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1 APPORT B DESCHAMPS MCR 05 12 16 Cycle de conférences MCR « AVANT JESUS, L’ESPERANCE » CTM, 5 décembre 2016 Benoît DESCHAMPS Notre deuxième conférence de l’année, après celle de Jeanne MACHEREL, le 17 octobre ; Cette fois-ci, une approche biblique ; « Avant Jésus, lespérance » : jemprunte volontiers ce titre à louvrage de Jacques BRIEND, Collection « Jésus et Jésus-Christ », N°93, Ed. Mame- Desclée, PARIS, 2007 ; Un titre à comprendre dans deux sens : o Un sens chronologique : avant Jésus, quelle fut l’espérance d’Israël et comment cette espérance, individuelle et collective, a « préparé » la révélation de Jésus comme « Fils de Dieu » et continue de nourrir, culturellement et spirituellement parlant, l’espérance des chrétiens ? Ce sera le principal objet de ma communication sous la forme d’une enquête sur l’espérance dans la littérature vétéro-testamentaire ; o Un sens christologique : avant Jésus qui est notre espérance. « Le Christ, notre Espérance » : ce sera l’objet de la conférence de Jean- Marie PLOUX, théologien, prêtre de la Communauté Mission de France, le 15 mai prochain (notre dernière rencontre de l’année) ; Il va de soi que, vu le temps dont nous disposons pour un sujet aussi vaste, au sens où il embrasse tout le corpus de l’AT, je ne pourrai que me livrer à quelques sondagesANNONCE DU PLAN : o L’espérance des psalmistes. Mon exposé sera délibérément déséquilibré : c’est sur ce premier point que je m’attarderai le plus, parce que c’est dans et de la prière que se nourrit principalement l’espérance, mon espérance et notre espérance. Dans la prière des psaumes, comme dans toute prière, on n’est pas dans le registre des idées, des concepts, mais dans « ce qui m’anime », « ce qui m’atteint », « ce qui me porte ou m’effraye », ce qui me fait vivre, ce qui me met en relation avec Dieu, avec moi-même, avec les autres, « amis ou ennemis », dans un contexte de « consolation » ou de « désolation » : o L’espérance d’un avenir pour le peuple o L’espérance de la paix o L’espérance de l’unité o L’espérance d’une alliance nouvelle et perpétuelle o Y a-t-il une espérance pour les nations ? o L’espérance de la résurrection

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APPORT B DESCHAMPS MCR 05 12 16

Cycle de conférences MCR

« AVANT JESUS, L’ESPERANCE »

CTM, 5 décembre 2016

Benoît DESCHAMPS

Notre deuxième conférence de l’année, après celle de Jeanne MACHEREL, le 17 octobre ;

Cette fois-ci, une approche biblique ;

« Avant Jésus, l’espérance » : j’emprunte volontiers ce titre à l’ouvrage de Jacques BRIEND, Collection « Jésus et Jésus-Christ », N°93, Ed. Mame-Desclée, PARIS, 2007 ;

Un titre à comprendre dans deux sens : o Un sens chronologique : avant Jésus, quelle fut l’espérance d’Israël et

comment cette espérance, individuelle et collective, a « préparé » la révélation de Jésus comme « Fils de Dieu » et continue de nourrir, culturellement et spirituellement parlant, l’espérance des chrétiens ? Ce sera le principal objet de ma communication sous la forme d’une enquête sur l’espérance dans la littérature vétéro-testamentaire ;

o Un sens christologique : avant Jésus qui est notre espérance. « Le Christ, notre Espérance » : ce sera l’objet de la conférence de Jean-Marie PLOUX, théologien, prêtre de la Communauté Mission de France, le 15 mai prochain (notre dernière rencontre de l’année) ;

Il va de soi que, vu le temps dont nous disposons pour un sujet aussi vaste, au sens où il embrasse tout le corpus de l’AT, je ne pourrai que me livrer à quelques sondages…

ANNONCE DU PLAN :

o L’espérance des psalmistes. Mon exposé sera délibérément déséquilibré : c’est sur ce premier point que je m’attarderai le plus, parce que c’est dans et de la prière que se nourrit principalement l’espérance, mon espérance et notre espérance. Dans la prière des psaumes, comme dans toute prière, on n’est pas dans le registre des idées, des concepts, mais dans « ce qui m’anime », « ce qui m’atteint », « ce qui me porte ou m’effraye », ce qui me fait vivre, ce qui me met en relation avec Dieu, avec moi-même, avec les autres, « amis ou ennemis », dans un contexte de « consolation » ou de « désolation » :

o L’espérance d’un avenir pour le peuple o L’espérance de la paix o L’espérance de l’unité o L’espérance d’une alliance nouvelle et perpétuelle o Y a-t-il une espérance pour les nations ? o L’espérance de la résurrection

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L’ESPERANCE DES PSALMISTES

o Pourquoi commencer par les Psaumes ? o Tout simplement parce que, comme je viens de le dire, c’est dans la prière que

le croyant exprime son espérance à Dieu et en Dieu. La prière est le lieu où se nourrit l’espérance, où elle s’exprime au gré des circonstances individuelles ou collectives ;

o En effet, il faut signaler d’emblée que, dans l’acte de prière, le psalmiste parle, bien sûr, en son nom propre, mais aussi que la communauté à laquelle il appartient n’est jamais totalement exclue : prière individuelle et collective ne s’opposent pas ; bien plus, elles sont complémentaires. Paul BEAUCHAMP parlait de « prière de tous en un seul » ;

o Ce lien entre prière individuelle et collective concerne directement et immédiatement notre sujet : à l’heure où, selon les sociologues, on assiste à une montée de l’individualisme, comment s’articulent le « je » et le nous », mon espérance et notre espérance ? Dit autrement, comment mon espérance s’inscrit-elle dans quelque chose qui me dépasse, qui transcende mes besoins et mes projets individuels ? Pour Emmanuel MOUNIER, il n’y a de personnalisme que communautaire…

o Ceci étant posé, comment saisir l’expression de l’espérance chez les psalmistes ?

o On observe, d’abord, que le mot « espérance » est relativement rare dans les 150 psaumes ;

o Quatre verbes son utilisés : o Qawah : 17 fois o Yahal : 19 fois o Hakah : 2 fois o Shavar : 3 fois

o On n’est pas surpris que l’expression de l’espérance se trouve, avant tout, dans les psaumes appelés « complaintes » (ou lamentations). Ceci s’explique bien du point de vue anthropologique : quand l’homme est en situation de « crise », face à des ennemis extérieurs ou intérieurs, il se tourne vers Celui dont il peut attendre aide et secours ;

o Reflet de multiples situations de « crise » qui mettent en cause l’espérance » elle-même, le psaume est un « cri » avant d’être un « écrit », disait Didier RIMAUD ;

o Par exemple, trois citations de psaumes : o 4,2 : « Quand je crie, réponds-moi » o 64,2 : « Ecoute, ô mon Dieu, le cri de ma plainte » o 116,1 : « J’aime le Seigneur : il entend le cri de ma prière ; il incline vers

moi son oreille » o Le fait même de « crier » suppose de la part du psalmiste la conviction que

Celui auquel il s’adresse peut intervenir. Dans le cri du ps 116, il y a de la souffrance, de la patience, mais aussi de l’amour et de la foi/confiance. C’est dans ce mouvement même « d’élan priant » vers Dieu que s’inscrit l’espérance : la foi et l’espérance « se touchent », si je puis dire. La foi en Dieu implique une espérance en Dieu (dans la tradition chrétienne, on ne sépare pas « la foi, l’espérance et la charité ») ;

o Et, nous allons le voir c’est, toujours, dans des situations concrètes que le psalmiste crie son espérance. C’est là un principe fondamental de la vie

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spirituelle : Dieu ne peut me rejoindre, nous rejoindre, que là où nous sommes et là où nous en sommes ;

o Le bonheur de l’homme, dans la tradition juive, c’est sur cette terre, ici-bas. La notion de « vie après la mort » est tardive : nous y reviendrons à la fin de mon exposé. L’espérance des fils d’Israël, c’est, sur cette terre : une descendance nombreuse, une longue vie, un certain confort matériel…

o Et, dans la tradition chrétienne, la vérité et la joie de la foi ne se déploient que dans le mystère de l’Incarnation. Je veux dire par là que, sans se réduire à un horizon terrestre, l’espérance chrétienne est toujours incarnée (cf. le beau témoignage de Jeanne MACHEREL, la dernière fois) ;

o C’est pourquoi, très souvent, dans le psautier, le psalmiste, après son adresse à Dieu, commence par exposer sa situation : disant cela, je fais référence au psaume 22 (qui commence par « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ») où l’exposé de la situation occupe plus de la moitié de la prière…

L’espérance des psaumes : une espérance « incarnée »

o Considérons, pour commencer, le psaume 69, le psalmiste commence par crier sa désespérance :

o « Dieu, sauve-moi, o l’eau m’arrive à la gorge. o Je m’enlise dans un bourbier sans fond o et rien pour me retenir » (v. 2-3)

o Puis il décrit sa souffrance à attendre Dieu : o « Je m’épuise à crier, o j’ai le gosier en feu ; o mes yeux se sont usés o à force d’attendre mon Dieu » (v. 4)

o Comme je l’ai indiqué, cette prière n’est pas simplement celle d’un croyant isolé ; il se sait membre d’une communauté qui a besoin d’être fortifiée dans son espérance :

o « Seigneur, Dieu tout puissant, o Que je ne sois pas la honte o De ceux qui espèrent en toi, o Ni le déshonneur de ceux qui te cherchent, o Dieu d’Israël » (v.7)

o Le parallélisme est ici à souligner : « espérer » en Dieu est mis en parallèle à « chercher Dieu », expression assez fréquente dans les Psaumes. Dieu n’est pas un objet de possession, mais d’une quête ;

o Toutefois, si le psalmiste sait qu’il fait partie d’une communauté, il constate qu’il n’a pas trouvé d’aide parmi ses frères :

o « J’ai attendu un geste, mais rien ; o des consolateurs, et je n’en ai pas trouvé » (v. 21)

o Ainsi, l’attente d’une action divine ne supprime pas l’espoir de trouver un consolateur humain, car il est normal que le suppliant puisse attendre un soutien de ses frères. Dieu ne saurait suppléer l’aide fraternelle…

o Regardons, maintenant, un autre psaume, le psaume 25 : o Après s’être adressé à Dieu, le psalmiste n’hésite pas à affirmer avec

assurance : « 1 Seigneur, je suis tendu vers toi.

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2 Mon Dieu, je compte sur toi ; ne me déçois pas ! Que mes ennemis ne triomphent pas de moi ! 3 Aucun de ceux qui espèrent en toi n’est déçu » ;

o Dans ces quelques mots, on peut relever plusieurs éléments : o D’abord, une adresse au « Seigneur » reprise en « mon Dieu » : donc

une proximité avec Dieu ; o Ensuite, l’expression à Dieu d’une situation de « tension » aux deux sens

du terme : le psalmiste est « tourné vers Dieu », mais qu’il est aussi dans un état de « tension » ;

o Puis, l’illustration de cette tension par l’expression d’une confiance (« je compte sur toi ») et d’une attente (« ne me déçois pas »), d’une foi et d’une espérance ;

o On relève, également, la présence (quasi permanente dans les psaumes) des « ennemis » : dans la vie du psalmiste, il y a, presque toujours le trinôme : moi / Dieu / mes ennemis… et la crainte qu’ils « gagnent » dans ma vie considérée comme un combat…

o Enfin, au verset 3, cette belle affirmation : « Aucun de ceux qui espèrent en toi n’est déçu » qui exprime :

Le fruit d’une expérience ; Une assurance, une certitude, j’oserai dire une forme

« d’acquis » ; Et une bonne nouvelle pour les « espérants » : ils ne seront pas

déçus… Bref, « l’affaire semble dans le sac ! » ;

o Mais, justement, la suite immédiate du psaume vient pondérer ce sentiment d’acquis et d’assurance dans l’espérance :

o « Fais-moi cheminer vers ta vérité et enseigne-moi, o car tu es le Dieu qui me sauve. o Je t’attends tous les jours » (v.5) ;

o Et la fin du psaume revient sur cette expérience de l’attente : « Intégrité et droiture me préservent, car je t’attends » (v. 21) ;

o Ceci nous dit quoi ? o Que, même si foi et espérance sont inséparables, il n’y a jamais

d’acquis dans l’ordre de la foi : tous les grands mystiques nous le disent !

o Que le croyant, « l’espérant » est un être « sous-tension » ; o J’insiste sur ce point, car il me paraît très important : dans sa dynamique

de vie, dans son « cheminement », pour reprendre une expression du psaume (être espérant, c’est être en chemin, « en pèlerin »), le croyant est toujours en tension entre le « déjà-là » (se sentir aimé de Dieu, goûter à la fraternité, jouir de la vie que Dieu nous donne, etc.) et le « pas-encore » (notre « misère de pécheur », nos fragilités, les « offenses » que nous constatons, que nous subissons, que nous commettons « par actions » et/ou « par omission »…) ;

o Il y a les deux : le croyant est dans cette dynamique de « l’entre-deux » : entre jouissance, certitude que Dieu m’aime et nous aime, ET désespérance de soi et de Dieu… le Christ et tous les saints et toutes les saintes sont passés par là…

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o Dans le Psautier, beaucoup de situations concrètes sont, ainsi, évoquées. L’espérance, elle est toujours « située », dans un contexte, dans un corps, dans une histoire, dans un groupe, etc.

o Par exemple, un malade : psaume 38,16. « C’est en toi, Seigneur, que j’espère : tu répondras, Seigneur mon Dieu » ;

o Un vieillard : psaume 71,5. « 5 Tu es mon espérance, Seigneur ! En toi je me confie dès ma jeunesse. » « 14 Et moi, j'espérerai toujours, Je te louerai de plus en plus. » « 17 O Dieu ! tu m'as instruit dès ma jeunesse, Et jusqu'à présent j'annonce tes merveilles. »

o Sa patience s’enracine dans la louange qui célèbre les actions salvifiques de Dieu en faveur d’Israël, ce qu’on appelle « ses merveilles » (v. 17). Le psalmiste attend tout de Dieu parce que Dieu a tout fait pour Israël : c’est donc une espérance, non seulement incarnée dans une situation bien concrète, mais aussi enracinée dans une mémoire : l’histoire des « mirabilia Dei » que sont la Création, l’Exode, le retour de l’Exil et autres « hauts faits » de Dieu pour son peuple ;

o Il y a donc, très souvent, comme ici, conjugaison de la plainte et de la foi, de la lamentation et de la confession au sens d’une confiance profonde en la fidélité de Dieu, avec même, parfois, une forme d’injonction du psalmiste à l’adresse du peuple : pourquoi ?

o Parce que sa propre expérience de salut le pousse à exhorter Israël à mettre son espérance dans le Seigneur (Ps 130,5-7) :

« 5 J'espère dans le Seigneur, mon âme espère, et j'attends sa promesse. 6 Mon âme compte sur le Seigneur, Plus que les gardes ne comptent sur le matin, Que les gardes ne comptent sur le matin. 7 Israël, mets ton espoir dans le Seigneur ! ».

o Celui qui n’a pas été déçu par l’espérance qu’il avait mise en Dieu est ainsi poussé à partager son espérance… toujours ce lien entre le psalmiste et sa communauté… Celui qui rend grâce à Dieu pour avoir été sauvé d’une situation de détresse invite ses frères dans la foi à garder courage dans l’adversité et à se maintenir fermes dans l’espérance ;

o A propos de situations concrètes, on peut encore citer le cas d’un lévite : vous pourrez lire les ps 42-43…

o Fortement exprimée dans les lamentations, comme nous venons de le voir,

l’espérance se rencontre également – ce n’est pas une surprise -, dans les psaumes de confiance : par exemple ps 9, 31, 40, 62 et 131, ainsi que dans les hymnes : ps 33 ; 146 ; 147, ou encore dans les psaumes de sagesse : ps 37 ;

o Ce qui est à retenir, c’est que l’espérance n’est pas un état, mais une dynamique : même si elle donne une forme de « paix de l’âme », elle doit être sans cesse en acte et ne connaît pas de repos (je disais à l’instant : « il n’y a pas d’acquis dans l’ordre de la foi »). C’est pourquoi, à nous les anciens, on nous a appris à dire régulièrement « L’acte d’espérance » qui fait partie de la prière d’Eglise catholique : « Mon Dieu, j'espère avec une ferme confiance que tu me donneras, par les mérites de Jésus-Christ, ta grâce en ce monde et le bonheur éternel dans l'autre, parce que tu l'as promis et que tu tiens toujours tes promesses. ».

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L’objet de l’espérance o De ce très rapide aperçu que nous venons de faire, une conclusion s’impose :

dans la littérature psalmique, l’objet de l’espérance, c’est Dieu lui-même, le Dieu d’Israël, invoqué le plus souvent sous son nom de « Seigneur » ;

o Si cette conclusion s’impose, elle peut étonner : on pourrait s’attendre à ce que l’objet de l’espérance soit plus précis, plus concret : « j’espère en Dieu »… c’est vague, c’est « pas concret » !

o Cependant, après examen, même rapide, il n’y a pas à hésiter : l’espérance des psalmistes se porte directement sur Dieu et non pas sur des demandes particulières, alors même que l’espérance, nous l’avons vu, jaillit dans des situations très concrètes de détresse ;

o En fait, en centrant son espérance sur Dieu seul, le psalmiste considère que Dieu connaît sa situation et sait, donc, ce qu’il convient de faire pour l’exaucer (dans le Sermon sur la montagne, le Jésus de Matthieu dira que « votre Père céleste connaît bien » nos besoins : 6,32). Dieu est celui qui sait, même s’il tarde à répondre ; Dieu est capable d’agir pour apporter le salut : telle est la perception de Dieu qui domine dans la prière des psalmistes. Dans les psaumes, l’espérance est toujours dans une situation concrète et « l’espérant » s’adresse toujours à Dieu qui « connaît » cette situation (c’est plutôt une bonne nouvelle !) ;

o On peut même préciser que le Dieu auquel s’adressent les psalmistes est invoqué comme :

o Le Dieu vivant (42,3 ; 84,3) o Le Dieu de ma vie (42,9) o Le Dieu qui me fait danser de joie (31,8) o Le Dieu qui me sauve (25,5 ; 28,9) o Le Dieu qui est notre sauveur (65,6 ; 79,9)

o Voilà la source de l’espérance dans les psaumes : Dieu est la vie et toute vie, tout ce qui est vie vient de Lui par amour, gracieusement. Jésus confirmera cette foi en la vie qu’est Dieu en déclarant aux Sadducéens (parti le plus conservateur parmi les groupes juifs de son époque) que Dieu « n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants (Mt 22,32). L’homme ne fait que participer à cette vie depuis sa création (Gn 2,7), si bien que la force, la joie, le salut ont pour source Dieu lui-même. Dans ces conditions, l’espérance du croyant est théocentrique ou elle n’est pas ;

o Pourtant, on pourrait dire : « Oui, Dieu, l’espérance… c’est bien beau, mais ce n’est pas comme ça dans la vraie vie ! » ;

o Je l’ai dit plus haut : portant sur Dieu même, l’espérance est un acte, et un acte toujours difficile à poser face à nos multiples « ennemis » pour parler comme les psalmistes… L’espérance, c’est toujours un acte… de conversion, l’expression d’un combat intérieur d’une violence telle que l’on n’ose pas, parfois, l’exprimer… pas même à soi-même par peur de blasphémer, de « parler mal » de Dieu et à Dieu…

o A cet égard – et quitte à terminer ce parcours dans le psautier sur une note un peu dramatique -, il vaut la peine de citer, ici, le psaume 39. On y voit un psalmiste taraudé de l’intérieur par une question qu’il ne peut éluder : quel est-il devant Dieu, puisqu’il doit mourir ? Dieu est « La Vie », nous venons de dire : Dieu se « garderait-il » la vie et condamnerait-il l’homme à mourir ? Cette question est, peut-être, la nôtre…

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o Le début du psaume évoque l’« agonie » du psalmiste, au sens de son combat spirituel, et rappelle la position du croyant qui se croit obligé de garder le silence. Mais « trop, c’est trop ! » : le psalmiste n’en peut plus. Il est à bout (dans le « tabou » !) et finit par briser le silence qu’il s’était promis de tenir :

« 3 Je suis resté muet, dans le silence ; Je me suis tu, quoique malheureux ; Et ma douleur n'était pas moins vive. 4 Mon coeur brûlait au dedans de moi, Un feu intérieur me consumait, Et la parole est venue sur ma langue. 5 Seigneur ! dis-moi quel est le terme de ma vie, Quelle est la mesure de mes jours ; Que je sache combien je suis fragile ! »

o Et, à la fin de sa prière, le psalmiste conclut :

« 13 Je suis un étranger chez toi, Un habitant, comme tous mes pères. »

o Tragique constatation en effet : la vie (avec Dieu) est courte et s’achève par la mort. A première vue, on pourrait croire le psaume sorti de la bouche d’un impie, mais il n’en est rien. En fait, si le psalmiste a longtemps hésité à parler, c’est qu’il ne voulait pas que ses paroles fortifient la position de l’infidèle (v. 2) ;

o De plus, alors même qu’il vient d’exprimer son « trouble existentiel », on voit qu’il en appelle à l’espérance : « 8 Maintenant, Seigneur, que puis-je espérer ? En toi est mon espérance. 9 Délivre-moi de toutes mes transgressions ! Ne me rends pas l'opprobre de l'insensé ! » ;

o Ce qui est à comprendre ici, c’est que, dans l’univers des psaumes, c’est de l’intérieur de sa foi en Dieu que l’homme souffre. Et que sa prière, même remplie de foi et d’espérance, ne l’empêche pas de se heurter au mystère de la mort, et donc au mystère même de Dieu. Dieu est loin de lui être indifférent puisque, nous l’avons constaté, le psalmiste l’interpelle vivement dans ses épreuves. Mais la vie sur terre aboutit à une limite que le croyant, ici, ne peut éluder… c’est la (tragique) condition mortelle de l’homme à laquelle la foi en Dieu ne saurait faire échapper !

L’horizon de l’espérance

o Ceci nous amène au moins suivant : comme je l’ai brièvement indiqué déjà, celui qui espère en Dieu attend une réalisation de sa prière en ce monde-ci : il faut bien comprendre que l’espérance du psalmiste est « terrestre » ;

o A cet égard, aucun doute n’est possible. Le psaume 27 l’affirme avec force : « 13 Je suis sûr de voir les bienfaits du Seigneur au pays des vivants ! » ;

o C’est donc sur cette terre que les psalmistes attendent d’être exaucés. Comme le dit fort justement Paul BEAUCHAMP (Psaumes Nuit et Jour, PARIS, 1980, p. 133) : « L’espérance est d’abord vouloir de vie, et ce qui la rend vulnérable est, dans les prières bibliques, tout ce qui met cette vie en danger. » ;

o Dans les psaumes, en effet, il y a comme un désir de vie qui éclate un peu partout. Mais ce désir se heurte à la mort ou à tout ce qui rapproche de la mort ;

o Le cri des psalmistes consiste donc à en appeler à Dieu pour qu’il maintienne ou restaure la vie chez son fidèle, mais toujours dans son horizon humain, car il n’y a pas de « vie-après-la-vie » (Ps 115,17-18) :

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« 17 Ce ne sont pas les morts qui louent le Seigneur, Ce n'est aucun de ceux qui descendent dans le lieu du Silence [le Shéol] ; 18 Mais nous, nous bénissons le Seigneur, Dès maintenant et à jamais. »

o Dans l’univers des psaumes, c’est donc bien ici-bas qu’il faut « se hâter d’aimer Dieu (ou de le louer : c’est la même chose) puisqu’on ne le retrouvera plus ! Voilà la conclusion que ces hommes de prière tiraient de leur peu de clarté sur l’avenir » (ibidem p. 139) ;

o On comprend, alors, pourquoi la prière des psalmistes a ce caractère d’urgence : leur espérance ne peut être comblée qu’en ce monde… Nous verrons tout à l’heure comment, avec le temps, la tradition biblique va évoluer vers une croyance en un « au-delà » et préparer, ainsi, la foi chrétienne en la Résurrection. Mais, pour l’instant, nous n’en sommes pas encore là…

o Voilà pour l’espérance dans le livre des psaumes : bien d’autres psaumes auraient pu être cités et d’autres observations faites, mais faute de temps…

L’espérance d’un avenir pour le peuple

o Allons voir, maintenant, l’espérance du côté des prophètes. Là encore, vous vous en doutez bien, je m’en tiendrai à quelques « carottages » dans cet immense et merveilleux monde de la prédication prophétique…

o Au cours de son histoire, le peuple d’Israël a pu craindre, maintes fois, de disparaître avec la venue de conquérants décidés à s’emparer de tout ou partie de son territoire : que ce soit les Araméens venant de l’est au IXème siècle, les Assyriens venant du nord au VIIIème, les Egyptiens venant du sud, ou bien encore les Babyloniens venant du nord au VIème ;

o Dans ce contexte historique, s’est posée la question de l’avenir du peuple d’Israël choisi par Dieu. Etait-il possible que ce peuple disparaisse à cause de son infidélité ? Que devenait, alors, la promesse de Dieu à l’égard du peuple de Moïse ? C’était, si je puis dire, l’avenir d’Israël mais aussi « l’avenir de Dieu » lui-même qui était en cause !

o Je citerai seulement trois exemples d’oracles prophétiques qui, à des moments critiques (comme dans les psaumes), vont redonner son espérance au peuple de l’alliance ;

o D’abord Isaïe et la promesse d’un certain « Emmanuel », un texte que nous réentendons pendant la période de l’Avent ;

o Isaïe, né à Jérusalem, prophète et conseiller du roi, est un bon connaisseur de la situation politique du royaume de Juda (contexte de la guerre syro-éphraïmite). Il plaide pour que le roi de Juda et son peuple mettent Dieu au centre de leur espérance, Dieu qui a promis de donner un héritier qui accomplira sa volonté ;

o Or, Achaz, roi de Juda, « fatigue Dieu », raconte le livre d’Isaïe (7,13) et oublie de placer sa confiance en Dieu seul ;

o Dès lors, le prophète s’adresse à la maison de David et non plus au seul roi de Juda ; il annonce même pour l’avenir la naissance d’un héritier qui aura pour nom « Emmanuel » (Is 7, 14 ; cf. 8,8) ;

o Cet héritier portera, aussi, vous le savez, le beau nom de « Prince de la paix » (9,5-6) ;

o Ainsi, Isaïe relance l’espérance de ses contemporains, mais celle-ci est fondée sur l’action de Dieu seul et non sur celle d’un responsable politique oublieux de l’alliance…

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o Deuxième exemple : le prophète Jérémie ; o Jérémie est un témoin de la prise de Jérusalem par les Babyloniens en 587. Au

cours du siège de la ville, il reçoit la visite de Hanaméel, le fils de son oncle Shalloum, qui vient lui proposer d’acheter le champ qu’il possède à Anatoth et qui précise même : « Le droit à la succession te revient, de même que le droit de rachat » (32,6-8) ;

o Or, à travers cet acte banal, Jérémie voit un signe de Dieu ; o Il achète donc le champ et fait en sorte que les documents de cette négociation

puissent être conservés longtemps (32,12-14) ; o Après quoi, le prophète donne la signification de cette action : « Dans ce pays,

on achètera encore des maisons, des champs et des vignes. » (32,15) ; o Un peu plus loin, dans le récit, Dieu confirme cette promesse (32,42-44). Le

prophète Jérémie annonce donc un avenir pour le peuple. Et, de fait, les juifs auront la possibilité de retrouver leur terre environ 50 ans plus tard, au retour de l’exil à Babylone ;

o Dans un autre passage, Jérémie annonce, de manière épique, ce retour (31,7-9) : « Ainsi parle le Seigneur : Poussez des cris de joie sur Jacob, Eclatez d'allégresse à la tête des nations ! Elevez vos voix, chantez des louanges, et dites : Seigneur, délivre ton peuple, le reste d'Israël ! 8 Voici, je les ramène du pays du nord, Je les rassemble des extrémités de la terre; Parmi eux sont l'aveugle et le boiteux, La femme enceinte et celle en travail; C'est une grande multitude, qui revient ici. 9 Ils viennent en pleurant, et je les conduis au milieu de leurs supplications ; Je les mène vers des torrents d'eau, Par un chemin uni où ils ne chancellent pas; Car je suis un père pour Israël, Et Ephraïm est mon premier-né. » ;

o Troisième prophète, toujours au moment de la crise de l’exil : Ezéchiel ; o Exilé dès 597 en Babylonie, Ezéchiel se trouve au milieu des déportés et,

comme prophète, il tente de redonner l’espérance à ceux qui pensent que Dieu les abandonne ;

o C’est le fameux texte, que vous connaissez bien également, intitulé « la vision des ossements desséchés » (37,1-14) ;

o Si vous vous souvenez bien, lorsque Dieu déclare aux ossements : « Je vais faire venir en vous un souffle pour que vous viviez » (v.5), Ezéchiel va exécuter l’ordre de Dieu en deux temps : les ossements se rassemblent, deviennent des corps, puis reçoivent le souffle de Dieu. Ce procédé n’est pas sans rappeler la création de l’homme en Gn 2,7 : « Le Seigneur forma l'homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un souffle de vie et l'homme devint un être vivant. » ;

o A travers ce récit, vous l’avez compris, tout être « exilé » peut découvrir ou redécouvrir la puissance créatrice du Dieu vivant et, à nouveau, espérer…

o Sur ce thème de « l’espérance d’un avenir pour le peuple », j’ai cité seulement 3 des grands prophètes : Isaïe, Jérémie et Ezéchiel. Je vous renvoie aussi à d’autres prophètes :

o Elie (I R 19,14-18) ; o Amos 9,11-15 ; o Et le Second Isaïe (45,13 : le roi Cyrus « messie », le libérateur d’Israël) …

L’espérance de la paix

Première observation : le mot « shalom » (cf. « salam ») signifie bien plus que la « paix » au sens de « l’absence-de-guerre ». Son usage, dans l’AT, le

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rapproche aussi de : « salut », « santé », « prospérité », « relation politique cordiale », « sécurité », « bonheur », etc.

Ceci dit, plusieurs livres prophétiques contiennent des descriptions eschatologiques (la « fin des temps ») annonçant la transformation des armes en outils pour une paix définitive ;

On peut citer, en premier, ce passage d’Isaïe, au début de son livre (2,4) : « De leurs glaives ils forgeront des socs, Et de leurs lances des serpes : Une nation ne tirera plus l'épée contre une autre, Et l'on n'apprendra plus la guerre. » ;

Il est intéressant d’observer que ce texte se retrouve en Mi 4,3 de manière presque identique. Ce serait la trace de deux livrets issus d’une même source qui pourrait remonter à l’époque du roi Josias (640-609), au moment où le temple de Jérusalem devient le seul sanctuaire du peuple d’Israël : on est donc bien dans une espérance, au moment d’un effort de centralisation du royaume et du culte ;

Le texte de Michée (4,4) ajoute : « Ils demeureront chacun sous sa vigne et sous figuier et personne pour les troubler. ». C’est là une expression que l’on retrouve en I R 5,5 et qui sert de modèle pour décrire le règne du Messie, désigné lui-même comme « la paix » par Michée (5,4) ;

Cet idéal de paix va donc au-delà d’une simple absence de guerre et donne un avant-goût de l’espérance messianique…

Un autre texte, plus tardif (vers 330), va dans le même sens et illustre bien cette espérance d’une paix messianique. On le trouve dans la seconde partie du livre de Zacharie (9-14) ; encore un texte qui nous est familier :

« 9 Sois transportée d'allégresse, fille de Sion ! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici, ton roi vient à toi ; Il est juste et victorieux, Il est humble et monté sur un âne, Sur un âne, le petit d'une ânesse. 10 Je détruirai les chars d'Ephraïm, Et les chevaux de Jérusalem ; Et les arcs de guerre seront anéantis. Il annoncera la paix aux nations, Et il dominera d'une mer à l'autre, Depuis le fleuve jusqu'aux extrémités de la terre. » ;

Le messie-roi tient ici le rôle qui était celui de Dieu dans les 2 textes d’Isaïe et de Michée que nous avons lus précédemment ;

Toutefois, étant sauf le rôle de Dieu ou du roi-messie, comme le fait remarquer avec raison Jacques BRIEND (p. 51), « on ne peut conclure à partir de l’Ecriture que la recherche de la paix ne soit pas aussi l’affaire des peuples, qui doivent tout entreprendre pour parvenir à une paix durable. ».

L’espérance de l’unité

Après l’espérance d’un avenir et celui de la « paix/shalom », vient celui de l’espérance de l’unité ;

Le peuple d’Israël a été à la recherche de son unité de diverses manières, car celle-ci ne lui a pas été donnée comme un bien reçu, tout fait, mais comme un bien espéré. Ceci est vrai, d’ailleurs, de tout groupe social : l’unité n’est jamais acquise, mais toujours à construire, à refaire, que ce soit une tribu, une nation, un parti, une association, une famille, une communauté, une paroisse, etc…

Si l’on revient à l’histoire ancienne d’Israël, ce désir d’unité est une préoccupation permanente. Et cette unité est à considérer dans deux dimensions : la question des origines d’Israël et la question de son avenir ;

Regardons d’abord « en arrière », si je puis dire…

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Dans la perspective biblique, il est remarquable que la diversité des tribus, au

nombre théorique de douze, se rattache au patriarche Jacob selon une

tradition ancienne que reprend la tradition sacerdotale (Gn 35,22b-26) : « Les

fils de Jacob étaient au nombre de douze. 23 Fils de Léa : Ruben, premier-né

de Jacob, Siméon, Lévi, Juda, Issacar et Zabulon. 24 Fils de Rachel : Joseph

et Benjamin. 25 Fils de Bilha, servante de Rachel : Dan et Nephthali. 26 Fils de

Zilpa, servante de Léa : Gad et Aser. Ce sont là les fils de Jacob, qui lui

naquirent à Paddan-Aram. » ;

Mais, (faites aussitôt la comparaison avec les « sommaires » du Livre des Actes des Apôtres sur l’Eglise chrétienne primitive), cette présentation est idyllique : elle représente davantage un désir projeté dans le passé qu’une réalité historique. Si parfois Dieu est appelé « Dieu de Jacob » (Ps 20,2 ; 94,7 ; 114,7 ; 146,5 ; Jr 30,10-11) c’est pour bien manifester qu’Il est le Dieu de toutes les tribus et, si je puis dire, pour « se rassurer » sur ses origines ;

Retenons que la Torah use du nom de Jacob pour évoquer l’unité du peuple avant toute division ;

Si, maintenant, le regard porte sur les origines de la royauté, on découvre que l’unité des tribus est fragile et qu’elle ne s’est faite que partiellement autour du roi Saül ;

Certes, David finira par devenir roi sur la maison de Juda (2 S 2,4) ;

Un peu plus tard, il deviendra roi aussi sur Israël (2 S 5,3). Mais cette double royauté n’aura qu’un temps : à la mort de son fils Salomon, les deux royaumes se sépareront et garderont des relations houleuses, pour le moins !

Voilà, en quelques mots trop rapides, j’en conviens, sur l’idéalisation des origines d’Israël, idéalisation inscrite et entretenue dans la mémoire du peuple (encore aujourd’hui chez les juifs religieux avec toutes les conséquences politiques que l’on sait…), sachant bien que l’espérance d’Israël vient puiser dans cette mémoire…

Si l’on se tourne, maintenant, vers la dimension « avenir », des prophètes comme Isaïe (11,13 : « 13 La jalousie d'Ephraïm disparaîtra, et ses ennemis en Juda seront anéantis ; Ephraïm ne sera plus jaloux de Juda, et Juda ne sera plus hostile à Ephraïm. ») et Jérémie (3,18 : « 18 En ces jours, la maison de Juda marchera avec la maison d'Israël ; elles viendront ensemble du pays du nord au pays dont j'ai donné la possession à vos pères. ») espèrent et annoncent explicitement un retour à l’unité entre le royaume d’Israël et le royaume de Juda ;

A sa façon, lui aussi, Ezéchiel – je le rappelle : dans le contexte de l’exil – aspirera à l’unité retrouvée des deux royaumes. Immédiatement après le récit de la vision des ossements desséchés, il fait, sur ordre de Dieu le geste prophétique de rapprocher les deux royaumes avec deux morceaux de bois : « 16 Et toi, fils de l'homme, prends une pièce de bois, et écris dessus : pour Juda et pour les enfants d'Israël qui lui sont associés. Prends une autre pièce de bois, et écris dessus : pour Joseph, bois d'Ephraïm et de toute la maison d'Israël qui lui est associée. 17 Rapproche-les l'une et l'autre pour en former une seule pièce, en sorte qu'elles soient unies dans ta main. » ;

Deux siècles plus tard, après la conquête d’Alexandre le Grand, le prophète Zacharie, à son tour, prêchera pour une unité retrouvée (Za 9,11-17 ; 10,3-11) ;

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Bref, on est frappé par le désir et la conviction qui traversent ces textes d’une unité du peuple qui ne peut qu’être l’œuvre de Dieu, par-delà les aléas de l’histoire au long de plusieurs siècles.

L’espérance d’une alliance nouvelle et perpétuelle

Dans l’AT, seul le livre de Jérémie utilise l’expression « alliance nouvelle » en

Jr 31,31 ;

Cette formulation est bien connue des chrétiens puisqu’elle est reprise par

l’épître aux Hébreux (8,8-12 ; 10,16-17) ;

Et, surtout, elle est redite au cœur de l’eucharistie par le prêtre au nom du

Christ ;

Pour les exégètes, l’expression « nouvelle alliance » suscite de multiples

questions quant à sa date, son attribution au prophète Jérémie et son

contenu, puisqu’il en existe deux versions, l’une en hébreu et l’autre en grec

(qui serait plus ancienne que l’hébreu). Mais ce n’est pas l’objet de mon propos ;

Que dit le texte (Jr 31,31-34) ?

31 Voici, les jours viennent, oracle du Seigneur, où je ferai avec la maison d'Israël et la maison de Juda une alliance nouvelle, 32 Non comme l'alliance que je traitai avec leurs pères, le jour où je les saisis par la main pour les faire sortir du pays d'Egypte, alliance qu'ils ont rompue, quoique je fusse leur maître, oracle du Seigneur. 33 Mais voici l'alliance que je ferai avec la maison d'Israël, après ces jours-là, oracle du Seigneur : je mettrai ma loi au dedans d'eux, je l'écrirai dans leur cœur ; et je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. 34 Celui-ci n'enseignera plus son prochain, ni celui-là son frère, en disant : Apprenez à connaître le Seigneur ! Car tous me connaîtront, depuis le plus petit jusqu'au plus grand, oracle du Seigneur ; car je pardonnerai leur iniquité, et je ne me souviendrai plus de leur péché. »

Ce texte appartient à un ensemble que l’on appelle « le livret de la consolation »

(Jr 30-31) : il regroupe des oracles annonçant la restauration du peuple de Juda

sur sa terre après l’exil, mais aussi pour l’Israël du Nord qui a disparu en 722 ;

Un peu plus haut, le prophète annonce même aux tribus de l’ancien royaume

d’Israël : « ton avenir est plein d’espérance » (31,17). Ceci donne le ton de ce

« livret de la consolation » : cette parole d’espérance vaut pour toute la maison

d’Israël, royaume du Nord et royaume du Sud réunis ;

Pourquoi une alliance « nouvelle » ?

Parce que l’alliance précédente a, dit le texte au v. 32, été rompue. Celle-ci avait

été conclue peu après la sortie d’Egypte entre Dieu et Moïse, et elle comportait

une loi donnée par Dieu, que l’on trouve dans le Deutéronome (Dt 12-26) ;

Malgré cette rupture d’alliance, Dieu demeure le « maître » d’Israël ;

Comment va-t-il s’y prendre cette fois-ci ?

La loi sera inscrite dans le cœur de l’homme et lui fera changer sa conduite…

la voilà l’espérance !

Mais justement, les prophètes de l’AT ne vont pas s’emballer ! Cette belle

annonce d’une « nouvelle alliance », qui implique une loi observée par tous va

demeurer… une promesse : une promesse qui se heurte à l’incapacité de

l’homme. L’alliance nouvelle demeure une espérance, car jamais il n’est dit

qu’elle est réalisée. Cela est si vrai que l’expression « alliance nouvelle » ne

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sera jamais reprise telle quelle dans l’AT. Il y a comme une limite

anthropologique à l’espérance : l’homme peut continuer à ne pas accomplir

les lois données par Dieu ;

Voilà pour l’alliance du côté de l’homme ;

Du côté de Dieu, maintenant, le même Jérémie annonce, au chapitre suivant,

que cette alliance sera (aussi) « perpétuelle » (Jr 32,40). Ezéchiel (16,59-63 ;

34,25 ; 37,26-27) et Isaïe (55,3 ; 61,8) auront, eux aussi, cette expression mais,

je l’ai indiqué, ne reprendront pas l’idée « d’alliance nouvelle » ;

En revanche, on retrouve la notion « d’alliance perpétuelle » dans deux textes

majeurs du livre de la Genèse, sur lesquels je n’aurai pas le temps de

m’arrêter :

o Gn 17 qui évoque une alliance « perpétuelle » avec le patriarche

Abraham ;

o Et, plus haut dans l’histoire biblique, Gn 9 qui rapporte l’alliance, elle

aussi « perpétuelle » que Dieu fit avec Noé ;

Qu’est-ce à dire ? On peut considérer que nous sommes en présence de deux

théologies différentes de l’alliance. Comme le dit Jacques BRIEND (p. 85) :

o « Dans les livres prophétiques, l’expression [« alliance perpétuelle »]

concerne une alliance qui regarde vers le futur et remplace l’expression

« alliance nouvelle », qui supposait du côté de l’homme un engagement

total que l’expérience démentait ;

o Rien de tel ne se rencontre dans les textes sacerdotaux, qui relisent

le passé, c’est-à-dire la promesse de Dieu accordée aux patriarches,

comme une alliance indéfectible ne pouvant être rompue. » ;

Deux anthropologies et deux théologies différentes, donc deux visions des

conditions de l’espérance d’Israël…

Y a-t-il une espérance pour les nations ?

Si l’AT raconte, cela est vrai, l’histoire d’Israël, ce serait une erreur de croire

que cette fresque biblique ignore « les nations » et leur place dans le monde

et le salut de l’humanité ;

Au début de la Bible, le livre de la Genèse raconte, en deux versions

successives, l’histoire de la création, suivi du conflit fratricide entre Caïn et

Abel ;

Puis, le livre retrace les débuts de l’humanité, décrits en particulier sous la

forme d’une liste de patriarches antédiluviens s’achevant avec Noé (Gn 5,1-

31) ;

Lorsque le déluge s’abat sur l’humanité pécheresse (Gn 6,5-8,22), seuls Noé

et ses fils sont épargnés. L’humanité se reconstitue donc à partir des fils de

Noé : Sem, Cham et Japhet ;

Gn 10 offre, alors, un tableau des peuples issus de ces trois fils avant de se

concentrer plus particulièrement sur la descendance de Sem (Gn 11,10-32),

d’où est issu Abraham ;

Donc, dès le commencement, la Bible raconte l’histoire de l’humanité tout

entière et, dans cette histoire universelle (et universaliste), inscrit la place

particulière d’Israël ;

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Et, de fait, Israël, tout au long de sa propre histoire, sera confronté « aux

nations » avec des peuples voisins, tantôt amicaux, tantôt hostiles.

L’espérance d’Israël ne peut pas ne pas inclure la question du salut des

nations ;

Après les commencements de l’humanité, viennent les commencements

d’Abram ;

Abram reçoit de Dieu une bénédiction qui va bien au-delà de sa seule

descendance (Gn 12,1-3). En effet, celle-ci s’achève par ces mots : « en toi

seront bénies toutes les familles de la terre. » ;

« 1 Le Seigneur dit à Abram : va-t-en de ton pays, de ta patrie, et de la maison de ton père, dans le pays que je te montrerai. 2 Je ferai de toi une grande nation, et je te bénirai ; je rendrai ton nom grand, et tu seras une source de bénédiction. 3 Je bénirai ceux qui te béniront, et je maudirai ceux qui te maudiront ; en toi seront bénies toutes les familles de la terre. »

On observe que le vocabulaire utilisé ne se veut pas politique et n’emploie pas

les termes de « royaume » ou de « nation », mais de « clans (du sol) », ce

qui peut être intentionnel ;

Cette expression, reprise en Gn 28,14, est clairement universaliste ;

En revanche, le Siracide, au IIème siècle, reprend le texte de Gn 12,3b et,

retraçant le portrait d’Abraham, écrit : « C’est pourquoi Dieu lui assura par

serment que les nations seraient bénies en sa descendance » (Si 44,21) ;

Donc, l’affirmation du livre de la Genèse, quel que soit le contexte de sa

rédaction (certains la font remonter au Xème siècle !), suppose une époque où

le Dieu d’Israël est considéré comme ayant une autorité sur l’ensemble des

nations, et donc comme détenteur de la bénédiction pour tous les peuples

de la terre. Ainsi, l’espérance d’une bénédiction pour toutes les nations n’a

son fondement que dans la reconnaissance d’un Dieu unique ET universel ;

Un autre texte, prophétique lui, confirme cette vision universaliste : Mi 4,1-2.5

(presque identique en Is 2,2-5) ;

Il offre une vision d’avenir où Jérusalem devient, en quelque sorte, le centre

du monde, car c’est là que se trouve la maison du Dieu de Jacob, c’est vers ce

lieu que les peuples se mettent en marche ;

Ce texte est à dater de la période post-exilique ;

Sans employer explicitement le mot « espérance », il exprime l’espérance du

prophète (et d’Israël) d’une humanité tout entière réunie dans la Jérusalem

future :

« 1 Il arrivera, dans la suite des temps, que la montagne de la Maison du Seigneur sera établie sur le sommet des montagnes, qu'elle s'élèvera par-dessus les collines, et que les peuples y afflueront. 2 Des nations s'y rendront en foule, et diront : Venez, et montons à la montagne du Dieu de Jacob, afin qu'il nous enseigne ses voies, et que nous marchions dans ses sentiers. Car de Sion sortira la loi, et de Jérusalem la parole du Seigneur. »

Le texte a une portée eschatologique évidente. Après avoir évoqué la paix

future (aux versets 3-4 ; cf. Is 2,2), il donne une conclusion qui intéresse

directement notre recherche sur l’espérance des nations (Mi 4,5) : « Tandis

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que tous les peuples marchent, chacun au nom de son dieu, nous marcherons,

nous, au nom du Seigneur notre Dieu à tout jamais. »

Ce verset constate l’existence des religions à travers le monde : chaque

nation rend un culte à son propre dieu. Mais il en va autrement pour Israël qui

rend un culte « à Dieu à tout jamais », selon une formule liturgique que l’on

trouve en particulier dans les psaumes (10,16 ; 48,15 ; 52,10). ;

Ainsi, les religions n’existeront pas toujours dans leur diversité et les peuples

auront, à la fin des temps, à se tourner vers le Dieu unique, le Dieu d’Israël :

dans cette vision universaliste, ce dernier détient une suprématie

eschatologique ;

D’autres prophètes de la période pot-exilique, supposent que Jérusalem va

retrouver sa gloire passée et que tous les peuples s’y rendront en pèlerinage.

Cette vision se veut universaliste, mais sa réalisation reste en attente, dans

l’espérance (Is 56,7 : « Ma maison sera appelée Maison de prière pour tous

les peuples » ; cf. 60,14 ; 66,18-20 ; Ag 2,7 ; Za 8,20-22) ;

Enfin, concernant la place des nations dans l’espérance d’Israël, on ne peut pas

ne pas citer le rôle essentiel de la figure du Serviteur souffrant évoquée par

plusieurs passages du Second Isaïe, dans ses chapitres 40 à 55 ;

L’identité de ce Serviteur est, dans la plupart des cas, difficile à préciser : s’agit-

il d’Israël ? D’une autre personne ?

Toujours est-il que ce serviteur est destiné « à être l’alliance de la multitude »,

à être la lumière des nations » (42,6) : « 6 Moi, le Seigneur, je t'ai appelé pour

le salut, et je te prendrai par la main. Je te garderai, et je t'établirai pour traiter

alliance avec le peuple, pour être la lumière des nations. » ;

En 49,6, les choses sont dites : « C'est peu que tu sois mon serviteur pour

relever les tribus de Jacob et pour ramener les restes d'Israël : je t'établis pour

être la lumière des nations, pour porter mon salut jusqu'aux extrémités de la

terre. » ;

Et il ajoute un peu plus loin : « Le Seigneur dévoile son bras de sainteté aux

yeux de toutes les nations. Les confins de la terre verront le salut de notre

Dieu. » (52,10) ;

La lecture chrétienne de ces oracles prophétiques y voit clairement l’annonce

de la passion et de la résurrection de Jésus-Christ.

L’espérance de la résurrection

Nous en arrivons à notre dernier point, et non des moindres : c’est, justement,

l’espérance de la résurrection qui, pour le moins, ne va pas de soi, et qui est

arrivée tardivement dans l’histoire de l’espérance d’Israël ;

Pour aborder ce thème, il convient de rappeler une donnée fondamentale de

l’Ecriture : Dieu est le Dieu de la vie, en dépit de l’expérience de la mort qui

atteint chaque individu ici-bas ;

Plusieurs exemples l’illustrent ;

En premier, évidemment, Abraham, à qui Dieu promet une descendance alors

que la chose lui paraît impossible à cause de son grand âge (Gn 18,10-14) ;

L’Ecriture offre aussi de nombreux exemples où Dieu accorde une postérité à

la femme âgée (Sarah en Gn 18) ;

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C’est le cas aussi de la femme stérile : Rachel en Gn 30,22…

Ou encore Anne (1 S 1,19) ;

On connaît, également, la destinée du prophète Elie : son disciple Elisée est le

témoin de sa montée au ciel (2 R 2,11 ; cf. Si 48,9 ; I M 2,58) ;

Tout à l’heure, j’évoquais la liste des patriarches antédiluviens : parmi eux,

Hénoch est, comme Elie, enlevé auprès de Dieu (Gn 5,21-24 ; cf. Si 44,16 ;

49,14). Pour être tout à fait précis, il ne s’agit pas de « résurrection », mais

« d’enlèvement au ciel » ;

En fait, dans l’AT, le plus ancien texte qui évoque la résurrection des morts se

trouve en Is 26,19 (dont la rédaction oscille entre le IVème et le IIème siècle) :

« Les morts vivront, les cadavres ressusciteront ; ils s’éveilleront et se réjouiront

les habitants de la poussière, car ta rosée est une rosée de lumière. » ;

Autre texte, plus connu, lui, sur la résurrection des justes, celui de Dn 12,2-3 :

« 2 Plusieurs de ceux qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront,

les uns pour la vie éternelle, et les autres pour l'opprobre, pour la honte

éternelle. 3 Ceux qui auront été intelligents brilleront comme la splendeur du

ciel, et ceux qui auront enseigné la justice, à la multitude brilleront comme les

étoiles, pour toujours et à perpétuité. » ;

Dans un contexte apocalyptique, la promesse de la vie éternelle est donnée aux

justes qui sont morts martyrs ;

C’est le cas aussi du Serviteur souffrant que j’évoquais à l’instant : « Ayant

payé de sa personne, il [le Serviteur] verra la lumière » (Is 53,11). La lumière

désigne, bien sûr, le monde de Dieu, par opposition au Shéol ;

Enfin, on connaît le long récit du martyre des sept fils et de leur mère, rapporté

en 2 M 7,1-41. Ce texte, écrit en grec, date de la fin du IIème siècle. On y lit,

notamment, le témoignage du quatrième fils : « Mieux vaut mourir de la main

des hommes en attendant, selon les promesses faites par Dieu, d’être

ressuscité par lui, car, pour toi [dit-il en s’adressant au roi Antiochus], il n’y aura

pas de résurrection à la vie » (2 M 7,14) ;

Et, au moment des funérailles de nos frères et sœurs dans la foi, nous lisons

souvent ce passage du livre de la Sagesse (écrit vers 40 avant J.-C.) 3,4 :

« Même si, selon les hommes, ils ont été châtiés, leur espérance était pleine

d’immortalité » ;

Ainsi, au Ier siècle, la foi en la résurrection des morts appartient bien à la

foi juive (excepté chez les Sadducéens : cf. Mt 22,23 ; Ac 23,8).

En guise de conclusion

Je serai très bref ;

Malgré les titres que j’ai donnés aux différentes sous parties de mon exposé, le

vocabulaire de « l’espérance » prend peu de place dans l’AT. En rigueur de

termes, il vaudrait mieux parler « d’aspirations » des prophètes de la Torah, à

un avenir, à la paix, à l’unité, etc.

C’est, nous l’avons vu, principalement dans le livre des Psaumes que

l’espérance, comme telle, est exprimée, ainsi que dans le livre de Job, que je

n’ai pas pris le temps d’aborder ;

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Au-delà de cette question de terminologie : « aspirations », « attentes »,

« espérance », etc. on voit bien, néanmoins, comment, tout au long de

l’histoire d’Israël, s’est profilée, préparée, l’espérance chrétienne en

Jésus-Christ, figure d’accomplissement, par sa mort et sa résurrection,

d’une humanité en paix, unifiée parce que partageant la vie même de Dieu,

comme il nous l’a promis.