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Cytokines: médiateurs de la réponse immunitaire et de la réaction inflammatoire

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Page 1: Cytokines: médiateurs de la réponse immunitaire et de la réaction inflammatoire

Cytokines : mkdiateurs de la Sponse immunitaire et de la Gaction inflammatoire

Didier Fradelizil et Jacques Theze*

Les cytokines sont de petites mol&zules qui assurent la communication intercellulaire dans diffkrents systemes biologiques. Les cytokines du systeme immunitaire parfois appelkes interleukines, lymphokines, monokines, interfkrons immunitaires jouent un rBle essentiel dans le dkclenchement et le contr6le des r4ponses immunes et inflammatoires. Certaines pathologies, ou leur &olution, dbpendent de la fonctionnaliti! et de l’kquilibre du rkseau des cytokines.

‘Communications intercellulaires el auto-immunitb, lnserm U477, h8pital Cochin. Paris, France ; 21mmunogkv5tique cellulaire, lnstitut Pasteur, Paris, France.

L es cytokines sont des proMines glycosylkes composees d’une centaine d’acides amin&, s&-

c&tees par une grande vari& de cellules productrices, g&+ralement aprPs stimulation par un signal ac- tivateur.

1. Les cytokines et leurs r6cepteurs

Les cytokines exercent leurs actions sur un nombre t;llevk de cellules ci- bles diffgrentes (actions pl&otropi- ques) qui peuvent Ptre les cellules productrices elles-m8mes (situation autocrine), des cellules voisines (si- tuation paracrine) ou des cellules kloign&es (situation endocrine). Les cytokines agisscnt sur leurs cellules cibles en se liant avec une forte affi- nit4 A des r&epteurs sp&ifiques compos& d’un assemblage de sous- unit& formant un complexe multi- m&ique exprim6 B la surface des cellules rkpondeuses. L’interaction cytokine/r&epteur 2 la surface ex- tkrieure de la membrane cytoplas- mique induit (transduit) une suite d’kvenements biochimiques intra- cellulaires comportant I’activation skquentielle d’enzymes. L’aboutis- sement de cet enchainement se- quentiel d’kvtinements mol&ulai- res est la rkgulation du fonctionne- ment de certains gPnes : rkgulation positive comme l’activation de la transcription, ou rf?gulation nega- tive comme le ralentissement ou 1’arrPt de cette transcription [2,7,16, 18,20,22]. Le clonage des rilcepteurs des cyto- kines a mis en Evidence des motifs communs dans leur structure pri- maire qui ont permis de les classer en un certain nombre de familles.

ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR / actualit& (1998) 9,2,95-106 0 Elsevier, Paris

Les rkcepteurs des h&matopo%tines (ou type I) (aussi appelks quelque- fois r&epteurs des cytokines) re- presentent de loin la famille qui possPde le plus grand nombre de membres. Tous ces r&epteurs sont des glycoprot&nes contenant une seule jonction transmembranaire dont l’extremite NH-2 terminale est orientee vers l’ext&ieur de la cel- lule. 11s posstident une partie extra- cellulaire contenant deux domaines d/environ 100 acides aminks cha- cun. Celui en position NH2 termi- nale possPde quatre r&.idus cyst&- nes dont la position est particuliPre- ment bien conservke et qui sont engages dans des ponts disulfures intrachaines, tandis que l’autre con- tient un motif W-S-X-W-S (trypto- phane-sQine-un acide amine quel- conque-tryptophane-s&ine) qui semble etre indispensable B la fixa- tion du ligand. Ces deux domaines se composent de sept feuillets p or- ganises de man&e antiparallitle. La partie intracytoplasmique est de longueur variable, sans activitk ty- rosine kinase intrinseque. En revan- the, 2 proximite de la membrane, elle comporte deux motifs denom- m& Box 1 et Box 2, avec dans la Box 1 un site riche en proline qui joue un rale primordial dans la transduc- tion du signal. Les principaux r& cepteurs de cette famille sont : IL- 2Rb, y : IL-3Ra, 0 ; IL-4R ; ILdR ; IL&R ; IL-7R ; IL-9R ; IL-12R G- CSFR ; GM-CSFR ; TPOR ; LIFR ; OSMR ; CNTFR ; gp130 GHR ; PRLR ; EPOR. La transmission des signaux intracellulaires par cette fa- mille de r&epteurs a fait l’objet de nombreux travaux [5, 6, 10, 12, 14, 15, 19, 231. Le systPme IL-2 et ses r&zepteurs font partie des modPles

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les plus etudies de cette famille 13, 4,13,211. La famille des recepteurs des inter- Mrons (ou type II) regroupe les re- cepteurs des IFN a, B et y (chaines a et B), ainsi que le recepteur de l’IL- 10. Ces membres partagent une or- ganisation similaire dans un do- maine extracellulaire de 210 acides amines extracellulaires qui contient une paire de residus cysteine a cha- que extremite ainsi que deux resi- dus tryptophane dont la position est bien conservee. Le domaine re- presentatif de cette famille est du- plique dans le cas du recepteur de l’IFNor/B. La famille des recepteurs du TNF (ou type III) comprend les deux sor- tes de recepteur des TNF (~55 et p75), mais egalement le recepteur du NGF, ainsi qu’un certain nombre d’antigenes de membrane tels que CD40, CD27 et Fas. La partie extra- cellulaire des recepteurs de cette fa- mille comporte quatre domaines re- petitifs riches en cysteine, dont la position est extremement bien con- servee 1111. Les recepteurs des cytokines appa- rent& a la superfamille des immu- noglobulines se distinguent par une suite de trois ou cinq domaines c( immunoglobulin-like P dans leur partie extracellulaire. On peut la subdiviser en deux groupes selon la presence ou l’absence d’activite ty- rosine-kinase intrinseque dans le domaine intracellulaire. Les recep- teurs pour I’IL-1 (types I et II) ainsi que la molecule Tl/ST2 dont le li- gand n’est pas encore clairement identifie font partie de cette famille sans activite tyrosine kinase intrin- seque (que I’on appelle aussi recep- teurs des cytokines de type IV), alors que les recepteurs des facteurs de croissance tels que le M-CSF, l’EGF, le PDGF, le Steel factor et le ligand de FLT3 possedent cette activite. Les recepteurs des chemokines oc- cupent une place particuliere parmi les recepteurs des cytokines par la presence dans leur sequence de sept jonctions transmembranaires et d’un couplage a une proteine G pour la transduction du signal. Bien que la plupart des recepteurs des cytokines puissent @tre attri-

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b&s a l’une des families citees pre- cedemment, certains possedent des caracteristiques qui leur sont pro- pres : c’est le cas des recepteurs du TGFB de type II, qui possede une activite serine/threonine kinase dans son domaine intracytoplasmi- que et des chaines a des recepteurs de l’IL-2 et de I’IL-15 qui possedent des homologies structurales entre elles. Ces deux chaines possedent respectivement deux ou un motifs appeles cq domaine Sushi )) que I’on retrouve egalement dans des mole- cules telles Cls, Clr, le facteur XIII, ainsi que le facteur B et H ou ils sont presents en grand nombre (20 pour le facteur H). Les cytokines jouent un role capital pour la protection de l’integrite du cq soi )). Lorganisme humain, comme tous les organismes complexes, est constamment expose dans l’envi- ronnement a des microorganismes qui menacent son integrite. La pro- tection du soi est assuree par plu- sieurs systemes de defenses qui, avec plus ou moins de succes, em- pechent la penetration et la prolife- ration de ces agresseurs etrangers que sont les batteries, les levures, les virus, les parasites. Les defenses sont aussi responsables de l’elimi- nation des cellules anormales dont la proliferation pourrait etre la cause d’un cancer. Deux systemes de defense jouent un role essentiel : - les defenses myelo-monocytaires non specifiques, dont les acteurs principaux sont les polynucleaires et les macrophages capables de phagocyter les produits etrangers ; l’activation de ces cellules provoque la reaction inflammatoire ; -en second lieu, les defenses immu- nitaires specifiques dont le fonc- tionnement repose principalement sur le couple lymphocytes/cellules presentatrices d’antigene. Le fonctionnement de ces deux sys- temes de defense est ainsi assure par divers cellules leucocytaires presentes dans le sang et dans les tissus. Ces cellules sont toutes fabri- q&es dans la moelle osseuse a par- tir des cellules souches hematopoi’e- tiques (hematopoi’ese). Les cytoki- nes sont les messagers solubles permettant la mise en place et le

fonctionnement de tous ces syste- mes cellulaires. Les cytokines sont schematique- ment regroupees en trois groupes d’activites : les cytokines de la re- ponse immunitaire, les cytokines de l/inflammation et les cytokines de l’hematopo’iese. Cette distinction en trois classes tient compte de l’activi- te principale actuellement connue des cytokines. 11 est clair cependant que ces molecules ont des activites multiples rendant cette classifica- tion certainement arbitraire ; elle a toutefois le merite de clarifier l’ex- pose.

2. Cytokines de la rbponse immunitaire

Les caracteristiques essentielles de la reponse immunitaire sont la spe- cificite et la memoire. Les acteurs principaux forment un couple : lymphocyte / cellule presentatrice d’antigene. Les cytokines intervien- nent h differents stades du develop- pement de cette reponse immune : - la penetration d’un produit etran- ger comme un agent infectieux (an- tigene) dans I’organisme aboutit a l/activation des lymphocytes T auxiliaires ; ce sont ces lymphocytes T auxiliaires qui controlent le de- roulement ulterieur de la reponse immune, et notamment la genera- tion des lymphocytes immuns pro- tecteurs de I’organisme ; les lym- phocytes T auxiliaires exercent cette fonction centrale en envoyant les messages biochimiques que sont les cytokines A toute une pleiade de lymphocytes specialises qui vont assurer ces missions de protection ; de ce fait, les lymphocytes T auxi- liaires sont les veritables chefs d’or- chestre de l’immunite ; - les lymphocytes qui recoivent les messagers cytokiniques produits par les lymphocytes T auxiliaires sont les lymphocytes B et les lym- phocytes T cytotoxiques. Ces deux types cellulaires sont les effecteurs immuns. Ces deux populations possedent des fonctions comple- mentaires : les lymphocytes B pro- duisent des anticorps capables de se her et neutraliser les agents infec- tieux dans le milieu sanguin ou in-

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terstitiel extracellulaire. Les lym- phocytes T cytotoxiques (&ueurs)) entrent en contact et detruisent les cellules de l’organisme dans les- quelles l’agent etranger a pu pen& trer. Les deux types de defenses se developpent simultanement, sont complementaires et concourent a l’elimination de l’agresseur etran- ger : par exemple en cas d/infection virale, la neutralisation des particu- les virales (par les anticorps) et la destruction des cellules infectees hebergeant le genome viral (par les lymphocytes tueurs) permettent, le plus souvent, l’elimination de l’agent infectieux et la guerison. Le developpement des lymphocytes B et des lymphocytes T cytotoxiques est strictement dependant de l’ac- tion des cytokines produites par les lymphocytes T auxiliaires. La preuve de cette stricte depen- dance est donnee a contrario par l’absence totale de defenses immu- nes chez les nourrissons de sexe masculin congenitalement defi- cients en une sous-unite receptrice (yc) partagee par les recepteurs des cytokines IL-2, IL-4, IL-7, IL-9 et IL- 15 (syndrome de deficience im- mune combinee severe lice au chro- mosome X (X-SCID, 1iC B un defaut du gene de la sous-unite y du R IL-2). On note au passage, mais ces notions sont detaillees plus loin, que plusieurs des cytokines utili- sant un recepteur dont un element est cette sous unite receptrice yc, sont celles qui permettent le deve- loppement de la reponse cellulaire (responsables des defenses antivi- rales, des defenses contre certaines batteries comme le bacille de Koch et enfin sont responsables du rejet de greffe allogenique).

n 2.1. Cytokines intervenant dans la r6ponse immune cellulaire

La reponse immunitaire (c cellu- laire >> est l’ensemble des evene- ments concourant au developpe- ment des differents types d’effec- teurs cellulaires cytotoxiques qui ont pour fonction de detruire les cellules cibles infect&es ou etrange- res, grace a l’etablissement de con-

tacts membranaires directs entre les effecteurs cellulaires et les cellules cibles. Trois types de cellules effec- trices peuvent avoir une activite cy- totoxique : - les lymphocytes T cytotoxiques specifiques sont equip& d’une structure de reconnaissance, le re- cepteur specifique d’antigene (T cell receptor : TCR) qui reconnait sur les cellules cibles l’antigene sous la forme d’un peptide associe aux molecules d’histocompatibilite ; - deux autres types de cellules, ran- ges dans la categoric des effecteurs cytotoxiques non specifiques, inter- viennent dans la reponse cellulaire et associent leurs actions a celles des lymphocytes immuns specifiques TCR+. Ce sont les lymphocytes cy- totoxiques x< tueurs naturels ” (NK) ou <( tueurs actives par les cytokines )) (lymphokine nctizMed killers : LAK) et les macrophages (< actives )) doues de proprietes cytotoxiques antitumorales et bactericides. La participation de ces differents ef- fecteurs cellulaires est evidente lorsqu’on examine l’histologie d’une reponse immune cellulaire typique, comme la reaction tuber- culinique declenchee par l’inocula- tion intradermique d’extraits de ba- cille de Koch chez un sujet vaccine (aussi appelee reaction d’hypersen- sibilite retardee, car elle est obser- vee apres 48 heures de delai) : mo- nocytes/macrophages sont etroite- ment m@l& aux lymphocytes T dans l’infiltrat polymorphe sous- cutane qui entoure le point d’injec- tion de l’antigene. Cette reaction tu- berculinique illustre I’intervention conjointe des lymphocytes T et des macrophages et permet de com- prendre comment/pourquoi la reaction immune cellulaire et l’in- flammation sont tres etroitement associees. Les principales cytokines impli- quees dans la reponse cellulaire d’hypersensibilite retardee sont l’IL-2 et l’interferon y (IFN-y) pro- duites par les lymphocytes T auxi- liaires ; et l’IL-12 principalement produite par les macrophages. L’interleukine-2 (IL-2) est l’une des cytokines le plus anciennement identifiees (1976) pour son activite

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comme facteur de proliferation des lymphocytes T et B. Elle est pro- duite exclusivement par les lym- phocytes T, principalement par les lymphocytes T auxiliaires, sous forme dune proteine glycosylee de 133 acides amines. LIL-2 est la seule cytokine dont l’action soit ex- clusivement lymphocytaire. En ef- fet, seuls les lymphocytes peuvent repondre a l’IL-2 (lymphocytes T, lymphocytes B et NK) car seuls ces lymphocytes peuvent exprimer un recepteur pour cette cytokine. Les lymphocytes au repos n’expriment quasiment pas de recepteur IL-2 fonctionnel. C’est seulement lorsqu’une fraction d’entre eux ont reconnu specifiquement un anti- gene (en cas d’infection ou de greffe) que les lymphocytes sont ac- tives et acquierent un recepteur pour l’IL-2 de tres forte affinite. Seul le petit nombre des lymphocytes ayant specifiquement reconnu l’an- tigene devient capable de fixer l’IL- 2, entre en division et se multiplie. La proliferation des seuls lympho- cytes equip& d’un recepteur d’an- tigene (TCR) capable de reconnaitre un antigene donne (expansion clo- nale), explique la specificite de la reponse immune. La situation est differente avec les lymphocytes tueurs naturels (natwal killers, NK), car ces cellules expriment consti- tutivement une sous-unite du re- cepteur IL-Z. En presence de cette cytokine, Ies cellules NK sont acti- vees en lymphocytes (( super- tueurs )) que l’on designe sous le nom de LAK (lymphokine activated killers). L’IL-2 agit done sur ses cellules ci- bles en se fixant sur un recepteur compose par l’assemblage de trois sous-unites receptrices ((x, B et yc). Les sous-unites B et yc modifiees par le contact avec leur ligand IL-2 transmettent (transduisent) le mes- sage d’activation et de division au noyau via des seconds messagers cytoplasmiques. Comme indique plus haut, la sous-unite yc (y com- mune) du recepteur de l’IL-2 est partagee par toute une serie de re- cepteurs de cytokines lymphocytai- res (IL-2, IL-4, IL-7, IL-9 et IL-15).

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On mentionnera ici l’IL-15. 11 s’agit d’une cytokine produite par des cel- lules de multiples tissus (macro- phages, cellules epitheliales, fibro- blastes, muscle), mais non par les lymphocytes T actives. Cette IL-15, bien que structurellement diffe- rente de l’IL-2, exerce son action en se fixant sur les sous-unites B et ydu recepteur de l’IL-2. L’activite biolo- gique de I’IL-15 est identique h celle de I’IL-2 : stimulation de la prolife- ration des lymphocytes T et B. Le role physiologique de l’IL-15 dans l’organisme est encore ma1 compris, mais on signale sa production dans les articulations de patients souf- frant de polyarthrite rhumato’ide, une pathologie auto-immune chro- nique affectant les articulations. Les interferons (IFN) furent initiale- ment identifies comme facteurs de resistance aux virus. En rkalite, ces proteines, composees d’un peu moins de 200 acides amines, sont de veritables cytokines et intervien- nent dans la communication inter- cellulaire. Pour simplifier, indi- quons que les IFN-a et B, produits par les cellules hematopoi’etiques pour le premier et par les fibroblas- tes pour le second, constituent les IFN de type I. Ifs se fixent tous deux sur le m@me complexe de sous-uni- tes receptrices exprimees sur les cel- lules cibles et possedent done la mPme activite biologique. 11s indui- sent l’augmentation de l’expression des molecules d’histocompatibilite de classe I et possedent, comme l’IL- 2, la propriete de stimuler les lym- phocytes NK en LAK. L’IFN-y (IFN de type II) est une cytokine lympho- cytaire bien distincte des IFN pr&e- dents qui se fixe sur un complexe recepteur particulier. L’IFN-yest se- crete par les lymphocytes T auxiliai- res et par d’autres cellules comme les lymphocytes T cytotoxiques et surtout les cellules NK, notamment apres activation par I’IL-2 et/au l’IL-12. L’IFN-)I induit l’expression des molecules d’histocompatibilite, est un puissant activateur des ma- crophages, stimule la cytotoxicite antitumorale des cellules NK et des macrophages (stimulation de la production du monoxyde d’azote NO), stimule la production d’im-

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munoglobuline de classe IgG2a par les lymphocytes B, inhibe la prolife- ration des lymphocytes produc- teurs d’IL-4. L’interleukine-12 (IL-121 est la seule cytokine ayant une structure hete- rodimerique. Elle est produite par les monocytes/macrophages acti- v&. Elle possede une activite syner- gique puissante avec 1’IL-2 pour in- duire la s&&ion d’IFN-y par les lymphocytes NK. L’IL-12, directe- ment ou via l’induction d’IFN-y, joue un role tres important dans l’immunite et l’inflammation. Son role est essentiel dans la protection de l’organisme contre les batteries ou parasites ayant un developpe- ment intracellulnire qui sont nor- malement elimines par Ies macro- phages actives (mycobacteries, lis- teria, toxoplasmes, malaria, leishmania). De nombreux argu- ments experimentaux indiquent que cette cytokine est un des acteurs majeurs au tours des pathologies auto-immunes dans lesquelles les lymphocytes T exercent une action destructrice contre les propres tis- sus de l’organisme (diabete, ar- thrite, thyro’idie). Cette action re- sulte en partie de l’augmentation de la production des cytokines respon- sables de la reaction inflammatoire (appelees pro-inflammatoires, voir plus loin) IFN-y, IL-l, TNF et de l’augmentation du developpement des effecteurs autoagressifs. Les memes effets diriges contre des cellules tumorales conferent a l’IL- 12 des proprietes interessantes pour s’opposer a la croissance des cellu- les can&reuses. L’IL-12 a la proprie- te tres particuliere de favoriser le developpement d’un certain type de lymphocytes T auxiliaires, les lymphocytes Thl qui produisent les cytokines favorisant le developpe- ment de la reponse immune cellu- laire. On reviendra plus loin sur la place de I’IL-12 dans la dichotomie fonctionnelle des lymphocytes T auxiliaires. L’IL-2, I’IFN-y et I’IL-12 sont done les trois principales cytokines qui stimulent le developpement de la reponse immune dite cellulaire.

n 2.2. Cytokines intervenant dans la rbponse humorale

La rkponse immune dite humorale est l’ensemble des interactions cel- lulaires concourant a la sensibilisa- tion des lymphocytes B, a leur pro- liferation et enfin a leur matura- tion/diff&enciation aboutissant a la formation des plasmocytes secre- tant des immunoglobulines anti- corps de diverses classes. Tres suc- cinctement, les etapes sont les sui- vantes : h la suite de sa premiere rencontre avec l’antigene, les lym- phocytes B fabriquent essentielle- ment des anticorps de type IgM. Lors d’un second contact avec l’an- tigene, les lymphocytes B subissent une modification genetique con- duisant a la production d’immuno- globulines de sous-classes IgG et IgE. Cette maturation est denom- mee f( commutation isotypique )). Les differentes etapes initiales de ce processus se deroulent dans les cen- tres germinatifs des ganglions lym- phatiques et requierent les messa- gers chimiques que sont les cytoki- nes fabriquees par les lymphocytes T auxiliaires. Les principales cytokines interve- nant dans ces processus sont I’IL-4, I’IL-13, I’IL-10 et l’IL-6. L’interleukine-4 (IL-4), produite par differentes cellules comme les basophiles, les mastocytes et certai- nes sous-populations de lymphocy- tes T auxiliaires, fut initialement de- trite comme un facteur de prolifera- tion des lymphocytes B. Cette cytokine possede en fait un large spectre d’activites biologiques. Quatre fonctions essentielles sont dependantes de I’IL-4. Cette cytokine induit la commuta- tion isotypique des lymphocytes B : en effet, ces cellules, apres rencontre avec l’antigene, synthetisent d’abord des immunoglobulines IgM comportant des chaines lour- des u. En presence d’IL-4, les lym- phocytes B commutent et utilisent des chaines lourdes yet E. L’IL-4 est done essentielle pour la production d’immunoglobulines de type IgGl (comportant les chaines $ et IgE (comportant les chaines E).

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En second lieu, l’IL-4 exerce deux types d’effets sur les macrophages : l’IL-4 inhibe la synthese par les ma- crophages des cytokines de l’in- flammation (appelees cytokines pro-inflammatoires) comme l’IL-1, le TNF et l’IL-6, ainsi que plusieurs cytokines qui sont attractives pour diverses cellules effectrices (elles sont appelees cytokines chimiotac- tiques ou chemokines). Par ailleurs, l’IL-4 stimule la synthese des inhi- biteurs physiologiques des cytoki- nes pro-inflammatoires (antago- niste competitif du recepteur de l’IL-1 = IL-lra, inhibiteurs du TNF). Par l’ensemble de ces effets sur les macrophages, l’IL-4 est done une cytokine anti-inflammatoire. En troisieme lieu, l’IL-4 inhibe la production d’IFN-y par les lympho- cytes NK stimules. Enfin l’IL-4 est un facteur de proli- feration de certains lymphocytes T. On reviendra plus loin sur la place de l’IL-4 dans la dichotomie fonc- tionnelle des lymphocytes T auxi- liaires. L’interleukine 13 (IL-13), produite par les lymphocytes T actives, par- tage avec l’IL-4 les effets sur la syn- these d’immunoglobulines de type IgE et les effets anti-inflammatoires sur les macrophages. L’IL-13 cepen- dant n’a pas d’effets directs sur les lymphocytes T et n’a pas d’effets inhibiteurs (voire stimule) sur la production d’IL-12 par les macro- phages et la production d’IFN-y par les lymphocytes NK. L’interleukine 10 (IL-lo) a ete initia- lement reconnue par ses proprietes inhibitrices sur la secretion d’IFN-y et par le fait qu’elle est synthetisee par certains lymphocytes T auxiliai- res (Th2 chez la souris). 11 s’est rapi- dement aver+ que l’IL-10 a une large palette d’activites. D’une part, elle est essentiellement produite par les monocytes. En second lieu, l’IL- 10 intervient dans la differentiation des lymphocytes B en plasmocytes secreteurs d’immunoglobulines. L’IL-10 inhibe la fonction presenta- trite d’antigene des cellules acces- soires (diminution de l’expression des antigenes d’histocompatibilite de classe II). Enfin, I’IL-10 inhibe la production d’IL-12 par les macro-

phages et possede plusieurs activi- tes anti-inflammatoires (comme la diminution de la production des cy- tokines pro-inflammatoires IL-l, TNF, IL-6 et des cytokines chimio- tactiques, accompagne de la stimu- lation de la production des inhibi- teurs de l’IL-1 et du TNF). L’ensem- ble de ces proprietes fait de l’IL-10 une cytokine tres interessante pour moduler negativement la reponse immune cellulaire et l’inflamma- tion, avec des applications thera- peutiques potentielles. L’interleukine-6 (IL-6) possede un large spectre d’activites. Son role dans la reponse immune ne repre- sente qu’une facette de ses activites et on verra plus loin son role consi- derable dans l’inflammation. L’IL-6 joue neanmoins un grand role dans la reponse immune comme facteur physiologique de proliferation des lymphocytes B et des plasmocytes. Elle est eventuellement responsable de diverses proliferations lympho- cytaires pathologiques : lymphome et myelome.

n 2.3. Dichotomie fonctionnelle des cytokines de 1’immunitC [ll

Depuis quelques an&es, on a com- pris que les lymphocytes T auxiliai- res ne sont pas tous capables de fabriquer simultanement toutes les cytokines impliquees dans les re- ponses cellulaires et humorales. L’identification de la palette de cy- tokines produites par differents clo- nes de lymphocytes T auxiliaires de souris permit a Mossmann et Cof- fman en 1986 de faire une decou- verte tres importante : les lympho- cytes T auxiliaires, selon les cytoki- nes qu’ils produisent, peuvent etre classes en deux groupes fonction- nels distincts, les lymphocytes T auxiliaires de type 1 (T helper 1 = Thl) et les lymphocytes T auxi- liaires de type 2 (T helper 2 = Th2). Chez la souris, les lymphocytes Thl produisent de l’interleukine 2 (IL-2) et de l’interferon r(IFN-)I), alors que les lymphocytes Th2 secretent de l’IL-4, de l’IL-5, de I’IL-10 et de l’IL- 13. Chez l’homme, la dichotomie d&rite ci-dessus a ete egalement re-

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trouvee. Elle est particulierement Claire lorsqu’on examine des lym- phocytes provenant de sujets dont le systeme immunitaire est soumis a des stimulations antigeniques re- petees ou prolongees. Chez ces su- jets, on retrouve comme chez la sou- ris une production d’IFN-y par des clones Thl et une production d/IL-4 et d’IL-5 par des clones Th2. Toute- fois, la production des cytokines IL- 2, IL-lo, et IL-13 n’est pas conside- ree comme t&s specifique de l’une ou l’autre des sous-populations. Les lymphocytes Thl sont ainsi les principaux effecteurs de l’immuni- te a mediation cellulaire specifique d’antigenes : reaction d’hypersensi- bilite retardee, rejet des allogreffes et tumeurs, defenses contre les mi- cro-organismes intracellulaires. Ces lymphocytes Thl, de plus, activent les macrophages soit directement (via des interactions de surface lym- phocytes actives/macrophages) soit par l’intermediaire de cytoki- nes comme I’IFN-y, conduisant au developpement d’une reaction in- flammatoire. Les lymphocytes Th2, via les cyto- kines qu’ils produisent, exercent un role preponderant dans la prolifera- tion et la differentiation des lym- phocytes B en plasmocytes secre- teurs d’anticorps : de plus, ces cyto- kines controlent la commutation isotypique, et notamment la pro- duction des immunoglobulines de classe IgE impliquees dans l’aller- gie. Cette dichotomie fonctionnelle des lymphocytes T auxiliaire est le fon- dement de nouvelles strategies d’intervention basees sur deux pro- prietes fondamentales reconnues recemment. Les deux populations Thl et Th2 sont mutuellement antagonistes : les cytokines Thl inhibent le deve- loppement des lymphocytes Th2 ; reciproquement les cytokines Th2 inhibent le developpement d’une reponse Thl. Cet antagonisme reci- proque est une opportunite pour le therapeute qui peut tirer partie de cette balance pour manipuler la re- ponse immunitaire : par exemple l/augmentation de la reponse Thl peut etre souhaitee pour ameliorer

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des defenses anti-infectieuses ou anti-tumorales ; inversement, I’aug- mentation d’une reponse Th2 peut etre souhaitee pour augmenter cer- taines defenses anti-parasitaires ou

pour inhiber une reaction inflam- matoire ou auto-immunitaire. Deuxiemement, la reponse immu- nitaire peut @tre intentionnellement polarisee vers une reponse soit Thl (en presence d’IL-12), soit Th2 (en presence d’IL-4), par l’utilisation de ces cytokines correspondantes ou des anti-cytokines appropriees in vitro et dans des modeles experi- mentaux in vivo.

3. Cytokines de I’inflammation

Classiquement definie par Hippo- crate comme associant la tetrade symptomatique : rougeur, tumeur, douleur, chaleur, la reaction inflam- matoire implique, comme la re- ponse immunitaire, des interac- tions cellulaires multiples, soit par contacts cellules/cellules, soit par le biais de mediateurs (au premier rang desquels figurent les cytoki- nes). Les acteurs de la reaction in- flammatoire sont les monocytes et les macrophages (deux types cellu- laires voisins trouves dans le sang pour les premiers, dans les tissus pour les seconds), les polynucleai- res et les cellules de la paroi vascu- laire. Les causes de l’inflammation peuvent etre diverses comme evi- demment l’intrusion dans l’orga- nisme d’agents infectieux provo- quant une infection aigue ; mais l’inflammation peut etre beaucoup moins intense, comme par exemple lorsqu’elle accompagne une reac- tion immunitaire (a la suite de la reconnaissance par les lymphocytes T auxiliaires d’un antigene etranger comme non-soi) ou auto-immuni- taire (situation pathologique au tours de laquelle la reponse immu- nitaire est dirigee contre des antige- nes du soi). Pour la clarte de l’expo- se, c’est le modele de l’inflamma- tion aigue bacterienne qui nous servira de modele en envisageant son deroulement au plan local, puis regional et enfin general.

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n 3.1. Le modhle de l’inflammation ai@ bactkrienne

Les cytokines de l’inflammation sont activement synthetisees quand des macrophages, par exemple dans un tissu h la suite d’une bles- sure, sont stimules par des produits bacteriens. Cette situation est cari- caturale car les constituants des pa- rois bacteriennes comme le LPS (li- popolysaccharide), composant principal de la paroi des batteries Gram negatives, et le SAC (Staphy- lococcus aurcus souche Cowan), composant des parois des batteries Gram positives, sont des stimulants extremement puissants des macro- phages. L’activation macrophagique com- Porte toute une shie d’evenements cellulaires, comme l’explosion oxy- dative, la synthese de radicaux li- bres et de monoxyde d’azote (NO), la synthese de tome une serie de molecules parmi lesquelles les deri- ves de l‘acide arachidonique (prostaglandines), divers proteases et bien entendu, plusieurs cytoki- nes. Linflammation peut rester limitee et ne pas depasser le stade local. Cependant, pour cet expose, on de- crira une reaction inflammatoire se- vere comportant une diffusion des agents infectieux (septicemie) et des consequences g&-i&ales graves pouvant realiser un choc septique. Dans ce scenario catastrophe, Ia se- cretion des cytokines et les evene- ments qui en resultent depassent le plan local. Les phenomenes devien- nent regionaux et generaux. Tous ces evenements qui se succPdent en cascade peuvent survenir en quel- ques heures.

3.1.1. Manifestation locale de /‘inflammation

Au site de l’inflammation, les ma- crophages stimules par le LPS se- cretent un grand nombre de cytoki- nes, dont les principales quantitati- vement sont I’IL-1 et le TNF. IL-l et TNF : ces deux cytokines, considerees ici globalement puis- qu’il existe en fait au moins deux IL-l (IL-1 a et p) et deux TNF (TNFo

et p), ont des caracteres particuliers qui les distinguent des autres cyto- kines. Ces cytokines sont en effet synthetisees sous forme d’un pre- curseur qui est coupe par proteo- lyse pour liberer la proteine mature. Le TNFa est synthetise dans le cy- toplasme des macrophages actives sous forme d’un precurseur mem- branaire possedant deja une activite biologique pro-inflammatoire puis- Sante. Le precurseur est ensuite coupe et le TNFa soluble, lui aussi actif, est lib&-e dans le milieu extra- cellulaire. Dans le cas des IL-1 a et 0, la preproteine synthetisee dans le cytoplasme des macrophages a une taille d/environ 30 kDa. Ce precur- seur cytoplasmique est coupe par proteolyse en fragments dont I’un est la proteine mature de 14-15 kDa. Seule 1’IL-1 l3 est secretee (I’essentiel de l’IL-1~ reste intracellulaire, du moins tant que les cellules produc- trices restent intactes). Lenzyme responsable de la maturation de I’IL-lp a ete identifiee, il s’agit de l‘enzyme de conversion de l’IL-lb (IL-Ij3 converting enzyme : ICE). L’inhibition pharmacologique de cette ICE est la base d’un nouveau concept de molecules douees d’ac- tivites anti-inflammatoires et fait l’objet d’investigations intenses par l’industrie pharmaceutique. Le TNFo: et I’IL-ll3 ont une regula- tion physiologique coordonnee dans les macrophages stimules car les memes signaux induisent l’acti- vation de leurs genes respectifs. Ces deux cytokines agissent en synergie se potentialisant l’une l’autre de maniere remarquable. Les cellules cibles en effet, expriment simulta- nement des recepteurs specifiques pour l’une et l’autre. On observe notamment que l’IL-lj3 et le TNFa liberes par les macrophages stimu- Ies se lient a leurs recepteurs speci- fiques situ& sur les cellules endo- theliales et musculaires lisses des capillaires du site de l’inflammation et induisent une intense secretion d’IL-6 et de chemokines par ces cel- lules. En fait, toutes les cytokines appelees c( pro-inflammatoires )) peuvent etre produites par les ma- crophages actives. Cependant, I’IL- 6 et les chemokines sont bien da-

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vantage synthetisees par les cellules de la paroi vasculaire des capillaires avoisinant le site inflammatoire que par les macrophages eux-memes. Les chemokines sont de petites cy- tokines constituees d’un peu moins d’une centaine d’acides amines, que l’on peut rassembler en une fa- mille de molecules structurelle- ment apparentees. Les chemokines possedent la propriete d’attirer, de favoriser le deplacement de diver- ses cellules vers leur site de produc- tion. Cette propriete est appelee c( chimiotactisme x)). La famille des chemokines est divisee en deux sous-groupes constitues d’une di- zaine de membres chacun. Les che- mokines du sous-groupe CC (ainsi nomme parce que les deux premie- res cysteines sont contigues), dont le prototype est l’IL-8, sont chimio- tactiques pour les polynucleaires et certains lymphocytes (et non pour les macrophages). Les chemokines du sous-groupe CXC (ainsi nomme parce qu’un acide amine est interca- le entre les deux premieres cystei- nes), dont le prototype est le MCI’-1 (monocyte chemoatractant protein I), sont chimiotactiques pour les mo- nocytes/macrophages et certains lymphocytes (mais non pour les po- lynucleaires). La secretion de ces deux types de chemokines par les cellules vasculaires attire les poly- nucleaires et les macrophages sur le site de l’inflammation, ce qui expli- que l/infiltration cellulaire poly- morphe regulierement retrouvee histologiquement dans un tissu en- flamme. Les recepteurs des chemokines ont une structure particuliere avec sept domaines trans-membranaires (ca- racteristique des recepteurs lies aux proteines G). Plusieurs recepteurs possedant une specificite particu- here pour plusieurs chemokines a l‘interieur de chacun des deux sous- groupes ont et@ identifies ; ils sont nommes respectivement CC-R et CXC-R. L’actualite vient d’attirer l’attention sur deux recepteurs par- ticuliers, un pour chaque sous- groupe de chemokines. En effet, le recepteur CC-R5 et le CXC-R4 ont ete reconnus recemment comme des corecepteurs capables d’inter-

agir avec la molecule CD4 pour con- ditionner l’entree du virus de l’im- munodeficience humaine, le VIII, dans les macrophages (via le recep- teur CC-R5) ou dans les lymphocy- tes (via le recepteur CXC-R4). L’IL-6 est une cytokine extreme- ment importante, car elle intervient dans de nombreux systemes : la re- ponse immunitaire (facteur de pro- liferation des lymphocytes B), l’he- matopoi’ese (facteur thrombo- poi’etique), la proliferation des os- teoclastes et la mobilisation du cal- cium osseux (negativement contro- le par les cestrogenes), etc. Le pre- sent expose sera volontairement limit& aux effets de l’IL-6 se rappor- tant le plus directement a l’inflam- mation. L’IL-6 dans l’inflammation est se- cretee par les macrophages actives et bien davantage encore, par les cellules vasculaires a proximite du site inflammatoire. L’IL-6, comme d’autres cytokines inflammatoires produites localement (TNF et IL-l), peut gagner la circulation g&&ale et declencher des effets regionaux et generaux.

3.12. Manifestations rkgionales de /‘inflammation

Le foie est la cible principale de l’IL- 6. Cette cytokine en effet stimule la secretion par les hepatocytes de toute une serie de proteines collec- tivement nommees : les (( proteines de la phase aigue x> (AK : acute phase proteins). I1 s’agit d’une cin- quantaine de proteines differentes : proteines du complement, de la coagulation, proteine fixant les me- taux, inhibiteurs des enzymes pro- teolytiques (proteases) et bien d’au- tres encore, comme la C-reactive pro- tein (CRP), dont le dosage est un moyen fiable d’evaluer une reac- tion inflammatoire chez un patient. Par ailleurs, l’elevation des protei- nes de la phase aigue provoque l’ac- celeration de la vitesse de sedimen- tation erythrocytaire (VS) in vitro. C’est pourquoi la mesure de la VS constitue un moyen simple, effi- cace, peu onereux de detecter ou d’apprecier un &at inflammatoire chez un patient.

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3.1.3. Manifestations g&&ales de /‘inflammation

L’inflammation est un phenomene non seulement loco-regional, mais aussi general. Elle s’accompagne de fievre et d’un ralentissement de l’activite cerebrale. Trois cytokines principales sont indirectement res- ponsables de ces effets generaux. L’IL-1, le TNF et l’IL-6, s&r&es localement dans le tissu infect& peuvent diffuser dans le torrent cir- culatoire. Par cette voie, ces trois cytokines principales gagnent le cerveau (ou induisent la production de neuromediateurs peripheriques qui gagnent le cerveau). Au niveau cerebral, sont declenches les pheno- m&es qui aboutissent a l’elevation thermique. Leffet pyrogene des cy- tokines IL-l, TNF et IL-6 est en fait secondaire a l’induction de syn- these, probablement a l’etage hypo- thalamique, de ces derives lipidi- ques que sont les prostaglandines, et particulierement les prostaglan- dines de type E2 (PGE2). Cela expli- que que les inhibiteurs de synthese des PGE2 (inhibiteurs de l’enzyme cycle-oxygenase = COX), comme l’indomethacine ou l’aspirine, blo- quent les effets pyrogenes induits par l’injection systemique d’IL-1 ou de LPS. Ces notions bien etablies ne doivent pas cacher neanmoins que les meca- nismes precis d’action des cytoki- nes sur le cerveau (et d’une man&e generale les relations entre le cer- veau, les cytokines et le systeme im- munitaire) sont encore t&s ma1 con- nus.

w 3.2. L’inflammation subaiguti et chronique

Dans de nombreuses circonstances, les manifestations de l’inflamma- tion ont un caractere moins aigu. L’inflammation subaigue ou chro- nique met en jeu des mecanismes physiopathologiques probable- ment similaires a ceux decrits plus haut. Une difference essentielle est que cette seconde variete d’inflam- mation, si elle peut avoir aussi des origines infectieuses, resulte le plus souvent de causes differentes ; elle peut notamment Ptre associee a une

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reponse immunitaire : on a vu plus haut les macrophages infiltrant une reaction d’hypersensibilitk retardee tuberculinique. De plus, plusieurs travaux &cents indiquent que la production de cytokines inflamma- toires et le recrutement de cellules phagocytaires accompagnent systb- matiquement un conflit auto-im- mun. Dans de nombreuses patholo- gies auto-immunitaires, on observe un infiltrat inflammatoire de I’or- gane touch6 : synovite de l’arthrite rhumatoi’de, insulite du diab&te ju- venile. 11 est en fait possible que les destructions tissulaires au tours de ces processus auto-immuns (no- tamment les l&ions articulaires dans la polyarthrite rhumatoi’de ou la destruction des cellules 0 des ilots de Langerhans dans le diabtite), soient grandement amplifiees (si- non cau&es) par le recrutement d’effecteurs cytotoxiques non speci- fiques et la production locale de fac- teurs cytotoxiques (monoxyde d’azote, proMases), r6sultant d’une cascade de ph&om&nes voisins de ceux provoq&s par l’inflammation bacMrienne. Les mt+canismes pr&is par lesquels la r@ponse immune et la &action inflammatoire sont associf2es com- mencent 2 @tre 6lucid&. On observe que les lymphocytes T activ& par la reconnaissance de l‘antig&ne (l’au- toantiggne) deviennent capables de donner un puissant signal de stimu- lation aux macrophages (soit par in- teractions membranes/membra- nes, soit via une s&r&ion de cytoki- nes comme l’IFN-yet l’IL-12). Ainsi, les l&ions inflammatoires pour- raient relayer et amplifier le conflit immunologique. Celui-ci ne serait que le facteur initiateur des &v&e- ments de type inflammatoire ; ces derniers seraient en fait les respon- sables directs des destructions tis- sulaires.

W 3.3. Regulation physiologique de l’inflammation

Les mkcanismes mis en o2uvre par l’organisme pour se proteger contre les effets d&t&-es de l’inflamma- tion ou l’emballement de la Saction inflammatoire sont de plusieurs ty-

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pes et peuvent i3re la base de stra- tkgies d’interven tion.

3.3.1. lnhibiteurs physiologiques des cytokines de /‘inflammation

Les macrophages et les polynu- cleaires stimul6s par les produits bactBiens d’une part, et les cellules endothkliales vasculaires stimulkes par les cytokines TNF ou IL-l d’au- tre part, liberent une sPrie de fac- teurs qui sont des inhibiteurs phy- siologiques des cytokines inflam- matoires. La plupart de ces inhibiteurs ont 6t4 retrouves dans les urines de patients febriles et par- ticulierement au tours de l’arthrite juvknile. Trois types d’inhibiteurs physiologiques ont @t@ identifies. L’inhibiteur compktitif de l’IL-1 nomm6 IL-2 rcce@u antnymisf (IL- lra), est une mol6cule de structure biochimique voisine des IL-la et IL- lp. Cette IL-lra est capable de se fixer aux r6cepteurs des IL-1 avec la mPme affinitP que les ligands fonc- tionnels IL-la et IL-lp. Cependant, la fixation de I’IL-lra sur le rhcep- teur des IL-1 n’entraine aucun si- gnal d’activation cellulaire. Ainsi, l/IL-lra occupant le site de fixation des ligands agonistes, se comporte comme un antagoniste fonctionnel. L’efficacite thhrapeutique anti-in- flammatoire de cette IL-lra, pro- duite sous forme d’une prot&ne re- combinante par g6nie g&&tique, est en tours d’&aluation. L’IL-1 peut se fixer sur deux types de recepteurs exprimes sur la mem- brane des cellules cibles : les r&ep- teurs de types I et II. Le rkcepteur de type II presente deux particularit& D’une part, il possPde une portion intracytoplasmique tres courte ne transmettant pas, apres fixation de l’IL-1, de signaux d’activation aux cellules (au contraire de la sous-uni- tP Sceptrice de l’IL-1 de type I). En outre, le recepteur de type II peut Ptre activement lib& de la mem- brane des cellules porteuses par protkolyse enzymatique. Le recep- teur de type II lib&P en solution est alors capable de fixer I’IL-lp libre et de le neutraliser. En raison de ses propri6tPs particuliPres, le groupe de Mantovani a proposk d’appeler ce rkcepteur de type II, le recepteur

leurre (~PCOIJ receptor). Les recher- ches sont en tours dans plusieurs laboratoires pour dktenniner si ce r&epteur de I’IL-1 de type II posstide bien les propri&s anti-inflammatoi- res que l’on attend. Quant aux inhibiteurs du TNF, for- mes solubles du r&epteur, le TNF se fixe sur les cellules sensibles par le biais de r&epteurs trimkriques ancr6s dans la membrane. 11 existe deux types de recepteurs de struc- ture g&&ale apparentke mais nganmoins diffkrents : le rkcepteur TNF p55 et le rkcepteur TNF ~75. Ces deux types de rkcepteurs peu- vent Ptre l;b&@s de la membrane des cellules porteuses par protko- lyse enzymatique, donnant nais- sance & des formes solubles du ri‘- cepteur du TNF. Ces recepteurs du TNF lib&& en solution sont capa- bles de fixer le TNF libre et de le neutraliser. GrSce B la biologie mo- l&ulaire, plusieurs industriels ont fabriquk des mol6cules recombi- nantes hybrides associant ces rkcep- teurs solubles du TNF 6 des por- tions Fc d’immunoglobulines. Les mol6cules recombinantes hybrides sont dim&iques et neutralisent avec une grande efficacitk le TNF en solution in vitro. Une efficacitk the- rapeutique t&s prometteuse de ces differentes constructions a et6 ob- serv6e dans le traitement des pous- &es de polyarthrite rhumato’ide (voir plus loin).

3.32. Aotres mkanismes de rPgulation physiologique de I’in flammation

3.321. Protkines de la phase aiguti On a vu aue l’IL-6 woduite locale- ment au ‘tours dell’inflammation stimule la synthPse par les hkpato- cytes du foie de toute une s6rie de prothines collectivement nommkes (( protkines de la phase aigue )). Comme nous l’avons indique, ces proMines possedent de multiples fonctions : certaines ont des activi- t& antibact&iennes, comme la C- remtizpe protein (CRP) et les pentraxi- nes, etc. Parmi cet ensemble dispa- rate de proteines, on remarque une classe particuliPre de protkines pos- sedant des activitPs importantes pour limiter les destructions tissu-

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laires au COUPs l’inflammation : il s’agit des inhibiteurs des enzymes F rata <yC<ques <irrhWeurs de pro- tkases). Ces inhibiteurs ont pour fonction d’inhiber les proteases li- bQ4es par les macrophages acti&. 02 sajf pue ces erq~mespro~b@vEv ques macrophagiques sont en ~~~n~~~~~~~r~~S~~- tructions tissulaires au cows de l’in- fBammai%n : destruction du Co&- gi32e he ‘>a matke etirfaci%&d~re. L’inhibition de ces enzymes d&lilt& res par les protGines de la phase a+Yi~ ,)?xii p?&kkm%%k ‘b% -Sk important pour rkguler l’inflamma- tion et 1imiteT les d&ructions t&U- laires.

3.3.2.2. RBtrocontrde hypothalamo- hypophysaire surr&alien %L a &4 demontre que [es cytokines comme I’IL-1 sont capables de sti- nuder Y axe endoc~~nien ‘nypot’na’ra- mo-h~paph,~saire-surrirnal. t’IC-I iK&.ltt la s&crirtion par Yh,vpotha’La- nxL5 du hcteur cls y..iL stimuk la IWration par L’antghypophyse du facteur ACTH, lequel stimule au ni- vedu surr&wl la s&%?tion dans le torrent circulatoire des hormones cortico-surrenales que sont les cor- ticoi’des. Ces corticoi’des sont les plus puissants anti-inflammatoires connus (capables, par exemple, d’inhiber la s&rktion de la plupart des cytokines pro-inflammatoires). La rkponse inflammatoire declen- the done une boucle de rktrocon- trale limitant ses propres effets.

4. Cytokines de I’hbmatopoibe [l]

La fabrication des cellules du sang 2 partir des cellules souches locali- &es dans la moelle osseuse consti- tue l’hkmatopo’iitse. La differencia- tion des cellules souches et la proli- f&ation des pr&urseurs des diff&entes 1ignPes sanguines pour- voient au renouvellement continue1 des cellules du sang dont la duree de vie est limit&e. De plus, l’hkma- topo&e peut etre quantitativement modulke pour faire face a des be- soins exceptionnels comme en cas d’hemorragie, d’inflammation ou aprPs un traitement temporaire- ment my4otoxique (chimiothkra-

pie au radi&&rapie anticanc& reuse). La decouverte de l’Qythro- r@tiKC Cf$Ci i&&C 2.5 LtKKELtiCJ K UkS

cellules de la l&r&e erythrocytaire (globules rouges) remonte & 1906. Cependant, l’identification des fac- 1eur.s mo&i~an~ >a pr&3uction i3es globules blancs et des plaquettes est bk-ssax~ pkh? Y-fie. ces m+*a- teurs solubles font tous partie de la Camille des qvto‘kines. 11s hrent en prem’zer’i2eu’~~en~~iesin v’irrr, g&ce a la technique de formation de colo- nies en milieu semi-solide develop- y+x %m“fq *M+Lc4kG’x%ip%5k et Pluznik et Sachs d’autre part (19651944). 11s sont capable3 de soutenir la formation de colonies i partir de progkniteurs medullaires furent appelks CSF (colony stimda- tin2 fncfor). On en connait actuelle- .m&i .huif : le G-CSF i.rdui.t L pm- lifkration et la diffbrenciation des pdy*m:c&irs .wufroph3es Igra- Jwbq~se$, Ie M-CF’a le mh?e effrf s’,‘r Iks .macropl?ages, k GAd-CSF ix- &if 13 for~mn~~km de c&x%3 ,mixfees gsm2leus.e~ et mfmqtaires, 1’IL3 est un multi-CSF, l’IL-5 agit sur les gosinophiles, I’IL-7 stimule la Iym- phopoi’itse, l’&ythropo%tine (EPO) contr8le la formation des krythrocy- tes. Le dernier facteur tout r&em- ment identifik est la thrombopoiiti- tine (TPO) qui stimule la produc- tion des mkgacaryocytes et la formation des plaquettes. Le G-CSF et le GM-CSF sont en r@a- lit6 les deux cytokines dont l’utilisa- tion thkrapeutique est la plus avan- c&e. 11s sont tous deux disponibles et abondamment prescrits, notam- ment en can&rologie pour halter la reconstitution h4matologique aprPs traitement myelotoxique (voir plus loin).

5. Applications thbrapeutiques des cytokines

11 y a une vingtaine d’annkes, la d& couverte des cytokines dans des surnageants de cultures cellulaires comme des biomol&ules capables de faire proliferer diverses cellules in vitro, fut d’abord percue comme un grand progrPs mkthodologique. L’IL-2, par exemple, permettait de faire proliferer commod4ment et en

grand nombre les lymphucytes T in vitro. Cette propri& @tait d@j& en e&m&e e~ceptiamellemeert in- teressante. Rappelons que cette uti- lisation de l’IL-2 in vitro permit des d&ouvertes tr& importantes. Par ~x~rnpl~, ~13 jrnrn2xxhg5~ hxd2- mentale, la multiplication des lym- phcj~es T en P&&XW en p&wnw d’IL-2 permit l’expansion de popu- _~~~~~~~V- tees T sp&&gues if’ant’~~i%tes et l’identification mol&ulaire du r& cepteur particulier (TCR) qu’ils uti- him:? YYi 3 IntT a.L%G Ltiksi?F pm7 faire proliferer in vitro des lympho- cytes ganglionnaires de patients at- teints d’une pathologie curieuse as- sociant dkficit immunitaire et lym- phoadenopathie. Dans les blastes Lympbncytaire5 T a&v& nbtenus, L CT~ ~&hm&gnier & Frdrrqkse Barr&

Sinoussi purent identifier le virus de I”immuno-&ficience humaine (WHj. Kaus rappdans ces deux exemples pour illustrer I”immense int..r~t des cyta-O’kines, ne serait-ce que comme outil de recherche en biologie cellulaire. Progressivement cependant, au fur et g mesure que se sont enrichies nos connaissances sur les propri&s de ces nouvelles mol&ules, s’est form& le concept selon lequel les cytokines n’ktaient pas seulement des outils commodes pour le culti- vateur de cellules mais devaient &e les mediateurs physiologiques des communications intercellulai- res concourant 2 l’homeostasie et utilisables en clinique. Cette prise de conscience, commencke a propos de I’IL-2, s’klargit 2 l’ensemble des cytokines bientcit compris comme un &seau interactif complexe. Les applications cliniques suivirent, rendues possibles par les progrits de la biologie mol&ulaire et de l’ing& nierie gknetique permettant de dis- poser de grandes quantitks de mo- lkcules de cytokines recombinantes purifibes. Parce que 1’IL-2 stimule la prolif&ation des lymphocytes T, ce sont les applications immunologi- ques de cette cytokine qui furent les premieres imaginkes. Ainsi furent realis& et publi& les premiers essais cliniques : d’abord l’immunothera- pie antitumorale (Steve Rosenberg,

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Washington, 1985), en second lieu l’immunostimulation a vi&e vacci- nale (hepatite B) chez des patients insuffisants rknaux immuno- depri- mes (Stefan Meuer, Heidelberg, 1989). Quelque 20 ans apres ces premieres decouvertes, les progres concernant I’utilisation therapeutique des cyto- kines sont lents. Certes, on a su de- finir quelques indications irrempla- cables, particulierement dans les domaines hematologiques et infec- tieux, mais l’efficacite des cytokines dans de nombreux autres domai- nes, notamment contre le cancer, est toujours en tours d’etude. Cette lenteur s’explique au moins par deux types de raisons, les unes scientifiques, les autres economi- ques et industrielles. L’explication scientifique est la suivante : les cy- tokines sont nombreuses, posse- dent des activites pleiotropiques imparfaitement klucidees, agissent sur de multiples systemes cellulai- res, synergisent ou ont des effets antagonistes, de sorte que de nom- breux travaux de recherche fonda- mentale sont encore n&essaires avant d’etre en mesure de bien mai- triser leur emploi therapeutique. Quant aux lenteurs industrielles, el- les s’expliquent par une certaine re- ticence de nombreuses compagnies devant I’ampleur considerable des investissements, que ne justifient peut-etre pas les potentialites des applications cliniques. Malgre ces difficult&, plusieurs compagnies pharmaceutiques ont fait le choix de produire des cytoki- nes recombinantes ou de mettre au point des produits capables d’inhi- ber leur synthese ou leurs effets. Plusieurs protocoles therapeuti- ques ont demarrk. Une dizaine de cytokines ont obtenu leur autorisa- tion de mise sur le marche et sont des a present disponibles sur pres- cription medicale. C’est notamment le cas de l’erythropoi’etine (EPO), de plusieurs interferons (IFN), des G- CSF et GM-CSF et de l’IL-2. Un bref panorama des principales cytoki- nes therapeutiques et leurs domai- nes d’application clinique (a des stades divers de developpement) peut @tre dress?.

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w 5.1. Cytokines et cancer

Les cytokines sont utilisees avec deux objectifs differents chez les pa- tients cancereux : - soit pour traiter les consequences nefastes des therapeutiques antitu- morales classiques (chimiotherapie et radiotherapie) et notamment pour compenser la toxicite medullaire (myelotoxicite) de ces traitements ; cette application est appelee (c recons- titution hematopoZtique )) ; - soit pour stimuler les defenses anti- tumorales des patients cancereux, notamment dans des protocoles d’cc immunoth&apie antitumorale V.

57.7. Reconstitution h4matopoiiitique

L’erythropo’ietine (EPO), le G-CSF et le GM-CSF sont certainement (et de loin) les cytokines les plus utili- sees en clinique. Ces trois facteurs qui stimulent la proliferation des cellules souches de la moelle os- seuse (cellules souches erythrocy- taires pour EPO et myelo’ides pour les CSF) sont en effet des produits remarquables pour hater la recons- titution hematologique en globules rouges ou en polynucleaires de pa- tients trait& par des fortes doses de chimiotherapie. L’utilisation de ces cytokines a rendu possible la mise au point de protocoles antitumo- raux plus agressifs sans inconve- nient pour les malades. Plusieurs etudes sont en tours pour evaluer I’incidence positive de ces facteurs sur la survie a long terme des pa- tients. La chimiotherapie peut aussi induire une thrombopenie. Cette re- duction du nombre des plaquettes constitue une serieuse limitation a certains protocoles anticancereux. Plusieurs compagnies ont en deve- loppement des cytokines comme l’IL-3, I’IL-6 et I’IL-11 qui ont et4 reconnues capables de stimuler la thrombopolese. Toutefois, on peut p&dire un be1 avenir a la thrombo- po’ietine, nouvelle cytokine recem- ment identifiee a l’issue d’une vive competition scientifique internatio- nale.

51.2. tmmunothbrapie antitumorale utilisant /es cytokines

Plusieurs cytokines sont utiliskes pour traiter les patients atteints de tumeurs. Au premier rang vient evi- demment l’IL-2. Cette molecule, qui fut parmi les premieres cytokines decouvertes, occupe une place am- bivalente en cancerologie. On se rappelle que la premiere adminis- tration d’IL-2 a des patients por- teurs de tumeurs solides fut realisee par le groupe de Rosenberg. Le pro- tocole original d’immunotherapie adoptive associait deux actes thera- peutiques : d’une part, I’injection de lymphocytes autologues actives ex vivo en effecteurs antitumoraux LAK et simultanement l’adminis- tration parent&ale de tres fortes do- ses d’IL-2 recombinante. Les resul- tats ont ete decevants en pratique mais extremement informatifs sur le plan des concepts. En pratique, en effet, cet essai therapeutique a decu pour les deux raisons suivantes : d’une part le nombre des remis- sions completes obtenues a ete fai- ble (autour de 10 %-15 %) ; d’autre part, l’administration systemique d’IL-2 recombinante a forte dose s’est averee extr&mement toxique, provoquant notamment un syn- drome de fuite vasculaire avec c&me cerebral et pulmonaire pou- vant requerir des soins de reanima- tion. C’est pourquoi l’immunothe- rapie adoptive n’est plus conside- ree comme une strategic antitumorale d’avenir. Sur le plan conceptuel, par contre, I’analyse des resultats antitumoraux a ete ri- the d’enseignements. L’efficacite therapeutique de cette immunothe- rapie (meme si ce n’etait que dans un nombre reduit de cas) demon- trait pour la premiere fois chez l’homme que certaines tumeurs (melanomes malins et cancer du rein) expriment des antigenes tu- moraux qui peuvent @tre reconnus comme etrangers par le systeme im- munitaire de l’hote. Cette information cruciale a suscite d’importants travaux visant a trou- ver d’autres moyens d’eradiquer des cellules tumorales en stimulant les defenses immunes de l’hote. Parmi ceux-ci on mentionnera les

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travaux r6alis6s depuis 1991 par le groupe collaboratif francais (Insti- tut Pasteur, CNRS/lGR h Villejuif, &ole v&rinaire d’Alfort, Inserm, Soci6M TransgPne a Strasbourg) qui a montr6, dans differents modPles experimentaux de la souris et dans les tumeurs spontankes des ani- maux domestiques (chats et chiens), que l’administration locale de cytokine par une technique com- portant le transfert du gPne de cette cytokine (on parle de strategic de th&apie g&-tique) est le moyen le plus efficace d’induire le rejet tumo- ral. Ces r&ultats, simultan6ment obtenus par de nombreux groupes, encouragent B d6velopper cette nouvelle approche prometteuse. Plusieurs compagnies suivent cette voie (Chiron, Viagene, Somatix Therapy, Genetic Therapy Inc., aux Etats-Unis) et projettent de mettre au point la technique de transfert de gene en utilisant les cytokines TNF, IL-2, IL-4, GM-CSF ou IFN. Dans l’attente des premiers r&ul- tats de la thQapie genique utilisant les cytokines, plusieurs protocoles de traitement reposant sur l’admi- nistration parent&ale de cytokines sont r6gulierement utilises. Un bi- Ian precis des applications cliniques des cytokines a 6t6 rgcemment pr& par6 par Betty Dodet. L’administra- tion d’IL-2 reste indiquile comme ultime recours dans les mklanomes malins et les cancers du rein per- mettant une prolongation significa- tive de la survie des patients. La toxicit du produit demeure grande mais certaines pr&autions permet- tent d’ilviter les incidents graves. En revanche, l’injection associ6e de lymphocytes tueurs LAK ou TIL est abandonnee dans la plupart des centres. Plusieurs protocoles exp& rimentaux associant l’IL-2 5 d’au- tres traitements sont envisagbs. Un essai multicentrique associant plu- sieurs centres anticanc&eux fran- <ais est en tours pour kvaluer l’effi- caciM d’une strategic associant l’IL- 2 & la chimiothkrapie pour traiter les cancers du rein metastatiques. Un autre protocole associant 1’lL-2 et l’lFN a d6but6. D’autres cytokines sont utilisees pour lutter contre le cancer. L’IFNa

est une cytokine couramment utili- &e qui donne des r6sultats signifi- catifs dans plusieurs types tumo- raux : leuckmies h tricholeucocytes, LMC, mycosis fungoi’de, myelo- mes, tumeurs de Kaposi ainsi que divers tumeurs solides. L’IL-4 n’en est qu’aux essais cliniques prelimi- naires. Ceux-ci montrent que l’IL-4 possPde des effets antitumoraux in- tQessants dans deux types de can- cer : les lymphomes non hodgki- niens et les cancers du poumon 63 l’exclusion des tumeurs B petites cellules). L’IL-12 possPde une effi- cacit6 antitumorale remarquable dans les mod&les experimentaux murins. Les problPmes de toxicit qui avaient justif@ l’arr6t d’un essai clinique men6 aux Etats-Unis avec I’IL-12 semblent aujourd’hui r&o- lus. Les r&ultats permettant d’kva- luer son efficacite thkrapeutique an- titumorale chez l’homme seront disponibles dans quelques mois.

n 5.2. DCfenses anti-infectieuses

Une utilisation logique des cytoki- nes est bien entendu celle visant ti pallier leur production est insuffi- Sante. UIFN-ya donn6 des r&ultats trPs interessants pour traiter les pa- tients ayant une granulomatose septique (dkficit enzymatique ren- dant les polynucleaires incapables de dPtruire les bact&-ies qu’ils pha- gocytent). D’autres dbficits, comme les infections primitives & mycobac- tQies ou le syndrome de Buckley, ont recemment 6t6 trait& par l’lFN- y. Le syndrome d’agranulocytose congenitale est tr&s largement corri- g6 par l‘administration chronique de G-CSF. Ces effets ben6fiques il- lustrent bien le rijle crucial des cyto- kines dans les mbcanismes de d6- fenses, notamment contre l’infec- tion. A cet egard, une utilisation particuli&ement remarquable de I’IFN-a est le traitement des h6pati- tes B ou C. Utilisk depuis plusieurs an&es, son efficacit6 est reconnue. De plus, il est possible (l’analyse est en tours) que les patients recevant ce traitement soient relativement proMg& contre le d6veloppement ult&ieur d’une cirrhose hkpatique.

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Un essai thkrapeutique multicentri- que &aluant l’efficacitk de I’IFN-/3 dans la sclkose en plaque semble donner des r&ultats t&s promet- teurs. L’utilisation de cytokines dans le dkficit immunitaire au tours de l’infection VIH est consid&e avec prudence. En effet, le r&ablis- sement des fonctions immunes d& ficientes est souhaitable, mais les causes de ce dysfonctionnement sont mai comprises et les modifica- tions de la balance des cytokines sont encore l’objet d’investigations fondamentales et de discussions. Diffkrents protocoles cliniques ex- pkrimentaux ont debut6 ou sont projet& : faibles doses d’IL-2, IL-4 et IL-12.

n 5.3. Contrhle de l’inflammation

Differentes strategies thkrapeuti- ques baskes sur nos connaissances physiopathologiques du r6le des cytokines ont &6 imaginees pour contr8ler la reaction inflammatoire. Ces diffkrentes approches th&a- peutiques n’en sont, pour la plu- part, qu’au stade de l’experimenta- tion animale. Quelques experimen- tations cliniques sont en tours.

5.3.1. inhibition pharmacologique de la production des cytokines

Une premiere stratkgie consiste & inhiber spkcifiquement la produc- tion des cytokines de I’infIamma- tion, par exemple en inhibant cer- taines iitapes de leur biosynthPse. Actuellement, la recherche d’inhibi- teurs de l’enzyme de conversion de I’IL-lp (ICE), est poursuivie par de nombreux industriels. Aucun pro- duit ayant ces propri&& n’a encore 6% test6 en clinique.

5.3.2. Utilisation de biomol&ules pour inhiber /‘action des cytokines

Une seconde stratkgie consiste B in- tervenir sur les cytokines inflam- matoires d6ja produites, soit en les neutralisant, soit en inhibant leurs effets. L’inhibition ou la neutralisa- tion des cytokines IL-l et TNF, qui jouent un r6le particulier dans l’in- flammation, a et6 r6ali&e par divers produits recombinants ou issus des

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biotechnologies, pr&par& par plu- sieurs compagnies comme Roche, Bayer/CellTech, Immunex, Genen- tech, Synergen, Centocor. Les stra- t6gies utiliskes ont repo& sur l’uti- lisation de l’inhibiteur physiologi- que de l’IL-1 (IL-l r&epteur antagoniste = IL-l ra), du r&epteur soluble de l’IL-1, de mol&ules hy- brides comportant la partie fixante du r6cepteur soluble du TNF, et en- fin d’anticorps (g&&alement hu- man&&). Diff6rentes publications ont rapport6 les premiers n%ultats. Pour l/instant l’efficacite dans le choc septique n’est pas convain- cante. En revanche, l’essai avec l’anti-TNF utilis6 dans la polyar- thrite rhumatoi’de a donn6 des r& sultats tr&s positifs, au moins pour traiter les pouss6es aigui;s. Le m@me anticorps s’est r&616 in&es- sant dans la colite ul&reuse (mala- die de Crohn).

5.3.3. La modulation intentionnelle contr616e de la balance des cytokines

11 est enfin un nouveau champ d’ap- plication des cytokines qui se d&e- loppe et parait potentiellement ex- tremement interessant : la modula- tion intentionnelle contr616e de la balance des cytokines. En effet, dans de nombreuses situations pa- thologiques, et tout particuliilre- ment dans les pathologies auto-im- munes et leur cortPge d’inflamma- tion chronique, la balance des cytokines s’&arte de son equilibre hom&ostatique et amplifie le d&or- dre pathologique. De nouvelles strategies ont Pt6 essayPes ou sont en tours de mise au point pour con- trecarrer ce d&!quilibre. Comme nous l’avons vu, les propri&s dis- tinctives des lymphocytes T auxi- liaires de type Th2 ont montr6 que les cytokines qu’ils s&r&tent inhi- bent la reponse Thl et l’inflamma- tion. Nous avons nous-m6mes de- montr6, dans plusieurs modPles ex-

pkrimentaux, l’efficacitk de l’admi- nistration des cytokines IL-IO, IL-4 et IL-13 pour amkliorer ou guQir diffferentes pathologies auto-immu- nes et inflammatoires. Inspires de ces r&ultats, quelques essais clini- ques d6butent ou sont programm& notamment avec l/IL-IO (polyar- thrite, maladie de Crohn), puis I’IL- 4 (polyarthrite).

FGffkences

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