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Date : 12 AVRIL 18

Pays : FrancePériodicité : Hebdomadaire

Page de l'article : p.4Journaliste : MOHAMMEDAÏSSAOUI

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ZULMA 1807604500504Tous droits réservés à l'éditeur

Dans les rues de Paris, des étoiles anonymesHUBERT HADDAD Une femme blessée dans les attentats de 2015 recherche des figurants pour un film.

CASTING SAUVAGED'Hubert Haddad,Zulma,164 p, 16,50 €

MOHAMMED AÏSSAOUImaissaouiOlef iaaro.fr

LA RUE pulluled'étoiles anony-mes », constate lenarrateur. Damyaest le personnage

principal dè ce Casting sauvage,le nouveau titre d'Hubert Had-dad. La carrière de danseuse decette jeune femme a été brisée unsoir de novembre 2015 quandParis a été attaquée au cœur.Même si elle garde sa grâce, sajambe ne fonctionne plus commeavant, ce qui lui donne cette drô-le de démarche - on l'appelle « laballerine claudicante » ; et songenou déclenche l'alarme aux

portiques de contrôle. « Jamaiselle n'oublierait ces minutes quiavaient précédé la disparition dumonde, à la terrasse d'une brasse-rie proche de la Bastille [...].C'était au début de l'hiver. Elleavait rendez-vous avec le jeunehomme de la rue de l'Equerre, unevraie rencontre cette f ois. » Elle sesouvient aussi que cette nuit-là,les gens étaient heureux, attablésinsouciants à la terrasse des bras-series. « La douceur de l'air pro-diguait un regain de vitalité auxdernières feuilles des acacias etdes platanes que la brise agitaitmollement. » Malgré cela, elle estconsciente de sa « chance ». Elleest presque entière, pense-t-ellequand tant d'autres sont morts,

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Date : 12 AVRIL 18

Pays : FrancePériodicité : Hebdomadaire

Page de l'article : p.4Journaliste : MOHAMMEDAÏSSAOUI

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estropiés ou dans le coma, « àParis comme à Bagdad, Peshavoar,Kaboul, Damas... ».

Quêtes successivesComme Damya n'a plus d'autredessein que d'exister, elle accepteune mission : elle va arpenter lesrues de Paris en quête de figu-rants qui doivent incarner le re-tour en 1945 d'une centaine dedéportés pour adapter sur grandécran La Douleur de MargueriteDuras. Cela lui donne aussi lapossibilité de partir à la recherched'un garçon que les attentats denovembre 2015 l'ont empêchéede rencontrer.

La mission n'est pas simple, desrecruteurs professionnels s'y sont

cassé la figure. Ce casting sauvagenécessite quelque chose d'indéfi-nissable que Damya semble avoir.Pas facile de parler à des paumés,des sans-abri, des hommes et desfemmes à qui l'on ne demande ja-mais leur nom, des « âmes erran-tes » A-t-elle un truc pour, enquèlques jours, réunir une cin-quantaine de figurants ? « Aucuntruc, songea-t-elle, simplementune attention un peu vive pour levisage de tous ces gens qui vont etviennent à découvert, sans butavoué, le regard rentré au secretde leur nuit. »

Avec cette « intrigue », HubertHaddad peint une errance dansParis - on le sent, il a un penchantpour les quartiers déshérités, les

alentours des gares, les lieux lesmoins fréquentables, telle la ruede la Goutte-d'Or, « ce quartierde solitudes sans nombre ». Oncroise aussi Egor, le chorégraphe,personnage essentiel.

Casting sauvage a des airs dePour Isabel, le livre posthumed'Antonio Tabucchi construitcomme un mandala, par quêtessuccessives. Et sans doute le pointcentral de cette recherche n'est nil'homme perdu de vue lors desattentats ni les figurants, maisDamya elle-même, magnifiqueportrait intime. Haddad signeun roman envoûtant et féerique -la lumière est cachée dans les om-bres. C'est un styliste hors pair qu'ilne faut jamais perdre de vue. •

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Date : 04 MAI 18

Pays : FrancePériodicité : Hebdomadaire

Page de l'article : p.4Journaliste : PHILIPPE-JEANCATINCHI

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Littérature CritiquesSANS OUBLIER

Haddad en deuilAvec la grâce cabossée qui trahit ladanseuse en elle, Damya, blesséedans les attentats de novembre2015, arpente Paris en quête de figu-rants pour une adaptation cinéma-tographique de La Douleur, de Mar-guerite Duras (P.O.L, 1985). A elle derepérer les ombres capables d'in-carner les déportés de retour descamps. Autant de rencontres avecde fragiles silhouettes qui disent ladétresse muette et l'impossible ins-cription dans le monde présent.Damya elle-même est hantée parun jeune homme, croisé plusieursfois, qui a semblé une chance, puisun mirage, et finalement un mes-sager de l'effroi. Si sa mission la dis-trait de sa propre douleur, c'est aumieux un répit : « Un deuil sans pi-tié déchire la lumière», écrit HubertHaddad, toujours juste et incisif.Funambule, l'écrivain défie les ver-tiges, console sans naïveté. •PHILIPPE-JEAN CATINCHI

fr- Casting sauvage, d'Hubert Haddad,Zulma, 160 p, 16,50 €

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Date : AVRIL 18

Pays : FRPériodicité : MensuelOJD : 52113

Page de l'article : p.75Journaliste : Hubert Artus

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Les lumièresde la villeP- •—*HADDADLes déambulations parisiennesd'une jeune survivante du13 novembre 2015, en quête defigurants et d'un visage espère.

S i Hubert Haddad occupe uneposition tellement singulièredans notre littérature, c'est qu'il

a connu plusieurs vies avant d'êtreécrivain : éducateur de rue, ouvrier ouencore forain. Fort d'une cinquantained'ouvrages, il compose une œuvre quidoit au roman-monde (Palestine, Japon,Inde, Amérique) autant qu'à la géomé-trie des rêves (pour paraphraser l'unde ses propres titres). Casting sauvageest un hommage à Pans, à la suite desat tenta ts de novembre 2015. On ydéambule avec Damya, une anciennedanseuse qui, blessée ce soir-là, en agardé des séquelles. Désormais, ellemarche en boitant. Elle parcourt laville pour les besoins d'un film, inspirede La Douleur de Marguerite Duras,sur les déportés de retour après laguerre. Il lui faut donc trouver de nom-breux figurants. Pour les dénicher, ellearpente les quartiers plutôt populairesde la capitale, ou les bords de Seineet de canal, voire les quais et les hallsde gare. Son casting nous offre desportraits marquants - comme celuide Matheo Lothar, le sculpteur alcoo-lique vivant sur sa péniche du quaide la Tournelle -, et des rencontresdangereuses - un islamiste surveillépar la police. Maîs sa quête en cacheune autre : celle d'un homme croisé surles terrasses, ce fameux 13 novembre.« Et de ce ruisselle-ment, beau cristalen éclats, recréons lamémoire et la villeen dansant », écritHaddad , compo-sant une ode à l'artcomme instrumentultime de résilienceet de mémoire pour ***réécrire la vi(ll)e. Casting sauvageÉmouvant, possédé ^addad"et lumineux. 16rj p, Zulma,

Hubert Artus 16,50€

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Date : 26 AVRIL 18

Pays : FrancePériodicité : QuotidienOJD : 35835

Page de l'article : p.19Journaliste : JEAN-CLAUDELEBRUN

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LA CHRONIQUELITTÉRAIREDE JEAN CLAUDELEBRUN

Hubert H acl cl aclDans la ville

CASTING SAUVAGEHubert HaddadÉditions Zulma, 160 pages, 16,50 euros

Pour borner la largeur du spectre de cetteœuvre, il y aurait d'un côté Pales-tine (2007) et de l'autre le Peintre

d'éventail (2013) : la vigueur d'un engagementhumaniste et la splendeur d'un geste artis-tique. Avec toujours une même attentionportée à la langue, un même recours à sesressources multiples qui font de ces lecturesdes moments d'intense plaisir.Après avoir installe ses fictions en divers

lieux du globe, signe d'authentique ouvertureculturelle, Hubert Haddad a choisi Pariscomme nouvel espace narratif. La ville capitalen'offre pas ici seulement son décor, elle estpartie prenante dans l'aventure de celle qu'illance au fil des rues, Dalmya, une danseusedans l'incapacité d'exercer son art depuis

qu'elle a été blessée à laDéportés, terrasse d'un café, un

* - c e r t a i n soir d e no-vembre 2015. Laproduc-tion d'un fllm 1>a chargée

^e rechercher une cen-

SDF, réfugiés, taine de flg.urants p°ur2 ° z une adaptation de la Dou-

errailtS de leur, de Marguerite Duras.7 7 7 Silhouettes forcémenttOIlte Hcltlire. décharnées, ceux-ci fi-

gureront les déportés

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Date : 26 AVRIL 18

Pays : FrancePériodicité : QuotidienOJD : 35835

Page de l'article : p.19Journaliste : JEAN-CLAUDELEBRUN

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rescapés des camps, qui peuplent le livre dela romancière. Voici donc Dalmya lancée,dans le Paris de 2017, à la recherche d'hommeset de femmes susceptibles de faire revivreceux qui, au printemps et à l'été 1945, seretrouvèrent à l'hôtel Lutetia. Pour cela, il luifaut arpenter la ville, ses endroits connuscomme ses recoins et ses marges.Hubert Haddad organise cette déambulation

dans le dédale urbain, véritable traversée deParis, faisant passer sur les images terriblesd'hier et d'aujourd'hui - déportés, victimesdes attentats, SDF, réfugiés, errants de toutenature - le souffle fervent de sa poésie. Laissantaussi entrevoir une quête plus personnelle :le soir du 13 novembre, la danseuse devaitrencontrer un jeune homme qui ne vint pas.Qu'advint-il de celui-ci? Se pourrait-il qu'ellele croise au hasard de ses marches ?Peu à peu le roman s'épaissit de tous ces

récits, passés et présents, il s'enrichit de cesvisages de la lumière et de l'ombre. Un portraitde la ville, en même temps que celui de Dal-mya, ainsi se construit. Avec des figures mar-quantes, tels le jongleur aérien sur le parvisde Notre-Dame ou la frêle jeune femme vêtuede rouge de la gare Saint-Lazare. L'un et l'autrecomme sortis d'un délicat tableau de maître.Hubert Haddad n'a guère son pareil pourmettre en valeur la beauté des êtres et deschoses, sans jamais glisser du côté de la facilitéet de la mièvrerie. C'est une puissante énergiecréatrice qui anime ses livres. *

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L'OBSDate : 26 AVRIL/2 MAI18

Pays : FrancePériodicité : HebdomadaireOJD : 359285 Page de l'article : p.96

Journaliste : CLAIRE JULLIARD

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ZULMA 0334714500502Tous droits réservés à l'éditeur

R O M A NCASTING SAUVAGEPAR HUBERT HADDADZulma,160 p., 16,50 euros.**•&"&• De son pas dèdanseuse, Damya arpenteles rues de Paris. Elle rechercheune centaine de figurants pourle casting d'un film sur le retourdes déportés de 1945, adaptéde « la Douleur » de Duras.Du pont d'Austerhtz à la Goutted'Or, elle va de rencontre enrencontre. Chacune a sonclimat, sa couleur. Au fondd'elle, Damya reste hantée parle souvenir d'un rendez-vousmanqué le soir des attentatsde novembre 2015. Elle met sonchagrin a distance durant ceparcours fait de hasards et decoïncidences. Hubert Haddadnous invite a la découverted'une capitale méconnue,celle des esseulés, des affamés,des âmes errantes en quêtede grâce.CLAIRE JULLIARD

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CULTURE Livres

72 TELQUEL N°801 du 2 au 8 mars 2018

La tête de l’emploiParution. Le dernier roman de l’écrivain franco-tunisien Hubert Haddad est une promenade à travers Paris et des mémoires endeuillées.

D amya ne dansera plus. Depuis l’attentat de novembre, sa blessure au genou a mis fin à sa carrière de ballerine. Mais à défaut d’ar-

penter une scène de théâtre, c’est Paris tout entier qui devient le cadre où elle promène ses pas aériens. De Pigalle à la Tour Eiffel, de Barbès à Belleville, des quais à la Fontaine Saint-Michel. Elle rencontre un ancien comédien, un couple de paumées, un jon-gleur de rues… Et dans la foule, elle recherche le jeune homme aux boucles noires avec qui elle avait rendez-vous ce soir-là…

Vies rêvéesDans Casting sauvage, Hubert Haddad se laisse aller à une rêverie mélancolique qui n’est pas sans évoquer l’atmosphère mystérieuse des romans de Patrick Mo-diano, ou la grâce des Enfants du Paradis de Marcel Carné. “Minuit ne sonne à Paris qu’en rêve. On n’a plus de mémoire alors, plus d’avenir non plus.” Les déambulations de Damya ne sont pas sans but. Elle est recruteuse pour un film adapté de La Douleur de Marguerite Duras et doit trouver des silhouettes os-seuses pour interpréter les déportés de retour des camps. La consigne est crue : “Une centaine de figu-rants squelettiques d’engeances plutôt blafardes dont une vingtaine de femmes, tous adultes, avec une

bonne proportion d’allume métèque.” Des têtes “à faire peur”. Chaque rencontre est une exploration de la solitude, de la marginalité, de la maladie. Il y a les taiseux, les goguenards, les diaphanes, les dragueurs, les poètes. Damya apprend à tenir à distance les psy-chopathes, les exhibitionnistes, les mythomanes. Le casting sauvage, c’est quand aucune agence profes-sionnelle ne peut répondre aux demandes du réali-sateur. Une démarche délicate, douloureuse, absurde parfois, qui renvoie sans cesse Damya à son trauma-tisme, l’amène à faire face à ses obsessions et à ses pires angoisses. “Les premiers atteints n’entendent rien, fauchés avant que le bruit les rejoigne. Les meurtriers n’imaginent pas ce silence.” Elle-même rescapée d’un attentat, voyant son rêve d’enfant brisé, elle est sensible à ce que chaque corps renvoie d’échecs, de deuils et d’amours perdus. “The man I love, well, he just turned me down”, chantonne une voix très pure, comme un refrain.Mais Casting sauvage, c’est surtout une promenade à travers les “vies rêvées” que l’on s’invente comme un écrin secret où l’on recèle ses espoirs les plus in-times. “Un pantin cassé se répare quelquefois, faut-il jeter la marionnette ?” Cet étrange emploi plonge Damya dans le rythme battant de la ville, d’une ville accueillant hommes, femmes, oiseaux et hérissons, poètes et musiciens, et elle se laisse entraîner dans cette danse de chacun avec tous. Pour peut-être pou-voir renouer enfin les fils des possibles.

Auteur prolifique, Hubert Haddad, qui a reçu le Prix des Cinq continents de la francophonie pour Palestine (2007), dirige la revue Apulée.

© d

r

r Casting sauvage Hubert Haddad Zulma, 160 p., 210 DH

Page coordonnée Par KenZA Sefrioui @KzaSefrioui

Dans le texte. Clap de fin“Quand ils parviennent au terme chronométré, quand le metteur en scène satisfait crie d’une voix exaltée ‘coupez les gars, c’est bon !’, damya se retient d’applaudir au milieu des rires et des soupirs de délivrance. elle s’en doutait, cette scène portée sans défaillance par eux tous, les anorexiques, les exclus, les miséreux, les sans-papiers bénéficiant d’un octroi de Lyle, personne à aucun moment ne leur en saura gré. Peut-être même sera-t-elle raccourcie ou retranchée au montage. Mais quelque chose de tout ce vain temps serait en grand secret dédié à la jeune alysson et aux disparus d’hier et d’aujourd’hui, dans la ville radieuse, à Paris où l’on se consume de famine et de solitude, où l’on meurt aussi parfois d’une bévue monstrueuse conclue dans les cris et le sang. […] Une fois dépouillés de leur uniforme et rhabillés à la hâte, les figurants rendus à la vie civile, sans autre directive, retrouvent à discrétion leur liberté, un peu désorientés, surpris qu’on les abandonne aux curieux, à la foule des badauds où il vont bientôt se perdre, haussant les sourcils ou les épaules, chacun regagnant d’un pas étourdi l’incognito avec un sentiment mêlé de privation et de ravissement, comme s’ils sortaient d’un songe dont ils n’étaient pas dignes.”

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d’assistants » qui « retournent au buffet sous la tente, à la suite desacteurs prompts au repli », et ces figurants, « dépouillés de leuruniforme et rhabillés à la hâte, […] rendus à la vie civile », c’est-à-dire, pour une bonne partie d’entre eux à la vie de la rue.

Hubert Haddad © Nemo Perier-Stefanovitch

Est-ce le sujet ou la façon dont le réalisateur a désiré le traiter quicrée un malaise ? La scène dont il est question dans le roman seracoupée au montage. Mais son tournage, qu’Hubert Haddad racontedans Casting sauvage, met en exergue cette question même de lapertinence du médium. Est-ce l’ironie de l’image qui nous saute auxyeux en lisant le roman d’Hubert Haddad : « – Coupez ! cria leréalisateur excédé. Ce n’est pas un retour de vacances ni l’invasiondes zombies ! C’est de l’enfer que vous revenez, je veux du naturel,soyez vous-mêmes, nom de Dieu ! Et plus fondu, le travelling,messieurs les pousseurs ! […] Les techniciens s’empressent un peupartout tandis que les assistants rabrouent sans ménagement cettemasse anonyme vers les wagons de bois peint » ? Et quel est-il,« l’enfer » qu’Emmanuel Finkiel veut reconstituer ici, après avoirenvoyé deux jeunes femmes à la pêche aux éclopés et auxmourants dans le Paris brûlant de l’été 2016 ? On ne peuts’empêcher de penser au propos de Köves dans Être sans destind’Imre Kertész qui dit à son retour d’Auschwitz, au journaliste lepressant de questions pour qu’il raconte enfin « l’enfer des camps » :« je ne pourrais absolument rien en dire, puisque je ne connais pasl’enfer et serais même incapable de me l’imaginer ». HubertHaddad rappelle ainsi combien nous sommes contaminés par une« imagerie collective ».

La scène de la colonne de survivants n’existe donc pas dans lefilm, et le réalisateur semble avoir fait le choix de laisser à la margeles personnages de déportés, usant du flou, par exemple lors de lascène du Lutetia. Ces choix permettent de contourner le décalage apriori inévitable entre notre imaginaire des retours de déportés,

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façonné en grande partie par la lecture de témoignages et par lesphotographies que nous avons tous contemplées dans l’effroi, etles images que l’on pourrait reconstruire, au cinéma. De même,Finkiel, en inversant la chronologie du texte de Marguerite Duras (ilchoisit de commencer par le texte consacré à la relation entreDuras et le gestapiste Delval, dit Rabier, Monsieur X. dit ici PierreRabier, met de côté, presque dans un hors-champ, la question ducorps de Robert Antelme agonisant, ramené par ses camarades.Ce corps quasi christique, soutenu par ses amis qui sont allés lechercher parmi les morts, apparaît au second plan, flou. C’est dansla distance opérée par l’image que la force suggestive est le plusefficace, tout comme dans la réaction de Duras incarnée parMélanie Thierry.

La question du corps du survivant est centrale dans le filmd’Emmanuel Finkiel et n’est jamais aussi bien traitée que lorsqu’elleéchappe justement au réalisme. La convalescence d’Antelme, donton sait en ayant lu La douleur combien elle fut éprouvante, estpassée sous silence. Le dernier plan du film, le corps de l’anciendéporté, désormais revenu d’entre les morts, face à la mer d’unbleu éblouissant, est observé par le personnage de Duras, dont lespropres mots sont rendus par la voix off : « Je savais qu’il savaitqu’à chaque heure de chaque jour, je pensais : “Il n’est pas mort aucamp de concentration.” », pendant que ce corps surplombant lamer devient une ligne noire verticale avant de disparaître dans unfondu au noir final.

Le personnage de Madame Katz, par sa douleur de mèrepersuadée que sa fille, déportée comme juive et infirme au débutde la guerre, va revenir, lavant et raccommodant tous ses habits,ressemelant ses chaussures, avec une patience et une méticulositéqui l’empêchent de sombrer dans la folie, est infiniment plusévocateur du tragique que cent déportés figurés par des morts-vivants. Parce que c’est justement dans le creux, dans l’ellipse,

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dans le travail de création poétique que se fait le mieux entendre ladouleur. Emmanuel Finkiel met l’accent sur ce temps interminablede l’attente de Marguerite Duras, cette attente de l’époux sans qui ilest désormais honteux de vivre. La présence de Dionys Mascolo,joué par Benjamin Biolay, ami et amant fidèle, est de plus en plusinsignifiante, tant le personnage de Marguerite Duras estentièrement tourné vers l’absent, Antelme.

On peut parfois regretter le caractère assez attendu de scènes dereconstitution historique, comme ces scènes de bals populaires, ouencore la façon dont le jeu de Mélanie Thierry fait écran aupersonnage de Duras. Si la voix off fait résonner les mots del’auteure, on est parfois peu convaincu par son incarnation, par sadiction quelque peu empruntée, par des effets de robes, decheveux ou de silhouettes qui demeurent malheureusementgratuits. La restitution de la douleur dans laquelle le personnage deDuras s’enferme perd de sa sincérité. Le travail sur le son, parfoistrop appuyé, y compris dans la dissonance, fait perdre de l’intensitéà ce que Duras elle-même éprouve en écrivant ce texte qu’elleconsidère comme « une des choses les plus importantes de mavie ». Le spectateur aurait aimé pouvoir ressentir plus librementcette douloureuse attente, trop souvent montrée, et insuffisammentsuggérée. C’est peut-être seulement dans la scène du restaurant leSaint-Georges que Mélanie Thierry touche parfaitement juste, faceà Rabier incarné par Benoît Magimel, chef-d’œuvre de frustration,de médiocrité et de désir de toute-puissance.

Marguerite Duras

Le livre d’Hubert Haddad, s’il pointe la question du réalisme et deses illusions, va bien au-delà d’une simple réflexion sur lespossibilités d’une adaptation cinématographique et de sa mise enœuvre. Casting sauvage est un roman à part entière et proposeaussi et surtout une réflexion sur la société qui est la nôtre, sur lerapport aux autres mais aussi sur le rapport à la ville. La recherched’une « centaine de déportés », imposée par l’attachée deproduction Lyle, hante Damya : « des revenants partoutl’accompagnent, ils surgissent de nulle part dans la quiétudeflambante du jour. Elle les reconnaît tous à leur regard effaré, leursilhouette de branches sèches et cette pâleur d’outre-tombe ». Et latraversée de Paris est cet œil vif posé sur ces « déportésd’aujourd’hui », cette oreille prêtée aux « clameurs désolantes dumonde » auxquelles il paraît impensable de se soustraire, cesécorchés de la rue, qui sont tous accidentés d’une manière oud’une autre, et qui viennent de partout. Ces figures de déportéspotentiels deviennent les « déportés d’aujourd’hui », et l’une desgrandes réussites du roman est la façon dont il met en écho desépoques et des misères, les violences politiques et les violencessociales, par le prisme de ces personnages dont on « acheté lamisère, ces chairs absentes, ces yeux fanés » ; et que dire alors decette surimpression, de ce jeu qu’Hubert Haddad tisse entre

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différentes époques : « Ils n’arrivent ni d’Auschwitz, oud’Orianenburg, ni de Mauthausen, Chełmno ou Buchenwald, maisdes rues désemparées de Paris, femmes et hommes, vieux etjeunes, allant avec une retenue de bon aloi dans les pas perdusdes déportés ». Et ces gares arpentées par Damya, dans lesquellespatrouillent des soldats, fusils mitrailleurs dans les bras, à proximitéde « sacs d’os à face de momie », à qui Damya propose de figurer,pour une scène dans une autre gare, à une autre époque, nousinterpellent. Autre gare, autre époque, traversées par différentesformes de violences, en surimpression. Hubert Haddad parvient àmettre en résonance des époques et des lieux sans jamais tomberdans les raccourcis ou la caricature.

Casting sauvage décrit un Paris de solitude et de déclassés, demarginaux, un Paris éclairé aussi par ce si beau personnage deDamya. La jeune femme porte la tragédie de son temps, celle duterrorisme. Son existence est brisée à une terrasse de café, le 13novembre 2015, il lui faut alors renoncer à la danse, autant dire à lavie. Remplacée du jour au lendemain par Egor, le chorégraphe, ellene sera plus Galatée : « Il n’y a pas de lendemains pour les cœursboiteux. Elle aurait dû mourir mitraillée un soir de novembre », cequi fait inévitablement écho aux propres mots de Duras, regrettantd’avoir raté l’occasion de « mourir vivante ». Casting sauvage est leroman de personnages en errance, erratiques, les uns à lapoursuite des autres, auxquels l’amour n’est jamais interdit, cetunivers de silhouettes qui semblent s’évanouir au dernier moment,avec une grâce souvent aérienne, sans qu’il soit possible de lesretenir, encore moins de s’en emparer, parce que c’est dans cetteévanescence même que réside le secret de l’existence. À lamanière de la danseuse qu’elle ne cessera jamais d’être, Damyadirige ce ballet vital de la rédemption et de l’amour réparé.

Ainsi, si le roman d’Hubert Haddad prend pour point de départ cetteexpérience bouleversante du « casting sauvage », il est grâce à sonpersonnage principal, Damya, un roman sur la perte et la solitude,qui fait écho à la douleur de Duras et l’universalise, tout en donnantà lire un récit où l’amour n’est jamais tout à fait perdu, notammentgrâce à l’art, dont la force cathartique est présente tout au long durécit. Le deuil interminable de l’ancien comédien Matheo Lothar, sursa péniche amarrée à côté de la passerelle la Bellone, trouve sarésolution lorsque Damya et sa douleur croisent son chemin. Larédemption est de toutes les rencontres, et Casting sauvagedevient un formidable hymne à la vitalité créatrice et amoureuse.

En attendant Nadeau a rendu compte de deux autres textes d’Hubert

Haddad : Premières neiges sur Pondichéry et Les coïncidences exagérées.

Gabrielle Napoli

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Date : MARS/AVRIL 18Pays : FrancePériodicité : Bimestriel Page de l'article : p.22

Journaliste : P.M.

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ZULMA 6847993500506Tous droits réservés à l'éditeur

Casting sauvage / Zulma

Au sem d'un ballet, Damya préparait

le rôle de Galatée, la statue enchantée,

sur la scène du Théâtre-Danse de la

Nation à Paris Damya était danseuse

Etait. Car, e l le Fut fauchée un soir de

novembre à la tenasse d une brasserie

proche de la Bastille. Mitrail lée parmi

d'autres Survivante maîs cruel lement

b lessée au genou. La ba l le r ine ne

dansera plus. Au début du roman de Hubert Haddad, el le est

misstonnée pour un cast ing de rue, un cast ing sauvage, quand les

agences coincent Damya doit trouver cent Figurants pour incarner

les déportés de retour, dans le film adapté de La Couleur de

Marguerite Duras. Quel défi I Cent Vo ic i une traversée de Paris

unique, pai mi ceux gué l'on ne regarde pas, ceux gui errent, ceux

gui se cachent, ceux qui traînent leur désespoir. La gare Saint

Lazare, le quartier Républ ique, boulevard Cl ichy, Barbès, la Goutte

d'Or, Montmartre, l 'esp lanade du Trocadéro, le parvis de Notre-

Dame, le quartet B e a u b o u t q , etc Comment tt ouvet les squelettes,

les ombres tremblantes, pour figurer les survivants des camps P

Damya qui porte le poids de sa propre blessure, de son drame,

repère, interroge, expl ique El le parvient à convaincre et se Fait

repousser, aussi. Dans ses pérégrinations, elle a l 'espoir de

(et rouvet l e jeune homme d'un rendez-vous manqué, un souvenir

qui l 'obsède A ce propos, le lecteur apprendra combien la réalité

est cruel le Dans ce roman grave et sublime, Hubert Haddad avec

une empathie douloureuse s'intéresse aux victimes de la tragédie

de la vie. La chance perdue peut-el le revenir -1 Une rédemption

est-elle possible, quand on pense avoirtout perdu? Nous admirons

l'engagement intellectuel et artistique de Hubert Haddad, auteur

d'une œuvre importante ll évogue le sinistre " vent prmtanier ",

t i t te cynique de l 'opé ta t ion menée par la pol ice Française et

la Gestapo, Nous avons relevé page G7 ses propos acerbes sur

Marguerite Duras, que n'appréciera pas une certaine intell igentsia.

Il secoue la statue adulée. Il dit la vérité, ce qui est en général

diFficlement pardonnable. Il écr i t : " quel crédit accorder à des

personnages Fabriqués pour servir la mysti f icat ion d ' intel lectuels

engagés sur le taid et qui n'eut eut, api es toutes les t tompei IBS,

que leut g l o i t e en perspect ive3" et plus lom " La Fiance d 'aptes

guerre était restée la France, et TartuFFe naî t sous cape. Puissants

ou misérables d'aucuns avaient dû concour i r à l 'hypocrisie

ambiante, Forcément inavouable, pour n'être pas déconsidérés,

moqués ou jetés à la vindicte." Vindicte toujours valable aujourd'hui,

où, il n'est pas de bon ton de re lever que Margueri te Duras

avait passivement co l laboré , d ihgentée dans la Commission

d'attribution du papier gérée par les A l l e m a n d s pendant

l 'Occupation. Une des raisons, pour lesquelles, nous apprécions

le courage de Hubeit Haddad. Broché avec rabats. Format :

1 9 x 1 2 , 5 cm. 160 p. 16,50€. RM

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Date : JUIN 18

Pays : FrancePériodicité : Mensuel

Journaliste : E.L. et B.T.

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ZULMA 2944444500505Tous droits réservés à l'éditeur

HADDAD HubertCasting sauvage

Pour quelle raison Damya, ex-danseuse, déambule-t-elle dansParis, à travers les quartiers populaires, parfois mal famés? Elleest chargée de recruter une centaine de figurants émaciés etsquelettiques pour un film relatant le retour des déportés Elle aaccepté ce travail car une blessure au genou lors des attentats du13 novembre 2015 l'a obligée à abandonner la danse, sa passion..Mais elle recherche aussi désespérément celui qui lui avait donnérendez-vous dans le quartier du Bataclan ce jour-là...

Hubert Haddad, dans ses nombreux romans (Première neiges surPondichéry, NB mars 2017), fait toujours montre d'une écrituresuperbe, employant un vocabulaire choisi et un style évocateur, quel'on retrouve dans ce « walkmg-movie » parisien ou l'on est emportépar un souffle puissant Chaque rencontre entre la danseuse à ladémarche aérienne et ces êtres cassés par la vie est l'occasiond'aborder les problèmes graves de notre société les réfugiés, lesattentats, la pauvreté, la clochardisation, et chaque personnagecomme chaque lieu est magnifiquement évoqué dans sa diversité.Un livre à la fois poétique et profond qui ne peut laisser indifférent

E.L et BT.

Paris

I Attentat

Zulma, 2018156p.ISBN : 978-2-84304-805-016,50€

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LE VIF L'EXPRESSDate : 10 / 16 MAI 18Pays : Belgique

Périodicité : Hebdomadaire Page de l'article : p.86Journaliste : S. B.

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ZULMA 2091724500509Tous droits réservés à l'éditeur

La traversée de Parisde Darnya

Hubert Haddad, écrivain prolifique, peintreet illustrateur ne a Tunis signe ce Castingsauvage, vagabondage lumineux tout enmétaphores entêtantes, grisantes )usqu a

l'excès, tendues de tragédies ordinaires Pariss'y déploie sous les pas bancroches de Damya.Elle doit dénicher une centaine d'efflanquéspour un film adapte de La Douleui de Duras Sesrecrues joueront les revenants des camps, crânerase et pyjama raye Un étudiant filiforme, unjongleur rieur tout en branches, une anorexiqueeuphorique et des affames tombent dans labesace de la rabatteuse Obsédée par sa quête,Damya fouille les envers de la Ville lumiere Ilsgrouillent d'exilés invisibles Clandestins, sans-abri Ou désespères depuis sa peniche, un co-médien flottant sur ses houles ethyhques guetteson Ophehe perdue En fond planent les souve-nirs de Damya, la danseuse aux envols brisespar la mitraille des attentats de 2015 Lesechardes de l'une font echo aux lézardes desautres Hubert Haddad chemine a la lanternesourde paimi ces âmes blessées maîs toujoursdebout, ouvertes aux miracles et a la vie L'encreainsi jetée dans le reel, il le culbute d'imageschavirantes, tour a tour graves et embuées demerveilleux Les pieds sur terre l'écrit façonnedans les songes, c'est en enchanteur lucide qu il

traverse Paris aux basques deses rêveurs indociles Et qu'ilnous fait ecouter les pulsa-tions tenaces d'une cite sanscesse ressuscitee s B

Casting sauvage,par Hubert Haddad,Zulma, 160 p

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Date : JUIN 18

Pays : FRPériodicité : Mensuel

Page de l'article : p.184-185Journaliste : Thierry Paquot

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ZULMA 1532044500509Tous droits réservés à l'éditeur

sa u va f»'fUnhcr! I Imlilml

Ziilma, Wifi, 160p., !(},.><) C

Auteur d'une œuvre abondante etvariée, Hubert Haddad nous offreun portrait de Paris d'une rare sub-

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Date : JUIN 18

Pays : FRPériodicité : Mensuel

Page de l'article : p.184-185Journaliste : Thierry Paquot

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ZULMA 1532044500509Tous droits réservés à l'éditeur

tihté, avec pour guide une danseuse

(Damava) qui, suite à un accident, ne

peut plus exercer son art et survit en

cherchant des figurants pour l'adap-

tation de la Douleur de Marguerite

Duras. Son casting consiste a

regrouper une centaine d'hommes

et de femmes maigres, anorexiques,

autant dire des paumés, des mar-

ginaux qui acceptent d'être rasés pour

cent euros la journee. Elle erre dans

la ville, appareil photographique à la

main, et traque des corps efflanqués,

hésitants, fatigues qui exprimeront,

dans le film, la détention, les priva-

tions et la survie. Elle boite maîs sa

démarche chaloupée laisse deviner un

corps éduqué pour la danse. Au fur et

a mesure de ses recherches de figu-

rants, elle croise des personnages qui

donnent au temps son épaisseur com-

passionnelle : un ancien comédien

terré dans sa peniche et abandonne

a l'alcool pour oublier l'amour de sa

vie, un petit voleur qui lui arrache son

appareil photo, un étudiant en éco-

logie qui lui explique d'où vient le mot

« musaraigne », un jongleur des rues

filiforme qui lui dit, en acceptant sa

proposition, que les «gens de la rue sont

four un peu des déportes » et que le hasard

lui fera revoir... Elle se souvient aussi

de la fusillade du Bataclan et de son

amant du jour d'avant, un dénommé

Amir que la police recherche. Tout se

brouiDe dans sa tête, son accident, le

terrorisme, le film. Le jongleur vêtu

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Date : JUIN 18

Pays : FRPériodicité : Mensuel

Page de l'article : p.184-185Journaliste : Thierry Paquot

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d'un pyjama raye surgit dans la rue et

la voyant triste, lui murmure à l'oreille :

« Courons à l'onde en rejaillir vivant ! » La

vie est une chorégraphie improvisée.

Thierrj Cliquot

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Date : 12/18 MARS 18

Pays : FrancePériodicité : HebdomadaireOJD : 2798292

Page de l'article : p.14Journaliste : H. R.

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ZULMA 6197973500508Tous droits réservés à l'éditeur

1 CASTING SAUVAGEde Hubert Haddad (Zulma)Pour une adaptation cinématogra-phique de la Douleur, de MargueriteDuras, Damya arpente les rues de Parisafin de trouver des figurants suffisam-ment maigres pour jouer le retour dessurvivants des camps nazis. Lbccasionpour cette danseuse de chercher ungarçon dont elle a été séparée le soirdes attentats du 13 novembre 2015.Uécriture poétiquede Hubert Haddad,dont le romanPalestine a rem-porté le prix Renau-1dot poche 2009,interroge la com-plexité des souf-frances et des joiesà travers une joliebalade dans unParis rempli devisages. H. R.

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LA LIBERTEDate : du 28 au 29juillet 2018

Pays : FRPériodicité : QuotidienOJD : 39252 Page de l'article : p.26

Journaliste : RAPHAEL ECCEL

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Dans les rues d'un rêve

Roman » Actions fugaces etdescriptions abstraites songed une ame errante dans la VilleLumiere Le romancier dongmc tunisienne Hubert Iladdadpresente le fantôme d une histoire ou toutes les péripéties semêlent formant un récit saisissant A la recherche d une cen-taine de figurants pour un do

cumentaire sur I HolocausteDamya ancienne danseuse reconvertie scrute les rues deParis a I affût de silhouettes ra-chitiqucs esprits fragiles au re-gard perdu

Des échanges irréels avec unefemme frêle un étudiant timideun jongleur de rue curieux etd autres ombres aux personnaliles uniques tous trouvent dansi e Casting sauvaqe une échappa-toire a la routine a la misère ouencore a la \ acuité de leur existenec Dtimya veritable genie deU douleur perçoit en chacun deses déportes) simples figurants

dans I horreur du XX siecle uneétincelle de vie

Difficile de présenter ce ro-man tant sa continuité est sac-cadée Le texte plonge dans laconscience dc chaque person-nage Au Iii de leurs déambulalions la ville apparaît a traversle filtre de leurs perceptions sen-sibles Cmoutant »

RAPHAEL ECCEL

> Hubert Haddad Casting SauvageEd Zu ma 157 pp

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Date : 15 AVRIL 18

Pays : FrancePériodicité : QuotidienOJD : 749258Edition : Toutes éditions

Journaliste : Karin Cherloneix

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Les rescapés

Hubert HaddadCasting sauvageZulma 158 pages, 16,50€.

Roman. Damya arpente les rues a larecherche de silhouettes décharnées,de visages creuses, d'yeux au regardvide. De futurs figurants dans un filmsur les rescapés des camps de laSeconde Guerre mondiale. La jeunefemme organise ce casting dans lesrues de la capitale, de sa démarcheboitillante. Il y a quèlques mois, elleétait une gracieuse ballerine promiseà un avenir rayonnant. Un rendez-vous avec un garçon l'avait attiré surla terrasse d'un bar près de la Bastille.Elle se souvient juste de son inquié-tude à l'idée que l'inconnu ne viennepas la rejoindre comme promis. Ellen'a pas vu les hommes armés, ne serappelle plus les balles mitraillées surelle et tous ces jeunes attablés. Vic-time de l'attentat, elle se sent ni vi-vante ni morte, maîs avance coûteque coûte. Hubert Haddad est unpoète ancré dans la réalité, un regardsubtil sur la complexité humaine. Sespersonnages transmettent toujoursavec délicatesse des messages forts.(Karin Cherloneix)

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Date : 15 AVRIL 18

Pays : FrancePériodicité : QuotidienOJD : 140564

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Culture7

À lire aussi

CASTING SAUVAGEd'Hubert HaddadPour tes besoins du tournagecfe « La Douleur », le film d'EmmanuelRnkiel qui restitue les écritscfe Marguerite Duras sur l'Occupationet la Libération, Damya doit se lancerdans « une sorte cfe chasseauxs//houettes, cfe rabattagemortifère ». Lancienne danseuse doittrouver les cent personnes quifigureront les rescapés des campsnazis... Autour des gares ou sousles ponts, elle va donc à la rencontrecfe « la gent efflanquée des foules »,des « coucous d'aucun nid »,des « cigognes désailées »...et Hubert Haddad nous offrecfe rencontrer les mille visagescfe Paris cfans sa langue éblouissante.

/ Ed Zulma 160 pages 16,50€

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CA M'INTERESSE SANTEDate : MARS/MAI 18Pays : FR

Périodicité : Trimestriel Page de l'article : p.120

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ARPENTER LA VILLEElle interpelle les maigres les efflanqués les décharnés ceux qui

non! que la peau sur les os Une jeune femme Damyarecrute des figurants pour jouer les deportes de retour des camps dans un film adapte deLa Douleur de Duras Cest Paris ses spectres,ses solitudes ses improbables rencontres qui

se racontent dans une langue déliée et poétiquecomme une danse la chorégraphie que Damya nepeut plus accomplir depuis qu un soir d attentat ellea perdu son genou et I amour

Casting sauvage, Hubert Haddad Zulma !650€

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Date : 30 MARS 18

Pays : FrancePériodicité : QuotidienOJD : 749258Edition : Orne

Journaliste : Fabienne GÉRAULT.

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ZULMA 2004793500509Tous droits réservés à l'éditeur

Alençon et sa région

« Le lecteur a besoin d'être bouleversé »Samedi, la librairie Le Passage accueille Hubert Haddad pourla sortie d'un roman et du troisième numéro de la revue Apulée.

Trois questions à...

Hubert Haddad,écrivain.

Que raconte votre dernier romanCasting sauvage ?

Tout est dans le titre. C'est l'histoirede Damya, une danseuse blesséelors des attentats du 13 novembre2015 à Paris. Elle accepte une mis-sion de casteuse. Elle doit trou-ver une centaine de figurants pourl'adaptation du roman de MargueriteDuras, La Douleur. C'est très délicatcar ces personnes incarneront desdéportés de retour des camps. Et au-ront la tête rasée. Elle marche dansPans, y rencontre des personnesen déshérence, des exilés, des ano-rexiques, des toxicomanes...

C'est une histoire sombre...Le lecteur a besoin d'être bouleversé,inquiète, qu'on lui donne à partagerdes angoisses. Le travail de l'écri-vain, c'est de donner de l'épaisseura la tragédie que nous vivons tousensemble, au tragique de la vie. Bles-sée au genou, Damya ne peut plusdanser. Maîs dans ce mouvement àtravers Paris, elle est comme dansune grande chorégraphie. Et dansses déambulations, elle va vers la vie.D'ailleurs, le roman s'achève sur unespoir.

Dans la revue Apulée, il est aussiquestion d'espoir ?

Apulée parle du monde, en se dé-centrant. C'est une revue d'espé-

Hubert Haddad est un écrivain plurielPoesie, romans, nouvelles, essais,pièces de théâtre, récits, sa bibliogra-phie est impressionnante.

rance, indispensable dans les bles-sures ou les replis identitaires ounous sommes. Plus que jamais, ilfaut que les peurs et les défiancestombent. Le point de vue des poètes,des artistes, est au-delà de l'iden-tité. Les distances entre les hommessont imposées par les pouvoirs detous ordres, maîs il n'y a qu'un seulespace sur cette terre : l'espace del'imaginaire, de l'amour. C'est ce lieu-là qu'on essaie de préserver.

Recueilli parFabienne GÉRAULT.

Samedi 31 mars, à 10 h 30, ren-contre avec Hubert Haddad, à la li-brairie Le Passage, rue du Bercail &du Jeudi. Tél. 02 33 80 66 40.

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27

Le Soir Samedi 11 et dimanche 12 août 2018

leslivres 27

romanLe tas de pierres ✶✶✶AURÉLIE WILLIAM ET CHRISTOPHE LEVAUXUn frère et une sœur, adoles-cents, opposent leur envie deliberté à la rigueur étouffantedes parents. Des cheminsdifférents conduisent Aurélie etChristophe, en alternance, àcroiser l’interdit et à lui donnerforme. Le déraillement d’untrain, peut-être à cause d’untas de pierres posé sur les railscomme la réponse à un paristupide, à moins qu’il ait étérêvé, est au cœur d’énigmespersonnelles à la fois insigni-fiantes et fondamentales. P.MyCambourakis, 119 p., 15 €

romanPoids et mesures ✶✶H.M. VAN DEN BRINKÀ la retraite, le narrateur sesouvient d’une vie passée àvérifier poids et mesures dansles commerces hollandaisavant que le pré-emballageprenne le dessus. Il se souvientsurtout d’un collègue taiseux etsans humour, Karl Dijk, pour ledépart duquel il a rédigé lediscours de la directrice. Unmystère, en partie levé à cemoment. Mais un personnagequi l’obsède, et nous aussi, parses zones d’ombre. P.MyTraduit du néerlandais par DanielleLosman, Gallimard, 202 p., 19,50 €,ebook 13,99 €

polarQaanaaq ✶MO MALØDrôle de bouquin que ce polarse déroulant au Groenlandavec pour héros QaanaaqAdriensen, flic né sur ces terresinhospitalières mais vivant auDanemark depuis toujours. Levoici de retour, pour mener uneenquête autour de meurtresd’ouvriers étrangers travaillantsur une plateforme pétrolière.Un nouveau polar venu dufroid ? Pas vraiment puisquel’auteur, publiant sous pseudo-nyme, est français. Si on selaisse d’abord prendre parcette histoire entre politique,économie et tourisme, le récitne tarde pas à patiner malgréle dépaysement certain despaysages et des mœurs. J.-M.W.La Martinière, 496 p., 20,90 €, ebook 14,99 €

les brèves

policierL’archipel des Malotrus ✶✶✶SAN-ANTONIOIdéalement placé dans le Paci-fique pour des essais nucléaires,l’archipel des Malotrus a promisà la France de lui vendre, à ceteffet, une de ses îles. La Grande-Bretagne n’a pas renoncé àacheter qui de non-droit ni laChine à fomenter une révolutionpour mettre le pied et l’atomedans la région. San-Antonio etBérurier jouent, très perso, etavec leurs saillies habituelles,une partie géopolitique com-plexe. Une description délirantede bateau est une page d’antho-logie. P.MyPocket, 248 p., 6,40 €

essaiDe la maladie ✶✶VIRGINIA WOOLFLa maladie, écrit Virginia Woolf,« est le confessionnal suprême ».Le corps affaibli laisse la place àl’esprit. On imagine combiencette expérience a pu marquerune écrivaine dont la sensibilitéextrême se double d’une terri-fiante lucidité. Le texte est courtmais percutant : « Des chosessont dites, des vérités échappentétourdiment que la prudenterespectabilité de la santé dissi-mule. » P.MyTr. de l’anglais par Elise Argaud,Rivages Poche, 68 p., 5,50 €

les poches

Al’arrière-plan du dernier

roman d’Hubert Haddad,un soir sanglant de no-vembre 2015 à Paris, le13. Damya avait rendez-vous avec un garçon à une

terrasse de brasserie. Amir, rencontré parhasard, retrouvé de la même manière,semblait décidé à consolider une relationencore fragile. Elle lui aurait peut-êtreparlé du rôle de Galatée qu’elle devait te-nir, nue et presque immobile pour mieuxmettre en évidence des mouvements lentsde danseuse, dans une production encours. L’idylle a tourné court, l’adresseayant été mal, ou trop bien choisie, Da-mya y a laissé, outre ses illusions amou-reuses, l’usage d’un genou et sa carrièreartistique.

Son amie Lyle, elle-même marquée parla mort de sa mère et de sa sœur dans unaccident de voiture, lui a confié une mis-sion : recruter, pour un film adapté de La

douleur, cent figurants qui seront les res-capés des camps de la mort descendantd’un train à Paris. Les agences de castingont renoncé, elles n’arrivaient pas à trou-ver les silhouettes décharnées qui repré-senteraient les survivants. Lyle, qui parailleurs déteste « la » Duras, faitconfiance à Damya, à son regard et à sonsens du contact, pour trouver les bonnespersonnes dans les rues de Paris où elleaime marcher. Damya a gardé, dans son

pas, la grâce de la danseuse qu’elle n’estplus, il s’y ajoute, depuis ce qu’elle appellepar euphémisme son « accident », lecharme troublant d’une boiterie qui créeun léger déséquilibre.

Une collection de moments rares et jamais anodins

Les rencontres sont, pour beaucoupd’entre elles, de grands moments de par-tage et de compassion. Car les histoiresindividuelles ont chacune quelque chosequi touche la sensibilité de Damya et re-

jaillit sur la nôtre. Casting sauvage – c’està la fois le titre du livre et la démarche dupersonnage principal – est une collectionde moments rares et jamais anodins, em-boîtés les uns dans les autres. Ceux-ci ren-voient une part d’intimité, soudain offerteà tous et reliée au projet de film. Car,lorsque les figurants en auront terminé dela scène qu’ils tournent ensemble, ils re-tourneront à leurs destins personnels. Il ya les victimes de l’Histoire et ceux qui lesreprésentent, eux aussi victimes : « Lors-qu’elle abordait un de ces déportés de larue au faciès de moribond, c’était presqueen s’excusant de l’affront, avec des préve-nances absurdes, tant l’horreur figée descamps à tout moment lui revenait pareffet de polarisation. »

Tout est douleur ou reflet de la douleuralors amplifiée dans un roman qui boule-verse par ses accents de vérité transcritsdans la poésie de l’instant. Il s’y glisse desmiracles provisoires, des éclats de lu-mière. Mais c’est toujours entre desdrames humains insondables. Une des fi-gurantes pressenties pour le tournage n’yviendra pas. On vous laisse découvrirpourquoi…

Hubert Haddad ne démontre rien, ilfait mieux que cela : ce que l’on peutmettre en commun de blessures dissem-blables est un don exceptionnel, reçu avecla reconnaissance sincère qu’il mérite.

PIERRE MAURY

Hubert Haddadmonte un film« Casting sauvage » cherche des figurants et trouve la douleur

Des accents de vérité transcrits dans la poésie de l’instant. © D. R.

romanCasting sauvage✶✶✶HUBERT HADDADZulma156 p., 16,50 €ebook 12,99 €

E rik Orsenna, de l’Acadé-mie française comme ilest indiqué sur les couver-

tures de ses livres, a aujourd’hui71 ans. A 60 ans, il s’est un peuretourné sur lui-même et sur cequi avait fait son Goncourt :L’Exposition coloniale parlait enfait de caoutchouc. Alors, il s’estpenché sur ces matières pre-mières que sont l’eau, le coton, lepapier, le Gulf Stream.

L’auteur à la moustache fré-missante a toujours voulu êtrejournaliste. Lors de son passageau Soir, il avait encore répété quel’on faisait le plus beau métier dumonde. Alors, il s’est mué engrand reporter, sur les tracesd’Albert Londres ou de JosephKessel. Pour comprendre com-ment marche le monde.

C’est le Gulf Stream qu’il ana-lyse d’abord. Parce qu’il est vic-time du changement climatique.Ce qui le mène chez les savantsmais aussi sur les lieux qui sontatteints par l’altération du cou-rant marin. Le livre sort en 2005.C’est le coton qu’il analyse en-suite. Le seul textile naturel quirésiste à l’invasion des tissus syn-thétiques. Une enquête qui l’amené en Afrique de l’Ouest, aux

Etats-Unis, au Brésil, en Ouzbé-kistan…

« Un jour, mon si cher éditeur,Jean-Marc Roberts, meconvoque, raconte-t-il dans sonintroduction : “Tu as vu leschiffres de vente ?”(Contre touteattente, ces voyages au pays ducoton avaient intéressé un largepublic). Je hoche la tête. Jean-Marc prononce alors la phraseque j’attendais depuis toujours,depuis que je lisais les aventuresde Tintin reporter en le jalousantfort : “A partir de maintenant, tuvas où tu veux, je paie.” Ni lui nima famille ne m’ont beaucouprevu. J’étais tout le temps parti.A ce jour, 99 pays visités aucompteur. »

Puis c’est l’eau, le papier et aus-si une « Histoire du monde enneuf guitares » avec son frère,Thierry Arnoult. Une série qu’ilappelle « Petit précis de mondia-lisation ». Et qui se poursuit avecDésir de villes, écrit avec l’archi-tecte et paysagiste Nicolas Gil-soul. Dans ces reportages au longcours, Erik Orsenna se fait plusqu’intéressant : passionnant. Onles lit comme on lirait un roman,d’Orsenna ou d’un autre.

JEAN-CLAUDE VANTROYEN

Orsenna reporter,comme Tintin

Orsenna veut comprendrele monde. © BRUNO D’ALIMONTE.

reportagesDernières nouvelles du monde ✶✶✶ERIK ORSENNARobert LaffontBouquins912 p., 30€

essaiDésir de villes✶✶✶ERIK ORSENNAET NICOLASGILSOULRobert Laffont286 p., 20 €ebook 13,99 €

AVC : c’est drôle et optimiste.Dans de courts chapitres nom-més surtout d’après des chansonsdes Beatles, il se livre avec pu-deur, sans jamais s’étaler sur sesdifficultés. « Il se trouve que jesuis un gros chanceux, dit-il.D’avoir un bon capital santé quifait qu’au lieu d’y rester, je suistoujours là ; et d’avoir été entre lesmains de médecins extrêmementcompétents. Et puis j’ai été entou-ré par ma famille et mes amis.

Tout ça m’a rappelé que la vie estpleine de choses merveilleuses. »

Le livre est fait de courts récits.Sur la littérature, les mots, la re-validation, les tracas quotidiens.Des tranches de vie. Et étonnam-ment, c’est addictif. On a envie detourner les pages, sans cesse. Desourire avec l’auteur, de se battreavec lui, d’être comme lui opti-miste, de voir le bon côté deschoses, les cadeaux de la vie, des’émouvoir aussi, de ne plus râlersur les petits problèmes. Et toutcela a été écrit d’un doigt. Lente-ment donc. « C’est un plaidoyerpour le ralentissement », ditAntoine Audouard.

Et une leçon de vie. « Un amiaméricain m’a dit : tu es unexemple. Je ne le suis pas mais jeveux bien être une inspiration.Ça me touche beaucoup quand jereçois des témoignages de gensqui me disent que je leur ai renduun peu d’espoir. »

JEAN-CLAUDE VANTROYEN

Ecrit d’un seul doigtrécitPartie gratuite✶✶ANTOINE AUDOUARDRobert Laffont407 p., 20 €ebook 13,99 €

A ntoine Audouard est écri-vain. Le 28 juin 2012, ilsubit un accident vascu-

laire cérébral massif. On luidonne 20 % de chances de survie.Mais il se bat. Il perd la partiegauche de son être et de sa visiondu monde. Mais il garde le lan-gage, la mémoire, l’émotion… etl’index droit, celui avec lequel ilva écrire. Dès son séjour à l’hôpi-tal. Aujourd’hui, il est nickel. Elo-cution un peu lente, mouvementsparfois malaisés. Mais en grandeforme. Et avec le sourire.

C’est d’ailleurs ce qui apparaîtdans cette chronique sur son

s’enfonce dans ce pays déchirédans la foulée du trio au sein du-quel les tensions s’insinuent au fildes amers souvenirs familiaux etau gré de la décomposition du ca-davre qu’il transporte.

L’auteur montre des hommeset des femmes dans toute leurcomplexité. La vie de Boulboul, lepersonnage central, égrène unesuccession de lâchetés, de trahi-sons, d’échecs et de capitulations.Au moins tiendra-t-il sa pro-messe d’enterrer son père près desa sœur, au village. Une sœur,Leila, qu’ils n’ont pas connue : lejour de ses noces forcées 40 ansplus tôt, avec un homme « quisent l’oignon et la moisissure »,devant les convives du village, elles’est immolée par le feu.

Adbellatif, père de Boulboul etfrère de Leila, ne parlera jamaisde cette sœur adorée à qui il avaitrefusé son aide. Mais, toute sa vie,il entretint non sans courage uneflamme révolutionnaire, d’abord

panarabe, puis à partir de 2011,au service de ce printemps syrienqui se mua si rapidement en enfersur terre. D’autres personnages,Fatima, Niven, Lamia ou Hus-sein, jalonnent le roman de Kha-lifa, ouvrant sur la complexe so-ciété syrienne des portes de com-préhension. Une société qui suela mort, exhale la peur et rêve se-crètement de vengeance, même sil’accoutumance la guette.

BAUDOUIN LOOS

La Syrie, à travers un cadavreromanLa mort estune corvée ✶✶✶KHALED KHALIFATraduit de l’arabepar Samia NaimActes Sud210 p., 21,50 €,ebook 15,99 €

D eux frères et leur sœur ef-fectuent en plein hiver2015 le voyage entre Da-

mas et le nord d’Alep. Ce déplace-ment impossible leur a été arra-ché par leur père à qui ils ont pro-mis, sur son lit de mort, un enter-rement dans son village natal. Lafratrie transporte le corps dansun minibus à travers une Syrie àfeu et à sang, livrée aux convoi-tises des milices pro-régime, desgroupes révolutionnaires, desbandes extrémistes.

Ce road movie noir saisit lente-ment l’attention du lecteur. Bien-tôt, le récit happe ce dernier, qui

L’agréable leçon d’Antoine Audouard. © ASTRID DI CROLLALANZA.

Khaled Khalifa. © RAIA SAMIRA.