Curs Didactica FLE_Manolache

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Simona MANOLACHE

Mariana OVEA

ENSEIGNER LE FRANAIS

SOMMAIREAvant-propos I. I.1. I.2. I.3. II. III. III.1. III.2. III.3. III.4. III.4.1. III.4.2. III.4.3. III.4.4. III.4.5. III.4.6. IV. V. V.1. V.2. V.3. V.3.1. VI. VI.1. Le franais langue trangre Petite histoire du FLE La Francophonie Le FLE en Roumanie Questions et exercices La didactique Questions et exercices Les mthodologies du FLE La mthodologie traditionnelle La mthodologie directe La mthodologie structuro-globale audio-visuelle La mthodologie communicative Lacte de parole Lauthenticit Les publics Les besoins Lautonomie des apprenants Le Niveau-Seuil Questions et exercices Les principes de la didactique du FLE Questions et exercices Les activits denseignement / apprentissage Lanalyse et llaboration des activits de classe Lapprentissage dune langue et les activits dapprentissage Les stratgies dapprentissage Explication de quelques stratgies Questions et exercices Le processus denseignement et la classe de franais Les documents de la didactique du FLE2

4 6 6 10 11 12 13 16 17 17 17 18 20 23 24 25 26 27 28 30 31 34 35 35 37 38 39 41 42 42

VI.2. VII.

Des projets didactiques Questions et exercices Les stratgies didactiques Questions et exercices

47 62 63 66 67 67 68 74 75 77 77 79 80 82 83 84 85 88 90 90 90 91 92 93 95 97 97 99 100 101 104 109 110 110

VIII. Lenseignement de la phontique VIII.1. La place de la phontique dans les diverses approches didactiques VIII.2. Les tapes de lenseignement phontique et quelques exercices faire en classe de FLE VIII.3. La correction des erreurs Questions et exercices IX. IX.1. IX.2. IX.3. IX.4. IX.5. IX.6. IX.7. X. X.1. X.2. X.3. X.4. X.5. XI. XI.1. XI.2. XI.3. XI.4. XI.5. XII. XII.1. Lenseignement de la grammaire La place de la grammaire dans les diverses approches didactiques Les variables de lenseignement de la grammaire Les exercices structuraux Les exercices traditionnels Les exercices de paraphrase Les exercices communicatifs Le discours grammatical de lenseignant Questions et exercices Lenseignement de lorthographe Quelques aspects thoriques Les principales difficults de lorthographe franaise Lorthographe grammaticale et lorthographe dusage La dicte en classe de franais Quelques exercices dorthographe Questions et exercices Lenseignement du vocabulaire Quelques aspects thoriques Lanalyse smique et lutilisation des dictionnaires Les exercices lexicaux et smantiques Les jeux et lenseignement/apprentissage du vocabulaire Lexercice lexical exercice de rapprochement culturel Questions et exercices Lenseignement de lexpression crite La lecture : un concept en volution3

XII.2. XII.3. XII.4. XII.5. XIII. XIV. XIV.1. XIV.2. XIV.3. XIV.4. XIV.5.

La lecture en situation scolaire Les types de textes Quelques types dexercices dexpression crite La lecture de limage Questions et exercices Lenseignement de lexpression orale Questions et exercices Lvaluation Types et fonctions de lvaluation Critres de pertinence des tests Les outils dvaluation de lexpression crite Les outils dvaluation de lexpression orale Mthodes alternatives dvaluation Questions et exercices Bibliographie

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AVANT PROPOSPublic: Cursul de didactic a limbii franceze Enseigner le franais - se adreseaz acelor studeni din anul al III-lea (ai Facultaii de Litere i ai Facultii de Istorie-Geografie specializrile Istorie-Francez i Geografie-Francez) care frecventeaz Modulul facultativ organizat de Departamentul pentru Pregtirea Personalului Didactic. Obiective: Obiectivul principal al cursului este, evident, pregtirea unor profesori de limba i literatura francez competeni i eficieni. La sfritul acestui curs studenii vor fi neles care sunt cele mai importante probleme puse de predarea limbii franceze i vor stpni principalele strategii de formare a competenei de comunicare n aceast limb. Cu alte cuvinte, studenii vor fi capabili s construiasc demersul didactic n funcie de obiectivele stabilite pe plan naional pentru nvarea limbii franceze, dar i n funcie de nevoile i capacitile elevilor sau de condiiile concrete de desfurare a procesului de nvmnt. Nu trebuie s uitm c informaiile teoretice oferite de acest curs sunt completate i aprofundate n timpul practicii pedagogice efectuate sub ndrumarea mentorilor din coli i licee. Structura cursului : Trebuie s precizm c n redactarea paginilor ce urmeaz am folosit fr zgrcenie crile i articolele indicate de ctre Ministerul Educaiei Naionale i Inspectoratele colare n bibliografiile recomandate pentru examenele de definitivat i de obinere a gradelor didactice. Am remarcat c aceste materiale sunt greu accesibile (sunt greu de gsit i, uneori, greu de neles la o prim abordare), motiv pentru care ne-am propus s nlesnim contactul viitorilor profesori cu ele prin realizarea unor sinteze ct mai clare, care s puncteze principalele teme abordate de orice lucrare de didactic a limbii franceze. Cursul nostru, conceput astfel nct s poat fi prezentat pe parcursul unui singur semestru, este totui doar un ghid care nu-l scutete pe student de citirea cu atenie a lucrrilor de referin menionate n bibliografie1. Aspectele pe care noi le-am considerat eseniale sunt semnalate prin titlurile capitolelor. Termenii-cheie sunt ncadrai imediat dup aceste titluri. Majoritatea capitolelor propun cteva ntrebri i exerciii pentru soluionarea crora leLucrrile la care se fac trimiteri frecvente pe parcursul cursului sunt menionate n bibliografia final : n textul cursului referirile la aceste lucrri cuprind doar anul apariiei. Numele articolelor i crilor menionate accidental apar n notele de subsol.1

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recomandm studenilor, ca principale surse de informare, dicionarul Le Petit Robert (sau Larousse), Internetul i, bineneles, lucrrile indicate n bibliografie. Evaluare : evaluarea se poate face oral, n cadrul unui colocviu organizat la sfritul semestrului, sau pe baza unui dosar (proiect) didactic, a crui tem este anunat cu cel puin o lun nainte de termenul limit de predare.

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I. LE FRANAIS LANGUE TRANGREFLE ALLIANCE FRANAISE CRDIF DELF/DALF FRANCOPHONIE FLE EN ROUMANIE

I.1. Petite histoire du FLE Malgr la comptition qui existe entre les diffrentes langues de la plante, comptition qui reflte la concurrence conomique, politique et culturelle entre les divers pays, le franais reste une des grandes langues de diffusion internationale. Il parat quil y a deux cent cinquante mille enseignants de franais dans le monde et plus dun million dapprenants adultes par an. Bien que le franais soit depuis longtemps une langue internationale, la discipline Franais Langue trangre dsigne le plus souvent par le sigle FLE est reconnue de faon officielle depuis seulement une vingtaine dannes. Ds le dbut, il faut faire la distinction entre le franais langue trangre (appris dans les pays o le franais nest pas langue officielle) et le franais langue seconde (appris par les natifs dun pays o le franais est langue officielle, sans tre pourtant la langue maternelle de la majorit des natifs). On peut considrer comme date de dbut de lenseignement systmatique du franais en dehors de la France lan 1884, lan o lon a approuv lactivit de lAlliance Franaise, par arrt du ministre franais de lIntrieur. Depuis 1884, lobjectif de lAlliance Franaise est la propagation de la langue franaise ltranger par la fondation et la subvention dcoles franaises, par la formation des matres, par lorganisation de confrences et par la publication duvres caractre pdagogique. LAlliance est une structure qui appartient du point de vue juridique au pays o elle est implante. LAlliance Franaise est pourtant coordonne et aide par les instances de Paris. Si la cration de LAlliance Franaise en 1884 marque le dbut de lenseignement rflchi du franais comme langue trangre, la cration en 1983 des filires universitaires de7

didactique du FLE reprsente laccomplissement du processus de formation dune nouvelle discipline. De 1884 jusqu 1983, lenseignement du franais a connu donc une volution spectaculaire. Cette volution a t sans doute profondment influence par les vnements historiques et conomiques et par les progrs enregistrs dans les sciences (surtout dans les sciences du langage). la fin du XIXe sicle et au dbut du XXe, jusqu la seconde guerre mondiale, le public vis par lenseignement du franais tait form daristocrates et de personnes qui aspiraient la diplomatie. Beaucoup de gens considrent encore que le franais est la langue de laristocratie et de la diplomatie. 2 La connaissance du franais, langue des Lumires, tait le signe de lappartenance aux classes sociales suprieures. La langue tudie par llite tait la langue franaise littraire employe par les grands crivains. Dans les universits, tous les tudiants apprenaient le mme franais de la mme manire : la lecture et la traduction des textes classiques reprsentaient les activits didactiques de prdilection. Les expriences vcues pendant la seconde guerre mondiale ont mis en vidence une vrit incontestable : la langue et la culture font partie de la puissance dun pays. Elles constituent des biens identitaires, patrimoniaux quil faut prserver et valoriser. Aprs la fin de la guerre, Charles de Gaulle a instaur, dans le cadre du Ministre des Affaires trangres, une direction gnrale des Affaires Culturelles, ayant pour tche la diffusion plantaire de la langue et de la culture franaise. Les Franais cherchaient les voies les plus efficaces pour rpandre et dfendre leur langue nationale dans les pays du monde entier. En 1966, Charles de Gaulle a cr le Haut Comit de la Langue franaise. Dans les annes 1950-1960, les nouveaux besoins de la vie conomique et politique ont men vers lapprentissage dun franais moins lgant peut-tre, mais plus utilitaire. Afin de faire face un public de plus en plus htrogne et des ncessits de plus en plus varies, il fallait concevoir un nouveau matriel pdagogique et de nouvelles stratgies. Un rle important a eu le Centre de recherche et dtudes pour la diffusion du franais, dont on a mis les bases en 1954. Le Centre est devenu bientt un dpartement de Lcole Normale Suprieure De Saint-Cloud et a pris le nom de CRDIF. Louis Porcher3 dcrit de faon synthtique les principes qui structuraient lactivit du CRDIF : La ralit premire et fondamentale dune langue est sa dimension orale. Une langue comme le franais est une langue parle ;

Largument principal fourni par la publicit faite en 2001 aux cours de langue EUROCOR est que : Le franais est la langue de la diplomatie et des arts . 3 L. Porcher (1995: 11).2

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La linguistique structurale hrite de Saussure constitue linstrument privilgi de description dune langue et cest sur elle que slabore une mthode (un manuel) ; La psychologie, et notamment les dveloppements du bhaviorisme skinnrien, est une composante fondamentale de lapprentissage, et, comme telle, doit tre intgre aux outils pdagogiques ; Le dveloppement des mdias comme moyens de communication conduit sappuyer sur eux pour promouvoir un enseignement adquat aux dmarches des apprenants. Le magntophone en particulier est une ressource dsormais indispensable la conduite dune classe. Le CRDIF a men une vaste enqute orale la suite de laquelle il a dress un franais fondamental , cest--dire un inventaire systmatique des mots les plus employs. A partir de cet inventaire, le CRDIF a ralis des mthodes de franais (par exemple Voix et images de France) et a mis les bases de la dmarche SGAV (la dmarche structuro-globale audio-visuelle). Le Bureau dtudes pour la langue et la civilisation franaises ltranger est n la mme poque que le CRDIF. Si le CRDIF appartient lenseignement suprieur, le BELC relve de lenseignement secondaire. Le BELC envisage lenseignement du FLE comme partie de lenseignement des langues en gnral. Un moment trs important pour lvolution du FLE a t la cration du Franais dans le monde en 1960, considre par L. Porcher le meilleur coup de gnie de ce tout dbut des annes soixante 4. Cette revue, destine surtout aux enseignants de franais, apparat six fois par an et comprend de nombreuses informations concernant la civilisation, la culture, la linguistique et la didactique franaises. Les maisons dditions Hachette, Didier, Nathan, Larousse se sont elles aussi impliques activement dans llaboration de matriels pdagogiques et ont contribu ainsi de faon dcisive au dveloppement de la didactique du FLE. Une nouvelle tape de ce dveloppement a commenc en 1970, quand le Conseil de lEurope Strasbourg (form des reprsentants de 22 pays) a propos un projet qui devait stimuler et amliorer lapprentissage des langues vivantes de lEurope. Le but de ce projet tait de faire acqurir aux apprenants une vraie comptence de communication, qui leur permt de sadapter plus facilement un milieu de travail et de vie tranger. Les recherches en pragmatique et en sociolinguistique ont rvl que la comptence de communication suppose en dehors des connaissances strictement linguistiques, des connaissances culturelles, gestuelles, corporelles. La rflexion sur4

L. Porcher (1995: 12).

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lenseignement de la comptence de communication a fait ressortir la ncessit de placer lapprenant au centre de lattention. Les matriels et les stratgies pdagogiques devaient tenir compte des besoins des apprenants. Les participants au projet du Conseil de lEurope ont lanc lide dun ouvrage ralis langue par langue, qui pt tre utilis plusieurs niveaux, selon les publics viss et leurs besoins langagiers. Louvrage pour langlais, The Threshold Level, a t le premier paratre, en 1975. Le Niveau-Seuil franais5 a t ralis en 1976 sous la direction de Daniel Coste. Le projet du Conseil de LEurope sur les langues vivantes a provoqu une vraie mtamorphose de la didactique du FLE : la communication est devenue dmarche et objectif de lenseignement la fois. Un autre projet, ducation des travailleurs migrants en Europe, qui se proccupait surtout des problmes dapprentissage des enfants des migrants, a mis en lumire une autre ide importante : dans lapprentissage dune langue trangre, on ne peut pas faire abstraction de la langue et de la culture dorigine. Le dernier pas franchir pour la lgitimation du FLE comme discipline bien distincte a t la cration de diplmes pour les Franais et pour les trangers. En 1982, Le Ministre franais de Lducation Nationale (Alain Savary tait ministre lpoque) a mis en place une commission qui devait analyser la situation du FLE. Cette commission a pris deux dcisions importantes : 1) La premire dcision a t de crer des filires universitaires nationales de didactique du FLE. Ds lors les Franais peuvent obtenir une mention FLE au niveau de la licence, un diplme de matrise dans le domaine du FLE et un diplme dtudes approfondies (DEA). A partir de 19836, ces diplmes ont acquis un caractre national. Le Belc et le Crdif ont perdu le monopole, mais se sont impliqus dans la formation professionnelle continue. 2) La deuxime dcision concernait les trangers : un diplme spcial a t cr pour ceux-ci ; ce diplme atteste de la comptence en franais et cest le seul diplme de langue reconnu par ltat franais. Ce diplme est compos dunits capitalisables : le cursus complet comprend dix units qui, une fois parcourues, peuvent conduire le dbutant absolu la capacit de suivre un enseignement dans une universit franaise. Ces units peuvent tre prsentes dans nimporte quel pays du monde, sous la responsabilit de lambassadeur de France, et chacune dentre elles, une fois obtenue, lest dfinitivement et sur lensemble de la plante. Le DELF diplme dtudes en langue franaise comprend les six premires units et se dcompose en DELF premier degr (4 units) et DELF deuxime degr (2 units). Le DALF diplme approfondi deD. Coste, J. Courtillon, V. Ferenczi, M. Martins, E. Papo, E. Roulet 1976: Un Niveau seuil, Strasbourg, Conseil de lEurope. 6 Le dcret crant le DELF et le DALF est sorti en 1985.5

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langue franaise comprend les quatre dernires units : ce sont des units de spcialisation. Plus de cent mille candidats se prsentent chaque anne aux preuves. Les examens sont contrls Paris, par une commission nationale, prside par le directeur du Centre International des tudes Svres. Le prsident du jury local est toujours un fonctionnaire franais. Un objectif est dfini par unit et les modalits dvaluation sont strictement dtermines. Il ny a pas de programme rigide pour les preuves, ce qui permet ladaptation des examens aux conditions de chaque pays. En Roumanie, la commission qui value les candidats lobtention du DALF est forme de quatre professeurs universitaires, deux inspecteurs de langue franaise, un reprsentant du Bureau de Coopration Linguistique ducative (qui appartient au Service de Coopration et dAction Culturelle prs de lAmbassade de France) et des responsables des quatre centres qui organisent les examens (Bucarest, Cluj, Iai, Timioara). Les prsidents de cette commission sont le directeur de lInstitut Franais de Bucarest et lattach de coopration linguistique et ducative. Une autre commission, forme de 12 personnes, doit tablir les sujets dexamen.

I.2. La Francophonie En 1880, le gographe franais Onsime Reclus (1837 1916) a invent le terme francophonie pour dfinir lensemble des personnes et des pays utilisant le franais des titres divers. Le dveloppement du concept de francophonie a influenc positivement lenseignement / lapprentissage du franais. nos jours, la francophonie signifie la solidarit, la fraternit de ceux qui croient dans les droits de lhomme, dans la dmocratie et dans la diversit culturelle. La Charte de la Francophonie (adopte en 1996) prvoit les objectifs que se proposent les pays qui y adhrent : linstauration et le dveloppement de la dmocratie ; la prvention des conflits et le soutien ltat de droit et aux droits de lhomme ; lintensification du dialogue des cultures et des civilisations ; le rapprochement des peuples par leur connaissance mutuelle ; le renforcement de leur solidarit par des actions de coopration multilatrale en vue de favoriser lessor de leurs conomies. LAgence de la Francophonie est oprateur principal des programmes de coopration culturelle, scientifique, technique, conomique et juridique. En 1961, on a cr Montral lAssociation des Universits partiellement ou entirement de Langue Franaise, lAUPELF. En 1987, on a ouvert lUREF, la premire universit multilatrale lchelle de 40 pays : I Universit des rseaux dexpression franaise. A partir de 1999, lenseignement francophone est11

entr dans une nouvelle re : 1999 est lanne o lAUPELF a mis les bases de lUniversit Virtuelle Francophone. Grce aux ordinateurs, on peut organiser les mmes cours dun bout lautre de la plante. LUniversit Virtuelle Francophone ne se substitue pas aux universits nationales : elle aide les tudiants complter de faon plus rapide et plus efficace leurs connaissances. Ces dernires annes lAUPELF a chang de nom : le nom usit actuellement est lAUF (lAgence Universitaire de la Francophonie).

I.3. Le FLE en Roumanie Lintrt pour ltude des langues trangres sest fait ressentir en Roumanie ds le XVIIIe sicle. cette poque-l, ceux qui apprenaient le franais taient peu nombreux et appartenaient, pour la plupart, la classe des boyards phanariotes. Les chercheurs considrent que la premire attestation de lintroduction du franais dans lcole roumaine est Hrisovul lui Alexandru Ipsilanti de 1776, un document qui prvoyait ltude des langues trangres (le franais, le latin, litalien, larabe, le turc, lallemand et le russe) lAcademia Domneasc de Sf. Sava. Il parat que les professeurs pouvaient enseigner les mathmatiques en franais au cas o ils ne connaissaient pas le grec. la fin du XVIIIe sicle, beaucoup de Franais occupaient des places de prcepteurs ou de secrtaires dans les familles aises. Certains de ces Franais sont devenus professeurs de langue franaise dans les coles prives ou publiques. Au XIXe sicle, ltude du franais a connu un essor tonnant, favoris par le dveloppement gnral de lenseignement roumain. On a cr beaucoup dcoles (mme dans les villages, partir de 1838), on a introduit lalphabet latin, on a pass lenseignement laque, on a mis daccord les plans denseignement des coles prives et des coles publiques. En Valachie, le franais a t introduit dans le programme officiel en 1831, au lyce Sf. Sava. En Moldavie, lenseignement du franais est devenu officiel en 1836, lAcademia Mihilean. Cest en 1859 que ltude du franais est devenue obligatoire dans toutes les coles secondaires de la nouvelle Roumanie. (En France, lenseignement des langues trangres est devenu obligatoire dans les coles partir de 1838, tandis quaux tats Unis cest en 1892 quon a pos le problme de ltude des langues trangres lcole). Dans la premire moiti du XIX e sicle, lintrt pour le franais a t tel quon a propos mme la langue franaise comme langue denseignement la place du roumain. En Transylvanie, le franais a t officiellement introduit en 1867 au gymnase roumain de Braov. Les premiers manuels de franais raliss par des auteurs roumains sont apparus12

au dbut du XIXe sicle. Grigore Pleoianu a fait imprimer un Abeedar francoromn pentru tinerii nceptori Craiova, en 1829. Ds 1918, ltude du franais comme discipline obligatoire sest gnralise dans toute la Roumanie.

QUESTIONS ET EXERCICES 1. Quels sont les Centres Culturels Franais de Roumanie ? 2. Dans quelles villes de Roumanie y a-t-il des Alliances Franaises ? 3. Daprs vous, quels sont les arguments quun enseignant devrait fournir ses lves pour quils apprennent le franais ? (En dautres mots, quest-ce que vous direz, en tant quenseignants, vos lves pendant la premire classe de franais pour les convaincre de la ncessit dapprendre cette langue ?) 4. Comment se concrtise la francophonie lUniversit tefan cel Mare de Suceava ? 5. Quelles sont les uvres littraires roumaines dans lesquelles linfluence de la langue franaise vous semble vidente ?6. Daprs vous, quels sont les avantages et les dsavantages de lInternet

dans lenseignement / lapprentissage du franais ?7. Est-ce que vous connaissez des initiatives importantes de ltat roumain

lies lenseignement du roumain ltranger ?

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LA DIDACTIQUEENSEIGNEMENT/APPRENTISSAGE DIDACTIQUE/PDAGOGIE SAVOIR ENSEIGNANT LVE Le processus denseignement implique obligatoirement plusieurs lments : un savoir enseigner, cest--dire un contenu qui relve dune certaine discipline (la langue et la littrature franaise dans le cas de lenseignement du FLE) ; un apprenant (un lve/un tudiant/un adulte en activit professionnelle) qui sapproprie de faon consciente et responsable le savoir ; un enseignant (une personne adulte qui a une formation universitaire, qui connat les stratgies didactiques quil faut pratiquer afin de transmettre le savoir, qui se tient au courant de ltat des recherches en didactique) ; un ensemble de dmarches suivies et de moyens utiliss dans le but de faciliter la transmission du savoir de lenseignant vers lapprenant. La distinction enseignement/apprentissage exprime le fait que le mme acte de transmission du savoir peut tre envisag de deux points de vue : le point de vue de lenseignant ou celui de lapprenant. Lenseignement est laction, lart denseigner, de transmettre des connaissances un lve (Petit Robert). Lapprentissage se dfinit comme le processus dacquisition par un lve dinformations qui modifient de faon durable son comportement (lapprentissage dune langue trangre modifie jamais le comportement langagier de lapprenant). Lapprentissage se situe gnralement dans un contexte scolaire, mais il peut galement se drouler dans des milieux plus naturels (pendant des vacances passes en France par exemple). En ce qui concerne la didactique, on peut la dfinir de la manire la plus simple comme ltude scientifique des stratgies utilises pour enseigner une certaine discipline. La didactique est lactualisation plus pratique, plus dynamique, plus interdisciplinaire de ce quon appelait il ny a pas longtemps la mthodologie7 (ou, en roumain, metodic). La didactique des langues trangres est un domaine qui renferme de nombreux lments lis la linguistique, la pdagogie, la psychologie, aux mdias et linformatique.Dans notre cours, les termes mthodologie et didactique ne sont pas tout fait synonymes. Voir le IIIme chapitre.7

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tant donn que la didactique du FLE se propose danalyser comment on peut enseigner de faon efficace le franais, elle se doit de tenir compte en permanence des rsultats des recherches dans les diffrents compartiments de la linguistique (la phontique, la lexicologie, la morphologie, la syntaxe, la pragmatique). Si la didactique sintresse plutt aux contenus enseigner (la didactique du FLE se pose le problme des donnes phontiques, lexicales, morphologiques, littraires, culturelles quil faut fournir aux apprenants chaque moment de lapprentissage), la pdagogie, quant elle, met laccent sur les dmarches suivre pour faciliter lacquisition de ces contenus. DIDACTIQUE SAVOIR CONTENUS LVES

ENSEIGNANT PDAGOGIE

MOYENS DMARCHES

En dautres mots, la pdagogie concerne surtout la relation matre-lves et lapprentissage, tandis que la didactique renvoie la manire de dire le savoir. Le partage en didactique et pdagogie engage des reprsentations sociales qui psent sur les stratgies ducatives : la pdagogie est associe plutt aux petits apprenants quaux grands, aux lyces professionnels plutt quaux lyces thoriques ou aux universits. Cependant, il faut envisager la pdagogie et la didactique en relation, comme des domaines articuls. La pdagogie, par exemple, tudie les problmes lis lorientation scolaire, les ingalits des apprenants devant lcole, la russite ou lchec scolaire, les attitudes, comportements, savoir-faire des apprenants, les problmes de lvaluation, etc. La didactique suppose plutt la connaissance profonde des savoirs enseigner. Une didactique moderne exige quon tienne compte des avancs pdagogiques. Il ne sagit plus seulement de choisir les savoirs en rfrence directe aux disciplines qui les conoivent, mais il faut encore les analyser la lumire des connaissances issues de la pdagogie. Le but est damliorer la concidence de ce qui senseigne et de ce qui sapprend. (Par exemple, la pdagogie propose des critres gnraux dvaluation. La didactique du FLE formule des critres spcifiques, plus dtaills, pour valuer la comptence lexicale, phontique, etc., des apprenants.) Que la didactique soit intimement lie la pdagogie (les aspects mis en lumire par la pdagogie sont transfrs dans un cadre strictement disciplinaire),15

cela ne lempche pas de se constituer en science autonome, ayant son propre objet et ses propres mthodes. La didactique du franais ne saurait pas omettre le profit quelle peut tirer des connaissances fournies par la psychologie. Il est bien vident que les choix faits par lenseignant (les choix des termes mtalinguistiques, des types de discours tenus, des activits proposes, etc.) sont dtermins par lge et le niveau intellectuel de lapprenant. Lenseignant idal connat les caractristiques de chaque tape de lvolution intellectuelle des enfants/des adolescents et il adapte son comportement didactique aux possibilits de comprhension de ceuxci. (Donnons un exemple: lenseignant, en sachant que la priode de la scolarit primaire est le stade des oprations intellectuelles concrtes et non pas des raisonnements abstraits, sabstiendra de remplir le tableau noir de listes de conjugaisons et de termes de grammaire.) D. Coste8 systmatise les traits dfinitoires de la didactique des langues trangres en affirmant quelle est un ensemble de discours portant (directement ou indirectement) sur lenseignement des langues (pourquoi ?; quoi ?; comment enseigner ?; qui ?; en vue de quoi ?) et produits, sur des supports gnralement spcifiques (par exemple des revues sadressant aux enseignants de langues), par des producteurs eux-mmes le plus souvent professionnellement particulariss (enseignants, formateurs denseignants, chercheurs). J.F. Halt9 distingue trois composantes de la didactique : 1. Une composante pistmologique10 : la didactique suppose une rflexion sur les objets denseignement. Elle sintresse leur nature cognitive (savoir ou savoir faire ?); leur statut pistmologique (savoir savant ou savoir social ?); la mthodologie de leur construction (transposition, ou laboration des savoirs ?). 2. Une composante psychologique : la didactique prend en considration les recherches sur les conditions dappropriation des savoirs. Elle sinterroge alors moins sur les concepts et les notions en eux-mmes que sur leur construction dans lapprentissage, les prrequis quils supposent, les reprsentations ordinaires quen ont les apprenants, les diffrentes sortes dobstacles lapprentissage quils peuvent susciter. 3. Une composante praxologique : la didactique tient compte des recherches sur lintervention didactique. La didactique articule les points prcdents aux tches de lenseignant, lorganisation des situations denseignement, la construction de cycles ou de squences didactiques, ladaptation au type de public, bref, lapproche de la classe et de son fonctionnement propre.D. Coste (1989): Dbats propos des langues trangres la fin du XIXme sicle et didactique du franais langue trangre depuis 1950, Langue franaise no.82 9 J.F. Halt (1992: 16). 10 tude critique des sciences, destine dterminer leur origine logique, leur valeur et leur porte du gr. epistm = tude, logos = science.8

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J.F.Halt conclut juste titre que la didactique est une discipline thoricopratique : Son objectif essentiel est de produire des argumentations savantes , tayes et cohrentes, susceptibles dorienter efficacement les pratiques denseignement11. Le didacticien est la personne qui sintresse au jeu qui se mne entre un enseignant, des lves et un savoir. La didactique se donne pour tche de rendre compte du systme didactique trois places et des relations entre les vnements du systme. Chaque ple de la relation triadique se constitue dans la relation quil tablit aux autres. Il ne faut pas oublier que lapprenant apprend quelque chose par lentremise de mdiations institutionnelles. Chaque ple du triangle didactique pose une problmatique particulire (cf. J.F. Halt) : 1. Le ple savoirs : la problmatique de llaboration didactique. A partir des finalits et des buts que se donne le systme ducatif, on fait linventaire des savoirs savants susceptibles de conduire au but, la slection et la typologisation de ces savoirs, on construit les objets denseignement, on tablit les programmes ; 2. Le ple des lves : la problmatique de lappropriation didactique. Cest--dire quil est ncessaire darticuler les thories de lapprentissage aux savoirs dont lappropriation est vise. Il faut aussi une valuation diagnostique (o est lapprenant au dpart de laction) + une valuation formative (que se passe-t-il en cours dapprentissage ?) ; 3. Le ple enseignant : la problmatique de lintervention didactique. On a en vue le type de contrat didactique (expliquer ou pas les objectifs des activits ?), la mise en place des stratgies didactiques (expliquer ou appliquer ?), linventaire de situations et de dispositifs didactiques (travail de groupe, individuel, etc.), ladaptation du programme la classe (tout le programme ?, noyaux ?), les progressions, etc. QUESTIONS ET EXERCICES 1. Daprs vous, pourquoi la didactique du FLE devrait-elle sintresser aux mdias ? 2. Faites le portrait de lapprenant de lcole primaire (recourez vos connaissances de psychologie). 3. Le mme exercice pour lapprenant de lcole secondaire. 4. Faites le portrait de lenseignant idal (recourez votre exprience !).

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J.F. Halt (1992: 17).

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LES MTHODOLOGIES DU FLE12MTHODOLOGIE TRADITIONNELLE MTHODOLOGIE DIRECTE MTHODOLOGIE STRUCTURO-GLOBALE AUDIO-VISUELLE (SGAV) FRANAIS FONDAMENTAL MTHODOLOGIE COMMUNICATIVE NIVEAU-SEUIL La didactique du FLE a connu, comme tout autre domaine scientifique, une permanente volution, favorise surtout par le dveloppement des sciences du langage. Par mthodologie du FLE nous comprenons lensemble de stratgies (mthodes et auxiliaires) utilises un moment donn dans la didactique du FLE et dont le choix est dtermin par une vision unitaire sur les objectifs atteindre et les dmarches suivre dans le processus denseignement/apprentissage du franais. Nous prsentons ci-dessous de faon succincte les mthodologies les plus clairement dfinies au long du temps et qui ont marqu lvolution de la didactique du FLE. III.1. La mthodologie traditionnelle (fin du XIXe sicle) tait base sur lenseignement de la grammaire et sur la traduction des textes appartenant aux grands classiques de la littrature franaise. Le matre et le manuel constituaient les modles suivis par les apprenants. Les aptitudes dveloppes dune faon privilgie par ces mthodes taient la comprhension et la production crites. III.2. La mthodologie directe a t prfre au dbut du XXe sicle. Contrairement aux mthodes traditionnelles, les mthodes directes renoncent aux exercices de traduction en faveur des exercices qui conduisent lapprentissage des mots trangers (des mots franais dans notre cas) sans passer par lintermdiaire de leurs quivalents de la langue maternelle des apprenants (le roumain). Le bain de langue (qui reprsente le mieux les mthodes directes) favorise la comprhension et la production orales. La grammaire de la langue trangre apprendre nest pas explicite. Les mthodes directes reprsentent un tournant dans la didactique du FLE.Pour des dtails concernant les diverses mthodologies du FLE, consulter louvrage de V. Dospinescu (2002): Didactique des langues (tradition et modernit) et analyse critique de manuels, Iai, Junimea.12

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III.3. La mthodologie structuro-globale audio-visuelle (SGAV) est apparue comme reflet de lessor du structuralisme et, implicitement, de la phontique. La mise au point de cette mthodologie a t possible grce aux recherches menes en commun ds 1954 par trois quipes, animes par le professeur Petar Gubrina (disciple de Troubetsko , donc ce nest pas tonnant que la phontique soit en honneur ) lInstitut de phontique de lUniversit de Zagreb, par Paul Rivenc, au Centre de recherches et dtudes pour la diffusion du franais (CREDIF) de lcole Normale Suprieure de Saint-Cloud et par Raymond Renard, dans le cadre du Centre Universitaire de Mons (en Belgique, partir de 1960). Lapport de Gubrina a t dcisif dans le domaine de la perception et de lapprentissage de la parole13. Lpithte structuro-globale audio-visuelle reflte les traits dfinitoires de cette mthodologie : Le courant linguistique qui la fonde thoriquement est le structuralisme ; le savoir est acquis dans une progression rigoureuse, par linsertion de nouveaux lments dans des structures dj connues. On met laccent sur la formation des automatismes, en faisant appel le plus rarement possible aux rgles de grammaire explicites et la traduction. Le principe fondamental est que la connaissance dune langue ne suppose pas ncessairement la comprhension de toutes ses nuances : une comprhension globale des noncs, surtout au dbut de lapprentissage, est suffisante. Les auxiliaires didactiques prfrs sont les auxiliaires techniques audio-visuels : le magntoscope et le diascope ; les classes de franais commencent souvent par lcoute de dialogues enregistrs, conus spcialement dans ce but. Le contenu linguistique concern par la mthodologie SGAV a t dtermin partir de llaboration dun Franais fondamental. Le premier pas pour llaboration du Franais fondamental a t une enqute portant sur la langue parle recueillie en situation au magntophone. Le pas suivant a t ltablissement des listes de vocabulaire fondes sur des critres statistiques. Ensuite on a propos une grammaire pdagogique reposant elle aussi sur une analyse statistique de la langue parle. Le point de dpart de llaboration du Franais fondamental a t lobservation que dans la plupart des situations dapprentissage (et surtout au tout dbut), il nest pas ncessaire, ou encore, pour mieux dire, il nest pas souhaitable doffrir aux apprenants plusieurs variantes pour la mme information (on ne leur apprend pas simultanment les sens des mots voiture, auto et bagnole). En dautres mots, il ne faut pas insister sur lhtrognit, sur la13

Cf. H. Boyer et all. (1990: 10-13).

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diversit gographique ou socioculturelle de la langue : il faut sarrter ces termes jugs indispensables, prioritaires pour une comprhension minimale. Le CRDIF, partir dune enqute sur le franais parl, a tabli un ensemble appel dabord Franais lmentaire (1954), puis Franais fondamental 1er degr (1959). Les entretiens enregistrs taient orients vers quelques thmes ouverts, comme la profession, la famille, la sant, la vie quotidienne, etc. Le Franais lmentaire fournissait des moyens dexpression suffisants, tant une premire tape en vue de lacquisition du franais complet . Les auteurs taient trs soucieux de ne pas fournir des termes ambigus, ou des structures dont lapprentissage aurait pu gner par la suite lacquisition dautres moyens dexpression. Certaines voix ont accus le Franais fondamental de porter atteinte lintgrit du franais, de le rendre trop pauvre. Les linguistes qui ont fait lenqute ont recueilli un rpertoire de 7995 mots diffrents. Pour tablir vraiment un franais fondamental il fallait rduire ce rpertoire 1500 mots. Afin de parvenir ce rsultat, on a propos trois critres : 1. Les premiers mots slectionns ont t les mots frquents dans les discours recueillis. 2. Les linguistes ont choisi aussi des mots disponibles, cest--dire ces mots avec une frquence faible et peu stable, qui sont cependant des mots usuels et utiles (ex : couteau, fourchette, etc.). 3. On a ajout au Franais fondamental certains mots des registres civique, thique ou culturel, tels arts, justice, libert, vrit. Le choix a t arbitraire. Les adjonctions empiriques refltent sans doute lidologie implicite de la Commission (G. Gougenheim, R. Michea, P. Rivenc, A. Sauvageot faisant partie de cette commission) qui a labor le Franais fondamental : proccupation daider lalphabtisation dans le tiers monde, souci de dsigner les objets utiles dune vie quotidienne sagement petite bourgeoise et mnagre, rfrence des institutions (arme, dcorer, drapeau, juge, tribunal) ou des concepts (ennemi, forger, juger, mensonge, ordre), illustrant navement cette idologie .14 Mme si certains mots du Franais fondamental (1972) ne sont plus tellement utiliss nos jours, cet ouvrage reste un ouvrage de rfrence dans la didactique du FLE parce quil a incit enseigner en premier ce quon ne peut viter quand on utilise une langue, en modifiant de la sorte la reprsentation traditionnelle que lon avait de la matire enseigner et de la manire mme denseigner la matire. Le Franais fondamental a constitu donc un lment important de renouvellement de lenseignement du franais ltranger, tant lun des lments principaux de la mthodologie SGAV. partir du Franais fondamental on a labor de nombreux manuels et dautres outils pdagogiques.14

Paul Rivenc (1979: 18): Le Franais fondamental vingt-cinq ans aprs, Le franais dans le monde, no.148, dans H.Boyer et all. (1990: 21).

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Trs vite, le Franais fondamental a t prolong par deux ouvrages : 1. Franais fondamental 2e degr (1973) loriginalit de ce 2e degr rside dans lattention particulire prte lcrit. 2. le V.G.O.S. Vocabulaire Gnral dOrientation Scientifique un outil labor galement par le CRDIF qui donnait accs la comprhension et la production du langage technique et scientifique franais. On a reproch au Franais fondamental une slection trop empirique et le fait dasscher la matire enseigner, de mettre en scne des dialogues dans une langue que personne ne parle. Il ne faut pas oublier que le Franais fondamental tait bas sur le structuralisme, donc sur une linguistique de la langue, des rgularits du systme. La didactique des annes 1970-1980 allait substituer lunique franais fondamental de nombreux vocabulaires essentiels, rpondant la demande de publics diffrents. III.4. La mthodologie communicative simpose en France au milieu des annes 1970 ( ! 1970 Le conseil de Strasbourg, v.I.1.). Si la mthodologie SGAV sest dveloppe grce au structuralisme, cest la pragmatique et la sociolinguistique qui sous-tendent la mthodologie communicative. Cette mthodologie part de la constatation que former des phrases grammaticalement correctes dans une langue quelconque nest pas synonyme de communiquer dans la langue respective. Les thoriciens de la mthodologie communicative affirment quil faut trouver les moyens pour faire acqurir aux apprenants une vraie comptence de communication. Daprs H. Boyer et ses collaborateurs (1990) la comptence de communication (notion issue de la sociolinguistique amricaine) repose sur lensemble dau moins cinq composantes (qui sont autant de microcomptences) : une composante smiotique ou smio linguistique qui intgre des savoirs et des savoir-faire, des reprsentations (images, attitudes) concernant la langue (dans ses fonctionnements phonologiques, phontiques, lexicosmantiques et grammaticaux), mais galement dautres systmes signifiants associs la linguistique comme la gestualit, la mimique, la graphie, la ponctuation ; en dautres mots, les apprenants doivent connatre les mots de la langue franaise et les structures syntaxiques dans lesquelles peuvent entrer ces mots. une composante rfrentielle, cest--dire la connaissance des domaines dexprience et des objets du monde et de leurs relations, qui concerne les savoirs, les savoir-faire et les reprsentations de lunivers auquel renvoie la langue (par exemple le mot minitel est expliqu par Le Petit Robert de la faon suivante : petit terminal de consultations de banques de donnes vidotex commercialis par les P.T.T. ; malgr la clart de cette dfinition, pour les

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Roumains il est difficile de visualiser cet objet et de comprendre ses fonctions, vu que le minitel nexiste pas en Roumanie); une composante discursive-textuelle, cest--dire les savoirs et les savoirfaire relatifs aux discours et aux messages et la matrise effective des divers fonctionnements textuels et de la mise en discours qui permettent par exemple de construire (de reconnatre) une dmonstration, un rcit, etc. en franais (par exemple il faut savoir quelles sont les rgles respecter quand on rdige une lettre en franais); une composante sociopragmatique : des savoirs et savoir-faire, des reprsentations concernant la mise en uvre dobjectifs pragmatiques conformment aux diverses normes et lgitimits, les comportements langagiers dans leur dimension interactionnelle et sociale, stratgies des relations interpersonnelles en fonction des positions, des rles, des intentions de ceux qui prennent part la communication (par exemple il faut savoir comment exprimer le respect pour une personne ge); la composante ethno-culturelle concerne la matrise des connaissances, des opinions et des reprsentations collectives en relation avec les diverses identits (sociales, ethniques, religieuses, politiques) qui coexistent et saffrontent sur le march culturel. Cette comptence ethno-culturelle permet de saisir et de faire fonctionner toutes sortes dimplicites plus ou moins cods, plus ou moins partags, intgre lair du temps . Elle est pralable et indispensable certaines pratiques langagires, comme lhumour par exemple (sans connatre la vie politique et sociale de la France, il serait difficile, par exemple, de comprendre les articles du journal Le Canard Enchan ; pensez un tranger qui voudrait lire Academia Caavencu : la connaissance des rgles morphosyntaxiques et des mots de la langue roumaine est tout simplement insuffisante). Le concept de comptence de communication est le concept cl de lapproche communicative en FLE. Lapproche communicative implique lapprentissage des rgles qui gouvernent les actes langagiers : pour bien sexprimer en franais il faut savoir qui prend part la communication, quel est le rle de chaque participant, quels sont les critres selon lesquels on value les actes langagiers. Pour R. Galisson15, entre la mthodologie SGAV et celle communicative il ny a pas de rupture dans les objectifs, comme cela avait t le cas entre les mthodologies directe et traditionnelle. On continue enseigner la langue, mais on fait mieux la diffrence entre le systme (qui postule une comptence linguistique) et lemploi (qui postule une comptence de communication). La langue est donc pleinement reconnue comme pratique sociale. Lapproche communicative a propos un nouveau point de vue sur la relation crit oral. Lcrit et loral sont deux codes diffrents, se manifestantR. Gallison et all. (1980: 14): Dhier aujourdhui la didactique gnrale des langues trangres, Paris, CLE International, dans H. Boyer (1990: 51).15

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chacun par des pratiques langagires spcifiques. On ne peut pas affirmer que lun de ces deux codes est plus important que lautre. Dans le processus denseignement/apprentissage il faut tenir compte des diffrences entre les matrises exiges par lexpression crite et les matrises exiges par lexpression orale. Le but est de faire apprendre aux lves communiquer de faon adquate dans nimporte quelle situation de communication. Les termes fondamentaux des mthodologies communicatives sont : Lacte de parole Lauthenticit Les publics Les besoins Lautonomie Le Niveau-Seuil. III.4.1. Lacte de parole R. Jakobson (1963) proposait six fonctions du langage, en fonction des six facteurs qui interviennent dans le processus de communication (message/fonction potique ; metteur/fonction expressive ; rcepteur/fonction conative ; contexte/fonction rfrentielle; contact/fonction phatique ; code/fonction mtalinguistique). Mais la communication humaine ordinaire ne se laisse pas enfermer dans le schma idal de R. Jakobson. Parfois, cause des diffrences de culture par exemple, linterlocuteur ne comprend pas le message formul par le locuteur. Ou, encore, le message nest pas compris parce quun bruit quelconque a empch lcoute de certains mots. Lacte de parole (ou lacte de langage) est dfini le plus souvent comme la plus petite unit ralisant par le langage une action (ordre, requte assertion, promesse) destine modifier la situation des interlocuteurs. Linterlocuteur peut linterprter seulement sil reconnat le caractre intentionnel de lacte du locuteur.16 Laccomplissement dun acte de parole suppose en fait laccomplissement de trois actes : un acte locutoire (on produit une phrase correcte du point de vue morphosyntaxique et qui se rfre quelque chose : Pourriez-vous ouvrir la fentre ? est une interrogation totale construite par linversion du sujet), un acte illocutoire (Pourriez-vous ouvrir la fentre? est une requte : le locuteur nattend pas une rponse, mais une action accomplie par linterlocuteur) et un acte perlocutoire (Pourriez-vous ouvrir la fentre? peut signifier que le locuteur en a marre du fait que son interlocuteur fume tout le temps sans penser aux autres et il essaie de cette faon de faire comprendre son interlocuteur son impolitesse).16

Cf. D. Maingueneau (1996: 10): Les termes-cls de lanalyse du discours, Paris, Seuil.

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Lacte de langage est plutt une expdition et une aventure 17. Il ny a pas toujours symtrie entre la production dun discours par un sujet et linterprtation de ce discours par son interlocuteur. Les malentendus apparaissent frquemment dans les conversations, provoqus par la fatigue des participants la communication, par les diffrences entre les savoirs de ceux-ci, leurs systmes de valeurs, leurs expriences. P. Charaudeau18 affirme que lensemble de notre rflexion smiolinguistique tend dfinir lacte de langage comme une mise en scne de la signification laquelle participent des partenaires qui sont lis par un certain nombre de contrats et qui ont chacun un certain projet de parole qui dtermine lenjeu de cette mise en scne . Le linguiste ajoute que lacte de langage signifie toujours autre chose que ce quil signifie explicitement et il met laccent sur la notion dimplicite. Quil sagisse des implicites qui tiennent une appartenance ethnoculturelle ou simplement sociale, ou des implicites qui rvlent des rapports interpersonnels, la didactique du FLE ne peut pas ngliger limportance de ces implicites dans la communication (implicite = qui est virtuellement contenu dans une proposition, un fait, sans tre formellement exprim et peut tre tir par dduction, induction). On doit tenir compte du fait que le message nest pas un simple emballage pour transmettre une information en direction dun interlocuteur, mais un discours bas sur un contrat entre les deux participants la communication, un contrat qui dtermine ce qui doit tre dit, comment le dire, lorganisation de linteraction verbale entre les partenaires. On a besoin dun certain nombre de stratgies qui visent adapter les objectifs de communication la situation de communication (au type de contrat). Tout message est un moyen dagir sur un destinataire, selon certaines normes (sociales, culturelles) et selon la situation de communication. Le message tend tre gnralement la mise en uvre de la stratgie juge la plus correcte et efficace. (Ex. Pour demander quelquun de sortir, il y a plusieurs formules possibles : Sortez ! Je vous prie de sortir quelques instants ! Fichez-moi la paix ! Vous sortirez ! Dhabitude, on sadresse son suprieur hirarchique en disant : Je vous prie de sortir quelques instants ! Mais si un incendie ou un danger quelconque le menace, cette formule devient ridicule.). Les mthodologies qui avaient comme modle le structuralisme proposaient plutt des phrases passe-partout. Les approches communicatives proposent des phrases diffrentes selon les conditions concrtes de ralisation de lacte de parole (les conditions concrtes incluent il ne faut pas loublier les aspects culturels propres au peuple qui parle la langue apprendre).

Patrick Charaudeau (1983: 50): Langage et discours, Paris, Hachette, dans H.Boyer et all.(1990:38). lments de smiolinguistique; dune thorie de langage une analyse du discours, Connexions 38 / 1982: 7-10.17 18

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III.4.2. Lauthenticit Lun des traits les plus importants des approches communicatives est lemploi des documents authentiques. Par document authentique on comprend un support non-fabriqu des fins pdagogiques, un texte (oral ou crit) emprunt la communication entre les Franais. Les textes fabriqus neutralisent les identits sociales, la subjectivit, ce sont des changes artificiels, aseptiss qui ont peu de choses en commun avec les dialogues rels des enfants, des adolescents ou des adultes franais. Gnralement, dans les textes fabriqus on remarque labsence des interjections, des exclamations, des petits mots qui articulent le discours. Les documents authentiques, par contre, mettent en vidence les fonctionnements linguistiques propres lnonciation ( la dimension personnelle, subjective et interactive de la parole concrte), les implicites, les contrastes entre les divers usages linguistiques et socioculturels. videmment, il est difficile de traiter pdagogiquement, correctement, la diversit propose par les documents authentiques ds la premire phase de lapprentissage. Si les documents sont trop difficiles, les activits de dchiffrage et de glose ncessaires empchent une rception authentique par les apprenants et une communication authentique en classe. Certains linguistes prfrent utiliser des documents fabriqus, pour des raisons de progression linguistique, mais ces documents jouent lauthentique. On peut donc parler19 de deux types de documents utiliss par les mthodes communicatives: les textes bruts (= les documents authentiques) caractriss par lintgrit, cest--dire le respect de la forme originelle comme produit de communication entre les Franais ; les textes ralistes ou vraisemblables, fabriqus dans une perspective pdagogique mais dont le contenu se veut porteur dune certaine authenticit. Lavantage des documents authentiques est quils permettent le traitement simultan de la langue, de la culture et de la civilisation condition que lenseignant connaisse bien les lments extralinguistiques proposs par ces documents. En plus, il ny a pas de mode demploi unique pour ces documents : ils permettent des applications divergentes, en fonction de la crativit des enseignants et des apprenants. Lemploi des documents authentiques ne limite pas lapproche de la langue trangre lacquisition des formes linguistiques, mais facilite une comprhension interculturelle : on se dcouvre soi-mme en prenant conscience quon est linguistiquement et culturellement diffrent de lautre, de celui avec lequel on apprend communiquer 20.Cf. H. Boyer et all. (1990: 35). H. Besse (1984: 17-18) : De la communication didactique dun document, dans Actas de las VIIas Jornadas Pedaggicas sobre la ensenanza del francs en Espana, Barcelona, ICE de la Universidad Autonoma19

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Cependant, on souligne que le recours au fabriqu est invitable, surtout en dbut dapprentissage. De mme, le recours des supports de type structural , fabriqus en vue de prsenter tel ou tel fonctionnement grammatical, nest pas exclure, condition de ne pas en abuser. En didactique du FLE on parle, part lauthenticit du contenu, de lauthenticit de lapprentissage qui signifie lengagement personnel, responsable de llve dans le processus dapprentissage. III.4.3. Les publics Les approches communicatives se caractrisent par le centrage de lenseignement sur lapprenant. Les thoriciens de la didactique signalent trois types de rapports possibles entre la didactique du FLE et les publics viss : 1. Lindiffrence : la didactique propose des mthodes denseignement passe-partout, valables pour tous les ges, toutes les nationalits. 2. La didactique propose des mthodes diffrentes selon la spcialit du public vis : on peut parler dans ces cas du franais de la mdecine, celui de la gologie, etc. ; dans ces cas, lapprentissage dun franais de spcialit se bornerait lacquisition et la matrise du vocabulaire appropri ; les besoins langagiers des apprenants seraient rgls par de petits dictionnaires ou par des logiciels spcialiss ( un certain moment on a parl du franais instrumental, o le franais tait connu comme un instrument daccs un certain type dinformation). Cependant la comprhension orale ne peut tre obtenue efficacement ni par lintermdiaire du dictionnaire, ni par lintermdiaire du logiciel. 3. Un troisime type de rapport est ralis lorsque les mthodologies didactiques choisies tiennent compte des publics spcifiques : avant de procder au choix du matriel didactique, on prend en considration lge des apprenants, leur niveau de connaissance de la langue, leur niveau de scolarit, leurs caractristiques propres. Cest dans ce cas-ci quon parle dapproche communicative : ce type dapproche part des besoins et des intrts des clientles dapprenants, prend en compte les expriences vcues de ces derniers, leurs styles dapprentissage, et tend favoriser lautomatisation des apprenants par la mise en uvre de pratiques langagires trs prs des pratiques authentiques de la communication. Les approches communicatives mettent laccent non sur lacquisition des connaissances, mais sur limplication du sujet apprenant dans lacquisition dhabilets communicatives. Les activits fournies lapprenant prennent leurs racines dans la ralit sociale, politique, culturelle et linguistique de la communaut dont il est en train dapprendre la langue.

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III.4.4. Les besoins Au moment o un apprenant commence ltude dune langue trangre (que cette langue lui soit impose par le systme dducation dans lequel il est encadr ou quelle soit librement choisie), il sest dj form une image de la langue apprendre et il a une ide de ce que lapprentissage de cette langue pourrait ou devrait lui apporter. En dautres mots, lapprenant prouve certains besoins, appels besoins ressentis21 dont la connaissance constitue le point de dpart pour tout enseignement de langue trangre. Lenseignant doit tenir compte des besoins ressentis des apprenants sans sy soumettre aveuglment. Par contre, lenseignant se voit oblig de se conformer aux besoins objectifs, cest-dire ces besoins que llve ne ressent pas lui-mme, mais dont lassouvissement permet un apprentissage efficace, utile et durable. Lenseignant doit identifier ces besoins, sans leur substituer ses propres reprsentations. Par exemple, un enfant de lcole primaire peut avoir envie dapprendre le franais parce quil ressent le besoin de lire et de comprendre les bandes dessines avec Astrix et Oblix. Mais lenseignant se rend compte de ce que lamlioration de la comptence de comprhension crite va de pair avec lamlioration des autres comptences. Les besoins, objectifs et ressentis, se modifient pendant la scolarisation, raison pour laquelle il faut les analyser priodiquement. Pour dterminer ces besoins, il y a quelques questions auxquelles il faut trouver des rponses22: Pour quels buts celui qui apprend une langue lapprend-il ? Que veut-il ou que doit-il faire avec cette langue la fin de son apprentissage ? Pour atteindre ses buts, de quelles comptences langagires lapprenant doit-il disposer ? Pour faire ce quil veut faire, de quelles aptitudes de communication a-t-il besoin ? Pour parvenir ces comptences, quels types de savoirs linguistiques lenseignant doit-il enseigner ? Quels contenus, quelles progressions, quelles mthodologies doivent contribuer lorganisation du cours de langue ? Lanalyse des besoins permet la construction des objectifs dapprentissage adquats la situation des lves. Dans certains systmes denseignement, les objectifs sont fixs davance, par dautres personnes que les enseignants. Dans ce dernier cas, lanalyse des besoins change de sens, mais elle reste indispensable. Elle devient le recensement et la hirarchisation de tout ce qui est ncessaire pour atteindre lobjectif, compte tenu du public auquel on a affaire23 (= les meilleurs matriels pdagogiques disponibles, le temps dont on dispose en classe, celui dont les lves disposent hors de la classe, la biographie langagire des lves, etc.).L. Porcher (1995: 24). Cf. M. Martins Baltar (1979): A propos dun propos (dun Niveau-Seuil), tudes de Linguistique Applique 35, dans L. Porcher (1995: 30-31). 23 L.Porcher (1995: 26).21 22

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Dans les deux cas (lanalyse des besoins prcde la formulation des objectifs ou les objectifs sont fixs davance) on peut parler dune ngociation qui consiste aider les partenaires dun projet denseignement / apprentissage se rendre compte de ce qui est ngociable et de ce qui ne lest pas pour trouver des compromis ncessaires sa ralisation 24. III.4.5. Lautonomie des apprenants Les mthodologies communicatives proposent non seulement dapprendre communiquer, mais aussi dapprendre apprendre. La premire tache de tout enseignant est de dvelopper chez lapprenant la comptence dapprendre. Un bon enseignant nest pas celui qui travaille beaucoup, mais celui qui fait bien travailler les lves25. Lautonomie est la capacit de prendre en charge la responsabilit de ses propres affaires, savoir la capacit de prendre en charge son propre apprentissage. Cette capacit nest pas inne, elle doit sacqurir par des efforts permanents, systmatiques et rflchis. On peut affirmer quun apprenant est autonome sil comprend quil est lui-mme lartisan de son apprentissage, sil connat bien ses motivations et ses objectifs, sil russit slectionner de toutes les mthodes proposes par lenseignant celles qui conviennent le mieux sa manire dapprendre. Lautonomie suppose galement que lapprenant puisse proposer de nouvelles activits dapprentissage. Lun des plus importants traits de lautonomie est la capacit dauto-valuation. Il est difficile de shabituer penser aux raisons pour lesquelles on apprend et aux procds quon utilise pour le faire. Lun des rles les plus importants de lenseignant est de soutenir lapprenant dans ses efforts dacqurir son autonomie. Lenseignant aide lapprenant devenir autonome sil lui permet de manifester son originalit et son esprit critique : en dautres mots, lenseignant doit placer llve dans une telle position que celui-ci puisse prendre des risques en classe et des risques rels dans la communication hors de la classe. Llve doit se situer dans un processus de ngociation permanente avec lenseignant, qui doit tre guide et conseiller. Lenseignant trie parmi les matriels dapprentissage, choisit ceux qui lui semblent les plus adquats au rythme des apprenants, ltape de lapprentissage, aux objectifs fixs. Mais, de temps en temps, il doit faire confiance aux apprenants et les laisser choisir euxmmes. Lattitude ngociatrice est au cur mme du processus dautonomie. Lenseignant doit organiser cette attitude, la vertbrer, ne jamais oublier que la capacit dautonomie est un savoir-faire qui sacquiert peu peu et qui na pas de raison dtre prsent demble chez nimporte qui. Pour le professeur,24 25

R. Richterich (1985: 125-126): Besoins langagiers et objectifs dapprentissage, Paris, Hachette. A. Prost (1985): loge des pdagogues, Seuil.

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comme pour llve, lautonomie est une capacit qui se construit26. De petits exercices, de petites questions rptes avec rgularit font merveille (par exemple : Quest-ce que vous pensez, pourquoi les auteurs du manuel nous ontils propos ce texte ? ; Quel est lexercice qui vous semble le plus intressant et que nous devrions rsoudre en premier?; Daprs vous, quoi sert cet exercice ?, Proposez un thme pour le devoir la maison.; etc.) Lautonomisation est un processus, une conqute, une marche vers lautonomie. Lautonomisation implique que les deux conditions suivantes soient satisfaites : 1. Que lapprenant ait la capacit de prendre en charge son apprentissage ; 2. Quune structure dapprentissage existe dans laquelle le contrle de lapprentissage soit du ressort de lapprenant, donc dans laquelle lapprenant puisse exercer sa capacit de prise en charge. Seuls les savoirs acquis de manire autonome sintriorisent et sopposent loubli immdiat. Il faut se rappeler que pouvoir communiquer dans une langue, cest tre capable de faire face aux situations inattendues, et mme, paradoxalement, de les anticiper. Lenseignant doit constamment crer de nouveaux types dinteraction en jouant le rle du clairvoyant qui prvoit mme ce qui est imprvisible. III.4.6. Le Niveau-Seuil La parution du Niveau-Seuil en 1976 a marqu le point de dpart dans la constitution des mthodologies communicatives. Le Niveau-Seuil franais, qui sinspire du niveau seuil anglais (The Threshold Level 1975 : J.A. Van Ek), a en vue la satisfaction des besoins de communication spcifiques de publics spcifiques. Dans sa prsentation du Niveau-Seuil, E. Roulet explicite ainsi le principe directeur de louvrage: On peut dterminer les besoins langagiers des apprenants en fonction des actes de parole quils auront accomplir dans certaines situations, envers certains interlocuteurs et propos de certains objets ou notions : par exemple, demander une information un employ du guichet de la gare sur lheure de dpart dun train ou adresser une requte un subordonn dans une usine concernant la fabrication dune pice mtallique. Dans cette perspective, le choix du vocabulaire et des structures grammaticales est subordonn lacte et aux diffrents paramtres (statut social et affectif des interlocuteurs, canal tlphone, face face , support crit ou oral, situation plus ou moins formelle, etc.) qui en commandent la ralisation 27 .L. Porcher (1995: 29). E. Roulet (1977: 1): Un Niveau Seuil. Prsentation et guide demploi, Strasbourg, Conseil de lEurope, dans H. Boyer et all. (1990: 59).26

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H. Boyer et all.28, dcrivent la structure du Niveau-Seuil: 1. On dsigne tout dabord les publics dapprenants (potentiels) viss par louvrage : touristes et voyageurs travailleurs migrants et leurs familles spcialistes ou professionnels ne quittant pas leur pays dorigine enfants et adolescents apprenant une langue trangre dans le cadre scolaire de leur pays dorigine grands adolescents et jeunes adultes dans le cadre scolaire ou universitaire de leur pays dorigine et on classifie les domaines de lactivit langagire concerns par les lexiques thmatiques proposs : relations familiales relations professionnelles relations grgaires (de voisinage, de connaissance, damiti) relations commerantes et civiles frquentation des mdias . 2. Le Niveau-Seuil comprend deux sries de rpertoires langagiers permettant de couvrir lensemble de ces domaines ( ct dun important chapitre prsentant une grammaire du franais) : les actes de parole : on dresse linventaire des actes jugs indispensables un premier niveau de comptence de communication et de leurs ralisations les plus courantes en franais (actes sociaux : prendre cong, ; oprations discursives : se corriger, ...) les objets et notions . Il y a deux types de notions : les notions gnrales (qui apparaissent dans tous les champs considrs : taille, mouvement, vitesse, etc.) et les notions spcifiques (propres un champ particulier ; ex : les maladies). Selon les publics viss et leurs besoins langagiers, les utilisateurs slectionnent, partir des rpertoires dactes et de notions, les contenus de la comptence de communication requise. D. Coste souligne que pour une langue donne, plusieurs niveaux-seuil sont concevables, si lon y voit avant tout des objectifs oprationnels fonctionnels, restreints dessein de faon pouvoir tre atteints, sinon trs court terme, du moins dans des dlais qui ne dcouragent pas celui qui apprend. Chacun est la fois niveau (dans la mesure ou il apparat comme relativement normalis et pouvant donner lieu une valuation dtaille des rsultats des apprenants) et seuil (parce quouvrant sur la poursuite dobjectifs plus complexes ou spcialiss). Un objectif fonctionnel de type niveau-seuil est conu comme limite, mais non limitatif 29.28

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H.Boyer et all. (1990: 60). D. Coste (1977: 19): Un niveau seuil, dans Le Franais dans le Monde, no 126.

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Les utilisateurs du Niveau-Seuil sont principalement les responsables de programmes de langue et les auteurs de cours et de mthodes, mais aussi les enseignants de FLE. On se rend compte que pour la ralisation du Niveau-seuil, la dlimitation des actes, leur dnomination, leur hirarchisation ont t trs difficiles. Les indications quant aux situations de communication dans lesquelles peuvent tre employs les divers noncs font dfaut. Le Niveau-seuil est donc une construction paradoxale : il est insuffisant sil sadresse des spcialistes, dexcellents connaisseurs du franais, il est trop difficile sil sadresse des usagers qui ne matrisent pas la diversit du franais. Nanmoins, le NiveauSeuil sert trs bien llaboration densembles et de dossiers pour la classe de FLE. Conclusions Les critres qui peuvent donc permettre de caractriser telle ou telle option mthodologique sont : le recours ou non la traduction en langue maternelle ; le choix dun enseignement grammatical explicite ou implicite ; lutilisation de supports fabriqus ou de documents bruts ; le choix dune progression linguistique rigoureuse ou dun ordre de prsentation souple, essentiellement pragmatique. QUESTIONS ET EXERCICES 1. Trouvez trois documents authentiques qui aient comme thme la tolrance. 2. Trouvez un document authentique qui puisse servir de support lenseignement du pass simple. 3. Comment un autonomes ? enseignant peut-il rendre ses lves

4. Daprs vous, quelles sont les diffrences entre un public form dlves dun lyce bilingue et un public form dlves dun groupe scolaire industriel ?5. Quelles

sont les structures morphosyntaxiques par lesquelles on peut exprimer laccord en franais ? (voir Patrick Charaudeau : Grammaire du sens et de lexpression, 1982)

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PRINCIPES DE LA DIDACTIQUE DU FLEINTERFRENCE TRANSFERT MOTIVATION ACCESSIBILIT CRATIVIT INTUITION PROGRESSION Dans lorganisation et le droulement du processus didactique, lenseignant doit tenir compte de quelques principes, issus de la pdagogie et valables pour lenseignement de nimporte quelle discipline. 1. Le principe de la participation consciente et active de llve au processus concret de lenseignement, en tant que partenaire directement concern par lacquisition dune langue trangre, traduit lexigence dautonomisation formule par la mthodologie communicative. Il faut donner llve loccasion de trouver tout seul la solution de certains problmes (ex : trouver les rgles partir des exemples = induction ; former des exemples partir des rgles = dduction). Pour expliquer certains mots, rgles, structures, nous pouvons recourir la langue maternelle : de cette manire nous pouvons combattre les interfrences (influences ngatives), assurer le transfert (influences positives de la langue maternelle). Lemploi de la comparaison avec la langue maternelle contribue dvelopper chez les lves lesprit dobservation, en leur formant lhabitude dtablir des rapports logiques entre les phnomnes tudis. (Mais, videmment, la comparaison a ses limites. Il ne faut pas oublier que les lves doivent se dgager le plus tt possible de la langue maternelle lorsquils parlent et crivent la nouvelle langue). Lactivit indpendante pendant la classe et en dehors de la classe a une grande importance : il est absolument ncessaire que lenseignant fasse travailler ses lves. Les exercices effectus en classe, sous la directe surveillance du professeur, aident beaucoup ceux-ci assimiler de nouvelles connaissances. 2. Le principe du traitement individuel de llve : Le processus denseignement doit avoir un caractre unitaire, valable pour tous les lves. Cependant, autant que possible, il faut tenir compte des diffrences qui existent32

entre les individus et il faut adapter les exercices aux lves. Ou, pour les mmes tches proposes aux lves, laide offerte par le professeur doit tre diffrencie. Par exemple, partir du mme texte, on peut proposer trois types dexercices : 1. question + indication du paragraphe o lon trouve la rponse ; 2. questions ; 3. questions + rponses choix multiples. Llve aura la libert de choisir lexercice quil voudra rsoudre, en fonction de ses capacits. 3. Le principe de la motivation : Les motifs qui poussent llve apprendre le franais deviennent la force motrice essentielle dans la solution de tous les problmes. Les lments dterminants pour la motivation dpendent : a. du professeur, de son attitude et de sa position vis--vis du collectif dlves ; b. de la personnalit de llve ; c. de la reprsentation de la langue franaise dans la famille et le milieu do provient llve ; d. des contenus (= syllabus) dapprentissage, du processus de lenseignement en soi-mme ; e. de ltape dans laquelle on applique le systme dinstruction ; f. de lvaluation (la note ou le qualificatif !). Dans, Aider les lves apprendre, Grard de Vecchi30 affirme que : Llve sera motiv si en outre : il fait quelque chose dutile, qui a du sens pour lui : llve doit raliser un travail dont il ressent le besoin ; il a un projet, il doit vritablement tre partie prenante ; il est en terrain connu : llve doit savoir ce quil faut faire, pourquoi et comment le faire (connaissances des objectifs et des moyens mis sa disposition) et jusquo aller (critres dachvement) ; il cherche, il se bat : mis en situation de rsolution de problme, on doit lui proposer de relever un dfi ; si les obstacles ne sont pas en eux-mmes des moyens dapprendre, leur rencontre peut stimuler en crant des besoins nouveaux de connaissances ; il a le droit de se tromper : celui qui apprend doit pouvoir ttonner, suivre sa propre dmarche, appliquer ses propres stratgies ; il est responsable : llve doit tre lacteur de la construction de son propre savoir, et son travail doit sinscrire dans un projet personnel (enseignant = personne ressources ; lve = producteur, possibilit de contrats personnaliss et diffrencis) ; il devient conscient de possder un savoir opratoire : il doit prendre conscience des moyens intellectuels quil met en uvre ; il est plac dans un environnement favorable : lenseignant doit tre peru par llve comme tant l pour laider avancer, et non pour relever ses fautes et les noter. La relation entre eux doit tre empathique ;30

Grard de Vecchi (1992: 192): Aider les lves apprendre, Hachette

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il peut sidentifier un modle : quelquefois, la personnalit ou le

charisme et la motivation de lenseignant le transportent ou lui renvoient limage dune rfrence (Le Matre, au sens premier du terme) ; il prend conscience de ses russites : on doit aider llve russir ce quil entreprend : ne pas labandonner devant lobstacle non franchi, mais lui permettre de cerner la difficult sur laquelle il bute afin de mieux lapprhender. Analyser avec lui le dpassement des obstacles. Chacun doit pouvoir juger lui-mme de ce quil fait. En conclusion, motiver les lves implique la mise en place dune dmarche globale. Aborder un seul des points dcrits ne peut tre trs efficace, mme sil faut bien commencer par se lancer sur une piste spcifique. 4. Le principe de lactivit collective : Il ne faut pas oublier que le but principal dans lequel on apprend le franais est la communication. Lenseignement dune langue trangre est en soi-mme une activit collective lintrieur de laquelle on tablit des liaisons spirituelles rciproques entre les partenaires du processus. Bien que le travail en sous-groupes provoque souvent le dsordre et quil prenne parfois trop de temps, lenseignant doit lorganiser de faon rgulire. 5. Le principe de lintuition : les reprsentations et les notions que les lves se forment doivent se baser sur la perception des objets et des phnomnes tudis. Dans la didactique du FLE on parle dintuition visuelle (planches, dessins, schmas, craie de couleur, cartes) et dintuition auditive (techniques audio-visuelles). 6. Le principe de laccessibilit exige la gradation du facile au difficile, du connu linconnu, du simple au complexe. Le professeur de franais doit appliquer ce principe dans le dosage des connaissances envisager, en fonction de lge des lves et de leurs possibilits dassimilation ( ! accessible ne veut pas dire simpliste). 7. Le principe de la systmatisation et de la continuit : pour le professeur, ce principe se concrtise dans le respect du programme-cadre, dans la planification annuelle, dans le plan de la leon (projet didactique, fiche pdagogique) et dans la manire dont il dploie et organise ses leons. Chaque leon doit tre systmatique, logique, elle doit mettre en relief lessentiel et carter le superflu. Les nouvelles connaissances devront tre toujours lies celles que les lves ont acquises antrieurement. Les lves verront les rapports naturels et logiques entre les parties dun mme tout, ils pourront sapproprier la matire tudie dans son ensemble. Chaque lment acquis reprsente la conqute dun nouveau seuil.

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8. Le principe de lacquisition solide des connaissances (par la rptition, le contrle, lautocontrle). Les lves doivent comprendre ds le dbut que le but de lapprentissage nest pas lobtention dune bonne note (dun bon qualificatif), mais leur formation pour leur avenir. 9. Le principe de laccord de la thorie avec la pratique : le dveloppement de lexpression orale et crite doit constituer le but de chaque acte dtude ; ltude des divers lments linguistiques ne constitue pas un but en soi, mais la base ncessaire pour la formation des habitudes qui conduisent la pratique du langage. 10. Le principe formatif : au long des annes, les lves doivent acqurir des savoirs et des savoir-faire en doses confortables (quand ils apprennent les structures morphosyntaxiques usuelles pour lexpression du salut, ils apprennent en mme temps que saluer est lexpression dun certain degr dducation). 11. Le principe de la crativit : Lapprentissage se concrtise dans le caractre crateur qui favorise la production et lapprciation de diffrents actes de parole en fonction de situations prcises. QUESTIONS ET EXERCICES 1. En tant que futurs enseignants de franais, vous sentez-vous assez motivs ? Justifiez votre rponse. 2. Trouvez dans les manuels scolaires quelques activits qui stimulent, daprs vous, la crativit des lves. 3. Proposez un texte et trois variantes dexercices partir de ce texte, de faon pouvoir traiter diffremment les lves en fonction de leurs comptences individuelles. 4. valuez trois manuels diffrents en prenant comme critre dvaluation la systmatisation des informations.

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LES ACTIVITS DENSEIGNEMENT / APPRENTISSAGEACTIVIT / TCHE CONSIGNE / SUPPORT / PROCDURE THORIES DE LAPPRENTISSAGE STRATGIES DAPPRENTISSAGE V.1. Lanalyse et llaboration des activits de classe Sous le nom dactivits de classe ou tches on classe gnralement tout ce qui dans les manuels et matriels divers est nomm exercices , ou pratique de la langue , ou activits pdagogiques , termes qui sont souvent pris pour des synonymes. Daprs U. Frauenfelder et R. Porquier31, toute tche consiste dans une activit langagire guide par une consigne partir dun apport (support), dans des conditions spcifies par la procdure. Lactivit est ce que fait lapprenant (traduction, rptition de phrases, jugements dacceptabilit, etc.). La consigne dfinit pour le sujet ce quil a faire (elle peut tre donne en langue maternelle ou en langue-cible : Traduisez le texte suivant, par exemple). Lapport (ou le support) est le matriel linguistique ou non-linguistique fourni lapprenant (par exemple le texte traduire, ou des mots, des phrases, des images, des gestes, etc.). La procdure spcifie les conditions dans lesquelles se droule lactivit (le contexte de linteraction, le lieu, les participants, le temps que lapprenant a sa disposition pour dvelopper lactivit). U. Frauenfelder et R. Porquier distinguent plusieurs types de tches : a) tches de manipulation de formes ou dnoncs (transformation de phrases, substitutions morphologiques, rptition de phonmes, etc.) ; b) tches consistant fournir un quivalent (transcodage : dicte, lecture haute voix ; synonymes, paraphrases) ; c) tches de production (expression guide ou semi-libre, rsum, expression sur images, etc.) ; d) tches intuitionnelles ou mtalinguistiques (fournir des jugements, des explications, des commentaires). Lactivit de classe est conue par dautres didacticiens comme la combinatoire dun grand nombre de composantes de nature trs diverse. H.U. Frauenfelder; R. Porquier (1986: 64): Le problme des tches dans ltude de la langue des apprenants, Langages 57, p.61-7131

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Boyer, Michle Butzbach et Michle Pendanx (1990 :154) groupent ces composantes en deux classes : les composantes internes, qui concernent lactivit en elle mme, et les composantes externes qui apparaissent lorsque lon envisage lactivit comme faisant partie dun processus plus vaste. Les composantes internes (cf. H. Boyer et all.) sont : 1. Lobjectif de lactivit, cest--dire la matrise, le savoir ou le savoir-faire vis ; 2. Le contenu ou la matire linguistique de lactivit (ex : lemploi des connecteurs temporels dans un rcit labor partir dune chronologie donne) ; 3. Le support de dpart, le donn (ex : une image, un enregistrement, le corpus dnoncs) ; 4. Le support de travail (parfois diffrent du support de dpart : une grille remplir, des phrases complter, etc.) ; 5. Lactivit dapprentissage mobilise en priorit (ex : la recherche dindices pour comprendre le sens dun mot inconnu) ; 6. La consigne de travail donne lapprenant ; 7. La dynamique de la classe (ex : travail individuel, travail par paires, travail par groupes) ; 8. Le produit fini obtenir de lapprenant ou du groupe-classe (ex. : textes collectifs, production orale, etc.) ; 9. La relation entre la langue trangre et la langue maternelle (ou dautres langues connues par lapprenant). Les composantes externes sont : a) La progression, et il faut distinguer au moins deux types de progression : la progression du contenu communicatif et / ou linguistique (ex : tel temps verbal par rapport aux temps dj matriss) et la progression des procds requis (ex : rpondre une question de comprhension qui implique la saisie de plusieurs lments significatifs et non pas dun seul) ; b) La relation avec les capacits scolaires des lves : matrise de lcrit, capacits mtalinguistiques, habitudes dapprentissage, etc. c) La relation avec lvaluation : relation entre activits dapprentissage et activits dvaluation. Ces composantes ne sont pas toutes significatives sur le mme plan, ni au mme degr, lorsque lon envisage une tche donne. H. Boyer et all.32 considrent que les composantes numres jusquici ne permettent pas de rendre compte de llaboration pdagogique qui, elle, est toute diffrente. Alors ils proposent le regroupement des composantes sous trois ples significatifs, qui correspondent mieux aux besoins et aux motivations pdagogiques qui animent les enseignants dans leur pratique quotidienne :32

H. Boyer et all. (1990: 154-155).

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a. La dmarche dapprentissage ou procdure luvre dans lactivit,

cest la mise en jeu des diverses aptitudes de lapprenant en vue de lui faire acqurir une matrise, une comptence, un savoir ; b. Le contenu de lactivit ou la dlimitation de la matire enseigne ; c. La mise en uvre ou les conditions de ralisation de lactivit : son insertion dans un continuum pdagogique, le type de relation pdagogique et les conditionnements dus aux contraintes institutionnelles et matrielles. V.2. Lapprentissage dune langue et les activits dapprentissage Comme nous lavons dj prcis, les approches communicatives mettent laccent sur lautonomie de lapprenant, sur limportance du fait que lapprenant doit apprendre apprendre. Toute mthode de langue suppose lexistence dune thorie de lapprentissage sous-jacente. Les mthodologies audio-orales (USA 50) partaient du bhaviorisme de Skinner. La psychologie bhavioriste se caractrise par le fait de ne tenir compte que des comportements observables et de considrer lactivit langagire comme un comportement au mme titre que dautres33. Or il y a deux principes fondamentaux de lacquisition dun comportement : 1. il faut que le sujet produise une rponse un moment donn, cest--dire que le comportement acqurir apparaisse ; 2. le deuxime principe est celui du renforcement : la rptition dune rponse au mme stimulus renforce lacquisition du comportement. Cette thorie a constitu le point de dpart des exercices structuraux qui se proposaient surtout lacquisition des automatismes. Les mthodologies SGAV ont eu lorigine une thorie psychologique (la Gestalttheorie = la thorie de la forme ou de la structure) qui affirme quun phnomne complexe ne doit pas tre considr comme une somme dlments distinguer ou sparer, mais comme un ou plusieurs ensembles ayant leur autonomie et manifestant une solidarit interne telle que llment ne prexiste pas lensemble, mais quil est constitu par lui34. Un sujet apprend une langue et se transforme en mme temps grce aux interactions verbales avec ses semblables. La parole sappuie sur des moyens verbaux et sur des moyens nonverbaux : rythme, intonation, intensit, gestes, positions et dispositions spatiales des corps parlants, situation spatio-temporelle et contexte social, aspects interactionnels dordre psychologique et affectifs. Tout individu se construit progressivement, lintrieur de sa communaut, comme sujet apte ngocier du sens pendant la communication. H. Besse justifie lpithte global par la coexistence simultane et interactionnelle de tous les facteurs verbaux et non verbaux, individuels et sociaux, biopsychologiques et psychiques ; cet apprentissage ne se dveloppe que si lapprenant se montre apte restructurer33 34

Cf. H. Boyer et all (1990: 156). Cf. H. Besse (1985: 42-43): Mthodes et pratiques des manuels de langue, Didier

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(do lpithte structural ) constamment la totalit de ces facteurs, lesquels mobilisent lactivit conjointe de tous les sens, et plus particulirement la vue et loue (audio-visuelle)35. Quant aux approches communicatives, elles sont sous-tendues par la psycholinguistique de Krashen (1976 - 1981). Krashen considre que les donnes de langage qui permettent lacquisition dune langue dpendent de lenvironnement au sein duquel se dveloppe cette acquisition. Lauteur distingue les environnements formels (notamment scolaires, base dexercices explicites), des environnements informels (en situation naturelle, sans que la langue soit un objet explicite dapprentissage). Chacun de ces deux environnements permet de dvelopper des aspects diffrents de la comptence en langue trangre. Krashen estime que lefficacit des acquisitions est plutt relative au degr dimplication de lapprenant par rapport au matriau linguistique manipul. Dailleurs, dans la thorie du moniteur (moniteur = contrle) de Krashen, on donne des sens diffrents aux termes apprentissage et acquisition : lapprentissage implique une connaissance consciente de la langue (cest--dire que les productions sont contrles par lappel conscient des rgles), tandis que lacquisition se ralise par lintriorisation de rgles implicites36. Celui qui conoit des matriels didactiques est amen opter pour une ou lautre de ces thories. Lenseignant, lui, la diffrence de lauteur de manuels et de mthodes, aura plus souvent tendance composer avec les diverses thories, selon les situations denseignement / apprentissage o il se trouve. V.3. Les stratgies dapprentissage37 Les stratgies dapprentissage sont dfinies comme des procdures utilises par les apprenants pour amliorer leur apprentissage , des outils pour une implication active et autonome 38. Les stratgies directes impliquent une manipulation de la langue-cible et la mise en uvre de processus mentaux, alors que les stratgies indirectes entourent, encadrent ou soutiennent lapprentissage.Stratgies directes : 1. S. mnmoniques (intgrer dans la mmoire) 2. S. cognitives 3. S. compensatoires

Cf. H. Besse (1985: 42-43): Mthodes et pratiques des manuels de langue, Didier D. Gaonach (1987: 151-152): Thories dapprentissage et acquisition dune langue trangre, Hatier-CREDIF, dans H. Boyer et all. (1990: 160). 37 Pour une analyse dtaille des stratgies dapprentissage et des thories les concernant, voir P. Cyr (1998). 38 R.Oxford (1990), Language Learning Strategies: What Every Teacher Should Know, dans P.Cyr, (1998:30-31).35 36

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Stratgies indirectes :

1. S. mtacognitives 2. S. affectives 3. S. sociales

a. Les stratgies mtacognitives consistent rflchir sur le processus dapprentissage, comprendre les conditions qui le favorisent, organiser ses activits en vue de faire des apprentissages, sautovaluer, sautocorriger. b. Les stratgies cognitives impliquent une interaction entre lapprenant et la matire ltude, une manipulation physique ou mentale de la langue cible et lapplication de techniques spcifiques en vue de rsoudre un problme ou dexcuter une tche dapprentissage. c. Les stratgies socio-affectives impliquent une interaction avec les autres (locuteurs natifs ou pairs) en vue de favoriser lappropriation de la langue cible. Certaines stratgies sont observables (chercher dans le dictionnaire), dautres ne sont pas observables (la comparaison avec la langue maternelle). Les stratgies peuvent tre dployes consciemment en rponse un problme dapprentissage que llve a clairement peru et analys. Elles peuvent aussi devenir automatises. Contrairement aux facteurs de personnalit et au style, les stratgies sont modifiables. Les stratgies inefficaces peuvent tre changes ou rejetes. Les stratgies sont orientes vers la rsolution de problmes. V.3.1. Explication de quelques stratgies Stratgies mtacognitives : lanticipation ou la planification : se fixer des buts court ou long terme : tudier par soi mme un point de langue ou un thme qui na pas t abord en salle de classe ; prvoir les lments linguistiques ncessaires laccomplissement dune tche dapprentissage. Comme enseignant, on fait appel cette stratgie lorsque le but et les squences dune activit de classe sont explicits ou quand, par exemple, on encourage les lves prvoir le contenu dun article partir du titre ; lattention dirige (la concentration : prter attention la tche de faon globale) et slective (se concentrer sur des aspects spcifiques de la tche : les textes lacunaires orientent lattention) ; lautogestion : llve recherche activement les occasions de pratiquer la langue cible en sexposant volontiers des situations o il aura la rutiliser (rechercher des missions sur TV5, les enregistrer, les rpter) ; lautorgulation : vrifier et corriger sa performance au cours dune tche dapprentissage ; lidentification du problme se demander toujours quel est le but dune tche ;40

lautovaluation valuer ses habilets accomplir une tche langagire.

Stratgies cognitives : la rptition contribue lintgration des lments de langue dans la mmoire long terme ; grouper ordonner, classer ou tiqueter la matire enseigne selon des attributs communs ; linfrence : utiliser les lments connus dun texte ou dun nonc afin dinduire ou dinfrer le sens des lments nouveaux ou inconnus, utiliser le contexte langagier ou extralangagier dans le but dinfrer le sens des lments dans la matrise du code linguistique ; recourir lintuition. Llve doit tolrer lambigut (ne pas se prcipiter sur le dictionnaire toutes les fois quil ne comprend pas un mot) ; la dduction appliquer une rgle relle ou hypothtique en vue de produire ou de comprendre ; la recherche documentaire trs utile (elle a ses limites : poser des questions de clarification est parfois plus interactif et plus conomique) ; paraphraser : suppler au manque de vocabulaire par la paraphrase ; laborer : tablir des liens entre les lments nouveaux et les connaissances antrieures ; llaboration permet de restructurer les connaissances dans la mmoire long terme. Stratgies socio affectives : les questions de clarification et de vrification : demander de rpter ; solliciter auprs du professeur ou du locuteur natif des explications, des re