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Croissance du secteur industriel privé en Algérie dans ses relations avec le secteur national Author(s): Bouziane Semmoud Source: Canadian Journal of African Studies / Revue Canadienne des Études Africaines, Vol. 16, No. 2 (1982), pp. 279-291 Published by: Taylor & Francis, Ltd. on behalf of the Canadian Association of African Studies Stable URL: http://www.jstor.org/stable/484297 . Accessed: 13/06/2014 01:06 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Taylor & Francis, Ltd. and Canadian Association of African Studies are collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Canadian Journal of African Studies / Revue Canadienne des Études Africaines. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.78.109.119 on Fri, 13 Jun 2014 01:06:08 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Croissance du secteur industriel privé en Algérie dans ses relations avec le secteur national

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Croissance du secteur industriel privé en Algérie dans ses relations avec le secteur nationalAuthor(s): Bouziane SemmoudSource: Canadian Journal of African Studies / Revue Canadienne des Études Africaines, Vol.16, No. 2 (1982), pp. 279-291Published by: Taylor & Francis, Ltd. on behalf of the Canadian Association of African StudiesStable URL: http://www.jstor.org/stable/484297 .

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Revue canadienne des etudes africaines/Canadian Journal of African Studies Vol. 16, no. 2, 1982: 279-291

Croissance du secteur industriel privo en Algorie dans ses relations avec le secteur national Bouziane SEMMOUD*

ABSTRACT

While less important than the state-owned sector, the private industrial sector has grown remarkably since 1966. This sector, however, uses only small amounts of capital, specializes in production for consumer consumption, and exploits inexpen- sive labour. Given state protectionism, this private industrial sector was guaranteed success in the 1970s. Downstream from the public sector, the private sector produces only a small amount of value added, while at the same time benefitting from a significant transfer of value, and almost always at the expense of state enterprises. The principal consequences of this situation are the concentration of capital- together with its fractioning--which constitutes the economic foundation for the creation of an industrial bourgeoisie, a geographical concentration along the coast perpetuating the colonial regional disparities, and finally, increasing social disparities.

INTRODUCTION

Le developpement de l'industrie privee, comme celui du commerce ou encore anterieurement de la rente fonciere, ont particip6 et participent encore a des diff6renciations economiques. Les consequences sociales et spatiales en sont visibles et multiples. Notre objectif est d'approcher le processus de croissance du secteur industriel priv6 en particulier dans ses relations avec les structures 6tatiques. L'hypothese principale est qu'ai la suite des decisions institutionnelles prises par le pouvoir politique, celles- ci y ont jou6 un r6le appreciable. Un 6ventuel dynamisme interne est difficilement generalisable a l'ensemble du secteur priv6. Cette croissance se produit dans un contexte caracteris6 par une contradiction. D'un c6te, un discours qui tend, sinon vers des objectifs 6galitaires, du moins

"

r'duire au maximum les in'galites sociales. De l'autre, une pratique qui favorise necessairement le raffermissement d'une bourgeoisie "a peine naissante.

Quand en septembre 1966 est promulgu6 en Algerie le Code des inves- tissements, I'entreprise industrielle privee ne connait pas d'expansion no- table. Un cadre institutionnel lui est fix. En m.me temps se pr-cise la

*Maitre Assistant au D6partement de Geographie, Universite d'ORAN Algerie

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strategie nationale de developpement. L'Etat se reserve "la realisation des projets d'investissement dans les branches reconnues vitales pour l'6cono- mie nationale". De cette strat6gie d6pendra fortement la structuration

6conomique et sociale de l'Alg6rie en un ensemble coherent et aux capa- cites d'6changes 61astiques. Au secteur priv6 incomberait la tache de l'investissement dans les branches dites "secondaires."

Malgr6 la forte croissance qu'il a connue dans les annees 1970, le secteur industriel priv6 reste minoritaire par rapport au secteur national. Les 611 millions de DA investis entre 1967 et 1972 constituent A peine le vingtieme des investissements industriels publics pr6vus au premier plan quadriennal. En 1970, ann6e oui l'essentiel des investissements se trouve

d6ja engage - la chute va intervenir d s 1971 - le secteur industriel priv6 ne fournit que le dixieme de l'emploi total. On se r6f6rera souvent A l'ann6e 1970-1971: c'est I'ann6e oii les structures industrielles priv6es semblent plafonner. L'investissement priv6 s'oriente d6sormais vers d'autres sec- teurs sp6culatifs. Entre 1973 et 1978 le secteur industriel priv6 accuse une

r6gression. La part du commerce et des services dans les valeurs ajout6es totales du secteur priv6 alg6rien triple entre 1969 et 1978'. En 1971 la conjoncture politique et sociale est marquee par la nationalisation des

int6rets 6trangers et le lancement de la Revolution agraire. Les capitaux priv6s sont alors aussi l'objet de transfert ill6gal vers l'6tranger.

I - CARACTERISTIQUES DU SECTEUR INDUSTRIEL PRIVE

Le secteur prive n'a pas demarr6 sur la base d'une "veritable accumula- tion pr6alable du capital. Il s'est d6velopp6 a partir de conditions "capita- listiques" tres m6diocres. En l'absence d'6tudes quantifi6es sur l'origine des capitaux, A cause de la difficult6 voire l'impossibilit6 d'obtenir des informations de cette nature, I'approche ne peut etre que qualitative. Le peu de capital investi a pu parfois provehir en partie de l'Etat sous forme de pret. Il a souvent r6sult6 d'une sp6culation effr6nbe dans le secteur commercial aux lendemains de l'ind6pendance. Le secteur priv6 avait tenu alors le r6le de puissant interm6diaire entre les structures 6tatiques naissantes et un march6 fourni et de plus en plus diversifi&2. La rente fonciere a pu aussi etre A l'origine d'investissements mais en empruntant presque syst6matiquement la voie de l'investissement commercial. Moyen- nant un r6investissement permanent, I'artisanat a pu constituer une source appreciable d'investissements industriels. En meme temps, il fran-

1. A. Belhimer, "Secteur prive et d6veloppement, priorit ' la production," El Moudja-

hid, Alger, 20 d6cembre 1981. 2. AARDES, "Etude industrie priv6e", "l'enqukte men6e aupres d'un &chantillon repre-

sentatif d'entrepreneurs priv6s a montr6 que 60 pour cent 6taient d'anciens commerqants de gros et demi-gros et 16 pour cent des artisans", Secretariat d'Etat au Plan, Alger 1975.

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Croissance du secteur industriel prive en Algerie 281

chissait les 6tapes qui l'ont men &a l'activit6 industrielle: manufacture et semi-industrialisation. Ces phases n'ont permis d'accumulation sensible que dans la mesure oui elles se d6roulaient dans une conjoncture particu- libre. A la fin de l'-re coloniale, des credits sont accord6s dans le cadre du Plan de Constantine. La presence de l'arm6e franpaise constitue un

march6 artificiel considerable pour la couverture de Tlemcen et les cuirs de M6d6a. Cette conjoncture s'est occasionnellement prolong6e apres l'in- d6pendance. Ainsi deux entreprises tlemceniennes se sont vu accorder 40 pour cent du march6 "couvertures pour n6cessiteux" propose par l'Etat alg6rien en 1962, soit 400000 couvertures3. L'accumulation 6tait favoris6e par le pr6velement d'une plus value considerable sur la main-d'oeuvre et des profits importants sur les artisans domines par l'entreprise devenue ou en voie de devenir semi-industrielle. Celle-ci cumule aussi l'activit6 de collecte et de commercialisation de la production artisanale dans la ville meme oui elle est domicili6e ou dans d'autres agglomerations environnantes.

En promulguant le code des investissements de 1966, l'Etat se propo- sait d'encourager l'initiative priv6e. IL la cantonnait aussi dans les secteurs qu'il ne pouvait d6velopper dans l'imm6diat et qu'il consid6rait - A cette 6tape - comme secondaires dans la strat6gie de d6veloppement. Des capi- taux qui "sommeillaient" allaient &tre "d6terr6s" et des emplois cr66s. En fait, ce sont en majorit6 des unites de tres petite taille qui allaient &tre cr66es n'atteignant qu'exceptionnellement la centaine de salaries. Le nom- bre moyen de salaries par unite pour tous les projets agr66s de 1967 a 1972 est de 33. En 1970, les deux tiers des entreprises industrielles priv6es alg6riennes comptaient entre 5 et 19 salaries. 10 pour cent A peine d6pas- saient le seuil de 50 salari6s4. Sur les 86 soci6t6s oranaises de plus de 20 ouvriers qui ont r6pondu a l'enquete industrielle de 1974, 49 comptaient de 20 a 40 salaries. A peine sept d6passaient la centaine et une seule atteignait 300 travailleurs. Selon une autre source5, et cette fois-ci pour l'ensemble des unites oranaises employant au moins 5 salaries, 56 pour cent employaient moins de 20 travailleurs, 1,5 pour cent soit 5 unites d6passaient 150. Par contre, dans la moiti6 des unites du secteur national, I'effectif exc6dait 150. Les unites de petite dimension y sont exception- nelles. Dans le triangle Skikda-Constantine-Annaba, le nombre moyen par unite priv6e 6tait en 1974 de 31 salaries. 11 atteignait 396 par unite nationale6. Par ailleurs, les capitaux mobilis6s sont tres faibles eu 6gard au potentiel pressenti. Les projets d'investissement de 1967 a 1972 ont

3. A. Prenant et A. Lavallois, "Rapport sur l'industrie algerienne en 1963", document inedit, Alger, 1963.

4. Op. cit., p. 2. 5. D. Benchehida, "Structures industrielles A Oran", these de 3eme cycle, Oran, 1980. 6. A. Bendjelid, "Implantations et emplois industriels dans le triangle Skikda-Constantine

-Annaba," these de 3eme cycle, Paris 1,1976.

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porte sur 771 unites et 646, 4 millions de DA. Les projets agrees en 1968, I'ann6e la plus f6conde avec 1969, repr6sentaient A peine le dixieme de l'investissement priv6 total de la meme annee. Il apparait ainsi que l'in- dustrie a mobilis6 une part modeste des capitaux disponibles. L'essentiel des capitaux est encore investi dans d'autres activit6s: les services et le batiment. Ce dernier secteur va bient6t connaltre son age d'or; le capital y est plus fluide, insaisissable et la remuneration du capital fort impor- tante7. La modestie des capitaux engages apparait aussi a l'examen de l'investissement par unite et du cofit de creation d'un emploi. Ils s'e61vent respectivement A 838.000 DA et 25.315 DA pour l'ensemble des projets agr66s de 1967 a 1972. 85,5 pour cent des entreprises priv6es recens6es a Oran en 1974 avaient engage un investissement inf6rieur a 500.000 DA. Le cofit moyen A l'emploi dans la wilaya d'Oran s'1levait A 13.744 DA pour les projets d6pos6s entre 1968 et 1973. Il variait de 9.000 a 17.000 DA. A Oran, les 86 soci6t6s priv6es qui avaient r6pondu A l'enquete industrielle employaient alors 4.440 salaries et avaient investi 136.938. 400 DA soit 30,835 par emploi. Le cofit A l'emploi dans les industries

p6trochimiques d'Arzew ou chimiques de Mostaganem oscille par contre autour de 500.000 DA. Dans le triangle Skikda-Constantine-Annaba, le

cofit moyen A l'emploi 6tait en 1975 de 18.000 DA pour le secteur priv6 contre 408.000 DA pour le secteur national8. Le secteur industriel priv6 est donc caracteris6 par un faible niveau d'investissement. Celui-ci relive d'habitudes de "gagne-petits" qui caracterisaient - A l'origine - la moyenne bourgeoisie commergante qu'elle ffit coloniale avant l'ind6pen- dance ou alg6rienne avant ou apres 1962. L'investissement dans les locaux de production est r6duit A sa plus simple expression. D'anciens locaux sont r6cup6r6s et le6grement am6nag6s. Ils sont loues tres souvent A l'Etat A des tarifs d6risoires. L'6quipement est autant que possible achet6 d'occasion. Pratique g6n6ralis6e au moment et aux lendemains du

d6part massif des Europ6ens, elle se perp6tue encore quoique ponctuelle- ment. Elle a b6n6fici6 surtout aux investisseurs du debut de l'ere d'ind6- pendance: les 6quipements et les locaux d'une limonaderie a Tlemcen, d'une valeur de 50 millions d'AF avaient 6t6 r6cup6r6s par un entrepre- neur alg6rien pour 8 millions d'AF.

Dans la politique d'6dification d'une 6conomie nationale, le concept de "secteur strat6gique" semble n'avoir 6t6 envisage que du point de vue

6conomique. Les branches de la production industrielle priv6e (consom- mation finale) estimees secondaires sont tres vite devenues "socialement strat6giques" au fur et a% mesure des progres du salariat dans le secteur

7. A. Prenant, "Le batiment et les travaux publics en Algerie, du secteur refuge a la croissance en marge de 1'entreprise publique", Colloque "Entreprises et entrepreneurs en Afrique, XIXe et XX~me siecle", Paris, d6c. 1981.

8. Op. cit., p. 3.

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Croissance du secteur industriel prive

en Algerie 283

national. Ces progres ont pour effet d'accroitre la masse d'achat, les salaires distribues 6tant plus nombreux, et d'ambliorer le pouvoir d'achat, la promotion professionnelle 6tant frequemment assuree. Les branches de consommation finale sont socialement strategiques parce qu'elles permet- tent, A travers la satisfaction des besoins sociaux, un transfert considera- ble de valeur du secteur d'Etat vers le secteur priv6.

II - CROISSANCE DU SECTEUR PRIVE DANS SES RAPPORTS AVEC LE SECTEUR NATIONAL

Encourage par le pouvoir, le secteur industriel prive va se developper A l'ombre des structures nationales et ceci a plusieurs niveaux. I1 a benefici6 de facteurs favorables. En premier lieu, les restrictions dans l'importation des biens de consommation intervenues dans le cadre - entre autres - de la preparation des monopoles 6tatiques ont constitue une protection tres efficace contre la concurrence 6trangere. Le mode d'application du systeme des licences d'importation d'abord, du monopole d'importation institu6 au profit des Societes Nationales ensuite, est marque par des coalitions de classes. Celles-ci se manifestent assez souvent par des allian- ces familiales entre la moyenne bourgeoisie industrielle et commerciale en formation d'une part et la petite bourgeoisie bureaucratique A laquelle le systeme a necessairement donne naissance d'autre part. Ensuite, le des&- quilibre ne cesse de s'accentuer entre les biens reellement mis sur le march6 et la masse monetaire considerable en circulation qui se traduit par une tres forte demande de biens de consommation. Enfin, l'industrie privee n'a guere subi de concurrence pour la main-d'oeuvre durant la premiere phase de la strategie de developpement adoptee. Celle-ci visait en effet I'6dification d'une industrie faible employeuse et de surcroit loca-

lisle dans des points forts particuliers. Le secteur prive pouvait ainsi disposer d'une force de travail disponible et 'a tres bon march6. Ces facteurs &cartant tout risque de concurrence, le secteur industriel priv6 etait "condamn'" A reussir. Les rares declarations de bilans negatifs traduisent souvent un reinvestissement surtout au cours des premieres annees d'exploitation.

Le secteur priv6 occupe une place particuliere dans la production industrielle. Que ce soit au niveau des projets agrees dans le cadre du code des investissements ou dans l'ensemble de l'industrie en 1974, l'industrie privee s'oriente majoritairement vers la production de biens de consom- mation finale, en particulier les textiles. Il s'agit en realit6 de la produc- tion de vItements. Plus de la moiti des unitO s textiles prives d'Oran sont en fait des unites de bonneterie et de confection. Les unites d'industrie chimique sont en majeure partie des unites de conditionnement des pro- duits d'entretien manager et les ISMME des industries m~talliques et

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mecaniques l6geres: mobilier, accessoires, managers, travail des metaux a la limite de l'artisanat.

Tableau 1

R6partition en pourcentages des branches d'activit6 de tous les projets agr66s de 1967 a 1972 et de l'emploi salari6 en 1974

Projets de 1967 a 1972 Emploi en 1974

Projets Investissements Emplois Ind. extractives - - - 2,4

Ind.m6ca-m6tal 37 45 40 23,1 Ind.m6ca-m6tal 12,6 15,3 15,9 20,5 Ind. alimentaires 10 8,2 12 20,3 Ind.chimiques 8,7 1,7 4,7 8,7 Ind.plastiques 4,7 9 4 class6e ailleurs Ind.papier-impr. 3,1 3,5 2,3 2,6 mat.construction 2,5 2,1 2 3 cuirs et chaussures 1,6 2,1 5,1 3 Bois liege 1 1,2 0,6 7,4 Tourisme 1 3,7 1 class6e ailleurs Divers 14,3 7,2 8,2 7,8 Total (en chiffres absolus) 771 646.425 25.536 65.419

milliers DA

Source: B.A.D., r6sultats de l'enquete emplois et salaires de 1974

Par son orientation, le secteur priv6 se place n6cessairement en aval de l'industrie 6tatique. A titre d'exemple, la Soci6t6 Nationale des industries textiles se charge essentiellement de la partie du processus de production qui n6cessite les investissements les plus 61ev6s (tissu, fil, teinture). Le cotit de creation d'un emploi dans une filature de l'Etat se situait en 1974 entre 200.000 et 300.000 DA. La valeur ajout6e d6gag6e est la plus faible. Au priv6, revient la partie o i les investissements sont bas (26.000 DA par emploi) et la valeur ajout6e maximale. L'Etat avait toutefois cr66 au d6but de l're ind6pendante une vingtaine d'ateliers de confection 'a tra- vers le territoire national dans des centres gonfles par l'exode rural (Tizi- Ouzou, Batna, Maghnia, Mostaganem etc.). Ils avaient pour objectif I'amorce d'une industrie de substitution 'a l'importation et la contribution A la resorption du ch6mage. Au cours des deux plans quadriennaux, l'industrie 6tatique de confection s'est d6velopp6e parfois sur le site meme

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Croissance du secteur industriel priv6 en A Igrie 285

des anciens ateliers. Elle restait toutefois insuffisante eu 'gard A la demande et s'orientait vers la production d'effets de qualit6 et essentielle- ment a l'intention des adultes. Revenait alors A l'industrie privee le soin d'une production qui va s'averer de qualit6 nettement moindre mais dont la consommation est massive. Elle va beneficier surtout de l'essentiel du march6 le plus fourni: celui des enfants, la population la plus nombreuse d'Algerie. De maniere generale, le secteur national couvre A peine 15 A 20 pour cent de l'ensemble des besoins en produits de confection. Cette situation en aval du secteur national a permis et permet encore au secteur priv6 de beneficier de la politique de blocage des prix de vente des pro- duits semi-finis 6tatiques. Elle favorise un transfert de valeur de l'un vers l'autre.

Le transfert va se traduire dans la realit6 par le pr6l6vement de benefi- ces exhorbitants qui vont acc6lrer le raffermissement de la moyenne bourgeoisie industrielle. Le march6 6tant assure quelle que soit la qualit6 produite, la concurrence A l'interieur meme du secteur prive est quasi absente. En effet, le nombre des investisseurs est limit6: moins de 800 entre 1967 et 1973 pour l'ensemble de l'Algerie. Le march6 connait un 6largissement continuel. L'artisanat regresse quand il ne s'est pas trans-

forms en activit6 industrielle. En jouant sur la qualit6 et la quantit6, le secteur priv6 pr6l1ve des b6nefices considerables et ceci quelle que soit la taille de l'entreprise. Selon l'enquete industrielle de 1974, le chiffre d'af- faires annuel de l'industrie privee oranaise et tlemcenienne atteint 2,5 fois le capital investi. II peut atteindre dans certaines unites des proportions considerables. D. Benchehida9 cite le cas de plusieurs unit6s oranaises qui realisent en 1975 un chiffre d'affaires allant de 1 4 millions de DA pour un investissement inf6rieur A 50.000 DA. Il cite aussi le cas extreme mais non exceptionnel dont le chiffre d'affaires represente 100 fois l'investisse- ment initial. Les benefices nets sont considerables. Ils repr6sentent en moyenne 9 pour cent du capital investi a Oran et a Tlemcen, une fois les r'investissements consentis. Ces benefices sont pr6lev's sur les bas prix A l'achat des produits semi-finis issus du secteur national et sur les prix 6lves A la vente. Ainsi, en 1980, le prix d'achat du kilo de papier A la Soci6te Nationale des Industries de la Cellulose SONIC est de 4,50 DA, prix inchang6 depuis 1974. Le cofit sur le march6 "libre" s'6lkve ~ 10 DA. L'unit6 nationale SONIC paie pourtant I'alfa, I'amidon de mais et le sel deux fois leur cofit en 1974. Le secteur priv6 achete donc le papier A un prix constant mais r66value continuellement le prix de vente des cahiers qu'il produit: 3 a 4 fois plus 6lev6 qu'en 1974. I1 beneficie donc en amont des blocages de prix imposes par l'Etat A ses propres entreprises et en aval de la loi de l'offre et de la demande. Le decalage qui caracterise celles-ci

9. Op. cit., p. 3.

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joue en sa faveur. Le secteur priv6 est aussi l'organisateur quasi exclusif du march6. I1 fixe lui-meme les prix en l'absence d'une application rigou- reuse de la reglementation: homologation des prix, contr6le de qualit' ... Les blocages de prix font supporter aux unites nationales de la branche - c'est le cas de la SONIC de Mostaganem - un deficit qui tend ia devenir structurel. L'unit6 est parfois amenee a limiter sa production afin de ne pas accentuer celui-ci. Les memes considerations peuvent etre appliquees aux relations qui existent entre les raffineries nationales de sucre et les industries alimentaires privies "a base de sucre (biscuiteries, chocolateries, fabriques de bonbons. . .) Celles-ci recueillent une part appreciable de la subvention accord6e par l'Etat au titre du soutien des prix.

Ces benefices sont aussi et surtout pr6leves sur le travail effectu6 par les ouvriers. Hormis dans quelques entreprises qui se veulent competitives meme ai l'gard du secteur de l'Etat, la main-d'oeuvre subit une exploita- tion souvent sauvage; on en remarquera la fuite partielle vers les entre- prises nationales. Le degr6 d'exploitation depend de la nature de l'entreprise et des conditions historiques, 6conomiques et geographiques de son apparition. L'objectif commun est d'extraire le plus fort taux de plus-value dont depend I'accumulation et la reproduction du capital. Malgr6 les diff6renciations toutes relatives entre les entreprises produi- sant des biens de production et celles fabriquant des biens de consomma- tion, entre petites et grosses entreprises, les exigences du secteur priv6 en ressources humaines portent essentiellement sur la main-d'oeuvre banale. L'adequation entre ces exigences et la structure du march6 du travail aux lendemains de l'independance lui a facilit6 l'acquisition d'une main- d'oeuvre "a tres bon marche. L'emploi y est domin6 par les travailleurs manuels non qualifies. Les ouvriers specialists OSl1, les manoeuvres et les apprentis constituaient 65 pour cent du collectif de l'ensemble de l'indus- trie privee algerienne en 1971". Bien qu'elle tombe "a 56,6 pour cent en 1974 selon l'enquite industrielle (effet d'ime mecanisation plus poussee?), cette proportion reste encore forte comparee aux 46,6 pour cent enregis- tres dans l'ensemble de l'industrie 6tatique. La structure de la main- d'oeuvre, la domiciliation de la production (sur le site ou "a domicile), le mode de remuneration (aI l'heure, "a la journee ou encore a la piece) traduisent la volont6 de prelevement d'un taux maximum de plus value. Les jeunes de moins de vingt ans representent 25 A 50 pour cent du collectif alors qu'ils n'entrent que pour 2 A 8 pour cent dans le personnel des unites nationales selon qu'elles sont recentes ou anciennes. Les jeunes sont generalement recrutes comme apprentis et donc remuneres en tant

10. Nous classons les O.S. dans cette categorie parce qu'il s'agit de manoeuvres hisses A un poste de travail exigeant des operations dl1mentaires et repetees avec un degre de respon- sabilit nul.

11. Op. cit., p. 2.

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Croissance du secteur industriel priv6 en A Igerie 287

que tels. Apres un laps de temps, ils sont, soit congedies soit, amen6s a effectuer des taches d'ouvriers sp6cialis6s, voire qualifies tout en gardant leur statut d'apprentis. Un march6 du travail - celui des jeunes filles - est particulierement recherch6 par l'industrie de la confection. Les jeunes filles sont recrut6es "a 17 ou 18 ans pour une periode relativement courte (6 mois). Les salaires qui leur sont servis sont trbs bas, de moiti6 inf6rieurs a ceux des hommes, d6jfi faibles. Elles sont ensuite confirm6es ou tout simplement cong6di6es quand elles ne partent pas d'elles-memes pour un

6ventuel mariage. Leur passage dans l'industrie aura alors 6t6 justifi6 uniquement par la recherche d'un appoint a% la constitution du trousseau. On peut citer aussi l'emploi de travailleurs saisonniers, I'emploi ia domi- cile et I'utilisation maximale de l'appareil technique de production. Ces moyens qu'on retrouvera aussi bien dans l'industrie tunisienne que maro- caine, sont autant de moyens mis en oeuvre pour tourner en permanence la r6glementation aff6rente au paiement des charges fiscales ou sociales et 6viter la syndicalisation des travailleurs. Celle-ci serait susceptible de diminuer par les pressions qu'elle engendre les profits attendus. Les salaires sont en majorit6 calcul6s a l'heure, ce qui permet de ne payer que les heures effectives. Ils se situent tres souvent en dessous du SMIG surtout pour les categories non qualifiees. Ils sont r6duits au maximum. Les salaires requs par les 4.440 travailleurs de 86 entreprises oranaises de plus de 20 ouvriers constituaient a% peine le double des b6n6fices recueillis par les patrons de celles-ci. Les b6n6fices peuvent atteindre dans certaines unit6s deux "a trois fois les salaires. L'on comprend fort bien les r6sistan- ces de certaines bourgeoisies locales (Tlemcen, M6d6a) devant I'indus- trialisation men6e par l'Etat qui s'avyre un concurrent redoutable pour la main-d'oeuvre. N'est-il pas significatif que ce soit " Tlemcen et en pleine croissance industrielle 6tatique que naisse la premiere association alg6- rienne de lutte contre la pollution engendr6e par l'industrialisation et I'urbanisation? Les principales industries nationales implantees a Tlem- cen ne sont pas ou sont tres faiblement polluantes: complexe SONELEC, complexe SONITEX. Le "ph6nomeme" d'urbanisation se traduit par un

v6ritable d6ferlement sur l'espace urbain et peri-urbain tlemcenien de villas qui rivalisent en somptuosit6. Il n'est en aucun cas a% mettre en relation avec le processus d'industrialisation 6tatique. Il traduit plut6t un des usages que fait la bourgeoisie du surplus accumul6 dans les activit6s commerciales ou industrielles sur place ou transf6r6 depuis d'autres villes: Sidi Bel Abbes, Oran ou encore Alger.

III - CONSEQUENCES SUR L'ESPACE ET LA SOCIETE

Ob~issant la loi du profit maximum, l'industrie prive s'implante et se d6veloppe I• ofi les infrastructures existent (routes, voies ferr6es, lignes l61ectriques, eau. . .) I• ofi la main-d'oeuvre est nombreuse et disponsible

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288 Revue canadienne des etudes africaines

et le march6 fourni et diversifi6. Elle s'implante forc6ment a proximit6 des structures industrielles d6jfi existantes, particulierement celles dont elle utilise les produits semi-finis, structures que l'Etat allait immanq- uablement d6velopper dans le cadre de la premiere 6tape de planification (creation des p6les de croissance) et renforcer dans la seconde. Les indus- tries s'implantent donc dans les zones littorales plus d6velopp6es en l'oc- curence Alger et Oran. Les zones interieures ne recoivent d'implantation que quand elles ont une tradition manufacturiere: Tlemcen, Med6a, et Constantine. La localisation des industries priv6es reproduit le schema spatial base sur une forte concentration h6rit6e de la colonisation et renforc6e par les structures 6tatiques elles-meme durant les premieres annees de l'ind6pendance. D6j'i en 1954, Alger et Oran regroupaient 44 pour cent des entreprises et r6alisaient 70 pour cent du chiffre d'affaires, toutes activit6s incluses.

Tableau 2

Concentration geographique des investissements industriels priv6s de 1967 "a 1971 (en pourcentages)

Unites a investissement Ensemble investissements

> 500.000 DA <500.000 DA

Wilaya d'Alger 51,5 24,4 32,8 51 Autres Wilayat du centre 4 2,2 2,7 4 Wilaya d'Oran 17,8 40,5 33,5 25,7 Wilayat de Tlemcen et de Mostaganem 3,1 12,9 9,9 4,9 Autres Wilavat de I'ouest 0 1 0,7 0,2 Wilava de Constantine 5,7 6 5,9 3,3 Autres wilayat de I'Est 6,6 8,1 7,7 6,1 Sud 11,1 4,8 6,7 6,2 Total Algerie

225 503 728 611 -en chiffres absolus- millions DA

Source: B.A.D. et chambre du Commerce et de l'Industrie d'Alger

Des disparites globales apparaissent entre le Nord et le Sud et entre regions du Nord elles-memes. Le secteur priv6 a une preference pour le centre et I'Ouest, en realit6 pour les deux wilayat d'Alger et d'Oran. Celles-ci devaient recevoir 66 pour cent des unites et une proportion des investissements plus grande: 77 pour cent. Il y a ainsi un contraste entre les wilayat d'Alger et d'Oran et le reste du pays quant "a la dimension des

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Croissance du secteur industriel prive en Algerie 289

unites. En 1971, les petites unites dominaient certes partout mais pour un peu plus de la moiti6 dans les wilayat d'Alger et d'Oran et pour les trois quarts ou plus dans les autres wilayat. Les deux wilayat concentraient 84 pour cent des unites depassant 50 salari6s. Le reste se repartissait entre quelques chefs-lieux de wilayat telliennes: Constantine, Medea, Tlemcen. Par ailleurs, le secteur industriel priv6 se concentre dans les villes, particu- librement les plus grandes. Selon l'enquete industrielle de 1974, Alger et Oran regroupaient respectivement 55,2 et 11 pour cent des entreprises et concentraient 63,3 et 17 pour cent des capitaux. Elles employaient respec- tivement 61 et 16 pour cent des salaries industriels et distribuaient 71 et 14 pour cent des salaires. A elle seule, Alger realisait 67 pour cent du chiffre d'affaires et recueillait 64 pour cent des profits. Les villes d'Oran, d'Alger et Constantine ont recueilli respectivement 72 , 53,5 et 44,5 pour cent des projets agre6s pour leurs r6gions entre 1967 et 1971. Disparites regio- nales, disparit6s inter-villes mais egalement disparites entre villes et cam- pagnes. Le secteur prive n'investit nullement dans les campagnes sauf quand elles sont proches et presentent de meilleures conditions d'utilisa- tion de la force de travail. La strategie du secteur priv6 qui consiste ia rechercher une extreme minimisation des investissements l'entraine "a avoir une pref6rence pour la localisation de ses activites

. l'interieur des

villes elles-memes. Les peripheries ne sont choisies que sous la contrainte. 87 pour cent des entreprises industrielles privies de plus de 20 ouvriers du groupement urbain Oran-Mers El Kebir-Bir El Djir-Essenia et qui ont r6pondu a l'enqu&te de 1974 sont implantees au sein meme de la ville d'Oran. Les entreprises se dispersent dans des ateliers abrit6s dans des hangars, des caves, voire des appartements. Des nuisances de diffbrentes natures en decoulent pour l'espace urbain et ses habitants: bruit, consom- mation industrielle d'eau et d'6lectricit6 1'i ofi n'est prevue qu'une con- sommation domestique, contribution "a la saturation de la voirie.

Caracterisque fondamentale du mode de production capitaliste, la con- centration va affecter le secteur industriel priv6 algerien. Des 1970, la concentration est nette. Les entreprises de plus de 50 salaries qui ne constituent que le dixieme de l'ensemble du secteur realisent la moiti6 du chiffre d'affaires global. En 1974, sur 86 entreprises oranaises de plus de 20 ouvriers, une dizaine emploient plus de 100 salaries chacune soit 35,2 pour cent de l'ensemble des 4.440 salaries declares. Elles realisent 36,2 pour cent du chiffre d'affaires global soit 124,1 millions de DA. L'accu- mulation du capital qu'on a vue rapide et intense a forme la base 6cono- mique pour la constitution d'une "bourgeoisie" industrielle. Celle-ci est certes peu homogene au plan de l'importance financiere mais elle a, dans son developpement mime, montr6 qu'elle pouvait, consciente de ses intr&ts, adopter une strat~gie commune. On peut le voir dans l'organisa- tion, la maitrise et le contr81e du circuit de distribution des biens de

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consommation finale, Itape qui d6termine l'ampleur des profits. Le sec- teur industriel priv6 a aussi contribu6 au d6veloppement du salariat. En 1974, compte non tenu des B.T.P., il employait 28 pour cent de l'ensem- ble des travailleurs de l'industrie soit 64.420. Il devait crier 25.500 emplois entre 1967 et 1972. Progres du salariat, mais aussi proletarisation d'une partie de la population active trbs souvent neocitadine et issue de l'exode rural. Celle-ci va cumuler des conditions de travail deplorables et des conditions de vie dej8i precaires dans les ceintures peripheriques plus ou moins "bidonvillisees" selon qu'il s'agisse de Constantine, d'Alger ou d'Oran. La croissance du secteur industriel priv6 contribue ainsi "a la

perpetuation et I'aggravation des pricipales inegalites sociales. Celles-ci vont trbs vite se traduire dans la r6alit6 par des inegalites flagrantes dans les conditions de vie. D'un c6te, villas somptueuses et train de vie depas- sant parfois celui de la bourgeoisie industrielle europeenne, de l'autre, erosion du pouvoir d'achat et conditions de vie precaires. Au sein de l'espace urbain, I'organisation selective des quartiers s'en trouve renfor- cee avec de trbs severes oppositions.

CONCLUSION

La croissance du secteur priv6 contribue donc a perp6tuer les modes de croissance urbaine traditionnels'2, en I'occurence ceux lies a l'exode rural et la croissance regionale inegale herit~e de la colonisation3. Cette crois- sance a 't' et reste encore autorisee en partie par le pr6lvement de surplus sur le secteur national par des voies diverses. Le secteur priv6 utilise les "creux" laisses par celui-ci. Ces "creux" relevent d'incoheren- ces volontaires ou resultent de facteurs objectifs. Il s'agit d'une part des desequilibres survenus entre les besoins 6conomiques et sociaux et les capacites de satisfaction de ceux-ci par le secteur public et d'autre part des retards considerables dans la r6alisation de la politique de developpe- ment. La bourgeoisie industrielle trouve un interit indeniable dans la perpetuation de l'asymetrie des structures 6tatiques (grands complexes de base, industries d'integration). Celle-ci a pour consequence l'blargisse- ment du march6 grace au developpement du salariat qui en resulte et le maintien de la domination du secteur priv6 sur les branches des biens de large consommation. Ces "creux" 6voluent dans leur nature et au fur et "a mesure du developpement &conomique et social. Des 1972, le secteur des B.T.P. reqoit la pref6rence de l'investissement priv6. Il presente des condi- tions de rentabilit6 exceptionnelles et la certitude que le secteur d'Etat ne

12. Ces modes sont traditionnels par rapport i l'industrialisation consideree comme nouveau moteur de la croissance urbaine.

13. A. Prenant: "La mutation en cours des modes de croissance urbaine en Algerie", Hirodote, n. 17, 1980.

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pourra en aucun cas couvrir les besoins immenses nes de la croissance 6conomique passee, en cours et 'a venir. La restructuration des entreprises nationales, si elle vise "a rendre celles-ci plus viables tant au plan de la gestion que de la rentabilit6 financiere, ne les rend pas moins vulnerables. Elle risque de crier de multiples "creux" supplementaires dans lesquels le secteur priv6 pourra ais6ment 6voluer tant au niveau de la r6alisation, de la production industrielle que des circuits de distribution. La bourgeoisie dont l'importance issue en partie du secteur national ne cesse de s'accroi- tre va ensuite peser de tout son poids sur les structures 6tatiques pour tenter de modifier "a son avantage l'6quilibre des forces.

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