du système mondial capitaliste ne révélait que l’une des dimensions, parmi d’autres, de sa crise structurelle et multidimensionnelle (à la fois socio-économique, politique, énergétique, alimentaire…).

Un aspect important de la question qui nous occupe est que les guerres que l’hégémonie du système mondial a engagées en Afghanistan et en Irak (Figures 1 et 2) ont été lancées en un temps précis. L’année 2001 – marquée par les attentats du 11 septembre, qui serviront de « justification » à l’attaque contre l’Afghanistan en octobre (Herrera, 2001, 2005, 2007) – est déjà un moment de crise6, causée par les conséquences de l’explosion de la bulle de

6. Rappelons à ce propos que l’année 1913, tout comme celle de 1938, était elle aussi une année de crise…

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la « nouvelle économie » un an plus tôt, notamment en termes de ralen-tissement de la croissance. C’est à partir de cette date que sont clairement réorientées à la hausse, après plusieurs années de repli, les dépenses de dé-fense états-uniennes et le « fardeau militaire » (Figures 3 et 4). La crise glo-bale qui finit par éclater en 2006-2007 a surgi au moment de modifications déterminantes de la politique monétaire aux États-Unis, consécutivement à l’aggravation de leurs déséquilibres extérieurs et intérieurs. Les premiers, repérables aux différents niveaux de la balance des paiements, sont dus pour partie à la poursuite des délocalisations d’activités industrielles, notamment vers le Mexique ou la Chine ; les seconds, que l’on retrouve dans les déficits budgétaires cumulés et l’endettement massif des administrations publiques, peuvent s’expliquer par un faisceau de raisons, complexes, dont la plus déci-sive est, à notre avis, la pression croissante de besoins de financement asso-ciés aux guerres que le gouvernement états-unien a choisi d’entreprendre afin de s’assurer du contrôle militaire de la planète (Figure 5).

Ainsi, à la suite de la récession observée au long de l’année 2000, la Fede-ral Reserve Bank avait brusquement réduit son prime rate de 6,50 % en dé-cembre 2000 à 1,75 % douze mois plus tard, pour le diminuer encore à 1,00 % mi-2003. Elle avait maintenu le taux d’intérêt à ce niveau très bas jusqu’à la moitié de l’année 2004. C’est exactement dans cet intervalle-là, juste au cours de cette période – période de dilatation du budget militaire du fait de la guerre lancée en Irak à partir de mars 2003, après celle d’Afghanistan, permettons-nous d’insister – durant laquelle les taux d’intérêt réels états-uniens étaient devenus assez nettement négatifs, que les mécanismes allant amener peu après la crise des subprimes se sont mis en place, avec des prises de risques de plus en plus élevés dans l’immobilier. À partir de 2004, soit à peine un an après le début du conflit en Irak, et en raison – notamment, mais fondamentalement – de l’« effort de guerre » (en d’autres termes, l’alourdissement du fardeau mili-taire), la Fed fut contrainte de relever son taux d’intérêt jusqu’à 5,25 % à la mi-2006 pour accélérer les entrées de capitaux. Quelques mois plus tard, dès la fin de l’année 2006, des débiteurs commençaient à interrompre les rembourse-ments dans leurs échéanciers de prêts hypothécaires pour défaut de paiement. La Réserve fédérale conserva pourtant ce taux d’intérêt assez haut, au-dessus de 5 %, jusqu’à la mi-2007, alors même que les signes de la gravité de la crise étaient devenus évidents. Ce n’est que très tardivement, à partir d’août 2007, qu’elle commença à accorder aux établissements bancaires les quantités gigan-tesques de crédits que l’on sait à des taux proches de zéro – sans pour autant parvenir à éviter l’extension de paniques financières. Entre-temps, l’économie états-unienne s’était enfoncée dans la dépression ; ce qui n’empêcha pas les profits des oligopoles des secteurs de la finance, de la banque et de l’assurance de se redresser extrêmement vite, revenant dès 2009 à leur niveau de 2001 et, fin 2010, à celui d’avant la crise (Figure 6).

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Figure 1 – Effectifs militaires des États-Unis en dehors du territoire national entre 1991 et 2010 (en unités)

Source : Calcul de l’auteur d’après les données de l’U.S. Department of Defense (années variées).Note : Composante « in Foreign Countries » des « Active Duty Military Personnel Strengths », à laquelle sont ajoutés les effectifs militaires engagés dans les Operation Iraqi Freedom (en Irak, depuis 2003), Operation Enduring Freedom (en Afghanistan, à partir de fin 2004) et Operation New Dawn (Irak depuis septembre 2010).

Figure 2 – Effectifs militaires états-uniens officiellement engagés en Irak et en Afghanistan entre décembre 2002 et décembre 2011 (en unités)

Source : Calcul de l’auteur d’après les données de l’U.S. Department of Defense (années variées).Notes : OIF = Operation Iraqi Freedom en Irak (à partir de mars 2003) ; OEF = Operation Enduring Freedom en Afghanistan (à partir de décembre 2004) ; OND = Operation New Dawn en Irak (à partir de septembre 2010).

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Figure 3 – Comparaison des dépenses militaires et d’éducation aux États-Unis de 1999 à 2010

(en pourcentage du produit intérieur brut)

Source : Graphique de l’auteur d’après les données de U.S. Government Spending (années variées).

Figure 4 – Dépenses militaires des États-Unis entre 1991 et 2010(en milliards de dollars constants de 2010)

Source : SIPRI (années variées).

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Figure 5 – Dépenses militaires par pays en 2010(en pourcentage des dépenses militaires mondiales de 2010)

Source : SIPRI (années variées).

Figure 6 – Profits des établissements financiers aux États-Unis entre 2001 et 2010 (en milliards de dollars)

Source : Graphique de l’auteur d’après les NIPA Tables de l’U.S. Department of Commerce (années variées).Note : Lire, dans la Table 6-16D, la ligne 12, « corporate profits – other financial – domestic industries ».

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LE CONTRÔLE DU SECTEUR MILITAIRE PAR LA HAUTE FINANCE

L’ampleur du secteur de la défense dans l’économie états-unienne ne peut être sous-estimée. À l’heure présente, les dépenses militaires de l’hégémonie mondiale se situent à près de 6 % du PIB – qui reste le premier du monde (Figure 3). Pour l’année 2008, le président George W. Bush avait demandé au Congrès la somme de 647,2 milliards de dollars au titre de la défense nationale7. Contrairement à ce que laissaient entendre ses déclarations de campagne, le président Barack H. Obama accentua une tendance à la re-montée du budget militaire, au point de lui faire approcher 700 milliards de dollars en 2010 (Figure 4). Cela représentait approximativement un cin-quième du budget total de l’État fédéral – soit pas loin de 44 % des dépenses militaires mondiales (Figure 5). Cependant, si l’on intègre dans les calculs les flux financiers liés aux services d’intérêts et d’amortissements des dettes publiques associées à ces dépenses budgétaires – c’est-à-dire si l’on choisit de raisonner en termes de « capital fictif » –, la charge effectivement suppor-tée par le contribuable serait plus lourde. Maintes estimations des dépenses militaires états-uniennes totales suggèrent qu’elles dépasseraient 1 000 ou 1 100 milliards de dollars (Foster, Magdoff, 2009). Même ainsi corrigé, quan-titativement, le « fardeau militaire » ne suffit pas à prendre la mesure de l’im-portance du secteur de la défense ; la réflexion doit aussi être menée à partir d’une analyse qualitative approfondie des rapports de forces internationaux et du réseau d’installations militaires états-uniennes implantées à travers le monde8, ainsi que des puissances de frappe des armes possédées (Herrera, 1994). Mais quel que soit le critère de militarisation que nous retenons, il ressort une supériorité totale des États-Unis par rapport à leurs alliés du Nord (France ou Royaume-Uni) comme à leurs rivaux de l’Est et du Sud (Russie et Chine, surtout). Cela ne veut cependant pas dire qu’ils sortiront assurément vainqueurs des guerres en cours (en Irak et en Afghanistan) ou à venir (en Iran, voire en Chine ?).

Il n’en demeure pas moins que les « profiteurs » de la guerre ne manquent pas, associés aux groupes de pression mobilisant à la fois de hauts respon-sables de l’armée, des congressistes des commissions de défense et les diri-geants des firmes transnationales de l’armement, dont les activités de lob-bying professionnalisé aboutissent à la capture des énormes contrats distribués

7. En « Function 050 » : budget du Département de la défense (« subfunction 051 ») du niveau fédéral, plus une série de dépenses de nature militaire supportées par d’autres ministères (Sécurité intérieure, Justice, Énergie…).8. Voir l’article de Cicchini et Herrera consacré aux bases et effectifs militaires états-uniens dans ce numéro.

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par les diverses agences gouvernementales (Herrera, 2010b). Il s’agit ici, de manière générale, des principales entreprises états-uniennes productrices d’armements, aux chiffres d’affaires astronomiques, comme Lockheed Martin, Boeing, Northrop Grumman, General Dynamics ou Raytheon, avec chacune plusieurs dizaines de milliards de dollars de contrats, et aussi L-3 Communica-tions, United Technologies, SAIC, ITT, Kellogg Brown & Root, Honeywell, General Electric, ITT, Computer Sciences, etc. S’il faut ajouter à cette liste les entités « étrangères » (la Britannique BAE Systems, la Germano-franco-néerlandaise EADS, l’Italienne Finmecanicca, la Française Thales, etc.), une large majorité des plus grandes firmes mondiales du secteur ont leur siège implanté aux États-Unis (Tableau 1). Et celles d’entre ces sociétés privées qui avaient le plus bénéficié des premiers contrats accordés au moment du lan-cement des guerres d’Afghanistan et d’Irak se nommaient : KBR à nouveau, alors filiale du groupe Halliburton (pour quelque 11,4 milliards de dollars de la mi-2002 à la mi-2004), Parsons (5,3 milliards sur la même période), Fluor (3,8 milliards), Washington Group (3,1), Shaw Group E&I (3,0), Bechtel (2,8), Perini (2,5), Contrack (2,3), et encore Tetra Tech, USA Environmen-tal, CH2M Hill, American International Contractors (avec respectivement, près de 1,5 milliard de dollars de contrats militaires), etc.

Tableau 1 – Principales firmes transnationales de l’armementDans le monde en 2010

Rang Entreprise PaysChiffre d’affaires militaire

(en milliards de dollars)

1 Lockheed Martin États-Unis 42,0252 BAE Systems Royaume-Uni 33,4183 Boeing États-Unis 31,9324 Northrop Grumman États-Unis 30,6565 General Dynamics États-Unis 25,9046 Raytheon Co. États-Unis 23,1397 EADS Pays-Bas 15,0138 Finmeccanica Italie 13,3329 L-3 Communications États-Unis 13,01410 United Technologies États-Unis 11,10011 SAIC États-Unis 8,40012 Thales France 8,03213 ITT États-Unis 6,09714 KBR États-Unis 5,41015 Honeywell États-Unis 5,382

Source : News Defence (2011). Voir : http://www.defense.news.com.

À ce niveau du raisonnement, l’important est de souligner l’emprise de la haute finance états-unienne sur la plupart de ces firmes transnationales de l’ar-mement, y compris les plus grosses. Ce phénomène, qui est allé s’accentuant au cours des deux dernières décennies, se manifeste par une prise de contrôle de la structure de propriété de leur capital par des investisseurs institutionnels

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eux-mêmes détenus par les oligopoles bancaires et financiers aux États-Unis. Au début des années 2000, cette proportion atteignait 95,0 % du capital de Lockheed Martin, 86,5 % de Engineered Support Systems, 85,9 % de Stewart & Stevenson Services, 84,7 % de L-3 Communications, 82,8 % de Northrop Grumman, 76,0 % de General Dynamics, 70,0 % de Raytheon, 66,0 % de Titan et 65,0 % de Boeing9. De la même façon, au fur et à mesure que le gouvernement états-unien a externalisé ses activités de défense, une part toujours plus grande des sociétés militaires privées est passée sous la coupe de la finance. Ainsi, DynCorp, rachetée en 2003 par la société d’infor-matique Computer Sciences Corp., devenait deux ans plus tard la propriété du private equity fund Veritas Capital. Déjà, en 2000, l’acquisition de MPRI par L-3 Communications Holdings avait permis à d’honnêtes citoyens de participer au capital, sans parfois le savoir, d’une autre société militaire dont la gamme des activités s’étend du mercenariat à l’« interrogatoire » de pri-sonniers. Cette collaboration était récompensée à l’automne 2006, lorsque l’annonce d’un juteux contrat obtenu par MPRI pour du « personnel em-barqué dans l’armée états-unienne » en Afghanistan et en Irak fit bondir l’action en bourse de la Maison mère. La rentabilité de Vinnell, racheté par le groupe financier Carlyle, suscita tant d’intérêt qu’elle changea récemment plusieurs fois de propriétaire (Cicchini, Herrera, 2008).

CRISE, GUERRE ET ACCENTUATION DES CONTRADICTIONS DU SYSTÈME CAPITALISTE

Une question fondamentale est celle de savoir si les États-Unis pour-raient, par les guerres, redynamiser l’accumulation de capital au centre du système mondial. Nous pensons que non, dans la mesure où les destructions de capital (de capital constant et de capital variable) qui sont causées par ces conflits, tout à fait considérables pour les pays qui en souffrent, seraient insuffisantes pour impulser un nouveau cycle long d’expansion du capital aux États-Unis, comme ce fut le cas avec la reconstruction permise grâce au plan Marshall au sortir de la Seconde Guerre mondiale et au début des « Trente Glorieuses ». Elles seraient également insuffisantes pour relancer la croissance lorsque sont pris en compte les effets de demande effective asso-ciés à ces guerres, effets qui concernent pour l’essentiel le court terme, ou les retombées technologiques (de type spin off), lesquelles ne sont positives que

9. Chiffres donnés par Mampaey et Serfati (2004). Depuis, il y eut des changements : Stewart & Stevendon a été en partie racheté par Armor Holdings (2006), puis par BAE Systems (2007) ; EDO repris par ITT (2007)…

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dans le secteur militaro-industriel lui-même (Nakatani, 2001). À moins que les guerres de l’empire ne s’étendent davantage et deviennent permanentes, dans un contexte où les conditions paraissent aujourd’hui réunies pour que l’une des conséquences les plus graves de la crise systémique que nous vivons soit la poursuite accélérée du drainage de capitaux internationaux par les États-Unis et l’accentuation de la confrontation Nord/Sud…

En attendant, la multiplication d’interventions armées menées sous la conduite des États-Unis, directement (par exemple, au Yémen, où Pentagone et CIA ont été invités par le président Obama à collaborer plus étroitement) ou non (par le truchement de l’Otan, comme ce fut le cas en Libye) exa-cerbent toujours davantage les contradictions internes du système capita-liste. Parmi ces dernières, l’une des plus significatives – et des moins médiati-sées – est la montée de résistances anti-guerre aux États-Unis – jusqu’au sein même de l’armée. On s’en souvient, le passage de la conscription à la pro-fessionnalisation y remonte au début des années 1970. Une telle mutation répondait à des exigences de nature non seulement technico-économique, mais aussi politique, liées en particulier à la nécessité de reprise en main du commandement militaire sur une partie des contingents de jeunes appelés dans le contexte historique troublé de la défaite au Vietnam et des vagues de contestation des « années 1968 ». Le mouvement « RITA » (Resistance Inside The Army), né en 1967 à l’initiative de soldats opposés à la guerre, eut en effet un impact non négligeable sur nombre de conscrits. L’esprit des anciens resisters du temps de la guerre du Vietnam souffle aujourd’hui dans le mani-feste des « IVAW » (Iraq Veterans Against the War), organisant la résurgence actuelle des contestations à l’intérieur de l’armée états-unienne10.

L’externalisation des activités de défense par l’État a porté ces contradic-tions à un niveau de tension supérieur. En Irak, les effectifs mobilisés par les sociétés militaires privées (environ 182 000) ont dépassé ceux de l’armée états-unienne entre les mois de juin et décembre 2008, tandis que le nombre de combattants paramilitaires (75 000 hommes) en faisait dès 2007 le deu-xième contingent engagé dans cette guerre, et représentait plus que le total des troupes alliées (23 000 militaires). Intégrés dans la « force totale », ces mercenaires sont employés par plus de 300 firmes (KBR, Blackwater USA, MPRI, Vinnell, DynCorp, etc.), se partageant un chiffre d’affaires annuel de quelque 100 milliards de dollars. Leur principal client reste l’État, qui a transformé l’Irak et l’Afghanistan en terrains d’action d’un nouveau « mar-ché de la guerre » – ouvert après le 11 septembre par la « global war on terror ». L’échec de cette forme de « partenariat public/privé » n’en est pas

10. « Nous, IVAW, sommes contre la guerre d’Irak fondée sur le mensonge… » (cf. le site Web : http://ivaw.org/).

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moins complet. Ces évolutions ont produit des contradictions à la fois éco-nomiques et politiques nouvelles, plus graves encore que celles qui les ont amenées. Car l’inefficacité de cette « privatisation de la sécurité » apparaît de plus en plus manifeste ; inefficacité à « minimiser les coûts », mais sur-tout à gagner ces guerres. Les économies budgétaires permises par le recrute-ment sous contrats de travail flexibles de mercenaires sont compensées par la charge supplémentaire à porter par le contribuable états-unien, due aux contrats offerts à ces firmes privées. Les scandales sont ici connus : absence d’appels d’offres au prétexte d’accords secrets, surfacturations, paiements de services non effectués, doubles comptabilisations, cohabitations douteuses d’actionnaires, exactions à répétition, conflits entre soldats de l’armée ré-gulière et mercenaires privés (qui sont mieux payés, bénéficient de meil-leures « conditions de travail », échappent à la sanction du droit)… En bref, l’impasse de la stratégie de guerre est totale. Et les estimations du coût financier des divers conflits dans lesquels les États-Unis sont engagés sont faramineuses11.

La poursuite des guerres de l’empire aggravera toutefois encore les désé-quilibres de l’économie états-unienne. On le sait, les crises sont des moments au cours desquels certaines fractions de capital, en général les moins pro-ductives ou innovatrices, sont incorporées dans une structure de propriété plus concentrée. Jusqu’à présent, les réorganisations de la domination du capital dans l’histoire ont toujours permis au système de se doter d’institu-tions et d’instruments macroéconomiques plus efficaces afin d’atténuer les conséquences dévastatrices des crises, mais jamais d’éviter l’exacerbation de ses profondes contradictions intrinsèques. De même, les mesures anticrise adoptées récemment, consistant à coordonner les actions des Banques cen-trales afin d’injecter des liquidités sur le marché interbancaire par création de monnaie primaire, d’offrir des lignes de crédit spéciales aux banques pri-vées et de réduire les taux d’intérêt, avec pour objectifs de limiter la déva-lorisation du capital fictif en freinant la chute des marchés tout autant que d’empêcher le système de s’effondrer, n’ont pas davantage résolu les pro-blèmes les plus fondamentaux du système capitaliste. Dès lors, ce qui est en jeu, et qui rend ces guerres pour ainsi dire « nécessaires » du point de vue de la haute finance états-unienne, c’est l’extension maximale de son pouvoir de commandement sur le système mondial capitaliste, aujourd’hui placé sous le contrôle militaire états-unien.

11. Celle – assez hasardeuse – donnée par le prix Nobel d’Économie J. Stiglitz, est de 3 000 milliards de dollars.

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CONCLUSION

Crise et guerre sont très étroitement imbriquées. Elles le sont, surtout, parce que cette dernière est intégrée au cycle, économiquement, en tant que forme extrême de destruction de capital, mais aussi politiquement, pour la reproduction des conditions de maintien du commandement des frac-tions dominantes des classes dominantes – la haute finance – sur le système mondial. L’assaut qu’ont lancé les oligopoles bancaires et financiers sur le complexe militaro-industriel aux États-Unis leur a assuré un contrôle de ce secteur. Dans ce processus, le rôle de l’État fut déterminant pour le capital – car c’est celui-là qui entre en guerre pour le compte de celui-ci. Siphonage de ressources mondiales et usage de la force armée participent de la même logique.

À l’heure présente, la probabilité d’aggravation de la crise systémique du capital est élevée. Or, si le problème structurel pour la survie du capitalisme est celui d’une pression à la baisse des taux de profit, et si la financiarisa-tion ne constitue pas une solution durable pour lui, alors l’accentuation de l’exploitation du travail apparaît comme la seule perspective qu’il offrira, jusqu’à son agonie. Le capital fictif, bien que largement parasitaire, exige en effet d’être payé, et il obtient cette rémunération par le transfert d’excédent du capital productif et une pression incessante à l’accroissement de l’exploi-tation de la force de travail.

Nous avons soutenu que les États-Unis ne pourront pas relancer, par la guerre, un cycle long d’accumulation du capital au centre du système mondial, car, pour y parvenir, la crise que nous traversons actuellement devrait encore détruire des montants absolument gigantesques de capital fictif, largement parasitaire. Toutefois, les contradictions du système capita-liste sont aujourd’hui devenues tellement profondes et difficiles à résoudre qu’une telle dévalorisation risquerait de le pousser vers un effondrement. La situation présente ressemble moins au début de la fin de la crise qu’au commencement d’un long processus d’effritement du stade actuel du capi-talisme – oligopolistique et financiarisé –, qui ouvre des perspectives de transition et pousse, selon nous, à s’interroger sur les alternatives de trans-formations post-capitalistes.

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Crise et guerre sont-elles liées ?

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