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clefs N° 58 Automne 2009 ISSN 0298-6248

Dans les secrets de l'Univers

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clefsN° 58

Automne 2009ISSN 0298-6248

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> POUR EN SAVOIR PLUS...Suivez les projets d'astrophysique du CEA sur Internet :

http://irfu.cea.fr/Sap/

Un document spectaculaire de l’histoire de l’astronomievient d’être remis en lumière par l’étude d’un groupede chercheurs conduit par Jean-Marc Bonnet-Bidaud (SAp).Le document, désigné sous le nom de carte de Dunhuang,conservé à la British Library de Londres, est un atlas célestecomplet découvert en 1900 parmi 40 000 manuscritsprécieux entreposés dans les Caves de Mogao, un monastèrebouddhique sur la Route de la Soie chinoise. Cachés dansune grotte aux alentours du XIe siècle, ces manuscrits,principalement des textes religieux bouddhiques, ont étémiraculeusement préservés grâce au climat très aride.L’étude scientifique détaillée de la carte réalisée parles chercheurs a permis de conclure que l’atlas, quicontient plus de 1 300 étoiles, a été composé dansles années 649-684. Utilisant des méthodes de projectionsmathématiques précises, il conserve une précisionde 1,5 à 4° pour les étoiles les plus brillantes. C’estla plus ancienne carte d’étoiles connue, toutes civilisationsconfondues, et la première représentation graphiquede l’ensemble des constellations chinoises. L'atlas estprésenté dans le numéro du 11 Juin 2009 de la revue Natureet l'étude historique et scientifique est publiée dansle Journal of Astronomical History and Heritage.

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009

Clefs CEA N° 58 – AUTOMNE 2009

Image principale de couvertureLa nébuleuse par réflexion NGC 1999située dans la constellation d'Orion. Cetteimage a été prise par la caméra MegaCam,développée au CEA, qui est placée au foyerdu télescope de l'Observatoire Canada-France-Hawaii (CFHT) installé au sommetdu volcan Mauna Kea, à 4 200 m d'altitude,sur la grande île d'Hawaii.image MegaCam (CEA) par le CFHT& Coelum

Images en médaillonhaut : Inspection et vérificationsfonctionnelles de l'imageur de la camérainfrarouge MIRI, l'un des instruments qui équiperont le télescope spatial James Webb. Le CEA a la responsabilitéscientifique et technique de cet imageur.L. Godart/CEA

bas : Tests d'alignement de l'imageur deMIRI effectués au CEA.F. Rhodes/CEA

Pictogramme des pages intérieuresNotre Galaxie, la Voie lactée.NASA/JPL-Caltech/R. Hurt (SSC)

Revue éditée par le CEADirection de la communicationBâtiment Siège 91191 Gif-sur-Yvette Cedex - (France) Tél. : 01 64 50 10 00Fax (rédaction) : 01 64 50 17 22

Directeur de la publicationXavier Clément

Rédactrice en chefMarie-José [email protected]

Rédactrice en chef adjointeMartine [email protected]

Comité scientifique Bernard Bonin, Gilles Damamme, CélineGaiffier, Étienne Klein, François Pupat,Gérard Sanchez, Gérard Santarini

IconographieFlorence Klotz

Suivi de fabricationLucia Le Clech

AbonnementL’abonnement à la revue Clefs CEA(version papier) est gratuit. Les demandes d’abonnement doivent êtreadressées, de préférence par Internet, à l’aide du formulaire disponible à l’adresse : http://www.cea.frou par télécopie au 01 64 50 20 01

ISSN 0298-6248Dépôt légal à parution

RéalisationEfil – 3 impasse Pellerault – 37000 ToursTél. : 02 47 47 03 20 – www.efil.fr

Imprimerie Gilbert-Clarey (Chambray-lès-Tours)

À l’exclusion des illustrations, la reproduction totale ou partielle des informations contenues dans ce numéro est libre de tous droits, sous réserve de l’accord de la rédaction et de la mention d’origine.

© 2009 CEA

RCS Paris B 775 685 019 Siège social : Bâtiment Le Ponant D,25 rue Leblanc, 75015 Paris

103 Les étoiles ensemencent l’Univers103 Les enseignements du Soleil,

par Sylvaine Turck-Chièze143 Sonder l'intérieur des étoiles,

par Rafael A. García163 Du Soleil aux étoiles,

par Allan Sacha Brun173 Voyage dans les nurseries stellaires,

par Vincent Minier, Philippe Andréet Frédérique Motte

223 L'origine des éléments lourds, par Stéphane Mathis

263 L'explosion des supernovae, par Thierry Foglizzo

273 Les restes de supernova, par Anne Decourchelle et Jean Ballet

283 Astres de haute énergie : des sources de surprises, par Sylvain Chaty, Stéphane Corbelet Jérôme Rodriguez

313 Mémo A Sonder l'Univers sur toutela gamme lumineuse

343 Les planètes : un ballet de petitsastres virevoltants avant le finalde leurs naissances

343 Comment est né notre monde, par André Brahic

403 Les anneaux de Saturne :un merveilleux laboratoire d'étude, par Sébastien Charnoz et Cécile Ferrari

413 Les cocons des planètes, par Pierre-Olivier Lagage, Frédéric Masset et Éric Pantin

I. L’ASTROPHYSIQUE ET L’EXPLORATION DE L’UNIVERS

440 Les galaxies : une évolution pleine de paradoxes

443 La vie des galaxies actives, par Marc Sauvage et Frédéric Galliano

483 Un trou noir mystérieux, par Andrea Goldwurm

503 Élucider le mécanisme d'accélérationdes rayons cosmiques, par Jean Ballet, Anne Decourchelleet Isabelle Grenier

523 À la recherche des grands ancêtres, par Emanuele Daddi

563 Formation des galaxies : une histoire paradoxale, par David Elbaz

603 La morphogenèse des galaxies, par Frédéric Bournaud

620 L’Univers, une « soupe » homogènedevenue une structure hiérarchisée

623 La grande histoire thermique de l’Univers, par Dominique Yvon

653 La toile d’araignée cosmique, par Monique Arnaud

683 Formation des structures de l'Univers :le jeu des modèles, par Romain Teyssier

703 L’Univers a-t-il une forme ? Est-il fini ou infini ?, par Roland Lehoucq

720 Odyssée dans la part sombre de l’Univers

723 1. L’énigmatique matière noire723 Astrophysique et observation

de la matière noire, par Nathalie Palanque-Delabrouilleet Roland Lehoucq

773 Théorie de la matière noire, par Marco Cirelli et Camille Bonvin

803 Pourra-t-on créer un jour de la matièrenoire au LHC ?, par Bruno Mansoulié

253 Avant-propospar Catherine Cesarsky

453 Voir l'invisible : petite histoired'une grande conquêtepar Jean-Marc Bonnet-Bidaud

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Avant-propos

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Nous sommes en 2009, quatre centièmeanniversaire des premières observations de Galilée,et ceci donne lieu à une célébration internationaledans le cadre de l'Année mondiale de l'astronomie,proclamée par les Nations-unies et coordonnée, auniveau mondial, par l'Union astronomique interna-tionale (UAI) et l'Unesco. En tant que Présidente del'UAI, je me complais à dire que cette année célèbreaussi l'âge d'or de l'astrophysique. En effet, les avan-cées spectaculaires de la technologie depuisune trentaine d'années, et l'utilisation exceptionnelleque les astrophysiciens ont su en faire, ont amené àun bouleversement complet de notre vision et denotre compréhension de l'Univers et de ses compo-santes, du comportement interne du Soleil à laformation des étoiles et des planètes, de l'évolutiondes galaxies que l’on appréhende maintenant prati-quement sur les 14 milliards d'années de vie del'Univers à celle des grandes structures, ces vastestoiles d'araignée qui traversent l’espace. La physiquefondamentale se trouve également en révolution, enparticulier la physique des particules élémentaires,pour tenter d'identifier le moteur de l'expansionaccélérée de l'Univers et les mystérieux porteurs demasse qui constituent la matière noire, composantetrès dominante de matière dans l’Univers.

Dans cette explosion de connaissances, le CEAtire parti de ses atouts exceptionnels pour être unacteur conséquent, recevant une reconnaissanceinternationale qui ne cesse de croître. Ainsi, troischercheurs du CEA impliqués dans cette thématique

ont déjà reçu des bourses ERC (pour EuropeanResearch Council). Au départ, le CEA s'est investidans le spatial lorsque la France et l'Europe décidè-rent de se lancer dans les sciences spatiales. On pensaimmédiatement à la détection des rayonnementscosmiques de haute énergie (photons X et gamma,particules), qui ne pénètrent pas dans l'atmosphèreterrestre, et donc au CEA qui, en raison de samission principale, détenait une expertise reconnuedans la détection de ces rayonnements. Le CEA futd'emblée l'un des principaux laboratoires européensà embarquer des détecteurs de rayonnements dehaute énergie sur des ballons, des fusées puis dessatellites.

Aux côtés des chercheurs et ingénieurs dévelop-pant des instruments se greffèrent des astrophysi-ciens qui raffermirent le lien entre le savoir-faireexpérimental et l'interprétation des résultats entermes d'avancées des connaissances sur l'Univers.Au fil des ans, cette collaboration fructueuse amenaune forte augmentation de la capacité, pour le CEA,à proposer des instruments et les missions les mieuxà même de résoudre les problèmes les plus brûlants,ce qui lui permit d'être sélectionné par des instancesnationales et internationales pour de nombreuxinstruments dans l'espace et au sol. Notons, parexemple, le grand succès de la caméra aux rayonsgamma Sigma embarquée sur un satellite russe, etqui découvrit les microquasars, trous noirs de massestellaire qui sont le siège de phénomènes analoguesà ceux étant à l’œuvre dans les quasars.

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« Le CEA tire parti de ses atoutsexceptionnels pour être un acteurconséquent, recevant une reconnaissanceinternationale qui ne cesse de croître. »

L’intérêt vers de nouvelles thématiques scien -tifiques, tels le contenu en gaz des galaxies etl’étude de la formation des étoiles, ainsi que l’op-portunité de tirer profits de synergies avec leséquipes de la Direction de la recherche technolo-gique (DRT), amena les astrophysiciens du CEA à selancer aussi dans l’astronomie infrarouge au débutdes années 80. L’Agence spatiale européenne (ESA)préparait le premier observatoire infrarouge spatial,ISO, et le CEA avait la possibilité de prendre laresponsabilité principale d’un instrument phare,la caméra. Il fallait pour cela disposer de matrices dedétecteurs infrarouge qui, à cette époque, nepouvaient être importés des USA. Ces détecteursdemandaient un développement spécifique pourpouvoir fonctionner avec un faible fond et leLaboratoire infrarouge du Leti se lança dans l’aven-ture, avec succès. Les résultats d’ISOCAM sur laformation des étoiles et l’évolution des galaxies,démontrant que les sursauts de formation d’étoileset les galaxies à très fort flux infrarouge étaient beau-coup plus fréquents dans le passé, ont révolutionnéle sujet. Aujourd’hui, un très grand nombre d’as-trophysiciens de par le monde étudient les diversesétapes d’évolution des galaxies ; les résultatsd’ISOCAM ont été confirmés et considérablementétendus par le satellite américain Spitzer et l’onattend maintenant des avancées importantes avec lesatellite Herschel, qui vient d’être lancé. PourHerschel, la DRT a développé des matrices de détec-teurs novateurs, également utilisés au sol sur leradiotélescope APEX, et la Direction des sciences dela matière (DSM) a participé très activement à laconstruction de deux des trois instruments.

L’astronomie au sol, aussi, a fait de grandes avan-cées et il est devenu nécessaire d’en développer lesinstruments avec des méthodes quasi industrielles.Le savoir-faire acquis par le CEA avec le spatial fitqu’il a pu également déployer un instrument d'en-vergure, VISIR, sur l'un des télescopes géants duVLT, qui amène des informations uniques sur lesdisques protostellaires où se forment les planètes.Les chercheurs de l'Institut de recherche sur les loisfondamentales de l’Univers (Irfu) sont aussi forte-ment impliqués dans la cosmologie et mènent desétudes observationnelles depuis le sol avec la caméra

MEGACAM qu'ils ont construite pour le télescopeCFHT, et depuis l'espace avec XMM-Newton, enattendant la large moisson de données sur le fonddu ciel cosmologique espérée du satellite Planck.

Aujourd’hui, le CEA a également acquis defortes compétences en simulations numériques.Ceci permet des avancées importantes dans dessujets aussi étudiés depuis le sol et l’espace par leschercheurs du CEA. Ainsi, après le succès de l’ex-périence GOLF, qui a mesuré les oscillations duSoleil, une modélisation détaillée de l’intérieur denotre étoile se trouve en cours. L’accélération desrayons cosmiques est aussi simulée, en synergie avecles observations de satellites, à l’instrumentationdesquels le CEA a aussi participé (XMM-Newton etINTEGRAL) et d’autres, où il est associé à lascience, tels le récent satellite Fermi et, au sol, HESS,qui détecte les rayons gamma de haute énergie avecune bonne précision de positionnement. Les résul-tats les plus spectaculaires concernent les simula-tions de l’évolution des grandes structures del’Univers. Elles mettent en valeur l’importance de lachute de courants de gaz froid dans les régions oùla masse s’assemble, et permettent de mieuxpréparer les missions futures de mesures despropriétés de la matière noire et de l’énergie noireau sein desquelles le CEA joue un rôle moteur.

L’avenir proche s’annonce brillant, avec l’ex-ploitation continue de XMM-Newton – qui, entreautres, amène au CEA des résultats extraordinairessur les amas de galaxies – d’INTEGRAL, de Fermi,des instruments au sol, et les débuts d’Herschel et dePlanck ; en parallèle, au Cern, le LHC pourrait percerle mystère de la nature de la matière noire. En mêmetemps, le CEA joue un rôle majeur dans la concep-tion d’une caméra/spectromètre infrarouge,destinée au JWST, l’ambitieux successeur de Hubble,pour un nouvel instrument en astronomie gamma,réalisé en coopération avec la Chine, et en principalpromoteur pour l'Europe d'une nouvelle mission decosmologie.

Pour l’avenir plus lointain, de nombreuses possi-bilités se profilent dans le spatial, et la chasse auxneutrinos de haute énergie depuis le fond des mersva commencer. La grande aventure cosmique duCEA va se poursuivre.

> Catherine CesarskyHaut-commissaire à l’énergie atomique.

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Pendant plus de 2 000 ans, les astronomes ont été dans l’ignorance des lumièresbaignant le cosmos, excepté, bien sûr, de la lumière visible. Et pour cause : la plupartdes rayonnements ne parviennent pas à franchir la barrière que leur oppose l’atmosphère.Dépasser cet obstacle supposait des instruments adaptés : d’abord des ballons puisdes fusées et enfin des satellites.

Voir l’invisible: petite histoired’une grande conquête

L e 27 janvier 1959, face à la corniche des Maures,sur l’île du Levant qui appartient à la commune

d’Hyères (Var), un événement se prépare qui vacompter dans l’histoire de l’astrophysique française.En fin d’après-midi, dans le secret de la base navale,un mince trait lumineux s’élève dans le ciel avant dese perdre rapidement dans les nuages. S’agit-il d’unlancement pour expérimenter une arme destinée à laforce de dissuasion nationale ? Rien de tel ! Mais unmissile reconverti qui emporte, à plus de 100 kilo -mètres d’altitude, la première expérience françaised’astrophysique spatiale issue des laboratoires du CEA.

Le CEA pionnier dans l’espace L’épopée spatiale du CEA commence presque enmême temps que la fondation de l’organisme. En effet,le 18 octobre 1945, le gouvernement de la Franceapprouve l’ordonnance, élaborée par le conseillerd’État Jean Toutée, pour fonder le CEA voulu par legénéral de Gaulle afin « […] de poursuivre les recher-ches scientifiques et techniques en vue de l’utilisation del’énergie atomique dans divers domaines de la science,de l’industrie, de la défense nationale ». Nul ne se douteencore que ce nouvel organisme de recherchedeviendra un formidable creuset de compétences surla découverte de l’Univers. Et pourtant…Le 2 janvier 1946, le général de Gaulle nomme au postede haut-commissaire du CEA Frédéric Joliot, prixNobel de chimie, en 1935, avec son épouse Irène Curie,pour leur découverte de la radioactivité artificielle.

Cette nouvelle propriété de la matière se caractérisepar la désintégration du noyau de l’atome, lequel émetalors d’étranges rayonnements, jusqu’ici inconnus etbaptisés : alpha, bêta et gamma, faute d’imagination.Si les deux premiers sont, en réalité, des particules(noyaux d’hélium et électrons), en revanche, le troi-sième d’entre eux va bientôt se révéler comme la pluspuissante forme de lumière existante dans la nature.Dès lors, les ingénieurs du CEA mettront toute leurénergie à concevoir des instruments capables de capteret de mesurer ces rayonnements. Pendant plusieursannées, ces études se font en laboratoire, mais la datedu 4 octobre 1957 marque une véritable révolutionpour ces scientifiques : la mise en orbite de Sputnikpuis, quelques années plus tard, en 1961, le premier voldans l’espace du Soviétique Iouri Gagarine qui ouvrel’exploration spatiale. D’où le lancement réalisé, le27 janvier 1959, sur l’île du Levant, avec une fuséeDaniel, initialement conçue par l’Office nationald’étude et de recherches spatiales (Onera). Bien sûr, cette mission, dirigée par le physicien JacquesLabeyrie, doit répondre prioritairement aux interro-gations posées par les expérimentations nucléaires

Découverte du rayonnement gamma des pulsars. Charge et ballon stratosphériqueà Aire-sur-l’Adour (juillet 1969).

La première expérience spatiale du CEA, le 27 janvier 1959.Un compteur Geiger a été installé à bord d’un missile pourune des premières mesures des rayons gamma du ciel.

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aériennes et donc par l’éventuelle dissémination dematières radioactives dans la haute atmosphère.Mais la batterie de compteurs Geiger embarquée sur cemissile se révèle aussi capable de mesurer le rayonne-ment gamma du ciel. Si l’expérience peut conclure à l’absence de radioactivité dans la haute atmosphère,elle réalise également une avancée mondiale dans ledomaine de l’astrophysique : un des tout premiersenregistrements de rayons gamma en provenance ducosmos. Jusque-là, nul chercheur n’avait imaginé quel’Univers produisait de tels rayons. Et pour cause :excepté la lumière visible capable d’atteindre la surfacede la Terre, la plupart des autres rayonnements sontarrêtés par l’atmosphère. Donc, depuis les débuts del'astronomie, il y a plus de 2000 ans, les astronomesn’ont eu aucun moyen de capter les autres lumièrescosmiques. C’est à peine si le rayonnement radio de lagalaxie fut découvert, en 1932, par le physicien améri-cain Karl Jansky et si les Allemands démontraientl’émission de rayon X par le Soleil grâce à une fusée V2.Ce résultat propulse le CEA parmi les expertsmondiaux de l’astrophysique, une position qu’il nequittera plus. Cinquante ans plus tard, une autre géné-ration de chercheurs, désormais réunis au sein du SAp,vient de livrer une caméra de très haute technologiedestinée au cœur d’Herschel, le plus grand télescopespatial jamais satellisé mais aussi petit bijou de larecherche, sachant capter les plus faibles rayonnementsinfrarouges de l’Univers. Entre ces deux performances,les astrophysiciens du SAp marqueront de leurempreinte chaque étape d’une des plus excitantesaventures scientifiques de tous les temps : la détectiondes rayonnements « invisibles » du cosmos, totalementinaccessibles à nos yeux humains seulement adaptés àla lumière de notre étoile, le Soleil.

Réussir avec les moyens du bord En juin 1962, une importante découverte bouleverse,à nouveau, la conception que les astrophysiciens sefont alors du ciel. On la doit à une équipe améri-caine, dirigée par Roberto Giacconi, Prix Nobel en2002. Celui-ci imagine de placer des détecteurs derayons X à bord d’une fusée Aerobee pour tenter demesurer les rayons X du Soleil réfléchis par la surfacede la Lune. Aucun rayon ne put être capté par la Lunemais, en balayant le ciel, les instruments embarquésreçurent une forte bouffée de rayons X en prove-nance d’une région de la constellation du Scorpion.Baptisée Scorpius-X1, cette source restera longtempsune énigme pour les astrophysiciens. Il faudra plusde cinq ans pour comprendre que les rayons X del’Univers proviennent d’étoiles exotiques très denses,de naines blanches, d’étoiles à neutrons ou mêmede trous noirs. Avec cette découverte s’ouvrait unenouvelle fenêtre d’observation sur le cosmos.À cette époque, la France n’a pas encore développéson programme de fusée, aussi les chercheurs duCEA durent-ils faire preuve d’ingéniosité pour conti-nuer leurs observations. Faute de mieux, l’idée leurvint d’embarquer leurs instruments de mesure surdes ballons stratosphériques pouvant s’élever à40 kilomètres d’altitude. Le 21 mai 1965, un vol inaugural se déroule sur labase d’Aire-sur-l’Adour (Landes) avec les moyens dubord. Par exemple, pour protéger les détecteurs duvide et du froid, les astrophysiciens utilisent une

cocotte-minute et du polystyrène ; pour enregistrerleurs données, ils ne disposent que d’un simplemagnétophone à bande du commerce. Récupéréaprès le vol, ce simple enregistreur offrira au CEAl’une de ses premières historiques : la détection derayons X de haute énergie émanant de plusieurssources situées dans la constellation du Cygne. Pourtant, les chercheurs n’en sont qu’à leurs premiersétonnements. En 1967, des radioastronomes anglaisdécouvrent des signaux radio rapides et réguliersdans le ciel. Une fois écartée l’hypothèse, brièvement envisagée, de signaux émis par des extraterrestres,une autre supposition voit le jour : ces « pulsations »proviendraient d’étoiles à neutrons, en rotation trèsrapide, baptisées pulsars pour pulsating stars.

Découverte des rayons X cosmiques : préparation et envoi d’unballon stratosphérique depuis Aire-sur-l’Adour (mai 1965).

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Charge portée par le ballon : détecteurs protégés du vide dans une cocotte-minute étancheet données enregistrées sur un magnétophone à bande récupéré après le vol (mai 1965).

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Entre Kourou et Gap Entre-temps, la France a développé son programmede fusées Véronique. Les astrophysiciens ne laissentpas passer l’occasion. En 1967, l’équipe de RobertRocchia embarque les détecteurs déjà développés parle CEA pour l’étude de la radioactivité. Terrible décep-tion : la tentative échoue car les portes de la fusée nese sont pas ouvertes. Ce ne sera que partie remise etle succès arrive, tel un cadeau de Noël, le 23 décembre1968, depuis la nouvelle base spatiale de Kourou(Guyane), tout juste quelques mois après son inau-guration. Les résultats de l’expérience s’avèrentprobants : pendant les 200 secondes que dure l’ob-servation, environ 25 000 rayons X sont enregistrésen provenance d’un des plus puissants pulsars de lagalaxie. Les astrophysiciens du CEA viennent d’éta-blir que les pulsars émettent des rayons X de hauteénergie – une première.Ils n’en resteront pas là puisque, l’année suivante,ils tentent un nouveau défi : utiliser un tout nouveaudétecteur dédié aux rayons gamma en provenance depulsars. Cet instrument complexe a été mis au pointpar Bruno Parlier, Bernard Agrinier et Yves Koechlin,du CEA, en collaboration avec Giuseppe Occhialini,célèbre physicien de l’université de Milan. En fait, ils’agit d’une chambre à étincelles, autrement dit uneenceinte à vide sous tension contenant un empile-ment de plaques de plomb capables de stopper lesrayons gamma puis de les désintégrer en particuleschargées produisant des traces d’étincelles. Pourreconstituer la direction du rayon gamma, ces tracessont photographiées grâce à une caméra de film16 mm. Cette fois, l’opération se déroule à Gap(Hautes-Alpes). Un ballon emporte le détecteur à40 000 mètres d’altitude. Les résultats sont unenouvelle fois au rendez-vous des chercheurs du CEAqui démontrent, les premiers, que les pulsars émet-tent aussi des rayons gamma dans l’Univers.

Du ballon au satelliteLa poursuite des recherches suppose alors de vaincreune limitation essentielle : la durée de vie trop courtedes ballons et des fusées. Pour cela, il faut pouvoir

disposer de satellites scientifiques et accéder ainsi durablement à l’espace. L’Europe devra attendre 1972pour disposer d’un tel satellite, TD-1. Les astrophysi-ciens du CEA exploitent cette première opportunitéqui leur est offerte en plaçant trois de leurs instru-ments sur le satellite qui tournera en orbite jusqu’en1974. Parmi eux, S-133, une toute nouvelle chambreà étincelles de 40 kg, munie cette fois d’une caméraélectronique de télévision baptisée VIDICON. Mal -heu reu sement, ce vol sera un échec, la proximité d’au-tres instruments ayant induit un formidable bruit defond de particules parasites et noyé l’expérience sousde fausses détections. Cet apprentissage profitera ausatellite Cos-B, lancé en août 1975, avec une chambreà étincelles de 114 kg, fruit d’une large collaborationeuropéenne. Avec une longévité affichée de sept ans,ce projet volera la vedette à son concurrent américain,SAS-II, programmé pour seulement six mois, maisaussi en raison d’un résultat scientifique majeur : l’ob-tention de la première image complète de la galaxie enrayons gamma. L’exploration du domaine des hautes énergies X etgamma se poursuivra jusqu’à aujourd’hui grâce à l’implication du CEA dans les missions SIGMA/Granat(1989), XMM-Newton (1999) et INTEGRAL (2002).Désormais, la vision des astrophysiciens s’ouvre surdes milliers de sources témoignant de cet Universviolent où les températures se chiffrent en millions dedegrés. En revanche, du côté du rayonnement infra-rouge, les obstacles ne se laisseront pas vaincre facile-ment : d’abord, l’atmosphère reste un écran à franchiret ensuite, la technologie des détecteurs, issue dudomaine militaire, ne suit pas toujours les besoins des

Première détection des rayons X de haute énergie despulsars : tête de fusée française Véronique portantles détecteurs de rayons X (décembre 1968).

Ensemble de fusée Skylark pour la détection des sources célestes de rayons X (1972).

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Caméra ISOCAM pour l’infrarouge (novembre 1995).

chercheurs. L’implication du CEA vers ce nouveaudomaine résultera d’une circonstance fortuite, à savoirle retard pris par les collaborations internationales surles hautes énergies à la suite d’un double événement :l’accident de la navette américaine Challenger, en 1986,et la disparition de l’ex-URSS, en 1991.

En attendant la grande symphoniedu cosmos… L’Europe décide alors de relever le défi avec son projetde satellite ISO (pour Infrared Space Observatory),conçu pour embarquer la première caméra infrarougedans l’espace. Il faut dire que le satellite astronomiqueaméricain IRAS (pour Infrared Astronomical Satellite),lancé en 1983 pour six mois, n’avait donné qu’unpremier aperçu du ciel infrarouge. Pourtant, aucunlaboratoire européen ne semble en mesure de cons-truire la caméra d’ISO. Seules deux unités du CEA, leSAp et le Laboratoire d’électronique de technologiesde l’information (Leti) peuvent s’engager à fournir lesdétecteurs de l’instrument et assurer leur intégrationdans un ensemble optique complexe pesant moins de10 kg. Sous l’impulsion de Catherine Cesarsky,ISOCAM (la caméra d’ISO) rejoint l’espace, en 1995,pour trois ans. Avec sa batterie de détecteurs semi-conducteurs de seulement 32 x 32 pixels, cette caméraréalisera une mosaïque d’images révélant tout le détaildes nébuleuses de gaz et de poussières où naissent lesétoiles. Elle n’est surpassée aujourd’hui que par lerécent satellite Spitzer.Aujourd’hui, dans le vaste arc-en-ciel de l’invisible, unseul domaine demeure encore inexploré : celui de l’in-frarouge lointain, proche des ondes radio. Pour releverce nouveau défi de l’observation de ce rayonnementde très faible énergie, il faut repousser encore plus loinles limites actuelles de la technologie. La caméra dufutur est équipée de détecteurs spécifiques, appelésbolomètres. Le défi consiste à éviter qu’elle ne se fasseaveugler par son environnement. Pour y parvenir, lesastrophysiciens doivent obtenir leur refroidissementjusqu’à quelques millidegrés au-dessus du zéro absolu. Certaines de ces caméras fonctionnent déjà depuis lesol à partir d’étroites fenêtres atmosphériques laissantpasser une partie de ce rayonnement. Mais la premièregrande exploration se fait désormais depuis l’espacegrâce au satellite Herschel de l’Agence spatiale euro-péenne (ESA) lancé avec succès le 14 mai 2009. À sonbord, il emporte PACS (pour Photoconductor ArrayCamera and Spectrometer), caméra dotée de la plusgrande matrice de bolomètres jamais construite, unsuccès majeur pour le CEA. Comme toutes les vraies

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Rayonnements cosmiques : les datesclés de leur découverte

avancées scientifiques, comme tous les succèstechniques, PACS incite pourtant à la modestiesi l’on compare la taille de cette caméra et ses2 048 éléments d’image, avec celle des grandescaméras astronomiques dédiées à l’observationde la lumière visible dotées, elles, de centaines demillions d’éléments d’image. Dans beaucoup de domaines encore, les « lu -nettes » des chercheurs dépassent à peine cellede Galilée. L’exploration spatiale de l’invisible atoujours dû s’adapter au rythme des innovationstechnologiques : chaque fois, des outils spéci-fiques durent être inventés et surtout portésau-delà de l’atmosphère. Ainsi, petit à petit,la part inconnue de l’Univers se réduit inexo-rablement. Pendant longtemps, les astro-physiciens ont donc été dans la position d’unmélomane qui n’entendrait que le son d’un seulinstrument dans l’interprétation d’un ensemblemusical mais qui, progressivement, élargirait saperception à l’ensemble de l’orchestre. Aujourd’hui,le vœu des scientifiques serait de pouvoir enfin écouterl’ensemble de la grande symphonie du cosmos.

> Jean-Marc Bonnet-Bidaud Service d’astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière (DSM)

Unité mixte de recherche astrophysique interactions multi-échelles

(CEA-Université Paris 7-CNRS).CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

Première chambreà étincelles satellisée :expérience S 133embarquée à bord dusatellite européen TD-1(mars 1972).

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Il ne faut pas se fier aux couleurs que nous donne à voir l’arc-en-ciel car ilne s’agit que d’une infime fraction de la palette des couleurs existantes. Notreœil humain ne peut les percevoir étant uniquement adapté à la lumière denotre étoile, le Soleil. C’est donc grâce aux travaux en laboratoire que d’au-tres rayonnements ont pu être découverts, étape par étape, par les cher-cheurs :• 1800 : Le physicien William Herschel, s’aidant d’un simple prisme et dethermomètres, parvient à démontrer qu’en-deçà « du rouge » existe un autrerayonnement capable de chauffer le thermomètre : l’infrarouge. Il s’agit dela première avancée véritablement significative.• 1800 : Procédant à une expérience similaire, Wilhem Ritter découvre qu’au-delà « du violet » un rayonnement s’avère capable de noircir le papier d’ar-gent : c’est l’ultraviolet.• 1810 à 1864 : James Maxwell unifie l’électricité et le magnétisme, ce qui luipermet d’avancer que la lumière visible n’est que le cas particulier d’unphénomène plus général : les ondes électromagnétiques.• 1895 : Wilhelm Röntgen découvre que les décharges électriques dans lestubes à vide produisent des rayons encore inconnus (qu’il baptise donc rayonsX) capables de traverser le verre.• 1896 : Henri Becquerel découvre la radioactivité naturelle : de l’intérieur desnoyaux d’atomes d’uranium émanent des rayonnements inconnus quiimpressionnent les plaques photographiques.• 1898 : Pierre et Marie Curie découvrent d’autres matériaux « radioactifs »(le polonium, le thorium, le radium), lesquels émettent des rayonnementsbaptisés rayons alpha et bêta (en réalité des particules).• 1900 : Paul Villard découvre un rayonnement radioactif capable de traverserle plomb : le rayonnement gamma.

Pour la plupart, ces rayonnements sont arrêtés à différentes altitudes del’atmosphère. L’astrophysique spatiale permet seule de les capter et donc deles étudier. Aujourd’hui, cette discipline fête tout juste ces 50 ans.

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I. L’ASTROPHYSIQUEET L’EXPLORATIONDE L’UNIVERSQue sont la Lune, le Soleil, les étoiles? Pourquoi se déplacent-ils au coursdu temps? Ont-ils toujours été là? De ces interrogations sont nés les grandsrécits de création et les cosmogonies. Les progrès des moyens d’observation,de l'œil nu aux satellites modernes, en passant par la lunette de Galiléeet les télescopes géants, ont transformé la contemplation en astronomie, puisen astrophysique. La spéculation intellectuelle n’a pas disparu pour autant :l’astrophysique moderne repose sur un constant va-et-vient entre l’observationet l’élaboration de théories explicatives. L’entrée en lice des ordinateursa introduit dans le jeu un troisième élément, l’expérimentation numérique,qui consiste à observer le comportement de modèles informatiques décrivantles objets de l’Univers.Qui voit loin dans l'espace remonte le temps. L’astronomie repose sur ceconstat imposé par le fait que la lumière se propage à une vitesse finie. Il enrésulte que plus les moyens d’observation sont puissants, plus ils révèlentun Univers «jeune», voire primordial. Car l’Univers n’est pas éternel. Il a belet bien une histoire, que les astrophysiciens s’efforcent aujourd’hui de retraceren détail. Selon le scénario communément admis, dit à «big bang», l’Universest en expansion depuis 13,7 milliards d’années. Le fond diffus cosmologiquenous montre que, âgé de 380000 ans, l’Univers était encore très dense, trèschaud et quasiment homogène. À partir des minuscules grumeaux de cette«soupe» primordiale, la gravité a engendré les structures hautementhiérarchisées que nous connaissons aujourd’hui avec ses étoiles regroupéesen galaxies, elles-mêmes assemblées au sein d'amas de galaxies. Ces objetseux-mêmes naissent et meurent, modifiant les conditions de naissance, et doncles caractéristiques, des générations ultérieures.Est-ce à dire que le scénario est désormais écrit? Certes pas. Beaucoup resteà apprendre sur la formation de ces objets et l’origine de leur diversité. De plus,cet approfondissement n’est pas à l’abri de surprises de taille, voire de remisesen cause radicales. Que l’on songe par exemple à la découverte de planètesextrasolaires, détectées depuis 1995 et vues directement pour la première foisen novembre 2008. Ou à l’existence d’une matière noire, supposée dès 1933 ettoujours pas identifiée. Plus mystérieuse encore est l’énergie noire, introduiteen 1998 pour expliquer l’accélération «récente» de l’expansion universelle.Les astrophysiciens comptent beaucoup sur une nouvelle générationd’instruments, qu’ils soient dans l’espace (Fermi, Herschel, Planck,James Webb) ou au sol (ALMA, ELT). Sans oublier le LHC, nouvel accélérateurdu Cern, puisque la physique des particules, science de l’infiniment petit,et l’astrophysique, science de l'infiniment grand, se rejoignent pour comprendreles premiers instants de l'Univers.Restent enfin les questions fondamentales de la forme et de la finitude del’Univers. Étonnamment, ces interrogations essentielles pourraient recevoirdes réponses avant que les «détails» fins de l’histoire des objets soient élucidés.

Le nuage de Rho Ophiuchi, un des nuages sombres de la Galaxiesitué dans la constellation d’Ophiuchus à une distance de400 années-lumière du Soleil, vu en infrarouge par le satelliteSpitzer. Ce nuage abrite le plus proche exemple connu d’un amasd’étoiles de type solaire en gestation.

NASA/JPL-Caltech/Harvard-Smithsonian CfA

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Source de la vie surTerre, longtemps

divinisé, le Soleil estdevenu ces dernières

années un véritablelaboratoire de physique.

Les scientifiquesl’auscultent pour mieuxcomprendre l’évolutiondes étoiles, mais aussi

le comportementdes plasmas denses.

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L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

Bien qu'elles nous paraissent éternelles, les étoiles naissent, vivent et meurent.Dès sa naissance dans les nuages moléculaires interstellaires, la masse du nouvel astredétermine son destin : durée de vie, couleur et devenir final. Durant leur vie « adulte », les étoilesse comportent comme d'immenses réacteurs thermonucléaires « brûlant » de l'hydrogène poursynthétiser des éléments chimiques plus lourds, jusqu'au fer pour les plus massives. Objetsen rotation, sièges de courants de convection, arborant pour la plupart une intense activitémagnétique, les étoiles mènent une existence agitée. Les étoiles moyennes et petites finissentleur vie comme des naines blanches. Les plus grosses s’effondrent en une gigantesquedébauche d’énergie, produisant des supernovae avant de se transformer en étoiles à neutronsou en trous noirs. Ces explosions disséminent leurs couches extérieures. Paradoxalement, c’estdonc lors de leur mort que les étoiles fécondent l’espace interstellaire en éléments nouveaux.Comprendre le scénario de leur naissance et l'origine de leur masse, c'est donc approcherl'origine de la composition de l'Univers.

Les étoilesensemencent l’Univers

Le Soleil est sans doute une étoile « banale ». Sa proximité lui confère cependantun statut particulier : celui de laboratoire de physique stellaire et de plasmas denses.Il est maintenant étudié comme une étoile magnétique en interaction avec la Terre.

Les enseignements du Soleil

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Page 12: Dans les secrets de l'Univers

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CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 11

I l y a un siècle, personne ne savait ce qu’était uneétoile. Étant donné ce qu’ils connaissaient de la

masse et de la composition du Soleil, les scienti-fiques pensaient que sa température interne atteignait 15 millions de degrés, et sa densité plusde cent fois celle du solide. Des conditions totale-ment inaccessibles sur Terre. Toutefois la thermo-dynamique des gaz et la gravité conduisaient à unedurée de vie de quelques millions d’années seule-ment pour notre étoile, contre quelques milliardsd’années pour la Terre ! Ce n’est qu’avec l’avène-ment de la physique nucléaire – qui s’intéresse auxnoyaux des atomes, à leurs constituants et leursinteractions – qu’a été découverte la sourced’énergie interne qui compense l’effet inévitable dela gravité.

Le Soleil et l’atome Très vite, ce domaine fascinant a fait progressernotre compréhension des étoiles. Les réactionsnucléaires, qui transforment des noyaux légers ennoyaux plus lourds, constituent donc la sourced’énergie manquante. En ce qui concerne le Soleil,il s’agit essentiellement de la fusion de noyaux d’hydrogène (le plus simple de tous les noyauxpuisqu’il ne com prend qu’un proton) pour donnerde l'hélium (le plus petit des autres : deux protonset deux neutrons). Le premier à relier ce monde del’infiniment petit à celui de l’infini grand, en 1920,fut l’astrophysicien anglais Arthur Eddington. En1929, les physiciens britannique Robert d’EscourtAtkinson et allemand Friedrich Houtermanpublient un article conjoint, expliquant qu’auxtempératures régnant au centre des étoiles, lesatomes sont généralement dépouillés de tous leursélectrons, et donc chargés positivement. Il se formealors un plasma, sorte de « soupe » constituéed’ions positifs et d’électrons libres négatifs. Latempérature, donc l’agitation, y est telle que deuxcharges électriques de même signe, au lieu de serepousser comme dans le monde ordinaire, peuventsurmonter la barrière coulombienne pour inter-agir. À la même époque, George Gamow, un physi-cien d’origine ukrainienne, montre que cetteinteraction requiert une énergie supérieure àl’énergie thermique. C’est pourquoi seul un petitnombre de protons est concerné. En effet, enmoyenne, une seule réaction/cm3 a lieu chaqueannée, par 40 milliards de protons présents danscette surface. Cette « rareté » explique la longévitéde l’astre. Il faut en effet environ 10 milliards d’an-nées pour transformer près de la moitié de la massedu Soleil d’hydrogène en hélium. Autre enseigne-ment essentiel : cette interaction, dite faible, remeten cause l’idée que le proton et le neutron sont desparticules fondamentales puisque l’un se trans-forme en l’autre. Elle nécessite l’intervention d’unenouvelle particule imaginée par l’AutrichienWolfgang Pauli en 1930, le neutrino, dont la massen’est toujours pas connue.Après cette phase de transformation d’hydrogèneen hélium, le cœur du Soleil va se contracter et satempérature centrale augmenter. Elle sera alors suffi-sante pour que les noyaux d’hélium surmontent labarrière coulombienne (2,5 fois plus forte que dansle cas de l’hydrogène) et interagissent à leur tour.

De la théorie à l’expériencePendant longtemps, ces résultats sont restés pure-ment théoriques car impossibles à tester au labora-toire. Il fallait donc les confronter à la réalité en« sondant » le Soleil lui-même. C’est devenupossible très récemment, avec le lancement en 1995du satellite SoHO (Solar and HeliosphericObservatory), placé au point de Lagrange L1. Ilemporte une douzaine d’instruments, dont GOLF(Global Oscillations at Low Frequencies) et MDI(Michelson Doppler Imager), deux appareils demesures héliosismiques – ils observent la propa-gation des ondes acoustiques au sein de l’astre, les« tremblements de Soleil » en quelque sorte. Leursdonnées, confrontées au CEA avec des modèlesnumériques de l’étoile, ont confirmé des prévisionscomme la distribution maxwellienne(1) des vitessesdes particules. Elles ont également permis de déter-miner avec une précision de 1 % la probabilité d’interaction entre deux protons. Cette valeur étaitjusque-là estimée théoriquement, en s’appuyant surla durée de vie du neutron.

George Gamow, connu pour sa participation à la théoriedu big bang, a joué un rôle crucial dans la compréhensiondes réactions nucléaires intervenant dans les étoiles. Il a démontré qu’à cause de la répulsion coulombienne,elles ne peuvent avoir lieu que si les vitesses relativesdes réactants sont très élevées. Ainsi la réaction proton-proton, base de la transformation d'hydrogène en hélium(4 p + 2 e- 4He + 2 νe + 27 MeV), se produit-elle à 5 keV etnon pas à 1,3 keV (correspondant aux 15 millions de degrésrégnant au cœur du Soleil). C’est pourquoi elles sont plusrares que prévu, ce qui explique la longévité du Soleil.

(1) Distribution maxwellienne : les particules n’ont pas toutesla même vitesse mais des vitesses réparties aléatoirement autourd’une moyenne.

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L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

Les mesures sismiques confirment également deshypothèses générales sur l’évolution des étoiles. Eneffet les équations qui régissent cette évolution(équilibre hydrostatique, transfert d’énergie parrayonnement ou convection, conservation de lamasse, évolution temporelle des abondances(2)… )

permettent de calculer le profil actuel de la vitessedu son dans le Soleil et de le comparer à ce qui estextrait de la mesure des nombreux modes acous-tiques (figure 1). En introduisant les résultats desmesures sismiques réelles dans ces modèles numé-riques, les chercheurs prédisent le flux de neutrinosémis par les réactions nucléaires(3). Or des installa-tions de détection des neutrinos solaires mesurentce flux au Japon, au Canada, en Italie et en Russie.L’accord remarquable entre l’héliosismologie et ladétection des neutrinos, après 30 ans de recherche,souligne la complémentarité de ces deux disciplines.Les processus régissant les grandes étapes de l’évo-lution des étoiles de masse comparable au Soleilsemblent donc aujourd’hui bien compris.

Dépasser le cadre classiqueDe nombreuses questions restent cependant sansréponse. Par exemple, des mesures récentes de lacomposition solaire conduisent à des désaccords trèsimportants entre le modèle classique du Soleil etcelui déduit des observations sismiques (figure 1).Des expériences en laboratoire devraient permettrede tester le rôle d’un deuxième ingrédient fonda-mental de l’évolution stellaire : le transport d’énergiepar les photons. D’autre part, les phénomènescomme les taches, protubérances, courants, ouéruptions solaires ne sont pas décrits dans le cadreconceptuel classique de l’évolution des étoiles.L’origine de cette activité solaire reste mystérieuse,et il est impossible de prédire exactement la duréeet l’amplitude des cycles d’activité. Les équationsclassiques de l’évolution stellaire négligent en effetdes faits essentiels : les étoiles tournent, éjectentde la matière et sont en général actives (voir Du Soleil aux étoiles, p. 16). Cette « impasse » est

(2) Les proportions relatives des différents éléments.

(3) Il s’agit des réactions proton-proton (dites pp) et du cycle CNO (carbone-azote-oxygène).

(4) D’après l’astronome américain George Ellery Hale (1868-1938).

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interne ?modes p

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Figure 2.Vision dynamique de l’intérieur solaire montrant les deux zones classiques : en rougela région radiative et en jaune la région où le transport d’énergie est dominé parla convection. Se surimposent des circulations méridiennes, des ondes acoustiques (modes p) et des ondes internes, ainsi que des champs magnétiques avec descomposantes poloïdales et toroïdales.

Figure 1.À gauche, différence radiale du carré de la vitesse du son (c) extraite des modes acoustiques détectés parles instruments GOLF et MDI, et celle obtenue avec un modèle sismique du Soleil (en vert) ou avec un modèle classique basé sur les abondances solaires déterminées par les raies d’absorption dans la photosphère (en orange, deux valeurs de composition sont ici montrées). À droite, différence obtenue pour la densité du plasma (�) qui varie entre 150 g/cm3

au cœur et 10-7 g/cm3 dans l’atmosphère solaire.

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CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 13

d’ailleurs justifiée car la rotation ou le champmagnétique interne n’ont qu’un faible impact sur lastructure interne… que veulent précisément décrireces équations.Pour dépasser ce cadre conceptuel et aller vers unevision complète et unifiée du Soleil, il faudra làencore exploiter les mesures de SoHO, qui observetoutes les manifestations de la dynamique solaire,qu’elles soient internes ou externes (figure 2). Enutilisant les raies d’absorption du fer et de l’héliumdans l’atmosphère solaire, le satellite explore destempératures très différentes allant de quelquesdizaines de milliers de degrés à plusieurs millionsde degrés entre la photosphère et la couronne(figure 3). La longévité de ce satellite permet de

suivre l’évolution de tous les indicateurs au cours ducycle d’activité solaire. D’une durée d’environ onzeans, ce cycle dit de Hale(4) est connu depuis Galilée.Il est caractérisé par la migration des taches solairesd’une latitude de 60° vers l’équateur. Lorsque lechamp magnétique dipolaire s’inverse, le nombrede taches s’amenuise ou disparaît, puis un deuxièmecycle s’amorce. Le retour aux polarités initialesdemande environ 22 ans.

Un astre bien agitéLes astrophysiciens du CEA veulent aujourd’huicomprendre la ou les sources internes d’activité duSoleil, pour mieux en apprécier la variabilité. Eneffet un Soleil très actif éjecte des particules qui

Figure 3.Le satellite SoHO a observéle Soleil à plusieurs hauteursde l’atmosphère (en haut à 60 000 - 80 000 K et, en bas, à 2 000 000 K) entrela photosphère (la surface visible de l’astre) et la couronne.Ceci permet de suivre l’évolutionde son magnétisme entre deuxminima (1996-2006). Clairement, les variations duchamp magnétique prennent deplus en plus d’importance avecl’éloignement de la photosphère.So

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L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

Sonder l'intérieur des étoiles

Jusqu'à la deuxième moitié du 20e siècle,les astronomes ne disposaient d'aucunedonnée expérimentale provenant directe-ment de l'intérieur des étoiles. Ils devaientse contenter de paramètres globaux ou desurface : rayon, masse, luminosité, spec-tre électromagnétique… La détection desneutrinos solaires, porteurs d'une infor-mation sur les conditions thermodyna-miques régnant au centre du Soleil, arepoussé quelque peu ces limites. Lesastrophysiciens restaient cependant surleur faim : comment « pénétrer » à l'inté-

rieur du Soleil – et des étoiles – pourconnaître les phénomènes physiques sedéroulant à toutes les profondeurs ?Une nouvelle approche expérimentale,l'astérosismologie, a apporté une réponse.Elle s'inspire de la sismologie terrestre,qui analyse la propagation souterraine desondes acoustiques générées par les trem-blements de terre ou des explosionscontrôlées. De la même manière, l'astéro-sismologie – dite héliosismologie lors-qu'elle s'applique au Soleil – étudie lapropagation d'ondes acoustiques ou degravité (figure 1) à l'intérieur des étoiles,pour en déduire une information sur leurstructure et leur dynamique internes.Contrairement à la Terre, le Soleil – ainsiqu'une multitude d'étoiles du mêmetype – « vibre » en permanence sous l'effetdes mouvements convectifs de la régionextérieure. Ces mouvements, similaires àceux observés dans de l'eau qui bout dansune casserole chauffée par le fond,évacuent l'énorme quantité d'énergiecréée par les réactions centrales de fusionthermonucléaire.

La musique du SoleilLes cellules convectives(1) frappent la surfacedu Soleil et engendrent des ondes sonoresqui se propagent ensuite à l'intérieur del'étoile, de la même manière que des chocssur la peau d'un tambour créent des ondesdans l'instrument. Le Soleil joue donc le rôled'une énorme caisse de résonance (figure 2).

modesde gravité

bruit de fondinstrumental

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CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200914

(1) Une cellule convective correspond à une« bulle » de matière chaude (moins dense)qui monte, puis se refroidit et donc redescend,pour se réchauffer et remonter.

(2) Une octave correspond à un doublementde fréquence.

Vue d'artiste de l'intérieur du Soleil montrantles trajectoires des modes de gravité pendantleur propagation dans la zone radiative, partiela plus interne du Soleil (70 % en rayon).

Figure 1. Densité de puissance spectrale du Soleil,obtenue à partir du déplacement Dopplermesuré par GOLF (en noir) et du bruit de fondinstrumental (en rouge). Pour les ondesacoustiques (fréquence supérieure à 5.10-4 Hz), le spectre solaire présenteun maximum autour de 3.10-3 Hz. La fortepuissance vers les fréquences basses provientdes turbulences associées essentiellementaux mouvements granulaires (GR),supergranulaires (SGR) et au passagedes régions actives (RA).

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s’échappent de la couronne solaire. Ces flux departicules réguliers ou épisodiques – pour lesphénomènes les plus violents – arrivent jusqu’àla magnétosphère qui protège notre planète.Toutefois, une partie de ces particules contournela Terre et pénètre les hautes couches atmosphé-riques par les pôles, donnant naissance aux auroresboréales. Ce phénomène entraîne parfois desperturbations atmosphériques, et soumet les pilotesou les astronautes à des flux conséquents de parti-cules. Il a donc été décidé de suivre ces événementsde leur création, au niveau de la couronne solaire,à leur arrivée dans l’environnement de la Terre.Selon l’énergie de ces particules, ce trajet durequelques jours.En fait, le cycle de Hale n’est pas très régulier. SoHOa clairement montré que les phénomènes dyna-miques internes du Soleil déterminent son activité.Un ensemble de processus magnétiques et méca-niques interfèrent de manière complexe. Le phéno-mène de dynamo – la création d’un champmagnétique par la circulation de particules électri-quement chargées – régénère cette activité etimplique l’ensemble de la région convective.

Une aurore boréale. Ce phénomène est dû à la pénétration dans la haute atmosphèreterrestre d’un flux de particules en provenance du Soleil.

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Dans tout instrument de musique, le sonproduit est d'autant plus grave que la caissede résonance est de dimensions impor-tantes : que l'on songe à une contrebasse etun violon, par exemple. Le Soleil ayant unvolume un million trois cent mille fois supé-rieur à celui de la Terre, on comprendinstinctivement que ses ondes acoustiquesauront des fréquences très basses. Et de fait,le Soleil produit des ondes sonores décaléesde 17 octaves(2) par rapport au « La naturel »,qui vibre à 440 Hz. La fréquence des ondessolaires est centrée autour de 0,003 Hz, cequi correspond à une période de cinqminutes.Bien que récente, l'héliosismologie a déjàapporté une ample moisson de connais-sances sur la globalité de notre étoile :profondeur de la base de la zone convec-tive, abondance de l'hélium en surface,profil de densité, profil de rotation interne,diffusion des éléments… (voir Les ensei-gnements du Soleil, p. 10 et Voyage dansles lumières de l'Univers, p. 90). Actuel-lement se développe une sismologielocale, qui s'intéresse aux phénomènesdynamiques de « courte » durée dansdes régions proches de la surface. Leschamps de vitesse et de température duplasma solaire sous la surface révèlent,par exemple, la structure sous-jacentedes taches solaires. Avec le lancementdu satellite franco-européen CoRoT(Convection, Rotation et Transits plané-taires – Cnes, ESA), le 27 décembre 2006,

l'astérosismologie est en plein essor.CoRoT a déjà observé des centainesd'étoiles de types spectraux bien diffé-rents, à divers stades de leur évolution.Autant de données qui affineront la théoriede l'évolution dynamique des étoiles (voirL'origine des éléments lourds, p. 22).

> Rafael A. GarcíaService d'astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)

Direction des sciences de la matière (DSM)Unité mixte de recherche astrophysique

interactions multi-échelles (CEA-Université Paris 7-CNRS)

CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

Figure 2. Diagramme de Hertzsprung-Russell, montrant la relation entre la température effectiveet la luminosité des étoiles, où sont indiquées les principales familles d'étoiles pulsantes dansles bandes d'instabilité. Les lignes continues correspondent à des chemins d'évolution pourdes étoiles de différentes masses solaires (1, 4 et 20 masses solaires de bas en haut). Sontégalement représentées les étoiles dans la séquence principale d'âge zéro (– – – –), les étoiles dansla branche horizontale (–...–...) et la séquence de refroidissement des naines blanches ( .......).

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CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 15

• β Cep : étoiles variablesde type Beta Cephei• SPB : étoiles faiblementvariables de type B• RR Lyr : étoiles variablesde type RR Lyrae• δ Sct : étoiles variablesde type delta Scuti• γ Dor : étoiles variablesde type gamma Doradus• roAp : étoiles de type Ap (chimiquement particulières)rapidement variables• Ceph : céphéides classiques• Mira : étoiles variablesde type Mira• SR : variables semi-régulières• sdBV : étoiles sous-nainesvariables• GW Vir : étoiles de type GWVirginis• DBV : naines blanches variables de type spectral DB• DAV : naines blanches variables de type spectral DA

POUR EN SAVOIR PLUSClefs CEA, N° 49, Printemps 2004, Le Soleil et la Terre.S. TURCK-CHIÈZE, R. A. GARCÍA, S. COUVIDAT et al., Astrophysical Journal, vol. 604,p. 455, 2004.R. A. GARCÍA, S. TURCK-CHIÈZE, S. J. JIMENEZ-REYES et al., Science, numéro 316,p. 1537, 2007.A. S. BRUN et L. JOUVE, IAU Symposium 247, p. 33, 2008.

La zone de transition entre les régions radiative etconvective joue aussi un rôle important. C’est eneffet une zone très turbulente, siège de cisaillementstransverses. Cette zone stocke et amplifie la compo-sante toroïdale du champ magnétique solaire. Cedernier crée ainsi des boucles dont certaines s’élè-vent jusqu’à la surface, alors que d’autres contri-buent à reformer le champ poloïdal. Par ailleurs lazone équatoriale tourne plus vite que les pôles – ladifférence, d’environ 30 %, est visible à la surface del’astre. Cette différence de rotation se propage danstoute l’épaisseur de la région convective, et contribueà la composante toroïdale du champ magnétique. Larégion radiative, elle, semble tourner quasiment defaçon rigide : elle tourne « en bloc ». Son profil derotation est de mieux en mieux établi. Par contre lespremières observations des modes de gravitésemblent montrer que le cœur nucléaire de l’étoiletourne plus vite ! Ceci pourrait représenter unvestige de la formation du système solaire. En effet,le jeune Soleil tournait sans doute très vite lorsqu’ils’est découplé du disque gazeux (reste de la nébu-leuse initiale) qui l’entourait. Au cours de cettephase, le Soleil a pu être très actif et un fort champ

magnétique s’est alors créé dans la région radiative. Or sadiffusion est très lente : quelques milliards d’années. Cechamp fossile ainsi que les ondes internes générées par laconvection peuvent influencer le magnétisme sur destemps plus longs que le cycle de 11 ans. Cette histoire del’interaction magnétique du Soleil avec la Terre resteencore à écrire.

> Sylvaine Turck-ChièzeService d'astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière (DSM)

Unité mixte de recherche astrophysique interactions multi-échelles (CEA-Université Paris 7-CNRS)

CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

Page 17: Dans les secrets de l'Univers

Du Soleil aux étoiles

Le Soleil est une étoile parmi des centainesde milliards d’autres dans la Voie lactée. Lenombre d'étoiles de type solaire (type spec-tral G) est évalué à trois milliards, dont unmilliard du sous-type G2V, qui est précisé-ment celui du Soleil, situées sur la séquenceprincipale du diagramme de Hertzsprung-Russell. La température de surface de cesastres est comprise entre 5 700 et 5 800 K.La population stellaire est en fait trèsdiverse, et chaque type d’étoile est dotéd'une structure interne et de propriétésdynamiques propres. Les astres massifs(plus de deux fois la masse solaire) ont uncœur nucléaire convectif et une envelopperadiative. Les étoiles de type solaire possè-dent au contraire une enveloppe convectiveturbulente et un intérieur radiatif. Enfin lesétoiles de faible masse se caractérisent pardes zones convectives très profondes, quipeuvent même représenter la totalité del’astre (figure 1 gauche). Il en résulte descomportements dynamiques, des régimesde rotations et des caractéristiques magné-tiques fort différents.

À chaque étoile son activitéDepuis la fin des années 1970, la rotationet le magnétisme de plusieurs centainesd’étoiles ont été étudiés. Il en ressort queles astres pourvus d'une zone convectiveexterne – à l’instar du Soleil – sont magnéti-quement actifs et possèdent en général une

couronne chaude émettant des rayons X, cequi est un bon indicateur d’activité (figure 1droite). Le champ magnétique des étoilesde type solaire présente souvent des varia-tions cycliques, d’une période allant de 7 à25 ans (le demi-cycle du Soleil dure 11 ans).Il existe une corrélation entre le taux de rota-tion et l’activité, les étoiles tournant rapide-ment étant souvent très actives, avec unchamp magnétique principalement hori-zontal (toroïdal). Cette activité atteint unplateau pour les très forts taux de rotation,à des vitesses de 35 km/s, 10 km/s et 3 km/s,respectivement, pour les étoiles de type G (le

Figure 1. À gauche, distribution spatiale et en masse des zones convectives en fonction de la masse de l’étoile(cœur convectif pour les massives, enveloppe pour les petites masses). La transition entre uneconvection principalement à la surface ou dans le centre des étoiles se situe vers 1,3 masse solaire.À droite, taux de détection en rayonnement X d’une activité magnétique dans les étoiles. Une quasi-absence de rayonnement, donc de champ, est observée pour les étoiles de type A et B possédant uncœur convectif. Il convient de noter que l'orientation sur l'abscisse va des naines aux massives (type Mjusqu'à O) dans le schéma de gauche et inversement, ce qui est plus classique, dans le schéma de droite.

Figure 2. Simulations numériques tridimensionnelles de la magnétohydrodynamique de divers typesd'étoiles repérées sur le diagramme de Hertzsprung-Russell, effectuées dans le cadre du projeteuropéen STARS2 (www.stars2.eu). RGB signifie branche des géantes rouges.

J. S

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Soleil tourne à 2 km/s), K et M. Le méca-nisme de dynamo explique cette corrélationentre rotation et champ magnétique. Cedernier dépend en effet des écoulements(courants, cisaillements, turbulences) qui seproduisent dans la zone convective. Dessimulations numériques effectuées au CEAont mis en évidence les processus physiquesà l’origine de l'effet dynamo et de ces écou-lements à grande échelle, ainsi que la varia-tion de ces processus physiques en fonctiondu taux de rotation de l’étoile (figure 2).En revanche, l’immense majorité (90 %) desétoiles massives ne possède pas de champmagnétique ni de couronne chaude. Lesétoiles de type A et B, en particulier, ont uneactivité très faible (figure 1 droite). Toutefois,lorsqu’elles sont dotées d'un champ magné-tique, celui-ci est souvent très intense(plusieurs milliers de gauss), et sembleoblique par rapport à l’axe de rotation. Ils’agit probablement d’un champ fossiledatant de la formation de l’étoile, car letemps de diffusion ohmique des champsmagnétiques stellaires est très long. Lecœur convectif de ces astres constituecertes une dynamo très efficace pouvantcréer un champ de plusieurs millions degauss, comme l’ont montré des simulationsnumériques (figure 2), mais ces champsn’émergent pas, arrêtés par l’envelopperadiative très étendue.

> Allan Sacha BrunService d'astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentalesde l’Univers (Irfu)

Direction des sciences de la matière (DSM)Unité mixte de recherche astrophysique

interactions multi-échelles (CEA-Université Paris 7-CNRS)

CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

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0,0-0,2 0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,21,0

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07

L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200916

Cathedras imputat satisbellus chirographi, quodAugustus comitercorrumperet tremulussaburre, quamquamsaetosus zothecasdeciperet vix lasciviusumbraculi. Octaviusceleriter suffragarit satisadfabilis saburre.Chirographi spinosusinsectat adlaudabilisoratori, ut gulosus.

température de surface (K)

étoiles massives

Soleil

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séquence principale

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nité

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101

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étoiles évoluées (RGB)

naines blanches

augmentation de la température diminution de la température

Page 18: Dans les secrets de l'Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 17

Amas d’étoiles NGC 265dans le Petit Nuage deMagellan, une galaxieproche de la nôtre. Les étoiles ne naissentpas isolées mais engroupes au sein d’ungrand nuage de poussièreet de gaz. La lumièredes amas d’étoiles estgénéralement dominéepar les étoiles massivesbleues, extrêmementlumineuses, mais ayantune vie courte. L’âged’un amas peut alors êtreestimé en recensantsa population d’étoilesbleues, jaunes ou rouges.ES

A-N

ASA

À notre échelle, les étoiles paraissent inaccessibleset éternelles. Et pourtant elles naissent, vivent et

meurent. Chacune des centaines de milliards d'étoilesqui composent une galaxie est en effet une « simple »boule de gaz – principalement de l’hydrogène – où seproduisent et s’entretiennent des réactions de fusionthermonucléaire, accompagnées d’un dégagement dechaleur et de lumière. Plus une étoile est grosse oumassive, plus elle a de combustible, donc plus ellebrille, plus elle fabrique des éléments lourds commede l’oxygène, du carbone ou du fer… et plus vite elleépuise ses réserves (voir L'origine des éléments lourds,p. 22). Les plus massives – de 10 à 100 fois la massedu Soleil – sont très chaudes (de 10 000 à 30 000 K ensurface) et émettent essentiellement des ultraviolets.Elles nous apparaissent bleues et disparaissent aprèsquelques dizaines de millions d’années. À l’opposé, lespetites étoiles brillent peu, nous apparaissent rougeset mènent une vie tranquille. Ne dispersant que très

peu d’énergie dans l’espace puisque leur températurene dépasse pas les 1 300 K en surface, elles peuventexister durant des milliards d’années. Le Soleil, étoilemoyenne s’il en est, devrait vivre environ 10 milliardsd’années. Le lecteur l’a compris : c’est la masse d’uneétoile qui dicte son destin. Elle détermine sa durée devie, son intensité lumineuse ou sa capacité à créer deséléments lourds. Elle préside aussi à sa mort, parexemple sous forme de supernova, et donc à l’impactde cette disparition sur l’écologie galactique (dispersionde matière recyclable dans le milieu interstellaire).

La naissance des étoilesLe destin d’une étoile serait ainsi scellé dès sanaissance. Or cet épisode est encore mal connu.Comment le milieu interstellaire, ce gaz raréfiécontenant quelques centaines d’atomes et molé-cules par litre, peut-il engendrer des objets aussimassifs ? Comment certaines parties d’un nuage

Toute la vie d’une étoile est déterminée par sa masse. C’est pourquoiles astrophysiciens s’intéressent maintenant aux moments de la naissancedes astres, recherchant ce qui définit leur masse. De nouveaux instrumentsd’observation, comme le télescope spatial Herschel, vont participer à cetteétude démographique.

Voyage dans les nurseries stellaires

Page 19: Dans les secrets de l'Univers

L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200918

Région de formationd’étoiles N11B du Grand

Nuage de Magellan,observée par le télescope

spatial Hubble. Les étoilesnaissent dans les zones

noires et opaques desnuages moléculaires.

Cette image montre unamas d'étoiles dans

le milieu interstellaire et de nouvelles étoiles dontla lumière s'échappe des

fragments rougeâtreset noirâtres du nuage. N

ASA

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The

Hub

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)

moléculaire se transforment-elles en véritables« populations » d’étoiles ? Quelles sont les grandesétapes de la gestation des étoiles ? Pourquoi les petitesétoiles comme les naines rouges et les étoiles de typesolaire sont-elles toujours plus nombreuses que lesétoiles massives dans une population donnée ?Les étoiles ne naissent pas dans le milieu interstellaireà proprement parler. Les « pouponnières d’étoiles »sont en fait d’immenses – de l’ordre d’une centained’années-lumière de diamètre – nuages moléculairescontenant de l’alcool, de l’ammoniaque, de l’eau, dumonoxyde de carbone et surtout de l’hydrogène sousforme moléculaire (H2). Comprenant en moyennemille molécules par cm3 (un dé à coudre), soit unmillion par litre, ces nuages sont beaucoup plusdenses que le milieu environnant(1). Malgré unnombre limité de molécules par unité de volume, leréservoir de matière est en fait très important sur cesimmenses volumes. Là se forment des milliersd’étoiles, souvent en « amas », qui sont des ensemblesd’astres nés dans la même région et liés par gravita-tion. Les observateurs du ciel nocturne connaissentpar exemple l’amas des Pléiades, situé dans la cons-tellation du Taureau.

Histoire en trois épisodesLa mutation d’un nuage moléculaire en un amasd'étoiles se déroule en trois grandes phases. Durantla première, dite « préstellaire », le nuage initial sefragmente en morceaux sous l’influence de mouve-ments turbulents à grande échelle. Les fragments secondensent ensuite sous l’effet de leur propre gravité.La pression interne du gaz, d’origine thermique,

turbulente et magnétique, ralentit toutefois cettecontraction, et maintient tout d’abord un certainéquilibre. À un certain point, pour des raisons encoremal comprises, l’équilibre se rompt soudain etchaque fragment de nuage préstellaire s’effondrerapidement sur lui-même sous l’action de son proprepoids. Les astrophysiciens ne savent pas encore si ceteffondrement résulte de forces extérieures ou de ladissipation des résistances internes (turbulences oumagnétisme). Quoi qu’il en soit, un noyau central detaille et de densité stellaires se forme alors. Celamarque le début de la deuxième phase, dite « proto-stellaire » puisque ce noyau constitue l’embryon dela future étoile. Il grossit alors en dévorant unegrande partie de la matière (gaz, poussière) du nuagecondensé qui l'enveloppe. Lorsque toute cettematière est consommée, la phase proto-stellaires’achève. L’étoile entre dans la troisième phase de sanaissance, dite « pré-séquence principale », en secontractant sous l’effet de son propre poids. Satempérature interne augmente jusqu’à amorcer lesréactions nucléaires de fusion de l'hydrogène enhélium. Une étoile de la séquence principale,comme notre Soleil, est née (figure 1). Si ce scénarioen trois phases est relativement bien établi pour lesétoiles de taille moyenne, la formation des astres demasse beaucoup plus petite, ou beaucoup plusgrande, reste un sujet de débat. Les astrophysiciensne savent pas encore s’ils se forment à partir decondensations préstellaires individuelles.

(1) Une densité toute relative cependant puisque, sur Terre,elle correspond au vide créé en laboratoire !

Figure 1.Des considérations

théoriques et desobservations indiquent quele processus de fabricationd’une étoile de type solaire

comprend au moins troisphases distinctes : la phase

préstellaire (à gauche),la phase proto-stellaire

(au milieu) et la phase pré-séquence principale

(à droite). 1 ua (unitéastronomique) =

150 millions de km. D’a

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3 000 000 à 50 000 000

d’années100 ua

Page 20: Dans les secrets de l'Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 19

Figure 2. À gauche, image des condensations préstellaires au sein de NGC 2068, une région de formation d’étoiles dans la constellation d’Orion. Les observations ont étéréalisées avec la caméra de bolomètres SCUBA – installée sur le James Clerk Maxwell Telescope situé à Hawaii – aux longueurs d’onde submillimétriquesà 850 microns. Chaque fragment pourrait donner naissance à une ou deux étoiles. 1 parsec (pc) = 206 265 ua.À droite, nombre de condensations préstellaires en fonction de leur masse. La distribution de masse des condensations (en bleu) reproduit globalementla forme de la fonction de masse initiale estimée aujourd’hui pour les étoiles de notre Galaxie (en noir) avec un décalage d’un facteur ε 25 % vers les grandesmasses. Cela signifie que toute la masse contenue dans une condensation n’est pas totalement transformée en masse stellaire. Ce résultat suggère queles masses des étoiles de type solaire sont déterminées principalement par le processus de fragmentation du nuage moléculaire au stade préstellaire.

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La nébuleuse NGC 3603 observée par le télescope spatial Hubble. Un amas de jeunes étoilesmassives (en bleu) brille dans l’ultraviolet à 20 000 années-lumière. Il s’est extrait du nuagevoisin de gaz moléculaire et de poussière.

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ASA

L’inné et l’acquisLa très grande majorité des étoiles naissent en grandesfratries, les amas. Les observations d’amas jeunesmontrent que les astres massifs (8 fois ou plus la massesolaire) y sont minoritaires. Il en va de même pourles étoiles très petites (un dixième de la masse solaire oumoins). La majorité des étoiles nouveau-nées ont doncune masse de l’ordre de celle du Soleil.Cette répartitiondes masses au sein d’un amas, que les astrophysiciensappellent « fonction de masse initiale », est-elle univer-selle ? Autrement dit, les populations d’étoiles ont-elles toutes la même composition, où qu’on les observedans l’Univers ? La question est aujourd’hui posée.Une autre grande question, portant sur les étoiles,taraude les scientifiques. Quand et comment sedétermine la masse d’un astre particulier au seind’un amas ? Pour y répondre, les astrophysiciens duCEA mènent une véritable étude démographiquedes populations d’étoiles, de la gestation à la nais-sance. Ils testent par les observations deux modèles,reposant sur des calculs analytiques et des simula-tions numériques, pour expliquer la répartition desmasses dans un amas. Dans le premier, la masse dechaque étoile est innée. Les nuages moléculaires sefragmentent en un certain nombre de condensationspréstellaires qui se libèrent de leur environnementturbulent. Elles s’effondrent sur elles-mêmes pourdonner chacune naissance à une proto-étoile. Lamasse de chaque étoile formée dépend donc direc-tement de celle de la condensation préstellaire qui l'aengendrée. Dans ce cas, la répartition des masses stel-laires dans la population résulte du processus de frag-mentation du nuage au stade préstellaire. La massedes étoiles est donc déterminée avant l’effondrementdes condensations individuelles (figure 2).Dans le deuxième modèle, la masse de l’étoile estacquise, et quasiment indépendante de celle du cœurpréstellaire initial produit par fragmentation. Chaqueproto-étoile issue d’une condensation préstellaire sedéplace à l’intérieur du nuage parent et accumule

progressivement de la masse en « balayant » et en atti-rant une plus ou moins grande quantité de la matièrequ’elle traverse. Or plus une étoile est grosse, plus elleattire de matière au détriment des plus petits objets.Dans ces conditions, des objets de tailles initialementcomparables – bien que pas strictement identiques –vont peu à peu se différencier. Les astronomes appel-lent ce phénomène l’accrétion compétitive. Dans cemodèle, la répartition des individus en fonction de leurmasse n’est déterminée qu’après le stade préstellaire,c’est-à-dire après l’effondrement des condensations enproto-étoiles.

Page 21: Dans les secrets de l'Univers

Observer les étoiles naissantesPour trancher entre ces deux scénarios, et introduireles bonnes conditions initiales dans les simulationsnumériques, la meilleure façon reste d’observerdirectement des populations d’étoiles en phaseprécoce. Les astronomes recherchent donc des objetsintermédiaires représentant toutes les étapes de laséquence allant du nuage moléculaire aux très jeunesétoiles, et ce pour tous les types de masse. Ils réali-sent l’étude quantitative de ces populations en déter-minant leurs caractéristiques comme la luminosité,la température, la densité et la masse des cocons.Toutes données qui nourriront les modèles desastrophysiciens (encadré). Cependant les condensa-tions préstellaires et les plus jeunes proto-étoiles

Figure.a. Le gaz froid et les cocons des embryons d’étoiles sont des zonestotalement opaques, apparaissant comme des régions très sombres dansla Voie lactée. L’observation de l’émission du monoxyde de carbone (CO)montre que ces bandes sombres sont les plus denses en gaz (contourblanc traçant la distribution de rayonnement émis par le CO).

b. Pour « percer » ces condensations préstellaires, les astronomesréalisent des observations en infrarouge submillimétrique, à la longueurd’onde de 450 microns sur cette image prise par la caméra P-ArTéMiSsur le télescope APEX. Le télescope recueille la lumière émise par les grains de poussière, qui ne représentent qu’un pour cent de la massetotale du gaz avec lequel ils cohabitent. Ils absorbent l’intensitélumineuse émise autour d’eux et la restituent dans l’infrarouge, et pourles plus froids dans l’infrarouge submillimétrique. La mesure de leurénergie a révélé huit fragments à l’intérieur de NGC 3576.

c. Ce diagramme représente la masse du cocon de poussière d’uneproto-étoile et sa luminosité, qui déterminent dans quelle phase précoce(classe 0 ou classe I) se trouvent les proto-étoiles de NGC 3576. La classe I est une phase plus évoluée que la classe 0. À partir demodèles théoriques, il est possible de prédire la masse finale du futur astre, soit entre 8 et 50 fois la masse du Soleil pour ces étoiles.V.

Min

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(2) Voir http://herschel.cea.fr

Lumière sur les cocons d’étoiles

L’approche de l’astronome consiste à trouver, par l’observation,une séquence d’objets intermédiaires entre la fragmentation dunuage moléculaire et un type de jeune étoile afin de reconstituerle film de sa fabrication. Les scientifiques sondent les nuagesmoléculaires à la recherche des condensations glacées danslesquelles naissent les étoiles, des naines brunes aux étoilesmassives. Ces astres en devenir, très froids, émettent de l’énergieprincipalement dans le domaine infrarouge submillimétrique de

la lumière. Plus la condensation est froide, plus sa couleur, et doncson énergie, se décale vers l’infrarouge et les longueurs d’ondesubmillimétriques (0,1 à 1 mm). En mesurant l’énergie émise parces fragments à différentes longueurs d’onde, il est possible dedéterminer leur luminosité, c'est-à-dire leur puissance lumi-neuse. Cette méthode est illustrée par les figures ci-dessous,qui concernent une région de notre Galaxie dénommée NGC 3576.C’est un réservoir de gaz dans lequel se forment des étoiles.

-61° 05’

-10’

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11h 14min 13min 12min 11min

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ascension droite � (J2000)11h 12min 20s 00s 40s

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L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200920

V. M

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h. A

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. Sch

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sont des objets trop froids pour émettre auxlongueurs d’onde visibles, et les observer requiertdes instruments à haute résolution angulaire dansles domaines infrarouge et submillimétrique(figure 3). Plusieurs grands télescopes sont trèsattendus au cours des prochaines années pourapprofondir et peut-être révolutionner les connais-sances actuelles sur les premières étapes de la forma-tion stellaire.L’observatoire spatial Herschel(2) (voir Voyage dansles lumières de l'Univers, p. 90), une mission scienti-fique de l’ESA, mesurera, pour la première fois, laquantité d’énergie émise par les cocons stellaires.

b

c

Page 22: Dans les secrets de l'Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 21

Herschel, lancé le 14 mai 2009 par une fuséeAriane 5, sondera les nuages moléculaires à larecherche des condensations glacées dans lesquellesnaissent les étoiles, des naines brunes aux étoilesmassives. Il part donc à la recherche des fragmentsde nuages moléculaires susceptibles de s’effondrer.À partir de la mesure de leur luminosité, les

Figure 3.À gauche, image en infrarouge d’un ensemble de nuages moléculaires formant des étoiles massives dans la constellation du Cygne. Le rayonnement infrarougeest émis par les grains de poussière. En haut à droite, zoom sur une zone du nuage dans laquelle des condensations proto-stellaires sont observées grâce au rayonnement émis par les poussières très froides aux longueurs d’onde millimétriques. En bas à droite, une étoile massive naît à l’intérieurd’une condensation proto-stellaire en accrétant de la matière et en rejetant une partie à travers des flots moléculaires (contours en rouge et en bleu).Ces études exigent de combiner des cartographies de grandes zones avec des observations fines.

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Le télescope APEX, une antenne parabolique de 12 mètres dediamètre placée à 5 100 mètres d’altitude sur le haut plateaude Chajnantor dans le désert d’Atacama au Chili, accueillerala caméra de bolomètres ArTéMiS du CEA/Irfu en 2011. Des observations concluantes ont déjà été réalisées avec le prototype de cette caméra, P-ArTéMiS, à la longueurd’onde de 450 microns. Ce télescope est géré par unconsortium composé du MPIfR en Allemagne, OSO en Suèdeet ESO pour l’Europe.

ESO

astronomes déduiront la répartition des masses desfragments préstellaires. Ils construiront ainsi descourbes démographiques représentant la réparti-tion des condensations préstellaires et des embryonsd’étoiles. En comparant ces courbes à celles consta-tées dans les populations d’étoiles matures de notreGalaxie, les astronomes pourront conclure sur l’ori-gine de la masse des astres : innée (si les courbes sontcomparables) ou acquise (si elles sont différentes).Herschel travaille dans une « gamme » compriseentre un centième et une dizaine de masses solaires.Le télescope APEX (Atacama Pathfinder Experi-ment) situé au Chili, et qui sera équipé en 2011 dela caméra de bolomètres ArTéMiS du CEA/Irfu(voir Voyage dans les lumières de l'Univers, p. 90),prêtera main-forte à Herschel. En effet, avec l’aug-mentation de la taille des télescopes, et donc de lafinesse des observations, les scientifiques peuventsonder des condensations plus lointaines danslesquelles naissent les étoiles massives.

> Vincent Minier, Philippe André et Frédérique Motte

Service d'astrophysique (SAp)Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)

Direction des sciences de la matière (DSM)Unité mixte de recherche astrophysique

interactions multi-échelles (CEA-Université Paris 7-CNRS)CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

Page 23: Dans les secrets de l'Univers

L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200922

V éritables réacteurs thermonucléaires, les étoilesfabriquent des noyaux lourds à partir des

éléments primordiaux créés au moment dubig bang : hydrogène, hélium et deutérium. Lorsquel'astre arrive en fin de vie, ces éléments enrichissentles couches externes puis le milieu interstellaire.Cela modifie la composition chimique des galaxieset donc les sites potentiels de formation des géné-

rations ultérieures d'étoiles. Pour comprendrecomment ce qui était à l'origine essentiellement uneboule d'hydrogène peut, à la fin de son existence,disperser des éléments lourds dans l'espace, il fautremonter le « film » de cette évolution. Quand uneétoile a achevé sa phase de formation (voir Voyagedans les nurseries stellaires, p. 17), elle entre dans saséquence principale, très longue période durant

La plupart des éléments présents dans l'Univers ont été créés parsynthèse nucléaire au cœur des étoiles, puis dispersés à la mort de celles-ci… avant de contribuer à la formation des générationsultérieures d'astres. L'évolution des étoiles est donc un élément cléde celle de l'Univers, à toutes les échelles.

L’origine des éléments lourds

V838 Monocerotissupergéante rouge de la constellation

de la Licorne,photographiée par

le télescope spatial Hubble,est située à environ

20 000 années-lumière.Le 6 janvier 2002, ellea produit un éclat trèsintense qui a illuminé le cocon de poussière

l'entourant.La compréhension de

la formation des étoiles –constituants élémentairesde notre Univers – de leur

évolution dynamique etde leur fin de vie est une

des briques de base del’astrophysique moderne. N

ASA

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)

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CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 23

laquelle la fusion de l'hydrogène produit au moins99 % de l'énergie rayonnée. Durant cette phase, laluminosité (ou puissance rayonnée) et la tempéra-ture effective de surface changent relativement peu.Dans les étoiles de masse inférieure à 1,3 fois celledu Soleil, la fusion de l'hydrogène pour former del'hélium s'effectue par interaction de protons (réac-tions p-p). Dans les astres plus massifs, à la tempé-rature centrale plus élevée qui permet de franchir labarrière coulombienne, le processus suit le cycleCNO (carbone-azote-oxygène). Pendant toute cetteséquence, les réactions nucléaires sont régulées parl’équilibre hydrostatique entre le gradient de lapression du gaz et la gravitation. Si les réactionss’emballent, l’étoile se dilate. Par contre, lorsque lecombustible s'épuise, le cœur se contracte et satempérature augmente, allumant ainsi les réactions,jusqu'à ce que l'hydrogène resté intact dans lescouches supérieures puisse aussi se transformer enhélium. Cette combustion « en couche » s'accom-pagne de la dilatation des régions externes, qui de cefait sont de moins en moins retenues par la gravité.À la fin de cette évolution, l'étoile devenue unegéante rouge perd une partie de son enveloppe.

Comment les étoiles ensemencentl'espaceLa suite de l'histoire dépend alors de la masse initialede l'étoile. Les astres de faible masse (entre 0,07 et0,5 fois la masse solaire) terminent leur vie commedes naines blanches formées d'hélium. Au-delà dela moitié de la masse solaire, au contraire, l'héliumfusionne pour donner du carbone et de l'oxygène.L'évolution s'accélère et l'hélium est rapidementconsommé. Les astres de moins de 8 fois la massesolaire donnent ainsi naissance à des naines blanches,mais cette fois-ci composées de carbone et d'oxygène.Toutes les naines blanches sont des astres compactsdégénérés, d'une densité d'environ une tonne parcentimètre cube. Ces « restes d'étoiles », de massegénéralement inférieure à celle du Soleil du fait de

la dispersion des couches externes,peuvent accumulerde la matière par accrétion.Certains atteignent alorsune masse critique, dite de Chandrasekhar, etexplosent en une supernova thermonucléaire (voirL'explosion des supernovae, p. 26).Les étoiles massives (de 9 à 120 fois la masse solaire)évoluent différemment. Leur température centraleétant plus élevée, les réactions de fusion peuventaller au-delà de la création de carbone et d'oxygène,synthétisant successivement le néon, le silicium etainsi de suite jusqu'au fer, qui est l'élément le plusstable. L'étoile est alors à court de combustiblenucléaire et elle s'effondre en libérant une quantitéénorme d'énergie sous forme de photons et deneutrinos. En quelques minutes, elle devient unmilliard de fois plus lumineuse : c'est l'explosiond'une supernova gravitationnelle (voir L'explosiondes supernovae, p. 26). Les couches externes sontalors éjectées et enrichissent le milieu interstellaireen éléments lourds. Le cadavre stellaire qui en résulteest un objet extrêmement compact d'une dizaine dekilomètres de rayon, constitué de neutrons, d'unedensité de plus d'un million de tonnes par centi-mètre cube, qui s'effondre en un trou noir stellairelorsque sa masse dépasse trois fois celle du Soleil.Le milieu interstellaire est donc constammentenrichi en éléments lourds en provenance d'an-ciennes étoiles (on dit que sa métallicité augmente),qui entreront à leur tour dans la composition desastres futurs. Cependant, si ce scénario régi parl'équilibre hydrostatique et la physique microsco-pique explique les grandes lignes de l'évolution desétoiles, il ne prend pas en compte les processus dyna-miques internes, ni les interactions des astres avecleur environnement.

Des astres très agitésLes étoiles sont en effet des objets dynamiques enrotation, dotés d'un champ magnétique, où diverstypes d'ondes se manifestent (voir Les enseignementsdu Soleil, p. 10 et Du Soleil aux étoiles, p. 16). De plus,

enveloppeconvective

1 masse solaire�M = 1,4 g/cm3

� = 160

T6 = 15,5 T6 = 30,5T = 5 800 K T = 24 000 K

R = 0 R = 0180 000 539 000 553 000 1 500 000696 000 km 2 540 000 km(0,52 MSoleil) (0,98 MSoleil) (0,97 Métoile)

7,5 1,5 21 5,3

19 0,09 5,4 0,08g/cm3 g/cm3

9 masses solaires

�M = 0,26 g/cm3

cœurconvectif

zone radiative enveloppe radiative

99% 99,7 %

95%

Figure 1. Structures d'une étoile de même masse que le Soleil (à gauche) et d'une étoile neuf fois plus massive (à droite). Les rayons R, les températures T (en K) ou T6 (en millions de K) ainsi que les densités � sont indiqués pour le centre et les limites des régionsradiatives et convectives. �M représente la densité moyenne de l’étoile. Les pourcentages correspondent à la fraction de l'énergietotale produite.

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L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200924

rayon/rayon solaire

rayon/rayon solaire

0 0,5 1,0

-1,26 •10-2 6,28 •10-3

0��

1,50

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1,5

rayon/rayon solaire

température effective (K)

log

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lum

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rayo

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ayon

sol

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0

7000 6800 6600 6400 0

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4

0,5 1,0 1,5 2,0

0,5 1,0 1,50

0,5

1,0

1,5

0,7

0,8

0,9

Xc = 0,675

Xc = 0,32

Xc = 0,0

Xc = 0,675Xc = 0,32 Xc = 0,0

�•10

4(s

-1)

a b

c d

Figure 3. Modèle dynamique d'une étoile en rotation de 1,5 fois la masse solaire. En a, chemin évolutifdans le diagramme de Hertzsprung-Russell ; Xc désigne la fraction de masse en hydrogèneau cœur de l'étoile. En b, profil de rotation interne à trois instants de sa vie. Le rayon del'étoile augmente au cours de son évolution. Les barres verticales indiquent les positions deszones convectives. En c, lignes tangentes aux champs de vitesse induits par la rotationdifférentielle dans le plan méridien de l'étoile pour Xc = 0,32. Les boucles tournent dansle sens inverse des aiguilles d'une montre signifiant que le moment cinétique est transportévers l'extérieur. Les zones hachurées correspondent aux régions convectives. En d, pollutionchimique provoquée par la rotation pour Xc = 0,32. � représente le poids moléculaire moyenqui permet de décrire le mélange des éléments dans le plasma stellaire. Dans le cas d'unplasma pur d'hydrogène ionisé, il vaut 1/2.

elles émettent dans l'environnement des vents stel-laires (conduits par le magnétisme dans le cas desétoiles de type solaire et par la pression de radiationpour les étoiles massives). Durant leur phase de pré-séquence principale, elles sont couplées à desdisques d'accrétion, et peuvent aussi interagir, partransfert de masse ou effet de marée, avec un astrecompagnon si elles appartiennent à un systèmebinaire. Décrire l'évolution stellaire en considéranttous ces phénomènes exige de prendre en comptesimultanément des phénomènes physiques micro-scopiques et macroscopiques, dont les échellesspatiales et temporelles diffèrent de plusieurs ordresde grandeur. Par exemple, l'évolution nucléaire desétoiles se déroule durant des millions ou desmilliards d'années, alors que des processus hydro-dynamiques – tels que la convection ou les instabi-lités conduisant à la turbulence – prennent place surdes échelles de temps de l'ordre du mois, voiremoins. Pour relever un tel défi, le CEA s’est forte-ment investi dans la modélisation et la simulationdes processus magnétohydrodynamiques internes.Ce que l'on sait aujourd'hui des mécanismes detransport du moment cinétique et de la matière àl'intérieur des étoiles peut se décrire comme suit.Dans les régions radiatives des étoiles, l'énergiecréée par les réactions nucléaires est transportée parl'interaction entre les photons et la matière. Leplasma stellaire est en effet peu opaque, et lesphotons sont absorbés et réémis des millions defois au cours de leurs collisions avec les atomesionisés. Dans les régions convectives, la matièrechaude monte des couches profondes vers lesrégions supérieures où elle dépose sa chaleur avantde redescendre. Ces grands mouvements d'en-semble, dits convectifs, sont dus au fort gradient detempérature et au fait que la densité de la matièrediminue quand sa température augmente (figure 1).Les étoiles de type solaire ont un cœur radiatif et uneenveloppe convective (où le plasma est opaque dufait d'une ionisation seulement partielle des atomes),alors que la situation est inversée dans les astresmassifs – de masse supérieure à 1,3 fois celle duSoleil – où les photons ne peuvent évacuer l'énergieproduite près du centre (voir la figure 1 de Du Soleilaux étoiles, p. 16).

Une histoire complexeLe mélange des éléments formés par nucléosynthèses'effectue dans les régions radiatives, sur de trèslongues durées. Les mécanismes de transportentrant en jeu se répartissent en deux grandesfamilles selon leur échelle, microscopique oumacroscopique. Les mécanismes microscopiquescomprennent le triage gravitationnel et les forcesdues au rayonnement, qui influencent le déplace-ment de chaque particule ou atome. Les processusmagnétohydrodynamiques, eux, agissent à l'échellemacroscopique.Ainsi, les régions radiatives sont en rotation, parfoistrès rapide (figure 2). Celle-ci n'est ni constanteni uniforme au cours de l'évolution de l'étoile. Enfait, chacune des différentes couches de l'étoile asa propre vitesse angulaire. Cette rotation différen-tielle crée des champs de vitesse à grande échelle(équivalents des grandes circulations des atmosphères

Figure 2. Achernar, une étoile de type B de 6,07 fois la masse solaire. Elle est très aplatie du fait desa rotation très rapide : en surface, sa vitesse de rotation vaut 150 fois celle du Soleil.

ESO(arcsec)

(arc

sec)

Est

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0,001

0,001

0,001

0

0,0010

rayo

n/r

ayon

sol

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CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 25

1,51,5

1,0

0,5

0

0,5

1,0

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1,51,0 1,00,5 0 0,5

rayon/rayon de l’étoile

rayo

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le

Figure 4. Champ magnétique fossile d'une étoile de type A (de 2,37 fois la masse solaire et trois fois le rayon solaire).

planétaires) et de la turbulence associée au cisaille-ment (équivalente à celle observée dans l'atmosphèreterrestre ou les océans). Ceux-ci transportent lemoment cinétique et provoquent un mélange quimodifie la structure de l'étoile.D'autre part, les étoiles ont vraisemblablement piégéun champ magnétique, appelé « fossile » car ilremonte à l'époque de leur formation, dans leursrégions radiatives. Ce champ interagit avec lesprocessus précédents, engendrant un transport demoment cinétique supplémentaire qui modifie lecouplage entre les différentes couches de l'étoile.Qui plus est, sous l'influence opposée de la pousséed'Archimède (qui pousse la matière vers le haut) etde la gravité (qui l'attire vers le centre), les régionsradiatives sont également parcourues de phéno-mènes oscillatoires appelés « ondes internes degravité ». Pour mieux se représenter ces ondes, qu'ilne faut pas confondre avec l'onde gravitationnellechère à Einstein, il suffit d'évoquer les vagues à lasurface de l'océan. Excitées par les mouvementsconvectifs turbulents, ces ondes transforment leprofil de vitesse angulaire. L'interaction de ces diffé-rents acteurs, évidemment non linéaire, modifie ladynamique et la structure de l'étoile.Pour compliquer encore le tableau, les étoiles sontcouplées, parfois de manière violente, à leur envi-ronnement par l'intermédiaire des vents stellaires,des phénomènes d'accrétion ou d'autres transfertsde masse, voire d’effets de marée dans le cas dessystèmes binaires serrés. Ces couplages modifientà leur tour les processus internes, ce qui rend encoreplus complexe l'évolution de l'étoile.La modélisation de cette évolution dynamiqueconstitue aujourd'hui l'axe central du travail desphysiciens stellaires du CEA et de leurs partenaires.Ils mettent ainsi au point, pas à pas, les outilsthéoriques nécessaires à l'élaboration de modèlesde nouvelle génération (figures 3 et 4) ainsi que lessimulations numériques des processus magnéto-hydrodynamiques (sur les échelles de temps quileur sont propres). D'autre part, ils participentsimultanément au développement et à l'exploita-tion des instruments d'observation qui fournissent

POUR EN SAVOIR PLUS« Physics, Formation and Evolution of RotatingStars » par André Maeder, Astronomy &Astrophysics Library, Springer (2009).

les contraintes introduites dans les modèles (voirVoyage dans les lumières de l'Univers, p. 90 et Scruterle Soleil avec GOLF-NG, p. 130). Fort de ces diffé-rentes expertises et grâce au développement simul-tané des expériences auprès des grands lasers, le CEAs’investit donc dans la mise en place de l’étude del’évolution dynamique des seuls réacteurs à fusionthermonucléaire naturels que sont les étoiles.

> Stéphane MathisService d'astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière (DSM)

Unité mixte de recherche astrophysique interactions multi-échelles (CEA-Université Paris 7-CNRS)

CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

L'étoile Eta Carina, photographiée par le télescope spatial Hubble, est située à environ8 000 années-lumière dans la nébuleuse de la Carène. Très massive, plus de 100 fois la massedu Soleil, elle est sans doute très proche d'une explosion imminente. Un petit astre compagnongravite autour d’elle avec une période de cinq ans, leur interaction provoquant des échangesviolents de gaz et de matière.

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Page 27: Dans les secrets de l'Univers

L'explosion des supernovae

Certaines étoiles finissent leur vie dans unegigantesque explosion, projetant dans lemilieu interstellaire la matière qu'elles ontsynthétisée pendant des millions d'années.Ces phénomènes, appelés supernovae, sonttellement lumineux que certains ont été vusà l'œil nu. En 1054, les astronomes chinoisont ainsi observé une « étoile supplémen-taire », en fait l’explosion qui a donné nais-sance à la nébuleuse du Crabe. Environ deuxsupernovae explosent chaque siècle dansnotre Galaxie, mais les télescopes automa-tiques en détectent plusieurs centaines paran dans l'ensemble des autres galaxies.Les cosmologistes les recherchent active-ment car elles permettent de mesurer lesdistances dans l'Univers. De plus, ellesstimulent la formation de nouvelles étoileset représentent une source majeure derayons cosmiques.On sait que les étoiles comparables au Soleiln'explosent pas : elles finissent leur vie en sedispersant lentement tandis qu'une naineblanche se forme en leur centre. Quellessont donc ces étoiles dont la mort est siviolente ? Les supernovae observées serépartissent en deux catégories, thermo-nucléaire et gravitationnelle, selon que leur

progéniteur est une naine blanche ou lecœur de fer d'une étoile au moins neuf foisplus massive que le Soleil.Lorsqu’une naine blanche parvient à captersuffisamment de matière d'une étoilevoisine pour grossir jusqu’à la massecritique de Chandrasekhar (environ 1,4 foisla masse du Soleil), les réactions nucléairesen son centre s’emballent. La fusiondu carbone et de l'oxygène en élémentsplus lourds, comme le fer, libère alorsassez d'énergie pour pulvériser intégra-lement l’astre. Une supernova thermo-nucléaire est née.En revanche, le fer synthétisé au cœur d'uneétoile massive ne peut libérer d'énergienucléaire, ni par fusion, ni par fission.Lorsque sa masse atteint la limite deChandrasekhar, le cœur de fer s'effondresous son propre poids jusqu'à la formationd'une étoile à neutrons. Son diamètrediminue d’un facteur cent en moins d’uneseconde, libérant une énergie gravitation-nelle considérable essentiellement sousforme de neutrinos, et aussi de photons(figure 1). En 1987, les observatoires terres-tres ont capté les neutrinos provenant dela supernova gravitationnelle SN1987A,confortant ainsi la compréhension théo-rique de ce phénomène.

Une instabilité créatriceCertaines questions demeuraient cepen-dant sans réponse. Comment expulserrapidement les couches successives decarbone, oxygène, hélium et hydrogènequi entourent le cœur de fer effondré, avantque la masse de l'étoile à neutrons cen-trale n'atteigne le seuil critique de forma-tion d'un trou noir (environ 3 massessolaires) ? Ce trou noir engloutirait en effetrapidement toute l'étoile, sans explosionspectaculaire. En 1985, les physiciens américains Hans Bethe et James Wilsonproposaient un scénario d’explosion retar-dée, selon lequel les neutrinos déposent

La nébuleuse du Crabe a été découverte en1731 par le médecin et astronome britanniqueJohn Bevis. Il s’agit des restes de l’explosiond’une supernova qui s’est produite en 1054, et a été observée par des astronomesd’Extrême-Orient.

ESO

suffisamment d'énergie dans l'enveloppepour l'expulser. Les simulations numé-riques semblaient infirmer ce scénario,jusqu'à la découverte en 2003 des effetsbénéfiques d'une nouvelle instabilité hydro-dynamique. Celle-ci se développe à moinsde 200 kilomètres du centre de l'étoile àneutrons, pendant quelques dixièmes deseconde après sa formation. Les travauxthéoriques conduits au Service d'astro-physique du CEA/Irfu ont élucidé sonmécanisme par l'interaction entre ondesacoustiques et tourbillons de matière(figure 2). Les mouvements turbulentsqu'elle induit ont pour effet de retarderla chute de l'enveloppe vers l'étoile à neu-trons, et de l'exposer ainsi plus longtempsau flux de neutrinos. Cet effet décisif sem-ble être la clé d'une explosion réussie.Cette instabilité est déterminante pour lemécanisme d'explosion et le destin del'étoile à neutrons résiduelle. D'après lessimulations numériques, elle est en parti-culier responsable du caractère asymé-trique de l’explosion. Cette asymétriepropulse l’étoile à neutrons dans l’espace,à des vitesses pouvant dépasser 1 000 kilo-mètres par seconde, en bon accord avec lesobservations.Les travaux futurs doivent permettre demieux comprendre la diversité des explo-sions de supernovae, en particulier leur lienavec les sursauts gamma.

> Thierry FoglizzoService d'astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentalesde l’Univers (Irfu)

Direction des sciences de la matière (DSM)Unité mixte de recherche astrophysique

interactions multi-échelles (CEA-Université Paris 7-CNRS)

CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200926

Figure 1. Vue schématique d'une supernova gravitationnelle. L’effondrement du cœur de fer d’une étoilemassive est ralenti par une onde de choc stationnaire, à environ 200 kilomètres du centre.

Figure 2.Simulation numérique de l'instabilité - définiepar l’entropie exprimée en kkBB par nucléon - quidéforme le choc de façon asymétrique(collaboration MPA Garching). Son mécanismeest fondé sur l'interaction entre ondesacoustiques (flèches bleues) et tourbillons(flèches rouges), qui forment un cycle instable.

étoile massive

choc

oxygène

hydrogène

hélium

fer600 millions

de km

6 000 km

effondrement du cœur de fer

ferfer 1 s neutrinosphère

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entropie (kB/nucléon)

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0

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neutrinosphère

choc

oxygène

hydrogène

hélium

fer

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CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 27

Les restes de supernova

L'explosion d'une supernova libère uneénergie énorme (de l’ordre de 1044 J), dontseule une petite fraction sous forme delumière visible. Au moment de l’explosion,une supernova brille autant qu'une galaxieentière, mais sa lumière visible décroîtensuite assez rapidement et disparaît enquelques années. Dans la Voie lactée, lesplus récentes observations de supernovaedatent de la fin du 16e et du début du 17e

siècle. Bien que des instrumentsexceptionnels soient maintenant à ladisposition des astronomes, que ce soit ausol ou dans l’espace, aucune nouvellesupernova n’a pu être observée dans notreGalaxie ! Or il se produit en moyenne 2 ou3 explosions par siècle dans une galaxiespirale telle que la nôtre. Une dizaine desupernovae ont donc dû exploser durantles quatre derniers siècles, mais cela avraisemblablement eu lieu dans des régionsobscurcies.Les éléments lourds synthétisés durantla phase finale de la vie de l'étoile sontdispersés par l'explosion et enrichissent lemilieu interstellaire et intergalactique. Lesrestes de l'astre détruit perdurent plusieursmilliers d'années dans l'espace et lesrayons X émis fournissent de précieuxindices sur la nature et la physique de tellesexplosions.Un reste de supernova est une structurecomplexe. La matière stellaire, éjectée à trèsgrande vitesse (quelque 10 000 km/s) parl'explosion, percute le milieu interstellaireenvironnant et, comme un piston, lerepousse. Dans une première phase, quidure moins de mille ans, deux chocs opposésfaçonnent la structure. D'une part le chocde l'explosion, qui se propage versl'extérieur dans le milieu environnant,d'autre part le choc en retour, lié à ladécélération des débris stellaires par le

milieu, qui se propage vers l'intérieur dansla matière éjectée. Plus tard, le milieuinterstellaire prend le dessus et la matièrefraîchement synthétisée ne domine plus.Comprimés et chauffés à des dizaines demillions de degrés par les chocs, les débrisstellaires et le mil ieu environnantdeviennent de puissants émetteurs derayons X. C'est ce qui permettra de lesdétecter. L’atmosphère terrestre constituantun écran à ces rayons, les observationsdepuis le sol sont impossibles : il faut placerles instruments en orbite. Les satelliteseuropéen XMM-Newton (voir Voyage dansles lumières de l'Univers, p. 90) et américainChandra ont apporté une moisson derésultats nouveaux dans ce domaine.

Des rayons très instructifsLes deux télescopes ont notamment pointédans la direction de la supernova observéeen 1572 par l’astronome danois TychoBrahé (supernova dite de Tycho). La fi-gure 1 montre l'image en rayons X du restede cette supernova, prise 432 ans aprèsl’explosion. Son spectre global (figure 2)dénote la présence d’éléments lourds trèsionisés comme le silicium, le soufre,l’argon et le fer. La composition du spectrepermet par exemple de distinguer lesexplosions thermonucléaires des explo-sions gravitationnelles (voir L'explosiondes supernovae, p. 26). La répartitionspatiale des éléments dans les éjectasapporte un nouvel éclairage sur lesprocessus de mélange des couches dans lasupernova ou sur l’asymétrie de l’explo-sion. L’émission en rayons X fournit aussides renseignements sur des processusphysiques tels que les instabilités hydro-dynamiques se développant à l’interfaceentre la matière éjectée et le milieuambiant. Des simulations numériques à

trois dimensions sont ensuite confrontéesaux observations. Les instruments Xpeuvent aujourd'hui réaliser de la spec-troscopie spatialement résolue (permet-tant la production d’images dans desbandes d’énergie étroites, comme des raiesd'émission, et la spectroscopie dans desrégions spatiales de petite extension), ce quia ouvert l’étude de la physique des chocsdits « non collisionnels ». Cela a en particu-lier apporté une meilleure compréhensionde l’accélération des rayons cosmiques parles restes de supernova (voir Élucider lemécanisme d'accélération des rayonscosmiques, p. 50).

> Anne Decourchelle et Jean BalletService d'astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)

Direction des sciences de la matière (DSM)Unité mixte de recherche astrophysique

interactions multi-échelles (CEA-Université Paris 7-CNRS)

CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

Figure 1. Image en rayons X du reste de la supernova deTycho observé par le satellite Chandra plus de400 ans après l’explosion. La matière éjectée(en rouge ou en vert selon sa compositionchimique) apparaît grumeleuse du faitd’instabilités hydrodynamiques. L’onde de chocse propageant dans le milieu interstellaireambiant est signalée par un fin filamentd’émission synchrotron (en bleu) produite pardes électrons accélérés à des vitesses prochesde celle de la lumière.

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Figure 2. Spectre en rayons X du restede la supernova de Tycho,obtenu par l’une des camérasdu satellite XMM-Newton plusde 400 ans après l’explosion.Il montre d'intenses raiesd’émission provenantd’éléments lourds synthétisésjuste avant et lors del’explosion. Ces éléments,chauffés à des dizaines demillions de degrés par le chocse propageant dans la matièreéjectée, sont fortementionisés. L’étude de ces raiesrenseigne sur la naturede la supernova (explosionthermonucléaire oueffondrement gravitationnel).XM

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1 2 5

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L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200928

À la fin de leur évolution, certaines étoiles setransforment en objets extrêmement compacts :

naines blanches, étoiles à neutrons ou trous noirsstellaires. Ces trois types d’astres se distinguent parleur densité. Une naine blanche contient typique-ment la masse du Soleil dans une sphère d’environ6 000 km de rayon. Une étoile à neutrons confineune masse comparable dans une sphère de seule-ment 15 km de rayon. Enfin un trou noir de10 masses solaires aurait un « rayon » de 30 km(correspondant à l’horizon des événements). Cesétoiles « mortes » n’émettent que peu de rayonne-ment lorsqu’elles sont isolées, ce qui les rend peuvisibles ou même invisibles à nos yeux. En revanche,ces objets peuvent devenir extrêmement brillantss’ils sont l'une des composantes d'un systèmebinaire, c’est-à-dire s’ils sont liés par gravité à uneétoile compagnon dont ils attirent la matière. Un telsystème s’appelle « variable cataclysmique » si l’objetcompact est une naine blanche, ou « binaire X » dansle cas d'une étoile à neutrons ou d'un trou noir. Cetarticle s’intéresse aux binaires X.

De puissants émetteursLa chute de matière transforme une partie del’énergie potentielle de gravitation en énergierayonnée. Étant donné l’extrême densité de l’objet,la matière atteint des températures très élevées(environ 10 millions de degrés) et émet desrayons X. D’où le nom de ces systèmes. Lorsque lecompagnon est une étoile massive (de masse supé-rieure à une dizaine de fois celle du Soleil), ilengendre un vent stellaire intense que l’objetcompact intercepte et accrète directement. De telsobjets brillent peu, et peuvent même êtreenfouis dans le vent stellaire. Si au contraire l’astrecompagnon est moins massif que le Soleil, l’objetcompact arrache de la matière à ses couchesexternes. En raison de la conservation du momentcinétique, cette matière en provenance d’une étoileen rotation dans un système binaire ne peut pastomber directement sur l’objet compact. Un disqued’accrétion se forme donc : la matière parcourt unespirale, se rapprochant peu à peu de l’objet compacttout en s’échauffant… et en émettant un copieux

Les « cadavres » d’étoiles, objets peu visibles et d’une extrême densité,peuvent devenir de puissantes sources de rayonnement s’ils sont associésà une étoile compagnon. Grâce aux nouveaux moyens d’observation, le bestiaire de ces astres de haute énergie n’en finit pas de s’enrichir.

Astres de haute énergie : des sources de surprises

Vue d'artiste d'un systèmebinaire de grande masse,

composé d'une étoile àneutrons orbitant autour

d'une étoile supergéante.L'étoile à neutrons

accrète de la matière duvent stellaire, dense et

inhomogène, éjecté parl'étoile supergéante.

L'étude des astres dehaute énergie permet non

seulement d'accéder à la physique de la matière

condensée mais aussi àcelle des plasmas de très

haute température. Cesobjets sont idéaux pourmieux comprendre les

phénomènes d'accrétion-éjection et, dans certains

cas, les vents stellairesd'étoiles massives. S.

Cha

ty/E

SA

Page 30: Dans les secrets de l'Univers

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flot de rayons X. De plus, une couronne d’électronsrelativistes englobe l’objet central et émet desrayons X et gamma par effet Compton inverse(figure 1). Pour caractériser ces astres de hauteénergie et leur environnement, les astronomes utili-sent donc des télescopes à rayons X et gamma,comme XMM-Newton et INTEGRAL auxquels leCEA/Irfu a largement contribué (voir Voyage dansles lumières de l’Univers, p. 90), mais aussi des détec-teurs d’ondes radio et de rayonnements infra-rouges/visibles.

La découverte de microquasarsAu-delà de l’image du trou noir accrétant de lamatière d’une étoile compagnon, des astrophysi-ciens du CEA/Irfu ont montré dans les années 1990que de tels objets pouvaient éjecter massivement duplasma sous forme de jets à des vitesses apparem-ment supérieures à celle de la lumière (figure 1). Cesastres furent appelés microquasars par analogie avecles quasars, noyaux actifs de galaxies contenant enleur centre un trou noir supermassif (d’une massede l’ordre de quelques millions à quelques milliardsde fois celle du Soleil). Cette découverte révolu-tionna les recherches dans ce domaine. En effet, ilpourrait exister une universalité des mécanismesphysiques entre ces deux populations de trous noirs.Or les manifestations physiques au sein des micro-quasars se déroulent sur des échelles de tempsréduites (de la milliseconde à l’année). Cela permetenfin d’étudier, même indirectement, des phéno-mènes similaires à ceux se produisant au sein desnoyaux actifs de galaxies… mais sur des duréestellement longues qu’elles sont inaccessibles àl'échelle humaine. Diverses propriétés du flot (oucourant) d’accrétion se firent alors jour, et il devintévident que le disque était fortement couplé aux jetsrelativistes par l’intermédiaire d’une couronned’électrons chauds qui alimente ces derniers(figure 1). En outre, la présence de matière ioniséeau sein du disque d’accrétion induit la formation deraies de matériaux comme le fer. Les effets gravita-tionnels dus à l’objet compact modifient le profild’émission de la matière du disque en rotation.À l’avenir, grâce entre autres à XEUS (X-rayEvolving Universe Spectroscopy mission)/IXO(International X-ray Observatory), ces raies d’émis-sion renseigneront les astronomes sur la vitessede rotation des trous noirs, un de leurs trois para-mètres fondamentaux avec la masse et la chargeélectrique.La découverte de diverses corrélations (fluxdans différentes bandes d’énergie, fréquencesd’oscillations quasi périodiques, caractéristiquesspectrales, etc.) démontra de plus que ces jets dematière peuvent émettre dans les domaines X etgamma, soit bien au-delà de leur domaine classiquede rayonnement en ondes radio. En quelquesannées, les jets relativistes se sont donc révéléscomme de puissants émetteurs multi-longueursd’onde. La découverte directe d’une émissionde rayons X lors de leur interaction avec le milieuinterstellaire le confirma (figure 2). Elle prouva eneffet sans ambiguïté que ces jets contiennent desparticules de très hautes énergies (> TeV). Une émis-sion jusqu’aux rayons gamma est possible : des

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disque d’accrétion

couronne

point chaud

chauffage dûaux rayons X

courant d’accrétion

étoile compagnon

Figure 1.Vue d’artiste d’unmicroquasar. La matièrearrachée de l’étoilecompagnon tombe dansle trou noir dans unmouvement en spirale.Un disque se forme autourde l’astre dense et des jetsde matière apparaissent.

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12 février 2004

24 mars 2004

27 mars 2004

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Figure 2. Image de l’émission X autourdu microquasar H 1743-322.De part et d’autre de la sourcecentrale, on observe deuxsources X mobiles duesà l’interaction de bullesde plasma relativiste avec le milieu interstellaire.S.

Cor

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observatoires tels que Fermi ou HESS pourraientalors les détecter (voir Voyage dans les lumières del’Univers, p. 90).

Des quasars « intermédiaires » ?Un nouveau mystère est apparu ces dernièresannées. Les puissants observatoires actuels, commeXMM-Newton, ont détecté des sources très impor-tantes de rayons X dans de nombreuses galaxiesproches de la Voie lactée. Or ces objets semblentbien trop lumineux pour être assimilés à des systè-mes binaires X. D’où l’idée qu’il pourrait s’agirde trous noirs d’une masse intermédiaire entrecelle des microquasars et celle des noyaux actifs degalaxies, soit de quelques centaines à quelquesmilliers de fois celle du Soleil. Néanmoins, lesthéories actuelles expliquent difficilement la

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L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

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formation de tels trous noirs. Les observationsmulti-longueurs d’onde apporteront un nouveléclairage sur ces astres. Soit elles prouveront l’exis-tence d’une nouvelle classe d’objets exotiques, soit ilfaudra revoir certaines théories admises concernantles disques d’accrétion.

Des sources mystérieusesÀ l’intérieur même de la Voie lactée, l’observatoireINTEGRAL a lui aussi découvert, en janvier 2003,un nouveau type de sources de rayons X. Elles sontconcentrées dans le plan galactique, et principale-ment dans la direction des bras. Un programmeintensif d'observations a alors été lancé, et les obser-vatoires XMM-Newton, Chandra et Swift ont localiséprécisément une trentaine des sources découvertespar INTEGRAL. Les informations spectrales ontrévélé que beaucoup d’entre elles présentent une forteabsorption intrinsèque, inhabituelle pour des astresde haute énergie. Cela constitua une premièresurprise, mais d'autres allaient suivre…En plus de ces observations des rayons X, les astro-physiciens du CEA/Irfu ont entrepris un programmemulti-longueurs d'onde afin de révéler la nature deces sources. Cette étude combine, pour un échan-tillon de ces objets, une astrométrie précise, unephotométrie et une spectroscopie en lumière visibleet infrarouge (proche et moyen). Ici survint ladeuxième surprise : la majorité de ces objets sont dessystèmes binaires de grande masse comprenant desétoiles supergéantes – étoiles très évoluées sorties dela séquence principale – alors qu'avant le lancementd'INTEGRAL, la plupart des systèmes binaires massifsconnus contenaient des étoiles Be – étoiles de laséquence principale de type spectral précoce, en rota-tion tellement rapide sur elles-mêmes qu'elles créentun disque de matière les entourant.

De surprise en surpriseCes nouveaux astres de haute énergie semblent intrin-sèquement obscurcis, c’est-à-dire qu’eux-mêmesabsorbent une partie de leur rayonnement. L’astreIGR J16318-4848 en constitue un exemple extrême :il s'agit d'une étoile à neutrons orbitant autour d'uneétoile supergéante d'un type spectral très rare, notésgB[e] à cause de la présence de raies d'émission

« interdites »(1). Les observations dans l’infrarougemoyen ont montré que ces objets apparaissentobscurcis à cause de la présence de matériau absor-bant (poussière et/ou gaz froid) entourant le systèmebinaire dans son ensemble. L'étoile à neutrons orbitedonc à l'intérieur d'un cocon de gaz froid formé parle vent de l'étoile supergéante.Enfin, une troisième caractéristique révélait unesous-population encore plus inhabituelle parmices objets. Certaines de ces sources présentent eneffet des sursauts d'activité très rapides, de l'ordre del'heure, et se produisant de manière apparemmentanarchique. Ces astres ont été nommés « transitoiresrapides de rayons X à supergéante ». L’archétype enest IGR J17544-2619.L'échantillon de sources étudiées s'amplifiant, ilapparaît maintenant que les différences entre les astresenfouis et les transitoires rapides proviennent essen-tiellement de caractéristiques orbitales (figure 3). Eneffet, les astres enfouis s'apparentent aux systèmesbinaires de grande masse classiques, contenant unesupergéante avec une étoile à neutrons parcourantune orbite très proche, à 2 ou 3 rayons stellaires seule-ment. L'accrétion de matière – à partir du vent del'étoile – se fait donc en permanence, et l'émission enrayons X est persistante. Les « transitoires rapides »sont des systèmes où l'étoile à neutrons se trouve loinde l'étoile compagnon, sur des orbites circulaires ouexcentriques. C’est lorsque l'objet compact traverse levent de l'étoile, inhomogène et parsemé de grumeaux,que se produisent les sursauts rapides d'activité.Quand il se trouve loin de l'étoile, en revanche, il n'ya pas ou peu d'émission de rayons X.Finalement, il semble qu'il existe dans la nature uncontinuum de ces systèmes binaires de grande masse,dont les caractéristiques d’émission dépendent de laproximité entre objet compact et étoile compagnon,et de la nature de l'orbite. C’est donc l’interactionentre les deux composants du système qui régit lespropriétés de ces astres de haute énergie.

> Sylvain Chaty, Stéphane Corbel et Jérôme RodriguezService d'astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière (DSM)

Unité mixte de recherche astrophysique interactions multi-échelles (CEA-Université Paris 7-CNRS)

CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

Figure 3. À gauche, un astre enfoui, où l'étoile à neutrons orbite près de l'étoile supergéante, constamment à l'intérieur du vent stellaire. À droite, une « transitoire rapide », où l'étoile à neutrons, sur une orbite excentrique, pénètre régulièrement dans le vent de l'étoile.

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(1) Raies spectrales émises par un atome se désexcitant selonun mode très peu probable.

Page 32: Dans les secrets de l'Univers

L a lumière est une onde électroma-gnétique qui peut être caractérisée

par sa longueur d’onde ou sa fréquence.Les différents types de rayonnementsse distribuent le long du spectre élec -tromagnétique en fonction de leurslongueurs d'onde, des plus courtes (lesrayons gamma) aux plus longues (lesondes radio), en passant par la lumièrevisible (figure 1). Il est aussi possible dedécrire la lumière en termes d’une parti-cule sans masse, le photon, dont l’énergieest proportionnelle à la fréquence.

Les types de rayonnementsLe rayonnement radio (ou ondes radio)couvre la zone des fréquences infé ri eu resà 1 GHz, ce qui correspond à des lon -gueurs d'onde supérieures à 30 cm. Ledomaine des micro-ondes s’étend sur lagamme 30 cm (1 GHz) – 1 mm (300 GHz).Les longueurs d’onde relatives au rayon-nement infrarouge IR sont comprisesentre 780 nm et 1 mm. Ce domaine estsubdivisé en IR proche (780 nm – 2,5 �m),IR moyen (2,5 – 27 �m), IR lointain(27 – 100 �m) et IR submillimétrique(100 �m – 1 mm). L'infrarouge est souventrelié à la chaleur car, à températureambiante, les objets émettent spontané-ment ce type de lumière. La lumièrevisible est la partie du spectre électro ma -gnétique à laquelle l'œil humain estsensible. Ce domaine couvre un intervallede longueurs d’onde allant de 380 nm(violet) à 780 nm (rouge). Les longueursd'onde du rayonnement ultraviolet UV sesituent entre 380 nm et 10 nm. Les

rayons X sont des ondes électroma -gnétiques de haute fréquence dont lalongueur d'onde est comprise entrequelques fractions de nm (0,01 nm) et10 nm. On distingue les rayons X mous(les plus grandes longueurs d'onde) et lesrayons X durs (de petite longueur d'onde).L'énergie des photons associés auxrayons X varie entre 100 eV et 100 keV.Les rayons gamma (�) ont une longueurd’onde encore plus courte, inférieure à0,01 nm et les photons correspondantsont une grande énergie, supérieure à100 keV.Nos yeux ne perçoivent qu’une partieinfime de toute la lumière émise par lesobjets célestes. L’exploitation de toute lagamme des longueurs d’onde a ouvertdes fenêtres sur l’Univers, qui ont permis

de détecter de nouveaux objets ou montrédes objets déjà connus sous un autre jour.Cette capacité à scruter le ciel danstoutes les longueurs d’onde doit beau-coup à la mise en orbite de satellitesvoués à l’observation des astres, grâceauxquels il a été possible de s'affranchirde l’absorption atmosphérique. Aujour -d’hui, tous les domai nes de longueursd’onde sont exploités en permanence etcorrélés entre eux afin de mieux cernerles mécanismes physiques mis en jeudans les objets observés. De plus, l’optique instrumentale a elleaussi vécu une révolution avec la cons -truction de télescopes géants aptes àcollecter la très faible lumière en prove-nance des astres les plus lointains.

Suite page 32

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 31

Sonder l'Univers sur toute la gamme lumineuse

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Les trois « Piliers de la création » dans la nébuleuse de l'Aigle, observés par le télescope spatialHubble en visible (à gauche) et en infrarouge (à droite). Le rayonnement infrarouge permet de voir à travers les nuages.

Figure 1.Spectre électromagnétique.Les ondes électromagnétiquesse répartissent en familles defréquences et de longueursd'onde diverses.

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longueur d'onde (m)10-1210-13

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10-10 10-9 10-8 10-7 10-6 10-5 10-4 10-3 10-2 10-1 100 101 102 103 104

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CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200932

L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

Suite de la page 31Ces nouveaux télescopes se distinguentégalement par l’emploi de techniquesinnovantes qui ont fait accomplir un bonden avant à la qualité des images astro -nomiques : l’optique active (capacité àdéformer la surface du miroir en tempsréel) et l’optique adaptative (cor rectiondes altérations de l’image dues à l’at-mosphère, obtenue par déformation dumiroir).

Des spectres riches d'informationsToute matière dont la température estsupérieure au zéro absolu (0 K, soit– 273 °C) émet des ondes électromagné-tiques qui forment le rayonnement ther-mique. À elle seule, la température fixe lapuissance émise par un corps, propor-tionnelle à la puissance quatrième de latempérature. Ainsi, un corps dont latempérature absolue est 600 K (soitenviron 320 °C) rayonne une puissancelumineuse seize fois plus grande qu’uncorps à température ambiante (300 K, soitprès de 27 °C). Toutes les longueursd’onde sont présentes dans le rayonne-ment thermique mais en quantitésinégales. C’est encore la température quiétablit le spectre du rayonnement émis,c'est-à-dire la répartition de l'énergieentre les différentes longueurs d'ondeprésentes. Le maximum d'émission se faitpour une longueur d'onde inversementproportionnelle à la température. Autre -ment dit, un corps émet l’essentiel de salumière pour une longueur d’onde d’au-tant plus élevée qu’il est froid. Notre prin-cipale source de lumière, le Soleil, émetson maximum de puissance pour de lalumière visible jaune dont la longueurd’onde est voisine de 0,5 �m. Cecicorrespond à une température de 5 770 K.Par ailleurs, un corps a la capacité d'émettre de la lumière à des longueursd’onde bien particulières. En effet, un

atome ne peut émettre ou absorber unequantité quelconque d’énergie. Sonénergie n'est susceptible de varier que parpaliers bien définis, qui dépendent de lafaçon dont est arrangé son cortège d’élec-trons. Au cours d’une émission ou d’uneabsorption d’énergie, la répartition élec -tronique de l’atome est modifiée. De lalumière est émise lorsqu’un électroneffectue une transition d’un niveaud’énergie élevé vers un niveau d’énergiesitué plus bas ; l’absorption de lumièrecorrespond au passage d’un électron d’unniveau d’énergie inférieur vers un niveausupérieur. L’ensemble de ces transitions,qui se manifeste sous forme de raies dansle spectre, est caractéristique d’un atomeet constitue sa carte d’identité. Ces raiesd’émission se retrou vent aussi chez lesmolécules, collections d’atomes liés entreeux, seule la gamme de longueurs d’ondeconcernées étant affectée. Quand un gazest traversé par de la lumière, il peutabsorber celle dont la longueur d’ondecorrespond à ses raies. Il en résulte unspectre d’absorption, ensemble de raiessombres sur un fond lumineux, une sortede code-barres qui permet d’obtenir desinformations sur la source et sur le gazabsorbant. C'est ainsi que le spectre duSoleil est composé d’un spectre continucouvrant toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, sur lequel se superposent des raiesd’absorption caractéristiques des atomesprésents dans l’atmosphère du Soleil.Si le spectre d’une source permet dedéterminer sa température et sa compo-sition, il offre aussi la possibilité demesurer bien d’autres paramètres impor-tants. Ainsi, un champ magnétique sépareune raie spectrale en plusieurs raiesproches (effet Zeeman). Ce décalage enlongueur d’onde est mis à profit pourmesurer l’intensité du champ magnétiquede certains objets astronomiques. Lespectre d’une source de lumière est égale-

ment affecté par son mouvement relatif àl’observateur selon le même principe quirend plus aigu le bruit d'un véhicule quis'approche d'un observateur et plus gravecelui de l'engin qui s'en éloigne. La varia-tion apparente de fréquence (d'autant plusélevée que la longueur d'onde est pluscourte) est propor tionnelle à la vitesserelative entre l'observateur et la source.La fréquence s'accroît lorsque la sourcelumineuse se rapproche de l'observateur(décalage vers le bleu ou blueshift) etdécroît lorsqu'elle s'en éloigne (décalagevers le rouge ou redshift). Plus quantita-tivement, le décalage spectral z est égal àla variation relative entre la longueurd'onde observée �obs et celle prévue dansle référentiel au repos �0. En d’autrestermes, z = �obs/�0 - 1. Si z est positif, ledécalage est vers le rouge et si z estnégatif, il est vers le bleu. Cet effet a étédécouvert de façon indépendante par leFrançais Hippolyte Fizeau (1819-1896) etl'Autrichien Christian Doppler (1803-1853). Il est notamment utilisé pourconnaître la vitesse de déplacement desétoiles. Ce phénomène physique, nomméde façon générale effet Doppler, estappelé effet Doppler-Fizeau lorsqu'il s'ap-plique aux ondes lumineuses.Enfin, on constate que les raies du spectredes objets lointains sont systémati -quement déplacées vers les grandes longueurs d'onde (vers le rouge pour lespectre visible). Ce décalage vers le rougeest aisément mesurable car les raiesspectrales des atomes sont identifiableset leurs caractéristiques bien connuesgrâce à des mesures en laboratoire(figure 2). Ce phénomène a été interprété

AMÉMO

Tableau. Quelques valeurs représentatives de l’âge del’Univers au moment de l'émission en fonctiondu redshift de la source observée.

Figure 2.Spectre d'une source lumineuse sans décalage des raies (en haut) et avec décalage vers le rouge(en bas).

redshift âge de l’Univers ou décalage au moment de vers le rouge l'émission de lumière

(milliards d’années)

0 13,7

0,5 8,7 (63,5 %)

1 6,0 (43,8 %)

2 3,4 (25 %)

3 2,2 (16 %)

5 1,2 (8,7 %)

7 0,8 (5,8 %)

10 0,5 (3,6 %)

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Reste de la supernova de Kepler (SN 1604),dont l'explosion visible à l'œil nu a été observéeen 1604 par l'astronome allemand JohannesKepler. La bulle de gaz émet aujourd'hui trèspeu de lumière visible. Elle brille en rayons X,en infrarouge et en ondes radio.

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Figure 3.La distribution du rayonnement renseigne sur la température d’un astre et sur sescaractéristiques. Dans deux grandes parties du spectre électromagnétique, l'infrarouge d'une part, les rayons X et gamma de l'autre, les progrès de la détection spatiale permettent, par des mesures de plus en plus fines, d'accéder à des informations majeures sur les premièresétoiles et galaxies.

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radioinfrarougevisibleUVX�

1 cm 10cm

comme la preuve de l'expansion globalede l'Univers, qui affecte les échellescosmologiques. Il résulte du fait que lors-qu'un rayonnement est émis, il nous arriveavec un délai temporel au cours duquell'espace subit un étirement. C'est pourcela que sa longueur d'onde se dilate. Ilest à noter que l'expansion cosmologiquetransforme le spectre des sources loin-taines par un effet purement gravita-tionnel, sans rapport avec la vitesse de lasource relativement à l'observateur (quiest la cause de l'effet Doppler). Le déca-lage vers le rouge de la lumière dessources lointaines révèle leur distancespatio-temporelle et permet de les classerpar éloignement croissant (tableau).

Les lumières de l'UniversDans la quête de la compréhension del’Univers via l’observation, les astrophy-siciens exploitent l’ensemble du spectreélectromagnétique, depuis les ondesradio jusqu’aux rayons gamma, chaquedomaine spectral apportant des informa-tions spécifiques (figure 3).Le rayonnement micro-ondes, de grandelongueur d’onde, est peu arrêté parla matière. Il sort sans difficulté desnuages sombres et froids à l’intérieurdesquels se forment les étoiles. Ce rayon-nement est idéal pour percer les secretsde ces nuages et observer les premiersstades du développement des étoiles.Quand naissent les étoiles, elles sont plon-gées dans la poussière et ne sont visibles

que par leur rayonnement infrarouge.Regroupées dans le ciel en amas, lesjeunes étoiles se révèlent en lumièrevisible. La source d’énergie qui permet àune étoile de briller durablement provientdes réactions nucléaires se produisant enson sein tout au long de sa vie. Une étoilene vit pas éternellement et connaît une finde vie mouvementée, au cours de laquelleson cœur très chaud et très dense finit parse révéler. Il brille alors d'une intenselumière ultraviolette. Les objets trèschauds, de température supérieure à10 000 K, émettent préférentiellement desrayonnements ultraviolets. Ceux detempérature supérieure au million dedegrés émettent des rayons X. La mortspectaculaire des étoiles répand unsouffle brûlant visible en rayons X.Certaines étoiles mortes laissent derrièreelles un cœur très dense dans l’espace.Dans certains cas, plus extrêmes encore,le cœur de l’étoile se convertit en un astreplus exotique, un trou noir, dont la masseest susceptible d'atteindre une dizaine defois la masse du Soleil. Le trou noir n’émetpas de lumière, mais la matière qui tombesur lui peut être portée à de très fortestempératures. Elle émet alors un rayon-nement de haute énergie, sous forme derayons X et gamma.Combiner l’ensemble du spectre électro-magnétique est donc essentiel pourcomprendre la structure et l'évolution del'Univers, chaque rayonnement révélantun aspect différent.

Page 35: Dans les secrets de l'Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200934

Jupiter vu par la sondeCassini. Jupiter a déterminé

toute l’histoire du systèmesolaire. Il a joué un rôle

au moment de la formationde Saturne et a aidé à celle

des autres géantes, et mêmedes planètes telluriques.

En particulier, il était juste« au bon endroit » pour

favoriser l’apparitionde notre Terre.

L'exploration du système solaire nous l'a appris, et la découverte d'exoplanètes l'a confirmé : la Terre n'est qu'une planète parmi d'autres. Elles sont toutes nées dans une nébuleuse de gaz et de poussière entourant une jeune étoile. Dès que l'astre centralcesse sa contraction initiale, commence un processus complexe, qui voit des éléments dela nébuleuse se condenser en grains puis en corps plus importants, les planétésimaux, puis en embryons. Loin de l'astre, ceux-ci finissent par accumuler une masse de gazimportante et deviennent de ce fait des planètes géantes gazeuses. Ces premières-nées,comme Jupiter dans notre système, commandent alors le ballet des planétésimauxintérieurs. Entre accrétions et collisions, ceux-ci engendreront les planètes telluriquescomme la Terre. Rien n'est figé cependant, puisque les proto-planètes peuvent migrerà l'intérieur du disque selon des itinéraires variés. Quand et pourquoi cette migrations’arrête est aujourd'hui activement étudié afin de bien comprendre la formationdes systèmes planétaires stables.

Les planètes: un ballet de petitsastres virevoltants avant le finalde leurs naissances

L’exploration du système solaire, la découverte de planètes extrasolaires, de nouvelles idées et de puissantes simulations numériques ont permisde mieux comprendre comment se forment les planètes. Il est alorsapparu que le résultat aurait pu être tout autre, tant la forme finale d’unsystème planétaire dépend des conditions initiales.

Comment est né notre monde

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L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

Page 36: Dans les secrets de l'Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 35

Mercure

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TerreMars

Jupiter

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Uranus

Neptune

L'exploration du systèmesolaire, menée de pair avecune recherche vigoureuseet avec l'utilisationde nouvelles techniquesd'observation à partirde la Terre, a suscitéla naissance d'une nouvellescience essentiellementpluridisciplinaire :la planétologie. L'étudecomparée des planètesest un excellent moyende mieux connaître la Terre.

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L e siècle qui vient de s’achever restera dans notrehistoire comme celui de l’exploration du système

solaire. Les hommes ont marché sur notre satellite etrapporté des pierres lunaires pour les analyser dansleurs laboratoires. Des robots ont exploré Mars, étudiésa surface, mesuré ses vents et constaté l'absence de vie.Des sondes automatiques ont atterri sur Vénus, d'autres ont percé ses nuages et révélé les détails de sasurface. La comète de Halley, plusieurs autres comètes,des astéroïdes, Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune etleurs environnements ont reçu la visite d'engins fabri-qués par les hommes. Les grands moments de cetteexploration ont été les missions Apollo vers la Luneà la fin des années 1960, la mission Viking vers Marsau cours des années 1970 et surtout la missionVoyager qui a atteint les confins du système solaire aucours des années 1980. Le début du 21e siècle coïn-cide avec le retour vers Mars et vers le monde deSaturne avec la mission Cassini-Huygens, à laquelleparticipent activement les chercheurs du CEA, qui ontd’ailleurs collaboré à la construction de l'un des détec-teurs infrarouges de la sonde.L’ample moisson de données de ces dernières décen-nies, qui continue encore aujourd’hui, a bouleversé lapensée scientifique. Des simulations numériquessophistiquées ont permis de tester plusieurs modèleset d'ouvrir de nouvelles pistes. Les astrophysiciens ontalors réalisé que la Terre est une planète parmi d’au-tres qu'on peut étudier en la comparant avec sesvoisines. Ils ont compris que le système solaire estbeaucoup plus riche que prévu, tant par la diversité descorps qui l’habitent que pour la variété des phéno-mènes physiques qui s’y déroulent. La découverterécente de planètes extrasolaires ainsi que l’observa-tion de sites de formation d’étoiles ont permis de faireun bond significatif dans la compréhension de nosorigines.

Un nuage s’effondreL’histoire de notre système a commencé il y a environ4,55 milliards d'années. Quelque part dans la Galaxie,un nuage de gaz interstellaire s'est effondré sous sonpropre poids pour donner naissance à une étoile

– le Soleil – entourée d’une nébuleuse gazeuse quis'est très vite aplatie, formant un disque. Les réactionschimiques étant très sensibles à la température, lacomposition chimique dépendait de la distance auSoleil : de plus de 2 000 K près de l’étoile à quelquesdizaines de degrés au-dessus du zéro absolu auxconfins du système solaire. Des composés réfractaires(oxydes d’aluminium, de calcium et de titane, dessilicates de magnésium, du feldspath de sodium et depotassium, des oxydes de fer) et bien d’autres miné-raux sont ainsi apparus près du Soleil, alors que desglaces d'eau, de dioxyde de carbone, de méthane oud’ammoniac se formaient à la périphérie. Maiscomment passer d’un disque gazeux entourant uneproto-étoile au cortège des planètes que nousconnaissons ? Dans les années 1980, les astronomesont imaginé une succession d’étapes conduisantinexorablement à un état final unique avec desplanètes telluriques près du centre et des planètesgéantes à la périphérie. Tous les systèmes planétairesdevraient donc ressembler au nôtre. La détection desplanètes extrasolaires, le développement des modèlesthéoriques et l’exploration même du système solaireont permis de réaliser, vingt ans plus tard, que leprocessus de formation d’un système planétaireautour d’une étoile est en fait beaucoup pluscomplexe et peut conduire à une grande variété desituations finales.

La nébuleuse de la Carène. Grâce à l’observation des sites de formation d’étoiles, les astrophysiciens peuvent imaginer comment il est possible de passer d’un nuage interstellaire à une nébuleuse proto-stellaire puis à un soleil entouré d’un disque de poussières et de gaz.

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Dès que le Soleil a cessé sa contraction, un refroi-dissement brutal s’est produit en un temps relative-ment court à l’échelle astronomique. En effet, uneétoile tirant son énergie des réactions thermo -nucléaires se déroulant en son sein est bien moinslumineuse qu’une proto-étoile en plein effondre-ment. Une partie importante du nuage de gaz s’estalors solidifiée en grains d’une taille de l’ordre dequelques microns à quelques millimètres. Enquelques dizaines de millions d’années, la nébuleusegazeuse s’est donc transformée en un disque degrains dont la composition chimique dépend de ladistance au Soleil. Au fur et à mesure du refroidis-sement, divers minéraux et glaces se sont condensés.Les composés réfractaires du calcium, de l'alumi-nium, du magnésium et du titane se solidifient endessous de 2 000 K. Les silicates de magnésium, lefeldspath de sodium et de potassium, les oxydes defer le font vers 1 000 K. Vers 300 degrés au-dessus duzéro absolu, la vapeur d’eau se transforme en glaceet vers quelques dizaines de degrés, des grains solidesde méthane apparaissent. C’est pourquoi seuls leséléments réfractaires et d’autres minéraux se sontsolidifiés près du Soleil. À la périphérie du système,au contraire, les glaces d’eau, de dioxyde de carbone,de méthane et d’ammoniac ont dominé la compo-sition des grains. Les variations de densité et decomposition au sein du système actuel proviennentdonc des conditions de température régnant dans ledisque proto-planétaire.

Des « grains » aux planètesLa création de corps tels que les planètes ou les satellites à partir d’aussi petits grains de matière esttoutefois restée longtemps mystérieuse. La crois-sance directe de petits grains en grosses planètes par

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agglomérations successives demanderait des duréessupérieures à l'âge de l'Univers. La solution del’énigme n’est apparue que dans les années 1970,lorsque des simulations ont montré que, dans undisque de grains relativement calme, des instabilitésgravitationnelles locales sont inévitablement créées.Des corps de quelques centaines de mètres seforment alors par effondrement. Si au contraire lanébuleuse primitive est animée de violentes turbu-lences, des condensations naissent au centre destourbillons. Elles ont elles aussi une taille dequelques centaines de mètres. Bref, dans tous les casapparaissent ces corps de quelques hectomètres,appelés planétésimaux. Le disque de grains a donccédé la place à un disque de planétésimaux.Par le simple jeu de leurs collisions, ces plané té -simaux s’agglomèrent en des corps d’une taille del’ordre de cinq cents à mille kilomètres, qui peuventêtre considérés comme des embryons de planètes. Làencore, les collisions jouent un rôle essentiel dans lerésultat final. Lorsque les vitesses relatives des deuxprotagonistes sont faibles, ils fusionnent. Si aucontraire ils se rencontrent à grande vitesse, ils sefragmentent. Pour que le matériau s’accumuleprogressivement et donne naissance aux planètes, ilfaut donc des collisions relativement « douces ». Celane peut se produire que si les orbites des planété -simaux sont presque semblables, voire, dans l’idéal,qu’elles forment des ellipses concentriques. Si tel estbien le cas, cependant, un corps ne peut rassemblerque le matériau se trouvant dans son voisinageimmédiat. Le processus d’accrétion s’arrête assezvite. Pour qu’un objet accumule plus de matière, ildoit « balayer » une plus grande partie du système,donc parcourir une orbite excentrique. Mais celamène à une contradiction. En effet, les collisionsentre ce corps et les autres planétésimaux se produi-sent alors à des vitesses relatives très élevées… etaboutissent à la cassure des protagonistes. En d'au-tres termes, à partir d'un disque de planétésimaux, ilest relativement concevable d'obtenir un systèmeformé d'une centaine de petites planètes, mais beau-coup plus improbable d’obtenir quelques grossesplanètes, comme les huit qui peuplent notre système.

Planètes telluriques et géantesgazeusesLa formation de planètes de plusieurs milliers de kilomètres de rayon à partir d’embryons grandscomme la France n’a pu être étudiée et comprise qu’àl’aide de simulations numériques. Un embryonplanétaire, de par sa masse, perturbe le mouvementdu matériau diffus situé à son voisinage et attire fina-lement de grandes quantités de matière. Plus l’accré-tion est importante, plus la zone d’influence del’embryon s’étend. Il semble que, dans notre systèmecomme ailleurs, quelques embryons initialement unpeu plus gros que les autres aient ainsi « pris lepouvoir » en ramassant tout le matériau situé auxalentours. Peu à peu, toute la matière disponible s’estrapprochée de ces « dominants ». Dans le mêmetemps, plus les corps en orbite autour du Soleil seraréfiaient, plus les probabilités de collision, donc defragmentation, diminuaient. Tout concourait donc àla survie de ces quelques objets. Les dernières colli-sions ont déterminé les directions des axes de rotation

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Détail d'un modèle des anneaux de Saturne, montrant qu'ils ont la forme d'un disquetrès fin de cailloux et de poussières glacés similaires aux planétésimaux, ancêtresdes planètes. Mise en orbite autour de Saturne en 2004, la sonde Cassini envoiequotidiennement des données uniques permettant aux chercheurs de développerdes modèles de pointe pour simuler divers mécanismes importants.

L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

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des planètes et leur période initiale de rotation. Cemécanisme est maintenant à peu près universelle-ment admis pour expliquer la formation des planètestelluriques telles que Mercure, Vénus, Mars et la Terre.La naissance des planètes géantes comme Jupiter,Saturne, Uranus et Neptune a été plus longue àcomprendre. Dans les années 1970, les astronomespensaient que de tels objets se formaient, comme lesétoiles, par effondrement local du nuage gazeux. Cescénario est maintenant rejeté car il faudrait pour celaque le disque de la nébuleuse primitive soit instable etau moins dix fois plus massif que le Soleil, ce qui estpeu réaliste. De plus, les géantes gazeuses de notresystème ont des compositions nettement différentes decelles du Soleil et de la nébuleuse primitive. Il estapparu plus récemment qu’il fallait également exclureun scénario de type accumulation de planétésimaux,

propre aux planètes telluriques. La formation degéantes par cette voie demanderait en effet trop detemps. Il semble finalement que quelques noyauxsolides formés par accumulation de planétésimauxaient rassemblé le gaz présent loin du proto-Soleil etque chacun ait donné naissance à une planète géante.Un tel scénario se déroule en plusieurs étapes. Toutd’abord, des planétésimaux s’assemblent en un noyausolide, dense, entouré d’une atmosphère gazeuse defaible masse. Lorsque ce noyau a capturé pratique-ment tous les corps solides situés dans sa zone d’in-fluence gravitationnelle, la proto-planète continue decroître en capturant tout le gaz du voisinage. Par uneffet « boule de neige », cette capture s’accélère et laplanète grossit très rapidement. Ces captures échauf-fent alors l’ensemble et la température de la nébuleusequi entoure la proto-planète diminue avec la distanceau centre. Cela explique les densités décroissantesavec la distance des satellites (solidifiés ultérieure-ment) autour des planètes géantes actuelles. Au boutdu compte, ayant amassé tout le gaz disponible dansson environnement, la nouvelle planète se trouveisolée dans l’espace, elle finit de se contracter puis serefroidit lentement pour atteindre son état actuel.Dans ce type de scénario, la formation des planètesgéantes a été beaucoup plus rapide que celle desplanètes telluriques. Les modèles développés par diffé-rentes équipes indiquent que le noyau solide, résultatde l’accumulation de particules plus petites, a étéformé en moins d’un million d’années après l’effon-drement solaire et que l’accrétion d’une enveloppegazeuse massive d’hydrogène et d’hélium a durémoins de dix millions d’années. Jupiter semble avoirété la première planète formée dans le système solaire,et son apparition a façonné la suite de l’histoire. Sacroissance s’est déroulée à un rythme saisissant.Quand le proto-Jupiter a atteint une taille comparableà celle de la Terre, il a capté en moins de mille ans lamoitié de sa masse finale (qui vaut environ 300 foiscelle de la Terre) ! La chaleur dissipée était alors tellement intense qu’il était presque aussi brillantqu'une étoile. La planète est rapidement devenue

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La météorite d’Allende. Grâce aux indices accumulés au seindes météorites et à des simulations numériquessophistiquées, les scientifiques ont compris que le passaged’un disque continu de matière à un disque de planètes a duré quelques dizaines de millions d’années, ce qui est un temps très court à l’échelle astronomique.

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Saturne et ses anneaux vus à contre-jour. La planète a été photographiée par la sonde Cassini alors qu'elle masquait le Soleil. La Terre est visible en hautà gauche. Vous êtes sur la photo !

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L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

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suffisamment massive pour éliminer le gaz restant auxalentours. Elle a en effet « retenu » les molécules de gazcomprises entre elle et le Soleil (qui tournaient plusvite qu’elle) et a donc fait tomber ce matériau surl’étoile. Au contraire, le gaz extérieur étant plus lentqu’elle, elle l’a accéléré, donc éloigné vers la périphérie.La planète a ainsi créé un sillon dans le disque gazeuxcircumsolaire, ce qui a interrompu l’apport de matièrepremière. Le gaz tend certes à repeupler une tellepercée, mais les simulations numériques montrentqu’un Jupiter situé à 750 millions de kilomètres duSoleil (comme c’est le cas actuellement) repousse fina-lement le gaz. Par ailleurs, plus vite une proto-planètegéante est formée, plus grosse elle sera finalementparce qu’il reste encore beaucoup de gaz disponibledans le système. Si Jupiter est plus gros que Saturne,Uranus et Neptune, c’est tout simplement parce qu’ila été formé quelques millions d’années plus tôt.

De l’importance de JupiterEn condensant du gaz dans des régions extérieures,et en éjectant des planétésimaux aux confins du disquepar son action gravitationnelle, le jeune Jupiter aalimenté en matières premières la formation des autresplanètes géantes. Grâce à ce rôle de collecteur de matériau, Saturne a pu ainsi être formé plus vite. Enl’absence de Jupiter, Uranus et Neptune n’auraientprobablement jamais atteint leur taille actuelle. En

effet, loin de l’étoile centrale, dans les régions de faibledensité, la croissance d’un corps est si lente que ledisque de gaz se dissipe bien avant la formation d’unegrosse planète, ne laissant derrière lui qu’un astre« rabougri ». L’apparition de cette seconde générationde planètes géantes dans notre système aurait d’ailleurspu avoir un effet dévastateur. En effet, si deux de cesplanètes avaient été formées trop près l’une de l’autre,elles auraient pu interagir si fortement qu’ellesauraient été catapultées sur des orbites fortementexcentriques et inclinées, semant la perturbation danstout le système. La Terre aurait pu être chassée de sonemplacement par le passage proche d’une telle géante.C’est probablement ce qui s’est passé autour des étoilesaccompagnées d’un cortège de planètes aux orbitesexcentriques et inclinées, alors que toutes les planètesdu système solaire parcourent des orbites circulairesdans le plan de l’équateur du Soleil.En fait, Jupiter a déterminé l’évolution de l’ensembledu système par le jeu des résonances entre plané té -simaux. Plus proche du Soleil, plus éloigné ou placésur une orbite elliptique, il aurait perturbé l’accrétionde ces corps, empêchant la formation des planètestelluriques.

Un scénario consensuelPour résumer l’histoire de nos origines, la majoritédes scientifiques s’accorde aujourd’hui sur le scénariosuivant. D’abord les planètes géantes se sont forméesdans les parties extérieures de la nébuleuse proto-solaire, par capture de gaz d’hydrogène et d’héliumsur un noyau massif résultant de l’accumulation deplanétésimaux solides. Puis les planètes telluriquessont apparues, par accrétion de planétésimaux dansles parties intérieures de la nébuleuse. Tout cela n’aduré que quelques dizaines de millions d’années, cequi est très court à l’échelle astronomique. Les plané-té simaux non utilisés pour former les planètes ontinteragi avec ces dernières, et une ceinture d’asté-roïdes beaucoup plus massive que celle qui existeaujourd’hui est apparue entre Mars (dernière planètetellurique) et Jupiter (première planète géante), ainsique de nombreux corps exilés au-delà de Neptune.Après toutes ces perturbations, un calme relatif s’estétabli pendant environ 600 millions d’années. L’étudedes cratères des satellites du système solaire indiquepourtant qu’un bombardement intense s’est produitenviron 800 millions d’années après la formation desplanètes. Que s’est-il passé ? Il semble bien que lesplanètes géantes étaient initialement deux à trois foisplus proches du Soleil qu’aujourd’hui. Leurs inter -actions gravitationnelles les ont conduites à cemoment-là à s’éloigner du Soleil et à migrer vers l’ex-térieur. L’arrivée des planètes géantes aux confins dusystème solaire a provoqué un énorme chaos et unefoule d’astéroïdes a envahi tout le système, bombar-dant planètes et satellites pendant une dizaine demillions d’années. Le taux de bombardement étaitalors environ vingt mille fois supérieur à aujourd’hui.La Terre recevait l’impact d’un objet d’un kilomètretous les vingt ans ! C’est à ce moment-là que se sontformées les ceintures des astéroïdes et de Kuiper, que

(1) Astéroïdes troyens : astéroïdes partageant l’orbite de Jupiterautour du Soleil et situés autour de deux points d'équilibrestables. Ils sont répartis en deux groupes, l’un en avance de 60°et l’autre en retard de 60° sur Jupiter.

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Hypérion, un des satellites de Saturne, qui mesure environ 340 km de diamètre. Il estcriblé de cratères, indiquant que les satellites et les planètes du système solaire ont faitl'objet d'un bombardement intense d'astéroïdes.

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Loin d’être uniformes, les anneaux sont en fait cons-titués de milliers d’annelets aux bords parfaitementdélimités. Ils hébergent aussi des arcs de matièredécouverts pour la première fois autour de Neptuneen 1984 par l'auteur de ces lignes. Tout cela suggèrefortement l’existence de mécanismes de confine-ment, sujet majeur d'études dans de nombreuxdomaines de la physique. Les collisions entre lesparticules, les interactions gravitationnelles entre desanneaux minces et des petits satellites, ainsi que lesphénomènes de résonance, conduisent à un échanged’énergie et de moment cinétique tel qu’anneaux etsatellites se repoussent mutuellement. C’est ainsi quedeux petits satellites, appelés « satellites gardiens »,peuvent confiner un petit anneau. Les astronomes sedemandent actuellement si des mécanismes de cetype entre les premiers embryons de planètes forméset de plus petites particules n’ont pas joué un rôleimportant pour former des planètes telluriques. SiJupiter a indiscutablement déterminé l’existencemême de la Terre, c’est maintenant Saturne, autregéante gazeuse, qui nous renseignera peut-être sur laformation de notre propre planète.

> André BrahicUniversité Paris 7

Unité mixte de recherche astrophysique interactions multi-échelles (CEA-Université Paris 7- CNRS)

Service d'astrophysique (SAp)Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)

Direction des sciences de la matière (DSM)

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Les anneaux de Saturnevus en rayonnementsradio. Les similarités entreles anneaux et les disquesproto-planétaires sontmises à profit par lesscientifiques qui observenten direct des processusayant permis la formationdes planètes.

Jupiter a capté ses astéroïdes troyens(1) et que lesplanètes géantes ont acquis leurs satellites irréguliers.Dès lors, tout était en place. Environ 800 millionsd’années après sa naissance, le système solaire étaitproche de son état actuel et stabilisé. Depuis, l’évolu-tion s’est faite très lentement. Finalement, il a fallubeaucoup de hasards pour que notre systèmedevienne ce qu’il est aujourd’hui et pour que noussoyons là pour commenter son origine. Si la réparti-tion du gaz dans le disque autour du proto-Soleilavait été un tant soit peu différente, le résultat finalaurait été tout autre.

Les enseignements de SaturneEst-ce à dire que nous savons désormais tout denotre histoire ? Certainement pas. Malgré les spec-taculaires progrès récents, nombre de points restentencore à élucider. La durée de certaines étapes et leséchelles de temps de plusieurs phénomènes sontencore l’objet de discussions. La fragmentation d’unnuage est encore mal comprise. Le collage entre desagrégats de particules reste bien mystérieux. Commeindiqué plus haut, les scientifiques tournent main-tenant leur regard vers Saturne, grâce à la sondeCassini. Les anneaux de cette géante ont en effetsouvent été considérés comme un « laboratoire »caractéristique du disque de gaz et de poussières quientourait le Soleil avant la formation des planètes(voir Les anneaux de Saturne : un merveilleux labo-ratoire d'étude, p. 40).

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Les anneaux de Saturne : un merveilleux laboratoire d'étude

Les anneaux de Saturne, aussi brillantsque la planète elle-même, fascinent leshommes depuis des siècles. Galilée lesremarque le premier, en 1610, avec lalunette qui lui a permis l’année précédented’observer les cratères de la Lune et lessatellites de Jupiter. En raison de lamauvaise qualité optique de l’instrument,il voit des sortes de taches lumineuses depart et d’autre de la planète. C’est l’astro-nome hollandais Christiaan Huygens qui,en 1655, comprend que des anneauxentourent Saturne. Aujourd’hui, aprèsl'émerveillement, vient l’étude. La missionCassini, dans laquelle le CEA est trèsimpliqué grâce à l'accès à deux instru-ments embarqués – les caméras ISS et lespectromètre infrarouge CIRS –, les scruterégulièrement sous différents angles devue, à l’échelle de quelques heures,quelques mois ou plusieurs années, poursuivre les effets saisonniers. L'instrumentCIRS mesure notamment la températuredes anneaux, qui sont totalement gelés, etétudie avec précision la composition desparticules les constituant (voir Voyage dansles lumières de l’Univers, p. 90).Avec plus de 300 000 km de diamètre pourune dizaine de mètres d'épaisseur (saufexceptions), ne pesant au total pas plus

lourd qu'un satellite de 400 km, constituésde myriades de blocs de glace de l’ordredu mètre, les anneaux forment un mondeà part. Un monde en perpétuelle évolution,déformé en permanence par les satellitesproches, et à la surface duquel se propagentdes ondes spirales. C'est aussi une desstructures les plus évoluées de l'Univers,tout au moins si l’on mesure l’évolution àl’aune du nombre de révolutions – ce quiest appelé le « temps dynamique ». Depuisleur origine, d’ailleurs incertaine, lesanneaux ont peut-être fait des centainesde milliards de révolutions sur eux- mêmesalors que notre Galaxie n'en a fait quequelques dizaines… Ils tournent en ef fetsur eux-mêmes en une dizaine d’heures,contre environ 200 millions d’années pourla Galaxie (à la distance du Soleil). Durantces innombrables révolutions, les moindresperturbations, les structures les plussubtiles ont eu pleinement le temps dese développer, comme une gigan tesquebroderie gravitationnelle de taille plané-taire.Outre leur intérêt propre, les anneaux inté-ressent les scientifiques par leurs simila-rités avec d’autres disques de plus grandesdimensions (voir Les cocons des planètes,p. 41). En effet, à l’instar des disques d’ac-crétion autour d’étoiles, des trous noirsou des disques proto-planétaires, leurévolution est dictée par l’étalementvisqueux. Comme pour les galaxiesspirales ou les disques d’accrétion, parexemple, leur aplatissement provient deprocessus dissipant l’énergie. Ils sontgravitationnellement instables, ce qui lesrapproche à nouveau des galaxies spirales.Enfin, la région de leur bord externe est le

siège de processus d’accrétion évoquantles disques proto-planétaires au seindesquels se forment des planètes.

Observer la naissancedes planètesLes anneaux de Saturne présententcependant des caractéristiques propres quiles distinguent de tous les autres disquesastrophysiques. Par exemple, ils sont pourune grande part situés dans une zoneparticulière autour de Saturne, appelée lalimite de Roche. Ceci a retardé les processusd’accrétion, à cause des effets de marée.Conséquence heureuse de ce retard, lesastronomes sont aujourd’hui aux premièresloges pour étudier de visu comment lamatière s’assemble pour donner naissanceà des satellites, version « miniaturisée » dela formation des planètes.En couplant observation et simulationsnumériques, les équipes du CEA ont étudiéen particulier comment le matériau sestructure et s’accrète au bord externe desanneaux et, en s’inspirant de modèles deformation planétaire, ont pu expliquer laforme des petits satellites Pan et Atlas(environ 30 km de rayon), tous deux situésdans l’anneau A(1). Ceci a permis aussi demontrer comment des structures spiralesse forment autour de l’anneau F, à causede processus collisionnels qui évoquent lesdisques circumstellaires. Enfin les obser-vations de CIRS ont révélé la présence destructures gravitationnelles qui ne sontautres que des ondes de Jeans-Toomre,rencontrées, là encore, à l’origine de laformation des planètes.

> Sébastien Charnoz et Cécile Ferrari

Service d'astrophysique (SAp)Institut de recherche sur les lois fondamentales

de l’Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière (DSM)

Unité mixte de recherche astrophysiqueinteractions multi-échelles

(CEA-Université Paris 7-CNRS)CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

La face obscure des anneaux. Dans cetteimage, les anneaux de Saturne sont observésdu côté opposé au Soleil. Dans cette géométried’observation très inhabituelle, les anneauxdenses sont très sombres (l’anneau B enparticulier) et les anneaux peu densesscintillent faiblement (anneaux C et A). L’ombreprojetée des anneaux sur la planète est visible.

(1) Du centre à la périphérie, les anneaux sontidentifiés ainsi : D, C, B, A, F, G et E. La sérieinterne (D à A) rassemble les anneaux denses,brillants, visibles depuis la Terre. La sérieexterne (de E à F), découverte durantles dernières décennies du 20e siècle parles sondes Pioneer et Voyager, rassembledes anneaux beaucoup moins denses.

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Les images à haute résolution obtenues par la sonde Cassini ont révélé la forme étonnante de Pan(à droite) et Atlas (à gauche), deux satellites situés au cœur des anneaux de Saturne. Leursbourrelets à l'équateur les font ressembler à des soucoupes volantes. Ils se sont constitués parl'accumulation récente de poussières provenant des anneaux.

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D epuis 1995, date de la découverte de la premièred'entre elles, la recherche de planètes extra -

solaires a été très fructueuse. À ce jour, les astronomesen comptent plus de 350 à leur tableau de chasse. Les« exoplanètes » – comme d'ailleurs les planètes dusystème solaire – se sont très probablement forméesdans les disques de gaz et de poussière entourant lesétoiles jeunes. Ces disques jouent un double rôle dansles scénarios actuels de formation des planètes : ilsapportent la matière qui les constitue, et ils influen-cent également leur orbite. Il est donc essentiel de bienles connaître (taille, géométrie, masse, densité…)pour en savoir plus sur la genèse des planètes.

Une géométrie inattendueL'observation des disques n'est pas une mince affaire.La présence d'un disque autour d'une étoile a, toutd'abord, été inférée à partir de la lumière émise parle système étoile-disque. En effet, les poussières absor-bent la lumière de l’astre (essentiellement de lalumière visible), chauffent et réémettent cette énergiesous forme de rayonnement infrarouge. À l'obser-vation, un couple étoile-disque se signale donc parun excès d’émission infrarouge par rapport à uneétoile seule. Faire une image d'un disque est beau-coup plus difficile et très peu de disques ont étérésolus spatialement et cartographiés. Un des raresà l’avoir été entoure l’étoile HD97048, située dans laconstellation du Caméléon (hémisphère Sud) à unedistance de 600 années-lumière de la Terre. Deux foiset demie plus massive que le Soleil et quarante fois

plus lumineuse, HD97048 est encore très jeune :seulement 3 millions d'années, soit moins d'unmillième de l'âge du Soleil. Elle a été observée en 2006avec l’instrument infrarouge VISIR du VLT (VeryLarge Telescope), construit par le CEA/Irfu pour l’ESO(voir Voyage dans les lumières de l'Univers, p. 90).VISIR a démontré l'existence d'un disque s'étendant,à partir de l’étoile, sur plus de 370 fois la distance entrela Terre et le Soleil, soit 370 unités astronomiques(ua). Les images ont révélé une morphologie bienparticulière : le disque n’est pas plat mais s’évase régu-lièrement vers l'extérieur (figure 1). À sa périphérie,soit à 370 ua de son étoile, il atteint une épaisseur de360 ua. C’est la première fois qu’une telle structure,prédite par certains modèles, est directement mise enévidence autour d’une étoile aussi massive. Une tellegéométrie ne peut s’expliquer que si le disque contientencore beaucoup de gaz, dont la masse a été estiméeà au moins 10 fois la masse de Jupiter, soit environ1,9.1028 kg. La grande quantité de poussière qu’ilcomporte – plus de 50 fois la masse de la Terre, soitprès de 3.1026 kg – constitue un autre indice de sajeunesse. Selon toute probabilité, les astronomes ontsous les yeux un disque similaire à la nébuleuseprimordiale autour du Soleil dans laquelle sont néesles planètes de notre système, donc la Terre.

La migration des planètesBien avant la détection de la première planète extra-solaire, les théoriciens n'étaient pas sans savoir queles planètes en formation dans les disques étaient

Les étoiles jeunes sont entourées d'un disque de gaz et de poussière dans lequelse forment les planètes. Les astrophysiciens traquent et explorent ces disques« proto-planétaires » afin de comprendre la genèse des planètes. L'observation desdisques plus ténus entourant de vieilles étoiles permet de révéler indirectementla présence d'exoplanètes.

Les cocons des planètes

ESO

Vue d’artiste d’un disque proto-planétaire évasé.

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extrêmement mobiles, c’est-à-dire que leur rayonorbital pouvait varier de manière considérable, parsuite des effets de marée avec le disque. Ils savaientégalement que ces effets de marée avaient tendanceà amener les planètes en formation au voisinagede leur étoile centrale, leur faisant ainsi décrireune trajectoire spirale. Toutefois, ces travauxétaient restés assez confidentiels, aussi ce fut unesurprise extraordinaire de constater que 51 Peg b, lapre mière planète extrasolaire découverte, décrivait en4,23 jours une orbite de seulement 0,052 ua de rayonautour de son étoile centrale ! À titre de comparaison,Mercure, la planète la plus proche du Soleil, décritson orbite en 88 jours, à 0,39 ua de ce dernier. Depuislors, les travaux des théoriciens sur les interactionsde marée entre disques proto-planétaires et planètesen formation se sont retrouvés à l’avant-scène desscénarios de formation planétaire. Il n’existe en effetaucun mécanisme viable de formation in situ deplanètes géantes aussi près de leur étoile. La commu-

nauté des astrophysiciens s'accorde donc à penser queces objets se créent beaucoup plus loin de l'astrecentral, dans les régions du disque suffisammentfroides pour permettre la condensation des glacesd’eau, puis sont amenés au voisinage de leur étoile pareffet de marée. Ce processus s’appelle la migrationplanétaire. C’est un mécanisme essentiel pour laformation des systèmes planétaires : sa compréhen-sion en profondeur est donc cruciale.

Des itinéraires variésDepuis 1995, les théories de migration planétaireont énormément progressé. Initialement canton-nées aux études analytiques, elles ont beaucoupbénéficié de l’avènement de calculateurs suffisam-ment puissants pour prédire finement la réponsedu disque au cours des nombreuses orbites quedécrit une proto-planète. À l’heure actuelle, il existedifférents modes de migration d’une planète dansun disque. La migration de type I correspond à la

Figure 1. À gauche, image en fausses

couleurs (variant du bleuau jaune en fonction

de l'intensité) de l'émissioninfrarouge à la longueur

d'onde de 8,6 μmde la matière entourantl'étoile HD97048. Cette

émission est beaucoup plusétendue que celle d’une

étoile sans disque,représentée dans l’encadré

en bas à gauche. À droite,le centre de contour

de l'émission infrarouge(en forme d'ellipse)

est nettement décalépar rapport à la positionde l'étoile (marquée par

une flèche), indiquant quecette structure est un disque incliné. C

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Figure 2. Résultat d’une simulation

de l’interaction d’uneproto-planète géante

(d’une masse de Jupiter) et d’un disque

proto-planétaire. Un sillon(l’anneau sombre,

au travers duquel on voitles étoiles d’arrière-plan)a été évidé dans le disque

par la planète. Celle-ciexcite également dans

le disque un sillage spiral,par effet de marée.

C’est la force exercéepar ce sillage qui fait

migrer la planète.

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59,1

38,2

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intensité (10-1)

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dérive rapide, vers le centre, des planètes de petitemasse – typiquement la masse terrestre. Les planètesgéantes, en revanche, évident leur orbite où ellescreusent un sillon par effet de marée (figure 2). Il enrésulte une migration de type II, beaucoup plus lente.Les disques proto-planétaires turbulents engen -drent des migrations fort différentes : les fluctua-tions de densité résultant de la turbulence tendentà induire une marche au hasard du demi-grandaxe(1) des planètes de petite masse. C’est la migration« stochastique » ou « diffusive ». Son étude est parti-culièrement importante car les astrophysiciens s’at-tendent à ce que les disques proto-planétaires soientturbulents sur une grande part de leur rayon. Ilexiste également des modes de migration plusexotiques, comme la migration « emballée » (ou detype III) des planètes « sous-géantes », ou la migra-tion « de concert », vers l’extérieur, de planètesgéantes en résonance(2). Le Service d’astrophysiquedu CEA/Irfu, très impliqué dans l’étude de la migra-tion planétaire, a effectué plusieurs découvertes depremier plan. Reste toutefois une question essen-tielle : qu'est-ce qui arrête la migration planétaire ?À quoi on peut en ajouter une autre : pourquoi lesplanètes de notre système solaire semblent-ellesn’avoir pas migré ?

Des débris bien utilesLe disque autour des étoiles jeunes a tendance àdisparaître sur une échelle de temps d’environ dixmillions d’années. En effet, une partie de la matièrese retrouve dans les planètes, une autre est « souf-flée » au loin par la pression de la lumière émise parl’étoile, une troisième tombe en spirale jusqu'à l'astrecentral. Si bien que les étoiles d’âge mûr devraientêtre dépourvues de disque, et seule la lumière émisepar l’étoile devrait être observée. Et pourtant, lors-qu’en 1984 le premier satellite infrarouge américainIRAS (InfraRed Astronomical Satellite) a observé desétoiles comme Vega ou β-Pictoris à des fins de cali-bration, il a détecté un excès de lumière infrarouge.Comment expliquer un tel phénomène ? Y aurait-ilencore des poussières autour de ces étoiles ? Eh bienoui, comme l’ont très vite confirmé des observa-tions dans le visible de l’étoile β-Pictoris, qui ontrévélé la présence d’un disque résolu autour del’étoile(3).Comment réconcilier cette observation avec lesthéories qui prédisaient l’absence de poussière ?Les quantités de poussière en jeu sont très faibles,bien plus faibles que celles contenues dans lesdisques proto-planétaires. Ce ne sont d'ailleurs pasdes poussières primaires : elles ont été « stockées »dans des corps célestes comme des comètes ou des

astéroïdes, puis régénérées lors de l’évaporation deces comètes passant auprès de leur étoile, oulors de collisions entre astéroïdes. De tels phéno-mènes existent d'ailleurs dans le système solaire, etles poussières ainsi créées engendrent la lumière« zodiacale »(4).Ces disques de « débris » intéressent les astronomescar une planète peut y « sculpter » des sillons, net -tement plus faciles à observer que la planète elle-même. En 1994, le Service d'astrophysique aobtenu les premières images des régions centrales dudisque autour de l’étoile β-Pictoris. Celles-ci ontrévélé une morphologie laissant supposer laprésence d’une planète dans le système (figure 3).Récemment, une équipe du Laboratoire d'astro-physique de l'Observatoire des sciences del’Univers de Grenoble a montré qu’il y a au moinsune planète dans ce disque. S'ils ne sont pas le coconoù se forment les exoplanètes, les disques de« débris » constituent donc au moins une aideprécieuse pour les repérer.L'étude des disques, structures relativement ténues,repose sur le pouvoir de résolution du télescope,c'est-à-dire la finesse des détails qui peuvent êtreobservés. Or, cette résolution dépend directementdu diamètre du miroir. En effet, étant donné lephénomène de diffraction de la lumière, l’imaged’un objet ponctuel à travers un télescope n’est pasun point, mais une tache : la tache de diffraction.Plus grand est le diamètre du télescope, plus petitesera cette tache. L'image d’une étoile à travers l’E-ELT (European-Extremely Large Telescope ; voirELT/METIS, un géant de 42 mètres, p. 110), télescopeeuropéen de 42 mètres de diamètre qui entrera enservice en 2018, aura ainsi une surface 25 foismoindre que celle des images produites par le VLT.Ce sera donc un instrument extraordinaire pourl’étude des disques !

> Pierre-Olivier Lagage, Frédéric Masset et Éric Pantin

Service d'astrophysique (SAp)Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)

Direction des sciences de la matière (DSM)Unité mixte de recherche astrophysique

interactions multi-échelles (CEA-Université Paris 7-CNRS)CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

(1) Demi-grand axe : segment (imaginaire) qui joint le centred'une ellipse au bord en passant par un des foyers.

(2) Une résonance a lieu lorsque deux objets orbitant autourd'un troisième ont des périodes de révolution dont le rapportforme une fraction entière simple (par exemple 2/3 pourNeptune et Pluton autour du Soleil).

(3) Cette lumière visible provient de l'étoile et est simplementdiffusée par les poussières, contrairement à la lumièreinfrarouge qui est émise par ces poussières elles-mêmes.

(4) Lumière zodiacale : faible lueur visible dans le cielnocturne, s'étendant le long du plan de l'écliptique à partir des environs du Soleil, peu après le coucher ou avant le leverde celui-ci.

Figure 3. Image du disque de débris autour de l’étoile β-Pictoris, observé avec l’instrument VISIR du VLT.On peut notamment remarquer la dissymétrie du disque.

CEA

-ESO

1’’ 12,8 �m

E

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L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

Notre Galaxie, la Voie lactée, a la forme d'une belle spirale bien dessinée. Ce disque enrotation composé de gaz et de plus de deux cents milliards d'étoiles est en effet parcouru,très lentement, par des ondulations où se concentrent les étoiles les plus jeunes et les pluslumineuses, qui matérialisent ainsi la forme visible des bras spiraux. Au centre, un bulbesphérique au cœur duquel se tapit un trou noir supermassif. Le tout s’entoure d’un vastehalo de matière noire. Toutes les galaxies de l'Univers ne suivent pas un modèle aussiordonné. Certaines, dites elliptiques, adoptent une forme plus sphérique et comprennentessentiellement de vieilles étoiles aux trajectoires chaotiques. Comment se sont forméesces deux populations ? Pour retracer l’évolution des galaxies, les astrophysiciens traquentles objets les plus anciens de l’Univers. Entre évolution spontanée pour les galaxies spiraleset succession de collisions pour les elliptiques, des scénarios se dessinent. De nombreuxparadoxes et mystères demeurent cependant : l’histoire des galaxies n’est pas encore écrite.

Les galaxies: une évolutionpleine de paradoxes

Comme toutes les galaxies spirales, notre Voie lactée est active : de nouvelles étoilesy naissent encore aujourd’hui. Même si elles ne représentent pas, et de loin, la totalitéde la matière d’une galaxie, les étoiles en constituent le principal « moteur ».

La vie des galaxies actives

L’ observateur du ciel nocturne connaît bien laVoie lactée, cette bande luminescente qui

parcourt la voûte céleste. Notre Galaxie nous apparaîtainsi puisque c’est un disque vu de l’intérieur.Les astronomes en savent aujourd’hui beaucoup plussur sa forme réelle. Sa composante stellaire(1) s'étend

sur environ 100 000 années-lumière de diamètre. Lesplus récentes mesures situent le système solaire à26 000 années-lumière du centre, endroit où la Galaxiea une épaisseur de l'ordre de 2 500 années-lumière.

(1) La partie visible comprenant les étoiles.

Les êtres humains onttoujours été fascinés

par les étoileset les phénomènes

célestes. NotreGalaxie, la Voie

lactée, est un disquede plus de deux cents

milliards d’étoiles.L’Univers contient descentaines de milliards

d’autres galaxiesoù naissent les étoiles

à un rythme plusou moins élevé. Se

rge

Bru

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phase du milieu densité température fraction interstellaire (cm-3) (K) du volume (%)

milieu inter-nuage 0,003 1 million 50chaud

milieu neutre tiède 0,5 8 000 30

milieu ionisé tiède 0,1 8 000 25

milieu neutre froid 50 80 1

nuages moléculaires > 200 10 0,05

régions HII de 1 à 100 000 10 000 > 0,05

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 45

Figure 1. À gauche, image en lumière visible, prise par le télescope spatial Hubble, de la galaxie spirale M81, située à 12 millionsd'années-lumière de la Voie lactée. Le disque stellaire diffus apparaît en jaune, les bras spiraux constitués d’étoiles jeunesen bleu. À droite, ces bras révèlent, sur l'image en infrarouge obtenue avec le télescope spatial Spitzer, des régions actives(nuages) de formation stellaire. Les étoiles elles-mêmes, émettant peu en infrarouge, ont pratiquement disparu de l’image,sauf dans les régions centrales où leur densité est très élevée.

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Il s'agit d'une galaxie spirale, c'est-à-dire que le gazqui la compose n'est pas réparti uniformément dansle disque mais dessine plusieurs bras spiraux s'enroulant autour du centre (figure 1). En fait, cetteapparence est un leurre. En effet, ces bras sont desstructures transitoires, matérialisant dans le disquela propagation de zones de compression dues à larotation différentielle des étoiles et du gaz autour ducentre galactique(2). Ces ondes de densité balayentnotre Galaxie comme la houle traverse l'océan. Aumaximum de densité – à la « crête » de la houle – legaz se transforme en étoiles, créant ainsi la structureobservable qui fait de la Galaxie une « spirale ».La « faune » galactique se répartit en trois grandescatégories : les galaxies elliptiques, spirales, et irré-gulières ou naines. Ces morphologies traduisent desdifférences fondamentales dans l'histoire des galaxies.Par exemple, la majeure partie des étoiles peuplantles galaxies elliptiques sont apparues il y a une dizainede milliards d'années, alors que dans les galaxiesspirales les astres continuent à se former aujourd'hui.Ainsi la Voie lactée contient-elle à la fois des amasd'étoiles dont l'âge est comparable à celui del'Univers et d’autres encore en gestation. Le cœur dela Galaxie est particulièrement intéressant du pointde vue de la formation des étoiles. En effet, par le jeude la gravitation et de la dynamique galactique, c'estlà que se concentrent de grandes quantités de gaz, deformidables forces de compression et un trou noirsupermassif, le tout donnant naissance à la région laplus active de la Voie lactée, souvent prise commemodèle pour l'étude de galaxies actives distantes (voirUn trou noir mystérieux, p. 48).

Les étoiles…Mais qu’y a-t-il dans une galaxie ? D’abord desétoiles, bien sûr. Un observateur entraîné peut endistinguer quelque 4 000 à l’œil nu, mais notreGalaxie en contient environ 200 milliards. Leurmasse détermine la plupart de leurs caractéristiques :luminosité, couleur, durée de vie… (voir Voyage

dans les nurseries stellaires, p. 17). Par exemple, laprésence d’étoiles bleues, donc massives et de courtedurée de vie, dans une région donnée, indique uneformation d’étoiles récente, comme dans l’amas desPléiades, connu des astronomes amateurs.Les étoiles de notre Galaxie furent historiquementclassées en deux populations caractérisées par leursâge, composition chimique et trajectoire. La popu-lation I regroupe les étoiles qui suivent la rotation dudisque, en particulier des objets jeunes, riches enéléments lourds. Ce sont eux qui affectent laphysique du milieu interstellaire. La population IIrassemble de vieilles étoiles, contenant peu d’élé-ments lourds, souvent regroupées en amas globu-laires, distribuées dans le halo et parcourant destrajectoires chaotiques. Elles constituent les vestigesde la première vague de formation d’étoiles de laGalaxie, lorsque celle-ci n’était encore qu’une sphèrede gaz en contraction. À l’opposé, la population I estconstituée des étoiles créées après le disque.

… et le resteLes étoiles constituent de loin la composante la plusimportante d’une galaxie en termes de puissancerayonnée, mais pas la seule. Ces concentrations trèscompactes de matière sont en effet très éloignées lesunes des autres. Le milieu interstellaire occupe doncl’essentiel du volume Galactique. Et pourtant, avec

(2) À titre d'exemple, à la position du Soleil (26 000 années-lumière du centre), la vitesse de rotation du disque est del'ordre de 200 km par seconde. Notre système solaire effectueun tour de Galaxie en 250 millions d'années.

Tableau. Les différentes phases du milieu interstellaire et leurs propriétés caractéristiques.Les nuages interstellaires des régions HII sont principalement composés d'hydrogène dontla plupart des atomes sont ionisés par le rayonnement ultraviolet d’étoiles de type spectral Oet B, tandis que ceux des régions HI sont constitués d'hydrogène atomique neutre.

Page 47: Dans les secrets de l'Univers

nuage moléculaire populations stellaires

éléments

grains

formation stellaire

recyclageérosion et

fragmentation

perte de masse

évolutionstellaire

ionisationdu milieu

étoilesmassives

AGB

supernova

He

SiO

NC

H

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200946

L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

une densité moyenne de seulement un atome pour3 centimètres cubes, il ne représente que 3 % de lamasse stellaire(3). Il est constitué d’atomes neutres ouionisés, de molécules et de particules solides dequelques dixièmes de microns, voire moins : lesgrains de poussière. En fait, loin d’être homogène,le milieu interstellaire comporte différentes régionsde densités et températures variées (tableau). Malgrésa faible masse, le milieu interstellaire joue un rôlecapital dans l’équilibre énergétique de la Galaxie,

puisqu’il absorbe environ un tiers de la puissancestellaire et la réémet à des longueurs d’onde supé-rieures – donc à moindre énergie. Dans certainesgalaxies, dites « à flambée de formation d’étoiles »,cette fraction peut atteindre 99 %.L’interaction entre le rayonnement stellaire et lemilieu interstellaire, phénomène très complexe,recèle une grande richesse d’informations (figure 2).Grâce aux spectres galactiques, les astrophysicienspeuvent appréhender à distance la composition etl’état physique de différentes régions galactiques. Laforme de l’émission continue des grains indiqueainsi leur abondance et l’intensité du rayonnementstellaire qu’ils subissent, alors que les raies émisespar les atomes et molécules dénotent la compositionde la phase gazeuse, sa densité et sa température.Finalement, cet inventaire ne serait pas complet sansla mention d’une composante encore incomprise àl’heure actuelle : la matière noire. Elle représenteprobablement 70 % de la masse totale mais n’émetaucun rayonnement électromagnétique et ne semanifeste que par sa gravité. Historiquement, elle ad’ailleurs été révélée indirectement par son effet surla rotation des galaxies. Sa présence n’affecte pas lamicrophysique du milieu interstellaire. En revanche,elle est capitale pour comprendre la formation desgalaxies et leur dynamique (voir Formation desgalaxies : une histoire paradoxale, p. 56 etLa morphogenèse des galaxies, p. 60).

Les étoiles, moteurs des galaxiesTout comme les étoiles, et d’ailleurs principalementsous leur influence, les galaxies évoluent sur deséchelles de temps de l’ordre de quelques dizainesde millions d’années. Chacune des étapes de la vie desétoiles affecte la galaxie (figure 3). Elles naissent ausein de nuages moléculaires denses, par effon drement

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énergie absorbéedans le HI

énergie absorbée

dans le HII

étoiles OB(HII)

étoiles nonionisantes (HI)

rayonnementsynchrotron

gaz atomiqueet ionisé

poussière froide dans lesnuages moléculaires

grains chaudsdans les régions HII

poussière dans le HI

infrarouge submillimétrique radio

104

10 nm 100 nm 1 mm 1 cm 10 cm 1 m1 �m 10 �m 100 �m

106

108

Figure 2. Spectre électromagnétique

d'une galaxie (en noir),résultant de l’émission : des

étoiles les plus massives(en bleu) ; du gaz des

régions qu'elles ionisent (enjaune) et de la poussière

mêlée à ce gaz (en violet) ;des autres étoiles (en

rouge) et de la poussièreinterstellaire chauffée par

ce rayonnement (enmauve) ; de la poussièredans les nuages les plus

denses (en vert) et durayonnement des particules

chargées dans le champmagnétique (en bordeaux).

Les zones hachuréescorrespondent à la fraction

de l'émission absorbéein situ pour produire

les émissionsinterstellaires. Chaque

motif (raies, bandesd'émission, brisures du

continuum) de ce spectrerenseigne sur la physique

des galaxies.

Figure 3. Le cycle de l'évolution stellaire et son effet sur la composition des galaxies. La formationet l'évolution des étoiles contribuent à modifier, non seulement la composition chimiquedes galaxies, mais aussi leur contenu énergétique. La population stellaire AGBcorrespond aux étoiles de faible masse, dans leur phase de géante.

(3) Cette densité représente un vide extrême comparé à notreatmosphère, qui comporte 1022 atomes par centimètre cube.

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CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 47

gravitationnel et fragmentation (voir Voyage dans lesnurseries stellaires, p. 17). Des molécules s’accumulentà la surface des grains. La gestation des étoiles parti-cipe ainsi à la naissance des composés les pluscomplexes du milieu interstellaire. En retour, cescomposés prennent part à la formation des astres.Les conditions physiques particulières de ces régions –faible température et forte densité – engendrent uneémission spectrale originale : de nombreuses raiesmoléculaires et un rayonnement continu aux grandeslongueurs d’onde (dans l’infrarouge et le submilli-métrique), là où le milieu interstellaire est relative-ment transparent. Il faut noter que l’hydrogènemoléculaire froid, qui n’émet pratiquement aucunrayonnement détectable, constitue l’essentiel de lamasse considérée. Les observations doivent donccibler des constituants (poussières et molécules)présents à l'état de traces, afin d’extrapoler lespropriétés d’ensemble.Puis, durant la seconde étape de leur vie, les étoilesmassives injectent de l’énergie dans la galaxie.Pendant quelques millions d'années, ces objets nerejettent que peu de matière mais façonnent drama-tiquement le milieu alentour. Le rayonnement stel-laire dissocie les molécules, ionise les atomes etsublime les glaces accumulées à la surface des grains.Ces régions sont parmi les plus lumineuses et lesplus spectaculaires des galaxies, du fait des formesfascinantes créées par l'interaction du rayonnementet du vent stellaire avec le milieu environnant(figure 4). Leur observation est donc relativementaisée, et la mesure de la quantité d'énergie stellaireinjectée, par exemple via le rayonnement de recom-binaison de l'hydrogène, sert à quantifier le taux deformation d’étoiles. Ces mesures ne sont toutefoispas exemptes d'incertitude car la compositionchimique des galaxies influence la luminosité desétoiles et l’opacité du milieu interstellaire. Cetteinjection de grandes quantités d'énergie dans lemilieu interstellaire régule l’évolution galactique.Sans elle, le processus de formation stellaire perdraitl'un de ses principaux freins, et la plupart desgalaxies se retrouveraient aujourd'hui peuplées devieilles étoiles, leur réservoir de gaz s’étant épuisé enquelques millions d’années.

Une mort fertileLa fin de vie explosive des étoiles massives trans-forme profondément le milieu interstellaire. Cetteexplosion, appelée supernova, disperse la quasi-totalité des éléments lourds fabriqués par l'étoile,ainsi que toute la série des éléments plus lourds quele fer, formés lors de l'explosion (voir L’explosion des supernovae, p. 26). Observant les supernovae extra-galactiques depuis quelques années, les astrophysi-ciens commencent à mieux connaître la répartitionchimique des éléments qui retournent au milieuinterstellaire. Ils peuvent alors, en retour, « lire » dansla composition chimique d’une galaxie l’effet de laformation stellaire au cours de sa vie. L'explosion dessupernovae engendre aussi des ondes de choc quibalayent le milieu interstellaire sur des milliers d'an-nées-lumière. Ces chocs ont un effet profond : ilsinjectent une énergie que le milieu interstellairedevra réévacuer pour amorcer le processus deformation stellaire. Ils fragmentent également les

grains de poussière, ce qui modifie leur émission.Enfin, les supernovae représentent un des princi-paux sites de génération et d'accélération des rayonscosmiques, ces noyaux atomiques qui voyagent surdes distances parfois plus grandes que les galaxieselles-mêmes et qui, déposant une partie de leurénergie dans les nuages moléculaires, retardent leureffondrement (voir Élucider le mécanisme d'accélé-ration des rayons cosmiques, p. 50).La mort des étoiles moins massives participe aussiau cycle galactique. Celle-ci se caractérise par l'exis-tence de phases durant lesquelles les différentescouches de l’étoile, enrichies en carbone, siliciumet oxygène, sont lentement rejetées dans le milieuinterstellaire. La température s'abaisse lentementpour atteindre un niveau propice à de nombreusesréactions chimiques et à la formation de poussièreinterstellaire. Ces étoiles « à enveloppes » constituentle principal site de formation de la poussière inter-stellaire.

> Marc Sauvage1 et Frédéric Galliano2

Service d'astrophysique (SAp)Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)

Direction des sciences de la matière (DSM)Unité mixte de recherche astrophysique

interactions multi-échelles (CEA1-Université Paris 7- CNRS2)CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

Figure 4. La région 30 Doradus dans le Grand Nuage de Magellan. Il s'agit d'une région très riche enétoiles massives concentrées en amas (au centre de l'image) qui ont un impact profond surle milieu environnant. La composante bleue représente l’émission en rayons X mous du gazionisé diffus et très chaud. La composante verte correspond à la lumière visible émise parles étoiles et les parties les plus denses de la nébuleuse. La composante rouge montrel’émission infrarouge des poussières.

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Page 49: Dans les secrets de l'Univers

Un trou noir mystérieux

Un astre exceptionnel est tapi au cœur dela Voie lactée, vers la constellation duSagittaire(1). Cette région complexe etviolente, dissimulée au regard par lamatière interstellaire, peut néanmoinsêtre observée dans les domaines desondes radio, infrarouge, X et gamma.C’est ainsi que les astronomes y ontdétecté un trou noir supermassif, d’en-viron quatre millions de masses solaires.À partir de 1992, les observations eninfrarouge, réalisées sur une périoded'une quinzaine d'années, d’une poignéed’étoiles situées en plein centre galac-tique et parcourant très rapidement desorbites elliptiques autour du même point,ont définitivement démontré sa présence.

Un tel mouvement ne peut en effet s’ex-pliquer que par l’attraction d’une massede plusieurs millions de fois celle duSoleil… concentrée dans un rayon infé-rieur à 100 fois la distance Terre-Soleil,soit 15 milliards de kilomètres. Aucun

système aussi compact ne peut résister àl’effondrement gravitationnel : il s’agitdonc forcément d’un trou noir géant. Sonrayon d’horizon(2) est estimé à seulement17 fois le rayon du Soleil.De par sa puissance gravitationnelle, ildomine la dynamique de la matière dansun rayon de plusieurs années-lumière, etpeut notamment capturer une partie duvent stellaire des étoiles de la région.Tombant vers le trou noir, cette matièredécrit une trajectoire spirale en formantun disque d’accrétion. Elle atteint destempératures très élevées et émet desondes électromagnétiques de diversesfréquences, avant de disparaître. C’estainsi qu’en 1974, des observations radio(menées depuis les années 1950) ontdécouvert là une source d’émissionscompacte, brillante et variable, au centred’une nébuleuse spirale diffuse (figure 1).Nommée Sagittarius A* (Sgr A*), cettesource se situe exactement au foyer des

Le centre de notre Galaxie vu par Chandra, le satellite de la NASA dédié à l'observation dans le domaine des rayons X. Au cœur se cache un trou noir géant.

Figure 2. Le centre de la Galaxie vu par le télescope XMM-Newton en avril 2007 (caméra EPIC PN, rayons Xde 2 à 10 keV), avant (à gauche) et pendant (à droite) une éruption X de Sgr A*. La position dela source radio Sgr A* est indiquée et témoigne que l’éruption X est bien associée au trou noir –non pas à d’autres objets comme la source AX J1745.6-2901.

Figure 1. Image radio du centre de la Galaxie montrantla nébuleuse spirale et la source compacte Sgr A* (point blanc au centre de l’image).

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L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200948

(1) Le centre dynamique et de symétrie denotre Galaxie est situé dans l’hémisphèrecéleste austral, à environ 26 000 années-lumièrede la Terre.

(2) Rayon d'horizon : surface sphériqueentourant la singularité centrale d’un trou noir.Rien de ce qui pénètre à l’intérieur, pas mêmela lumière, ne peut s’en échapper.

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éruption de Sgr A*

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CEA

Page 50: Dans les secrets de l'Univers

orbites des étoiles observées en infra-rouge, et est donc considérée aujourd’huicomme la contrepartie du trou noir central.

Un déficit d’émissionsMalgré son éclat radio remarquable, cetobjet émet une puissance totale très infé-rieure aux prévisions. C’est pourquoi lesastronomes des hautes énergies cher-chent depuis trois décennies sa contre-partie dans les domaines X et gamma,rayons énergétiques émis par les régionsinternes et chaudes du flot d’accrétion etqui portent les stigmates des effets rela-tivistes dus au trou noir. En 1999, l’ob-ser vatoire X Chandra de la NASA a enfindécelé une faible émission X persistante.Un milliard de fois moins intense queprévu, elle indique que la matière n’estpas accrétée au taux attendu. Néanmoinsla découverte la plus spectaculaire de cesdernières années a été la détection, en2000 et dans les années suivantes, deviolentes éruptions X au cours desquellesla luminosité augmente jusqu'à 150 foisdurant quelques heures.Des équipes du Service d’astro physiquedu CEA/Irfu et de l’APC ont étudiéplusieurs éruptions de Sgr A*, en mesu-rant simultanément les émissions X(observatoire spatial XMM-Newton del'ESA), infrarouge (té les cope VLT de l’ESOau Chili) et gamma (télescope IBIS del’observatoire spatial INTEGRAL del'ESA) ; voir Voyage dans les lumières del'Univers, p. 90. La dernière campagne aobservé, en X et en infrarouge proche, ladeuxième plus brillante éruption connuede Sgr A* (figure 2). L’absence de signalgamma à cette occasion indique quel’émission gamma du centre galactique,récemment découverte par INTEGRAL(figure 3), n’est pas directement liée à ceséruptions. Elle révèle néanmoins laprésence d’un puissant accélérateurcosmique de particules, dont la relationavec le trou noir central reste à élucider. Il faudra attendre la mise en opération detélescopes spatiaux X/gamma de nou -velle génération pour en savoir plus(voir Simbol-X, pionnier des vols enformation, p. 108).

> Andrea GoldwurmService d'astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)

Direction des sciences de la matière (DSM)Unité mixte de recherche astroparticule

et cosmologie (CNRS-Université Paris 7-CEA)CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

Figure 3. Image (avec contours d’intensité) de la région centrale de la Galaxie enregistrée par le télescopeIBIS d’INTEGRAL (rayons gamma de 20 à 40 keV). La position de Sgr A* est indiquée et montre quela source gamma au centre pourrait être liée au trou noir supermassif. Les autres sources gammavisibles sont pour la plupart associées à des systèmes binaires X connus, dont le microquasar1E 1740.7-2942.

Image du centre galactique prise avec la caméra infrarouge NACO montée au foyer du télescopeYepun du Very Large Telescope (VLT) de l’ESO, installé sur le mont Paranal au Chili. Elle montreles étoiles les plus lumineuses de la région qui nourrissent, avec leurs puissants vents stellaires,le trou noir central.

ESO

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 49

G. B

élan

ger/

CEA

ESO

Page 51: Dans les secrets de l'Univers

Carte du ciel en rayonsgamma, obtenue par

le télescope Fermi. Outreles sources ponctuelles,

l’essentiel provientde l’irradiation du milieu

interstellaire parles rayons cosmiques.

Les collisions nucléairesavec le gaz génèrent

entre autres des pionsneutres(1) puis des

photons gamma. La structure observée est

essentiellement celledu milieu interstellaire,

avec une forteconcentration dans

le plan et vers le centrede la Galaxie.

Les galaxies baignent dans un flux de particules électriquement chargées sedéplaçant à des vitesses comparables à celle de la lumière : les rayons cosmiques. Le processus de leur accélération recèle encore des mystères, mais il estcommunément admis que l'énergie nécessaire provient des supernovae.

Élucider le mécanisme d'accélération des rayons cosmiques

L es rayons cosmiques ont été baptisés ainsi lorsde leur découverte au début du 20e siècle.

« Rayons » parce qu’ils partagent avec les rayons Xet gamma (γ), découverts à la même époque, lapropriété d’ioniser la matière. « Cosmiques » à causede leur origine extraterrestre. En fait, cette appella-tion est trompeuse : il ne s’agit pas d’un rayonne-ment électromagnétique mais d’un flux departicules chargées relativistes, donc très énergé-tiques. Ce sont essentiellement des protons, avecune fraction d’éléments plus lourds et quelques %d’électrons.Le Service d'astrophysique du CEA/Irfu s'est illustrédans les années 1980 dans l'étude de leur composi-tion détaillée, qui nous a appris que ces rayonscosmiques sont d'origine interstellaire et ont unedurée de vie dans la Galaxie de l'ordre de 20 millionsd’années. Leur spectre en énergie se prolonge régu-lièrement jusque vers 3.1015 eV. Baignant l’ensemblede la Galaxie, les rayons cosmiques entretiennentl'ionisation d'une fraction du gaz jusqu’au cœur desnuages moléculaires. Ces particules électriquementchargées sont déviées par le champ magnétiquegalactique, et n’apportent donc aucune informationsur leur provenance. En revanche, les photons X etgamma qu’elles émettent se propagent en lignedroite, permettant aux astronomes de trouver lessources des rayons cosmiques.

Une raquette de tennisÉtant donné leur énergie totale et leur durée de vie,il faut une puissance importante pour maintenir leniveau actuel des rayons cosmiques : cela représenteenviron 10 % de la principale source d’énergie du

milieu interstellaire, les supernovae. C’est donc là,logiquement, qu’il faut chercher leur origine. En fait,ce n’est pas l’explosion elle-même qui accélère lesparticules, mais l’onde de choc qui en résulte (voirLes restes de supernova, p. 27). La théorie expliquantce phénomène a été formalisée à la fin des années1970. Elle s’appuie sur l’existence d’une turbulencemagnétique dans le gaz ionisé, qui fait diffuser lesrayons cosmiques. De par leur vitesse, ceux-ci traver-sent facilement l’onde de choc, qui ne se propagequ’à quelques milliers de km/s (soit 1 % de la vitessede la lumière). En diffusant de part et d’autre duchoc, ces particules gagnent en moyenne del’énergie, à la manière d’une balle de tennis rebon-dissant sur une raquette qui avance, car le gaz n’a pasla même vitesse des deux côtés. Un choc est en effetassimilable à une discontinuité de la vitesse. Ceprocessus auto-amplifié – les particules accéléréesexcitent elles-mêmes la turbulence magnétique enamont du choc – capte une fraction importante del’énergie cinétique disponible.Il reste difficile, en revanche, d’expliquer commentaccéder à des énergies supérieures à 1015 eV dans unreste de supernova. L’accélération est d’autant plusefficace que l’onde de choc se déplace vite et quela turbulence magnétique est intense. Cependant,plus une particule monte en énergie, plus le temps

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(1) Pion neutre : particule qui, avec les pions chargés π+ et π-,joue un rôle important dans la cohésion du noyau atomique.De masse légèrement inférieure à celle des pions chargés(134,97 MeV/c2) et d'une durée de vie beaucoup plus courte(8,4.10-17 s), π0 se désintègre dans 98,79 % des cas en deuxphotons gamma, sinon en un photon gamma et une paireélectron-positon.

L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200950

Page 52: Dans les secrets de l'Univers

Figure 1. Image en rayons X du reste de la supernova de 1006 (de la taille de la Lune), acquise avec l'observatoire XMM-Newton. Le rouge correspond à l’émission thermiquede l’oxygène (de 0,5 à 0,8 keV), le vert et le bleu à desémissions légèrement plus énergiques (respectivement 0,8 à 2 keV et 2 à 4,5 keV). L’émission synchrotron des électronsaccélérés apparaît blanche.

Figure 2. Spectre du reste de supernova RX J1713.7-3946 sur tout le domaine électromagnétique.Les points de mesure (en couleur) sont dans les domaines radio, X et gamma. La premièrebosse (des ondes radio aux rayons X) correspond à l’émission synchrotron des électronsaccélérés. La deuxième bosse (en gamma) est composée de l’émission Compton inverse desélectrons (IC) et de la désintégration des pions(1) produits lors d’interactions nucléaires entrele gaz et les protons accélérés (π0). EGRET était le prédécesseur de Fermi. Le modèle superposé(la courbe pleine) privilégie l’émission gamma des protons, mais il est aussi possiblede construire un modèle dominé par l’émission des électrons en gamma (courbe en tirets).

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CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 51

d’accélération nécessaire augmente. Or, même dansles conditions les plus favorables (le champ magné-tique turbulent atteignant le niveau du champordonné), le reste de supernova s’épuiserait avantque les particules parviennent à 1015 eV.

Une énergie inexplicable Où chercher la clé de cette énigme ? La plupart desétoiles massives explosent en groupe, dans un environnement profondément modifié par les ventsde toutes ces étoiles et les premières explosions. Lechoc se développe dans un milieu très raréfié, etmême si le mécanisme d’accélération fonctionne,l’émission associée sera faible. Les astronomes s’intéressent donc aux supernovae isolées, qui se développent dans un milieu plus dense et plus simpleet sont de ce fait plus propices à l’observation. Lesrestes de supernovae historiques, comme SN 1006(figure 1), conviennent particulièrement bien à lamodélisation parce que leur âge est connu avecprécision et que leur vitesse est encore élevée.La première grandeur observable est l’émissionsynchrotron des électrons accélérés spiralant dans lechamp magnétique. Les électrons ne représententcertes que quelques % des rayons cosmiques, mais ilsconstituent un traceur du mécanisme d’accélération.Les électrons très énergiques (1013 eV) émettent desrayons X alors que les autres (vers 109 eV) émettentdes ondes radio (figure 2). Au début des années 2000,les observatoires en rayons X ont montré que l’émis-sion est concentrée dans une nappe très mince justeau niveau du choc, alors que les particules devraientêtre présentes, comme le gaz, plus loin à l’intérieur.Les électrons perdent donc leur énergie (à cause durayonnement synchrotron) très vite derrière le choc.Cela signifie que le champ magnétique est très élevé,dépassant de plus de dix fois les prévisions. Lesrayons cosmiques peuvent donc exciter la turbulencemagnétique bien au-delà du niveau du champordonné. Cette amplification inattendue du champmagnétique explique que certaines particules puis-sent atteindre une énergie de 3.1015 eV.

Des questions en suspensLes astrophysiciens commencent donc à bien cernerle mécanisme d’accélération des rayons cosmiques,d’autant que l’observation de plusieurs restes desupernovae, dont SN 1006 en 2008, en rayonsgamma par l'instrument HESS (voir Voyage dans leslumières de l'Univers, p. 90) fournit de nouvellesdonnées (figure 3). Plusieurs questions demeurentnéanmoins. Tout d’abord, existe-t-il vraiment desprotons accélérés, et pas seulement des électrons ? Lanature de l’émission gamma détectée par HESS resteambiguë (figure 2). Ensuite, quel est le rendementdu processus ? Quelle fraction de l’énergie cinétiquedisponible passe dans les rayons cosmiques ? Pourrépondre, il faudra détecter les protons, qui sont lacomposante dominante, et mesurer la densité dugaz. Le flux de rayons gamma donnera alors uneidée de la quantité de protons accélérés.Enfin, dernière question : en quoi l’accélérationdépend-elle de l’orientation du champ magnétique ?Dans SN 1006, l’émission synchrotron n’est pasuniforme mais concentrée dans deux croissants(figure 1). Cette structure provient certainement del’orientation du champ magnétique avant l’explo-sion. L’émission X très faible au centre de SN 1006indique que les croissants sont plutôt des calottessituées aux pôles magnétiques, et que l’accélérationfonctionne lorsque le choc se propage le long duchamp magnétique. Or des études statistiques dansle domaine radio tendent à prouver que l’émissionse produit plutôt dans une ceinture équatoriale. Et,pour ne rien simplifier, il existe des théories expli-quant les deux situations !

Des progrès menés de frontLa théorie de l’accélération au choc par diffusionprogresse en même temps que les observations.Des modèles, prenant en compte à la fois la généra-tion de turbulence par les rayons cosmiques et leurrétroaction sur la structure du choc, se développent.Les astrophysiciens du CEA/Irfu les intègrent dans

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L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200952

Figure 3. Le reste de supernova RX J1713.7-3946 vu par l'instrumentHESS dans la gamme des rayons gamma de très hauteénergie (TeV). Les pics d’émission observés sont dusà la structure du gaz interstellaire.

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un modèle global de reste de supernova. Ils vont dèsmaintenant approfondir leurs études en rayons X et,dans le cadre d'un grand projet sur SN 1006, sonderce reste de supernova avec l'observatoire XMM-Newton, dont la sensibilité devrait apporter desréponses sur la rétroaction et l’orientation du champmagnétique (voir Voyage dans les lumières del'Univers, p. 90). Les questions sur les protons et lerendement reposent essentiellement sur l’astronomiegamma. Si la résolution spatiale dans ce domainereste limitée, en revanche la gamme d'énergie vas'étendre considérablement. En effet, les instrumentsHESS 2 (mise en service début 2010) et l'observatoireFermi (lancé en 2008) couvriront à eux deux la bandegamma de 100 MeV à 10 TeV, et permettront dedistinguer les composantes provenant des électronset des protons.

> Jean Ballet, Anne Decourchelle et Isabelle Grenier

Service d'astrophysique (SAp)Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)

Direction des sciences de la matière (DSM)Unité mixte de recherche astrophysique

interactions multi-échelles (CEA-Université Paris 7-CNRS)CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

Quand les premières galaxies commencèrent-elles à briller dans l’histoire del’Univers ? En quoi différaient-elles des galaxies actuelles ? La traque des objetsles plus anciens de l’Univers cherche à répondre à ces questions.

À la recherche des grands ancêtres

L’amas de galaxiesAbell 1689 où une galaxie

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Page 54: Dans les secrets de l'Univers

D ans un passé très lointain, l’Univers était trèsdense et très chaud. Le fond diffus cosmolo-

gique nous révèle que, 380 000 ans après le big bang,il était encore constitué d’un plasma homogène (voirLa grande histoire thermique de l'Univers, p. 62). Detoute évidence, il n’existait aucune étoile ou galaxieen ce temps-là. Les écarts par rapport à cette homo-généité – mesurés par les satellites américains COBE(COsmic Background Explorer), puis WMAP(Wilkinson Microwave Anisotropy Probe) et, au coursdes prochaines années, par le satellite Planck lancé enmai 2009 (voir Voyage dans les lumières de l'Univers,p. 90) – ne dépassaient guère une partie pour 100 000.Et pourtant, ces fluctuations minimes intéressent auplus haut point les cosmologistes. Elles constituenten effet les germes à partir desquels se sont constituésles étoiles, galaxies et amas qui, 13 milliards d’annéesplus tard, peuplent l’espace intergalactique.Pour comprendre la formati on initiale des galaxies, ilfaut identifier les objets les plus anciens de l’Univers,ou tout au moins recueillir leur lumière fossile. Cettetraque repose sur le fait que l’Univers est en expan-sion. Tous les objets s’éloignant les uns des autres, lesphotons émis par une source et reçus par un obser-vateur subissent un décalage spectral, dit redshift,noté z (voir Mémo A, Sonder l'Univers sur toute lagamme lumineuse, p. 31). Leur fréquence – et doncleur énergie – diminue, un peu comme la sirène d’uneambulance s’éloignant de nous paraît devenir de plusen plus grave. Or tous les objets, même les plusanciens, sont (ou étaient) composés des mêmeséléments, dont les longueurs d'onde ou fréquencesd’émission et d’absorption ont été mesurées avecprécision au laboratoire. En comparant à ces réfé-rences les longueurs d'onde ou fréquences présentesdans le spectre d’une source cosmologique, les physi-ciens peuvent donc estimer sa distance et le momentoù sa lumière a été émise. Le rapport des longueursd’onde observées aux longueurs d’onde intrinsèquesest exactement celui de l’échelle globale de l’Universactuel à l’échelle de l’Univers lorsque la lumière a étéémise. Par convention, ce paramètre important estpris comme étant égal à « un plus le redshift », donc :1 + z. Un décalage spectral nul (z = 0) correspond aumo ment présent et caractérise la lumière provenantdes objets proches, alors que les valeurs élevées de zse rapportent à l’Univers distant.

Reconnaître les objets très éloignésLe fond diffus cosmologique, émis par un Univers âgéde 380 000 ans, a une valeur de z légèrement supé-rieure à 1 000. Pour la plupart des galaxies et étoilesrecensées, z varie de 0 à 3. Cette dernière valeurcorrespond à un Univers âgé d’environ 2,2 milliardsd’années. Les cosmologistes considèrent que lesgalaxies « normales », comme les spirales compara-bles à notre Voie lactée ou les galaxies elliptiques trèsmassives (par exemple M87 dans l’Amas de la Vierge),se sont formées après cette date. Les « premièresgalaxies » auraient, elles, un décalage spectral supérieurà 3. Malheureusement, il devient très difficile, avec lesinstruments existants, de localiser et étudier desgalaxies au-delà de cette limite. Il faut braquer les plusgrands télescopes sur une même région pendant delongues périodes(1). Cela donne des images certes très« profondes » mais comportant tellement de galaxies

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 53

qu’il est délicat de distinguer celles dont le rayonne-ment est faible car elles sont éloignées, de celles quiémettent peu parce qu’elles sont petites, tout simple-ment. Les galaxies les plus éloignées connues à ce jouravec certitude se situent à un redshift d’environ 7,correspondant à un Univers âgé de moins d’unmilliard d’années.Pour reconnaître les objets les plus distants, les astro-physiciens utilisent la technique de la discontinuité deLyman (Lyman Break Technique), qui s’est largementrépandue depuis le milieu des années 1990. Elle reposesur le fait que l’hydrogène intergalactique absorbe lesphotons de longueur d’onde inférieure à 912 Å,correspondant à l’ultraviolet extrême. Cette « limitede Lyman » représente l’énergie nécessaire pour arra-cher l’électron de l’atome d’hydrogène. Il en résulteque très peu, voire aucune lumière émise avec unelongueur d’onde inférieure à 912 Å ne nous parvientdes galaxies distantes. Cela donne lieu à une disconti-nuité (ou rupture) très caractéristique qui permet dereconnaître les galaxies lointaines par leurs couleursanormales. Pour les astronomes, le terme couleur faitgénéralement référence au rapport des flux ou lumi-nosités observés à partir de bandes passantes diffé-rentes (figure 1). Or le décalage spectral des sourcestrès éloignées déplace cette limite vers des longueursd’onde supérieures(2). Par exemple, pour z égal à 3,

(1) Le champ ultra-profond de Hubble (Hubble Ultra DeepField), une petite région de ciel d’environ 3 x 3 arcmin2, a ainsiété observée pendant environ 400 heures, au moyen dutélescope spatial Hubble de la NASA/ESA, en utilisant quatrefiltres de longueurs d'onde différentes, de 4 000 à 9 000 Å.

(2) Ce qui permet de l’observer depuis la Terre, alors quel’atmosphère bloque les longueurs d’onde de l’ordrede 1 000 Å.

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Page 55: Dans les secrets de l'Univers

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J0836+0054 z = 5,82

J1436+5007 z = 5,83

J0005-0006 z = 5,85

J0840+5624 z = 5,85

J1335+3533 z = 5,95

J1306+0356 z = 5,99

J0818+1722 z = 6,00

J1137+3549 z = 6,01

J1630+4012 z = 6,05

J1602+4228 z = 6,07

J1250+3130 z = 6,13

J1048+4637 z = 6,20

J1623+3112 z = 6,22

J1030+0524 z = 6,28

J1148+5251 z = 6,42

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L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200954

la discontinuité est perçue à environ 3 600 Å, ce quicorrespond aux rayons ultraviolets. Les galaxies trèséloignées (z supérieur à 3) présentent une disconti-nuité dans le visible. Au fur et à mesure de l’augmen-tation du redshift, un phénomène qui tend à déplacerla discontinuité vers des longueurs d’onde plus élevéesvient s'ajouter : il s'agit du rôle joué par la forêt denuages Lyman-alpha(3), qui absorbe les rayonnementsémis entre 912 et 1 216 Å (figure 2). La galaxie la pluslointaine connue, dont le décalage spectral vaut 6,96,présente une discontinuité vers 10 000 Å, donc situéedans le proche infrarouge(4).

La course aux premières galaxiesÀ l’heure actuelle, les astronomes ont recensé plusieursmilliers de galaxies présentant un décalage spectrald’environ 3, plusieurs centaines d’autres avec unevaleur de z proche de 6, mais seulement une poignéede galaxies dont le redshift dépasse 6,5. Encore nes’agit-il que de « candidats galaxies » : plusieurs typesd’objets pourraient présenter des couleurs similairesà celles produites par les discontinuités de Lyman à undécalage spectral élevé. Par exemple, les naines detype M ou les naines brunes montrent un type dediscontinuité similaire à des longueurs d'onde dudomaine visible et même infrarouge proche. Enoutre, des galaxies ayant un redshift inférieur, mais trèsvieilles ou extrêmement rougies par la poussière,peuvent être confondues, du fait de leurs couleurs,avec des galaxies à valeur de z très élevée.Par conséquent, la discontinuité de Lyman ne permetpas à elle seule d’identifier à coup sûr les objets éloignés.

Figure 2.Spectres de quasars à décalage spectral très élevé, faisant partie des sources les pluslumineuses connues à redshift élevé. Ces objets ont été choisis parce que leur naturea été clairement confirmée par la discontinuité de Lyman et la spectroscopiecorrespondante. La discontinuité à de tels redshifts est proche de 1 216 Å, du faitdu phénomène de la forêt Lyman-alpha.

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(3) Forêt de nuages Lyman-alpha : nuages de gaz quiabsorbent une partie de la lumière émise par les galaxies etles quasars lointains, faisant apparaître dans leurs spectresde nombreuses raies d'absorption.

(4) D’autres techniques se sont révélées efficaces comme, parexemple, la recherche des émissions Lyman-alpha décalées versle rouge à 1 216 Å, et dans certains cas, des galaxies trèséloignées ont été découvertes par l'intermédiaire des sursautsgamma détectés dans leur forte émission d’énergie.

Champ ultra-profond de Hubble dévoilant de nombreux objets parmi lesquels les scientifiques doivent distinguer les galaxieséloignées de celles qui sont petites.

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Page 56: Dans les secrets de l'Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 55

(L. BRADLEY et al., The Astrophysical Journal, 678, p. 647-654, 2008)

Il faut la compléter par des études spectroscopiquesafin de déterminer leur distance sans ambiguïté.Relativement aisé pour des galaxies de décalage spectralproche de 3, le processus devient très long et souventirréalisable au-delà de z = 6. Il devient également deplus en plus difficile d’étudier les propriétés de cesgalaxies très éloignées. Certains scientifiques ontdéclaré avoir découvert des galaxies jusqu’à z = 7,5, cequi semble tout à fait plausible, même s’il n’est pasencore possible de le confirmer par la spectroscopie(figure 3). Des revendications encore plus audacieusesfont état de galaxies présentant des décalages spectrauxde 10 voire de 12, mais ces découvertes restent contro-versées.

Une ionisation mystérieuseS’il est fascinant de rechercher les galaxies les plus éloi-gnées, les astronomes ne sont pas mus par le seul désirde repousser les limites de l’Univers connu. Il s’agitaussi de répondre à certaines questions scientifiquesfondamentales. Par exemple, l’observation du fonddiffus cosmologique a révélé que l’hydrogène del’Univers a été ré-ionisé à une époque correspondantà un décalage spectral d’environ 11. Autrement dit,l’hydrogène était essentiellement neutre de z = 1 000 àz = 11, puis principalement ionisé de z = 11 à aujour-d’hui (z = 0). Pour ioniser la plupart des atomes, il estnécessaire de leur apporter de l’énergie et d'arracherleurs électrons. Cette énergie est supposée être fourniepar le rayonnement ultraviolet émis par les premiersobjets formés. Des photons ayant des longueurs d’ondeinférieures à 912 Å sont indispensables au processus.Reste à trouver les sources du rayonnement ultraviolet.De tels photons pourraient provenir d’étoiles en forma-tion ou de l’accrétion de matière sur les premiers trousnoirs supermassifs. Pour corroborer ces idées, ilfaudrait démontrer qu’il y a suffisamment de sourcesà un décalage spectral très élevé pour ré-ioniserl’Univers. Or les astronomes sont encore bien loin decet objectif. Même à des redshifts plus faibles, aux envi-rons de 6, il n'a pas été détecté suffisamment degalaxies. Des recherches intensives s’efforcent aujour-d’hui de résoudre cette énigme. Les théories les pluscourantes suggèrent qu’il existe d’innombrables petitesgalaxies, non encore découvertes, produisant la quan-tité de rayonnement ultraviolet requis.

Étoiles et poussièreLa recherche en matière de galaxies distantes tenteactuellement d’éclaircir un autre mystère, tout aussifascinant : celui des étoiles de population III.Historiquement, les astronomes ont regroupé lesétoiles riches en métal des bras spiraux de la Voie lactée

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Figure 3. Probablement l'objet le plus éloigné connu, les scientifiques pensent que cette galaxie à discontinuité de Lyman se trouve à un redshift d’environ 7,6.Découverte dans le champ de l’amas de galaxies Abell 1689, sa luminosité est amplifiée par l’effet de lentille gravitationnelle dû à l’amas. Les images encouleurs multiples montrent que cette galaxie est uniquement détectée à des longueurs d’onde supérieures à 1,1 μm et est invisible à des longueurs d’ondeinférieures. g, r, i et z sont quatre filtres dans le domaine du visible allant du bleu au rouge, proche de l'infrarouge. Quant aux filtres J et H, ils ne laissentpasser que la lumière infrarouge. “Det” correspond à une image combinant plusieurs couleurs.

dans la population I, et les étoiles plus anciennes et pluspauvres en métal, situées dans le bulbe galactique,dans la population II (voir La vie des galaxies actives,p. 44). Cependant, selon certaines théories, lorsque dela matière gazeuse fut convertie en étoiles pour lapremière fois, des types très différents d'étoiles ont étécréés. En l’absence de métaux (éléments plus lourdsque l’hydrogène et l’hélium), il ne pouvait se formerque des étoiles très massives : plusieurs centaines defois la masse du Soleil. Le spectre de tels objetscomporterait nécessairement des raies d’émission trèsintenses de l'hélium. Or, malgré des efforts continus,rien de semblable n’a été observé à ce jour. La fabri-cation et la dissémination d’éléments lourds ont doncprobablement eu lieu très tôt dans l’histoire del’Univers. La découverte d’étoiles de population IIIdemeure cependant un objectif important. Ellepermettrait de comprendre et étudier l’Univers à unmoment où la majeure partie du gaz était à son étatoriginel, juste après la formation des premierséléments chimiques (hydrogène et hélium) par le bigbang. Les astrophysiciens attendent beaucoup dulancement du télescope spatial James Webb, au coursde la prochaine décennie (voir JWST : regard sur unpassé de treize milliards d'années, p. 102). Ils espèrenttrouver alors quelles sortes d’objets ont ré-ionisél’Univers, et démontrer l’existence des étoiles de popu-lation III.Enfin, la plupart des techniques de détection utiliséesà ce jour, basées sur le rayonnement ultraviolet, nepeuvent s’appliquer qu’à des objets dont l’émission netraverse pas de la poussière cosmique, laquelle absorbece type de photons. Très récemment, des astrophysi-ciens du CEA ont identifié des galaxies géantes produi-sant des étoiles à des valeurs de z très élevées, parfoissupérieures à 4, grâce à la détection du continuumémis par la poussière. Beaucoup d’objets de ce typepourraient exister, même s’ils présentent des taux deformation d’étoiles plus faibles que les galaxiesextrêmes découvertes à ce jour. Le télescope spatialHerschel, lancé en mai 2009, (voir Voyage dans leslumières de l'Univers, p. 90) et ultérieurement la miseen service du radio télescope géant ALMA (AtacamaLarge Millimeter Array) au Chili ouvriront de nouvellesperspectives de recherche pour identifier et étudierdes premières galaxies obscurcies par la poussière.

> Emanuele DaddiService d'astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière (DSM)

Unité mixte de recherche astrophysique interactions multi-échelles (CEA-Université Paris 7-CNRS)

CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

Page 57: Dans les secrets de l'Univers

L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200956

L a pointe d’un stylo tenu à bout de bras ne cachequ’une infime fraction de la voûte céleste. Et

pourtant, les récentes images profondes du ciel ontdétecté tellement de galaxies qu’il en « tiendrait »près de 2 000 derrière cette seule pointe de stylo !Rapportées à l’ensemble du ciel, ces observationsindiquent que l’Univers contient au moins120 milliards de galaxies. Les galaxies sont donc àl'Univers ce que les étoiles sont aux galaxies, puisquela Voie lactée contient 230 milliards d’étoiles. Lalumière des plus lointaines a mis près de 13 milliardsd’années, soit 95 % de l’âge de l’Univers(1), à parveniraux observateurs. Les scientifiques voient doncaujourd’hui les galaxies telles qu’elles étaient à diffé-rentes époques du passé. En combinant toutes cesinformations, ils tentent de dresser une sorte de« portrait-robot » de la galaxie-type à différentsmoments de l’histoire, reconstituant ainsi le scénariode la formation des galaxies.Pour cela, ils doivent observer le ciel dans toutel’étendue – toutes les longueurs d’onde ou« couleurs » – du spectre électromagnétique, carchaque processus cosmologique émet des rayonne-ments dans un domaine particulier(2). Les rayons dehaute énergie (X et gamma) proviennent ainsi desévénements les plus chauds, donc énergétiques,comme le gaz chauffé en tombant dans un trou noir

supermassif, les explosions d’étoiles… Les rayonne-ments de basse énergie, comme l’infrarouge ou lesondes radio, révèlent les cocons de poussière (là oùnaissent les étoiles), le gaz interstellaire et les restesde supernovae. Les étoiles formées rayonnent lamajorité de leur lumière dans le domaine du visibleou de l’ultraviolet (voir Mémo A, Sonder l'Universsur toute la gamme lumineuse, p. 31). Ainsi, selonla couleur dans laquelle est observée une galaxie, saforme, sa morphologie, sa composition changent.Au cours des dernières années, ces observationsmulticouleurs ont révolutionné la connaissancescientifique de l’évolution des galaxies (encadré)…et fait naître de nouvelles questions, parfois à lalimite du paradoxe.

Les moyens d’observation actuels permettent de remonter de plus en plus loin dans le passé de l’Univers. Depuis quelques années, les astrophysiciens s’attachent à reconstituer le scénario de l’évolution des galaxies depuis les premières formées. Cela ne va pas sans surprises…

Formation des galaxies : une histoire paradoxale

Messier 82, aussiappelée la galaxie cigare,est la plus proche galaxie

(13 millions d'années-lumière) ayant une

« flambée de formationd'étoiles ». Elle se trouve

dans la direction dela Grande Ourse. Il s'agit

d'une galaxie spirale, vuepar la tranche, dont

les explosions d'étoiles(supernovae) sont

si puissanteset nombreuses qu'elles

éjectent le gazinterstellaire hors dela galaxie. La couleur

rouge du gaz filamentairequi s'échappe de

la galaxie est une couleurartificielle utilisée pourvisualiser le gaz ionisé. N

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(1) Lorsque les astronomes parlent de l'âge de l’Univers,ils font référence au temps qui s'est écoulé depuis le big bangqui est estimé à 13,7 milliards d’années. Le véritable âgede l'Univers reste inaccessible car les théories actuellesne permettent pas d'étudier l'Univers au-delà du big bang.

(2) Pour comprendre complètement l’histoire des galaxies,il faut aussi prendre en compte leur environnement. En effet,la plupart d’entre elles (environ 90 %) sont concentrées engroupes de quelques unités, et le reste (près de 10 %) en amasde plusieurs centaines de galaxies. De plus, les modèlesthéoriques suggèrent qu’entre les galaxies elles-mêmes existentdes ponts de gaz, sortes de filaments invisibles (jusqu’àaujourd’hui mais peut-être les observera-t-on dans le futur)qui les nourrissent.

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CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 57

Deux scénarios opposésAu cours de l’histoire de l’astrophysique, deuxscénarios ont été envisagés pour expliquer la forma-tion des galaxies : bottom-up et top-down. Dans lepremier cas, les premières galaxies furent des« naines » qui, par fusions successives, ont constituédes ensembles de plus en plus grands et massifs.Dans un tel scénario, les galaxies massives, commela Voie lactée, proviennent de la fusion d’unecentaine de ces entités-galaxies. Le scénario top-down suppose au contraire que les plus grandesstructures de l’Univers se créent en premier puis sefragmentent. Les galaxies seraient alors lesgrumeaux d’une super-structure primordiale,devenue un amas de galaxies aujourd’hui. Ladécouverte de galaxies en phase de fusion ainsi quecelle des germes primordiaux des galaxies, présentsdans le fond diffus cosmologique, ont participé àl’acceptation générale du scénario bottom-up. Dansce contexte, la formation d’une galaxie est unprocessus continu puisqu’elle résulte de fusionssuccessives, et l’on parle de formation hiérarchiquedes galaxies. Il y a un peu plus d’une dizaine d’années, l’étude dela génération d’étoiles dans les galaxies a cependantjeté un sérieux trouble. Les astrophysiciens ont eneffet constaté qu’au lieu d’apparaître en dernier, lesgalaxies les plus massives ont au contraire créétoutes leurs étoiles très tôt dans l’histoire del’Univers, tandis que les moins massives continuentde se former encore aujourd’hui. Cette propriétédes galaxies, à l’inverse de ce qui serait attendu dansle cadre du scénario bottom-up, représente l’une desgrandes énigmes pour les astrophysiciens.

Fusion de deux galaxies spirales vues de face. Dans quelques milliards d'années, la grande galaxie spirale de gauche (NGC 2207) aura avalé sa proche voisine(IC 2163) et il deviendra difficile de retrouver la trace de cet événement dans la future galaxie.

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Évolution des galaxies : les mécanismes à l’œuvre

Plusieurs mécanismes entrent en jeu au cours de l’histoire évolutive desgalaxies.La formation d’étoiles. Lors de ce mécanisme, le gaz interstellaire produitdes grumeaux dans lesquels naissent des molécules, qui vont elles-mêmesrefroidir le gaz. Ce dernier s’effondre alors jusqu’à des densités suffisam-ment élevées pour créer des étoiles. Les astronomes parlent de nuagesmoléculaires géants (GMC) pour décrire ces régions internes aux galaxies.La formation et la croissance du trou noir supermassif situé au centre desgalaxies. L’étude du mouvement des étoiles au centre de la Voie lactéemontre qu’elles sont attirées par une masse invisible très concentrée, untrou noir supermassif de près de 4 millions de fois la masse du Soleil. Lesastronomes savent aujourd’hui que pratiquement toutes les galaxiescontiennent un tel trou noir, qui peut peser jusqu’à plusieurs milliards demasses solaires.L’évolution morphologique caractérise le changement de forme que peutsubir une galaxie au cours de son histoire. On parle généralement demorphologie pour décrire la forme de l’ensemble des étoiles, car le gaz estplus difficile à observer.L’arbre « généalogique » ou de fusions (merging tree) suit, comme chez unêtre humain, le passage des ancêtres (les galaxies de plus petite masse) auxdescendants résultant de la fusion de ces petites galaxies, jusqu’à arriverà la galaxie massive actuelle.L’accrétion de gaz intergalactique. Contrairement aux apparences, lesgalaxies ne sont pas des êtres isolés. Il peut arriver que deux galaxies secroisent et fusionnent (ou ne fassent que modifier leurs formes sansfusionner) mais la croissance en masse des galaxies vient aussi de leurcapacité de recevoir ou d’attirer la matière environnante.

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L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200958

Énergie noire, « composante rouge » et autres énigmesIl semble aujourd’hui qu'environ 72 % du contenuénergétique de l’Univers soit de nature encoreinconnue (figure 1). Cette énergie noire accélère l’expansion de l’Univers et empêche la formation denouveaux amas de galaxies. À plus petite échelle,dans les galaxies, on constate que dans près de 74 %des galaxies (proportion en masse) un mécanisme aempêché l'apparition de nouvelles étoiles. Cesgalaxies elliptiques ou bulbes de galaxies ont unecouleur rouge car leurs étoiles sont vieilles et froides.Si la question de la nature de l’énergie noire estdevenue l’un des enjeux majeurs de l’astrophysique,il en est de même pour la quête du mécanisme qui aprovoqué la mort prématurée des galaxies rouges.Autre énigme : sur les 4 % de matière baryonique(3),c’est-à-dire d’atomes, qui participent au contenu énergétique de l’Univers, seul un dixième (donc0,4 % du total) appartient à des étoiles. La formationd’étoiles dans les galaxies a donc été un processusremarquablement inefficace. Pourquoi la plupart(90 %) de la matière baryonique est-elle restée sousla forme de gaz ? Pourquoi ce gaz, pourtant supposéêtre attiré par les galaxies, ne tombe-t-il pas dans lessphéroïdes (voir La morphogenèse des galaxies, p. 60)pour y faire naître de nouvelles étoiles ?

Matière noire et formation des galaxiesUne galaxie est globalement une structure consti-tuée de gaz, d’étoiles et d’un halo de matière noire.La matière noire produit l’effet inverse de celui del’énergie noire. Elle accélère la formation des struc-tures dans l’Univers. Elle peut être considérée commeun bol dans lequel la soupe de matière baryoniqueest maintenue bien au chaud. Elle-même ne rayonnepas, mais elle participe à la croissance des structurespar l’effet de sa force gravitationnelle.Sans elle, nous ne saurions pas expliquer l’origine desgalaxies, car la quantité de matière standard n’est passuffisante pour décrire la formation des galaxies.Encore aujourd’hui, près de 24 % de la matièrecontenue dans les disques de galaxies continue dedonner naissance à des étoiles. Ces régions se distin-guent par leur couleur bleue qui indique la présence

d’étoiles jeunes, massives et chaudes, par oppositionaux galaxies elliptiques, composées uniquementd’étoiles vieilles et froides. La répartition de lamatière dans les galaxies en composantes bleue(disques, 24 %) et rouge (sphéroïdes, 74 %) rappellecelle à plus grande échelle observée dans l’Universentre matière noire (24 %) et énergie noire (72 %)(figure 1). Il ne s’agit que d’une analogie quantita-tive, sans lien physique, mais elle rappelle aussiqu’aux deux échelles, l’Univers semble aujourd’huidominé par des forces qui s’opposent à la formationde nouvelles générations d’étoiles.

Des étoiles à profusionUne minorité de galaxies présente une morphologiemoins tranchée que les autres : les galaxies irrégu-lières. Les Nuages de Magellan, tout proches de la Voielactée, en sont un bon exemple. Il existe une compo-sante encore plus minoritaire, mais particulièrementintéressante pour les astrophysiciens : les « galaxieslumineuses dans l’infrarouge » ou LIRGs. Alors que latrès grande majorité des galaxies de l’Univers localgénère des étoiles à raison de quelques soleils par an,voire moins, les LIRGs vivent des « flambées de forma-tion d’étoiles », engendrant plusieurs dizaines voirecentaines de masses solaires par an.Il a fallu observer le ciel dans l’infrarouge lointainpour découvrir ces flambées de formation d’étoilesrestées invisibles jusqu’alors. En effet, les étoilesmassives ne vivent pas assez longtemps pour sortir dunuage moléculaire géant qui leur a donné naissance,et leur lumière visible et ultraviolette est absorbée parla poussière du nuage. Cette dernière, chauffée,rayonne à son tour dans l’infrarouge lointain(4). Le

Univers

énergie noire72 %

disques24 %

matière noire24 %

atomes 4 %étoiles 0,4 % LIRGs

sphéroïdes74 %

galaxies

irrégulières 2 %

Figure 1. Comparaison de

la répartition descomposantes

énergétiques de l’Univers(à gauche) et desgalaxies en types

morphologiques (àdroite). Le parallèle est

frappant mais rien nepermet à l'heure actuelle

d'y voir autre chosequ'une coïncidence.

(3) Matière baryonique : le terme « baryon » vient du grecbarys qui signifie « lourd ». Théoriquement ce terme désigneles particules lourdes, principalement les protons etles neutrons, mais il est utilisé en cosmologie pour désignerla matière standard – qui comporte les protons et les neutrons(constituants des noyaux atomiques), mais aussiles électrons - donc les atomes d’une manière générale.On la distingue de la matière « non baryonique », principalecomposante (supposée) de la matière noire. Les particules nonbaryoniques restent à découvrir. Elles ne seraient sensiblesqu'à l’interaction gravitationnelle, ce qui expliqueraitpourquoi elles n’obéissent pas à la même physique que lesparticules baryoniques et donc ne rayonnent pas de lumière.

Page 60: Dans les secrets de l'Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 59

Figure 2. Le fond diffus infrarouge mesuré par le satellite de la NASA COBE (à gauche) et sa résolution en galaxies individuelles parle satellite de l’ESA ISO (à droite).

Figure 3. La courbe du haut montre l’intensité de la formation des étoiles dans l’Univers au cours dutemps. Elle se mesure en masse d’étoiles (en unité de masses solaires) formée par annéedans un volume donné (ici des « boîtes » de 3 millions d’années-lumière de côté). Cetteintensité était maximale quand l’Univers avait près de 30 % de son âge actuel (axe horizontaldu haut). La figure du bas retrace la proportion d’étoiles nées au cours du temps dansl’Univers (par rapport à la quantité d’étoiles actuelle). Cette quantité peut être calculée soit à partir de la figure du haut, soit par des observations directes, en additionnant la massed’étoiles contenue dans les galaxies lointaines de l’Univers. Les deux méthodes donnent le même résultat.

satellite infrarouge américain IRAS (InfraRedAstronomical Satellite, 1985, miroir de 57 cm dediamètre) a donc découvert les LIRGs, qui seraientprobablement restées anecdotiques sans l’envoi parl’ESA du satellite ISO (Infrared Space Observatory,1995, miroir de 60 cm) avec à son bord la caméraISOCAM, réalisée sous la maîtrise d’œuvre du CEA.À la fin des années 1990, une équipe française del’Institut d’astrophysique spatiale (à Orsay) décou-vrait, grâce au satellite américain COBE (COsmicBackground Explorer), l’existence d’un fond de lumièreen infrarouge lointain, différent du fond diffus cosmo-logique. Il résultait sans doute de l’accumulation de lalumière rayonnée par la poussière, chauffée par lesétoiles massives sur toute l’histoire de l’Univers. Defaçon quasi simultanée, une équipe française du CEAidentifiait les galaxies individuelles ayant produit cefond diffus, grâce à la caméra ISOCAM. Les astro-physiciens venaient ainsi de découvrir que les LIRGs,anecdotiques dans l’Univers local, ont en fait joué unrôle majeur dans le passé (figure 2). Ce résultat a étérécemment confirmé avec le satellite de la NASASpitzer (2004, miroir de 85 cm) et les scientifiquessavent aujourd’hui que dans le passé, les galaxiesformaient des étoiles à des taux faramineux, pouvantatteindre le millier de masses solaires par an.

Encore une contradictionEn combinant ces observations à celle des mesuresdes distances des galaxies grâce à leur décalage spec-tral (voir À la recherche des grands ancêtres, p. 52), il devenait possible de remonter le cours de l’histoirede la formation d’étoiles dans les galaxies (figure 3).Les données en infrarouge montrent qu’après avoiraugmenté pendant le premier quart de l’âge del’Univers(1), le taux annuel de formation d’étoiles aensuite brusquement chuté. Cette mesure s’accordeparfaitement avec celle de la proportion d’étoilesnées au cours du temps, obtenue en mesurant lamasse totale d’étoiles dans les galaxies de différentesépoques. Ces deux manières d’appréhender le même

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17 %9 %

(4) Par ailleurs, une étoile dix fois plus massive que le Soleilrayonne 10 000 fois plus que lui et, du coup, termine sonexistence 10 000 fois plus tôt. C’est pourquoi la mesurede l’activité de formation d’étoiles des galaxies repose sur cellede leur quantité d’étoiles massives, puisque la durée de viede ces dernières est si courte (quelques dizaines de millionsd’années) que lorsque les astronomes en observent, ils saventqu’elles sont nées depuis peu de temps.

phénomène suggèrent que la proportion d’étoilescréées au cours du temps est pratiquement égale à lafraction de l’âge de l’Univers. Or, il a été montré parailleurs que le rôle des LIRGs a été dominant au coursde la majorité de l’histoire de l’Univers – ce qui reflète

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L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200960

Figure 4. Image profonde du ciel réalisée avec la caméra ACS du satellite spatial Hubble, dans l’hémisphère Sud (région appelée GOODSpour Great Observatories Origins Deep Surveys). Couvrant une “surface” apparente équivalente au dixième de celle de la Lune(ou du Soleil), l’image révèle toute une palette de formes galactiques.

La morphogenèse des galaxies

Les galaxies de l’Univers actuel se répar -tissent en deux principaux types morpho-logiques. Les galaxies spirales sont desdisques d’étoiles et de gaz interstellaire enrotation autour d’un petit bulbe central. Lagravité dessine peu à peu les bras spiraux.À l’opposé, les galaxies elliptiques n’ontpas de disque en rotation. Elles prennent laforme de sphéroïdes, dans lesquels lesmouvements désordonnés des étoiles s’op-posent à la gravité et empêchent la forma-tion de structures internes.Ces deux types de galaxies résultent dedeux processus de formation différents.Pour appréhender ces mécanismes, lesastronomes captent la lumière des galaxieslointaines, donc anciennes, à l’aide de

grands instruments au sol et dans l’espace,notamment le VLT (Very Large Telescope)au Chili et le télescope spatial Hubble. Ilsont ainsi constaté que la morphologie desgalaxies a fortement évolué au cours deleur formation. Lorsqu’elles étaient deuxou trois fois plus jeunes qu’aujourd’hui, lesgalaxies spirales avaient des formes beau-coup plus irrégulières. Elles comportaientcertes un disque en rotation, mais beau-coup moins homogène et sans bulbecentral. Souvent même, le disque apparaîtfragmenté en quelques grandes conden-sations de gaz et d’étoiles. Ces « proto-spirales » – galaxies primordiales quideviendront des spirales – sont de largesdisques en rotation ayant accrété de

grandes quantités de plus petites galaxieset de gaz intergalactique. Leur masse esttelle qu’elles sont devenues gravitation-nellement instables, les forces de gravitédépassant les forces de pression etd’inertie. Cette instabilité entraîne unefragmentation. Chaque fragment contientdu gaz très dense formant des étoiles à untaux très élevé : plusieurs dizaines demasses solaires par an. Par la suite, lesparties internes de ces fragments migrentvers le centre de la galaxie et y forment unpetit bulbe sphérique. Le reste de lamatière est redistribué dans un disque,maintenant stable gravitationnellement, etqui prend progressivement la forme spiraleobservée aujourd’hui (figure 1).

Figure 1. Une galaxie de l’Univers jeune (UDF 6462, z = 1,57) observée par le télescope spatial Hubble (à gauche). La spectroscopie au Very Large Telescope (ESO)révèle son champ de vitesse (à droite). Les régions s’approchant de nous sont en bleu et celles s’éloignant en jaune-orange. Malgré sa forme trèsirrégulière, cette galaxie est une future galaxie spirale surprise en pleine phase d’assemblage de son disque et de son bulbe central.

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CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 61

le fait que toutes les galaxies actuelles ont vécu dans lepassé une phase où elles généraient des étoiles à unrythme très important. Ces deux constats peuventparaître contradictoires puisque les LIRGs sont lesiège de flambées de formation d’étoiles, alors qu’enmoyenne l’Univers semble produire ses étoiles demanière continue, sans soubresauts.Pour comprendre ce qui a pu se passer, il faut changerde lunettes et retourner à l’image visible du ciel afind’étudier l’évolution morphologique des galaxies(voir La morphogenèse des galaxies, p. 60). Des imagesprofondes du télescope spatial Hubble ont permisnon seulement de détecter des galaxies lointaines,mais aussi d’en étudier la forme et la morphologie surde longues périodes (figure 4). Tandis que les LIRGsde l’Univers proche présentent toutes une morpho-logie très « chahutée », indice de fusion galactique, lesLIRGs distantes ressemblent plus à la Voie lactée : cesont de belles galaxies spirales bien contrastées. Lesastrophysiciens ont découvert très récemment que lerôle des fusions de galaxies au cours de l’histoire del’Univers n’a pas été aussi important qu’ils l’ont

Des chocs fécondsUne galaxie spirale se forme donc essen-tiellement par l’évolution interne : instabilitéet fragmentation d’un disque pri mor dialriche en gaz. À l’inverse, une galaxie ellip-tique n’acquiert pas sa forme par la seuleévolution interne d’un système. Il faut unprocessus plus violent pour détruire l’orga-nisation des disques en rotation, et lestransformer en sphéroïdes. Il s’agit descollisions et fusions de galaxies. Lorsquedeux galaxies de masses voisines, généra -lement spirales, entrent en collision, ellesexpulsent une partie de leur masse sousl’effet des forces de marée mais l’essentielde leur matière fusionne en une seulegalaxie. Ce processus est appelé « relaxa-tion violente » car les forces gravitation-nelles varient très rapidement (par rapportà la période orbitale de chaque étoile). Il enrésulte une désorganisation à la fois de lamorphologie (disque) et de la cinématique,si bien que la galaxie résultante acquiertspontanément les propriétés d’une ellip-tique. Des simulations numériques ontdémontré que la fusion de deux galaxies

Figure 2. Simulation numérique d’une collision de deux galaxies spirales. Les deux galaxies fusionnent,leurs disques sont détruits, et il en résulte une galaxie de type elliptique.

Une galaxie spirale (NGC 6118).Une galaxie elliptique (NGC 1316).

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crée bien un objet totalement comparableaux véritables galaxies elliptiques (figure 2).Les propriétés de l’Univers à grande échelle

et de la matière noire contrôlent la fré -quence de chaque processus, et notam-ment le taux de collisions entre galaxies.Expliquer les proportions de galaxiesspirales et elliptiques dans notre Universactuel reste donc un des grands défis pourles modèles cosmologiques de formationdes structures.

> Frédéric BournaudService d'astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentalesde l’Univers (Irfu)

Direction des sciences de la matière (DSM)Unité mixte de recherche astrophysique

interactions multi-échelles (CEA-Université Paris 7-CNRS)

CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

d’abord cru. Si les galaxies aux flambées de formationd’étoiles les plus extrêmes résultent probablementd’épisodes de fusion, la majorité de l’activité desgalaxies n’est pas profondément sensible à ces phéno-mènes. Un autre mécanisme, encore indéterminé,semble jouer le rôle de premier plan. Deux candidatssont actuellement considérés. Lar gement négligésdans le passé, ils pourraient bien se révéler des acteursmajeurs de l’histoire cosmologique des galaxies, tantpour allumer la formation d’étoiles que pour provo-quer son extinction. Il s’agit de l’accrétion de gazintergalactique sous la forme de fila ments et de laformation des trous noirs supermassifs au centre desgalaxies. Il faudra attendre les pro chai nes générationsd’instruments pour en savoir plus.

> David ElbazService d'astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière (DSM)

Unité mixte de recherche astrophysique interactions multi-échelles (CEA-Université Paris 7-CNRS)

CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

Page 63: Dans les secrets de l'Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200962

Vue d'artistedes observations, par

le satellite Planck, du fonddiffus cosmologique,

ce rayonnement fossile dansle domaine des micro-ondes

qui baigne tout l’Univers.Dans cette image, la Terre

est placée au centrede la sphère céleste.

Le satellite, à chaquerotation, observe (peint) sur

la sphère céleste la cartedu fond diffus cosmologique.

Une gigantesque toile d’araignée. C’est ainsi que se présente aujourd’hui l’Univers.Essentiellement vide et froid, il est peuplé de galaxies concentrées le long de filamentsaux croisements desquels se trouvent les plus gros objets connus : les amas de galaxies.Comment une structure aussi définie a-t-elle pu apparaître ? Le rayonnement fossile datantdes premiers âges de l’Univers montre au contraire une « soupe » chaude, denseet homogène dans toutes les directions. D’infimes variations locales de densité auraientdonné naissance aux futurs objets, principalement par le jeu de la gravité ralentie parl’expansion. Le moteur de cette évolution est la force de gravité qui conduit la fameusematière noire, toujours mystérieuse, à s'effondrer dans de grandes structures filamentairesoù la matière « ordinaire » est à son tour entraînée. Étonnamment, alors que tant dequestions demeurent ouvertes, celles de la forme et de la finitude de l’Univers pourraientrecevoir rapidement des réponses.

L’Univers, une «soupe» homogène devenue une structure hiérarchisée

La révélation du fond diffus cosmologique a donné naissance à une nouvellediscipline : la cosmologie observationnelle. Depuis le satellite COBE,des données observationnelles peuvent enfin corroborer les modèlesthéoriques d'évolution de l'Univers. Les cosmologues projettentmaintenant de nombreuses expériences pour affiner le scénario.

La grande histoire thermiquede l’Univers

C. C

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SA

L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

Page 64: Dans les secrets de l'Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 63

Figure 1. Cette figure résume en une image ce que savent les physiciens de l'histoire thermique de l’Univers.

A ujourd'hui, les astronomes observent unUnivers raréfié, froid et transparent à la

lumière. Essentiellement constitué de grands vides,il ne comprend en moyenne que quelques atomespar mètre cube. À l’ombre du rayonnement desastres brillants, la température du rayonnement nedépasse pas 2,763 K, soit environ -270 °C. Enfin,l’Univers est en expansion : dans toutes les direc-tions, les galaxies lointaines s’éloignent les unesdes autres.Il n'en a pas toujours été ainsi. Un observateurimaginaire remontant le temps verrait l'Univers secontracter, et devenir plus dense, « se compresser ».Un physicien sait que lorsque l'on compresse de lamatière, sa température augmente. Il en est de mêmepour l'Univers : il y a 13 milliards d'années, sa densitéétait telle que sa température atteignait celle de lasurface du Soleil. Dans ces conditions, la matière nese présente plus sous forme d'atomes mais deplasma, sorte de « soupe » de photons, de noyauxet d'électrons sans atomes. Une « soupe » certes trèsbrillante car très chaude, comme le Soleil, maiscomplètement opaque. Les photons diffusent eneffet incessamment sur les électrons libres d'unplasma et ne peuvent le traverser.Au cours du temps, l'Univers s'est donc dilaté etrefroidi. À un moment donné, la température estdevenue tellement basse que les photons n'avaientplus assez d'énergie pour ioniser les atomes. Lesélectrons se sont alors recombinés avec les noyauxpour créer des atomes. Les cosmologues appellentcet événement la recombinaison. Assez brutalement,l'Univers est devenu transparent aux photons.Depuis lors, ceux-ci se propagent en ligne droite etforment le fond diffus cosmologique micro-onde(FDCM), appelé également rayonnement fossile. Lefond diffus cosmologique, autour de 100 GHz, cons-titue donc une photo de l'Univers primordial, telqu'il était à l'âge de 380 000 ans, au moment du« découplage électrons-photons » (figure 1).

Une « photo » pleine d’enseignements Au premier regard sur cette image, le ciel semblebriller uniformément : c'est ce que les AméricainsArno A. Penzias et Robert W. Wilson(1) ont découverten 1965, au moyen d'antennes radio, et que lescosmologues appellent maintenant le « monopôle »du FDCM (figure 2a). L'Univers primordial était doncextrêmement homogène. Un regard plus attentif,soustrayant la brillance moyenne de la carte du ciel,laisse apparaître une carte où dominent un pointchaud et un point froid (la « composante dipolaire »du FDCM), plus de petites structures cor respondantau rayonnement des poussières « chaudes » (environ20 K !) de la Voie lactée (figure 2b). La composantedipolaire, conséquence du mouvement de la Terre,n'apporte pas d'information sur l'Univers primor-dial. Après soustraction de cette composante dipo-laire, et quatre années de mesures, le satellite COBE

(COsmic Background Explorer) a pu révéler les minus-cules variations de brillance du FDCM primordial(2)

(figure 2c). La bande rouge centrale correspond àl'émission des poussières du plan galactique, qui satu-rent complètement l'image. Plus récemment, le satel-lite WMAP (Wilkinson Microwave Anisotropy Probe)a encore affiné cette carte du ciel, donnant une imageoù la composante galactique est soustraite et lescouleurs correspondent à des variations de tempéra-ture apparente de l'ordre de 50 �K – alors que latempérature moyenne est de 2,763 K (figure 2d).L'extraordinaire homogénéité en brillance de lacarte de COBE souligne donc que l'Univers étaitextrêmement homogène en température, et doncen pression, au moment du découplage. Les détailsinfimes, sur la carte de WMAP, sont des variationslocales de température apparente, et donc de pres-sion, du plasma à ce moment. Si minimes soient-elles, ces variations ont donné naissance aux grandesstructures de l'Univers : galaxies, amas de galaxieset filaments.

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(1) Les Américains Arno A. Penzias et Robert W. Wilsonont obtenu le prix Nobel de physique en 1978 pour cettedécouverte.

(2) Les Américains John C. Mather et George F. Smootont obtenu le prix Nobel de physique en 2006 pour cettedécouverte.

10-43 seconde(1032 K)

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1 minute(1 milliard de K)

380 000 ans(3 000 K)

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13,7 milliardsd’années(2,725 K)

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(températuremoyenne)

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épisode d’inflation

limite de notre physique “standard”

PHYSIQUE NUCLÉAIRE

ASTROPHYSIQUE

PHYSIQUE DESHAUTES ÉNERGIES

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CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200964

L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

(ainsi que leurs halos) vont former les galaxies, puisles amas de galaxies.Finalement, le FDCM permet donc d'observer lesgermes des grandes structures de l'Univers. Mais ily a plus ! Aux longueurs d'onde millimétriques, lemonopôle du FDCM forme un écran brillant illuminant tous les objets astrophysiques. Si unphoton du FDCM traverse un amas de galaxies, ilrencontre un plasma chaud d'une température dequelques dizaines de millions de degrés sur desdistances d'un million d'années-lumière. Il a alorsune probabilité d'environ 1/10 000 de diffuser surun électron du gaz chaud par effet Compton, et devoir ainsi son énergie augmenter. C'est l'effetSunyaev-Zel'dovich(3). Pour le détecter, il fautobserver le ciel avec une résolution angulaireaméliorée, et à plusieurs fréquences. Dans la direc-tion d'un amas, aux fréquences inférieures à220 GHz, la carte du ciel montre une tache froide,correspondant à l'absorption des photons duFDCM. En revanche, aux fréquences supérieures,elle présente une tache chaude due à l'effet Sunyaev-Zel'dovich. Cela permet de distinguer un amas degalaxies des inhomogénéités primordiales duFDCM.

La grande traqueLe Service de physique des particules du CEA/Irfus'est donc engagé dans les expériences en ballonstratosphérique Olimpo (figure 3) et, avec le Serviced'astrophysique de l'Irfu, dans le satellite Planck(4)

(voir Voyage dans les lumières de l'Univers, p. 90).Ces expériences fourniront deux cataloguescomplémentaires d'amas de galaxies. Le satellitePlanck, lancé en mai 2009, détectera les amasmassifs ou proches, et couvrira tout le ciel.L'instrument Olimpo, qui devrait prendre sespremières données en 2010, ne couvrira que300 degrés carrés du ciel, mais avec une meilleureprofondeur.Or en cosmologie, du fait de la vitesse finie de lalumière, voir loin signifie voir vieux. Ces catalogues

Figure 2. Cartes du ciel montrant les structures du fond diffus cosmologique à différentsniveaux de détails.

Figure 3. Lancement, depuis l'Antarctique, du ballon stratosphériqueBoomerang, précurseur de l’expérience Olimpo. La détectiondu fond diffus cosmologique par Olimpo sera réalisée à l'aidede quatre plans de bolomètres placés au foyer d'un télescopede 2,6 m de diamètre.

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Modéliser l’Univers primordialPersonne ne peut témoigner de l'histoire de l'Universaux époques primordiales. Aussi, les cosmologuesont-ils recours à des modèles. Ils imaginent unscénario qui, obéissant aux lois de la physique cons-tatées sur Terre, reproduit autant que possible toutesles observations disponibles de l'Univers primordialet de l'Univers récent. La nucléosynthèse primor-diale apprend par exemple que l'Univers a connuune température supérieure à 1010 K, et depuis esten expansion. Or les cosmologues savent mesurerprécisément les variations de densité et de pressiondu plasma au moment du découplage. Ils supposentalors que dans l'Univers très primordial, des méca-nismes de physique quantique ont produit sponta-nément des fluctuations de densité aléatoires maisminimes dans le plasma primordial. En utilisant leslois de la mécanique des fluides, ils ont calculé l'évo-lution de ces fluctuations de densité sous l'action desprincipales forces en présence : la gravité et les forcesde pression, essentiellement dues à cette époque augaz de photons. La photo du FDCM permet enfinde confronter ces modèles à la réalité de l'époque.

La naissance des premiers objetsAprès le découplage, les photons du FDCM n'inte-r agissent plus avec les atomes, ce qui supprime lesforces de pression engendrées par le gaz de photons.La gravité travaille seule à creuser les surdensités,seulement modérée par la dilution générale dufluide de matière due à l'expansion de l'Univers.Des calculs montrent que, quand un grumeau dematière atteint une densité de 4,6 fois celle dufluide, il ne se dilue plus dans l'expansion del'Univers mais s'effondre sur lui-même pour formerun objet astrophysique : un halo de matière. Cehalo, dont la masse est dominée par sa composantede matière noire, sera le berceau des futurs objetsastrophysiques brillants : étoiles, puis galaxiesnaines, qui en fusionnant les unes avec les autres

(3) Effet prédit en 1970 par les physiciens soviétiquesRashid A. Sunyaev et Yakov B. Zel'dovich.

(4) Pour en savoir plus sur ce satellite,voir http://public.planck.fr.

T = 2,728 K T = 3,353 mK

T = 18 �K

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d'amas de galaxies retraceront donc la distributionen masse des amas au cours des âges, et permettrontaux cosmologues de vérifier si leurs modèles deformation de structures, construits et sélectionnéspour reproduire les mesures des inhomogénéités duFDCM, prédisent bien la bonne abondance d'amasde galaxies dans l’Univers contemporain et au coursdu temps… Le croisement de ces données avec cellesdes autres observations cosmologiques, telles que ladistribution de brillance des supernovae de type Iaau cours des âges, contribuera à la sélection demodèles cosmologiques valides, et finalement à l'éla-boration d'une histoire fiable de la genèse de notreUnivers.

Vers un scénario détailléL'avenir des expériences d'observation du FDCMprend deux orientations. À court terme, denombreuses expériences au sol (South PoleTelescope, Atacama Cosmology Telescope…) doiventcartographier le FDCM à très haute résolutionangulaire, c'est-à-dire mieux que la minute d'arc.Ces expériences nécessitent des miroirs de grandetaille (environ 10 mètres) et des technologies de

pointe pour les détecteurs (les bolomètres). Ellesdevraient aboutir à la détection de l'essentiel desamas de galaxies dans leur champ d'observation. Àplus long terme, les équipes européennes et amé ri -cai nes proposent un satellite pour succéder àPlanck – projets BPOL, CMBPOL – et des expé-riences au sol telles que BRAIN, EBEX et bien d'au-tres. Tous ces projets ont pour but de mesurer lescomposantes polarisées du fond diffus cosmolo-gique, qui révèleront les mouvements de matière àl'époque de son émission. Ainsi, 17 ans après lapublication des premiers résultats de COBE, quimarqua l'acte de naissance de la cosmologie obser-vationnelle, une nouvelle communauté scientifiqueveut se donner les moyens d'écrire dans tous sesdétails le scénario de la formation des grandesstructures de l'Univers.

> Dominique YvonService de physique des particules (SPP)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière (DSM)

CEA Centre de Saclay

L’Univers tel que nous l’observons est rien moinsqu’homogène. Il présente même une forte

organisation hiérarchique : les étoiles sont regrou-pées dans des galaxies, qui elles-mêmes s'assem-blent pour dessiner une véritable « toile d’araignée »tridimensionnelle. Elles se répartissent en effet surdes nappes délimitant de grandes alvéoles quasi-ment vides. L'intersection de ces surfaces définitdes filaments où se concentrent la plupart desgalaxies. Au croisement des filaments eux-mêmes setrouvent les amas, vastes concentrations pouvantcontenir jusqu’à plusieurs milliers de galaxies.Comment l’Univers s’est-il ainsi structuré ? C'estune des grandes questions de la cosmologie.L'observation du fond diffus cosmologique (voirLa grande histoire thermique de l’Univers, p. 62)montre que l’Univers est constitué à 85 % dematière noire, initialement distribuée de façonpresque homogène. Les petits écarts à l’homo -généité sont certainement à l’origine des structuresobservées aujourd’hui, formées essentiellement parla gravitation (voir À la recherche des grands ancê-tres, p. 52). Les zones les plus denses attirent lamatière environnante tandis que les zones les moinsdenses se vident progressivement. L’Univers devientainsi de plus en plus hétérogène au fil du temps.Cependant son expansion, qui tend à diluer lamatière, limite ce processus.

L’Univers, à l’origine pratiquement homogène, est aujourd’hui une structurediscontinue (des objets et du « vide ») et hautement hiérarchisée. Les plus gros objetsactuels sont les amas de galaxies. Ils constituent l’aboutissement de l’évolutionde l’Univers sous l’effet de la gravité.

La toile d’araignée cosmique

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Distribution actuelle de la matière noire dans une région de 100 x 100 x 10 millions de parsecsd’un modèle d'Univers simulé dans le cadre du projet Horizon.

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L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

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mesurer indirectement la distribution de la matièrenoire à grande échelle (avec le télescope spatialHubble). La distribution de la matière visible, elle,était mesurée par des instruments au sol, comme letélescope japonais Subaru à Hawaii, le VLT (VeryLarge Telescope) au Chili et le CFHT (télescopeCanada-France-Hawaii), et dans l'espace par l’observatoire XMM-Newton (voir Voyage dans leslumières de l’Univers, p. 90) ; figure 1. Pour lapremière fois, des cartes ont été obtenues pourdifférentes distances, et donc différents âges del'Univers. Elles montrent que la distribution dematière noire évolue dans le temps en accord avecles lois de la gravité. Les diverses composantes dela matière visible sont distribuées à l’intérieur destructures définies par la densité de la matière noire.Ces résultats confirment le modèle cosmologiquequi prédit que la formation des structures del’Univers est dominée par la dynamique de lamatière noire.

Les nœuds de la toile cosmiqueLe modèle de formation des galaxies et des amas degalaxies, au sein des grandes structures, repose surle concept d'« effondrement hiérarchique » (voir Lagrande histoire thermique de l’Univers, p. 62). Quandun grumeau de matière devient suffisammentdense, il s’effondre sur lui-même, se découplant del’expansion(1). Les petites surdensités s’effondrentd’abord, aboutissant à la formation des premièresétoiles et galaxies. Les premiers groupes de galaxiesapparaissent plus tard, vers un décalage spectral(2)

d'environ 2. Depuis cette époque, les amas seforment et grossissent par accrétion continue dematière environnante, et par fusion occasionnelled'amas entre eux. Les amas de galaxies sont ainsi lamanifestation la plus récente de cette formationhiérarchique des structures. Situés au croisementdes filaments cosmiques, ce sont les plus grands« objets » de l’Univers, c’est-à-dire les structures lesplus massives découplées de l’expansion. Leurcomposition reflète celle de l’Univers dansson ensemble : 85 % de matière noire et 15 % dematière visible. Cette dernière est essentiellementconstituée de gaz chaud (plusieurs dizaines demillions de degrés) observable en rayons X. Lesgalaxies observées en lumière visible formentmoins de 3 % de la masse totale.Comment les amas eux-mêmes ont-ils évolué ?L’observation en rayons X avec les observatoiresmodernes tels que XMM-Newton et Chandra ajoué un rôle central dans les progrès récents dansce domaine. XMM-Newton, avec sa très grandesurface collectrice, peut détecter et étudier desamas lointains. Une équipe du CEA, dirigeant le

La matière noire, moteur de l’évolutionPour vérifier leur compréhension de la formationdes structures, les astrophysiciens confrontent enpermanence les prédictions de modèles aux obser-vations. Mais cela pose deux problèmes. Les carac-téristiques de la distribution initiale de matièrenoire sont maintenant connues avec assez de préci-sion pour simuler son évolution – sous l'effet de lagravitation dans un Univers en expansion – avec depuissants calculateurs. Il en résulte effectivementune structure à grande échelle semblable à unetoile d’araignée. Le premier problème, propre à lasimulation, tient à la matière visible. L'intuitionsuggère qu'elle « suive » la concentration de lamatière noire et se structure de façon similaire,mais il est ardu de le démontrer. En effet,la formation des étoiles, des galaxies, et l’évolutiondu gaz intergalactique au sein des structures dematière noire font intervenir des processus trèscomplexes, difficiles à modéliser (voir Formationdes structures de l'Univers : le jeu des modèles, p. 68). L'autre problème, observationnel, estévidemment la cartographie de la matière noireréelle. Un véritable défi pour les astronomes…En 2007, une équipe internationale d'astronomes,à laquelle participent des scientifiques du Serviced'astrophysique du CEA/Irfu a pourtant publié lapremière cartographie tridimensionnelle de l'en-semble de la matière, lumineuse et noire, dans uneportion du ciel. Il s'agit en l'occurrence du champCOSMOS, une région grande comme environ neuffois la surface apparente de la Lune. Les astronomesont utilisé l'effet de lentille gravitationnelle pour

Figure 1. Image montrant les trois composantes observées avec le relevé COSMOS : la matière noire(en bleu), la matière lumineuse en rayons X vue par XMM-Newton (en rouge) et les étoileset galaxies observées en lumière visible avec le télescope spatial Hubble (en blanc).

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(1) L'Univers étant en expansion, les particules et objetss'éloignent tous les uns des autres. Sauf au sein d'un « objet »,où la gravitation maintient les parties ensemble malgrél'expansion générale.

(2) Puisque l’Univers est en expansion, les sources lumineuses s’éloignent de l’observateur, et leur fréquencedétectée semble diminuer avec le temps. Le spectre d’émission d’un objet est donc d’autant plus décalé vers les basses énergies qu’il est éloigné (c’est-à-dire que sa lumière est ancienne). Ce décalage spectral, noté z, donne une mesure de l’âge de l’objet émetteur.

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Questions d’avenir Quel est le rôle des processus autres que la gravitédans la formation des structures de matière visible ?Quelle est l’interdépendance de l'évolution aux différentes échelles, des galaxies aux grandes struc-tures ? Ce sont les principales questions que doiventrésoudre les astrophysiciens. L’astronomie enrayons X continuera à jouer un rôle essentiel. Lesprogrès de nouvelles techniques, comme la mesurede l’effet Sunyaev-Zel'dovich, de l’effet de lentillegravitationnelle, ou de l’émission en infrarouge desgalaxies, permettront de sonder simultanément lesamas à plusieurs longueurs d’onde, ce qui n’étaitjusqu’à présent possible que pour de petits échan-tillons. Le télescope spatial Herschel, lancé avec lesatellite Planck par Ariane 5 en mai 2009, éclairciral’effet de l’environnement sur la formation stellairedans les galaxies. Le satellite Planck détectera, vial’effet Sunyaev-Zel'dovich, l’essentiel des amasmassifs sur tout le ciel, qui seront ensuite étudiés endétail avec XMM-Newton (voir Voyage dans leslumières de l’Univers, p. 90). L’observatoire européenen ondes radio LOFAR (LOw Frequency ARray)permettra de mieux comprendre l’accélération departicules dans les amas de galaxies.Observer directement l’histoire des amas, depuis laformation des premiers groupes de galaxies, restecependant hors de portée des satellites en rayons Xactuels. C’est un des objectifs principaux des satellites de prochaine génération, comme IXO(International X-ray Observatory) proposé dans lecadre du programme Cosmic Vision de l’ESA. Leprojet Euclid, également candidat à ce programme,utilisera la technique des lentilles gravitationnellespour effectuer un relevé de la matière noire sur lamoitié du ciel, et détecter directement les amas entant que structures de matière noire (voir Euclid, cartographe du ciel extragalactique, p. 111).

> Monique ArnaudService d'astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière (DSM)

Unité mixte de recherche astrophysique interactions multi-échelles (CEA-Université Paris 7-CNRS)

CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

programme « Sondage de la structure à grandeéchelle avec XMM », a ainsi découvert de nouveauxgroupes et amas de galaxies à des distances deplusieurs milliards d'années-lumière. L’amas leplus lointain connu à ce jour, XMMXCS 2215-1738,observé quand l’Univers avait un tiers de son âgeactuel, a aussi été découvert avec XMM-Newton.Ces observatoires permettent non seulement defaire des images, c’est-à-dire de cartographier ladistribution de densité du gaz, mais aussi de déter-miner le spectre d’émission X en chaque point del’amas, et donc d’établir une carte de températureprécise. Les astrophysiciens ont ainsi pu calculercomment la pression du gaz diminue du centre à lapériphérie de l’amas. Quand ce dernier est à l’équi-libre, les forces de gravitation dues à la matièrenoire contrebalancent la pression du gaz. Obser -vant un échantillon d’amas à l'équilibre, deséquipes du CEA et du Max-Planck-Institut fürextraterrestrische Physik (MPE) ont constaté quela distribution de la matière noire s’accorde remar-quablement avec les prédictions des simulationsnumériques de formation des amas. Plus étonnant :ces observations donnent même des informationssur la nature de la matière noire. La distribution esten effet très piquée (étroite) au centre, ce qui exclutles modèles où les particules de matière noire inter-agissent fortement par des processus autres que lagravitation.

Une matière visible… mais incomprise Si la formation et l’évolution des amas en tantque grandes structures de matière noire semblentbien comprises, ce n’est pas le cas pour le com por -tement de la matière visible, beaucoup pluscomplexe que celui de la matière noire. Les cartesde la température du gaz obtenues avec XMM-Newton et Chandra montrent que certains amassont bien en train de fusionner (figure 2), confor-mément au scénario de formation hiérarchique.Elles exposent aussi toute la violence et la com -plexité de ce phénomène. Lors de la collision,l’énergie cinétique est dissipée en énergie ther-mique via la création d’ondes de choc mais ausside turbulences. Les astrophysiciens constatent,dans certains amas en fusion, une émissionsynchrotron qui révèle la présence de particulesrelativistes. Les ondes de choc et la turbulenceservent probablement aussi à l’accélération de cesparticules.Le gaz et la matière noire vont progressivement sestabiliser pour former un nouvel amas à l’équilibreplus massif et plus chaud. Cependant, l’obser vationde ces amas à l’équilibre montre que l’énergie dugaz est plus grande que prévue. Les astrophysicienscomprennent mal d’où provient ce surplus, diffé-rents processus outre la gravité pouvant modifier lebilan thermique du gaz. Celui-ci se refroidit parrayonnement. En revanche, les explosions de super-novae et les noyaux actifs dans les galaxies peuventinjecter de l’énergie dans le milieu intergalactique.L'évolution du gaz dans les amas est donc affectéepar les galaxies. Inversement, l’évolution desgalaxies dépend de leur environnement. Elle estdifférente pour les galaxies d’amas et pour lesgalaxies isolées.

Figure 2. L’amas de galaxies A2440. L’image composite de gauche montre les galaxies observéesen lumière visible avec le télescope de 2,2 mètres de l’ESO – télescope MPG de l’observatoirede La Silla au Chili – (en vert), et le gaz chaud vu en rayons X par XMM-Newton (en rouge).L’image du gaz révèle que cet amas est en fait composé de deux amas plus petits, centréssur les deux plus grosses galaxies, et d’un troisième groupe en haut à gauche. La cartede température (à droite) indique que les deux amas sont en train de fusionner : les régionsplus chaudes (en jaune/rouge) correspondent à une onde de choc générée par leur rencontre.

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L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

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N otre vision de l’Univers a beaucoup évolué àtravers les siècles. Dans sa Divine Comédie,

Dante Alighieri (1265-1321) décrit ainsi le cosmos :les planètes se déplacent sur des sphères concen-triques, appelées mobiles, au centre desquelles se situela Terre. Les étoiles vivent quant à elles sur la sphèrela plus externe, nommée Primo Mobile. Le voyageurimaginaire dont Dante conte l’histoire découvrequ’au-delà de ce Primo Mobile se trouve une grandelumière qui, par l’intermédiaire du Primo Mobile, meten mouvement toutes les autres sphères. Cette visionpoétique du cosmos pourrait constituer un modèled’Univers médiéval, mais son langage résonne étran-gement avec la vision moderne de la cosmologie. Au-delà de l’aspect poétique, cette vision s’apparenteaussi à un modèle scientifique, dans la mesure où ilpermet de prédire le mouvement des planètes dans leciel. Le mouvement rétrograde que certaines d'entreelles avaient le mauvais goût de suivre paraissaitcontredire le modèle, mais grâce à la théorie desépicycles, il fut possible de l’expliquer de façon rela -tivement simple, sans menacer l’ensemble de l’édifice.

Le contenu de l’UniversAvant de décrire le modèle actuel de l’Univers, ilconvient de dresser un rapide portrait des objets quipeuplent le cosmos à grande échelle. Les planètes,elles, sont dans notre environnement immédiat. Lacosmologie moderne s’attache à décrire la distribu-tion d’objets beaucoup plus grands et lointains : lesgalaxies, et parmi elles, la nôtre, la Voie lactée. Cesgrands objets majestueux sont composés de centainesde milliards d’étoiles comme le Soleil. De couleurs etde formes très variées (spirales, elliptiques, irrégu-

lières), les galaxies se distribuent dans l’Univers selonune structure très caractéristique appelée la toiled’araignée cosmique. Les galaxies se forment etévoluent au sein de ses grands filaments (voir La toiled’araignée cosmique, p. 65).Observant encore plus loin, les astronomes ontdécouvert ce fameux rayonnement micro-onde – lefond diffus cosmologique ou rayonnement fossile(voir La grande histoire thermique de l’Univers, p. 62) –image de l’Univers lorsqu’il avait 380 000 ans. Cettephotographie jaunie d’un Univers en culotte courteest d’une importance primordiale : elle donne accèsaux conditions initiales de notre Univers. Qu’y voitl'observateur ? Un ciel essentiellement homogène,avec des fluctuations infimes, d’une amplitude de1 pour 100 000. L’image appropriée est celle d’un lactranquille, à la surface duquel l'observateur attentifdiscerne cependant d’infimes vaguelettes qui laperturbent très légèrement. L’origine de ces fluctua-tions demeure encore un mystère. La théorie la plusplausible est celle de l’inflation. Elle met en jeu desfluctuations de densité aux échelles quantiques, dansl'Univers primordial, suivies d’une phase d’inflationqui projette ces fluctuations quantiques aux échellescosmiques. Il n’en demeure pas moins que les astro-nomes observent directement ces fluctuations,380 000 ans après leur origine, lorsque l’Universdevient transparent et lève le voile sur sa vraie nature.

Le big bang… et la suiteLe modèle actuel de formation des structures s’appuie sur la théorie du big bang, qui suppose unUnivers en expansion décrit par la relativité géné-rale. Terme péjoratif utilisé par l’astrophysicien

Cône de lumièrereprésentant la fraction de

l'Univers observable,simulée en 2007 par

la collaboration Horizonsur l'ordinateur Platine du

CCRT, le centre de calculdu CEA. Cette simulation

de haute performance, quia pris en compte près de

70 milliards de particuleset plus de 140 milliards

de mailles, va permettreaux astrophysiciens

de prédire quelle estla distribution de matière

dans l'Univers avec uneprécision et un réalisme

sans précédent.

Ne pouvant mettre l'Univers en laboratoire, les astrophysiciens développentdes modèles numériques pour décrire son évolution. Leur résolution s'accroîtde génération en génération mais il reste encore bien des mystères, en particulierla nature de la matière et de l'énergie noires.

Formation des structures de l'Univers : le jeu des modèles

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Page 70: Dans les secrets de l'Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 69

anglais Fred Hoyle pour se moquer de cette théorie,« big bang » est néanmoins devenu le nom « officiel »de la théorie ! Après la singularité initiale, qui jouele rôle du Primo Mobile de Dante en initiant l’expansion universelle, l’Univers se dilate et serefroidit, conduisant progressivement à l’apparitiondes particules et de leurs interactions. Ce modèlemet en jeu trois composantes principales : la matièreordinaire (l’atome et ses constituants) qui ne repré-sente que 4 % de l’énergie totale, la matière noire(environ 24 %) et l’énergie noire (72 %) ; voirFormation des galaxies : une histoire paradoxale, p. 56.Comme leur nom l’indique, la nature de ces deuxnouveaux intervenants échappe encore aux physi-ciens. La matière noire est un fluide autogravitant(1),mais sans collisions, ce qui empêche pour l’instantsa détection(2). Sa signature gravitationnelle fournitnéanmoins des preuves indirectes de sa présence.L’énergie noire, elle, est encore un peu plus mysté-rieuse. Elle a été introduite récemment dans lemodèle, pour expliquer la brusque accélération quisemble caractériser l’expansion universelle depuisquelques milliards d’années. Elle pourrait être liée àun nouveau fluide, aux propriétés inédites, et dontl’action ne s’applique qu’à très grande échelle. Ils’agit de deux « points durs » de la théorie actuelle :il n’y a qu’un pas à faire pour les comparer auxfameux épicycles du modèle médiéval.Continuons le film de la formation des structures.Les fluctuations primordiales vont croître sous l’effetde l’instabilité gravitationnelle : pour reprendrel’image du lac, les vaguelettes se transforment petità petit en une houle qui se creuse, pour devenir fina-lement, au bout de 100 millions d’années, des vaguesdéferlantes, provoquant la naissance des premièresétoiles. Cette phase d’amplification gravitationnelles'appelle les Âges Sombres, qui prennent fin à l'apparition des premiers objets lumineux. C’est ledébut de la formation hiérarchique des objetscosmiques. Les premières galaxies à apparaître sonttrès petites : elles ne contiennent qu’un milliond’étoiles. Elles vont ensuite se regrouper pour créerdes galaxies plus grosses. Ces dernières vont évoluer,et entrer en collision les unes avec les autres, pourengendrer les galaxies massives qui peuplentl’Univers aujourd’hui, avec parmi elles la Voie lactée.

L’Univers simuléLe modèle qui permet de décrire cet assemblagehiérarchique des galaxies n’est autre que la méca-nique des fluides autogravitants. Il s’agit d’unmodèle mathématique relativement simple, mettanten jeu quelques lois de conservation et l’interactiongravitationnelle dans un champ faible(3). Ce modèle,aussi simple soit-il, rend les calculs analytiques trèsdifficiles à entreprendre. Les équations en jeu sontfortement non linéaires, et font intervenir des

phénomènes chaotiques. Or, il est fondamental pourune théorie de pouvoir faire des prédictions quan-titatives. Une bonne théorie se doit en effet d'êtrefalsifiable : il faut pouvoir la confronter au réel parle biais de ses prédictions.Pour calculer les prédictions de ses modèlescomplexes, la science moderne fait donc appel à l’ordinateur. Le triptyque théorie, simulation et expérience est au cœur de toute activité scientifique :désormais, la science « marche sur trois pattes ».C’est encore plus vrai pour l’astrophysique, qui nepeut évidemment réduire ses objets d’étude à uneexpérience en laboratoire. Les astrophysiciens n'ontaccès au réel que par le biais d’objets très complexes,qui échappent totalement à leur volonté simplifi -catrice. L’ordinateur joue donc un rôle fondamentalde médiation entre la théorie et l’observation. Aujourd'hui, il est possible de simuler l’évolution de70 milliards de pseudo-particules grâce à une utili-sation intensive des supercalculateurs (voir l'illus-tration p. 68). Il est malheureusement toujoursimpossible de simuler l’ensemble de l’Univers obser-vable avec assez de détails pour accéder à l’échelledes galaxies. Les simulations cosmologiques àgrande échelle ne permettent de simuler que lamatière noire. Pour pouvoir comparer avec lesobservations, il est nécessaire de peupler les halos dematière noire par des galaxies. Cette étape est géné-ralement réalisée par une démarche phénoméno -logique, appelée aussi approche semi-analytique, carelle mélange modélisation numérique et modélisa-tion analytique. Tout en restant conscient des limitesde cet exercice, il faut souligner l’accord specta -culaire entre ce modèle et la distribution réelle desgalaxies. L’instabilité gravitationnelle d’une matièrenoire froide semble donc pouvoir expliquer laformation des structures de l’Univers à grandeéchelle.

Des questions en suspensÀ plus petite échelle, le mystère de la formation desgalaxies reste entier. La théorie, élaborée pendantles années 1970, met en jeu le rôle central du rayon-nement. Les collisions entre atomes d’hydrogèneconduisent au refroidissement rapide du plasma

À gauche, image en vraie couleur de la galaxie NGC 4622. À droite, image en vraie couleurd'une galaxie simulée avec le code RAMSES, développé au Service d'astrophysiquedu CEA/Irfu, dans le cadre du modèle hiérarchique. L'accord entre le modèle et l'observationest excellent.

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(1) Comme la matière ordinaire, la matière noire est sensibleà la gravitation qui freine sa dispersion.

(2) Les collisions entre particules provoquent l'émissionde photons, détectables à distance.

(3) Cette restriction, dite « limite de champ faible », estla condition pour que la théorie newtonienne reste valable.Dans les champs forts (ou non statiques), il faut utiliserla théorie d'Einstein (relativité).

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L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200970

cosmologique. Ce dernier ne peut plus résister à l’attraction gravitationnelle, et les halos de gaz s’effondrent rapidement pour former des structuresen équilibre centrifuge : les disques galactiques. Lespropriétés microscopiques de l’atome d’hydrogènesont donc à l’origine de la masse des galaxies. Lamodélisation numérique de ce scénario pose denombreux problèmes, pour la plupart liés à la réso-lution limitée des calculs. Pour surmonter l'obstacle,la collaboration Horizon a choisi de modéliser unUnivers virtuel artificiellement petit (150 millionsd’années-lumière), afin d'atteindre l’échelle desgalaxies. La simulation MareNostrum, réalisée surl’ordinateur du centre de calcul de Barcelone, n'enreste pas moins d'une ampleur inégalée. Elle a faitapparaître des disques à structure spirale, avecplusieurs milliers de mailles par galaxie. Néanmoinsde nombreux problèmes demeurent : les galaxiessimulées sont trop petites et elles contiennent tropd’étoiles, pour n’en citer que deux.

Vue en projection dela distribution du gaz

et des étoiles dansla simulation MareNostrum

réalisée sur l'ordinateurMareNostrum du centre

de calcul de Barcelone(Espagne).

Quelle est la forme de l'Univers ? Est-il fini ou infini ? Il semble que les réponses à ces questionsmillénaires soient enfin accessibles à nos observations et à nos modèles cosmologiques.

Figure 1. Principe de construction d'un Univers finiet sans bords à deux dimensions : on identifieles côtés opposés d'un carré. Un observateurqui vit à la surface d'un tel Univers a l'illusionde vivre sur un plan infini.

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L’Univers a-t-il une forme ? Est-il fini ou infini ?

Les modèles cosmologiques sont construitsdans le cadre de la relativité généraled’Einstein, théorie qui interprète la gravita-tion comme une manifestation de la cour-bure de l’espace induite par la distribution dematière et d’énergie. En supposant quel’espace est homogène et isotrope, lesmesures cosmologiques les plus récentessemblent indiquer une courbure très faiblede l’espace. Les astrophysiciens attribuentalors à l’Univers une géométrie euclidienne.Répugnant à imaginer un Univers limité parun bord pour éviter la question gênante« Qu’y a-t-il derrière le bord ? », ils le consi-dèrent comme infini. Pourtant, les mathé-maticiens ont montré depuis longtempsqu’un espace peut être à la fois fini etdépourvu de bords – la surface d’une sphèreou d’un tore en constituent deux exemples.Un être hypothétique évoluant à la surfaced’un tore aurait l’illusion de vivre sur une

surface infinie, puisque aucun bord ne viendrait limiter ses déplacements. Il enconclurait certainement que son Universob servable est infini, alors que son Universréel est fini (figure 1). L’application de cetteidée aux modèles cosmologiques est riched’enseignements.Comment apparaîtrait l’Univers s’il se refer-mait sur lui-même à la manière d’un tore ?Pour atteindre l'observateur, la lumièreémise par une galaxie lointaine pourraitemprunter plusieurs trajets : en suivant lechemin le plus direct, mais aussi, parmi uneinfinité d’autres possibilités, un autre quiferait le tour de l’Univers – la surface dutore – en prenant la direction « opposée » à laprécédente. La même source serait donc vuede multiples fois dans différentes directionset le ciel apparaîtrait peuplé de nombreusesgalaxies fantômes, images d’une poignéede galaxies réelles. L'obser vateur aurait

l’illusion de vivre dans un Univers beaucoupplus grand et beaucoup plus rempli qu’il nel’est en réalité (figure 1).

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CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 71

Ce type de simulation doit en effet aborder unnouveau problème : simuler la formation des étoiles.Les modèles actuels de formation d’étoiles sontfondés eux aussi sur une approche phénoméno -logique. À chaque fois que les physiciens progressentdans la description mathématique du modèle, unnouvel horizon cognitif apparaît, et la solution leuréchappe. La précédente génération de simulationss’attachait à simuler la matière noire, les galaxiesreprésentant la frontière du modèle. La générationactuelle s’attaque à la modélisation des galaxies, aveccomme nouvelle frontière la formation des étoiles.En extrapolant la loi de Moore(4), il semble acquis que

(4) Loi empirique énoncée en 1965 par l'ingénieurélectronicien Gordon Moore, et jamais démentie par les faitsjusqu'à aujourd'hui. Elle stipule que la densité de composantssur une puce électronique double tous les deux ans (chiffreramené ensuite à 18 mois). La puissance des ordinateurs suit.Cette progression exponentielle devrait rencontrer des limitesphysiques vers 2015.

(1) La Terre ou, plus précisément, le lieude l'observation. Il y a en effet de bonnesraisons de penser que l'image apparaîtraitidentique quel que soit ce lieu. La Terre n'estpas un point particulier de l'Univers.

(2) Harmonique sphérique : fonctionsphérique utilisée en mathématiques dèsqu'intervient la notion d'orientation(anisotropie) et donc de rotation. Elle estcaractérisée par un laplacien (opérateurdifférentiel) nul.

(3) Pour en savoir plus : L’Univers a-t-ilune forme ? ROLAND LEHOUCQ, Flammarion,collection Champs.

Figure 2. L'espace dodécaédrique de Poincaré est un espace sphérique fini et sans bordsconstruit en identifiant les faces opposées d'undodécaèdre régulier après une rotation d'undixième de tour. Ce modèle rend bien comptedes fluctuations de température du fond diffuscosmologique à grande échelle angulaire.

POUR EN SAVOIR PLUSA. DEKEL, Y. BIRNBOIM, G. ENGEL, J. FREUNDLICH, T. GOERDT, M. MUMCUOGLU, E. NEISTEIN,C. PICHON, R. TEYSSIER, E. ZINGER, « Cold Streams in Early Massive Hot Haloes asthe Main Mode of Galaxy Formation », Nature, 457, p. 451-454, 2009.R. TEYSSIER et al., « Full-Sky Weak-Lensing Simulation with 70 Billion Particles »,Astronomy & Astrophysics, 497 (2), p. 335-341, 2009.R. TEYSSIER, C. PICHON, « L’Univers dans un ordinateur », Dossier Pour la Science« Galaxies : fenêtres sur l’Univers », 56, 2007.

les dix à vingt prochaines années verront l’avène-ment de simulations permettant de simuler chaqueétoile individuellement, avec vraisemblablement unnouveau verrou cognitif qu’il faudra surmonter.

> Romain TeyssierService d'astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière (DSM)

Unité mixte de recherche astrophysique interactions multi-échelles (CEA-Université Paris 7-CNRS)

CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

Les enseignements du fond diffusDes indices sur la forme de l’Universpeuvent être cherchés dans le fond diffuscosmologique. Ce rayonnement, émis il y a13,7 milliards d’années au moment oùl’Univers est devenu transparent, sembleémis par la surface d’une gigantesquesphère dont la Terre occupe le centre(1) . Latempérature de ce rayonnement estaffectée par de minuscules fluctuations, del’ordre d’un millième de pour-cent. Leurdistri bution angulaire peut être décom-posée en harmoniques sphériques(2) à lamanière dont un son est décomposé enharmoniques ordinaires. Les amplitudes decette décompo sition dépendent de lagéométrie de l’espace et des conditionsphysiques qui régnaient à l’époque del’émission du fond diffus. La forme del’espace affecte aussi ces amplitudes. Ainsi,elles sont nulles si leur longueur d’onde estplus grande que la « circonférence » del’Univers. Cette absence des grandeslongueurs d’onde a été constatée dans lesobservations menées par le satellite améri-cain WMAP (Wilkinson Microwave AnisotropyProbe) de 2003 à 2006. Partant de ce résultat,

un nouveau modèle cosmologique a étéproposé, alternative au modèle cosmolo-gique standard euclidien et infini : l’Universaurait la structure topologique de l’espacedodécaédrique de Poin caré, dont la géomé-trie est sphérique (figure 2). Par ailleurs, cemodèle prédit la présence de corrélationsparticulières dans le fond diffus cosmolo-gique – des paires de cercles « homolo-gues » le long desquels les fluctuations detempérature seraient les mêmes.Depuis 2003, trois équipes différentes(américaine, allemande et polonaise) sesont penchées sur le test de ce modèle enutilisant divers indicateurs statistiques etdes simulations numériques mas sives.Aucune réponse claire n’a émergé car lesignal attendu est dégradé par divers effetscosmologiques, par des contaminationsd’origine astrophysique et par les imper-fections instrumentales. Cependant, l’ana-lyse la plus récente, réalisée à l’aide deméthodes statistiques sophistiquées, sem -ble favoriser la symétrie dodécaédriquedans la carte du ciel produite par le satel-lite WMAP. De nouvelles observations sontévidemment nécessaires pour valider ounon le modèle. Pour faire avancer le débat,les données du satellite européen Planck,lancé en mai 2009, (voir Voyage dans leslumières de l'Univers, p. 90) sont attenduesavec impatience.Désormais, le problème de la forme del’Univers(3) a quitté le domaine de la spécu-lation métaphysique. Les pro chaines annéesseront riches d’observations cosmo logiquesfines et devraient apporter de nouveauxchangements dans nos représentations del’Univers. Sans doute permettront-elles detrancher la question de sa forme…

> Roland LehoucqService d'astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)

Direction des sciences de la matière (DSM)Unité mixte de recherche astrophysique

interactions multi-échelles (CEA-Université Paris 7-CNRS)

CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

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La Voie lactée dans le domaine infrarouge avec les Nuages de Magellan, deux galaxies satellites de la nôtre visibles à droite de l’image. Image mosaïque obtenuepar le Two Micron All Sky Survey, programme conjoint de l'Université du Massachussetts, de l'Institut de technologie de Californie et financé par la NASA.

La cosmologie serait-elle entrée dans une des phases les plus passionnantes deson histoire ? Les astrophysiciens et physiciens des particules le pensent, vu la moissonde données transmise par les télescopes qu’ils ont posés à terre, voire sous terre, et mêmedans des satellites, pour tenter d’élucider les mystères de la structuration de l’Univers.De l’analyse de ces données, ils attendent un éclaircissement sur les différentes versionsdu plus célèbre modèle cosmologique : le big bang. Mais ils espèrent aussi que ces donnéesleur permettront bientôt de lever une partie du voile sur le double mystère de la matièreet de l’énergie noires.

Odyssée dans la part sombre de l’Univers

Regroupant des dizaines de milliards d’étoiles, les galaxies peuvent elles-mêmess’assembler par dizaines ou centaines et former aussi des amas. Les mouvementsqui les animent intriguent depuis longtemps les astrophysiciens, d’autant que desétudes récentes concluent qu’une partie de la masse de l’Univers échapperait auxobservations des chercheurs. L’atome ne serait-il alors que l’écume de la matière ?

Astrophysique et observation de la matière noire

1. L’énigmatique matière noireIn

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L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

I l arrive qu’un astre se découvre par le seul calcul.Ainsi, en 1844, l’astronome Friedrich Bessel(1)

attribue les anomalies du mouvement propre apparentde l’étoile Sirius à la présence d’un « compagnon »invisible. Dix-huit ans plus tard, la con fir mation de cecalcul arrive par la découverte d’une naine blanchefaisant de Sirius une étoile binaire. Dans la foulée, en1846, Urbain Le Verrier(2) et John-Couch Adams(3)

envisagent qu’une planète inconnue soit à l’originedes mouvements d’Uranus, là encore qualifiés« d’anormaux ». Suivant les indications d’UrbainLe Verrier, l’astronome Johann Galle(4) observe ensuitela planète Neptune à moins d’un degré de la positioncalculée à partir des écarts que manifeste Uranus parrapport aux lois de Newton. En 1932, Jan Oort(5)

étudie la distribution des vitesses d’étoi les situées dans

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nuages d’hydrogène neutre localisés au-delà de sonbord lumineux. La courbe obtenue, représentant lavitesse de rotation du disque en fonction de ladistance au centre de la galaxie, permet de déter-miner la distribution de masse de la galaxie, toutcomme une planète en orbite autour du Soleilpermet de déduire la masse du Soleil si la distancequi le sépare de la planète est connue. Mais il setrouve que la comparaison entre cette distributionde masse déterminée par l’influence gravitationnelle

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 73

Carte de la matière noire (en bleu, à gauche) et de la matière visible (en rouge, à droite) d'une même région de l’Univers. Les concentrations les plus denses de matière se retrouvent identiques sur les deux images, démontrant que la matière visiblese concentre dans les régions où la matière noire domine.

Image de la galaxie spirale NGC 3198 dont la courbe de rotation indique que les étoiles qui la composent ne contribuent que faiblement à sa masse. Il semblerait que, comme beaucoupd’autres, cette galaxie soit entourée d’un halo massif de matière sombre.

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(1) Friedrich Bessel (1784-1846), astronome et mathématicienallemand, fondateur de l'école allemande d'astronomied'observation.

(2) Urbain Le Verrier (1811-1877), astronomeet mathématicien français spécialiste en mécanique céleste.

(3) John-Couch Adams (1819-1892), astronomeet mathématicien britannique ayant prédit l'existenceet la position de la planète Neptune, en ne se basant quesur les mathématiques.

(4) Johann Galle (1812-1910), astronome allemandde l’observatoire de Berlin.

(5) Jan Oort (1900-1992), astronome néerlandais, directeurde l'observatoire de Leyde de 1945 à 1970, qui menade nombreuses recherches sur notre Galaxie.

(6) Fritz Zwicky (1898-1974), astrophysicien américano-suisse, connu comme le plus grand découvreur de supernovae.

le voisinage du Soleil pour déterminer le champ gravi-tationnel local. Il suggère que ces étoiles ne contribuentque pour moitié à la quantité de matière nécessairepour expliquer leurs mouvements. Parallèlement,l’Américain Fritz Zwicky(6) étudie la distribution desvitesses des galaxies dans le grand amas de la constel-lation boréale nommée Coma Berenices. Et, en 1933,il peut également avancer que les galaxies de l’amasne représentent que 10 % de la masse nécessairepour expliquer les vitesses mesurées. L’essentiel de lamasse de l’amas serait donc une forme non lumi-neuse. Malgré son importance, cette découverte netrouvera guère de retentissement et plus de quaranteans s’écoulent avant qu’une accumulation de données,conduisant toutes à ce même constat, ne la fasserevenir au premier plan. Aujourd’hui, près de quatre-vingts ans après l’observation de Fritz Zwicky, sesconclusions se confirment : une fraction importantede la masse de l’Univers ne serait effectivement paslumineuse ! La matière noire soulève donc une série d’interroga-tions – en relation ou pas entre elles – qui se posentaussi bien à l’échelle des galaxies, que des amas degalaxies ou de l’Univers tout entier.

La matière noire dans les galaxiesLa vitesse de rotation d’une galaxie spirale se mesurepar le décalage Doppler, soit de la lumière desétoiles formant le disque de cette galaxie, soit de

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CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200974

L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

de la galaxie et celle estimée à partir de la lumino-sité des étoiles, laisse apparaître un net désaccord.En effet, la luminosité du disque stellaire décroissantexponentiellement en fonction de la distance avec lecentre de la galaxie, tout laisse à penser que la massede la galaxie se concentre essentiellement dans soncentre ; pourtant, la vitesse de rotation demeurantconstante, aussi loin qu’on pousse la mesure, cerésultat démontre qu’au contraire, une importantequantité de matière se trouverait dans les régions deluminosité faible ou nulle (figure 1).Des études systématiques, portant sur des milliers degalaxies, attestent à la fois le caractère universel dece phénomène et la présence d’un excédent dematière noire dans presque toutes les galaxiesspirales. Cette anomalie s’explique par la présence

d’un halo massif, grossièrement sphérique, s’éten-dant de dix à vingt fois plus loin que le disqued’étoiles. Pour l’hypothèse la plus courante, ce halosombre se compose d’astres compacts très faible-ment lumineux : planètes, étoiles en fin de vie ayantbrûlé tout leur combustible (naines blanches) outrous noirs. Restait à vérifier cette hypothèse, d’oùl’expérience EROS (pour Expérience de recherched’objets sombres), conduite par l’Irfu, qui a mesuré,nuit après nuit, la lumière des étoiles de deuxgalaxies satellites de la Voie lactée : les Nuages deMagellan. Il s’agissait de chercher une amplificationlumineuse temporaire causée par la gravitation d’unastre sombre du halo, lors de son passage sur la lignede visée d’une des étoiles observées. Dix années de« traque » permettront d’exclure l’hypothèse que lehalo sombre de notre Voie lactée soit majoritaire-ment constitué d’astres non lumineux. Et donc, lanature de cette matière sombre garde tout sonmystère.

La matière noire dans les amasde galaxiesLes premiers soupçons sur la présence de matièrenoire dans les amas de galaxies remontent à FritzZwicky. En 1933, il avança que l'amas nommé ComaBerenices contient nettement plus de matière sombreque de matière lumineuse. Son analyse s’appuyaitsur un résultat de mécanique classique, dit théorèmedu viriel, selon lequel, dans un système en équilibredynamique, la somme de l’énergie potentielle et dudouble de l’énergie cinétique, est égale à zéro. D’oùl’estimation immédiate de la masse de l’amas degalaxies, en fonction de sa taille et de la vitesse desgalaxies le composant. Cette méthode laisse néan-moins planer quelques incertitudes découlant de ladifficulté de dénombrer les galaxies composant les

Figure 1.La vitesse de rotation des galaxies spirales suggère qu’elles contiennent une importante quantité de matière sombre. En effet, contrairementà la décroissance prédite d’après la baisse de luminosité du disque d’étoile, au fur et à mesure de l’éloignement du centre de la galaxie, la vitessede rotation mesurée demeure constante.

Figure 2.Schéma décrivant le principe du mirage gravitationnel.À gauche : l’astre sombre central déforme l’espace-temps modifiant le trajet des rayonslumineux qui passent dans son voisinage.À droite : les deux trajets lumineux possibles donnent chacun une image déformée del’étoile ou de la galaxie située derrière l’astre responsable du mirage gravitationnel (« u »,le paramètre d’impact, représente la distance entre l'objet massif et la ligne de visée versl'étoile ; l'effet de mirage gravitationnel est d'autant plus prononcé que « u » s’avère petit).

100 20 30 40 50distance au centre de la galaxie (en milliers de parsecs)

distance au centre de la galaxie

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matière noire dans la galaxie NGC 3198

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disque lumineux de la galaxie

halo de matière noire

NGC 3198

observée

prédite par les lois de la gravité

écart interprété comme la contribution du halo de matière noire

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amas, sans y intégrer des galaxies extérieures, tout encomptant des galaxies de très faible luminosité. Enoutre, l’amas ne se trouve pas toujours en équilibredynamique (condition d’application du théorèmedu viriel) car le temps de sa mise en équilibre peutdépasser les dix milliards d’années. Enfin, la situationn’offre qu’une vue partielle car toutes les distancesapparaissent en projection et n’autorisent que lamesure des seules vitesses radiales.Pourtant, les résultats obtenus par l’analyse du rayon-nement X, émis par le gaz chaud diffus localisé entreles galaxies des amas, vont confirmer cette hypo-thèse. Les mesures réalisées par des satellites commeRöntgensatellit (ROSAT), lancé par l’Allemagne en1990, XMM-Newton, de l’Agence spatiale euro-péenne (ESA), ou encore Chandra, de la NASA,lancés tous deux en 1999, sont unanimes : le gaz quibaigne les galaxies semble en équilibre dans le champde gravité de l’amas, lequel est engendré par lesgalaxies, le gaz chaud et la matière noire. De plus, l’in-tensité de l’émission X du gaz permet de calculernon seulement la masse de gaz mais aussi le poten-tiel gravitationnel dans lequel il se trouve plongé etdonc, la masse totale de l’amas. Pour un amastypique, les étoiles représenteraient donc 2 à 4 % dela masse totale et le gaz chaud 12 à 16 % seulement.Même en tenant compte de la matière sombredéduite de l’étude de leurs courbes de rotation, lesgalaxies apparaissent donc comme négligeables dansle bilan de la masse des amas. En 1986, une autre méthode fondée sur l’étude demirages gravitationnels présents autour des amas degalaxies a confirmé ces résultats (figure 2). Parmi lesobservations les plus spectaculaires figurent cellesd’arcs lumineux montrant des décalages spectrauxnettement supérieurs à celui de l’amas. Les astro-

physiciens y voient des images de galaxies situéesderrière l’amas et déformées par le champ gravita-tionnel de celui-ci. Il s’agit de mirages gravitation-nels, ce que la théorie de la relativité généraled’Albert Einstein permet de comprendre. En effet,si la gravitation résulte de la déformation imposéepar la matière et l’énergie à l’espace-temps, alors lalumière elle-même devient sensible à la gravité puis-qu’elle suit les lignes du plus court chemin del’espace-temps courbé par la matière. Outre ces arcslumineux, les observations révé leront également unphénomène encore plus fréquent, celui des« arclets », petites images de galaxies d’arrière-plan,légèrement tordues par le champ de l’amas. Larépartition, l’orientation et l’intensité de ces distor-sions permettent de reconstituer, avec une remar-quable précision, la distribution de masse de l’amasresponsable. Une équipe internationale de scienti-fiques, comprenant des chercheurs de l’Irfu, a ainsiréalisé la première carte tridimensionnelle de ladistribution de matière noire dans une portiond’Univers.Ces études, indépendantes les unes des autres,convergent en faveur de masses élevées pour lesamas de galaxies. Elles confirment donc les résul-tats obtenus par les distributions de vitesses etl’émission X.

La matière noire à l’échelle de l’UniversL'étude du rayonnement à 2,7 K qui baigne aujour-d'hui l'ensemble de l'Univers permet égale mentde déterminer la composition de l'Univers dansson ensemble. D'où vient ce rayonnement ? NotreUnivers étant en expansion, il a dû passer parune phase plus dense et plus chaude que celle qui

Carte tridimensionnellede la matière noire déduitede la distribution desarclets dans la portiond’Univers observée.ES

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L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200976

Les arcs lumineux autour de l’amas de galaxie Abell 2218 sont des images déformées de galaxies situées derrière l’amas photographié.Le champ gravitationnel de l’amas agit comme une lentille déformant les objets en arrière-plan.

Cartographie de la matière noire selon la distance dans trois tranches d'Universcorrespondant à un âge de 7 (z = 0,7), 9 (z = 0,5) et 10 (z = 0,3) milliards d'années, et montrant la concentration progressive de matière noire au cours de l'évolutioncosmique. z désigne le redshift, ou décalage vers le rouge. Plus z est grand, plus la distance spatio-temporelle de l'objet est grande.

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prévaut actuellement. Après 380 000 ans d'expan-sion, l'Univers s'est suffisamment refroidi pour queles électrons et les protons s'assemblent pour formerdes atomes d'hydrogène neutre. Toutes les condi-tions se trouvaient ainsi réunies pour que la lumièrese propage librement sans trop interagir avec lamatière. Cette lumière fossile a véhiculé, jusqu’à nosjours, des informations précieuses sur les conditionsrégnant alors dans l’Univers. Or, dans cette image à2,7 K, d’infimes inhomogénéités, de températureapparaissent, traduisant l’existence d’autres inho-mogénéités, notamment de densité de matière. Pourles astrophysiciens, il s’agit de galaxies et d’amas degalaxie en germes. Dans le Modèle standard de lacosmologie, l’étude statistique de ces inhomogé-néités a permis d’estimer la densité de matière etd’énergie présente dans l’Univers avec une surpriseà la clef : non seulement la densité de matière dépassed’un facteur dix la densité de matière lumineuse(étoiles, gaz …) mais la densité totale d’énergie dansl’Univers surpasse aussi celle de la matière (voirAstrophysique et observation de l'énergie noire, p. 81).Ceci induit la présence d’une composante d’énergienon détectée jusqu’alors.

Néanmoins, cette étude recèle encore des incertitudes.Aussi a-t-il fallu tester la validité des résultats annoncéspar des études indépendantes. Des mesures récentes,portant sur la distribution spatiale des galaxiessemblent privilégier une séparation inter-galaxies de150 millions de parsecs, corres pondant à une prédic-tion des modèles de matière noire froide (voir Théoriede la matière noire, p. 77). L’explication vient du faitque de petites fluctuations opérant dans l’Universprimordial – contenant à la fois des photons, desélectrons et de la matière noire – évoluent à la manièred’une onde sphérique sous l’effet de la pression desphotons et cela, jusqu’à la formation des premiersatomes d’hydrogène. Les photons s’échappent alors dumélange et l’onde demeure figée à la distance qu’ellea parcourue pendant 380 000 ans (l’âge de l’Universlors du gel de l’onde). Aujourd’hui, cela correspond àune taille de 150 millions de parsecs. Les galaxies seconstruisent dans les régions plus denses, de sortequ’elles se retrouvent essentiellement à la position dela fluctuation initiale ou du bourrelet de matièredistant de 150 millions de parsecs. La mesure de cettedistance confirme la densité de matière dans l’Univers,corroborant les résultats apportés par les études sur lerayonnement à 2,7 K, ainsi que l’existence d’unegrande quantité de matière noire à l’échelle del’Univers.

> Nathalie Palanque-DelabrouilleService de physique des particules

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière (DSM)

CEA Centre de Saclay (Gif-sur-Yvette)

> Roland LehoucqService d’astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière (DSM)

Unité mixte de recherche astrophysiqueinteractions multi-échelles (CEA-Université Paris 7-CNRS)

CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

z = 0,3 z = 0,5 z = 0,7

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C inquante années d’études en cosmologie et enphysique des particules ont amené les cher-

cheurs à proposer des dizaines de particules« exotiques » portant des noms aussi curieux que« neutralinos » ou « particules de Kaluza-Klein ».Ces particules tirent leur origine dans des construc-tions théoriques comme la supersymétrie ou lesdimensions supplémentaires, voire de propositionsplus exotiques encore. Reparcourons les étapes ayantpermis aux scientifiques de se convaincre de l’exis-tence de la matière noire et aux théoriciens d'exercerleur imagination pour chercher la bonne solution del'énigme.

Et si la matière noire n’existait pas ?Les observations montrent que les étoiles périphé-riques de certaines galaxies spirales en rotation rapidesubissent une attraction gravitationnelle beaucoupplus forte que celle qui s’obtiendrait en appliquant laloi de Newton à la matière visible dans les régionscentrales de ces galaxies. Une question surgit alors : etsi, au lieu de postuler l’existence de la matière invisible,on modifiait plutôt cette loi de manière à rendre l'ac-célération gravitationnelle plus forte à une grandedistance du centre galactique ? Avancée, dans lesannées 1980, par Mordehai Milgrom(1) avec sa théorieMOND (Modified Newtonian Dynamics), cette propo-sition, aussi pragmatique soit-elle, soulève néanmoinsun certain nombre de difficultés, notamment àl'échelle des amas de galaxies, et plus généralementencore à l'échelle cosmologique. Ces difficultés vien-nent du fait que le spectre du CMB (CosmicMicrowave Background), dit aussi fond diffus cosmo-logique, ainsi que la formation gravitationnelle desgrandes structures, indiquent que l'Univers requiert vraiment plus de matière que celle observée. En consé-quence, la communauté scientifique considère aujour-d’hui comme improbable que MOND puisse résoudrele problème de la matière noire.

Et si la matière noire n’était que de la matière ordi-naire « déguisée » ?La nécessité d'invoquer la présence d'une masse invi-sible amène les chercheurs à s’orienter, en premier,vers les constituants connus, mais élusifs, de lamatière ordinaire : des trous noirs, du gaz interstel-laire raréfié constitué de protons ou encore ungrand nombre de neutrinos, reliques du Big bang.

Encore une fois, les observations cosmologiquesexcluent ces possibilités. S’il existait beaucoup detrous noirs dans les galaxies, on en verrait leurs effetssous la forme de lentilles gravitationnelles, quand ilspassent devant les sources lumineuses. S’il y avaitbeaucoup de protons en forme de gaz, ils émet-traient un grand nombre de rayons X et formeraientplus d’hélium qu’on en observe. Enfin, la contrainteque l’on a sur la masse des neutrinos (inférieure àquelques électronvolts) montre qu’ils sont troplégers pour accomplir le rôle de la masse manquante.De plus, de par leur masse si faible, les neutrinos sedéplacent à grande vitesse dans l’Univers, ce qui lesempêche d’engendrer de grandes structures commeles galaxies qui ne peuvent se former qu’à partir dematière lourde capable de « condenser » gravita-tionnellement dans des puits de potentiel.

Il faut donc bien une particule nouvelle : quelles ensont les propriétés générales ?Heureusement, bien qu'encore inconnue, cetteparticule nous livre des indices quant à sespropriétés. Premièrement, la matière noire doit avoirdes interactions faibles ou très faibles, voir mêmenulles, avec le reste de la matière : elle est donc trèsdifficile à détecter. En particulier, elle ne possède

Vue d’artiste du satelliteFermi, en orbite depuisjuin 2008, cherchantnotamment à détecterles rayons gamma dehaute énergie (des centainesde gigaélectronvolts)provenant de l’annihilationde la matière noire. N

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Même si l’existence de la matière noire fut envisagée dès 1930 et donc il y a déjà80 ans, même si les astrophysiciens ne doutent plus de son existence, même sielle s’avère cinq fois plus abondante dans l’Univers que la matière ordinaire…sa vraie nature demeure une énigme dont la résolution suscite nombre d’étudesaussi bien théoriques qu’expérimentales, chacune avec une proposition à la clef.En l’état des connaissances, il s’agirait d’une matière invisible, remplissantles galaxies, courbant les rayons lumineux à leur passage à travers les amasgalactiques et jouant un rôle crucial dans la formation de grandes structuresde l’Univers dont elle assurerait la cohésion. De quoi s’agit-il ?

Théorie de la matière noire

(1) Mordehai Milgrom, physicien et professeur israéliende l'Institut Weizmann.

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L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200978

pas de charge électrique et donc elle n'interagit pasavec la lumière (d'où son nom de matière « noire »).Deuxièmement, les données cosmologiques nousapprennent qu'elle doit être « froide » (c’est-à-direse déplaçant à une vitesse beaucoup plus faible quecelle de la lumière) – le cas d’une particule assezlourde ou produite au repos. Enfin, comme elle aprobablement été produite aux premiers instants del'Univers, elle doit être stable ou avoir une trèslongue durée de vie moyenne, supérieure à l'âge del'Univers actuel. Dans le cas contraire, elle se seraitdésintégrée en particules ordinaires dans le passé.Les faibles interactions de la matière noire avec lereste de la matière pourraient bien être les interac-tions faibles du Modèle standard, par exemple cellesresponsables de la désintégration radioactive bêta.Les théoriciens considèrent comme très probablecette hypothèse. En effet, les calculs montrent quel'abondance actuelle d'une particule produite lors dubig bang avec des propriétés typiques des interac-tions faibles serait précisément celle de la massemanquante. On appelle WIMPs (pour WeaklyInteracting Massive Particles) de telles particules.

Quelques candidats répondant au profil souhaitéDe nombreuses particules ayant ces propriétés, etdonc candidates au rôle de matière noire, ont été proposées dans le cadre de théories nouvelles de laphysique des particules. Parmi les plus étudiéesfigure le neutralino en supersymétrie. Introduite enphysique des particules dans les années 1980, cette

théorie très élégante propose que, pour chaque particule ordinaire, il y ait une particule partenairesupersymétrique dotée des mêmes propriétés (parexemple, de la même charge électrique) mais d'unemasse beaucoup plus élevée, estimée à une centainede gigaélectronvolts environ. Le neutralino figureau nombre de ces particules, ou, plus précisément,un mélange de partenaires supersymétriques duphoton, du boson Z et du boson de Higgs. De plus,le neutralino serait doué d'une propriété addi -tionnelle (nommée R-parité, une sorte de nouvellecharge) qui, du fait des lois de la nature, ne peutdisparaître dans aucun processus physique. Enconséquence, il n’est pas possible au neutralino dese désintégrer en particules ordinaires : il serait ainsistable. Voici pourquoi le neutralino figure commeun bon candidat pour jouer le rôle de matière noire,faisant aussi partie de la catégorie des WIMPs.L'abondance des paramètres théoriques rend ensuiteplus riche et plus complexe la phénoménologie dela matière noire supersymétrique. La masse, lacomposition et les interactions précises des diffé-rents composants ont été étudiées en détail pourplusieurs modèles.Vers la fin des années 1990, des scénarios à dimen-sions spatiales supplémentaires (dites de Kaluza-Klein(2), en hommage aux deux théoriciensvision naires qui les avaient conçus au début duXXe siècle), sont revenus à l'attention des chercheurs.Leur hypothèse est qu’il existerait une cinquièmedimension venant s’ajouter aux trois dimensionsspatiales et au temps. Sa formation en boucles extrê-mement petites la rendrait inaccessible à l'observa-tion directe. Une particule plongée dans cet espace

(2)Theodor Franz Eduard Kaluza (1885-1954), physicienet mathématicien allemand, le premier qui imagina unethéorie avec des dimensions supplémentaires pour l’Univers.Oskar Klein (1894-1977), physicien théoricien suédois, ayantinventé l’idée que les dimensions supplémentaires peuventexister physiquement mais sont enroulées et très petites.

Figure 1.Diagramme de Feynman (d’après le physicien Richard Feynman, prix Nobel en 1965)illustrant l’annihilation de la matière noire en produits finaux ordinaires. Les physiciensutilisent ce type de diagramme pour calculer les propriétés du flux attendu : chaque diagramme décrit, de façon mathématique précise, les caractéristiques des particules et de leurs interactions. Dans ce cas, deux particules de matière noires’approchent et s’annihilent en deux bosons faibles Z. L’annihilation se produit par la création et l’immédiate destruction d’une boucle compliquée de bosons W. Ensuite, les bosons Z se désintègrent en particules de matière ordinaire, tels que des photons, des neutrinos, des positrons, des antiprotons, etc. Ces produits finaux sont activementrecherchés par plusieurs expériences sur Terre et sur des satellites en orbite.

Le satellite italo-russe PAMELA (pour Payload for Antimatter Exploration and Light-nuclei Astrophysics) peuavant le lancement dans une fusée, en 2006. Les donnéesenvoyées par le satellite ont révélé l’existence de rayonscosmiques anormaux qui ont bouleversé la communautédes scientifiques travaillant sur la matière noire. Sont-ilsdus à l’annihilation de particules de matière noire dansle halo de la galaxie ?

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CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 79

4+1 dimensionnel ressemble à une véritable tour departicules semblables dont les masses croissent parpaliers d'environ 1 téraélectronvolt. Dans l’hypo-thèse où la « marche zéro » de cette tour se compo-serait de matière ordinaire (soit une projectionquadridimensionnelle de la réalité 5-dimensionnelle)alors, la première marche en serait une copie lourde.Or, si un mécanisme additionnel, dit parité deKaluza-Klein, impose la stabilité des particulesde la première marche de la même façon que la R-parité en supersymétrie, alors ces particuleslourdes constituent des parfaits candidats pour lamatière noire – ce qui fut proposé notamment parGéraldine Servant, de l’Institut de physique théo-rique du CEA, en 1999.La matière noire supersymétrique et de Kaluza-Kleinont stimulé la plupart des études théoriques et desrecherches expérimentales depuis les années 1980.Néanmoins, les chercheurs ayant gardé leur espritouvert, de nombreuses autres propositions furentavancées. Par exemple, dans la catégorie de matièrenoire WIMP, des modèles dits « de matière noireminimale » proposent d’ajouter au modèle standard,non pas un secteur entier de copies, mais seulementles particules strictement nécessaires pour jouer lerôle de la matière noire. Autres hypothèses : celle des« neutrinos stériles », particules similaires auxneutrinos normaux mais plus lourds et sans interac-tion avec la matière ordinaire ; ou encore celle desaxions, particules légères produites, peut-être,pendant les premiers instants d'évolution bouillantede l'Univers.

Avec plusieurs candidats pour un seul poste,comment identifier le bon ? Ce grand nombre de « candidats » traduit le fortintérêt des scientifiques pour l’ensemble de ces ques-tions. Mais il reflète également un manque évidentde données expérimentales directes. Heureusement,les prochaines années paraissent prometteuses. Unecombinaison de différentes techniques expérimen-tales sera sans doute nécessaire pour distinguer lesdifférentes théories et parvenir à identifier la naturede la matière noire. Un grand espoir repose sur laproduction de matière noire par le Large HadronCollider (LHC), l'accélérateur de particules du Cern,l’Organisation européenne pour la recherchenucléaire (voir l’encadré, p. 80). Une autre perspec-tive concerne la détection des produits finaux del'annihilation de deux particules de matière noiredans le halo galactique (figure 1). Un troisième axecompte sur les expériences souterraines sensiblescomme Edelweiss (voir l’encadré p. 80) dont le CEAest un acteur majeur, visant à détecter un phéno-mène particulièrement rare : la collision d'une parti-cule de matière noire de passage. Cette activitéexpérimentale gigantesque et pluridirectionnelle,indispensable pour tester les différentes prédictions,s’accompagne d’une intense activité théorique. Ainsi, l’observatoire en orbite PAMELA (pourPayload for AntiMatter Exploration and Light-nucleiAstrophysics), lancé par une fusée russe, en 2006, a-t-il récemment décelé des rayons cosmiques« anormaux », peut-être produits par les annihila-tions de la matière noire galactique. Ces données,difficilement explicables en termes de matière noire

supersymétrique ou par la théorie de Kaluza-Klein,suscitent déjà la construction de nombreuxnouveaux modèles. Le problème de la matière noire établit des liensétroits entre la physique des particules, la cosmologieet l'astrophysique. Il est probable que, désormais, ceproblème à l'échelle galactique et cosmologique serésoudra avec un nouvel état des plus petits consti-tuants de la matière. L'exploration de la physique àl'échelle du téraélectronvolt au LHC, les observa-tions astronomiques en rayons gamma du satelliteFermi ainsi que la prochaine génération de détec-teurs souterrains issus de l’expérience Edelweiss,laissent augurer que la matière noire dévoilerabientôt son secret.

> Marco Cirelliet Camille Bonvin

Institut de physique théorique(Unité de recherche associée au CNRS)

Direction des sciences de la matière (DSM)CEA Centre de Saclay

La recherche fondamentale en physique des particules a fait d’énormes progrès pourvalider un cadre théorique appelé Modèle standard. De nouvelles particules, commele boson de Higgs et de nouveaux processus sont attendus dans le cadre desexpériences du LHC visant à élargir ce modèle. Une de ces nouvelles particules sera-t-elle la matière noire ?

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Page 81: Dans les secrets de l'Univers

Pourra-t-on créer un jour de la matière noire au LHC ?

Pour répondre aux questions les plus fondamentales de la physique, le Cern(Organisation européenne pour la recher -che nucléaire) a mis en service, en 2008, legrand collisionneur de hadrons (LHC). Entant que pays hôte, la France a participé àsa construction par l’intermédiaire de sesdeux plus importants organismes derecherche : le CNRS et le CEA. Au sein de cegrand instrument, les physiciens travaillentà provoquer des collisions entre faisceauxde protons de 7 TeV (soit 7 000 GeV)d’énergie, observées par deux grandesexpériences généralistes :

• ATLAS (pour A Toroidal LHC Appa ratus) :il s’agit d’un des deux plus grands et pluscomplexes détecteurs construits à ce jour.Cette expérience de physique auprès duLHC est menée par une collaborationmondiale de scientifiques (1 800 physicienset ingénieurs issus de 150 laboratoires de34 pays différents) pour trouver le boson deHiggs, s’il existe (figure 1), ou d’autresnouvelles particules.

• CMS (pour Compact Muon Solenoid),l’autre grand détecteur, poursuit les mêmesbuts scientifiques qu’ATLAS mais avec d’au-tres options techniques.

Deux autres programmes poursuiventune recherche spécifique :

• Alice (pour A large ion Collider Experi -ment) tentera de recréer, en laboratoire,les conditions qui régnaient juste après le

big bang et ainsi étudier l’évolution de lamatière de la naissance de l’Univers à nosjours.

• LHCb (pour Large hadron Colliderbeauty) essaiera de comprendre pourquoinous vivons dans un Univers apparemmentconstitué entièrement de matière, sansaucune présence d’antimatière.L’énergie des collisions du LHC (14 TeV,soit 7 fois plus que le collisionneur précédent, actuellement en service auxÉtats-Unis) contribuera à l’explorationcom plète de l’échelle d’énergie couvrantles alentours de 1 TeV, une échelle clé dansle Modèle standard. Le premier objectifdes expériences conduites au LHC reste ladécouverte du mystérieux boson de Higgsou de ce qui en tient lieu pour l’unificationdes interactions électromagnétique etfaible. Mais aujourd’hui, de nouvelles théo-ries ouvrent un cadre plus large que leModèle standard pour essayer de répondreaux questions que celui-ci laisse ensuspens, notamment sur la nature dufameux boson de Higgs, mais aussi de lamatière noire et de l’énergie noire. Toutes ces questions semblent, en effet,reliées par une interrogation centrale :quelle est l’origine de la masse des parti-cules ? Pour l’énergie noire, les chercheursse heurtent à un obstacle majeur : auregard des connaissances actuelles sur lesparticules élémentaires, le calcul de sadensité dans l’Univers donne un résultatbeaucoup trop grand, des milliers de foissupérieur à l’observation ! En revanche, lasituation semble plus favorable pour lacompréhension de la matière noire. Eneffet, les mesures cosmologiques pointantvers des particules massives qui inter-agissent faiblement, leur échelle de masse« typique » serait d’environ 100 GeV, soitl’échelle d’unification du Modèle standard.Il semble donc naturel de conclure quela matière noire et l’unification électro-faible partagent une origine commune.Dans cette éventualité, de telles particulespourraient être produites par le LHC. C’estce que prédit, par exemple, l’une desnombreuses théories avancées pourdépasser le Modèle standard, et sansdoute la plus connue, à savoir celle de la« supersymétrie », proposée dans lesannées 1970 mais demeurée hypothétique. De nombreuses versions existent mais,de façon générale, la LSP (pour LightestSuper symmetric Particle), particulesuper symétrique la plus légère, feraitune excellente « candidate ». Ainsi,grâce à son énergie et sa luminositéélevées, le LHC pourrait prochainement

mettre en évidence la supersymétrie. Lepoint commun entre les différents typesd’événements prédits par les théories desupersymétrie réside dans le fait qu’ilexiste, dans le bilan de la collision, unmanque d’énergie (transverse), empor téepar une ou plusieurs LSP. Les chercheursespèrent observer rapidement ces événe-ments manquant d’énergie transverse.Comparé au bruit de fond du Modèle stan-dard, le moindre excès constaté seraitalors favorable à la théorie de la supersy-métrie. De façon similaire, d’autres théo-ries (dimensions supplémentaires, axions,etc.) prédisent que si la matière noire etl’unification électrofaible partagent lamême origine, alors il existe une chancetangible pour que le LHC produise la, ou lesparticules constitutives de la matière noirede l’Univers.

> Bruno MansouliéService de physique des particules (SPP)

Institut de recherche sur les lois fondamentalesde l’Univers (Irfu)

Direction des sciences de la matière (DSM)CEA Centre de Saclay (Gif-sur-Yvette)

L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200980

Figure 1.Simulation d’un événement mettant en jeu la « supersymétrie » dans l’expérience Atlas :vue transverse à l’axe des faisceaux. Dans cetévénement, deux LSP et deux jets de particulesordinaires ont été produits. Les LSP ne sontpas détectés directement mais le bilandes impulsions montre un déficit : il manque« quelque chose » du côté gauche ; ce bilanpermet de caractériser leur présence.Les axes sont simplement géométriques :X, Y et leur unité en mètre : X (m) et Y (m).

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L’expérience Alice, dédiée à l’étude de la matière dans ses états extrêmes.

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Page 82: Dans les secrets de l'Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 81

Télescope Canada-France-Hawaii (à droite sur la vue).

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Une des plus grandes surprises de la cosmologie moderne restera, sans nul doute, la découvertede l'accélération de l'expansion de l'Univers, due à ce que les chercheurs nomment énergie noire. Son existence a été confirmée par les résultats majeurs apportés par le télescope Canada-France-Hawaii(CFHT) auquel les équipes de l’Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu) ont contribué tant au plan instrumental que dans l’analyse des données.

Astrophysique et observation de l’énergie noire

2. L’Univers sous la domination de l’énergie noire

Du big bang à l’expansion accélérée de l’UniversAu XXe siècle, la cosmologie a considérablementprogressé grâce aux observations qui ont conduit àla découverte de l’expansion de l’Univers et du fonddiffus cosmologique, ainsi qu’à l’accord entre lesmesures et les prédictions pour les abondances deséléments légers. Ainsi, étape par étape, ces observa-

tions contribuent-elles à valider le modèle du bigbang (encadré 1). Ce qui ne signifie pas que tous sessecrets en soient dévoilés pour autant puisque d’au-tres observations laissent supposer l’existence d’unematière noire dans l’Univers dont la naturedemeure pour l’instant inconnue. À ce mystère s’en ajoute un autre. En raison de l’at-traction universelle, l’expansion de l’Univers devrait

Les étapes principales du modèle du big bang

Associé à la relativité générale d’Albert Einsteinet à la physique nucléaire, le modèle du big bangfait naître l’Univers d’une singularité initiale : l’ex -plo sion d’un grain de matière dense et chaud. D’oùune expansion au cours de laquelle l’Univers seserait dilaté régulièrement et refroidi, conditionpour que s’opère la synthèse des premiers noyauxatomiques (hydrogène et hélium) produite essen-tiellement dans les trois premières minutes aprèsle big bang. À cette étape, dite de la nucléosynthèseprimordiale, succéda une période d’équilibre entrela matière et le rayonnement dont l’effet fut dedétruire les édifices atomiques plus complexes dèsleur création par la matière. Après 380 000 ansenviron, l’Univers se trouvant suffisamment refroidiet la formation des atomes n’étant plus contrariéepar le rayonnement, la matière et le rayonnementse sont alors découplés pour suivre des évolutionsdifférentes. Ainsi libéré, le rayonnement a traversél’Univers où il subsiste encore sous la forme derayonnement fossile à basse énergie, appelé fonddiffus cosmologique. Quant à la matière, sous l’effetde l’attraction universelle, ses atomes se sontregroupés en de gigantesques nuages gazeux. Ens’effondrant, ils donnèrent naissance aux premières

étoiles, puis aux premières galaxies, 600 millionsd’années après le big bang. L’effet de l’explosioninitiale se fait toujours sentir sur ces objets quis’éloignent les uns des autres avec une vitesseproportionnelle à leur distance.

1

C’est en comparant les distances et les vitesses(déduites des mesures de luminosité et de décalagespectral) de plusieurs dizaines de galaxies, qu’EdwinHubble découvrit, en 1929, que l’Univers était enexpansion : les galaxies s’éloignent de nous avecune vitesse proportionnelle à leur distance. À partirde cette loi, on peut déduire l’âge de l’Univers : 13,8 milliards d’années environ.

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Les supernovae de type Ia, des chandelles standard

Les supernovae de type Ia (SNIa), ob servéesjusqu’à ce jour, montrent des propriétésspectrales et lumineuses très homogènes.D’où l’hypothèse qu’elles proviennent del’explosion thermonucléaire d’une naineblanche, étoile en fin de vie, accrétant lamatière d’une étoile compagne géante.Cette naine blanche gagne en masse jusqu’àapprocher la limite dite de Chandrasekhar.La température interne de l’étoile s’élèvealors suffisamment pour déclencher unecombustion nucléaire explosive. À partir delà, les éléments situés au cœur de l’étoile(carbone et oxygène essentiellement)brûlent en donnant du 56Ni. Cette com -bustion dégage une telle énergie que l’étoilefinit par exploser. La désintégration ulté-rieure du 56Ni en 56Co, puis en 56Fe, définitla luminosité de la supernova et la rend

2

L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200982

se ralentir. Pour le vérifier, les astrophysiciens ontobservé le flux de supernovae de type Ia (SNIa),explosions d’étoiles en fin de vie, situées à plusieursmilliards d’années-lumière. Leur intérêt résidedans leur luminosité pratiquement reproductible(encadré 2). La mesure de leur flux apparent revientdonc à mesurer la distance parcourue par lesphotons depuis l’explosion – distance qui dépend ducontenu de l’Univers et de sa géométrie. Or, à la findes années 1990, les premières observations de SNIalointaines révèlent que leur flux apparent s’avère plusfaible que prévu dans un Univers exclusivementcomposé de matière. La distance parcourue par lesphotons émis par les supernovae est donc plusimportante que prévue. Pour les chercheurs, force estd’admettre qu’il existe dans l’Univers une compo-sante énergétique capable d’accélérer l’expansion etqui ne soit ni matière ni rayonnement. Une telle

composante a été prévue par les équations de la rela-tivité générale d’Albert Einstein à la condition d’yajouter une constante, dite « constante cosmolo-gique ». D’autres descriptions existent et donnent àcette composante un contenu plus fondamental. Enattendant de pouvoir trancher, cette composante areçu le nom d’énergie noire. Sa densité représentetrois quarts du contenu énergétique de l’Univers,contre un quart seulement pour la matière.

Le relevé de supernovae par le CFHTCe résultat étant inattendu, les chercheurs ont lancé denouvelles études sur les SNIa lointaines dont l’expérience Supernova Legacy Survey (SNLS). De 2003à 2008, grâce au télescope Canada-France-Hawaii, de3,6 mètres de diamètre (situé à Hawaii), SNLS adétecté et mesuré un millier de SNIa, contre unecinquantaine dans les expériences antérieures. Cerésultat s’avère d’autant plus probant que les SNIasont rares : à peine une explosion par siècle pour unegalaxie comme la nôtre. Pour les déceler, SNLS a béné-ficié de la caméra à grand champ MEGACAM, caméraCCD de 340 millions de pixels, conçue à l’Irfu. Instrument unique au monde, son champ de 1 degrécarré (soit quatre fois la pleine Lune) permet d’observer, en une seule fois, de grandes portions duciel, susceptibles de contenir jusqu’à une dizaine desupernovae. SNLS revenant constamment sur ceschamps tant qu’ils sont observables, les détectionspeuvent se poursuivre toute l’année et les « candi-dates » être suivies tout ce temps-là. D’où la possibi-lité de reconstruire le profil temporel de leurémission lumineuse, appelée « courbe de lumière ».Les mesures de flux s’effectuent tous les trois ouquatre jours, à partir de quatre filtres allant du rayon-nement optique au rayonnement infrarouge proche(figure 1). Cet échantillonnage perfectionne nota-blement les programmes antérieurs qui ne suivaientles supernovae qu’à plusieurs semaines d’intervalle etavec seulement deux filtres. Enfin, dès sa détectionpar SNLS, toute supernova potentielle, proche de

aussi brillante que plusieurs milliards desoleils, soit l’équivalent d’une petite galaxie.Comme la masse de l’étoile, et par suite laquantité de nickel produite, est pratique-ment toujours la même lors de l’explosion,les SNIa présentent des luminosités simi-

laires. On peut alors les utiliser comme des « chandelles standard » pour mesurer desdistances, car leur flux apparent ne dépendque de la distance parcourue par lesphotons entre l’instant de l’explosion et celuide l’observation.

Image du résidu de la supernova Ia,observée par Tycho Brahe, en 1572. Cetteimage combine des observations enrayonnements X, infrarouge et optique.Le résidu de la supernova se présentecomme un nuage chaud en expansionrapide, formé de nombreux débris (visiblesen vert et jaune), à l’intérieur d’une coquilled’électrons de très haute énergie (en bleu)provenant de l’onde de choc extérieureprovoquée par l’explosion. La poussièreentourant le résidu (créée lors del’explosion ou préexistante) émet dansl’infrarouge (visible en rouge sur le cliché).C

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Figure 1.Courbe de lumière de la supernova 03D4dh mesurée par SNLS (le flux est exprimé enunités arbitraires). Les mesures sont effectuées, tous les 3 à 4 jours, en dehors despériodes de pleine lune dans quatre filtres distincts : bleu (ronds), vert (carrés), rouge(triangles pointe en haut) et proche infrarouge (triangles pointe en bas).

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Page 84: Dans les secrets de l'Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 83

son maximum de lumière, est observée par des spec-trographes sur des télescopes de 8 à 10 mètres dediamètre (VLT, Keck, Gemini) pour déterminerprécisément son décalage spectral et son type(thermonucléaire pour les Ia ou gravitationnel). Lessupernovae gravitationnelles étant peu exploitablespour la cosmologie en raison de leur grande varia-bilité lumineuse, seules les Ia sont sélectionnées aprèsspectroscopie. À l’issue du relevé, SNLS dénombre500 SNIa confirmées par spectroscopie, de décalagesspectraux allant de 0,2 à 1,2. Cela signifie que leurformation a eu lieu dans un univers plus jeune de 2et 8 milliards d’années environ. Ces supernovaeremontent donc au très lointain passé de l’Univers.Pour parvenir jusqu’à nous, leur lumière a franchides distances considérables de plusieurs milliardsd’années-lumière. Or, sur de telles distances, leparcours des photons dépend significative ment del’évolution passée de l’Univers. En conséquence,mesurer le flux des SNIa sur une gamme étendue dedécalages spectraux, revient à remonter l’évolutionpassée de l’Univers, elle-même déterminée par soncontenu en matière et énergie. Cette opération a étéentreprise par SNLS dès la première année d’obser-vations, sur la base de 70 SNIa confirmées par spec-tros copie. Les mesures montrent que le fluxprovenant des SNIa lointaines s’avère plus faible quecelui attendu dans un Univers dominé par la matière.En revanche, ces mesures s’accordent avec les résul-tats d’un Univers en expansion accélérée, dominé à74 % par l’énergie noire (figure 2). Les données transmises par SNLS permettent aussi detester l’évolution temporelle de la densité d’énergienoire. Perçue comme un fluide emplissant toutl’espace, l’énergie noire se caractérise par sa pression.Le rapport entre cette pression et la densité, noté w etappelé « paramètre de l'équation d'état de l'énergienoire », gouverne l’évolution temporelle de la densité

d’énergie noire. Une valeur w = -1 correspond à unedensité d’énergie noire constante dans le temps. Lesrésultats de la première année de SNLS, couplés à ceuxd’autres observations, conduisent à une valeur de wcompatible avec -1, pour une incertitude relative de10 % (figure 4, gauche). L’analyse des trois premièresannées de données de SNLS (soit 250 SNIa) s’achèveet les conclusions vont dans ce même sens, avec uneprécision accrue : 6 % au lieu de 10 %. Affiner ce testreste un enjeu majeur : une densité d’énergie noire constante dans le temps favoriserait une interprétationen termes de constante cosmologique.

Figure 2.Magnitude apparente des SNIa (déduite du flux lumineux au pic) en fonction de leur décalagespectral (Il est d’usage, en astrophysique, d’exprimer les flux lumineux sur une échellelogarithmique inversée, dite échelle des magnitudes : plus un objet est lumineux, plus faiblesera sa magnitude). Les mesures réalisées lors de la première année de fonctionnementdu SNLS (points) associées à des mesures sur des supernovae proches (cercles) sontcomparées aux prédictions pour un Univers composé exclusivement de matière (courbepointillée) et pour un univers en expansion accélérée, composé de 74 % d’énergie noire et de 26 % de matière (courbe en trait plein).

Figure 3.Cartographie de la matière noire grâce à l’effet de cisaillement gravitationnel.Gauche : image résultant d’une simulation numérique montrant la distribution de matière noire (échelle de couleurs) et le cisaillement gravitationnel auquelsont soumises les images de galaxies lointaines (segments) ; « x » et « y » étant les coordonnées dans le plan de l’image. Droite : cartographie de la matière noire en coordonnées galactiques (contours) et visible (couleurs) dérivée par la technique de cisaillement gravitationnelà partir des observations du projet COSMOS (pour Cosmic Evolution Survey) avec le télescope spatial Hubble.

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ppar

ente

0,2 0,4 0,6 0,8 1

34

36

38

40

42

44

décalage spectral

SNLS 1 an

x (arc minute)

2,8

2,6

2,4

2,2

2,0

1,8

1,6150,6 150,4 150,2

ascension droite (degrés)150,0 149,8 149,6

décl

inai

son

(deg

rés)

Page 85: Dans les secrets de l'Univers

L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200984

Mesure de l’effet de cisaillementgravitationnel par le CFHTDeux autres observations cosmologiques devraient permettre de gagner encore en précision :

• l’étude des oscillations acoustiques baryoniques,c’est-à-dire les fluctuations du plasma matière/rayonnement dans l’Univers primordial, lesquelles ontlaissé leur empreinte dans la répartition des galaxies ;

• l’étude de la cartographie de la matière de l’Universpar l’effet de cisaillement gravitationnel. Elle se fondesur la mesure des formes de galaxies lointaines, déformées par les grandes structures de l’Univers surla ligne de visée. Cette technique généralise, à grandeéchelle, la méthode des mirages gravitationnels,utilisée pour reconstruire la distribution de masse desamas et révéler leur contenu en matière noire. Lecisaillement gravitationnel contribue à décrire ladistribution de matière noire à l’échelle de l’Univers(figure 3). À l’aide du décalage spectral, déduit descouleurs des galaxies dans plusieurs bandes delongueurs d’onde, cette cartographie s’effectue entrois dimensions – la mesure des propriétés statis-tiques de l’histoire de la formation des structures del’Univers n’en devient que plus précise. Le plusimportant relevé de l’effet de cisaillement gravita-tionnel a été obtenu grâce à la caméra MEGACAMdu CFHT, à partir de l’analyse du relevé « grandchamp » effectué pendant la campagne d’observa-tions 2003-2008. Ce relevé a permis de mesurer ladensité de l’énergie noire à partir de son effet sur lagéométrie de l’Univers et sur le taux de croissance deses structures. La figure 4 (droite) expose lescontraintes obtenues à partir des premiers 20 degréscarrés de ce relevé, qui concordent avec cellesdéduites des supernovae et des oscillations acous-tiques baryoniques. À terme, le relevé de l’effet decisaillement gravitationnel étendra de dix fois sasurface et posera des contraintes plus précises surl’énergie noire.

PerspectivesDes mesures encore plus fines devraient clarifier défi-nitivement le comportement de l’énergie noire. En

effet, les expériences actuelles ne sont sensibles qu’àla valeur moyenne de w sur la gamme des décalagesspectraux observés. Les expériences futures auront àtenir compte d’une évolution possible de w avec ledécalage spectral. Il s’agit du seul moyen de distin-guer entre une pure constante cosmologique et unmodèle plus dynamique d’énergie noire. L’Irfuprépare deux expériences sur la question :

• la première consiste en un relevé des oscillationsacoustiques baryoniques du ciel entier et à troisdimensions, par interférométrie radio. La détectionde la raie à 21 cm de l’hydrogène neutre, amènera àremonter à la répartition des galaxies jusqu’à un décalage spectral de 2. Avec une résolution angulaired’une minute d’arc et une résolution de 0,001 sur ledécalage spectral, l’interféromètre HSHS (pourHubble Sphere Hydrogen Survey) devrait atteindreune sensibilité de 25 % sur l’évolution de w, àl’échéance de quelques années ;

• la deuxième vise le plus long terme avec un imageurspatial grand champ, appelé Euclid. Cet instrumentétudiera, avec une très grande précision, l’Universsombre à l’aide du cisaillement gravitationnel et desoscillations acoustiques baryoniques. Pour cela, il utili-sera un télescope de 1,2 m, dont le champ de vision,de 0,5 degré carré, combinera l’imagerie et la spec-troscopie dans le visible et le proche infrarouge. Laprécision souhaitée est de 5 % sur l’évolution de w, cequi permettra de différencier des modèles d’énergienoire dérivant de modifications de la théorie de larelativité générale (voir Les télescopes du futur, p. 102).

> Vanina Ruhlmann-KleiderService de physique des particules

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière (DSM)

CEA Centre de Saclay (Gif-sur-Yvette)

> Alexandre Réfrégier Service d’astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière (DSM)

Unité mixte de recherche astrophysique interactions multi-échelles (CEA-Université Paris 7-CNRS)

CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

Figure 4. Contraintes actuelles sur l'énergie noire tirées des études au CFHT (supernovae à gauche, cisaillement gravitationnel à droite) et des mesures du SDSS(pour Sloan Digital Sky Survey), sur les oscillations acoustiques baryoniques (OAB). Les contraintes sont exprimées en termes de pourcentage de densitéde l'Univers sous forme de matière noire (�m=1- �� où �� est la densité d’énergie noire) et du paramètre w (ou w0) de l'équation d’état de l’énergie noire(rapport entre pression et densité d’énergie noire).

W

0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6�m

-0,4

-0,6

-0,8

-1

-1,2

-1,4

-1,6

-1,8

-2

WO

0,2 0,4 0,6 0,8 1�m

-2

-1,5

-1

-0,5

0

�m+��=1

SNLS 1 an

OAB (SDSS)

99,7 %95 %68 %

Page 86: Dans les secrets de l'Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 85

Q uelles ont donc été les différentes pistes suiviespour décrire l’accélération de l’expansion de

l’Univers et à quelles impasses ont-elles mené ? Pourtenter d’y répondre, il faut prendre pour point dedépart que les données d’observations qui ontconduit à la découverte de l’accélération de l’Universreposent sur la théorie de la relativité générale,pilier de la physique du XXe siècle. Élaborée parAlbert Einstein, en 1915, celle-ci réconcilie la théoriede la gravité universelle avec celle de la relativité.Depuis, cette hypothèse a souvent été testée, notam-ment sur des échelles allant du système solaire auxlointaines galaxies. Elle a même trouvé une appli-cation inattendue avec le système de positionne-ment GPS ! Mais pour modéliser l’évolution del’Univers dans son ensemble, il faut considérer des

échelles beaucoup plus grandes que celles des pluslointains amas de galaxies. À ces distances, l’Universapparaît isotrope et homogène, c'est-à-dire qu’au-cune direction ou aucun lieu ne semble privilégié.Cette observation a été érigée en principe – le prin-cipe cosmologique. Relativité générale et principecosmologique sont à la base des théories dévelop-pées, depuis les années 1930, pour décrire l’histoirede l’Univers, de la formation des noyaux au rayon-nement de fond cosmique. La relativité générale enseigne qu’énergie et géomé-trie de l’espace-temps sont intimement liées. Parexemple, le Soleil courbe l’espace-temps en sonvoisinage et dévie les rayons lumineux. En cosmo-logie, la dynamique de l’Univers résulte de la natureet de la quantité d’énergie contenue en son sein.

Si les observations sur l’accélération de l’expansion de l’Univers se précisent toujoursplus, néanmoins sa description théorique demeure problématique. En effet, plus de dix ans après les premières mesures provenant de l’explosion des supernovae detype Ia, aucune théorie ne peut encore rendre compte de l’ensemble du phénomène.Pire, chacun des scénarios proposés met en défaut les outils théoriques connus.

Théories de l’énergie noire

NA

SA

L'Univers est composé de matière lumineuseformant les étoileset les galaxies. Il existeaussi un fond de matièredite noire car nonlumineuse dont le haloentoure chaque galaxie.Enfin il semble qu'ilexiste un troisième typede matière qui conduiraità l'accélération del'Univers. Cette énergienoire n'est pas lumineuseet se trouve répartieuniformément danstout l'Univers.

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L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200986

De plus, la relativité générale fait graviter toutes lesformes d’énergie, contrairement à l’approchenewtonienne où seule gravite la matière. Or, et ils’agit d’une extrême surprise, une phase d’accéléra-tion est impossible en relativité générale, souscouvert de validité du principe cosmologique, si lecontenu en énergie de l’Univers se réduit à la radia-tion lumineuse, aux neutrinos, à la matière compo-sant les galaxies et au halo de matière noire lesentourant. Engendrer une accélération supposedonc de « violer » l’une de ces hypothèses et demodifier la relativité générale, le principe cosmolo-gique ou le contenu en énergie de l’Univers. Les dixdernières années ont vu fleurir nombre de modèles cherchant à expliquer l’accélération de l’Univers parla modification d’une de ces hypothèses. D’ailleurs,bien avant la découverte de l’accélération del’Univers, Albert Einstein proposait déjà de modifierla relativité générale. Optant pour une vision aris-totélicienne du cosmos, il imaginait une sphèrecéleste statique. Or, selon la théorie de la relativitégénérale, celle-ci ne peut pas être immobile : l’at-traction gravitationnelle due à la matière qui lacompose impliquant sa contraction (figure 1). Pourcontrecarrer cet « écroulement gravitationnel »,Albert Einstein introduisit un nouveau terme dansles équations, celui de constante cosmologique –l’effet attendu étant de stabiliser la sphère céleste etde rendre ainsi l’Univers statique. Néanmoins,quand l’astrophysicien Edwin Hubble découvritl’expansion de l’Univers, dans les années 1920, et adonc battu en brèche l’hypothèse d’un Universstatique et immuable, l’introduction de la constante

cosmologique devint obsolète et ceci, jusque dans lesannées 1990. Il aura fallu du temps pour décrire la nature physiquede la constante cosmologique. Seulement dans lesannées 1960, apparaît une équivalence avec la densitéd’énergie du vide. En physique classique, le videsignifie une absence de matière et aucune densitéd’énergie. Cette perception, la mécanique quantiqueva la bouleverser. En effet, dans le vide, des particulesvirtuelles apparaissent, puis disparaissent, avantmême d’avoir pu être observées. De cette activitéfrénétique résulte sûrement l’existence d’une énergiedu vide. Une manifestation expérimentale de cephénomène a été décelée et porte le nom d’effetCasimir(1). Entre deux plaques métalliques, les fluc-tuations du champ électromagnétique créent uneforce attractive. La mystérieuse constante cosmolo-gique introduite par Albert Einstein reflète ainsi lanature quantique du vide cosmologique. Ellecorrespond à une modification du contenu enénergie de l’Univers.L’effet d’une constante cosmologique sur la dyna-mique d’un Univers en expansion est bien connudepuis les travaux d’Alexander Friedmann etWillem de Sitter(2) dans les années 1920. Alors quela densité d’énergie de la matière et de la radiationdécroît avec le temps, la constante cosmologiquereste immuablement constante et devient ainsi, aubout d’un certain temps, la portion dominante ducontenu en énergie de l’Univers. Lorsque la constante cosmologique domine les autres formesd’énergie, la force répulsive induite par celle-ci nepeut plus être contrebalancée : d’où une périoded’expansion accélérée qui s’identifie à celle que l’onobserve. La constante cosmologique apparaîtraitdonc comme l’explication la plus simple de l’accélération de l’Univers. Puisque celle-ci n’acommencé que « récemment », la constante cosmo-logique devrait prendre une valeur proche de ladensité actuelle de matière de l’Univers. Cettedernière reste très faible : 25 ordres de grandeur de moins que la densité de l’atmosphère et 6 demoins que le vide intergalactique ! L’existence d’unedensité d’énergie si minuscule est en conflit avec notre connaissance de la physique des particules. Aussi a-t-il fallu envisager d’autresexplications.Ainsi, la constante cosmologique peut égalements’interpréter comme étant la densité d’énergie d’unfluide emplissant l’Univers, dont la pression setrouve exactement à l’opposé de sa densité d’énergie.Le rapport pression/densité d’énergie, appelé« équation d’état » vaut alors -1. Plus généralement, l’accélération de l’Univers pourrait encore émaner

Figure 1.L’étude de l’attraction gravitationnelle, des plus courtes échelles aux plus grandesdistances, est fondamentale pour bien appréhender le problème de l’accélération del’Univers. La modification de la gravité à petite échelle (ici de l’ordre du millimètre enabscisse) pourrait bien révéler la présence de particules engendrant l’accélération. Cesparticules viendraient augmenter la force de gravité d’un pourcentage porté en ordonnée.Les mentions de « Lamoreaux » faites sur ce schéma correspondent à l’expérimentateur dont on présente les résultats et celle d’« Irvine » à l’expérience réalisée dans l’université du même nom (idem pour Moscou). Le dilaton est une hypothétique particule utiliséedans la théorie des cordes : sont données sur le schéma les bornes de son existence (idem pour le moduli). L’axion est une hypothétique particule qui pourrait être à l’originede la matière noire.

(1) Hendrick Casimir (1909-2000), physicien hollandais,directeur des laboratoires Philips et professeur à l'université deLa Haye. Spécialiste de la supraconductivité et des diélectriques,il est l’auteur d’un effet qui porte son nom selon lequel deuxplaques métalliques parallèles situées dans le vide s'attirent.

(2)Alexander Friedmann (1888-1925), physicien etmathématicien russe ayant entrevu, le premier, que la théoriede la relativité générale d'Einstein permettrait l'étudede la structure de l'Univers dans son ensemble.Willem de Sitter (1872-1934), mathématicien, physicien etastronome néerlandais, qui a été l’un des premiers à évoquer,en 1917, la possibilité d'un Univers en expansion, sur la basedes travaux de la relativité générale d'Einstein.

10-5 10-4 10-32 5 2 5 2 5� (mètres)

10-3

10-4

10-1

10-2

101

100

103

102

105

104

107

106

Moscou

dilaton

Irvine

limite surl'existence de 2 dimensions

supplémentaires

moduli

résultatsattendus parl'expérienceEöt-Wash

axion

limitesexpérimen -tales sur laparticuleappelée axion(hypothéti -que aussi)

limite expérimentaledonnée par l'expérience

Eöt-Wash

Lamoreaux

colla

bora

tion

EotW

ash

de S

eatt

le

Page 88: Dans les secrets de l'Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 87

Figure 2.La dynamique des champs scalaires qui pourraient être responsables de l’accélérations’apparente au mouvement d’une bille roulant le long d’une pente et soumis à un frottement.Après avoir dévalé la pente, la bille se stabilise au minimum potentiel. Si l’énergie est positive,celle-ci sert de réservoir d’énergie pour l’accélération.

de la présence d’un nouveau type de matière découverte dans l’Univers : l’énergie noire. Lesobservations contraignent son équation d’état àapprocher -1. Si elle descendait à -1, l’Universdeviendrait instable. Mais rien ne l’empêche d’êtresupérieure à -1 et inférieure à -1/3, valeur maximaleau-dessus de laquelle toute accélération devientimpossible. La description thermodynamique dufluide régissant l’accélération de l’Univers ne repré-sente que la première étape du processus de modé-lisation. En effet, si l’équation d’état ne s’établit pasexactement à -1, la densité d’énergie noire ne peutpas demeurer constante dans le temps. Ce compor-tement se modélise par la théorie d’un champscalaire dont l’énergie potentielle joue le rôled’énergie noire. Le champ scalaire évolue commeune boule qui roule en étant freinée le long d’unepente douce (figure 2). Après une longue roulade, lechamp s’arrête et son énergie potentielle reste cons-tante. C’est elle qui conduit à l’accélération del’Univers (figure 3). Cette nouvelle forme d’énergieporte le nom de quintessence. Toutes les tentativespour expliquer l’accélération de l’Univers par unenouvelle composante d’énergie ne résolvent pas,pour autant, le problème de la valeur de la constantecosmologique. L’énergie du vide, due aux fluctua-tions quantiques, s’avérant de 120 ordres de gran-deur plus importante que la valeur observée, onpeut parler de catastrophe non élucidée. Un méca-nisme est donc nécessaire pour éviter celle-ci. Le« candidat » le plus prometteur pourrait être lasupersymétrie, postulant l’existence de « superpar-tenaires » associés à chaque particule élémentaire.Alors, l’énergie du vide s’annule exactement. Ladécouverte des « superpartenaires » pourrait inter-venir au Large Hadron Collider dans les prochainsmois. Malheureusement, les « superpartenaires »ayant jusqu’ici échappé aux observations, la super-symétrie ne peut donc pas être considérée commeune symétrie exacte de la nature. Sa brisure réin-troduit des fluctuations du vide dont la densitéd’énergie reste encore 60 ordres de grandeur tropgrande. Une autre explication a été avancée, celle dite duprincipe anthropique énonçant que l’Univers doitêtre tel que son observation soit possible. Parexemple, du simple fait que les galaxies se soientformées, découle que la constante cosmologique nepeut excéder 100 fois la densité de matière observée.Les progrès récents de la théorie des cordes prédi-sent l’existence de multiples univers, chacun dotéd’une énergie du vide différente. Il devient alorsenvisageable que notre Univers ne soit que l’und’entre eux, associé à une petite énergie du vide ethébergeant des observateurs. Une autre voie consisterait à modifier la relativitégénérale aux échelles cosmologiques et donc avancerque l’accélération de l’Univers résulterait d’unemanifestation des lois régissant la gravité à trèslongue distance. Mais cette hypothèse se heurte elle-même à d’autres obstacles. Comme toutes les théo-ries physiques décrivant les quatre interactionsfondamentales, la relativité générale est une théorielagrangienne dont les équations se déduisent duprincipe de moindre action. Modifier la relativitégénérale revient à changer le caractère lagrangien de

la théorie. Or le théorème d’Ostrogradski stipuleque cela conduit à des théories non physiques, parexemple : le vide est instable. Une seule famille dethéories échappe à ce résultat, mais elle généralisedes modèles de quintessence et souffre des mêmesdéfauts. Une autre éventualité a été encore explorée, celle dela « violation » du principe cosmologique. Si lamesure du rayonnement de fond cosmique prouveque l’Univers est isotrope, l’homogénéité du cosmosreste hypothétique. L’accélération du mouvementdes supernovae pourrait découler de certaines inho-mogénéités locales. Pire, le principe de Copernic, quisous-tend l’hypothèse d’homogénéité et stipule que

Figure 3.Si le potentiel n’a pas de minimum, le champ scalaire roule le long de la pente avantde se stabiliser. L’énergie potentielle résiduelle conduit à l’accélération de l’Univers.L'énergie potentielle de l'énergie noire se représente par V (�) alors qu'en abscissenous avons la valeur du champ d'énergie noire �.

V (�)

V (�)

Page 89: Dans les secrets de l'Univers

Asymétrie matière-antimatière de l’Univers

Étoiles, galaxies, amas… Toutes lesstructures observées se composent debaryons (protonset neutrons) et d’électrons,c’est-à-dire de matière, sans présencesignificative d’antimatière. Cette asymétriematière/antimatière se mesure par lerapport de la densité de baryons à la densitéde photons, � nB / n� = (6,21 ± 0,16).10-10,qui décrit l’asymétrie baryonique del’Univers. On la détermine par deuxméthodes indépendantes. La premièrerepose sur la mesure des abondances deséléments légers D, 3He, 4He et 7Li qui sontprédites en fonction du paramètre � par lanucléo synthèse. Le fait qu’il existe un mêmeintervalle de valeurs de � compatible avecles abondances de ces quatre éléments(�= (4,7 – 6,5).10-10)demeure l’un desgrandssuccès de la théorie du big bang. Ladeuxième mesure de �, plus précise, estextraite des anisotropies du rayon nementcosmique de fond, et correspond à la valeurdonnée plus haut. La remar quableconcordance de ces deux mesuresreprésente un autre grand succès de lathéorie du big bang (figure 1). Petit en apparence, le paramètre � s’avère,en réalité, très grand. Pour le comprendre,supposons, dans un premier temps, quel’Univers contienne initiale ment le mêmenombre de baryons et d’anti baryons. Dansce cas, leur anni hi lation mutuelle conduiraità nB / n� ~ 10-19, bien en dessous del’asymétrie baryo nique observée. Cettedernière pourrait-elle alors s’expliquer parun excès de baryons sur les antibaryons au

L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200988

la terre n’occupe pas de position privilégiée dansl’Univers, serait lui aussi remis en cause : autantrefonder toute la cosmologie à partir des espacesde Tolman-Bondi(3) (et non plus de Friedmann-Lemaitre(4)) dont la principale caractéristique estd’avoir une courbure variant spatialement autourd’un centre qui occupe une position particulière dansl’Univers. Il s’agit de scénarios qui ne sont pas encore

complètement exploités et demeurent parcellaires.Au final, il existe une autre hypothèse sous-jacente dans l’interprétation de l’accélération del’Univers. Elle se base sur les quatre dimensions del’espace-temps. D’abord, dès les années 1920, Kaluzaet Klein ont introduit une cinquième dimension etainsi tenté d’unifier la relativité générale et l’élec-tromagnétisme. Plus tard, la théorie des cordes aintroduit, à son tour, dix ou onze dimensions susci-tant deux types de modèles. Le premier d’entre euxsuppose que notre Univers figure le bord (appelébrane) d’un espace à cinq dimensions. Si cette hypothèse se trouvait avérée, alors l’énorme énergiedu vide, due aux fluctuations quantiques sur labrane, aurait pour effet de courber la cinquièmedimension en laissant une infime trace qui condui-rait à l’accélération de l’Univers. Très prometteur, ce

moment du big bang ? Cette hypothèse seheurte à deux objections. Première ment, ilfaudrait ajuster finement (à 10-9 près) lesdensités initiales de baryons et d’anti -baryons. Ensuite, il faudrait supposer quel’Univers n’a pas connu de phase d’infla -tion, contrairement à ce que suggèrent lesobservations (l’inflation a pour effet d’effacertoute mémoire des conditions initiales).Or, si l’asymétrie baryonique n’est pas dueaux conditions initiales, elle doit avoir étécréée dyna mi quement au cours de l’histoirede l’Univers : c’est ce que l’on nomme labaryogenèse. En 1967, Andreï Sakharov(1)

montrait que trois conditions devaie nt êtreréunies pour qu’elle puisse avoir lieu :l l’existence de processus ne conservantpas le nombre total de baryons ;là l’équilibre thermique, les processuscréant des baryons se produisent au mêmetaux que les processus inverses quidétruisent la symétrie créée par lespremiers : il faut donc un écart à l’équilibrethermique ; l à tout processus créant des baryons est associé, par ce que les physiciens des particules appellent « conjugaison de charge » (C) et « conjugaison de char ge-parité » (CP), un processus « miroir »créant des antibaryons ; pour qu’uneasymétrie baryonique subsiste, ces deuxprocessus doivent avoir des taux dif férents,ce qui nécessite une violation de C et de CPau ni veau des interactions entre les par -ticules.Fait remarquable, les conditions énon céespar Andreï Sakharov se trouvent satisfaitesdans le Modèle standard de la physique desparticules. En effet, certains processusconnus sous le nom de sphalérons ne

(1) Andreï Sakharov (1921-1989), physiciennucléaire russe et militant des droitsde l’Homme, prix Nobel de la paix en 1975.

conservent pas le nombre de baryons ; lessymétries C et CP sont violées par lesinteractions responsables de la désin -tégration bêta ; l’écart à l’équilibrethermique survient lors de ce que l’onappelle la « transition de phase élec -trofaible », c’est-à-dire la période del’histoire de l’Univers au cours de laquelleles particules acquièrent leur masse. Lescénario de baryogenèse corres pondant,connu sous le nom de « baryogénèse élec -trofaible », échoue néan moins à engen drerle niveau d’asymétrie baryonique observé,la violation de CP et l’écart à l’équilibrethermique étant trop faibles. Il faut alorsrecourir à une nouvelle physique au-delàdu Modèle standard qui fait, par ailleurs,l’objet d’actives recherches dans lescollisionneurs.Actuellement, les théoriciens étudient deuxclasses de scénarios. Dans la première, lanouvelle physique affecte la transition dephase électrofaible et permet ainsi d’obtenirl’écart nécessaire à l’équilibre thermique.Dans la seconde, l’asymétrie baryo niqueest créée avant la transition élec trofaible.Par exemple, dans le scénario deleptogenèse , la désintégration desneutrinos lourds (par ailleurs impliquésdans la génération des masses desneutrinos du Modèle standard) engendreune asymétrie leptonique qui est ensuitepartiellement convertie en asymétriebaryonique par les sphalérons.

> Stéphane LavignacInstitut de physique théorique

(Unité de recherche associée au CNRS)Direction des sciences de la matière (DSM)

CEA Centre de Saclay

(3) Richard Tolman (1881-1948), physico-chimiste etcosmologiste américain qui fut le premier à s’intéresser auxperturbations cosmologiques. Herman Bondi (1919-2005), mathématicien autrichien connupour avoir développé la théorie équilibrée de l’Univers.

(4) Alexandre Friedman (1888-1925), physicien etmathématicien russe, et Georges Lemaître (1897-1960),astrophysicien belge, sont deux des pères de la théorie del’expansion de l’Univers.

Page 90: Dans les secrets de l'Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 89

scénario se heurte néanmoins à la présence de singu-larités de l’espace-temps. Le deuxième modèle pres-senti envisage que la gravité se propage à la fois surla brane et dans la cinquième dimension. Elle s’entrouverait alors modifiée à longue distance. Commedans les théories à quatre dimensions, ce modèlesouffre d’une instabilité du vide. La construction dethéories incluant des dimensions supplémentairesn’a donc pu encore fournir la clé de l’accélération del’Univers.Ce recensement des explications de l’accélérationde l’Univers atteste de la difficulté que présente l’élaboration d’une théorie physique de ce phéno-mène. Néanmoins, de la confrontation de ces dif -férentes hypothèses en présence, pourraient bienjaillir de grandes avancées dans la com pré hensiondes liens entre cosmologie, gravitation et physique

Figure 1.Abondances des éléments légers 4He(conventionnellement notées Yp), D, 3Heet 7Li prédites par la nucléosynthèse dansle cadre de la théorie du big bang (BBNen anglais), en fonction du paramètre �en unités de 1010. Les rectangleshorizontaux indiquent les abondancesobservées avec leurs incertitudesexpérimentales (petits rectangles : erreurstatistique; grands rectangles : erreursstatistique et systématique). Les bandesverticales correspondent à la valeur de �tirée des abondances observées (hachuresoranges) et des anisotropiesdu rayonnement cosmique de fond (CMBen anglais ; hachures bleues).

des particules. Mais à ce jour, le mystère de l’accélé-ration de l’Univers reste entier. Le problème de l’accélération de l’Univers est étudié à l’Institut dephysique théorique situé sur le centre du CEA àSaclay. Son lien avec les théories de particules, lathéorie des cordes et la gravité y est analysé. Laprésence, à Saclay, d’équipes de physiciens des particules et d’astrophysiciens engagés dans desprogrammes expérimentaux sur l’accélération de l’Univers représente un atout. Ceci permet un dialogue régulier entre expérimentateurs et théoriciens.

> Philippe BraxInstitut de physique théorique

(Unité de recherche associée au CNRS)Direction des sciences de la matière

CEA Centre de Saclay

1 2

4He

3 4 5 6 7 8 9 10

� (en unités de 1010)

7 Li/H

�pYp

10-10

10-9

10-5

10-4

10-3

0,23

0,24

0,25

0,26

0,270,005

2

5

D/H�pBBN CMB

3He/H�p

0,01 0,02 0,03

Page 91: Dans les secrets de l'Univers

Ce satellite doit cartographier le fond diffuscosmologique, rayonnement émis il y a13,7 milliards d’années, quand l’Univers estdevenu transparent à la lumière. Ce rayon-nement suit la loi de répartition spectraledes corps noirs établie par le physicien alle-mand Max Planck (1858-1947), au début duXXe siècle.

Domaine spectralFréquences de 30 GHz à 857 GHz correspon-dant à des longueurs d’onde de 1 cm à350 microns.

Description• Télescope de 1,5 m de diamètre.• Dimensions : 4,20 m de haut et de large.• Poids : 1,8 tonne.• Lancement : par la fusée Ariane 5, le 14 mai2009, à partir du Centre spatial guyanais deKourou.• Position : aux alentours du point deLagrange 2 du système Terre/Soleil (pointde Lagrange métastable situé derrière laTerre, à 1,5 million de km de nous).• Durée de vie de la mission : 21 mois.

Objectifs scientifiques• Mesurer avec une précision inférieure à 1 %les paramètres du Modèle standard, appeléaussi « modèle du big bang ». • Détecter d'infimes variations dans lespropriétés des fluctuations du fond diffus, à3 K, par rapport aux prédictions de ce modèle :chaque variation participant à démontrer quela physique à l'œuvre dans l'Univers primor-dial s’avérerait différente de celle que nousconsidérons actuellement comme la plus vrai-semblable.

Instruments• High Frequency Instrument (HFI), instru-ment submillimétrique développé sousmaîtrise d’œuvre de l’Institut d’astrophysiquespatiale d’Orsay. Il s’agit d’une matrice de

bolomètre fonctionnant à une températurede 0,1 K, pour une résolution angulaire de5 minutes d’arc avec une sensibilité en tempé-rature de 5 μK à 100 GHz. Il observera undomaine en fréquence de 100 à 850 GHz.•Low Frequency Instrument (LFI). Instrumentmicro-onde développé en Italie, composé dequatre bandes de 56 récepteurs radio ajus-tables (27 - 77 GHz) fonctionnant à une tempé-rature de 20 K, sa résolution angulaire est de10 minutes d’arc et sa sensibilité en tempé-rature d’environ 12 μK à 100 GHz.

CollaborationsConstruit par un consortium internationalavec l’Agence spatiale européenne (ESA)comme maître d’ouvrage.

Rôle du CEAParticipation :• à la mise en place de l'électronique à basbruit pendant la phase de construction de lacharge utile, en particulier en coordonnantles études de compatibilité électromagné-tique de l'instrument HFI ;• à la mise en place de logiciels sophistiquéspour l’analyse des données ;

• au traitement des données et à l’exploita-tion scientifique de la mission.

Planck réalise une cartographie des aniso-tropies du fond diffus cosmologique enbalayant l’intégralité de la voûte céleste avecune résolution de cinq arcs minutes. De cesdonnées seront déduites des informationsfondamentales sur la naissance, la forme, lecontenu et l’évolution de l’Univers.Le traitement des données représente un vraidéfi. En effet, chacune des cartes obtenuescontiendra de l’information provenant de diffé-rents rayonnements micro-ondes et pasuniquement du fond diffus cosmologique. Ilsera donc nécessaire de séparer les infor-mations provenant du fond diffus cosmolo-gique des autres rayonnements micro-ondes.

> Jean-Luc StarckService d'électronique des détecteurs

et d'informatique (Sedi)Institut de recherche sur les lois fondamentales

de l’Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière (DSM)

Unité mixte de recherche astrophysiqueinteractions multi-échelles

(CEA-Université Paris 7-CNRS)CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

ESA Planck Surveyor

Vue d’artiste du satellite Planck de l’ESA.

1. Micro-onde s

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200990

Voyage dans les lumières de l’Univers

L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

Pendant longtemps, les astrophysiciens n’ont eu à leur disposition que la lumièrevisible pour observer l'Univers. Aujourd’hui, grâce aux observatoires spatiaux,ils disposent d’une panoplie d’instruments capables de capter toutes les lumièresde l’Univers, des ondes radio aux rayonnements gamma.

ESA

Page 92: Dans les secrets de l'Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 91

ArTéMisD’après l’acronyme d’Architecture de bolo-mètres pour les télescopes submilli métriquesau sol ; cette caméra sera utilisée, entreautres, pour observer des pouponnièresd'étoiles comme la nébuleuse de la cons-tellation d’Orion (dans la mythologie grecqueOrion aurait tenté de séduire la déesseArtémis).

Domaine spectralLongueurs d’onde comprises entre 200 μmet 500 μm.

Description • Dimensions : 1 mètre de haut et de largepour une profondeur de 0,5 m.• Poids : 250 kg.• Lancement : pas de lancement.• Position : à 5100 m d’altitude dans les hautsplateaux du désert d’Atacama au Chili.• Durée de vie de la mission : pas de limita-tion matérielle mais durée intimement liée àl’exploitation scientifique du télescope APEX(pour Atacama Pathfinder Experiment).

Objectifs scientifiquesÉtudier la naissance et les phases précocesd’un large spectre d’objets astrophysiquescomme les nuages moléculaires où seforment les étoiles dans la Galaxie, les cœurspréstellaires et les protoétoiles enfouies, lesdisques protoplanétaires autour de jeunesétoiles ainsi que les galaxies proches de typestarburst c'est-à-dire «à flambées de forma-tion d’étoiles » et enfin les galaxies à grandredshift dans l’Univers primordial.

Instruments• Une caméra destinée au télescope APEX quidisposera de trois plans focaux pouvantobserver simultanément la même région duciel : 2 304 pixels à 450 μm ; 2 304 pixels à350 μm ; 1152 pixels à 200 μm. • Une antenne de 12 m installée au Chili.

CollaborationsL’Institut d’astrophysique spatiale d’Orsay(IAS), l’Institut Néel de Grenoble, l’Institutd’astrophysique de Paris (IAP) et le CEA.

Rôle du CEARéalisation complète de la caméra équipéede ses trois plans focaux formés de plusieursmilliers de pixels bolométriques refroidis à0,3 Kelvin et développement d’une solutioncryogénique autonome intégrée.

Une version prototype de la caméra (256pixels à 450 μm) a d’abord été réalisée pourvalider, dans un premier temps, la techno-logie novatrice du Leti en matière de bolo-mètres submillimétriques. Les premièresimages du ciel, à 450 μm, ont été obtenuesavec ce prototype, en 2006, sur le télescopeKOSMA (pour Koelner Observatorium furSubmillimeter Astronomie), installé à3 100 m, dans les Alpes Suisses. Depuis,deux campagnes d’observation ont été réali-sées sur l’antenne APEX, au Chili, et lespremiers résultats scientifiques ont pu êtrepubliés avec cette caméra prototype, préparant la venue de la future caméraArTéMIS. Avec le prototype, les astronomesont déjà cartographié l'émission thermique,

à 450 microns des grains de poussière, àtravers des régions de formation d'étoilesainsi que les premières images, à cettelongueur d’onde, de disques protoplanétaireset de disques de débris. Parmi les régionsobservées figurent NGC3576, G327.3-0.6,S255, NGC2264, des régions de formationd'étoiles massives, HD97048 (disque proto-planétaire) et Beta-Pictoris (disque dedébris).

> Michel TalvardService d’astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales del’Univers (Irfu)

Direction des sciences de la matière (DSM)Unité mixte de recherche astrophysique

interactions multi-échelles(CEA-Université Paris 7-CNRS)

CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

ESA

Le télescope APEX au foyer duquel serainstallée la caméra ArTéMis.

2. Submillimétriques et infrarouges

ondes radio

longueur d’onde

les lumières de l’Univers

micro-ondes infrarouge visible ultraviolet rayon X rayon gamma

800 km

Altitude (km)

1 m 1 mm 0,7 �m 0,4 �m 0,01 �m

400 km

200 km

50 km

100 km

25 km

12 km

6 km

3 km

niveau de la mer

Une grande partie des lumières de l’Univers n’atteint pas le sol terrestre. On ne peut les observer qu’au-dessus de l’atmosphère avec ballons, fusées et satellites.

Page 93: Dans les secrets de l'Univers

VLT-VISIR

Herschel Space ObservatoryCe grand télescope spatial doit son nom àWilliam Herschel (1738-1822), astronomeanglais d’origine allemande, qui découvritle rayonnement infrarouge en 1800. On luidoit aussi la découverte de la planète Uranuset de ses deux principaux satellites.

Description• Dimensions : 7 m de haut pour un diamètrede 4,3 m.• Poids : 3,25 tonnes.• Lancement : le 14 mai 2009, par une fuséeAriane 5, à partir du Centre spatial guyanaisde Kourou.•Position: au point de Lagrange 2 du systèmeTerre/Soleil.• Durée de vie de la mission : 3 ans.

Domaine spectralGamme de 60 à 670 μm correspondant aurayonnement d’objets cosmiques froids, auxalentours de 10 Kelvin : nuages du milieu inter-stellaire, régions de formation stellaire, enve-loppes d'étoiles à la fin de leur vie.

Objectifs scientifiquesIdentifier et étudier les premières phases dela formation des étoiles ainsi que les princi-pales époques d'assemblage des galaxies.

Instruments• PACS (pour Photoconductor Array Cameraand Spectrometer), composée d'un photo-mètre imageur avec ses deux voies de matricesde bolomètres refroidis à 300 mK (la plusgrande caméra de bolomètres jamais réalisée)qui observera dans les longueurs d’onde de60 à 200 microns et d'un spectromètre cons-titué de deux blocs photoconducteurs dansles bandes 57 à 210 μm.• SPIRE (pour Spectral and PhotometricImaging Receiver) doté d’un photomètreimageur sur trois bandes simultanées (250μm,350 μm et 500 μm) et d'un spectromètre FTS

à moyenne résolution (200-300 μm et 300-670 μm) complémentaire pour couvrir leslongueurs d'onde de 200 à 600 microns.Ces deux instruments ne peuvent fonctionnerqu’à une température proche du zéro. Aussi,un cryostat assure-t-il une températuremoyenne de 2°K (- 271 °C) à Herschel tandisque des cryoréfrigérateurs refroidissent lesbolomètres de PACS et SPIRE à 0,3 °K (-272,85 °C). La maîtrise du froid se justifiedoublement. D’abord pour refroidir les struc-tures afin que leur température ne dépassepas celle des objets à détecter et ensuite pourque le fonctionnement des bolomètres reposesur la mesure de variations de températures :lorsqu’ils absorbent les photons du rayonne-ment, leur température s’élève et donc, enutilisant une structure froide, la moindreabsorption de photons pourra être détectée.• HIFI (pour Heterodyne Instrument for Far-Infrared), un spectromètre à très haute réso-lution spectrale, utilisant les techniques plusclassiques de la radio-astronomie et couvrantle domaine 170-625 μm.

CollaborationsConstruit par un consortium européen de labo-ratoires spatiaux avec l’Agence spatiale euro-péenne (Esa) comme maître d’ouvrage.

Rôle du CEAConception :• de la caméra PACS et de ses détecteurs ; • de l'électronique de l'instrument SPIRE.

En complément des systèmes de détection,l’Irfu a développé les fonctions électroniquesindispensables à leur mise en œuvre. En effet,en raison de la réduction ou de l’absence derayonnement parasite, l’environnement spatialpermet l’accès à des mesures de très faibleniveau de bruit. Le bruit propre de l’électro-nique embarquée doit donc demeurer infé-rieur au bruit de détection, ce qui nécessite,

en particulier, l’utilisation de détecteurs dotésde moyens de refroidissement cryogéniqueset donc le développement des fonctionsélectroniques associées. SPIRE possède uneunité d’électronique comprenant 350 voies àtrès bas bruit (quelques milliardièmes de volt)et à forte dynamique (plus d’un million) conçueen collaboration avec le Jet PropulsionLaboratory (JPL) tandis que PACS utilise uneunité d’électronique analogique entièrementdéveloppée par le SAp. Cette unité comprend,outre les 160 voies de traitement analogiquedes signaux, les fonctions de polarisation dudétecteur et les fonctions associées au systèmecryogénique. Des voies de mesures de tempé-ratures ont fait l’objet d’un développementavec l’Institut nanosciences et cryogénie (Inac).Une résolution de 10 μK à –273°C a pu êtreatteinte. Afin d’assurer la communication decette unité avec le reste de l’instrument, uneinterface au standard ESA SpaceWire a étédéveloppée par le SAp sous la forme d’unmodule de propriété intellectuelle et a étédiffusée au sein du consortium PACS.

> Marc Sauvage et Christophe CaraService d’astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)

Direction des sciences de la matière (DSM)Unité mixte de recherche astrophysique

interactions multi-échelles(CEA-Université Paris 7-CNRS)

CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200992

L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

ESA

Vue d’artiste du télescope Herschel.

Visir est une caméra-spectromètre infra-rouge qui équipe le troisième téles copedu VLT européen situé au Chili : des acro -nymes Very Large Telescope (VLT) et Imagerand Spectrometer for the Infra Red (VISIR).

Domaine spectralInfrarouge moyen avec deux fenêtres d’ob-servation à partir du sol : longueurs d’ondeentre 8 et 13 micromètres et entre 17 et24 micromètres.

Description• Dimensions : 1,2 m de diamètre pour 1mde hauteur.• Poids : 1,6 tonne.• Lancement : pas de lancement ; au sol.• Position : caméra-spectromètre placéeau foyer du télescope numéro 3 du VLT

(dénommé MELIPAL) installé au nord duChili, sur le mont Paranal, à 2 600 mètresd’altitude.• Durée d’opération : jusqu’en 2014, date àlaquelle VISIR sera dépassé par l’instrumentMIRI (pour Mid Infra Red Instrument) du JWST(pour James Webb Space Telescope).

Objectifs scientifiquesObserver les poussières et les gaz tièdes(entre 50 et 500 K) de l’Univers : des comètesaux quasars avec un accent mis sur l’obser-vation des disques circumstellaires danslesquels se forment les planètes.

InstrumentsUne caméra et un spectromètre placés dansun cryostat pour être refroidis à 15 °K(- 258 °C) pour la structure mécanique et les

optiques, à 8°K (- 265°C) pour les détecteurs.VISIR est solidaire du télescope et tourne aveclui pour viser l'objet étudié.

ESO

Les quatre télescopes de 8 mètres de diamètredu programme VLT de l’ESO.

Page 94: Dans les secrets de l'Univers

Cassini-CIRS

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 93

CIRS (pour Composite Infrared Spectrometer)est un des instruments de la mission Cassiniqui étudie Saturne, ses anneaux et sonsystème de satellites. Cette sonde fut ainsinommée pour rappeler que l'on doit àl’astronome Jean-Dominique Cassini (1625-1712) la découverte des quatre principauxsatellites de Saturne ainsi qu’une divisiondans ses anneaux.

Domaine spectralLumière infrarouge émise par la planèteSaturne, ses anneaux et ses satellites (7-9 μm, 9-17 μm, 17-1 000 μm).

Description• Dimensions : télescope de 50,8 cm dediamètre.• Poids : 40 kg.• Lancement : embarqué sur la sonde Cassini-Huygens, lancée en 1997 à CapCanaveral.• Position : mis en orbite autour de la planèteSaturne après plus de six ans et demi devoyage interplanétaire.• Durée de vie de la mission : les 78 révolu-tions effectuées pendant la mission nominale(2004-2008) et les 250 révolutions au coursde la mission étendue (2010-2017).

Objectifs scientifiquesÉtudier la dynamique et la structure des parti-cules constituant les anneaux de Saturne,identifier les composants chimiques et expliquer la météorologie des atmosphèresde la planète et de son satellite Titan.

InstrumentsCIRS observe à travers un spectromètre surtrois détecteurs :• le premier, nommé FP 1 (pour plan focal)couvre le domaine submillimétrique(20-1000 μm) ;• les deux autres, nommés FP 3 et FP 4,

renferment chacun une barrette de dix détec-teurs et observent dans l'infrarouge moyen,de 7 à 18 μm. La finesse de mesure de ces instruments estdix fois meilleure que celle de son prédé-cesseur, le spectromètre IRIS des sondesVoyager, et leur sensibilité au moins millefois plus grande.

CollaborationsÉtats-Unis, Grande-Bretagne et France.

Rôle du CEARéalisation :• de la barrette du détecteur du plan focal FP4et de son électronique de traitement. Cettebarrette se compose de 10 détecteurs photo-voltaïques de très haute détectivité dans ledomaine 7-9 μm. Le développement debarrettes de très haute sensibilité a constituéun réel challenge, surtout pour éliminer lesdéfauts dans le matériau générateurs de bruit; • de l’électronique de traitement du signalcomposée de filtres très discriminants.

Les anneaux de Saturne ont été observéscomme jamais auparavant : sous différentsangles de vue, régulièrement, à l’échelle dequelques heures, de quelques mois ou deplusieurs années, afin de suivre les effetssaisonniers. Pour la première fois, l’instru-ment CIRS a mesuré la température desanneaux, sur la face sud éclairée par le Soleilet sur la face nord à l’ombre. Le contraste detempérature permet de sonder la structureverticale du disque. Par ailleurs, il s’avère queles particules des anneaux présentent unhémisphère plus froid que l’autre, mettantindirectement en évidence qu’une fractiond’entre elles tournent lentement autourd’elles-mêmes. Une variation de l’émissionthermique a également été détectée tout aulong de l’anneau A, le plus éloigné de la

planète. Elle s’explique par la présence degrumeaux de particules, appelés ondesd’auto-gravité, lesquels se forment à la péri-phérie des anneaux, là où les effets de maréesont suffisamment faibles pour que les parti-cules arrivent à s’attirer mutuellement sousl’effet de la gravitation. Les mesures de CIRSpermettent de déterminer, très précisément,la taille de ces structures, à peine hautes etlarges d’une dizaine de mètres, bien en deçàde la résolution spatiale de l’instrument, del’ordre de plusieurs milliers de kilomètres.L’année 2009 a vu l’équinoxe de Saturne, aucours de laquelle le Soleil est passé de la facesud à la face nord des anneaux, une oppor-tunité rare d’étudier leur structure.

> Cécile Ferrari et Louis RodriguezService d’astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentalesde l’Univers (Irfu)

Direction des sciences de la matière (DSM)Unité mixte de recherche astrophysique

interactions multi-échelles(CEA-Université Paris 7-CNRS)

CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

Collabor ationsFranco-hollandaise dans le cadre d’un contratavec l’European Southern Observatory (ESO).

Rôle du CEA• Maîtrise d’œuvre du projet.• Responsabilité scientifique.• Conception et réalisation de l’ensemble del’instrument, exception faite du spectromètre,réalisation hollandaise.• Conception d’un actuateur original pourassurer le mouvement des différentes rouesdans l’instrument (roue à filtre, champs devue…) et le positionnement, très précis, deséléments optiques ; actuateur fonctionnantaussi bien à température ambiante qu’à bassetempérature (-253 °C).

Dès le début du programme VLT, l’ESO a prévuun ambitieux plan d’instrumentation pour

équiper les télescopes. Il a donc lancé un appelà la communauté astrophysique européennepour cibler les instruments les plus pertinents.Les astrophysiciens du CEA, pionniers enEurope pour leurs observations d’imageriedans l’infrarouge moyen à partir du sol, ontalors proposé VISIR qui fut sélectionné. L’étudeet la réalisation de cet instrument a demandé10 ans et mis en jeu de nombreux métiers dansles différents services de l'Irfu (management,contrôle projet, ingénierie des systèmes,optique, mécanique, vide, cryogénie, contrôlecommande, électronique, détection…). Lesinstruments infrarouge devant être refroidispour ne pas émettre de lumière infrarouge,nécessitent d’être placés dans une enceinte àvide qui les isole thermiquement de l'envi-ronnement. Trois machines frigorifiques trèsperformantes permettent d'atteindre les

basses températures requises. Il s’agit d’unematrice, de 256 x 256 pixels, fabriquée parBoeing. Après des tests intensifs réalisés auCEA/Saclay, VISIR a été livré, en 2004, et délivredepuis des images avec une finesse de détaildix fois supérieure à celle des petits télescopesspatiaux, comme le satellite Spitzer de la NASA.En revanche, sa sensibilité, limitée par le fortfond de lumière infrarouge émis par le téle-scope et l’atmosphère, s’avère bien moindre.

> Pierre-Olivier LagageService d’astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)

Direction des sciences de la matière (DSM)Unité mixte de recherche astrophysique

interactions multi-échelles(CEA-Université Paris 7-CNRS)

CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

La température des anneaux de Saturnedéterminée par le spectromètre infrarougeCIRS : de la plus froide (en bleu) vers la pluschaude (en rouge). L’anneau bleu, le plus épais,est le plus froid, les particules se cachant plusfacilement du Soleil, la source de chauffage.

CIR

S/JP

L/N

ASA

Page 95: Dans les secrets de l'Univers

Le satellite SoHo observe le Soleil, encontinu, depuis l’espace. À son bord, l’instru-ment GOLF est plus particulièrement chargéde suivre les oscillations de notre étoilepour en déduire les conditions qui y règnentà l’intérieur (des acronymes Solar andHeliospheric Observatory et Global Oscil -lations at Low Frequencies).

Domaine spectralVisible : doublet du Sodium Na D1 (589,6 nm)et D2 (596 nm).

Description• Dimensions : 800 mm de long sur 325 delarge et 170 de hauteur.• Poids : 90 kg.

LancementGOLFest un des instruments du satellite SoHo,lancé par une fusée Centaur, en 1995, à partirdu Centre spatial Kennedy (Cap Canaveral).

PositionPoint de Lagrange 1, à environ 1,5 millionde km de la Terre en direction du Soleil ; cetteposition privilégiée lui permet de regarder enpermanence le Soleil, contrairement aux instruments placés sur Terre qui doivent être

dupliqués et placés à différentes longitudesdans des observatoires autour de la Terre pourassurer la continuité de la prise des données.

Durée de vie de la mission : jusqu’en 2009 aumoins.

Objectifs scientifiquesMesurer les déplacements de la surface duSoleil générés par les modes d’oscillationsolaires, en observant l’étoile globalementà partir de la vitesse Doppler entre le satel-lite et le Soleil dans la raie d’absorptiondu sodium. Ainsi peuvent se détecter lesmodes les plus pénétrants (modes radiaux,monopolaires, dipolaires…) riches d’infor-mations sur la région nucléaire du Soleil. Deplus, GOLF va tester la modélisation stellairedans la première phase d’évolution, en y intro-duisant des phénomènes dynamiques absentsde l’évolution stellaire classique.

InstrumentsGOLF est un spectrophotomètre à dispersionrésonante mesurant le décalage des raies parrapport à une référence absolue, celle don -née par la vapeur du sodium contenue dansune cellule se trouvant dans l’instrument.

Les photons solaires traversant cette cellulesont absorbés et réémis puis mesurés pardeux détecteurs. La cellule est placée dansun champ magnétique d’environ 5 000 Gausset la raie réémise divisée en deux compo-santes grâce à l’effet Zeeman. De plus, unchamp magnétique variable (± 100 Gauss)permet de faire un petit décalage supplé-mentaire.

CollaborationsFranco-espagnole.

Rôle du CEA• La détection par photomultiplicateur etl’électronique associée.• L’architecture électronique d’ensemble.• L’électronique de chauffage de la cellule etde modulation magnétique de l’aimant.• La réalisation de l’ordinateur de vol et dulogiciel associé.• Le support informatique de gestion desdonnées et de communication avec le sol.• La responsabilité scientifique de l’interpré-tation des données en termes de modélisa-tion du Soleil.

GOLF a permis de progresser dans la connais-sance de la structure et de la dynamique internedu Soleil et de résoudre notamment leproblème des neutrinos solaires, tout celagrâce à la mesure des modes acoustiques(modes p) de bas degrés. Ces ondes se propa-gent dans l’ensemble du Soleil mais contien-nent de moins en moins d’information sur lescouches de plus en plus profondes. Pourpouvoir sonder l’intérieur du cœur nucléairedu soleil, les physiciens ont dû traquer un autretype d'ondes : les modes de gravité nonmesurés avant SoHO. GOLF fut le premier àmettre en évidence la signature de certainesdes propriétés de ces modes de gravité, aprèsla détection des candidats potentiels. Il s'agitd'une avancée importante. La détection deplusieurs modes de gravité aura pour impactde mieux connaître la dynamique et la struc-ture interne du Soleil et en particulier de soncœur. GOLF semble montrer que la vitesse derotation de ce cœur solaire, en moyenne, s’élèvede 3 à 5 fois comparé au reste de la zone radia-tive, un résultat inconnu jusque-là.

> Rafael-A. GarciaService d’astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)

Direction des sciences de la matière (DSM)Unité mixte de recherche astrophysique

interactions multi-échelles(CEA-Université Paris 7-CNRS)

CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

SoHo-GOLF

G.P

erez

/IAC

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200994

L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

3. Visible

Vue d’artiste du satellite SoHo observant le Soleil.

Page 96: Dans les secrets de l'Univers

XMM-Newton

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 95

Ce télescope spatial (de l'acronyme X Raysmulti Mirror Mission) observe l'Univers dansla gamme des rayons X. Pour cela, il est dotéd'un système multimiroirs à incidencerasante capable de former des images à ceshautes énergies. Il s'agit du télescope enrayons X le plus sensible jamais envoyé dansl'espace.

Domaine spectralBande entre 0,3 et 14 KeV.

Description• Dimensions : 10 m de longueur, 16 m d'en-vergure pour 4 m de diamètre.• Poids : 3,8 tonnes.• Lancement : en 1999, par la fusée Ariane 5,à partir de la base de Kourou.• Position : 7 000 km de périgée et 114 000 kmd’apogée.• Durée de vie de la mission : 10 ans de vienominale.

Objectifs scientifiquesÉtudier les étoiles jeunes au cœur des nuagesdenses, les trous noirs et les étoiles àneutrons, la production et la circulation deséléments lourds, la formation et l'évolutiondes grandes structures ou encore la naturedu fond diffus X.

Instruments• Trois miroirs à incidence rasante travaillantdans le domaine des rayons X. Tous sontdotés d’un spectro-imageur CCDs (pourCharge Coupled Devices), fonctionnant defaçon similaire aux appareils photogra-phiques numériques. Ces instrumentspermettent d’acquérir les spectres de régionschoisies du ciel et les images indispensa-bles pour déterminer la température ou lanature de l’émission du gaz chaud dans lesrestes de supernovae ou dans les amas degalaxies.

• Un télescope optique optimisé dans le bleuet le proche ultraviolet.

CollaborationsObservatoire de l'Agence spatiale euro pé -enne (ESA) et pour la construction d’EPIC(pour European Photon Imaging Camera),un consortium de laboratoires venantd’Allemagne, Italie, Grande-Bretagne etFrance.

Rôle du CEA• Mise au point puis étalonnage des caméras. • Fourniture de l’électronique dédiée pourétudier en temps réel l’interaction de chaquephoton X.• Calcul d’une dizaine de paramètres pourdéterminer, au sol, l’énergie du photon incident. Ce traitement, réalisé à bord, permetde transmettre au sol toute l’informationscientifique utile et elle seule.

Les différences majeures dans le fonction-nement des détecteurs CCDs X et «optiques»tiennent à ce que les rayonnements visiblesreçoivent un flux de lumière dont les astrophysiciens se contentent de faire uneimage alors que, dans la bande des rayons X,ils peuvent détecter et mesurer les photonsun par un et ainsi faire, à la fois, des imageset des spectres. Si, pour les rayonnements visibles, les CCDs s’utilisent comme desimageurs, ils font office de spectro-imageurspour les rayons X. Dans une telle utilisation,les CCDs se lisent donc aussi vite que possibleafin d’éviter les empilements de photons.Autrement dit, le temps de pose élémentaireest le plus court possible, l’observation proprement dite étant la somme de toutesces poses élémentaires. Dans ces conditions,le détecteur permet de déterminer l’énergie,la date d’arrivée et la direction incidente dechaque photon incident. Les images et lesspectres sont fabriqués ultérieurement à l’aidede la liste des photons reçus pendant l’observation. En conclusion, XMM-Newtonest un observatoire en rayons X très sensible,en fonctionnement continu depuis bientôtdix ans, que la communauté scientifique européenne espère bien voir fonctionnerjusqu’en 2020.

> Jean-Luc SauvageotService d’astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)

Direction des sciences de la matière (DSM)Unité mixte de recherche astrophysique

interactions multi-échelles(CEA-Université Paris 7-CNRS)

CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

NA

SA

Vue d’artiste du satellite XMM.

4. Rayons X

Page 97: Dans les secrets de l'Univers

La lumière de haute énergie traverse facile-ment la matière et sa focalisation requiertdes miroirs à très longue distance focale etdont l'état de surface est comparable à celuid'un plan cristallin. Il s'avère donc extrême-ment difficile de former des images parréflexion ou réfraction. Pour contourner cesdifficultés, les télescopes de l'observatoirespatial INTEGRAL (pour International GammaRay Astrophysics Laboratory ) utilisent des« masques codés ». Il s'agit d'un dispositif quis'inspire de la chambre noire des premiersphotographes et tire avantage des possibilitésde calcul contemporaines.

Description• Dimensions : 4 m de diamètre. et 5 m de hauteur.• Poids : 4 tonnes.• Lancement : en 2002, depuis la base russede Baïkonour, par une fusée Proton.• Position : orbite excentrique10 000/150 000 km.• Durée de vie de la mission : 2 ans maisdimensionnée pour 5 ans et budgétiséejusqu’en 2012.

Domaine spectral15 KeV à 10 MeV

Objectifs scientifiquesExploration approfondie par l’imagerie, laspectrométrie et la polarimétrie, des sitescélestes émettant des rayons gamma debasse énergie.

Instruments• IBIS (pour Imager on Board the INTEGRALSatellite) pour fournir des images à hauterésolution angulaire et une information spec-trale à moyenne résolution.• SPI (Spectrometer for INTEGRAL) chargéde la spectrométrie gamma à très haute résolution.• Deux petits instruments d’accompagne-ment : JEM-X (pour Joint European Monitor)et OMC (pour Optical Monitor Camera) opérantrespectivement dans la bande des rayons Xet dans le domaine visible.

CollaborationsObservatoire de l’Agence spatiale européenne(Esa) et, pour la construction des instruments,un consortium de laboratoires situés enAllemagne, au Danemark, en Espagne, enFrance, en Irlande, en Italie, en Norvège, enPologne et en Russie.

Rôle du CEA• Conception et coresponsabilité de l’instru-ment IBIS.

• Simulation du dispositif expérimental etcalcul de la réponse spectrale de l’instrumentIBIS.• Étude, développement et maîtrise d’œuvrede la caméra ISGRI (pour INTEGRAL SoftGamma-Ray Imager) de nouvelle génération,le plan supérieur du télescope IBIS.•Développement et maintenance des logicielsd’analyse scientifique d’IBIS et ISGRI.•Fourniture de l’électronique digitale de proxi-mité du spectromètre SPI.•Responsabilité de l’étalonnage de SPI auprèsde l’accélérateur tamdem installé sur le centreCEA de Bruyères-le-Châtel.•Conception de l’étalonnage du satellite INTE-GRAL, fourniture d’un générateur X et desources radioactives.

Notre Galaxie est-elle une Voie lactée àproprement parler, autrement dit son émis-sion est-elle due à des nébuleuses ou à desétoiles ? Depuis Galilée, on sait que les étoilesdominent l’émission visible. En revanche, ila fallu attendre INTEGRAL pour savoir ce qu’ilen est dans le domaine des photons gammade basse énergie. La réponse dépend del’énergie des photons. En dessous de 200 keV,IBIS a montré que l’émission de notre Galaxies’avère totalement dominée par celle dessystèmes binaires accrétants. Ceux-ci sontformés d’un trou noir ou d’une étoile àneutrons qui arrache de la matière à soncompagnon. C’est l’émission de cette matière,portée à 100 millions de degrés, qu’IBIS a

détectée. S’il y a une émission interstellaire,elle est beaucoup plus faible dans ce domained’énergie. En revanche, les systèmes binairesémettent peu au-delà de 200 keV et c’estprobablement l’émission de décroissance dupositronium, pseudo-atome formé d’unélectron et d’un positon, dans le milieu inter-stellaire, qui domine celle de la Galaxie.C’est le cas à 511 keV, où les performancesspectrométriques de SPI ont permis demettre en évidence la morphologie de l’émis-sion. Celle-ci se compose d’un sphéroïde de8° d’extension trônant au centre de notreGalaxie et d’un disque de luminosité compa-rable. Il semble que l’on trouve plus d’émis-sion à 511 keV du côté où l’on trouve aussiplus de systèmes binaires X. Cette différenceest-elle réelle ? Y-a-t-il un lien de cause àeffet ou ces deux constatations résultent-elles simplement d’une asymétrie plus géné-rale de notre Galaxie ? Telles sont quelques-unes des questions auxquelles INTEGRALdoit encore apporter ses lumières dans lesannées à venir.

> François LebrunService d’astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)

Direction des sciences de la matière (DSM)Unité mixte de recherche (CNRS-Université

de Paris7-CEA-Observatoire de Paris)Laboratoire astroparticules et cosmologie

(CNRS-Université de Paris 7- CEA)CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

INTEGRAL

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200996

L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

ESA

Vue d’artiste d’INTEGRAL.

5. Rayons gamma

Page 98: Dans les secrets de l'Univers

Capable de capter un rayonnement de trèshaute énergie, le télescope Fermi est dédiéà l’étude de l’accélération des particules. Ildoit son nom à Enrico Fermi (1901-1954),physicien italien qui a proposé un mécanismed’accélération des particules par onde dechoc, à l’œuvre dans de nombreux astres.

Domaine spectralBande d’énergie comprise entre 20 MeV et300 GeV.

Description• Dimensions : 2 m sur 2 m.• Poids : 2,8 tonnes.• Lancement : en 2008, du Centre spatialKennedy (Cap Canaveral).• Position : 565 km d’altitude. • Durée de vie de la mission : 5 ans, voire 5 ans de plus.

Objectifs scientifiquesÉtudier l’accélération de particules auprès : • des trous noirs d’origine stellaire (micro-quasars) ;• des trous noirs géants tapis au centre desgalaxies (quasars) ;• des étoiles à neutrons (pulsars) et de leursvents de particules ultra-relativistes ;•des vestiges d’explosion de supernovae dontl'onde de choc accélère probablement lesrayons cosmiques ;• des explosions d’hypernovae à l'origine dessursauts �.Étudier les nuages interstellaires irradiés parles rayons cosmiques et cachant du gaz noirinvisible.

Instruments• Un télescope sensible aux rayons � (20 MeVà 300 GeV) constitué d’un trajectographe enpistes de silicium interlacées de feuilles detungstène servant à convertir les rayons � enpaires d’électron-positon, puis à suivre leurstraces pour reconstituer la direction desrayons � incidents. Sous le trajectographe setrouve un ensemble de cristaux scintillantsen iodure de césium où les paires déposentleur énergie, ce qui permet de remonter àcelle du rayon � d’origine. L’ensemble dudispositif est entouré de plaques de scin-tillateurs plastiques pour repérer le passagedes nombreuses particules chargées qui frap-pent le télescope, et sont ainsi rejetées, pourne garder que les rares rayons �. L’ensembleprésente un champ de vue exceptionnel (2 sr),capable de couvrir tout le ciel toutes les3 heures.• Un détecteur de sursauts � fonctionnant de8 keV à 30 MeV.

CollaborationsÉtats-Unis, France, Italie, Allemagne, Japon,Suède.

Rôle du CEAResponsabilité totale ou partielle d’élémentsfondamentaux de l’analyse des données :catalogue des sources, modèle d’émissionde la Voie lactée.

Les performances instrumentales de GLAST-Fermi sont à la hauteur des espérances. Lacarte du ciel obtenue après seulement 3 moisd’observations révèle déjà plus de détails queles 9 années d’observations du précédentsatellite EGRET (pour Energetic Gamma RayExperiment Telescope). Des centaines desources ont été détectées et le piqué desimages a été amélioré d’un facteur 2. Le gainen sensibilité montre un ciel très animé,rythmé par les clignotements rapides despulsars qui tournent sur eux-mêmes desdizaines ou centaines de fois par seconde,par les fréquentes éruptions des quasars aufil des heures et des jours, et par la lente

périodicité des systèmes binaires sur les moisque prend le trou noir ou pulsar pour tournerautour de son étoile compagnon. Fermi a déjàdécouvert les pulsations � de plusieursdizaines de pulsars dont certains étaientinconnus à d’autres longueurs d’onde, ainsique des dizaines de nouveaux quasars nonactifs du temps d’EGRET. Le plus lointain,situé à presque 12 milliards d’années-lumière,illustre la grande portée du télescope qui aégalement détecté (jusqu’à 10 GeV) lesursaut � le plus puissant jamais vu, à12,4 milliards d’années-lumière.

> Isabelle GrenierService d’astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)

Direction des sciences de la matière (DSM)Unité mixte de recherche astrophysique

interactions multi-échelles(CEA-Université Paris 7-CNRS)

CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

Fermi Gamma-Ray Space Telescope

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 97

NA

SA

L’observatoire Fermi dans sa coiffe, avant d’être installé dans la fusée qui l’a mis en orbite.

Page 99: Dans les secrets de l'Univers

HESS (pour High Energy Stereoscopic System)est un ensemble de télescopes terrestrescapables de détecter le rayon nement gammade très haute énergie. Il doit son nom auphysicien Victor Hess (1883-1964) quidécouvrit, en 1912, que la Terre étaitbombardée, en permanence, par un flux departicules cosmiques de haute énergie.

Domaine spectralPour HESS : rayonnement gamma de trèshaute énergie (100 GeV - 50 TeV) observabledepuis le sol par son interaction avec la hauteatmosphère qui produit un très faible éclairde lumière bleue, appelé aussi lumièreCherenkov. Pour HESS 2 : (20 GeV – 50 TeV).

Description• Dimensions : miroirs de 12 mètres dediamètre pour HESS et de 28 mètres dediamètre pour HESS 2.• Poids : télescopes de 50 tonnes, camérad’une tonne (HESS). • Lancement : pas de lancement.• Position : au sol, sur le plateau de Khomas(Namibie), près du Gamsberg, à une altitudede 1 800 mètres.• Durée de vie de la mission : au moins 5 ans.

Objectifs scientifiquesÉtude des processus d'accélération régnantdans des objets aussi variés que les vesti ges de supernovae ou les noyaux actifsde galaxies. Recherche de processus exo -tiques de production de photons tels que lesannihilations de matière noire sous forme departicules. Pour HESS 2, il s’agira d'accéderà des énergies de quelques dizaines de GeV.

Instruments• Pour HESS : 4 télescopes de 12 mètres dediamètre répartis aux coins d'un carré de120 mètres de côté. Pour HESS 2, un téle-scope de 28 mètres de diamètre au centredes quatre précédents.

•Pour HESS: 4 miroirs segmentés (380 petitsmiroirs sphériques de 60 cm de diamètre)de 2 mètres de diamètre. Pour HESS 2 :600 miroirs hexagonaux de 1 m2.• Pour HESS : 4 caméras (1,6 m de diamètre,1,5 m de longueur et d’un poids de 800 kg),chacune dotée de 960 photomultiplicateurs(dispositifs sensibles à la lumière bleue etdont le temps de réponse est extrêmementrapide, de l'ordre de la nanoseconde), couvrantun champ de vue de 5°. Pour HESS 2 : unecaméra de 3 tonnes, dotée de 2 048 photo -multiplicateurs, couvrant un champ de vuede 3°.

CollaborationsEnviron 150 membres majoritairementallemands et français.

Rôle du CEA• Électronique du circuit intégré spécifiquenommé ARSO (pour Analogue Ring Sampler)initialement développé pour l’expérienceAntarès. Seuls quelques laboratoires aumonde sont capables de travailler sur lesmémoires analogiques rapides. Pour lesbesoins du futur télescope HESS 2, l’ARSOsera remplacé par SAM (pour Swift AnalogueMemory) fonctionnant sur le même principemais avec une capacité de lecture de l’ordrede 105 événements/seconde. • Responsabilité de la conception et de laconstruction de la carte de déclenchementdu niveau deux de HESS 2. Cette carte dedéclenchement est un composant crucialpour obtenir des photons de moins de 50 GeV.

Les photons de plusieurs centaines de GeVdétectés par HESS proviennent générale-ment de sources de rayonnement non-ther-mique comme les nébuleuses de pulsars,les restes de supernovae, les noyaux actifsde galaxies. Leur émission résulte de colli-sions d'électrons et de positrons rapides sur

des photons ambiants (effet Compton« inverse ») ou de la désintégration de pionsneutres produits dans des collisions deprotons. Le spectre en énergie de ces deuxprocessus atteint son maximum entrequelques GeV et quelques TeV, c'est-à-diredans les domaines d'énergie couverts par lesatellite Fermi et par HESS. De l’étudecombinée de leurs données viendra, peut-être, la preuve que les restes de supernovaesont des accélérateurs de protons et doncdes sources de rayons cosmiques. Grâce àsa résolution angulaire, HESS fut le premierà cartographier, en détail, des sources dephotons de très haute énergie du plan galac-tique. La plupart de ces sources sont desrestes de supernovae ou des nébuleuses depulsars. HESS a également découvert denouvelles classes d'objets cosmiques émet-teurs de rayons gamma comme les étoilesbinaires LS5039 et PSR B1259-63 ou encorel'amas d'étoiles jeunes Westerlund 2.D'autres sources plus exotiques de photonsde très haute énergie sont également recher-chées, dont l'annihilation d'hypothétiquesparticules de matière noire, prédites par lesextensions du Modèle standard de la physiquedes particules. Prévue pour 2010, l’expérienceHESS 2 devrait permettre d'accéder à desénergies de quelques dizaines de GeV. Auxquatre premiers télescopes installés au coursde la première phase, démarrée en 2003, s’enajoutera un cinquième, doté d’un miroir de28 mètres de diamètre et d’une caméra de2 000 photomultiplicateurs.

> Jean-Francois GlicensteinService de physique des particules (SPP)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)

Direction des sciences de la matière (DSM)CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

HESS

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Les quatre télescopes de 12 m de diamètre de la phase 1 de HESS, installés en Namibie.

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 200998

L’astrophysique et l’exploration de l’Univers

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CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 99

De l’acronyme Expérience pour détecter,en site souterrain, les Weakly InteractingMassive Particles (WIMPS).

Ni sur terre ni dans l’espace, cet instru -ment destiné à identifier la nature de lamatière noire (25 % de la masse del’Univers) a été installé à 1 700 m sous terre,dans le hall du Laboratoire souterrain deModane (LSM), situé le long du tunnelroutier du Fréjus. La raison en est que,selon l’hypothèse la plus consensuelle,la matière noire se composerait de par -ticules nommées Wimps. Or, les théoriesde supersymétrie (SUSY), en phy si quesubatomique, prédisent l’existence d’unnouveau type de particules, les neu tra li -nos qui coïncideraient avec les Wimps.

Ces particules fossiles du big bang,évanescentes, se concentreraient dans lesgalaxies en formant un halo, notammentautour de notre Voie lactée où « baigne »le système solaire et donc la Terre. Si cesparticules s’avèrent si difficiles à détecter,c’est en raison de leur très faible interactionavec la matière ordinaire et donc, a fortiori,avec les détecteurs. D’où la nécessité deprotéger ces détecteurs des parasites,notamment le rayonnement cosmique etla radioactivité naturelle (celle émanant,entre autres, du corps humain, des roches,des matériaux…). Ce qui explique l’ins -tallation souterraine de l’expérience,l’utilisation de matériaux d’une puretéradioactive extrême et le blindage multipledes détecteurs (80 tonnes de plomb et

polyéthylène). Grâce à son cryostat uniqueau monde par son volume (100 litres) etses détecteurs ultra-sensibles (desbolomètres en germanium fonctionnant à20 mK), les physiciens peuvent mesurer latrès faible élévation de la température (àpeine un millionième de degré) produitepar les chocs infimes laissés par lesWIMPS. Cette expérience a nécessité lacoopération de neuf laboratoires, dont sixfrançais, deux allemands et un russe.

> Gilles GerbierService de physique des particules (SPP)

Institut de recherche sur les lois fondamentalesde l’Univers (Irfu)

Direction des sciences de la matière (DSM)CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

EDELWEISS

CEA

Le cryostat d’Edelweiss ouvert pendant le montage du détecteur.

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CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009100

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CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 101

II. DES OUTILSPOUR SONDERL’UNIVERSComment expliquer la répartition des étoiles selon leur masse ?Comment meurent les galaxies ? Quelle est l’origine del’accélération de l’expansion de l’Univers ? Pour tenter derésoudre ces questions, les astrophysiciens développent unenouvelle génération de télescopes révolutionnaires capablesd’observer plus loin, plus précisément et de façon plus largeque leurs prédécesseurs. Ces télescopes, installés au sol oudans l’espace, collecteront la lumière qui sera analysée, dansses plus infimes détails, par des instruments à la pointe dela technologie de détection. Capables de produire des imagesd’une grande finesse, tout en développant de remarquablescapacités spectrométriques, ces instruments très sophistiqués,appelés « spectro-imageurs », figurent parmi les domainesd’excellence du CEA. Leur mission ? Recueillir les informations émises parles sources cosmiques afin de les convertir sous forme designaux numériques qui feront l’objet de différentes méthodesde traitement de l’information. Celles-ci connaissent aujourd’huides développements véritablement spectaculaires. Ensuite, il appartiendra aux astrophysiciens d’en analyser les résultats.Pour y parvenir, ces chercheurs recourent à des simulationsnumériques de l’Univers, et de ses objets, réalisées par dessupercalculateurs massivement parallèles. Ainsi, l’ancestral dyptique scientifique « théorie/observation »s’est-il enrichi d’un nouvel outil – la simulation numérique –venu faire lien entre des modèles théoriques toujours pluscomplexes et l’indispensable observation. Des résultatsde ces travaux, les chercheurs attendent la confirmation, ou l’invalidation, de leurs connaissances actuelles sur l’Univers.

Proto-Jupiter immergé dans son disque protoplanétaire. La protoplanète exciteun sillage spiral à un bras, et creuse un sillon autour de son orbite. Aprèsl'instrumentation et l'observation, la simulation est la troisième voie de rechercheen astrophysique. L'objectif du programme Coast est de modéliser desphénomènes astrophysiques complexes, afin de confirmer les théoriesactuelles sur la physique des astres et de préparer les futures observationsastronomiques. Les principales études qui ont bénéficié de ce programme sontla cosmologie, la physique stellaire, l'étude des disques protoplanétaires et celledu milieu interstellaire. Disques protoplanétaires : les codes Fargo (2D) et Jupiter(3D) décrivent, sur une grille, l'évolution du gaz constituant la nébuleuseprotoplanétaire.

F.Masset/CEA

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CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009102

Vue d’artiste du JWST replié dans la coiffe de la fusée Ariane 5 (image de gauche) et déployé dans l’espace (image de droite) où l’on peut voir, outre le miroir primaire (en doré), les écrans thermiques (en bleu) qui empêchent les rayons du Soleil de venirchauffer le télescope.

Même si les astrophysiciens ont complètement renouvelé notre connaissance du systèmesolaire, même s’ils ont décelé quelque 400 exoplanètes, même si l’expansion de l’Univers estbien établie par l’observation, même si les télescopes parviennent à scruter presquejusqu’aux confins de l’Univers, là où naquirent les premières étoiles et galaxies… Il n’empêche que de grandes questions demeurent et que de nouvelles se posent commecelle de l’origine de la ré-accélération actuelle de l’expansion de l’Univers qui resteun grand mystère. D’où la naissance d’une nouvelle génération de télescopes capablesd’observer le cosmos plus loin, plus précisément, de façon plus large.

Les télescopes du futur

Des outils pour sonder l’Univers

(1) Ainsi nommé en hommage au second admistrateur de laNASA, James E. Webb.

A ujourd’hui encore, le télescope spatial Hubble(HST) demeure un des plus fabuleux obser-

vatoires à l’origine d’un nombre impressionnant dedécouvertes. Néanmoins, avec un télescope dont lediamètre n’excède pas 2,4 mètres, il ne peut détecterla faible lueur reçue des objets cosmiques les pluslointains. Y parvenir nécessiterait la conception et laconstruction d’un télescope d’une surface collec-trice plus importante, capable d’observer la lumièreinfrarouge (IR) – la lumière visible émise par unobjet très lointain dans un Univers en expansionétant décalée vers l’infrarouge pour l’observateur.Ainsi naquit l’idée du télescope spatial James Webb(JWST)(1) pour succéder au HST. Grâce à son miroirde 6,5 mètres de diamètre, le nouveau télescope

pourra observer l’Univers tel qu’il existait il y a13 milliards d’années, époque de la formation despremières étoiles. Il s’agit d’un programme de la NASA avec des parti-cipations européenne et canadienne. En partenariatavec le Cnes, le CEA, à travers le Service d'astro-physique (SAp) de l’Institut de recherche sur les loisfondamentales de l’Univers (Irfu), assumera deuxresponsabilités importantes : d’abord, le pilotage dela contribution française à MIRI (pour Mid InfraredInstrument), l’un des quatre instruments embarquéspar JWST et dédié à l’observation du rayonnement

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1. Voir plus loinJWST : regard sur un passé de treize milliards d’années

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CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 103

Maquette, à l’échelle 1, du JWST.

(2) Outre le SAp, d’autres services de l’Irfu participent au projet :le Service d’électronique des détecteurs et d’infor ma tique (Sedi),le service d’ingénierie des systèmes (Sis), le Service desaccélérateurs, de cryogénie et de magnétisme (Sacm).

infrarouge cosmique dans la gamme de longueursd’onde 5-28 micromètres ; ensuite, la responsabilitédu futur Centre d’expertise français consacré àl’analyse des données recueillies par MIRI.Le JWST sera lancé en 2014 par une fuséeAriane 5, seule capable de mettre en orbite un telgéant. Le volume de la coiffe de la fusée Arianen’étant pas suffisant pour accueillir le nouveautélescope, celui-ci sera embarqué replié et ne seradéployé qu’une fois dans l’espace. Grâce à d’im-portants développements technologiques, l’en-semble du dispositif a pu être considérablementallégé. Ainsi, malgré un diamètre presque troisfois supérieur à celui de son prédécesseur HST, leJWST n’aura qu’une masse de 6,5 tonnes, soitdeux fois moins que son prédécesseur. Restait auxingénieurs à résoudre une autre contraintemajeure. Dédié à la détection du rayonnementcosmique infrarouge, le JWST fonctionnera à destempératures de l’ordre de -220 °C afin d’éviterque son émission de lumière ne puisse gêner lesobservations du cosmos. D’où la décision de placerle JWST au point de Lagrange L2, situé à1,5 millions de kilomètres de la Terre (figure 1)contrairement au positionnement du HST sur uneorbite basse à seulement 600 km de la Terre environ.Vu la distance, il ne sera plus question d’allerréparer le télescope en cas de problème ! Trois instruments principaux trouveront leur placeau foyer du JWST pour capter la lumière concen-trée par le télescope puis la transformer en signaldigital envoyé vers la Terre :

• NIRCAM (pour Near InfraRed Camera), unecaméra pour l’infrarouge proche (1 à 5 micromè-tres), conçue et réalisée aux États-Unis ;

• NIRSPEC (pour Near InfraRed Spectrometer), unspectromètre également dédié à l’infrarougeproche, conçu et réalisé par l’industrie européennesous la responsabilité et avec le financement del’Agence spatiale européenne (ESA) ;

• MIRI (pour Mid Infrared Instrument), un spectro-imageur pour l’infrarouge moyen (5 à 27 micromè-tres), conçu et réalisé grâce à une collaborationréunissant, pour moitié, les États-Unis (JetPropulsion Laboratory/NASA) et, pour l’autre, unconsortium de laboratoires spatiaux européensappartenant à dix pays (par ordre d'importancedécroissante des contributions financières : Royaume-Uni, France, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Espagne,Suisse, Suède, Danemark, Irlande) conduits parl’Observatoire royal d’Edimbourg et financés parles agences nationales. Il faut savoir qu’initialement, le projet JWST neprévoyait aucun instrument dédié à l’observationdans l’infrarouge moyen. À la fin des années 1990,seuls quelques rares astrophysiciens américains eteuropéens en défendaient la présence à bord dufutur télescope spatial. Parmi les précurseurs, figu-raient notamment des astrophysiciens du CEA,conscients des potentialités de ce type d’instrumentet déjà fortement impliqués dans l’observationdu rayonnement infrarouge moyen – par exemple,avec la caméra ISOCAM envoyée dans l’espaceen 1995 ou avec l’instrument VISIR (pour VeryLarge Telescope Imager and Spec trometer in Infrared)de l’Observatoire européen austral (ESO) au Chili.

Ces circonstances conduiront le SAp à prendrela responsabilité scientifique et technique de l’imageur de MIRI(2). Outre l’Irfu, trois autres laboratoires français sont impliqués dans ce projet,à savoir le Laboratoire d'études spatiales et d'instru mentation en astrophysique (Lesia) del’Observatoire de Paris Meudon, l’Institut d’astro-physique spatiale (IAS), à Orsay, et le Laboratoired’astrophysique de Marseille (Lam). Quant auCnes, également partenaire du CEA, il finance leprojet à hauteur de 50 % (main-d’œuvre incluse).

NA

SA

Figure 1.Schéma indiquant la position du point L2 où sera placé le JWST.

LuneTerre

Soleil

150 millions km

1,5 million km

L2

Page 105: Dans les secrets de l'Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009104

Une fois en service, le JWST entrera dans la gammedes télescopes infrarouge de deuxième génération.Avec une sensibilité et une acuité angulaire 100 foissupérieure à celle de ses prédécesseurs, ce nouvelinstrument va permettre des avancées notables dansdifférents domaines de l’astrophysique comme l’assemblage des galaxies, les premières phases deformation des étoiles ou encore la recherche d’exo-planètes. Concernant ce domaine particulier, unmode d’observation dit coronographique a étéintroduit dans l’imageur de MIRI. Il s’agit d’uneméthode permettant d’« éteindre » une étoile poursonder ses alentours proches sans être « ébloui » etde pouvoir ainsi rechercher d’éventuelles planètes,des « compagnons », des disques de poussière… Cemode d’observation coronographique a nécessité lafabrication de composants optiques spécifiquesjusqu’alors introuvables dans l’industrie. Le Lesiales a conçus et l’Institut rayonnement matière(Iramis) du CEA les a réalisés.Où en est le projet aujourd’hui ? D’un point devue technique, les différents modèles de l’imageurde MIRI indispensables à la qualification spatialede l’instrument sont d’ores et déjà réalisés. Lemodèle qui volera se trouve actuellement en phasede tests sur le centre du CEA de Saclay. À la fin decette opération, prévue en décembre 2009, l’instrument sera livré aux ingénieurs britanniquesqui opéreront son assemblage au spectromètreavant d’envoyer le tout à la NASA. Celle-ci procé-dera à l’intégration du dispositif au sein du JWSTen 2011.

La réalisation de l'imageur de MIRI confère désor-mais aux ingénieurs et aux chercheurs du CEA uneexcellente connaissance de l’appareil. Elle leur garantitégalement le temps d'observation nécessaire à laconduite de nouveaux programmes d’observationencore plus ambitieux – autant d’atouts qui vontpermettre au SAp de figurer longtemps encore auxavant-postes de la recherche en astrophysique. Cetteexpertise acquise par le CEA lors de la constructionde l’instrument, lors des tests réalisés en laboratoireou dans l’espace, bénéficiera à l’ensemble de lacommunauté européenne des astrophysiciens, grâceà la fondation d’un Centre d’expertise implanté àSaclay. Autre avantage du projet, celui de conserver lacompétence scientifique et technique du CEA dans ledomaine du rayonnement de l'infrarouge moyen,toujours très porteur pour l'astronomie. En effet, lasuite se prépare déjà avec, notamment, les études del’instrument METIS (pour Mid-infrared E-Elt Imagerand Spectrograph) pour le télescope E-ELT (pourEuropean Extremely Large Telescope) : un nouveaugéant de 42 mètres de diamètre que l’ESO étudieaujourd’hui en détail (voir ELT/METIS, un géant de42 mètres, p. 110).

> Pierre-Olivier Lagageet Jean-Louis Auguères

Service d’astrophysique (SAp)Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)

Unité mixte de recherche astrophysique interactions multi-échelles

(CEA-Université Paris 7-CNRS).Direction des sciences de la matière (DSM)

CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

La caméra du Mid Infrared Imager (MIRIM), destinée au télescope JWST, en train d’être inspectée, sous éclairage ultraviolet, pour vérifier qu’il n’y a pas eude contamination particulaire.

L. G

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t/C

EA

Des outils pour sonder l’Univers

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CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 105

Les spécificités du spatial : apprentissage d’un savoir-faire

La réalisation d’engins spatiaux est undomaine de la technique relativement neuf àl’échelle de la science astronomique. EnFrance, les premières expériences embar-quées sur des fusées sondes pour récolterquelques minutes d’observation au-dessusde l’atmosphère datent d’à peine un demi-siècle. À cette époque de pionniers, laméthode des essais et des erreurs pouvaitrépondre aux attentes de la communautéscientifique. Mais, avec l’arrivée des satel lites,il a fallu commencer à mettre en place unréférentiel de travail commun visant à opti-miser les chances de succès et à assurer unretour d’expérience permettant de minimiserles risques des projets futurs.

Ce référentiel de travail permet, via desnormes d’ingénierie, de qualité et de gestionde projets, de prendre en compte, dès lesphases préliminaires de conception, lescontraintes spécifiques du spatial. On pense,bien sûr, d’abord aux contraintes techniquesfortes : les instruments spatiaux font souventappel à des technologies en limite de faisa-bilité utilisées dans des domaines extrêmesde leurs applications. Mais les exigencesliées aux programmes spatiaux dépassentlargement les besoins fonctionnels en opéra-tion. Ainsi les contraintes environ nemen -tales spécifiques, vibrations de la fusée au

lancement, ultra-vide, radiations, impossi-bilité d’intervention en cas de pannes, néces-sitent-elles une approche qualité particuliè-rement rigoureuse.Prenons le cas du télescope spatial JWSTpour lequel le CEA/Irfu développe la camérainfrarouge MIRIM (pour Mid Infrared Imager)qui permettra de sonder les premières étoi-les de l’Univers. Ce projet aura nécessitéplusieurs milliards de dollars et mobilisépas moins de 20 ans d’efforts, de part etd’autre de l’Atlantique, entre les premiersdessins datant du milieu des années 90 et lelancement prévu en 2014. Des composantsà l’instrument complet, chaque systèmesubit une campagne de qualification pourdémontrer la fiabilité et les performances duconcept choisi. Par exemple, avant la réali-sation du modèle de vol, la caméra MIRIMaura connu, en cinq ans, quatre modèlesd’instrument complet, destinés à vérifiertoutes ses performances en conditionsopérationnelles, notamment sa tenue aulancement avec des tests de vibration, ou auxtempératures extrêmes avec des tests cryo-géniques en enceinte refroidie à l’héliumliquide (4 K). Pareillement, pour les camé-ras PACS (pour Photoconductor ArrayCamera and Spectrometer) et SPIRE (pourSpectral and Photometric Imaging Receiver),destinées au télescope spatial Herschel, il

aura fallu 2 500 heures de travail pourcontrôler les 65 000 composants électro-niques, 900 pièces mécaniques et 50 cartesélectroniques.

Ainsi, au fur et à mesure, les concepts s’affi-nent, les procédures s’améliorent et lesanomalies (non-conformité ou erreurs) dimi-nuent jusqu’au niveau de risque jugé accep-table pour la réussite du projet. Dans un envi-ronnement politique et inter na tio nal souventcomplexe, la gestion des programmesspatiaux demande de savoir doser la gestiondes risques face aux contraintes de coût et deplanning. Supprimer une campagne de testlaisse parfois penser que l’on gagne deprécieuses journées de travail, mais lesrisques associés peuvent se révéler autre-ment plus coûteux et catastrophiques,comme l’a montré l’exemple d’Hubble. Uneanalyse précise des chemins de criticité estnécessaire pour assurer le bon déroulementde programmes longs, incertains et risqués.

Certaines des contraintes présentées danscet article se retrouvent dans d’autresdomaines de l’instrumentation scientifique.Néanmoins, la grande spécificité desprogrammes spatiaux, c’est la simultanéité,au sein d’un projet, de toutes ces contrain-tes particulières, et des méthodes adoptéespour les gérer.

> Jérôme Amiaux, Christophe Cara, Jean Fontignie et Yvon Rio

Service d’astrophysique (SAp)Institut de recherche sur les lois fondamentales

de l’Univers (Irfu)Unité mixte de recherche astrophysique

interactions multi-échelles (CEA-Université de Paris 7-CNRS).

Direction des sciences de la matière (DSM)CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

Modèle de vol de l’instrument MIRIM en cours d’intégration dans l’enceinte cryogénique de test,au SAp. Les contraintes de propreté des instruments spatiaux nécessitent de travailleren environnement contrôlé, ici en classe 100 (moins de 100 particules de taille supérieure à 0,5 μm par pied cube).

L. G

odar

t/C

EA

Banc de test cryogénique de MIRIM au SAp.Les bancs de tests et campagnes d’essaispeuvent atteindre des niveaux de complexité etde coût avoisinant, dans certains, cas, ceux del’instrument.

L. G

odar

t/C

EA

Page 107: Dans les secrets de l'Univers

La réalisation d’un masque coronographique

Inventée par Bernard Lyot (1897-1952) audébut des années 30, la coronographieconsiste à reproduire une éclipse totalepour observer la couronne solaire sansqu’elle se trouve noyée par la luminositéde l’astre. Le principe consiste à placer unepastille opaque sur l’image du Soleilformée par une lunette astronomique, afind’occulter le disque solaire et de ne laisservoir ainsi que la lumière de la couronnesolaire. Aujourd’hui, la coronographie estutilisée pour l’observation d’autres étoilesque le Soleil et il existe une alternativeaux pastilles de Lyot pour réaliser cesobservations : ce sont les tout nouveauxmasques de phase à quatre quadrants(4QPM), qui permettent de meilleuresperformances. Leur réalisation consiste

en une lamelle de géométrie quasimentparfaite, présentant deux quadrantsde différente épaisseur par rapport auxdeux autres, d’une demi-longueur d’ondeoptique dans le germanium à la fréquenced’observation (figure 1).

L’instrument MIRI (pour Mid InfraredInstrument), destiné au futur télescopeJWST (pour James Webb Space Telescope),utilisera ce principe pour cibler troislongueurs d’onde d’observation dans l’infrarouge – d’où le développement demasques de type 4QPM en germanium, unmatériau qui présente l’avantage dedevenir transparent dans ce domaine d’ob-servation. Dans le processus de fabrica-tion, le Laboratoire d'études spatiales et

d'instrumentation en astrophysique(Lesia) a fourni des parallélépipèdes, dansun monocristal de germanium, présentantdes faces parallèles et planes. L’obtentionde la différence de marche dans le germa-nium doit tout à la grande précision desoutils de microfabrication de la salleblanche du Service de physique de l’étatcondensé (Spec). Deux techniques furentutilisées : la lithographie optique pour ladéfinition des quadrants à protéger et lagravure ionique réactive pour la gravuredes quadrants plus fins. Mais pour leschercheurs, la plus grande difficulté defabrication des masques fut de parvenir àla précision requise :

• une différence de marche établie entre0,8 μm et 2 μm en fonction de la longueurd’onde de travail ;

• une erreur de marche inférieure à 0,5 % ;

• une excellente homogénéité malgré unesurface totale dépassant le cm2 ;

• une rugosité de surface maintenue infé-rieure à 30 nanomètres sur l’ensemble ducomposant. Il a fallu réaliser une soixantaine de proto-types et passer par toute une série d’étapes(dépôt de résines, gravure réactive,nettoyage, contrôle de la hauteur de marcheetc) pour obtenir enfin les trois masquesdéfinitifs qui équiperont MIRI (figure 2).

> Claude Fermonet Myriam Pannetier-Lecœur

Service de physique de l’état condensé (Spec)Institut rayonnement matière de Saclay (Iramis)

Direction des sciences de la matière (DSM)CEA Centre de Saclay

> Anne de VismesInstitut de radioprotection

et de sûreté nucléaire (IRSN)Centre du Bois des Rames (Orsay)

Figure 1.Schéma du masque coronographique en g ermanium monocristallin (la hauteur de marche n’étant pas à l’échelle).

Figure 2.Image en microscopie électronique à balayage montrant le centre de l’élément après gravure.Échelle 10μm.

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10�m

Des outils pour sonder l’Univers

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SVOM, un satellite pour détecter l’explosiondes premières étoiles formées dans l’Univers

E n 2014, sera lancé le satellite SVOM (pour Spacebased multi-band Variable Object Monitor) pour

scruter les sursauts gamma, autrement dit les événe-ments les plus violents de l’Univers depuis lebig bang. Leur éclat extrême devrait permettre ladétection des premières étoiles de l’Univers, ainsique l’arpentage du cosmos, en les utilisant commedes chandelles astronomiques. Cet éclat leur vientd’une émission en rayons gamma, très forte maiségalement très fugace : de 0,1 à 100 secondes. À cettepremière émission succède toujours une seconde,celle-ci beaucoup plus faible, décroissante dans letemps et couvrant une large bande allant du rayon-nement X à celui de l’infrarouge en passant par lerayonnement visible. Le caractère éphémère duphénomène gamma, et la volonté de l'observersimultanément dans une large bande spectrale,impliquaient des moyens adaptés. D’où la missionSVOM avec sa panoplie de télescopes, installés à lafois dans l’espace et au sol, avec une sensibilité allantdes rayons gamma à la lumière infrarouge. Cettecomplémentarité d'instruments en fait une expé-rience unique au monde pour l’étude des sursautsgamma, de leur émission prompte à leur émissionrémanente. Il s’agit d’une coopération sino-françaiseinitiée entre l’Agence spatiale chinoise, l’Académiedes sciences de Chine et le Centre national d’étudesspatiales (Cnes).Au cœur de ce dispositif, figure le télescope ECLAIRs,l’initiateur de toute la chaîne de mesures de lamission. Développé à l’Irfu qui en assure la maîtrised’œuvre, il s’agit de la principale contribution fran-çaise à la charge utile du satellite SVOM. La missiond’ECLAIRs consistera à détecter l’apparition d’un

sursaut gamma sur une portion de la voûte céleste etd’en déterminer la localisation avec une précisiond’au moins 10 minutes d’arc – il devrait en détecterune centaine par an. L’optique classique ne permet-tant pas de focaliser les rayons gamma, les chercheursse sont donc orientés vers l’imagerie par masquecodé. Comme son nom l’indique, le principe de cettetechnique consiste à placer un masque devant unplan de détection en sachant qu’à une positiondonnée d’une source dans le ciel, correspond uneprojection unique du motif de masque sur le plan dedétection. Reste ensuite à utiliser un outil mathéma-tique pour reconstruire l’image qui permettra deremonter à la direction de la source. Le masque codése compose d’une plaque de tantale perforée d’unmotif choisi, tendue sur un cadre de titane afin decompenser les déformations thermiques – une réali-sation du Laboratoire astroparticule et cosmologiede Paris. Ce masque est supporté par une structureen carbone rigide et légère, entourée d’un blindagemulticouche de plomb, cuivre et aluminium, dont lerôle consiste à arrêter les photons ne provenant pasdu champ de vue défini par le masque. Réalisé par le Centre d’étude spatiale des rayonne-ments de Toulouse, le plan de détection associe descristaux détecteurs de tellurure de cadmium et descircuits intégrés de lecture analogique bas bruit(Application-Specific Integrated Circuit/ASIC). L’as -sem blage réalise un empilement compact de céra-miques jusqu’à former une unité de détection de6 400 pixels pour une surface de 1 024 cm2. Refroidipar un système performant utilisant des caloducs àconductance variable, sa température d’ensemble sesitue à -20 °C. Une attention toute particulière a été

Vue d’artiste du satellite SVOM.

Cne

s

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CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009108

portée à la valeur du seuil bas de détection. Grâce auchoix rigoureux des détecteurs élémentaires et à unemaitrise aiguë du bruit de l’électronique, un seuilbas à 4 keV a pu être obtenu. Il s’agit d’un résultatcrucial pour le télescope, notamment pour détecterdes événements situés à des distances cosmologiquesoù les photons se décalent vers les basses énergies.L’ASIC a été développé par l’Irfu tandis que l’opti-misation du couple détecteur/ASIC vient d’une deses activités de R&D.Également développée par l’Irfu, l’unité de traite-ment scientifique embarquée F-UTS(1) devra déceleret localiser, en temps réel, l’apparition d’un sursautgamma sur la voûte céleste, puis analyser les donnéesissues du plan de détection concernant les photons.La conception du F-UTS s’opère autour d’un micro-processeur embarqué tolérant aux radiationsspatiales. L’algorithme scientifique embarquéemploie deux méthodes de détection de sursauts.Celle dédiée aux sursauts gamma longs reconstruitdes images du ciel toutes les 20 secondes pour yrechercher l’apparition d’une nouvelle source.Sensible aux sursauts gamma plus courts, la secondescrute tous les intervalles de temps, jusqu’à 10 ms,pour déceler une augmentation du nombre dephotons détectés, ce qui lui permettra de recons-truire l’image du ciel et donc de trouver la source.Une fois le sursaut gamma localisé, le satellite SVOM

se réoriente de manière à pouvoir observer l’émissionrémanente grâce aux télescopes embarqués dédiésaux rayonnements X et visibles à petit champ de vue.En parallèle, le F-UTS prépare un message d’alerte.Rapidement envoyé au sol à l’aide d’un émetteurVHF, couplé à une trentaine de stations de réceptionréparties au sol sous la trajectoire du satellite, cemessage déclenchera l’observation de la rémanencedu sursaut gamma par les télescopes terrestres. Grâceà cette observation, il devient alors possible de déter-miner la distance de l’événement.La mise en œuvre de solutions performantes et nova-trices témoigne du savoir-faire acquis par les équipestechniques en instrumentation spatiale. Fort de cetteexpérience, SVOM ouvrira une fenêtre nouvelle surl’Univers, celle donnant sur la connaissance de cesphénomènes lointains que sont les sursauts gamma.Mais pour cela, il faut attendre 2014.

> Bertrand Cordier Service d’astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)Unité mixte de recherche astrophysique

interactions multi-échelles (CEA-Université de Paris 7-CNRS).

Direction des sciences de la matière (DSM)CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

> Michel FesquetService d’électronique des détecteurs et d’informatique (Sedi)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière (DSM)

CEA Centre de Saclay

Simbol-X, pionnier des vols en formation

S’ il existe dans le ciel des témoins de l’activité dessources extrêmes de l’Univers, ce sont bien les

rayons X et gamma nés de plasmas portés à descentaines de millions de degrés ou de particules accé-lérées à des énergies jusqu'à un milliard de fois supé-rieures à celles de nos accélérateurs les plus puissants.D’où l’intérêt manifesté par les astrophysiciens pourscruter le ciel dans ce domaine de rayonnement. Peut-être pourront-ils ainsi répondre un jour aux questionsfondamentales de l’astrophysique moderne – celles

posées notamment sur les trous noirs dont onapproche l’horizon, au plus près, dans le spectre desrayons X, ou encore, celles de l’origine des rayonscosmiques. Ces trous noirs, combien sont-ils dansl’Univers ? Qui sont-ils ? Influencent-ils leur environ-nement ? Quel rôle jouèrent-ils dans la formation desgalaxies ? De quelle manière, par ailleurs, fonction-nent les accélérateurs cosmiques ? Peut-on expliquertous les rayons cosmiques ? Le télescope spatial Simbol-X a été conçu pour tenterde répondre à ces questions en observant le ciel, trèsloin et très précisément. Si aucun instrument n’a pule faire avant lui, c’est en raison du caractère trop pénétrant des photons X et gamma qui empêche l’utilisation de télescopes de facture classique où ilsseraient collectés et réfléchis par un grand miroirpour être concentrés sur un petit détecteur. À l’instarde nos tissus, lors des radiographies médicales, cesmiroirs sont transparents aux rayons X. Aussi, l’optiquedes meilleurs instruments imageurs en rayons X etgamma, comme IBIS (pour Imager on Board theIntegral Satellite) installé à bord d’INTEGRAL (pourInternational Gamma-Ray Astrophysics Laboratory) secompose d’un masque codé permettant d’obtenir devéritables images avec une résolution angulaire encorefaible d’une dizaine de minutes d’arc (un tiers de laLune vue de la Terre). Mais, ne focalisant pas la lumière,ces instruments ne bénéficient pas de l’effet de concen-tration qui donne leur puissance aux télescopes

Vue d’artiste de Simbol–X observant une galaxie active. Le satellite de droite portele miroir qui focalise les rayons X sur le détecteur placé sur le satellite de gauche,20 mètres plus loin.

CN

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. Sat

tler

2. Voir plus précis

(1) « F » pour Français.

Des outils pour sonder l’Univers

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CEA

Figure 1.L’ensemble du plan focal de détection, placé sous responsabilité de l’Irfu, avec ses différentséléments et les laboratoires les fournissant : CEA, Laboratoire astroparticule et cosmologie(APC), Max Planck Institut für extraterrestrische Physic, Institut für Astronomie undAstrophysik-Tübingen (IAAt), Cnes. Les différents composants et leur fonctionnement sontdécrits en détail dans le texte.

classiques. Heureusement, un moyen existe pour foca-liser les rayons X. Il s’appuie sur le fait que ces rayonspeuvent être réfléchis sur des surfaces très lisses à condi-tion de les aborder de façon quasiparallèle. En combi-nant plusieurs de ces matériaux réfléchissants, sousforme de coquilles de révolution emboitées commedes poupées gigognes, on arrive à réaliser des optiquesfocalisatrices de grande surface que les rayons X« traversent » avant d’atteindre le détecteur au foyer dusystème. L’énergie maximale à laquelle l’optique peutfonctionner s’avère proportionnelle à la longueur dutélescope. La première optique de focalisation X,emportée dans l’espace, en 1978, révolutionna l’astro-nomie X. Mais elle se limitait à l’observation desrayons X de relativement basse énergie, dits « mous ».Aujourd’hui, la situation demeure inchangée. La mission Simbol-X met en œuvre la technologieémergente du vol en formation pour fabriquer, pourla première fois, un télescope de très grande focale.Ce nouveau concept révolutionnaire consiste à placer l’optique focalisatrice de rayons X sur un premiersatellite et le plan focal sur un second, asservi enposition par rapport au premier, de façon à former,en quelque sorte, un télescope quasiment rigide maissans tube. Avec une telle configuration, le télescopepeut être sensible aux rayons X dits « durs », c’est-à-dire dix fois plus énergétiques que les rayons X« mous ». Cet instrument à focalisation de nouvellegénération est cent à mille fois plus performant queles meilleurs instruments actuels.L’idée de Simbol–X fut proposée dès la fin 2001, par lesastrophysiciens du CEA. Portée par les communautésscientifiques française, italienne et allemande, la phased’étude de faisabilité du projet a été passée avec succès.Elle a été conduite par les agences spatiales française etitalienne ainsi qu’une vingtaine de laboratoires français,italiens et allemands, réunis sous la responsabilitéconjointe du CEA et de l’Italie. Parmi les éléments clefsde Simbol–X figurent notamment :

• l’optique X, placée sous la responsabilité italienne,qui bénéficie du savoir-faire acquis lors des missionsd’astronomie X à basse énergie, notamment celledu satellite XMM (pour X-ray Multi Mirror) ; sescaractéristiques principales résident dans sa focalede 20 mètres et son excellente résolution angulairede 20 secondes d’arc ;

• le vol en formation, une première donc, dépend duCnes ; le défi consiste à pouvoir garder, de façonautomatique, le satellite « détecteur » positionnéautour du point focal donné par l’optique avec uneincertitude de l’ordre du cm3 ;

• l’ensemble détecteur, fabriqué par la France avecune participation de laboratoires allemands, doitcouvrir entre 0,5 et 80 kiloélectronvolts, s’avérerextrêmement sensible et être doté d’une grandefinesse d’imagerie. Pour répondre à son exigeant cahier des charges,l’ensemble détecteur se base sur la superposition dedeux plans « spectro-imageurs » de 16 384 pixelscouvrant 8 x 8 cm2 au total (figure 1). Pour chaque photon X (comptés un par un à cesénergies), ils en mesurent l’énergie et la localisationsur le détecteur. Le premier plan spectro-imageur, ensilicium, fourni par une équipe allemande, détecteles rayons X « mous » avec une vitesse de lecture20 000 fois plus rapide que ses prédécesseurs. Le

Détecteur basse énergie(MPE-IAAT, Allemagne)

Lien thermique(CNES)

Anticoïncidence(APC)

Détecteur hauteénergie(CEA)

Mini caméra X

(CEA)

silicium étant transparent aux rayons X de plus hauteénergie qui sont bien plus pénétrants, un second planlui a été adjoint, juste en dessous du premier, demanière à pouvoir arrêter et caractériser ces rayons.Ce deuxième plan est réalisé par le CEA, à base de cris-taux de tellure de cadmium (CdTe), matériau ayantdéjà prouvé son efficacité dans l’imageur à masquecodé d’INTEGRAL. Depuis le lancement de ce satel-lite, d’importantes avancées ont été enregistréesconcernant la miniaturisation (les pixels de Simbol–Xétant 50 fois plus petits) et la réduction maximale deszones insensibles entre les pixels. Le plan imageurhaute énergie est construit en juxtaposant 64 mini-caméras X, de 1 cm2 de côté, avec chacune 256 pixelscomplètement adjacents et comprenant toute l’élec-tronique critique à leur fonctionnement (figure 1).Un système compact de blindage et de détecteurs departicules entoure les deux plans imageurs. Fournipar le Laboratoire astroparticules et cosmologie(APC) de Paris, il réduit, d’un facteur 10, les bruitsparasites engendrés par les nombreux rayonscosmiques peuplant l’espace interplanétaire. Ce planfocal, étudié sous responsabilité de l’Irfu, disposeégalement d’un traitement de données de bord gérépar le Centre d’études spatiales des rayonnements(CESR) de Toulouse.Les agences spatiales italienne et française n’ayant puréunir les fonds suffisants pour financer cet ambitieuxprojet, celui-ci n’a pu entrer dans la phase d’étudedétaillée. Étant donné la qualité de la « science à faire »avec ce projet et la large communauté de chercheursintéressée, il devrait renaître dans un autre contexte.

> Philippe FerrandoService d’astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)Unité mixte de recherche astroparticule et cosmologie

(CNRS-Université de Paris 7-CEA-Observatoire de Paris)Direction des sciences de la matière (DSM)

CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

> Martial AuthierService d’ingénierie des systèmes (SIS)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière (DSM)

CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

Page 111: Dans les secrets de l'Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009110

(1) Il s’agit du rayonnement ayant une longueur d’onde situéeentre 5 et 25 micromètres.

ELT/METIS, un géant de 42 mètres

F ort des succès remportés par le programme VeryLarge Telescope (VLT), un ensemble de 4 téle-

scopes de 8 mètres de diamètre, l’Observatoire euro-péen austral (European Southern Observa tory/ESO)relève aujourd’hui un nouveau défi : celui de réaliserun télescope doté d'un miroir de 42 m de diamètre(1 300 m2). Construire un miroir de cette surface etd’un seul tenant est aujourd’hui encore totalementimpossible. D’où l’idée d’en segmenter la surface enun millier de pièces hexagonales mesurant chacune 1,4mètre de large. Lourd de 5 000 tonnes (la moitié dupoids de la tour Eiffel), ce géant portera le nomd’European-Extremely Large Telescope (E-ELT) etdevrait être opérationnel à l’horizon 2018. Son sited’installation ne sera dévoilé que début 2010 : peut-être le Chili, l’Argentine ou encore l’île de La Palma auxCanaries. Comme son prédécesseur VLT, le télescopeE-ELT observera le cosmos, à partir du sol, dans lagamme de rayonnements proche des ultra-violets,visibles et infrarouges. Augmenter la taille d’un télescope présente un doubleavantage. D’abord, celui de détecter des objets plusfaibles ou plus lointains, grâce à une surface collectriceplus grande. Ensuite, celui de voir les objets avec unefinesse de détail plus grande. En effet, suivant le phéno-mène physique de diffraction de la lumière, l’imaged’un objet ponctuel à travers un télescope ne donnepas un point, mais une tache, dite « tache de diffrac-tion ». En conséquence, plus le diamètre du télescopes’avère grand, plus cette tache est petite. Ainsi la tachede diffraction d’une étoile, à travers l’E-ELT, aura-t-elleune surface 25 fois plus petite et que celle des imagesproduites jusque-là par VLT. Ces deux avantagescombinés permettront de conduire des programmesuniques, notamment celui d’étudier les disques entou-rant les étoiles, lieux de formation des planètes, voired’observer directement l’émission thermique d’exo-planètes géantes.

Vue d’artiste de l’E-ELT(pour European Extremely

Large Telescope),un télescope de 42 mètresde diamètre que l’ESO est

en train d’étudier ; à noter, sur la droite

de la vue, les deux voituresqui donnent l’échelle

de ce télescope géant. ESO

Parallèlement aux études menées en vue de la réali-sation du télescope E-ELT, l’ESO a lancé plusieursappels d’offre aux laboratoires européens concernantles instruments dédiés aux foyers du télescope.Compte tenu de son expérience exceptionnelle dansle domaine de l’infrarouge dit « moyen »(1), le Serviced’as trophysique (SAp) du CEA (Irfu) a rejoint unconsortium de laboratoires dirigé par l’Obser vatoirede Leiden (Pays Bas) pour mener les études prélimi-naires sur le futur instrument METIS (pour Mid-infrared E-ELT Imager and Spectrograph) prévu pouréquiper l’E-ELT. Outre l’étude des cryomécanismesdéveloppés avec le Service d'ingénierie des systèmes(SIS), le SAp a pris en charge l’imagerie d’objets avecun fort contraste d’intensité (par exemple, le cas d’uneplanète située à côté d’une étoile) qui nécessite desmodes d’observation particuliers comme la corono-graphie ou l’imagerie différentielle. Le domaine du rayonnement infrarouge moyen s'estdéveloppé en trente ans d'une manière impression-nante. Au début des années 1990, le SAp figurait déjàen pionnier en matière d’imagerie du cosmos à partirdu sol dans ce type de rayonnement, notamment grâceà des matrices de détecteurs développées par leLaboratoire d’électronique et de technologies de l’in-formation (Leti) – sous-produit des importants déve-loppements de matrices de détecteurs réalisés dans lecadre du projet spatial ISOCAM.À l’époque, les imagesne dépassaient pas les quelques milliers de pixels etprovenaient d’un télescope de quelques mètres dediamètre seulement. Trente ans après, nous allonspouvoir accéder à des images d’un million de pixelsobtenues avec un télescope 100 fois plus puissant, soitune progression d’un facteur 100000 !

> Pierre-Olivier Lagage et Eric PantinService d’astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)Unité mixte de recherche astrophysique

interactions multi-échelles (CEA-Université de Paris 7-CNRS).

Direction des sciences de la matière (DSM)CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

Des outils pour sonder l’Univers

Page 112: Dans les secrets de l'Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 111

D ans le sillage de l’expérience européenne HESS(pour High Enegy Stereoscopic System)(1) et de ses

succès dans le domaine de l’observation en astronomiegamma de très haute énergie, le futur CTA (pourCherenkov Telescope Array) s’inscrit dans le grand projetde réseau européen de télescopes Cherenkov denouvelle génération. Son originalité réside dans la posi-tion de ses deux réseaux d'imageurs Cherenkovatmosphériques. Le premier, implanté dans l'hémis -phère Nord, observera dans la bande de basse énergieallant de 10 GeV à 1 TeV. Son jumeau sera positionnédans l'hémisphère Sud et dédié à la bande d'énergieallant de 10 GeV à 100 TeV. Au cœur du réseau CTA-sud figurent quatre télescopes dotés de miroirs d’en-viron 20 mètres de diamètre. Un anneau formé parplusieurs dizaines de télescopes de douze mètres dediamètre, semblables à ceux équipant déjà le télescopeHESS, formera un premier cercle autour de ces instru-ments – dispositif complété par un deuxième cercled’une autre dizaine de télescopes, possédant des miroirsde six mètres de diamètre. Avec ce dispositif complexe,

le CTA observera des flux de rayonnement dix fois plusfaibles que ceux détectés actuellement par HESS. Avecl’introduction d’un nombre important de télescopesdans le réseau, le nouveau CTA sera bientôt capabled’obtenir des résolutions angulaires de l'ordre de laminute d'arc. Plusieurs équipes de chercheurs, majoritairement euro-péennes, collaborent à la conception et la constructiondu CTA. Pour la France, il s’agit du CEA avec l’Irfu etdu CNRS avec l’Institut national de physiquenucléaire et de physique des particules (IN2P3) etl’Institut national des sciences de l’Univers (Insu).Actuellement en cours, la phase de conception et deconstruction des prototypes se poursuivra jusqu'en2011-2012. Le projet CTA figure sur la feuille de routedu Forum stratégique européen pour les infrastruc-tures de recherche (European Strategy Forum onResearch Infrastructures/Esfri) et participe à deuxréseaux européens ERAnet : Astro Particle ERAnet(ASPERA) et Astronet.

> Jean-François GlicensteinService de physique des particules (SPP)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière

CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

(1) En hommage au physicien autrichien Victor Hess (1883-1964), prix Nobel de physique, en 1936, pour la découvertedu rayonnement cosmique.

Une centaine de télescopes en réseau pour CTA

Figure 1Amélioration de la carte astronomique du plan galactique prédite en passant de HESS au CTA.Le nombre de sources détectées devrait s’accroître de plus d'un ordre de grandeur.

S.Fu

nk, J

-A. H

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el

carte de significativité du plan galactique avec HESS (temps d’exposition réels)

carte de significativité du plan galactique avec CTA ou AGIS (temps d’exposition uniformes sur la carte)

3. Voir plus largeEuclid, cartographe du ciel extragalactique

C’ est le mathématicien grec Euclide qui a donnéson nom au futur télescope chargé d’explorer

la part sombre de l’Univers, celle qui échappe encoreà l’observation des chercheurs, à savoir, l’énergienoire et la matière noire – soit près de 95 % de cetUnivers. Cette mission d’étude utilisera comme

données la cartographie du ciel extragalactique.Actuellement en cours d’étude de faisabilité, le projetEuclid a déjà été présélectionné par l’Agence spatialeeuropéenne (ESA) dans le cadre de son programmeCosmic Vision 2015-2025. S’il est définitivementchoisi, son lancement pourrait avoir lieu en 2017.

Page 113: Dans les secrets de l'Univers

Vue d'artiste du satellite Euclid cartographiant l'Univers extragalactique.

Fréd

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Dur

illon

/CEA

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009112

Les observations Le projet Euclid part d’une constatation : la matièrenoire peut se détecter indirectement par ses effets gravitationnels, c’est-à-dire par les distorsionsqu’elle fait subir à la lumière. Depuis Albert Einstein,les physiciens savent que la matière exerce uneattraction gravitationnelle sur la lumière et peutainsi fléchir sa trajectoire. En effet, la matière (visibleou noire), située entre l’observateur et la galaxieobservée, déforme toujours l’image qui nousparvient de cette galaxie, un peu comme pourrait lefaire une lentille. Il s’agit d’un effet connu dit de« cisaillement gravitationnel faible ». Ainsi, en obser-vant des images de galaxies lointaines et en mesu-rant les déformations subies, les chercheurspeuvent-ils en déduire la distribution de la matièrenoire intercalée entre notre galaxie et des galaxiesplus lointaines. Et procédant en cascade, de la distri-bution de la matière peut alors se déduire la nature

de l’énergie noire, l’un des moteurs de structurationde l’Univers. Ensuite, en appliquant ce raisonne-ment à des galaxies situées à différentes distances, ildevient également possible de mesurer l’évolutionde l’énergie noire avec le temps. Ce type de mesure a déjà été effectué, depuisl’espace, grâce au télescope Hubble et à ses milliersd’heures d’observation. Il s’agit du plus grand relevéde l’Univers jamais réalisé et il porte le nom deCOSMOS (pour Cosmic Evolution Survey).Pourtant, ce relevé ne concerne qu’une toute petitepartie du ciel avec une taille angulaire de seulement2 degrés carrés, ce qui correspond, néanmoins, àneuf fois la surface apparente de la Lune. En paral-lèle, MEGACAM, une des deux plus grandescaméras d'imagerie astronomique au monde,installée au foyer du télescope au sol Canada-France-Hawaii, a réalisé un programme similairemais sur une surface de ciel couvrant environ200 degrés carrés. La synthèse des informationsobtenues par ces deux observatoires a permis auxastrophysiciens de pouvoir déterminer la distribu-tion spatiale de la matière noire et de la matièrevisible de cette région du ciel, avec une précision etune étendue inégalées.Au vu des résultats du télescope Hubble, un doubleobjectif chiffré a été fixé à Euclid. D’abord, il s’agirade déterminer le paramètre de l’équation d’état del’énergie noire avec une précision de quelques pour-cents et ensuite, d’établir la variation de ce para-mètre, avec le temps, dans une précision de quelquesdizaines de pourcents. Ce résultat suppose d’aug-menter considérablement le nombre de galaxiesmesurées de façon à limiter les erreurs statistiques.D’où la future mission fixée à Euclid d’observer20 000 degrés carrés, soit la moitié du ciel, pour untotal d’environ 3 milliards de galaxies. Quant à ladétermination de la relation entre la distance et ledécalage spectral, elle reposera sur la mesure desspectres de plus d’une centaine de millions degalaxies, là encore sur la moitié du ciel. L’évolutionde la fonction de corrélation des galaxies( 1) au vudu décalage spectral renseignera les chercheurssur l’histoire de l’expansion de l’Univers et, par conséquent, sur la source de cette expansion. Les informations transmises par les deux sondes quesont la cartographie de la matière noire et les oscil -lations acoustiques baryoniques permettront decontraindre très précisément les paramètres del’énergie noire.

La charge utile d’Euclid Pour mener à bien ce programme d’observations etde cartographie de la matière noire, Euclid utiliserala technique dite de « l’imagerie grand champ » déjàexpérimentée par MEGACAM. Cette techniqueconsiste à réaliser des instruments disposant dedétecteurs composés d’un très grand nombre depixels. Chaque observation permet ainsi de prendreune photographie d’une grande surface du ciel, touten conservant une très bonne résolution spatiale,nécessaire pour mesurer précisément la forme desimages des galaxies.Le satellite Euclid embarquera un télescope dotéd’un miroir primaire de 1,20 mètre de diamètre. Aufoyer de ce télescope, prendront place deux caméras.

(1) La fonction de corrélation des galaxies consiste,pour chaque paire de galaxies, à mesurer leur distancepour reconstruire une structure en 2D de la distributiondes galaxies.

Des outils pour sonder l’Univers

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Caméra MEGACAM : la mosaïque de 40 CCD en fin de montage. Cette caméra, réalisée parl’Irfu, est opérationnelle au foyer du télescope Canada-France-Hawaii depuis 2003.

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La première caméra, dédiée à la lumière visible, secompose de 36 détecteurs de type Charge coupleddevice (CCD) pour un total de 600 millions depixels. Elle réalisera la mesure de la forme des imagesde galaxies. Une deuxième caméra, travaillant celle-là en lumière infrarouge, composée d’environ50 millions de pixels, fera des observations complé-mentaires pour mesurer la distance des galaxies.Enfin, un troisième instrument, indépendant desdeux caméras d’imagerie, obtiendra les spectres deplus de 100 millions de galaxies, destinés à mesurerla relation entre la distance et le décalage spectral deces objets.

La mission Euclid La principale difficulté des observations de type« cisaillement gravitationnel faible » provient deserreurs de mesures systématiques. D’où la nécessitéd’optimiser la conception des instruments, du téle-scope et du satellite, de façon à ce que les erreursinstrumentales s’avèrent plus faibles que les erreursstatistiques. Pour cette raison, le satellite Euclid seraplacé en orbite autour du point de Lagrange L2,situé à 1,5 million de kilomètres de la Terre, dans ladirection opposée au Soleil, où l’environnementthermique du satellite restera très stable. Les cher-cheurs espèrent que les instruments d’Euclid, prévuspour cinq à six années d’observation, donneront

une qualité d’image très stable, autant spatialementdans tout le champ de vue du télescope que tempo-rellement, pour que la qualité des données soithomogène. Quant à la conception de la charge utile,elle tient compte de la dégradation des performancesdes détecteurs du fait des radiations dans l’espace. Aujourd’hui, l’Irfu dirige un consortium de labora-toires, composé d’une demi-douzaine de pays euro-péens et d’un laboratoire américain, pour étudier l’instrument d’imagerie en charge des mesures de« cisaillement gravitationnel faible ». L’enveloppefinancière actuellement impartie à cette missionspatiale s’élève à 450 millions d’euros apportés parl’ESA, un budget complété par la contributiondes différentes agences spatiales nationales. Quatreautres missions demeurent à l’étude, dont deuxseront sélectionnées début 2010. Il faudra attendre2011 pour connaître le projet finaliste et 2017 pourson lancement.

> Olivier Bouladeet Alexandre Refregier

Service d’astrophysique (SAp)Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)

Unité mixte de recherche astrophysique interactions multi-échelles

(CEA-Université de Paris 7-CNRS).Direction des sciences de la matière (DSM)

CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

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déviées par les champs magnétiques intergalactiques.La solution à l’ensemble de ces problèmes passe parle neutrino. Produit dans les objets où le rayonne-ment cosmique s’accélère, il s’agit d’une particuleélémentaire neutre et donc insensible aux champsmagnétiques – il n’interagit que faiblement avec lamatière et rend donc l’Univers transparent. Il permetde sonder le cœur des objets les plus denses. Mais cetavantage devient un inconvénient : il les rend extrê-mement difficile à observer. D’où l’idée de concevoirun détecteur, suffisamment grand pour pouvoirdéceler quelques rares interactions de ces particulesfugaces, et immergé pour atténuer le flux du rayon-nement cosmique. Il recevra le nom d’Antarès.Qu’il soit immergé augmente les chances d’observerles neutrinos en se servant de la Terre comme cible.En effet, un neutrino qui interagit avec la croûteterrestre crée un « muon » émis dans la même direction. En arrivant dans le milieu marin, celui-ciproduit alors des photons Cherenkov. Antarès peutles observer grâce à son réseau de 900 photodétecteursinstallés sur 12 lignes, hautes de 450 mètres, espacéesde 65 mètres, dont la surface d’ancrage équivaut àquatre terrains de football (figure 1). Chaque ligne estmaintenue verticale par des bouées et comporte25 étages équipés de trois photomultiplicateurs etd’une électronique embarquée capable de transmettre

S’ il est un lieu où une personne non initiée n’iraitpas chercher un télescope, c’est bien dans les

profondeurs marines. Pourtant, l’expérience Antarès(pour Astronomy with a Neutrino Telescope and Abyssenvironmental RESearch) observe les cieux par2 500 mètres au fond de la mer Méditerranée, à40 kilo mètres au large de Toulon. Placer un télescopeobservant vers le bas, à travers la terre, et donc à l’in-verse des instruments tournés vers le ciel, pourraitparaitre saugrenu a priori. Pour les chercheurs, il s’agitd’un endroit qui pourrait permettre de contribuer àrésoudre une énigme encore indéchiffrée de l’astro-physique : l’origine du rayonnement cosmique quipourtant bombarde l’atmosphère en permanence.Pour comprendre l’expérience Antarès, il faut savoirque les rayons cosmiques les plus énergétiques nais-sent d’événements comme les échanges de matièredans les étoiles binaires, l’explosion de supernovaedans la Voie lactée, les jets des noyaux actifs degalaxies ou les sursauts gamma dans les zones pluséloignées du cosmos. Il faut savoir encore que lesphotons gamma, aux énergies les plus extrêmes, nepermettent de sonder les phénomènes cataclysmiquesque dans la proche banlieue de la galaxie. Difficultésupplémentaire : les particules constituant le rayon-nement cosmique – pour l’essentiel des protons –sont rapidement arrêtées ou, à plus basse énergie,

Immersion d’un étage à trois « yeux » lors du déploiement de la première ligne d’Antarès à 40 kilomètres de la Seyne-sur-Mer.

4. Antarès : le neutrino, un autre messager du cosmos

L. F

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Des outils pour sonder l’Univers

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des signaux, en temps réel, vers la côte. Là, une« ferme » de plusieurs dizaines d’ordinateurs filtre lacentaine de photons recueillie pour chaque muon, dela lumière parasite due à la radioactivité naturelle età la faune bioluminescente. Opérationnel depuis 2006, Antarès a permis d’accu-muler un grand nombre de données, notammentdes dizaines de millions de muons descendantsprovenant de l’interaction du rayonnement cosmi -que dans l’atmosphère, malgré le blindage d’eauplacé au-dessus du détecteur. Mais ce sont égalementdes muons montants, un phénomène beaucoup plusrare – seulement quelques milliers par an – induitspar des neutrinos dits atmosphériques, les seulesparticules produites lors de l’interaction du rayon-nement cosmique aux antipodes qui soient capablesde traverser la Terre. Une fois leur direction déter-minée, ces neutrinos peuplent uniformément la cartedu ciel et constituent ce que les physiciens des astro-

Ligne d’Antarès en attente d’être déployée.

Figure 1.Vue d’artiste du détecteur Antarès, un réseau de900 photodétecteurs équipant 12 lignes de 450 mètresde haut à 2 500 mètres de profondeur. Ces lignes délimitentun volume de 20 millions de tonnes d’eau utilisée pourobserver la lumière Cherenkov des particules qui la traverse (les échelles et le nombre d’éléments ne sont pas respectés).

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POUR EN SAVOIR PLUST. STOLARCZYK, Le neutrino, particule ordinaire, Collection Les petites pommes du savoir, Éditions du Pommier, 2008.http://antares.in2p3.fr et http://www.km3net.org

particules appellent « un bruit de fond ». La décou-verte d’une source cosmique n’interviendra qu’à l’oc-casion d’une accumulation anormale de quelquesneutrinos de haute énergie observée sur cette carte.Mais la détection d’une telle source apportera lapreuve irréfutable de la présence d’un accélérateur durayonnement cosmique. Compte tenu du très faible nombre d’événementsattendus, le développement de l’astronomie neu -trinos appelle un détecteur aux dimensions kilomé-triques, soit 50 fois plus grand qu’Antarès et doté deplusieurs milliers de photomultiplicateurs. L’étude dece télescope du futur a déjà commencé au sein duconsortium KM3NeT (pour Km3 scale NeutrinoTelescope), un consortium regroupant 40 laboratoiresappartenant à 10 pays européens et financé avecl’aide l’Union européenne. Prévue pour 2012, le début de la construction del’instrument concrétisera une infrastructure pluri-disciplinaire unique au monde dans le domaine dessciences environnementales (océanographie, sismo-logie, zoologie marine, climatologie...). En l’atten-dant, Antarès continue de scruter le ciel del’hémisphère Sud, à travers la Terre, à la recherche del’origine du rayonnement cosmique.

> Thierry StolarczykService de physique des particules (SPP)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière (DSM)

CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

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En même temps que l’Année mondiale de l’astronomie, 2009 célébrera le 400e anniversairedes premières observations faites avec une lunette astronomique, par Thomas Harriotet Galileo Galilei, sur les montagnes lunaires, les taches solaires, les phases de Vénusou encore les satellites de Jupiter. Aujourd’hui, les astrophysiciens ne se contentent plusde télescopes posés à terre mais envoient leurs observatoires dans l’espace pour mieuxscruter l’Univers. Parmi les instruments embarqués figurent les spectro-imageurscapables de faire, à la fois, de la spectrométrie et de l’imagerie. La contribution du CEAa été particulièrement significative dans la conception, le développement, la construction,la qualification de ces instruments dont une nouvelle génération est en train de naître.

Des spectro-imageursde nouvelle génération

Centaurus A, vue en optique, en ondes submillimétriques (orange) et en rayons X (bleu).

ESO

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Observer l’Univers dans le domainede la lumière submillimétriqueLe 14 mai 2009, Herschel et Planck, deux satellites de l’Agence spatiale européenne(ESA) dont le poids avoisine les cinq tonnes, ont été lancés ensemble par une fuséeAriane 5, à partir du Centre spatial guyanais de Kourou, et placés sur une orbite solaire à 1,5 million de kilomètres de la Terre, plus précisément au point de Lagrange L2,considéré comme le meilleur endroit accessible pour observer les rayonnementsde longueurs d’onde submillimétriques et millimétriques.

L e CEA, fortement soutenu par le Cnes, acontribué au développement, à la réalisation et

à la qualification de deux des trois instrumentsembarqués par Herschel. Il s’agit de PACS (pourPhotodetector Array Camera and Spectrometer) et deSPIRE (pour Spectral and Photometric ImagingReceiver), deux spectro-imageurs bolométriques demoyenne résolution : le premier efficace dans lagamme spectrale 60-210 µm et le second entre 200et 650 µm.

Dans le froid des premiers tempsgalactiquesHerschel, avec son miroir de 3,5 mètres de diamètre,est le plus grand télescope spatial placé en orbite à cejour. Conçu au profit de l’ensemble de la commu-nauté astronomique mondiale, il embarque un impo-sant cryostat de 2 500 litres d’hélium, liquidesuperfluide destiné à refroidir les instruments à destempératures inférieures à -271 °C. Pour les astro-physiciens, il s’agit de minimiser l’émission infrarougeet submillimétrique du nouvel observatoire et doncd’augmenter le contraste des sources observées. Le télescope spatial Herschel va ouvrir une nouvellefenêtre d’observation, celle donnant sur l’Univers froid.Là s’initient les phases les plus précoces de la gestationdes étoiles mais aussi les étapes les moins connues del’évolution des galaxies. Il faut dire, qu’à ce jour, lesmodèles mis à la disposition des chercheurs en matièrede formation et d’évolution s’avèrent encore insuffi-samment confrontés à la réalité des observations. Lapremière cause en est que ces phénomènes ne sont paslisibles en lumière visible, mais uniquement dans l’infrarouge lointain et au-delà. Or, ces gammes delongueur d’onde souffrent d’une forte absorption durayonnement par l’atmosphère. Herschel remédie àcette situation en apportant des mesures de tempéra-ture et de densité de matière, en révélant les espècesmoléculaires en jeu, mais aussi en apportant des infor-mations sur la dynamique des objets étudiés. L’autreraison permettant de comprendre l’insuffisance desdétecteurs actuels tient aussi à l’opacité atmosphé-rique. Il aura fallu attendre le début des années 1990et l’apparition des premiers détecteurs bolométriquespour que les chercheurs disposent enfin d’instrumentssuffisamment sensibles pour mesurer le rayonnementdans le domaine millimétrique. L’observatoire Herschel a grandement contribué audéveloppement de ces bolomètres aux longueursd’onde inférieures au millimètre et à stimuler lesrecherches technologiques en la matière (voirencadré).

Un bolomètre (du grec bolè quisignifie « radiation » et metron, « lamesure ») est un détecteur thermiquede rayonnement. Il s’agit donc d’undispositif capable de mesurer un fluxd’énergie incident, porté par desphotons ou des particules massives,et de le convertir en chaleur. Pour unequantité d’énergie donnée, plus lamasse (donc la capacité calorifique)du dispositif est faible, plus l’élévationde température s’avère importante.À très basse température, ce phéno-mène s’amplifie par une forte chutede la capacité calorifique de lamatière.

CEA

Le bolomètre est une sorte dethermomètre ultrasensible, capablede déceler d’infimes variations detempérature (quelques millionièmesde degré). Ici, le plan focal bolométrique32x64 pixels de l’instrument PACS.

Le 14 juin 2009, le télescope spatial Herschel, alors situé à plus d’un million de kilomètresde la Terre, a porté son premier regard sur une galaxie. Cette image de l’Univers dansl’infrarouge submillimétrique, avec une finesse de résolution inédite, a été saisie parla caméra de bolomètres de l’instrument PACS, conçue et réalisée par le CEA.

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a permis de réaliser une caméra complète, incluantles détecteurs, le cryoréfrigérateur 0,3 K, la méca-nique et l’électronique nécessaire au pilotage ainsiqu’à l’acquisition des données et, bien sûr, lesmatrices de bolomètres spécialement développéespour les besoins de la mission. Aujourd’hui, les équipes du CEA ont maîtrisé laréalisation de plans focaux de plusieurs milliers depixels par des procédés de fabrication collective,dérivés de la micro-technologie du silicium déve-loppée par le Leti. Il s’agit d’un bond technologiquecomparé à l’offre des autres laboratoires se conten-tant seulement de quelques dizaines voire dequelques centaines de détecteurs. Leur limitationrésulte des dispositifs mis en place pour capter lerayonnement : cornets en face de chaque détecteur,sphères intégrantes, assemblage manuel de chaquepixel, etc. Nos avancées ont bénéficié du contexteexceptionnel des années 1990, marquées par l’essorde la micro-électronique, notamment avec l’avène-ment de puces capables de contenir différents typesde capteurs obtenus par gravure profonde et collec-tive du silicium (micro-accéléromètres pour lesairbags équipant les véhicules automobiles, détec-teurs de méthane destinés à l’habitat…). À cet élantechnologique s’ajoutait une circulation de l’infor-mation plus détendue que celle qui avait été envigueur au cours des années précédentes : des idéesanciennes concernant l’absorption des ondesélectromagnétiques sont redevenues au goût dujour. Elles ont été adaptées au problème de la détec-tion par les équipes du Leti pour être compatiblesavec les procédés de fabrication collective. Plus rienne s’opposait à la réalisation de grandes matrices dedétecteurs.Reste, pour les chercheurs, à relever un autre défi,celui de faire en sorte que la sensibilité des nouveauxdétecteurs ne soit plus limitée que par les fluctua-tions de rayonnement émanant du miroir du téle-scope (pourtant refroidi à près de -200 °C). Jusqu’àprésent, les détecteurs nus dont la surface n’atteintpas le mm2, pouvaient déjà distinguer l’équivalentd’une ampoule électrique de 100 Watt située à300 km de là. Avec le télescope Herschel, l’observa-toire fera bien mieux en détectant une sourceanalogue mais placée, cette fois, à la distance de laLune ! Parvenir à une telle performance suppose derefroidir chaque bolomètre, véritable détecteur ther-mique de rayonnement, à une température bien plusbasse que celle de l’instrument, soit 0,3 Kelvin. Pouratteindre cette température dans l’espace, les cher-cheurs recourent à des cryoréfrigérateurs à évapo-ration d’hélium (3He) en circuit fermé, développéspar le Service des basses températures (SBT) duCEA. La principale difficulté soulevée par ce type desystème réside dans le « budget » de puissance totaledisponible sur le plan focal, à savoir 10 µW – puis-sance indispensable pour la polarisation, la lecture,les connexions électriques et mécaniques des détec-teurs. La mise au point d’un multiplexage astucieuxa permis aux chercheurs de mettre en œuvre2 560 bolomètres opérationnels sur la caméra dePACS, dans ce « budget » de puissance, alors quel’instrument SPIRE, de facture plus classique bienque pourvu du même cryoréfrigérateur, n’en piloteque 300 !

Le cryostat d’Herschel contient 2 500 litres d'Hélium, ce qui assure à la mission une autonomie d’environ 3 ans.Il maintient l'ensemble du plan focal à une température de -271°C. Le télescope est, quant à lui, refroidi passivementà -200 °C grâce à une protection thermique.

ESA

À droite : une vue d'artiste du satellite Herschel dont le télescope et l'instrumentation ontété placés au-dessus d'un réservoir d'hélium. À gauche : Herschel étudiera les sites de formation d'étoiles dans une gamme d'énergie inexplorée (image de Rho Ophuciusvue par le satellite ISO).

Défis technologiques en chaîne La contribution matérielle du CEA a été particuliè-rement significative concernant le spectro-imageurPACS. D’abord, par une implication pluristructu-relle incluant l’Institut nanosciences et cryogénie(Inac) et l’Institut de recherches sur les lois fonda-mentales de l’Univers (Irfu), tous deux faisant partiede la Direction des sciences de la matière, avec leLaboratoire d’électronique et de technologies de l’information (Leti) de la Direction de la recherchetechnologique. Ensuite, parce que cette coopération

Des outils pour sonder l’Univers

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Ces détecteurs se répartissent en deux plans focauxdans les gammes respectives de 60 à 130 µm et 130à 210 µm. Dans la caméra, leur distribution permetde cartographier la même zone du ciel mais à deslongueurs d’onde différente s. À plus courtelongueur d’onde, la complexité du plan focal s’éta-blit à 64 x 32 pixels, ce qui permet de bénéficier aumieux de la résolution du grand miroir d’Herschel ;en revanche, une complexité de 32 x 16 pixels suffitaux plus grandes longueurs d’onde. Chaque planfocal est formé de modules 16 x 16 pixels « abouta-bles » sur trois côtés. Et comme les détecteursprésentent une large bande spectrale d’absorption,le montage des modules s’opère indifféremment surl’une ou l’autre des voies optiques. Seuls les filtresoptiques placés devant chaque plan focal définissentalors la gamme de longueurs d’onde. Chaque pixeldu module correspond à un bolomètre siliciumpréalablement hybridé, au moyen d’une bille enindium, à un circuit de lecture et de multiplexage entechnologie CMOS (pour Complementary MetalOxide Semiconductor)(1). L’opération d’hybridationconduit à trois fonctionnalités :

• l’interconnexion électrique habituelle du bolo-mètre au circuit de lecture ;

• la réalisation d’une cavité optique pour piéger effi-cacement la lumière incidente ;

• la tenue mécanique et la thermalisation du bolo-mètre. La taille des billes d’hybridation a été calculée pourque la cavité résonnante s’accorde à la longueurd’onde à absorber. Cette cavité comprend la grillebolométrique ainsi qu’un réflecteur situé sur lecircuit CMOS : elle favorise l’absorption maximalede l’onde incidente, proche de l’unité. L’absorptions’effectue dans un métal déposé sur la grille et dontl’impédance de surface est adaptée à celle du vide.

Il faut travailler surla problématiquedu refroidissement desdétecteurs embarquéssur les satellites, pourque ceux-ci marchentparfaitement durantau moins dix ans.Les cryoréfrigérateursrefroidissent les détecteursà quelques centainesde millikelvins. Ici, essaisthermiques surle cryoréfrigérateurde rechange du satelliteHerschel.F.

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(1) Succédant aux transistors bipolaires, la technologie CMOS consiste à fabriquer des composants électroniques à faible consommation électrique dédiés à la conception des processeurs.

Quant à la grille bolométrique en silicium, ellese trouve suspendue par des poutres très fines ( 2 µm) et faiblement conductrices de la chaleur.Ce dispositif permet au rayonnement ténu absorbéd’induire une élévation mesurable de sa tempéra-ture. Enfin, un thermomètre en silicium dopé, situéau centre de la grille, réalise la mesure en exploitantune loi exponentielle de la résistance avec la tempé-rature. Il révèle un cœfficient de température de prèsde 3 000 %/K. Comparée à une surface « pleine », lagrille présente un double avantage : d’abord, celui deposséder une masse calorifique plus faible garantis-sant une vitesse de réponse thermique ; ensuite, celuid’offrir une moindre susceptibilité aux parti-cules cosmiques ionisantes présentes dansl’en vi ron nement spatial. Bien sûr, l’utilisa-tion d’une grille pour absorber lalumière peut poser question : cettelumière n’allait-elle pas « passer »par les trous de la grille ? Ce n’estpas le cas pour la bonneraison que la lu mière ne« distingue » pas les détailsinférieurs à sa longueurd’onde. Il suffit donc defabriquer une grille d’unpas inférieur à la longueurd’onde à détecter.Concernant les modules16 x 16, chacun d’entre euxfut évalué individuellementlors de campagnes de testsréalisées entre 2003 et 2005.Au vu des performances, ilsont été intégrés dans lesplans focaux et étalonnésune première fois. Ensuite,une fois la caméra complèteintégrée dans l’instrumentPACS – cryoréfrigérateur etl’électronique de vol compris –

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Réfrigérateur à hélium 3.

CEA

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CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009120

un étalonnage final a pu être opéré en deux étapes :la première, réalisée sur le centre du CEA de Saclay,en 2006, et la seconde, à Garching (Allemagne),l’année suivante. Au début de l’année 2008, ce fut autour de l’instrument PACS de prendre place à borddu satellite Herschel avec SPIRE et HIFI (pourHeterodyne Instrument for Far-Infrared). Les derniersajustements réalisés (changement des connecteursdéfaillants du satellite, re-routage des câbles pouréviter les perturbations dues aux panneauxsolaires…), le satellite fut déclaré « bon pour leservice » en décembre 2008.

Perspectives Actuellement, les équipes ayant développé cettecaméra submillimétrique tendent leurs efforts versdeux directions.

• La première consiste à pousser les matrices debolomètres de PACS vers les plus grandes longueursd’onde afin de les installer sur de grands télescopes

CEA

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Un des plans focaux bolométriques (32 x 64 pixels) équipant l’instrument PACS.

Photographie au microscope électronique à balayage d’un pixel bolomètre.

au sol. L’opération nécessite l’adaptation préalablede ces matrices aux différentes « fenêtres » atmos -phériques, c’est-à-dire aux différentes bandes spec-trales étroites où l’atmosphère (en altitude) n’estpas totalement opaque (200, 350, 450 et 865 µm).L’intérêt de ce travail ne réside pas tant dans la sensi-bilité des mesures (impossible de rivaliser avec lespatial !) que dans l’utilisation de très grands téle-scopes (12 à 15 mètres de diamètre) capables d’of-frir des pouvoirs séparateurs bien plus importants.Leur adaptation aux plus grandes longueurs d’ondese fera surtout par l’augmentation de la taille desbilles d’hybridation.

• L’autre voie concerne le développement de détec-teurs beaucoup plus sensibles destinés aux futuresmissions spatiales. Aujourd’hui, deux projets bénéficient déjà deces développements. Il s’agit d’ArTeMiS (pourArchitecture de bolomètres pour des télescopessubmillimétriques au sol), une caméra bolomé-trique de 5 000 pixels destinée au télescope APEX(pour Atacama Pathfinder Experiment), installé auChili, et de PILOT (pour Polarized Instrument forLong wavelenght Observation of the Tenous interstelarmedium), expérience dotée de deux plans focaux,montés dans une caméra embarquée sous ballon,pour mesurer l’émission polarisée du rayonnementen provenance de la Voie lactée.Enfin, l’optimisation du bolomètre devrait égale-ment pouvoir servir à diverses applications à trèsfaible flux de fond. C’est le cas de SPICA (pour SpaceInfrared Telescope for Cosmology and Astrophysics),mission spatiale conduite par l’Agence japonaise(JAXA) en collaboration avec l’Agence spatialeeuropéenne (ESA), dont le lancement interviendraà l’horizon 2018. Ce télescope spatial utilisera lemême miroir qu’Herschel mais refroidi à -268 °C !Pour optimiser au maximum cette nouvelle confi-guration, les chercheurs devront augmenter la sensi-bilité des détecteurs d’un facteur 100 au minimum.Pour atteindre une telle sensibilité (puissance debruit de 10-18 watts), le refroidissement du bolo-mètre silicium sera abaissé jusqu’à 0,05 Kelvin. Afin de répondre aux défis lancés par cette nouvellemission, le CEA s’est engagé dans une phase d’étudespréliminaires. Par exemple, les chercheurs duSBT travaillent déjà à la conception d’un cryoré -frigérateur à désaimantation adiabatique pourl’espace. SPICA devrait ouvrir la voie à d’autresprojets passionnants comme les expériences FIRI(pour Interférométrie bolométrique dans l’espace)ou BPOL (pour Mesure de la polarisation du fondcosmologique à 3 K).

> Patrick Agnese Département d’optroniqueLaboratoire d’électronique

et de technologies de l’information (Leti)Direction de la recherche technologique (DRT)

CEA Centre de Grenoble

> Louis Rodriguez Service d’astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière

Unité mixte de recherche astrophysique interactions multi-échelles

(CEA-Université de Paris 7-CNRS)CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

Des outils pour sonder l’Univers

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Dans les lumières d’IXO

S’il doit exister un observatoire pour nous éclairer sur l’astronomie des rayons X dansl’Univers, sans nul doute s’agit-il d’IXO. L’intérêt des chercheurs pour ce rayonnements’explique parce que la plupart des sources astrophysiques émettent, peu ou prou, enrayons X et que ces derniers sont une véritable mine de renseignements scientifiquessur ces sources, constituant ainsi un merveilleux outil d’observation.

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 121

L’univers des rayons X

Reste de la supernova(étoile qui explose en finde vie) Cassiopée A.L'image en rayons X,obtenue par le satelliteChandra, montre enfausses couleursl'expansion d'une bulle degaz à plusieurs millionsde degrés à l'intérieurd'une envelopped'électrons extrêmementénergétiques.C

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Vue d’artiste d’IXO.

IXO est le projet phare de l’astronomie desrayons X en ce début de siècle. Ce projet estné de la fusion de deux grands projets. L’unaméricain, Constellation-X, qui devait êtreune batterie de quatre sondes observantsimultanément la même région du ciel etl’autre européen, XEUS (pour X-ray EvolvingUniverse Spectroscopy). Celui-ci était cons-titué de deux sondes, l’une « miroir » et l’autre « détecteur », volant en tandem à laprécision de quelques millimètres dansles trois dimensions. Essentiellement pourdes raisons de coût, les deux projets sonten cours de fusion depuis août 2008.Le nouveau projet envisagé consiste en unsatellite déployable. C’est-à-dire qu’ilpartira dans la coiffe de la fusée, replié, etqu’une fois dans l’espace, un mécanismeper mettra de l’étendre jusqu’à une dizaine

de mètres de distance focale (un peu à lamanière d’une longue-vue de marine). Parailleurs, le miroir de ce télescope sera d’untype tout à fait révolutionnaire. Jusqu’àmaintenant, presque tous les observatoiresspatiaux en rayons X ont utilisé la techniquedes coquilles métalliques à symétrie cylin-drique enchâssées l’une dans l’autre pources miroirs à incidence rasante. La tech-nique proposée pour le très grand miroird’IXO sera basée sur les développementsdes technologies du silicium. L’élément debase de ce miroir est constitué de siliciumcannelé et cintré. Chaque élément est colléà son voisin pour former une structureressemblant à une galette de microcanaux.L’avantage énorme de cette technologieréside tant dans sa légèreté que dans larigidité de l’ensemble, ce qui rend le miroir

très attrayant pour partir en fusée. Cetobservatoire sera placé au point deLagrange L2 du système Soleil-Terre, cequi permettra des observations de trèslongue durée (quasiment sans éclipse) dansun environnement extrêmement stable.

L’ atout d’IXO (pour International X-rayObservatory : voir encadré) réside dans sa

capacité d’observer sur une très longue duréedans un environnement extrêmement stable.Pour mener à bien sa mission, il emportera un

spectro-imageur à base de matrices de micro -calorimètres, possédant la meilleure résolutionspectrale jamais atteinte par un spectromètredispersif en énergie, de 2 eV pour des photons Xde 6 keV.

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Principe du microcalorimètre X

Réaliser la mesure calorimétrique d’un seul photon X suppose de prendre encompte deux notions majeures :1- La propriété de la grande majorité des matériaux d’avoir une capacité calo-rifique spécifique dont la valeur diminue avec la température. Cela permetd’obtenir une élévation de température non négligeable avec la seule énergied’un photon X dissipée dans un pixel détecteur, sous réserve qu’il soit de petitedimension (d’où le terme de microcalorimètre) et, surtout, maintenu à bassetempérature (de l’ordre de 0,05 K).2- L’existence de senseurs (thermomètres) suffisamment sensibles à ces trèsbasses températures, pour mesurer une élévation de température (quelquesmicrokelvins). Les thermomètres le plus souvent utilisés délivrent un signal électrique sousforme d’une tension (senseur semi-conducteur, silicium ou germanium) oud’un courant (senseur à transition supraconductrice) proportionnel à la tempé-rature. La mesure de la courbe temporelle (pulse induit par le dépôt d’énergiedu photon X) permet de déterminer l’énergie déposée avec une excellente réso-lution spectrale.

Structure d’un pixel microcalorimètre. Une impédance thermique entre l’absorbeur et le senseur favorise une thermalisationcomplète de l’énergie dans l’absorbeur avant que la chaleur correspondante ne soittransmise au senseur. Ensuite, la chaleur évacuée lentement vers la source froidemettra le pixel à un niveau qui le rendra sensible au rayon X incident. Entre temps, seraréalisée la mesure fine de la courbe de température, associée par le thermomètre.

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Le rayonnement X comme traceur La quasi-totalité des sources astrophysiques émet-tent des rayons X et certaines n’émettent d’ailleursque des rayons X. À ces énergies (l’usage veut quel’on s’exprime en énergie pour traiter du rayonne-ment X), les photons se font pénétrants et donccapables de ramener des informations précieuses,notamment sur les processus enfouis au sein desnuages de matière. Le rayonnement X fait doncoffice de traceur, à la fois pour la matière à très hautetempérature (quelques millions de degrés), et pourles électrons à haute énergie en interaction avec unchamp magnétique ou des photons de basseénergie. La matière peut être portée à ces hautestempératures par les potentiels de gravitationintenses au sein des amas de galaxies, auprès desobjets compacts massifs ou encore à l’occasion d’ex-plosions stellaires. En collectant et détectant lerayonnement X, les chercheurs ouvrent une nouvellefenêtre donnant sur l’Univers « violent ». Parmi les

atouts des rayons X, celui d’être réfléchis sous inci-dence rasante permet l’utilisation de télescopes àmiroir. L’interaction des rayons X avec le milieudétecteur, relativement ponctuelle, débouche surune imagerie à haute résolution angulaire. Il n’enva pas ainsi dans le domaine gamma à plus hauteénergie où les optiques par réflexion deviennentinopérantes, faisant que les collimateurs n’autorisentqu’une imagerie à basse résolution angulaire. Quantau dépôt d’énergie d’un photon, essentiellementobtenu par effet photoélectrique, il tient dans unpixel situé à l’intérieur d’un détecteur matriciel detaille raisonnable. Pour toutes ces raisons, la spec-trométrie dispersive en énergie à haute efficacitéquantique devient aujourd’hui envisageable pourchaque photon absorbé. Il s’agit d’une avancéenotable comparée aux résultats de la spectrométriedispersive en longueur d’onde. Obtenue, à plusgrande longueur d’onde, au moyen de dispositifsoptiques comme les réseaux, il s’agissait d’une tech-nique très « dépensière » en photons. Pour les astrophysiciens, l’observation des raies defluorescence X et du continuum (émis thermique-ment ou par les électrons en interaction avec lechamp magnétique ou les photons) ouvre une mined’informations inédites sur la composition, ladensité, la température et la dynamique de la matièreà très haute température, mais aussi sur le champmagnétique local. Encore faut-il, à ces astrophysi-ciens, pouvoir disposer d’une plate-forme spatialeéquipée d’un instrument spectro-imageur perfor-mant, les rayons X étant arrêtés par l’atmosphère !

Un savoir-faire virtuose Lancés en 1999, deux télescopes dédiés à l’astro-nomie X sont actuellement satellisés en orbiteterrestre. Il s’agit de XMM-Newton (pour X-RayMulti Mirror) et de Chandra(1). L’un et l’autre sontéquipés de spectro-imageurs à base de CCD (pourCharge-Coupled Device), c’est-à-dire de dispositifs àtransfert de charge en silicium. Dans leurs détecteurssemi-conducteurs, l’énergie déposée par unphoton X se mesure en inventoriant les pairesélectrons-trou créées. La difficulté réside dans lefait que l’énergie de ce photon X est aussi dissipéeen chaleur, qui entre en compétition avec la produc-tion des paires d’électrons-trou. Dès lors, la quan-tité d’énergie mesurée fluctue d’un photon Xabsorbé à l’autre et cela, à énergie incidente équiva-lente. La résolution spectrale obtenue ne peut alorsêtre meilleure qu’une valeur plancher (120 eV@ 6 keV). Les chercheurs rencontrent là une limiteintrinsèque au milieu détecteur (ici, le silicium) et àce mode de détermination de l’énergie (comptagedes paires d’électrons-trou) à laquelle ils ne pour-ront jamais remédier. Pour que ces fluctuations nefassent pas obstacle à la réalisation des mesures, latotalité de l’énergie doit se retrouver préalablementsous forme de chaleur et ainsi permettre la mesurede la température associée (c’est de la calorimétrie). Une coopération a été organisée, au sein du CEA,entre le Laboratoire d’électronique et de techno-logies de l’information (Leti) et l’Institut de

(1) Du nom de l’astrophysicien américain d’origine indiennedisparu, en 1995, Subrahmanyan Chandrasekhar.

absorbeur

senseur(thermomètre silicium)

source froidetempérature entre 50 et 100 mK

photon X (E)

lien thermique

lien thermique

pixel

résultats :courbe thermiquetempérature en fonction dutemps, quelques millisecondes

t

�T= ECT

T° = la température�T = la variation de températureE = l’énergie photonCT = capacité calorifique du pixelt = le temps

Des outils pour sonder l’Univers

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recherche fondamentale sur les lois de l’Univers(Irfu). Pour ces équipes, il s’agit de développer desmatrices de microcalorimètre (voir encadré) envue d’améliorer la résolution spectrale d’un oudeux ordres de grandeur et ainsi dépasser lesdétecteurs semi-conducteurs. L’expérience acquisedans le domaine infrarouge et submillimétriquegrâce aux matrices de microbolomètres (dans cedomaine de longueur d’onde, il s’agit de la mesured’un flux) s’est avérée d’autant plus efficace que denombreuses technologies silicium, déjà utiliséespar l’instrument PACS (pour Photo detector ArrayCamera and Spectrometer) se trouvent directementtransposables sur les matrices de microcalorimè-tres. Cette R&D vise à construire des matrices degrande taille (32 x 32 pixels), selon une conceptiondu pixel capable d’intégrer les spécificationscontraignantes de l’astronomie X (voir encadréLes lumières d’IXO). La réalisation des pixelsmicrocalorimétriques (500 x 500 µm2) par micro-usinage dans une plaque de silicium sur isolant(SOI) appelle un savoir-faire virtuose. Les résul-tats montrent des senseurs extrêmement fins(moins de 1,5 µm d’épaisseur) reliés à la sourcefroide au moyen de poutres de silicium dont lasection ne dépasse pas les quelques microns carrés.Autant de performances compatibles avec l’exi-gence de solidité puisque les senseurs supportentleur assemblage par hybridation, au moyen debilles d’indium, avec des absorbeurs constitués deminces feuilles de tantale. Par ailleurs, il a fallutoute l’expertise du Leti pour réussir l’intégrationdu thermomètre dans la plaque suspendue. Eneffet, cet instrument comportant une résistancevariable en fonction de la température (de l’ordredu mégohm à 50 mK), le contrôle d’un hautniveau de dopage (à une fraction de pour-centprès) s’imposait, avant de l’homogénéiser par untraitement à haute température. Cette techniquede fabrication a permis la réalisation de thermo-mètres enfin capables d’atteindre les performancesrequises.Restait encore à traiter la question des matrices degrande taille. Jusqu’à présent, celles de petitedimension se fabriquaient par assemblage manueldes absorbeurs avec les senseurs, opération réalisée

sous microscope. Or, cette technique ne convientpas aux matrices de grande taille. D’où l’idée d’unematrice prototype de 64 pixels hybridés, extrapo-lable à de plus grandes tailles, que le Leti a réaliséegrâce à une technologie de report (absorbeur sursenseur) non plus manuelle mais collective.Néanmoins, un obstacle de taille empêche encorela réalisation d’un plan focal à partir d’unemosaïque constituée avec ce type de matrices,à savoir l’inexistence d’une électronique de proxi-mité fonctionnant à basse température. Indispen -sable à la lecture et au multiplexage, cetteélectronique doit être cryogénique pour trouver saplace dans le cryostat au plus près du détecteur,position qui présente une multitude d’avantages :simplicité, fiabilité, immunité au bruit, augmen-tation de la bande passante, réduction de la puis-sance parasite sur les cryoréfrigérateurs de vol (auxperformances obligatoirement limitées). Danscette optique, les chercheurs explorent aujourd’huides voies originales comme les Transistors à hautemobilité électronique (HEMTs) en GaAlAs/GaAs(arséniure de galium et arséniure de galium-aluminium) ou les ASICs (pour Application-Specific Integrated circuit) en silicium-germanium.Ces avancées bénéficieront incontestablement àl’amélioration des performances des futurs obser-vatoires dédiés à l’astronomie X, leur surface effec-tive ou leur résolution spectrale notamment. Leschercheurs en sont persuadés : de nouvelles décou-vertes astrophysiques, aujourd’hui encore impré-visibles, en résulteront.

> Patrick Agnese Département d’optroniqueLaboratoire d’électronique

et de technologies de l’information (Leti)Direction de la recherche technologique (DRT)

CEA Centre de Grenoble

> Claude PigotService d’astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière (DSM)

Unité mixte de recherche astrophysique interactions multi-échelles

(CEA-Université de Paris 7-CNRS)CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)Matrice senseur

Matrice d’absorbeur en tantale.

A. A

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/CEA

A. A

liane

/CEA

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À l’environnement spatial correspondent des contraintes spécifiques dontla résistance mécanique liée au décollage, l’absence de gravité, la plus critiqued’entre toutes concernant la fiabilité d’instruments prévus pour fonctionner 5 à 10 ans sans panne. La solution viendrait de systèmes dotés de pièces mobilessans frottement, voire dépourvus de pièces en mouvement.

Des cryoréfrigérateurs pour l’espace

L. V

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roux

/CEA

Installation d’uncryoréfrigérateur de vol

sur le cryostat de test. C omment obtenir des températures cryogé-niques dans l’espace ? Le moyen le plus simple

consiste à profiter des ressources naturelles disponi-bles – par exemple, celles offertes par le vide quasiparfait de l’Univers et le « fond » froid du ciel.L’absence de matière (notamment de gaz) limite leséchanges de chaleur aux seuls transferts radiatifs.Dès lors, en se positionnant face au fond noir du cielqui rayonne à environ 2,7 K, il s’avère théorique-ment possible de refroidir une surface jusqu’à destempératures de seulement quelques kelvins(1).Dommage qu’en pratique, la méthode ne vaille quepour des orbites particulières – les meilleurssystèmes, appelés radiateurs passifs, ne permettantpas d’atteindre des températures inférieures à 30 ou40 K. Une autre solution consiste à prendre unliquide cryogénique, préalablement liquéfié sur terreet stocké dans un réservoir appelé cryostat, puis deprofiter du vide intersidéral pour obtenir un refroi-dissement par évaporation. Cette technique permet

d’atteindre des températures de 1,5 K en utilisant del’hélium – l’obtention de températures inférieuresnécessitant de passer par d’autres solutions techno-logiques.

Du cryostat au cryoréfrigérateurPourtant, les orientations actuelles de la cryogéniespatiale privilégient la suppression de cryostats auprofit de systèmes, appelés cryoréfrigérateurs,conçus pour refroidir jusqu’aux températures cryo-géniques (en dessous de 120 K). En effet, bien quel’utilisation de cryostats soit une technique simple etoffrant de multiples avantages, celle-ci n’en présentepas moins deux inconvénients majeurs : une masseet un volume importants qui limitent la durée demission en raison de l’assèchement du réservoir. Enrevanche, les cryoréfrigérateurs peuvent fonctionnerquasi indéfiniment car leur source électrique s’ali-mente grâce à l’énergie photovoltaïque disponibledans l’espace, ce dont bénéficient déjà presque toutesles missions spatiales.Le SBT, notamment le Laboratoire cryoréfrigérateurset cryogénie spatiale, développe depuis plusieurs

(1) La correspondance entre l’échelle en kelvin (K) avecles degrés Celsius est facile : l’échelle de kelvin prend sonorigine au zéro absolu (-273,15 °C) et 1 K vaut donc 1 °C.

Des outils pour sonder l’Univers

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années des systèmes de refroidissement adaptés auxdifférentes contraintes spatiales. Pour les froidsextrêmes, la solution consiste à associer plusieurscryoréfrigérateurs en cascade pour couvrir l’intégra-lité de la gamme des températures. Ces chaînes cryogéniques peuvent atteindre des températures de20 mK (-273,13 °C). Actuellement, trois technologiesémergent pour obtenir le refroidissement d’uncomposant destiné à une application spatiale, et à destempératures inférieures à 1 K (-272,15 °C) :

• le refroidissement par évaporation utilisant unisotope de l’hélium (l’hélium 3) ;

• le refroidissement magnétique par désaimantationadiabatique ;

• la dilution, c’est-à-dire les propriétés des deuxisotopes de l’hélium. Les équipes du SBT développent toutes ces techniques.La première d’entre elles leur a valu une réputationmondiale depuis son utilisation par les instrumentsSPIRE (pour Spectral and Photometric ImagingReceiver) et PACS (pour Photo detector Array Cameraand Spectrometer) embarqués sur le satellite Herschel. Pour comprendre le principe du cryoréfrigérateur, ilfaut savoir que le refroidissement par évaporationrépond au même mécanisme physique que la transpi-ration. Pour l’eau, le passage de l’état liquide à l’étatde vapeur requiert de l’énergie ; mais en l’absence detoute source de production extérieure d’énergie, lasolution pour en obtenir consiste à ponctionnerdirectement sur l’agitation thermique des atomes.Par conséquent, il devient alors possible de procéderau refroidissement. Cette propriété vaut pour tous lesfluides ou presque, même la transpiration procède dela sorte pour réguler la température corporelle. Pourl’hélium 3, elle permet d’atteindre des températuresde -272,85 °C (300 mK). En revanche, l’hélium 3 nepeut couvrir seul l’intégralité de la gamme depuis latempérature ambiante. Aussi, pour les besoins de lamission Herschel, a-t-il fallu lui associer de l’hélium 4(un énorme réservoir d’environ 2 500 litres) indispen-sable pour obtenir une température d’environ 2 K.Concernant les basses températures, il faut soulignerque les avancées ne s’apprécient pas en termes dedifférence mais plutôt de rapport. En l’occurrence,refroidir de 2 K à 300 mK (rapport 7) s’avère prati-quement aussi difficile que de passer de la tempéra-ture ambiante (293 K) à -230 °C (42 K). Pour optimiser le taux d’évaporation, les chercheursprocèdent par pompage et, pour gagner en fiabilité,s’appuient sur les propriétés d’adsorption des char-bons actifs, ce qui leur évite l’emploi de piècesmobiles. Il faut dire que ce matériau offre une surfaceimportante ( 1 200 m2/gr) qui, une fois refroidie,« piège » les molécules de gaz puis, à l’inverse, les« relâche » lorsqu’elles se trouvent chauffées (phéno-mène d’adsorption physique lié aux forces de Van derWalls). Les températures d’adsorption et de désorp-tion dépendent alors de la nature du gaz. Dans le casde l’hélium, en chauffant le charbon actif à -230 °C(45 K), puis en le refroidissant à -270 °C (3 K), ildevient possible d’obtenir les pressions nécessaires àla condensation du liquide, puis à son pompage. Ainsipeut-on alors abaisser la pression et donc la tempé-rature (figure 1). Entièrement statique, ce processusse révèle très efficace en matière d’amplitude de pres-sion. Dans le cas présent, il permet d'obtenir un taux

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de compression/détente de six ordres de grandeur(106), ce qui n'a pas d'équivalent avec des systèmesmécaniques.

Un liquide sans gravitéEnvoyer des instruments dans l’espace suppose encorede résoudre la question de l’apesanteur. La gestion duliquide se règle par un confinement capillaire au seind’un matériau poreux jouant le rôle d’éponge.Composé d’une mousse d’alumine, ce matériauprésente une porosité ouverte, c’est-à-dire que chaquepetite cavité communique avec ses voisines, laissant auliquide la possibilité de se déplacer, et au gaz celled’être pompé. Le cycle thermodynamique ici envigueur suppose de pouvoir contrôler les gradientsthermiques dans le système, c’est-à-dire de maîtriserla répartition des températures. Là encore, le moyend’y parvenir passe par une technique exempte de toutepièce mobile, à savoir celle des interrupteurs ther-miques à gaz d’échange. Dans les systèmes cryogé-niques, leur rôle équivaut à celui des interrupteursélectriques : mise en contact thermique de deuxcomposants (écoulement de chaleur) ou, au contraire,isolement de l’un avec l’autre. Le basculement entre laposition fermée (On) ou ouverte (Off) repose sur laprésence, ou l’absence, de gaz entre deux piècesconcentriques. La gestion du gaz s’opère au moyend’une minipompe à adsorption, exempte de toutepièce mobile.

Figure 1.Diagramme de phase de l’hélium 3 avec point extrême du cycle pour le liquide.

Principe du confinement capillaire. L’évaporateur (demi-sphère de titane visible surla photographie) contient un matériau poreux jouant le rôled’une éponge.

CEA

liquide

température

pres

sion

gaz

point critique

O,3 K (-272,85°C) 2 K (-271°C)

confinement

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Décollage et résistance mécaniqueEnfin, parmi les ultimes contraintes liées à l’envoid’instruments dans l’espace, mais non des moindres,figurent encore l’isolation thermique nécessaire àl’obtention des très basses températures et la tenuemécanique requise pour résister à un décollage defusée, celui d’Ariane 5 par exemple. Pour les résoudre,les chercheurs utilisent des suspentes en Kevlar. Cematériau présente le double avantage d’une faibleconductivité thermique et d’une très forte résistancemécanique (deux fois la résistance d’un fil en acierde même diamètre). Que la durée de vie de ce typede cryoréfrigérateur ne soit pas limitée, a priori,découle directement de l’absence de pièce mobile. Lapreuve en est que plusieurs systèmes fonctionnent enlaboratoire, depuis plus de vingt ans, sans que leurs

performances s’en trouvent altérées. En effet, bienqu’utilisant de l’hélium liquide pour leur fonction-nement à basse température, ces systèmes demeurantscellés peuvent se recycler indéfiniment après l’éva-poration de la dernière goutte de liquide. La limitevient seulement de la disponibilité de l’étage supé-rieur. Ainsi, dans le cas de Herschel, le réservoir prin-cipal devrait s’assécher après trois ans et demi defonctionnement.Les futures missions SPICA (pour Space Infrared tele-scope for Cosmology and Astrophysics) et IXO (pourInternational X Ray Observatory) appelleront desmoyens de refroidissement visant des températuresplus basses encore (50 mK). Le savoir-faire acquis dansle domaine des systèmes 300 mK à évaporation d’hé-lium, enrichit le développement en cours d’une archi-tecture originale, associant un système du typed’Herschel avec un ou plusieurs étages de désaiman-tation adiabatique (refroidissement magnétique).Cette combinaison devrait diminuer, de manièresignificative, la masse du cryoréfrigérateur et doncaugmenter la part de « science » embarquée. Pour cesdeux futures missions, la chaîne cryogénique secomposera uniquement de cryoréfrigérateurs méca-niques : d’où l’allongement possible de la durée desmissions ainsi que l’optimisation de la masse « utile »embarquée. Ces avancées acquises, les chercheursdoivent encore relever plusieurs défis technologiques.Le premier d’entre eux concerne l’association d’unsystème de type Herschel, qui génère des pics de puis-sance lors des phases de recyclage, avec les étages supé-rieurs mécaniques qui, eux, acceptent mal ces pics.L’objectif sera donc d’imaginer et de concevoir unearchitecture thermique permettant de distribuer auxmieux les rejets thermiques.

> Lionel DubandService des basses températures (SBT)

Institut nanosciences et cryogénie (Inac)Direction des sciences de la matière (DSM)

CEA Centre de Grenoble

Essais vibratoires auCentre spatial de Liège.

Installation d’un modèlede vol sur la table

vibrante.

Après le décollage, le satellite se retrouve dans le vide de l’espace, livré à la chaleur duSoleil. Ces conditions peuvent être testées, en salle blanche, sur des modèles d’essais.

L. D

uban

d/C

EA

CEA

Des outils pour sonder l’Univers

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CEA

Il est une part encore secrète de l’Univers, celle où se manifestent les trous noirset les sites d’accélération de particules du rayonnement cosmique. La connaissancede ces phénomènes, parmi les plus énergétiques de l’Univers, suppose d’explorerun domaine particulier du rayonnement cosmique : celui des rayons X durs et des rayons gamma (entre 1 keV et 1 MeV).

Dans l’Univers extrême et violent

D ans le spectre des rayons X durs et gamma,l’exploration du ciel ne fait que commencer !

Une certitude pourtant : dans cette gamme d’énergie,l’atmosphère oppose une véritable barrière à laprogression des photons. L’idée sera donc de lancerun télescope spatial pour observer au-delà de cettefrontière et qu’il soit doté d’un spectro-imageur. Cetinstrument devra détecter les photons gamma, enmesurer la direction d’origine et l’énergie, en déter-miner la date d’arrivée (avec une précision d’unmillionième de seconde) et si possible encore la pola-risation. Souvent faibles, parfois lointaines etfurtives, les sources recherchées exigent pour leurétude le recensement du plus grand nombre dephotons possible. Aussi, les quelques grains delumière que ces sources émettent, noyés au milieud’un intense bruit de fond, exigent-ils des instru-ments d’une très grande sensibilité et de la plus hauteefficacité de détection possible pour être observés.Bien que la combinaison de détecteurs performantset innovants avec des technologies spatiales aitpermis des avancées spectaculaires, il n’en demeurepas moins que la détection – un par un – des photonsgamma dans l’espace figure comme l’un des grandsdéfis lancés aux astrophysiciens.

Révolution dans l’astronomiedes hautes énergiesVoilà déjà une vingtaine d’années que les astrophysi-ciens observant dans la gamme des rayons X durset gamma, ont troqué leurs scintillateurs pour desdétecteurs plus sensibles et plus complexes à base de semi-conducteurs en silicium et en germanium, puissurtout en tellurure de cadmium (CdTe), excellentmatériau pour la détection des photons gamma. Pourl’astronomie des hautes énergies, ce fut une révolution.En effet, grâce à leur pixellisation, ces instruments,véritables appareils photo numériques à rayonsgamma embarqués sur des satellites, apportent unefinesse d’image, une précision de datation, une sensi-bilité et une mesure de l’énergie de chaque photonencore jamais atteintes auparavant. Le CEA a joué unrôle majeur dans la conception de cette nouvelle géné-ration de spectro-imageurs semi-conducteurs et dansl’optimisation de leurs performances. Le degré deprécision acquis résulte de la détermination des cher-cheurs à protéger leurs détecteurs, de plus en plusminiaturisés et pixellisés, contre le bruit tant physique(dû aux rayons cosmiques) qu’électronique. La première grande caméra à bénéficier des perfor-mances technologiques apportées par l’usage de détec-teurs à base de tellurure de cadmium (CdTe) fut ISGRI(pour Integral Soft Gamma-Ray Imager) dont lasurface de détection atteint un quart de mètre carré.Installée à bord du satellite INTEGRAL (pour

International Gamma Ray Astrophysics Laboratory), ils’agit d’une mission de l’Agence spatiale européenne(ESA) lancée en 2002. Le CdTe figure parmi les maté-riaux les plus efficaces pour la détection des photonsgamma. Cette réussite du CEA a impulsé le dévelop-pement de nouveaux petits « bijoux technologiques »toujours plus performants. Ainsi, les efforts conjointsde R&D conduits par le CEA et le Cnes depuis ISGRI(pour Integral Soft Gamma-Ray Imager), garantissentaujourd’hui les performances scientifiques du futurtélescope spatial ECLAIRs, dédié à la détection dessursauts gamma ou d’un télescope haute énergie denouvelle génération du type de SIMBOL-X.

De nouveaux instrumentspleins d’espritPour filer la métaphore, le portrait des détecteurs dela nouvelle génération dédiés à l’astronomie X dur etgamma spatiale peut se dessiner en quatre traits :

• L’esprit leur vient d’un système de détectioncomposé d’un senseur en CdTe et de son électroniqueassociée placés au sein d’un module de détectionminiature complexe, « spatialisable » et optimiséscientifiquement (une caméra gamma se composed’une mosaïque de ces modules). Les progrès endétection gamma spatiale reposent donc sur desefforts simultanés consentis sur les senseurs (CdTe àélectrode Schottky(1) fortement segmentée), leur

Vue d’artiste d’un trou noir accrétant la matière de son étoile compagnondans un système binaire.

(1) L’électrode Schottky est réalisée avec un contact métalsemi-conducteur formant une diode polarisée en inverse.

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électronique de lecture de type ASIC/CMOS (pourApplication Specific Integrated Circuit/ComplementaryMetal Oxide Semiconductor) et leur assemblage encomposants « hybrides ». Pour pimenter l’affaire, lesdifférents objets doivent être compatibles avec l’envi-ronnement spatial (thermique, radiation, fiabilité...)et résistants au lancement par une fusée. Ces dernièresannées ont vu, à la fois, les progrès notables de l’ima-gerie par miniaturisation des pixels (500 µm de côté)et les performances spectrales. Cette double avancéea favorisé l’extension de la gamme spectrale vers lesbasses énergies ainsi qu’une meilleure précision dansla mesure de l’énergie de chaque photon. L’extensionà basse énergie s’avère déterminante pour l’astro-nomie gamma. En effet, c’est en étudiant simultané-ment les photons de basse énergie (quelques keV) etles photons de haute énergie que certains astres révè-lent enfin leur vraie nature : trous noirs ou pas et dansquel état…

• Leur cœur bat grâce au CdTe, un matériau dont lesqualités de spectromètre sont désormais reconnuespour les températures proches de la températureambiante (entre -40 °C et +20 °C). Il s’agit d’un cristallourd (le numéro atomique moyen « Z » vaut 50) etdense ( 6) lui permettant de stopper efficacement lesphotons gamma jusqu’à quelques centaines de keValors que ces derniers traversent généralement lamatière sans interagir. Ainsi, lorsqu’un photon gammainteragit avec un électron du cristal, ce dernier se trou-vant arraché, emporte avec lui la quasi-totalité del’énergie cédée par le photon. Quant à l’électron, iltermine sa course dans le cristal en produisant despaires « électron-trou » en nombre proportionnel à la

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quantité d’énergie déposée par le photon incident. Unchamp électrique appliqué au cristal accélère les pairesen question. La mise en mouvement de ces nouveauxporteurs libres induit un courant transitoire, précieuxsignal qu’il va falloir « capturer » et traiter. Notons queces porteurs ne migrent pas à la même vitesse selonqu’il s’agisse de trous ou d’électrons. L’écart estd’ailleurs si grand (un facteur 10 environ) que lesporteurs les plus lents sont assujettis au phénomènede piégeage, provoquant « une perte de charge ». Cephénomène, particulièrement accentué dans le CdTe,suppose un traitement spécifique de son signal. Enfin,la cristallogenèse du CdTe demeurant très complexe,la réalisation de ce semi-conducteur reste difficile etlimite la taille des cristaux à quelques centimètrescarrés de surface pour quelques millimètres d’épais-seur. Aujourd’hui, les progrès de l’industrie pour lafabrication des cristaux, la réalisation des contactsmétal/semi-conducteurs et la stabilité des senseurs ontpermis de bouleverser les limites en s’approchant desperformances ultimes de ce matériau. En particulier,les cristaux monolithiques les plus récents, équipésd’électrodes segmentées, présentent des courants defuite (source limitant le bruit électronique) 1 000 foisplus faibles qu’il y a 10 ans. Il s’avère désormaispossible d’accélérer les porteurs pour limiter lepiégeage et traiter ainsi le signal plus aisément. Le traitement du signal est réalisé par les microcircuitsIDeF-X (pour Imaging Detector Front-End).

• La micro-électronique jouerait le rôle de systèmenerveux central avec des circuits adaptés aux signauxspécifiques des détecteurs CdTe et aux contraintes deleur intégration physique dans un composant hybridemodulaire. Aujourd’hui, la production des circuits IDeF-X s’effectue grâce à une technologie CMOS

CEA

Microcircuit IDeF-X V2 pour ECLAIRs. Les 32 structuresparallèles, visibles sur l’image, sont des chaînes de spectrométrie indépendantes séparées de seulement170 μm. Ce circuit à bas bruit et basse consommation estrésistant aux radiations de l’environnement spatial.

CEA

Grâce à sa caméra constituée d'une matrice de semi-conducteurs en tellurure decadmium (CdTe), de 128 x 128 pixels, le télescope IBIS (pour Imager on Board the IntegralSatellite), observe la voûte céleste avec une résolution angulaire d’une dizaine de minutesd’arc. La caméra ISGRI a été réalisée par le CEA avec le soutien du Cnes (photo réalisée,en 2001, à LABEN/Milan, lors de l’intégration de l’instrument).

Des outils pour sonder l’Univers

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standard et abordable. Dessinés avec un soin parti-culier, ils supportent l’environnement radiatif selondeux modalités : soit en termes de dose cumulée dontl’effet modifie les propriétés des transistors et altèreles performances des circuits, soit au plan d’événe-ments singuliers du rayonnement cosmique dontl’effet peut aller jusqu’à la destruction des circuits.Bien que leur surface n’excède pas une vingtaine demillimètres carrés seulement, les puces électroniquesIDeF-X permettent d’intégrer 16 ou 32 chaînes dedétections indépendantes, selon les versions. Leurmission consiste à collecter les charges délivrées parle détecteur, à réaliser l’amplification et la mise enforme du signal, à mémoriser les données. Ces pucesprésentent l’avantage de ne produire qu’un niveau debruit très faible : à peine celui d’une trentaine d’élec-trons RMS (Root Mean Square) lorsque la puce estisolée. Une fois le circuit connecté à un détecteur, lebruit de l’ensemble demeure inférieur à une soixan-taine d’électrons rms, soit cinq fois moins qu’avec lecircuit équipant la caméra ISGRI. Ces circuits, asso-ciés de façon classique à de bons cristaux de CdTe,permettent de détecter des photons de 1,5 keV à250 keV. Leur seuil bas, à la limite inférieure de lagamme de détection, est environ deux fois et demieplus faible que sur les meilleurs circuits équivalentsexistant par ailleurs dans le monde. Cette perfor-mance offre un atout maître aux futures missionsECLAIRs et SIMBOL-X.

• Les composants hybrides 3D et le packaging enformerait l’enveloppe charnelle. Préparer un imageur,avec ses détecteurs CdTe et ses circuits IDeF-X asso-ciés, passe par leur assemblage dans un composanthybride. Le plus dense de ces composants se nommeCaliste 256. Il est équipé d’un cristal de CdTe d’uncentimètre carré, pixélisé au pas de 580 µm, chaquepixel étant connecté à une chaîne IDeF-X. Huitcircuits IDeF-X fonctionnent simultanément pourextraire les 256 signaux d’un seul Caliste. Spécifiéepour l’observation d’un large champ de vue, la grandesurface de l’imageur s’agence avec une mosaïque decomposants Caliste, chacun aboutable sur ses quatrecôtés pour ne laisser subsister aucune zone morte

(figure 1). Ceci implique que les huit circuits IDeF-Xpuissent être entièrement disposés sous la petitesurface de CdTe. Pour y arriver, la solution consiste àempiler les circuits et à les présenter perpendiculai-rement à la surface du cristal. Cette prouesse techno-logique a été exécutée par la société française 3D Plus.Pour une utilisation dans l’espace, ces modulesunitaires de détection présentent une garantie defiabilité qui réduit considérablement les risques depanne dans un imageur spectrométrique. Il faut direque ce composant a été conçu de manière à résisteraux stress mécaniques, thermiques et radiatifs inhé-rents à la mise en orbite.Aujourd’hui, les chercheurs ne connaissent qu’un motcapable de qualifier ce détecteur de nouvelle généra-tion : impressionnant ! Ses performances en appor-tent la preuve :

• la résolution spectrale, inférieure à 900 eV FWHM(Full Width at Half Maximum) à 60 keV devient sixfois plus précise que pour ISGRI ;

• le seuil bas descend à 1,5 keV contre 15 keV pourISGRI ;

• les pixels sont 100 fois plus petits.Lorsqu’il sera placé au foyer d’un télescope de typeSIMBOL-X, ce modèle de spectro-imageur CdTepour les rayons gamma apportera, de façon certaine,une quantité extraordinaire de résultats scientifiques.

> Olivier LimousinService d’astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière (DSM)

Unité mixte de recherche astrophysique interactions multi-échelles

(CEA-Université de Paris 7-CNRS)CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

> Eric DelagnesService d'électronique des détecteurs et d'informatique (Sedi)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière (DSM)

CEA Centre de Saclay

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Modules Caliste 256. Chacun des ces deux prototypes est un spectro-imageur miniature de1 cm de côté et environ 2 cm de haut. Un cristal de CdTe est placé au sommet d’un composantélectronique (doré) dans lequel huit circuits IDeF-X sont empilés verticalement.

Figure 1.Exemple d’un spectre enregistré avec Caliste 64. La figurereprésente la distribution en énergie des photons émis parune source d’américium 241. Ce spectre est constitué dela somme des réponses de 64 pixels indépendants étalonnéeen énergie. La résolution spectrale vaut environ 900 eV fwhmà 60 keV. Le seuil de détection vaut environ 1,5 keV (A. Meuris/CEA).

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photosphère et la chromosphère d’où émergent desrégions plus sombres appelées « taches solaires » ouplus brillantes appelées « facules » (figure 1).Depuis plus d’une dizaine d’années, le satelliteSoHO (pour Solar and Heliospheric Observatory)scrute le Soleil interne et externe, en continu, grâceà une dizaine d’instruments capables d’enregistrer

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Voilà quatre siècles au moins que le Soleil manifeste une activité fortement variablemontrant, de manière récurrente, des taches sombres à sa surface. Les incidencesde cette variabilité sur l’atmosphère terrestre restent encore mal comprisesdes chercheurs malgré des corrélations surprenantes avec le climat du passé.L’invention de techniques innovantes permettra seule de maîtriser les processusgénérant cette variabilité et de prédire l’activité solaire du prochain siècle.

Scruter le Soleil avec GOLF-NG

L e CEA, impliqué dans les problématiques d’en-vironnement terrestre, construit un deuxième

spectromètre à résonance multicanal appeléGOLF-NG (pour Global Oscillations at LowFrequency et New Generation). Pour cet instrument,il s’agira d’éclaircir les rôles respectifs joués par lecœur solaire et la région de transition entre la

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FIGURE 1

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toutes les manifestations de son activité – unecollaboration entre l’ESA et la NASA. Ainsi SoHOsuit, en permanence, les éjections de matière coro-nale, l’émission de particules appelée « ventsolaire » ou encore des taches sombres apparais-sant régulièrement à la surface du Soleil et migrant,au cours du temps, des hautes latitudes vers l’équa-teur. Les astrophysiciens connaissent bien la sourcede ce phénomène occasionné par une températurelocale plus froide associée à une augmentation duchamp magnétique. Le mérite revient à ce satellited’avoir révélé l’origine interne de cette activitémagnétique grâce à la mesure d’ondes station-naires permanentes excitées par la convection. Ilsuit donc de nouveaux indicateurs d’activité depuisdéjà plus de 15 ans.

Le principe des mesures sismiquessolaires La meilleure façon de connaitre les ondes internespénétrant jusqu’au cœur du Soleil consiste àmesurer la variation temporelle de la « vitesseDoppler » du Soleil par rapport à l’observateur etd’en extraire le spectre de fréquence des modesinternes. Cette vitesse, d’environ 1 km/s, s’apprécieen fonction du décalage en longueurs d’onde deraies bien connues comme le sodium ou le nickel.Ces raies d’absorption se forment dans l’atmos -phère solaire agitée par la turbulence. La raie desodium est utilisée par GOLF et le nickel par MDI(pour Michelson Doppler Imager), deux instrumentsembarqués sur le satellite d’observation SoHO. C’estl’analyse de la lumière provenant des raies d’ab-sorption de ces éléments dans l’atmosphère solairequi donne ces vitesses.L’instrument GOLF offre aux astrophysiciens unconcept de spectromètre à résonance extrêmementperformant. Il opère par étapes. La première consisteà filtrer les photons solaires dans une gamme delongueurs d’onde correspondant à la raie dusodium. Ensuite, les photons ainsi absorbés sontcapturés dans une cellule contenant un gaz pur desodium, puis réémis dans un mince pinceau delongueur d’onde, sur chaque flanc de raie. Par saréférence atomique, il s’agit d’une méthode de préci-sion unique. Elle permet notamment de mesurerl’interférence constructive des modes générant unsignal stochastique dont la vitesse est de l’ordre du

m/s. Ce signal se surimposant à la vitesse globale dudéplacement du soleil, sa mesure temporelle donnele spectre fréquentiel des modes. Pour améliorer laqualité de détection de signaux individuels trèsfaibles, GOLF-NG va extraire le signal à huithauteurs dans la raie du sodium NaD1 (figure 2).

Les signaux extrêmement faiblesd’un Soleil bien turbulentDepuis plus de dix ans, les sondes spatiales se succè-dent : après SoHO viennent les satellites PICARD(1)

(microsatellite du Cnes) et SDO (pour SolarDynamics observatory) dont les lancements sontprévus pour fin 2009. Grâce à ces instruments, les

CEA

Figure 1.Depuis les premières observations de Galilée, le nombre de taches a varié sur la surface duSoleil, rythmé par un cycle de 11 ans, mais avec une amplitude encore inexpliquée.

Un zoom sur une tache solaire montre commentla granulation de surface fait place à une matière dominéepar le champ magnétique.

Figure 2.Principe de mesure du spectromètre à résonancemulticanal : les huit mesures bleues sont simultanées carla cellule, remplie de gaz de sodium, est placée dans unaimant à champ variable ; l’alternance de mesures bleues etrouges est garantie par un polarisateur à cristaux liquides.

(1) Du nom de l’astronome français Jean Picard (1620-1682)qui fit les premières mesures de précision du diamètre solaireau XVIIe siècle.

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a) GOLF-SoHO

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Figure 3.Première lumière d’un prototype du spectromètreà résonance multicanal GOLF-GN. Sur cette figure apparaîtle spectre des modes acoustiques, mesuré simultanémentà huit hauteurs dans l’atmosphère. L’étape suivanteconsistera à améliorer la détection à basse fréquence pouraffiner la détection des modes de gravité solaires.

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connaissances vont progresser sans pour autant quetoutes les problématiques soient résolues. En effet,il faut savoir que les modes acoustiques déplacent lescouches atmosphériques selon une vitesse indivi-duelle maximale de 20 cm/s avec une périodicité dequelques minutes. Les modes de gravité, sondesindispensables pour atteindre la dynamique ducœur solaire, se manifestent par des signaux pério-diques de quelques heures et des vitesses n’excédantpas 1 mm/s, soit des déplacements d’environ18 mètres à la surface d’un soleil bien turbulent. Cedéfi, l’instrument GOLF l’a déjà partiellement relevéen réalisant des mesures à 400 kilomètres au-dessusde la photosphère solaire, région plus calme ettransparente et en détectant les premières manifes-tations des modes de gravité. Avec lui les équipes duCEA écrivaient la grande épopée dont GOLF NGcontribuera à tourner l’ultime page.

GOLF-NG un spectromètreà résonance multicanalAvec ce nouvel instrument entièrement réalisé àl’Irfu, il sera notamment possible de mesurer simul-tanément le spectre des modes d’oscillation solairesà huit hauteurs dans l’atmosphère (figure 3) entre200 et 800 kilomètres au-dessus de la photosphère.Pour les astrophysiciens, ce spectromètre particulierprésente une série d’avantages. D’abord, il offre unemeilleure détection des signaux acoustiques enraison de leur amplitude croissant exponentielle-ment, avec la hauteur, dans l’atmosphère. Ensuite, ilperfectionne la détection des modes de gravité résul-tant de la réduction des effets granulaires. EnfinGOLF-NG mesure en continu l’évolution ducomportement global de l’atmosphère, entre laphotosphère et la chromosphère, région d’émer-gence du flux magnétique. Le champ magnétique, nécessaire pour réaliserl’échantillonnage en huit points de la raie D1 dusodium, n’est autre qu’un champ axial linéairementvariable de 0 à 12 KGauss. Il s’obtient à l’aide d’unaimant permanent construit avec des aimants ennéodyme-fer-bore et des pièces polaires en fer-cobaltde petite taille (20 x 15 x 10 cm3). L’homo généitétransverse du champ, en tout point de sa variationle long de son axe, est meilleure de 2 % dans unvolume cylindrique de 10 mm de diamètre. Cettepropriété garantit l’uniformité de la réponse enlongueur d’onde pour l’ensemble du volume derésonance de la cellule de gaz. Réalisée en pyrexhaute température, celle-ci comporte deux partiesindispensables au déroulement de l’opération : le

Le satellite SoHo (lors des derniers tests d’intégration) a été lancé par une fusée Atlas-Centaure et scrute le Soleil à 1,5 million de km de la Terre. Ce satellite, lancé en 1995, est toujours en observation avec des instruments qui étudient le Soleil, du cœur à la couronne. L’instrument GOLF est visible à gauche de l’image.

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sodium pur se trouve à l’état solide dans sa partieinférieure nommée queusot lorsque la cellule estfroide ; lors du chauffage, celui-ci monte dans l’ampoule supérieure placée dans l’axe du champmagnétique croissant, lieu des processus de réso-nance (figure 4). L’ampoule de verre laisse libres 31ouvertures pour les photons réémis, bien qu’habilléed’un masque optique et d’éléments chauffants. Lestempératures de fonctionnement atteignent 190 °Cdans la partie supérieure et 175 °C dans la partieinférieure afin d’éviter toute condensation sur cesfenêtres. La puissance électrique nécessaire pourchauffer la cellule jusqu’aux températures indiquéesne dépasse pas les 2 watts. Aucun dispositif de régu-lation n’y a été installé – l’objectif étant d’éviter toutbruit périodique, d’ordre thermique ou électrique,dans la gamme de fréquence des ondes à détecter(jusqu’à 50 microhertz environ). La stabilité dudispositif, son homogénéité thermique et sa faibleconsommation résultent de deux éléments : d’abord,d’isolations thermiques à base d’écrans cylindriquesen aluminium placés autour de la cellule ; ensuite,de la fabrication des pièces de suspension enchrome-cobalt, matériaux à très faible conductivitéthermique. L’ensemble s’intègre dans une pièce mécanique dehaute précision, réalisée en inox amagnétique,placée dans l’entrefer de l’aimant et sans contactdirect. Cette pièce assure également le placement etle maintien des éléments optiques composant les31 voies de mesures des 8 canaux du spectropho-to mètre. Constitués de lentilles sphériques traitéesantireflet, ces éléments optiques ont été dimen-sionnés de manière à pouvoir travailler avec destempératures atteignant les 80 °C. Ces lentillescaptent un maximum de lumière de résonance del’intérieur de la cellule et, par couplage à une fibreoptique en silice, la guident vers la matrice dephotodétecteurs. En amont de l’aimant, un sous-ensemble compact assure trois missions : traiter lefaisceau solaire incident, garantir un éclairementuniforme dans la cellule et le changement d’état dela polarisation. Cette dernière étape nécessite l’uti-lisation d’un cube séparateur de grande pureté etd’un retardateur de phase pourvu d’une lame àcristaux liquides. C’est le changement de phase quiinduit le changement de polarisation circulaire dufaisceau, à un rythme pouvant passer sous laseconde pour des durées de commutation infé-rieures à la dizaine de millisecondes. Ce dispositifà cristaux liquides, développé par des chercheurs de

l’Institut d’astrophysique des Canaries, autoriseune pureté de polarisation allant jusqu’à 99,99 %. Fonctionnel depuis janvier 2008, GOLF-NG restel’unique spectromètre solaire capable d’acquérir,de façon simultanée et rapide, la vitesse Doppler àhuit hauteurs dans l’atmosphère solaire. Son opti-misation devrait permettre aux chercheurs d’at-teindre les performances requises par les missionsspatiales et de garantir la fiabilité de l’instrument.Une première campagne d’observations s’est déjàdéroulée, en été 2008, à Teneriffe (Espagne) qui apermis de qualifier le principe de ce nouveau spectromètre.Pour les astrophysiciens, GOLF-NG figure déjàcomme l’instrument indispensable à la compré-hension des manifestations internes de l’activitésolaire en région radiative. Il suivra d’abord l’activité solaire au sol mais a vocation, à terme,d’intégrer une future mission solaire spatiale. Ungrand projet spatial a également été étudié avecl’industriel Thalès, pour les prochaines missions del’ESA. Ce projet ambitionne l’observation globaleet locale de l’activité solaire ainsi qu’une étude dela basse couronne. Surveiller la dynamique solaireà court et moyen terme (de l’ordre de la dizaine oude la centaine d’années) et suivre son impact surl’atmos phère terrestre, voilà le grand défi desprochaines décades.

> Sylvaine Turck-Chièze Service d’astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière (DSM)

Unité mixte de recherche astrophysique interactions multi-échelles

(CEA-Université de Paris 7-CNRS)CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

> Pierre-Henri CartonService d'électronique des détecteurs et d'informatique (Sedi)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière (DSM)

CEA Centre de Saclay

Figure 4.Cellule et coupe en trois dimensions du schémad’implantation dans l’aimant.

Pour succéder à l’observatoire solaire conçu entre l’Agencespatiale européenne (ESA) et la NASA, une mission de vol en formation est proposée pour décrire complètement et continûment l’impact de l’activité solaire surl’environnement de la Terre.

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N ous baignons dans la lumière. Ellenous entoure, paraissant à chacun

évidente et familière. Pourtant, l’œilhumain n’est sensible qu’à une infimepartie du spectre lumineux, la régioncomprise entre 400 et 700 µm environ.Ainsi, à côté de la lumière visible, existe-t-il une lumière invisible constituant lagrande majorité du spectre électroma-gnétique (voir mémo A). Pour connaîtreet explorer l’Univers de façon aussicomplète que possible, les astrophysi-ciens ont besoin de collecter l’ensemblede ces lumières invisibles pour réaliserdes images du ciel « invisible ». Jusqu’àprésent, ce type d’images a souvent permis de mettre en lumière un Universinattendu, comme un Univers variable àl’échelle de quelques heures dans ledomaine de la lumière �.Comment procéder pour représenter desastres émettant des lumières invisibles surdes cartes visibles ? Cette question pose lerapport entre l’astrophysique et l’image.Par définition, une image est la représen-tation, analogique ou numérique, en deuxvoire trois dimensions, d’une réalitéappréhendée par la mesure d’une gran-deur physique. Une image de l’invisibleest donc l’image d’une réalité impossibleà observer à l’œil nu. La traduire en uneimage visible à nos yeux suppose de passerpar une série d’étapes. La première d’entreelles consiste à utiliser un détecteur, instru-ment capable de capter la lumière invi-sible émise par une source lumineuse, puisà convertir la lumière reçue en courantélectrique mesurable – le détecteur faisantoffice d’interface entre la lumière et le

signal. À titre de comparaison, il s’agitd’un procédé similaire à celui convertis-sant la lumière solaire en électricité aumoyen de cellules photovoltaïques. Mais ilexiste bien d’autres moyens pour trans-former la lumière en signal. Par exemple,les bolomètres conçus pour scruter le cieldans le rayonnement infrarouge submil -limétrique convertissent la lumière en unevariation de la tempé rature d’un matériauqui l’absorbe. Ce modeste échauffement

induit une variation de résistance élec-trique de ce même matériau : la mesure decette variation donne alors accès au fluxlumineux incident.La seconde étape, la digitalisation, consisteà traduire ce signal sous forme numériquepour le rendre apte au traitement infor-matique. Plus l’intensité de la source lumi-neuse est élevée, plus l’instrumentdonnera, « en sortie », un signal élevé. Lesimages numériques ainsi obtenues secomposent de milliers, ou de millions, decarrés qui doivent être aussi petits quepossible pour obtenir une image fine.L’image est ainsi formée d’une mosaïquede nombres représentant chacun l’infor-mation lumineuse reçue par chaqueélément. Dans le vocabulaire de l’infor-matique, ces petits carrés portent le nomde pixel (« px » en abrégé), contraction del’expression anglaise picture elements, c’est-à-dire « éléments d’image ». Il s’agit doncde la plus petite unité de surface permet-tant de définir la base d’une image numé-rique. Celle-ci n’est donc rien d’autrequ’un tableau à deux dimensions dontchaque case est un pixel. Pour obtenirinformatiquement une image, il suffit

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De la lumière à l’image

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Image de la galaxie M 51 (galaxie Whirlpool) dans l'infrarouge lointain, en trois couleurs : le rouge,le vert et le bleu correspondent à trois longueurs d'onde : 160, 100 et 70 μm (Photodetector ArrayCamera and Spectrometer / PACS).

Image de la galaxie spirale M 51 (galaxie Whirlpool) dans l'infrarouge lointain (160 μm)par Spitzer/MIPS (à gauche) et par Herschel/PACS (à droite). Grâce à son miroir de 3,5 m, àcomparer à 0,8 m pour Spitzer, Herschel permet des images d'une bien meilleure résolution.

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donc de créer un tableau de pixels dontchaque case contient une valeur numé-rique. La qualité d’une image dépenddirectement de sa définition, autrementdit du nombre de pixels enregistrés enhauteur (dans l’axe vertical) et en largeur(dans l’axe horizontal). Les spécialistess’expriment en termes de « dimensioninformatique », soit le nombre de colon -nes de l’image multiplié par son nombrede lignes. L’intervalle de nombres que peutporter un pixel s’avère également trèsimportant car il traduit la dynamiquelumineuse dont le capteur sera capable derendre compte.La valeur stockée dans un pixel est codéesur un certain nombre de bits détermi-nant la couleur ou l'intensité du pixel.L’ultime étape du processus consiste doncà établir ce code. Dans toutes les disci-plines de la communication, qu’il s’agissede mots ou d’images, un code se définitcomme une règle visant à convertir del’information sous une autre forme dereprésentation. Un code exprime uneidée, un concept. Pour les astrophysiciensqui veulent établir des cartes de l’Universà partir d’une gamme d’énergie détectéepar leurs instruments, il s’agit de définirune convention de couleurs. Chaquediscipline possède la sienne : par exemple,sur les cartes de navigation aérienne, lacoloration rouge indique la présence d’orages tandis qu’en agriculture, le vertdésigne un espace cultivé. Le code decouleurs défini, il faut ensuite établir uncontinuum d’intensité par rapport àl’unité de base : par exemple, pour resterdans le domaine de l’agriculture, unspectre de verts allant de la culture inten-sive au désert en passant par différentspourcentages de défores tation. Ce spectrepeut se définir comme une sorte de faux

arc-en-ciel. En astrophysique, la gammedes couleurs permettant de coder lessources lumineuses s’étend souvent durouge au bleu indigo ; dans cette disci-pline, du plus froid au plus chaud, maisaussi du moins énergétique au plus énergétique…Une fois l’image digitalisée et codée, tousles problèmes ne sont pas résolus pourautant. Pour l’astrophysicien, reste à réglerla question de la résolution angulaire quiest égale au rapport entre la longueurd’onde dans laquelle s’effectue l’observa-tion et la taille du miroir du télescope quicollecte la lumière. La résolution angulairemesure la taille angulaire des plus petitsdétails perceptibles par le télescope,exprimés en degrés, en minutes, voire ensecondes d’arc. Ainsi, à taille de miroirconstante, plus la longueur d’onde de lalumière captée s’avère courte, plus lesdétails de l’image sont fins. Autre solutionpour améliorer la finesse de l’image :augmenter le diamètre du miroir. Que sepasse-t-il si l’on observe deux sourceslumineuses angulairement proches ? Ilexiste deux cas de figures possibles. Si laséparation des deux sources est supérieureà la résolution angulaire, le télescopedistinguera les deux sources. Dans le cascontraire, ces deux sources semblerontn’en former qu’une seule. Même dans l’hy-po thèse où le télescope a la capacité de séparer ces deux sources, il faut bien choisirson détecteur ! En effet, si les images desdeux sources se projettent toutes deux surle même pixel du détecteur, l’imageobtenue ne montrera qu’une seule source.En conséquence, à longueur d’onde fixée,la finesse de l’image dépend à la fois dudiamètre du télescope (il doit être aussigrand que possible) et de la taille des pixels(ils doivent être aussi petits que nécessaire).

Image de la galaxie spirale M 51 (galaxie Whirlpool) données par Herschel/PACS dans trois longueurs d'onde : 160 μm (à gauche), 100 μm (au milieu) et70 μm (à droite). On peut constater sur ces images que la résolution augmente quand la longueur d'onde diminue.

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conversion de l’intensité électriqueen chiffre : numérique

Dès lors, on comprend pourquoi lesastrophysiciens conçoivent et fabriquentdes télescopes dont la taille augmente sanscesse : ainsi, entre Galilée qui observait lesétoiles avec une lunette dont la lentille nedépassait pas 6 cm de diamètre, et le téle-scope spatial Hubble doté d’un miroir de2,4 m de diamètre, les astrophysiciens ontgagné un facteur 40 en résolution angu-laire (2,4 m/6 cm = 40). Autre exemple,celui d’Herschel, le plus grand télescopeenvoyé dans l’espace dont le diamètreatteint 3,5 mètres. De cet instrument quidétecte le rayonnement infrarouge etsubmillimétrique, les chercheurs atten-dent des informations extrêmementprécises sur les systèmes solaires en coursde formation ou les processus physiquesconduisant à la naissance d’étoiles et degalaxies. Mais, aussi sophistiqué et perfor-mant soit-il, dans cette longueur d’onde,la finesse de résolution de ce télescope nedépassera pas celle de la lunette de Galilée.En revanche, Herschel va réaliser l’exploitd’observer dans les lumières invisibles durayonnement infrarouge et submillimé-trique, et d’apporter la lumière sur lesmondes enfouis de l’Univers.Les astrophysiciens en sont sûrs : ilsvivent une véritable révolution.

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Simulation de six jours de données du satellite GLAST (pour Gamma-ray Large Area Space Telescope), rebaptisé Fermi Gamma-Ray Space Telescope.Bande d'énergie comprise entre 0,1 et 1 GeV, filtrée par l'algorithme MR-filter à base d'ondelettes.

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Pour un astrophysicien, le signal traduit l’information émise par une source et qu’il doitinterpréter. Grâce à l’informatique, le traitement du signal connaît depuis une dizained’années des développements spectaculaires qui permettent aux astrophysiciens de valider,affiner ou remettre en question la compréhension de l’Univers.

L’analyse des données en astrophysique

CEA

P ar suite de l'évolution des détecteurs qui touchetoutes les longueurs d'onde, l'analyse des

données occupe une place de plus en plus prépon-dérante en astronomie.

Le flux de donnéesSi, en 1980, les Charge Coupled Device (CCD ou dispositifs à transfert de charge) affichaient une taillede 320 x 512 pixels, les astronomes disposent aujour-d’hui de véritables mosaïques de CCD équivalant à16 000 x 16 000 pixels. Les méthodes ont progressé aupoint que l’engagement humain et financier pourtraiter les données d'un instrument peut atteindrel’ordre de grandeur de la réalisation de l'instrumentlui-même. Par exemple, la caméra ISOCAM équipantl'Observatoire spatial infrarouge (ISO) a nécessitél’élaboration de logiciels de commande, d'analyse entemps réel et en temps différé : soit 70 hommes.analors que 200 hommes.an suffisaient pour la cons-truction de la caméra. L’effort consenti pour le projetPlanck s’avère encore plus important. De plus, laquantité de résultats – parfois plusieurs centaines detéraoctets – fait appel à des bases de données et audéveloppement d'outils sophistiqués (figure 1). Les connaissances donnent lieu à de nouvelles questions dont la résolution s’appuie sur l’observationd’un objet ou d’une région du ciel. L'analyse dedonnées intervient lors de la calibration de ces données,

de l'extraction de l'information ou de la manipulationdes bases de données. Des études statistiques permet-tent aussi d'enrichir la connaissance : c’est le cas pourles études sur le nombre de galaxies d'une luminositédonnée par unité de volume. On appelle « connais-sance » l'ensemble des théories relatives à l'astronomie(formation d'étoiles, de galaxies, cosmologie...), lesbases de données d’objets, d'images et les catalogues, autrement dit la liste des objets détectés avec un instru-ment dans une région du ciel. Cette connaissance, qu’ils’agisse des articles ou des bases de données, se trouvele plus souvent disponible sur l’Internet. Selon l'instrument, les données se présentent sousforme d’images, de spectres, de mesures photomé-triques. En général, les astronomes disposent d'unensemble de données d'une région ou d'un objetd’étude – plusieurs images à différentes longueursd’onde par exemple. Mettre en orbite des instruments(Hubble, Rosat, ISO, Soho...) présente l’avantaged’éviter les contraintes atmosphériques. Le processus nécessite plusieurs étapes.En premier lieu, vient la phase de calibration indispen-sable pour corriger les effets instrumentaux desdonnées grâce à plusieurs opérations :

• la correction du zéro (Dark) : en l'absence delumière, les valeurs renvoyées par le détecteur ne sontjamais nulles à cause des effets électroniques et il fautdonc soustraire le niveau « zéro » aux données ;

Des outils pour sonder l’Univers

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Figure 1.Le flux d'information situe les niveaux où intervient l'analysede données. Il permet de mieux comprendre à quels niveauxintervient cette analyse de données. À partir desconnaissances, de nouvelles questions se posent et il estnécessaire de procéder à des observations d'un objet oud'une région du ciel. Les données acquises vont devoirpréalablement être calibrées, puis l'information utile àla réalisation de l'objectif scientifique doit être extraite.L'analyse de données intervient lors de la calibration, del'extraction de l'information, et de la manipulation des basesde données. Il faut noter aussi que des études statistiquesdes bases de données permettent d'enrichir la connaissance(comme par exemple, les études du nombre de galaxiesd'une luminosité donnée par unité de volume). On définit parconnaissance l'ensemble des théories relatives àl'astronomie (formation d'étoiles, de galaxies, cosmologie...),les bases de données sur les objets, les bases de donnéesd'images, et les catalogues (liste d'objets détectés avec uninstrument sur une région du ciel). Cette connaissance estmaintenant le plus souvent accessible par le réseau Internet(qu’il s’agisse des articles ou des bases de données).

(1) Le bruit est une fluctuation d'intensité aléatoire qui sesuperpose aux données ; il provient en partie du détecteur et, enpartie, des données. En plus des erreurs que le bruit peut amenersur les mesures, il gêne énormément lors de la détection d’objetet peut être responsable de nombreuses fausses détections.

(2) L’image d'une étoile n'est pas un point, mais une tache. Cetétalement lié à l'instrument est appelé «réponse instrumentale».Son principal effet consiste en une perte de résolution carles objets proches se mélangent.

DR

• la correction des variations de réponse (Flat) : àéclairement égal, le détecteur ne répond pas de lamême manière en chaque pixel ; aussi faut-il norma-liser les données en les divisant par la réponse dudétecteur ; les paramètres du détecteur doivent êtrebien connus, sinon les erreurs de précision se réper-cutent sur les mesures.D'autres effets peuvent également être corrigés lorsde cette première phase, comme la suppression desrayons cosmiques ou les effets de rémanence dudétecteur ; toutes ces tâches étant plus ou moinsardues (figure 2). Une fois les données calibrées, la phase d'analyse peutalors commencer. Suivant les objectifs, plusieursmesures peuvent alors se faire, par exemple, sur ladétection des étoiles et des galaxies ou sur la mesurede leur intensité, de leur position, de différents para-mètres morphologiques : des résultats à comparerensuite aux catalogues existants. Il s’avère impossiblede citer toutes les opérations réalisables sur une imageastronomique et nous n'avons donc cité ici que les plus

courantes. Mener à bien cette extraction d'informa-tions, suppose de surmonter des obstacles comme lebruit(1) et « la réponse instrumentale »(2). Lorsque lesinformations utiles ont été extraites, elles sontconfrontées à la connaissance en l’état. Cette étapevalide, affine ou remet en question la compréhensionde l'Univers. Le résultat final de cette réflexion se matérialise par la publication d’articles scientifiquesparaissant dans des revues spécialisées. Le volume de connaissance croît donc rapidement etnécessite des outils performants pour l’exploiter.Ces outils font office de moteurs de recherche pouraider à rassembler les derniers articles parus, desméthodes pointues d'imagerie ou encore des algorithmes établissant une correspondance entre desobjets détectés dans une image et une base de données(sachant qu’il y a des choix à faire quand plusieurs« candidats » se présentent). La difficulté réside, enparticulier, dans le volume des bases de données.SIMBAD, un ensemble d'identificateurs, de mesureset de bibliographie pour les données astronomiques,développé par le Centre de données astronomiquesde Strasbourg, regroupe des informations surplusieurs millions d'objets, correspondant à desmillions de mesures observationnelles, avec desmillions de références bibliographiques. La taille desimages fournies par les instruments de nouvelle géné-ration rend quasiment impossible l'accès aux archivesd'images par le réseau lorsque celles-ci n’ont pas étépréalablement comprimées.La maîtrise et l'exploitation des bases de données représentent donc un enjeu important pour le futur.L'analyse statistique de catalogues amène, en outre, àcontraindre les paramètres des modèles cosmolo-giques et donc à augmenter la connaissance. Parexemple, l'étude statistique des galaxies, individuelle-ment différentes, révèle la présence de trois grandesfamilles (spirales, elliptiques et irrégulières), un peucomme les grains de sable d'une plage, tous différents,forment une zone homogène.

La théorie du Compressed Sensinget le projet spatial HerschelDans le cadre de certains projets spatiaux, il s’avèreparfois impossible de transférer sur terre un volumeimportant de données sans procéder à une com -pression de celles-ci. C’est le cas pour l’instrument

Figure 2. La galaxie M51, vue par ISO, avant et après calibration.

- livres- articles scientifiques- bases de données de

spectres et d’images - catalogues

simulation Numérique

objectifs scientifiques

observations

calibration desdonnées

QUESTIONSCONNAISSANCES

extraction d’informations

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PACS Herschel (Photodetector Array Camera andSpectrometer) qui nécessite une compression d’unfacteur huit avec une puissance de calcul extrême-ment faible. Les méthodes standard de compressiond’image comme JPEG ne conviennent pas. Heureu -sement, depuis une dizaine d’années, d'importantsdéveloppements en analyse harmonique permettentde représenter des images dans des bases de fonctionsconvenant à certains types d'objets. Par exemple, lesondelettes sont idéales pour détecter des structures, latransformée ridgelet est optimale pour la recherchede ligne et les curvelets représentent bien les contoursou les filaments contenus dans une image. Plus géné-ralement, une représentation « parcimonieuse » desdonnées conduit à de meilleures performances pourdes applications aussi variées que la compression desdonnées, la restauration d'images ou la détection d'ob-jets. Une nouvelle théorie, Compressed Sensing, liedésormais formellement le nombre de coefficientsnon nuls dans une base donnée et l'échantillonnagenécessaire à une reconstruction exacte du signal. Cerécent concept montre que la contrainte sur le pas

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d’échantillonnage, fixée par le théorème de Shannon,peut être largement dépassée si le signal observé vérifieun « critère de parcimonie », c'est-à-dire s'il existe unebase dans laquelle le signal présente peu de coeffi-cients différents de zéro. Une étude préliminaire amontré que cette approche présenterait une excellentealternative aux systèmes de transfert de donnéesactuellement en vigueur pour le satellite Herschel et,qu’à taux de compression constant, un gain de 30 %en résolution s’obtiendrait sur les images décompri-mées (figure 3).

L’inpainting au secours des donnéesmanquantes Les données manquantes constituent un problèmerécurrent en astronomie, dû à des pixels défectueux ouà des zones éventuellement polluées par d’autres émis-sions et que l’on souhaite masquer lors de l’analyse del’image. Ces zones masquées occasionnent des diffi-cultés lors de traitements ultérieurs, en particulierpour extraire des informations statistiques comme lespectre de puissance ou le bispectre. L’inpainting est laprocédure qui va venir combler ces zones. Des travauxrécents montrent que l’on peut reconstruire les zonesmanquantes en recherchant une solution parcimo-nieuse dans un dictionnaire de formes prédéfinies.Avec un choix judicieux de dictionnaire, on obtient des résultats fantastiques (figure 4).

Planck et l’extraction du fond diffuscosmologiqueLa mission spatiale Planck, qui a été lancée, le14 mai 2009, par l’Agence spatiale européenne (Esa),en même temps que la mission Herschel, a pourobjectif de cartographier des fluctuations spatialesd’intensité et de polarisation de l’émission du cielmillimétrique, en vue notamment de caractériser lespropriétés statistiques des anisotropies du fond derayonnement cosmologique fossile. Ces mesurespermettront de contraindre fortement les modèlescosmologiques et, entre autres, de tester le modèlestandard du big bang ainsi que de déterminer, avec uneprécision inégalée, les paramètres cosmologiquesdécrivant l’ensemble de l’Univers. Planck offre lesmeilleures perspectives pour comprendre ce modèle,de l’Univers primordial (inflation) à l’astrophysiquedes émissions galactiques, en passant par la formationdes structures, les amas de galaxies, la matière noireet l’énergie noire, ou encore la topologie de l’Univers. Deux instruments sont opérationnels, le LowFrequency Instrument (LFI) et le High FrequencyInstrument (HFI), pour obtenir neuf cartes de tout leciel entre 30 et 1 000 GHz. Ces cartes contiendront lefond cosmologique, mais aussi d'autres composantesliées à des émissions galactiques (poussière) ou inter-galactiques (galaxies, amas...). Celles-ci sont égale-ment d’un grand intérêt. Chaque carte présentant unmélange des différentes composantes (fond diffuscosmologique, poussière galactique...), la difficulté

Figure 3.En haut, la simulation d’une image contenant deux sources et la même image vue parHerschel. En bas, à gauche, l’image a été calibrée après une compression classique et, en bas, à droite, la solution obtenue par la technique du Compressed Sensing.

Figure 4. En haut et à gauche, l’image comporte 80 % de pixelsmanquants ; à droite, elle est restaurée. En bas et à gauche, on trouve la simulation d’une cartede masse de matière noire, au milieu l’image est la mêmemais avec des zones manquantes et, à droite, l’image estreconstruite. On a montré que l’erreur sur le spectre de puissance etle bispectre de la carte restaurée par inpainting est del’ordre de quelques unités pour-cent. Cette méthodeoriginale dépasse les problèmes d’astrophysique et a ététransférée vers l’industrie dans le cadre d’un contrat CIFRE(3)

avec la Sagem.

(3) Conventions industrielles de formation par la recherche(CIFRE) : instruites et gérées par l'Association nationale de la recherche technique (ANRT) pour le compte du ministèrede l’Enseignement supérieur et de la Recherche, elles permettentà une entreprise de bénéficier d'une subvention annuelleforfaitaire en contrepartie des coûts qu'elle engage pouremployer le jeune doctorant qu'elle a embauché pour trois ans.

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consiste donc à retrouver les composantes « ciels » àpartir des cartes. On appelle cette opération « sépara-tion de sources » (figure 5). En pratique, il faut de surcroît tenir compte des effetsinstrumentaux (le bruit...) venant compliquer encorecette séparation. Un problème de restauration dedonnées se superpose donc à celui de la séparation desources. En utilisant une méthode appelée GeneralizedMorphological Component Analysis (GMCA), baséesur la transformée en ondelettes, il devient possiblede reconstruire le fond diffus. Le principe repose surle fait que mélanger les composantes rend les imagesplus complexes et que, si on utilise un critère de régularisation basé sur le principe de la « simplicité dela solution » dans le problème de séparation, on peutretrouver des composantes recherchées. Dans cetteapproche, une image « simple » est représentable surpeu de coefficients en ondelettes ; il s’agit d’une solu-tion dite parcimonieuse (figure 6).

Tests statistiques sur le fond diffuscosmologiqueCertaines applications nécessitent des outils statis-tiques élaborés afin de mettre en évidence des signauxextrêmement faibles, noyés dans du bruit. Parmi les exemples intéressants figure celui de la détection desources non gaussiennes dans le fond diffus cosmo-logique micro-onde (FDCM). Celui-ci résulte d'un

découplage de la matière et de la radiation à un déca-lage cosmologique de 1 000. Il est une « relique » despremiers instants de l'Univers et aide à comprendre laformation et l'évolution des structures provenant del'amplification des fluctuations initiales. Les propriétésstatistiques des anisotropies de température du FDCMnous informent donc sur la physique de l'Universprimordial. En effet, si leur distribution est gaus-sienne, elles sont produites par des modèles simplesd'inflation. Sinon, elles sont issues de défauts topolo-giques comme des cordes cosmiques. Des anisotropiespeuvent également provenir de l'interaction desphotons du FDCM avec des électrons libres du gazchaud intra-amas : c’est l’effet Sunyaev-Zel'dovich(figure 7). Pour trouver des signatures non gaussiennes trèsfaibles, des tests statistiques très sensibles s’imposent.Ils pourraient dériver de l'étude statistique de la distri-bution des coefficients obtenus par des méthodesmulti-échelles. Les ondelettes sont bien adaptées àl'analyse des structures spatialement isotropes etcontribuent à détecter l'effet Sunyaev-Zel'dovich,tandis que les fonctions curvelets sont optimales pourla recherche de structures spatialement anisotropes. Lacombinaison de ces deux transformées multi-échellespermet non seulement de détecter au mieux les aniso-tropies dans le FDCM, mais aussi de déterminer leurorigine, éventua lité impossible avec les méthodestraditionnelles.

> Jean-Luc StarckService d’électronique des détecteurs et d’informatique (Sedi)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière (DSM)

Unité mixte de recherche astrophysique interactions multi-échelles

(CEA-Université Paris 7-CNRS)CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

Figure 5. Simulation des neuf cartes de Planck. Par exemple, pour obtenir le fond diffus cosmologique,il faut retrancher la contribution des autres composantes aux observations. Échelle des valeurs : il s’agit de cartes de températures en mK, pour pouvoir avoir uncontraste suffisant ; le logarithme des cartes est affiché.

Figure 6. Carte du fond diffus cosmologique obtenue par GMCA à partirdes neuf cartes de la figure 5.

Figure 7.Parmi ces quatre cartes, les trois premières sont dessimulations du FDCM, de l'effet Sunyaev-Zel'dovich (en haut,à droite) et des cordes cosmiques (en bas, à gauche).La quatrième représente le mélange de ces troiscomposantes (en bas, à droite), un type de données quepourrait fournir la mission PLANCK. La fonction ondeletteest surimprimée en haut, à droite ainsi que la fonctioncurvelet est surimprimée en bas, à gauche.

canal de fréquence 30 GHz

-4,0 2,0 Log (mK)

-4,5 1,5 Log (mK)

-4,1 1,9 Log (mK) -4,3 1,7 Log (mK)

canal de fréquence 44 GHz canal de fréquence 70 GHz

canal de fréquence 100 GHz canal de fréquence 143 GHz canal de fréquence 217 GHz

canal de fréquence 353 GHz canal de fréquence 545 GHz canal de fréquence 857 GHz

-4,1 1,9 Log (mK) -4,2 1,9 Log (mK)

-4,0 2,0 Log (mK)

-0,50 0,50

-2,2 2,2 Log (mK) -1,7 2,3 Log (mK)

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La simulation numériqueen astrophysiqueAu dialogue exclusif entre théorie et observation, s’est substitué, depuis quelques annéesdéjà, le triptyque théorie/simulation/observation. Entre des modèles théoriques toujours plus complexes et l’observation qui demeure le test ultime pour la validation des théories, la simulation numérique vient faire office de lien.

Pour la plupart, les théories physiques reposent sur des équations complexes et non linéaires. Elles mettent également en jeu des systèmes dynamiques propices au chaos et à l’imprédictibilité. Sans appui informatique, il devient doncquasiment impossible de calculer les prédictions d’une théorie, particulièrement en astrophysique.

Informatique et prédictions théoriques en astrophysique

A lors que la plupart des sciences physiquesparviennent à simplifier, à l’extrême, leur

appareillage expérimental de façon à ne garder quele processus élémentaire à étudier, rien de tel enmatière d’observation astronomique. La raisontient à l’impossibilité pour les chercheurs d’inter-venir sur leur objet d’étude : ils ne peuvent géné-ralement accéder qu’à des mesures partiellesd’objets complexes se trouvant dans des états dyna-miques divers et incontrôlables. D’où le rôle fonda-mental joué par la simulation (voir encadré) quiva établir le lien entre théorie et observation. Lasimulation permet également d’explorer certainespropriétés de modèles en réalisant des expériencesnumériques : il s’agit alors moins de confronter la

théorie à l’expérience que d’explorer les consé-quences de tel ou tel modèle. En astrophysique, lagravité, l’hydrodynamique, le rayonnement et lechamp magnétique figurent comme les quatreprincipaux modèles à décrire.

La gravitéIl s’agit de la principale force intervenant dans laformation des structures cosmologiques quellequ’en soit l’échelle. Parmi les plus grandes d’entreelles se trouvent les amas de galaxies dominés parla matière noire dont la gravité reste la seule forced’interaction. Sur la liste des plus petites, figurentnotamment les étoiles et planètes en formation.Là, c’est la matière classique, dite baryonique, qui

Supercalculateur Bulldu Centre de calcul

recherche et technologie(CCRT) du CEA. C

EA

Des outils pour sonder l’Univers

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domine la masse. La gravité y demeure la forcefondamentale de formation des structures maisviennent s’y ajouter tous les processus hydrodyna-miques, magnétiques et de couplage au rayonne-ment. La modélisation de la gravité traverse donctoute l’astrophysique. Pour représenter une distribution de masse,la méthode classique consiste à utiliser des « parti-cules » numériques, dont chacune possède unemasse, une position, une vitesse, et une constitution :matière noire, étoile, nuage de gaz, planète… Selonles problèmes et les calculateurs, le nombre N de cesparticules se compte en millions, voire en milliards,dans les simulations modernes. Celles-ci se décom-posant en pas de temps successifs, une probléma-tique revient couramment, celle de calculer, aussiprécisément que possible, la force gravitationnellesubie par une particule, exercée par les N-1 autresparticules. La technique la plus simple et la plus

Des processeurs travaillant avec une précisionsymphonique pour la simulation numérique

Outil très technique, la simulation numérique com -mence par la traduction, en algorithme, du jeu deséquations modèles décrivant la théorie à valider.Comme ces algorithmes ne donnent qu’une approxi-mation informatique des équations modèles, il fautensuite mettre au point des algorithmes stables etprécis, dont la solution s’approche de la réalitéphysique. L’opération relève du domaine des mathé-matiques appliquées permettant seul de créer et devalider de tels algorithmes. En astrophysique, les prin-cipaux phénomènes physiques que l’on cherche àdécrire sont au nombre de quatre : la gravité, l’hydro-dynamique, le rayonnement et le champ magnétique.Dans ces domaines spécifiques, il faut souvent déve-lopper des algorithmes sans équivalent dans d’autresdomaines de la physique (notamment la gravité),même si on peut de temps en temps exploiter lestravaux réalisés au profit de l’industrie (la mécanique

des fluides par exemple). La simulation numériqueimpose, de surcroit, une parfaite maîtrise de l’outilinformatique, notamment celle des supercalculateurs.En astrophysique, les modèles exigent toujours plus demémoire et de puissance de calcul pour atteindre unréalisme suffisant. D’où le développement d’applica-tions complexes qui exécutent nos algorithmes surdes architectures parallèles pour lesquelles plusieursmilliers de processeurs travaillent ensemble avec uneprécision symphonique. Le développement et l’utilisa-tion de ces applications complexes n’est pas sansrappeler les défis de l’instrumentation spatiale. Pourfiler la métaphore, les supercalculateurs seraient lesnouveaux lanceurs et les applications développées, lesnouveaux détecteurs. Aujourd’hui, la simulation n’enest encore qu’à l’ère des pionniers mais il y a fort àparier sur un développement croissant dans lesprochaines années.

Figure 1.Les particules représentant une distribution de corps massifs (par exemple des étoiles) sont regroupées en plus proches voisins à l’extrémité de la structureen arbre d’un treecode, ici détaillée pour les particules 1 à 6. Leurs interactions mutuelles sont calculées de manière exacte, puis elles sont regroupées en pseudo-particules (ici a et b) pour calculer les interactions à plus grande distance.

(a)

1 2

3

(b) (c)

4 4

5

5

6

61 2

a

a

b

b3

précise consiste à calculer cette force pour toutes lespaires de particules possibles puis à additionner lesrésultats. Néanmoins, cette méthode nécessiteN (N-1) calculs de distances, ce qui exige un tempsde calcul prohibitif lorsque la simulation comportede nombreuses particules. C’est pourquoi sonemploi se restreint à des cas particuliers. La plupart des codes de simulation calculent enréalité la gravité par des méthodes plus rapides qui,au prix de légères approximations, autorisent unplus grand nombre de particules, donc une hauterésolution. Les deux techniques principales, letreecode et les « codes sur grille », permettent d’accélérer le calcul des forces gravitationnelles en nedemandant que N(log N) calculs de distance.

• Le treecode, ou « code en arbre », conçu de manièreadaptative, sert à résoudre l’interaction d’autantmieux que les particules s’avèrent proches. Lafigure 1 montre la distribution spatiale de quelques

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particules numériques. Une structure « en arbre » seconstruit dans la mémoire de l’ordinateur pourregrouper « les plus proches voisins ». Sur cettefigure, deux feuilles d’une même branche de l’arbrereprésentent les particules 1 et 2. Leur interactiongravitationnelle se calcule de manière exacte(aux arrondis informatiques près), c’est-à-direproportionnellement à chacune de leur masse etinversement proportionnelle au carré de leurdistance. L’interaction entre les particules 3, 4 et 5se traite aussi de manière exacte. En revanche,concernant des particules plus éloignées les unes desautres, l’estimation des interactions se simplifie afind’accélérer le calcul. Si l’on descend d’un niveausur l’arbre, les particules 1 et 2 sont remplacées parune seule particule a, dont la masse revient à lasomme des deux et se place au centre de gravité. Laparticule distante 6 subit une seule force, celleexercée par la pseudo-particule a, au lieu des deuxforces exercées indépendamment par les particules1 et 2. De même, le groupe de particules 3, 4 et 5 estremplacé par une autre pseudo-particule b, aumême niveau que a sur l’arbre. Il suffit donc decalculer une seule force exercée par la particule b surla particule a, au lieu des six forces exercées parchacune des particules 3, 4 et 5 sur les particules 1et 2 individuellement.Le regroupement des particules selon les niveauxde l’arbre n’entraîne pas forcément une dégrada-tion de précision. Certes, l’interaction gravitation-nelle entre les pseudo-particules a et b reste uneapproximation de la réalité, cependant elledemeure fiable en cas d’application à des parti-cules suffisamment éloignées. Mais surtout, le gainen temps de calcul permet d’augmenter le nombrede particules entrant dans la simulation et donc laprécision du modèle. Ainsi, une galaxie spiralecontient cent milliards d’étoiles dans un disque de10 kiloparsecs de rayon. Un calcul exact de toutesles interactions limiterait le nombre de particulesà environ dix mille et la résolution du modèle(distance entre particules proches) ne serait que de200 parsecs. L’emploi d’un code en arbre permet,à temps de calcul égal, de modéliser le disque à

l’aide d’un à dix millions de particules, autorisantdes résolutions spatiales de l’ordre d’une dizaine deparsecs.Le grand avantage du treecode réside dans saconception adaptative. Le calcul des interactionsétant plus fin à petite distance, la résolutiondevient optimale pour suivre les structures denseset massives. En revanche, ce code ne figure pasparmi les meilleurs pour modéliser la formationde nouvelles structures dans des régions qui nesont pas déjà denses. Pour cette raison, les simu-lations de formation des structures s’intéressentsouvent à d’autres codes, dits de « particules surgrille ».

• Les codes dits de « particules sur grille » découpentl’espace simulé à l’aide d’une grille (figure 2). Danssa version la plus simple, celle-ci se présente commeétant cartésienne et de résolution uniforme, c’est-à-dire que toutes les cellules y sont cubiques et demême taille. Les particules fusionnant sur cettegrille, la première étape de l’opération consiste àcompter le nombre de particules présentes danschaque cellule – en réalité, les particules position-nées au bord d’une cellule sont partiellement attribuées aux cellules voisines pour accroître laprécision du calcul. Une fois cette étape réalisée,la grille donne la densité de masse dans l’espacesimulé. La résolution de l’équation de Poisson(1)

indique que le potentiel gravitationnel s’obtient parla convolution de cette densité par la fonctionuniverselle 1/r, où r représente la distance d’unecellule à une autre. Plusieurs calculs de cette convo-lution sont possibles en fonction de la forme de lagrille. Sur une grille cartésienne, la technique la plusrapide consiste à effectuer la transformée de Fourier(2)

Figure 2.La même distribution de particules est ici traitée dans un code sur grille (a). L’opération de fusion des particules sur la grille aboutit au calcul de la densitéde masse (b, représentée par les niveaux de gris). La résolution de l’équation de Poisson permet de calculer le potentiel gravitationnel (grille c) à partir dela densité, puis la force gravitationnelle subie par chaque particule en fonction de la position sur la grille du potentiel.

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(1) Siméon-Denis Poisson (1781-1840), mathématicien,géomètre et physicien français qui a réalisé d’importantstravaux sur l’électricité et le magnétisme qu’il contribuaà fonder. En astronomie, il a essentiellement étudiél’attraction des planètes.

(2) Joseph Fourier (1768-1830), mathématicien et physicienfrançais, connu pour ses travaux sur la décompositionde fonctions périodiques en séries trigonométriquesconvergentes appelées séries de Fourier.

(a) (b) (c)

Des outils pour sonder l’Univers

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Figure 3.Une simulation cosmologique de la formation des grandesstructures de l’Univers. La simulation montre l’étatde l’Univers après environ 3 milliards d’années d’évolutiondans une boite de 50 mégaparsecs de côté. À cette échelle,la matière noire domine largement la masse de l’Univers.Son interaction, purement gravitationnelle, est modéliséeà l’aide d’un code à « particules sur grille » et une grilleraffinée, qui permet de suivre la formation des filamentscosmologiques et des amas de galaxies. Les plus petitesstructures visibles sur l’image correspondent aux halos dematière noire dont chacun contient une galaxie.

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Particules et collisions

Les interactions entre les particules de l’Univers se trouvent prin-cipalement régies par la gravité. Pour la matière noire, il s’agitmême de la seule interaction possible. On considère qu’il n’existepas d’autre force (à courte portée) pour décrire les trajectoires deces particules étranges. Cette matière noire se présente comme unfluide dit « non collisionnel » tout comme les étoiles d’une galaxie,tellement éloignées les unes des autres (par rapport à leur taille),qu’elles n’entrent presque jamais en collision. La modélisationpasse par l’équation de Vlassov-Poisson. En revanche, certainssystèmes comme les nuages de gaz (nébuleuses) d’une galaxie oules planétésimaux d’un disque protoplanétaire, montrent desdimensions propres non négligeables par rapport à la séparation del’un avec l’autre. Ces objets cosmiques entrent en collision mutuelleà un rythme qui modifie la trajectoire de chacun. Ensuite, leur destinvarie. Dans une galaxie, les nuages interstellaires rebondissententre eux selon des collisions inélastiques qui dissipent une partiede l’énergie cinétique ; les planétésimaux d’un disque protostellaires’agglomèrent en objets de taille croissante. La simulation numé-rique des anneaux de Saturne (figure 4) illustre l’évolution d’unsystème de corps gravitants et collisionnels. Les particules numé-riques modélisent les planétésimaux qui constituent les anneaux.Ils interagissent par gravité, peuvent s’agglomérer par collisions. Ilspeuvent aussi fragmenter un gros corps en plusieurs autres pluspetits. La gravité façonne des ondes dites de Jeans qui se propa-gent dans les anneaux et engendrent une morphologie filamen-taire. Les propriétés observables des anneaux sont modifiées et seprédisent par ces simulations numériques.

Figure 4.Une simulation de la structure des anneaux de Saturne à l’échelle dequelques dizaines de mètres. Les particules numériques interagissentpar gravité, et par collisions mutuelles.

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de la densité : dans l’espace transformé, la convolutionse réduit à un produit classique, puis la transforméeinverse indique la valeur du potentiel gravitationneldans chaque cellule de la grille. Connaissant, à cestade, le potentiel gravitationnel sur la grille entière,le code calcule la force gravitationnelle qui s’exercesur chaque particule puis en déduit l’avancement desparticules à chaque pas de temps. La résolutionspatiale d’une telle simulation est relative à la taille descellules. Dans les algorithmes élaborés, la grille peutêtre « raffinée », en recoupant les cellules les plus inté-ressantes en unités plus petites. Pour « raffiner » lesrégions les plus denses, il faut procéder comme dansun treecode, mais aussi selon tout autre critère lié à laquestion étudiée (régions les plus froides, présence dechocs...). Les codes sur grille offrent encore un autre avantage,celui de pouvoir incorporer une composante de gazdiffus, par exemple le gaz interstellaire d’une galaxie.Une telle composante suit les équations de l’hydro-dynamique et ne se représente plus par des parti-cules mais par une masse diffuse contenue danschaque cellule. La gravité, calculée sur la grille, s’ap-plique à cette masse tandis que diverses techniquesrésolvent les équations hydrodynamiques. À titred’exemple, la formation des plus grandes structuresde l’Univers (amas de galaxies et les filamentscosmologiques) s’étudie, avec succès, à l’aide descodes à particules sur grille (figure 3). Les simula-tions cosmologiques utilisent les fluctuations dedensité de l’Univers primordial, observées dans lerayonnement fossile à 3 degrés K. Elles calculentl’amplification de ces fluctuations sous l’effet de leur

propre gravité et de l’expansion de l’Univers. Ainsi,pour tester le scénario cosmologique standard, oncompare les propriétés statistiques des galaxies(distribution spatiale, masse) avec les observations.

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Figure 5.La formation d’un système protostellaire au sein d’un nuage moléculaire, avec un code AMR à gauche, et un code SPH àdroite.(Les distances sont en unités astronomiques : une unité astronomique équivaut à la distance entre la Terre et le Soleil,soit 150 millions de kilomètres).

POUR EN SAVOIR PLUSR. TEYSSIER ; S. FROMANG ; E. DORMY, Kinematicdynamos using constrained transport with highorder Godunov schemes and adaptive meshrefinement, 2007, JCP, 218, 44.

L’hydrodynamiqueLa matière ordinaire (environ 15 % de la masse totaledans l’Univers) se spécifie d’être fortement colli-sionnelle et les interactions à courte portée dominentla dynamique des atomes d’hydrogène et d’hélium.Les collisions y sont tellement nombreuses que leplasma s’établit à un équilibre thermodynamiquelocal. Aujourd’hui, les chercheurs savent décrire cesystème grâce aux équations d’Euler(3)-Poisson quientérinent le règne des chocs et de la mécanique desfluides. Il s’agit des mêmes équations-modèles qu’utilisent les ingénieurs de l’aérospatiale pourétudier l’écoulement des fluides autour des avions oules climatologues pour la physique de l’atmosphère.Quant aux astrophysiciens, ils ont poussé plus loin l’exercice en proposant une technique originale,baptisée Smooth Particle Hydrodynamics (SPH),capable de simuler la mécanique des fluides à l’aidede particules. Son atout réside dans sa nature« lagrangienne », c’est-à-dire que les points d’échan -til lonnage du fluide sont des particules se déplaçantavec l’écoulement. Par ailleurs, la présence de la gravité dans la matièreordinaire, fait qu’elle se concentre souvent dansde petits volumes très denses. Pour l’étudier, les astrophysiciens utilisent encore les techniques classiques de l’hydrodynamique, même si la résolu-tion du maillage ne leur permet pas d’atteindre lestoutes petites échelles. Mais depuis le début desannées 1990, une nouvelle technique a révolutionnéla discipline. Il s’agit du maillage adaptatif, en anglaisAdaptive Mesh Refinement (AMR), qui permet à lagrille de calcul de s’adapter dynamiquement aux

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(3) Leonhard-Paul Euler (1707-1783), mathématicienet physicien suisse, qui a fait d'importantes découvertesen matière de calcul infinitésimal, de théorie des graphes,en mécanique et dynamique des fluides pour l’astronomie.

(4) William Thomson, mieux connu sous le nom de LordKelvin, (1824-1907), physicien britannique reconnu pourses travaux en thermodynamique, et Hermann LudwigFerdinand von Helmholtz (1821-1894), physiologisteet acousticien, professeur d'anatomie et de physiologie,puis de physique à Berlin.

propriétés de l’écoulement en ajoutant des mailles,aux endroits stratégiques du calcul, notamment dansles régions denses aux petites échelles. L’AMR alliedonc deux avantages : l’adaptabilité de la méthodeSPH ainsi que la précision et la stabilité des méthodessur grilles. Des études récentes ont effectivementdémontré que la méthode SPH, dans sa versioncourante, ne peut décrire correctement des processushydrodynamiques tels que l’instabilité de Kelvin-Helmholtz(4). Les méthodes à base de grilles, parexemple les codes AMR, ne connaissent pas ceslimites. En revanche, concernant les écoulementsfroids en rotation que l’on trouve notamment dansles galaxies, la méthode SPH peut s’avérer plus effi-cace que les codes AMR. La bonne stratégie consistedonc à utiliser et comparer les deux méthodes aussisouvent que possible. Lorsque les résultats s’accor-dent, la crédibilité du modèle s’en trouve naturelle-ment renforcée. Ce fut le cas récemment lors del’observation d’un effondrement de nuage molécu-laire (figure 5). En revanche, cette crédibilité devientmoins probante en cas d’ajout d’autres processusphysiques – par exemple les fluides magnétisés etl’hydrodynamique radiative.

> Frédéric Bournaud et Romain TeyssierService d’astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière (DSM)

Unité mixte de recherche astrophysique interactions multi-échelles

(CEA-Université Paris 7-CNRS)CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

Des outils pour sonder l’Univers

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Le rayonnementLe transfert radiatif est le domaine de la physiquequi décrit la propagation et les interactions desphotons avec la matière. La presque totalité desinformations sur les astres nous parvenant sousforme de lumière, la communauté des astrophysi-ciens s’implique fortement dans le traitement dutransfert radiatif pour comprendre l’émission dephotons et leur propagation jusqu’à nous. Il s’agitdonc d’un outil puissant, capable de diagnostiquerles conditions physiques au sein des astres (densité,pression, température, composition chimique). Cequi ne veut pas dire que le rayonnement doive êtreseulement considéré comme un élément passif pourle diagnostic. Il s’agit également d’un acteur dyna-mique important qu’il faut prendre en compte pourreproduire la formation et l’évolution des systèmesastrophysiques. Aujourd’hui, grâce à la puissancecroissante des ordinateurs, de nouvelles méthodesvoient le jour, permettant de coupler dynamique-ment le transfert radiatif et l’hydrodynamique. Cetarticle présente, de manière schématique, lesméthodes numériques relatives au transfert radiatif.Vu leur nombre, il reste impossible de décrire lesphotons pris individuellement. Il faut passer parleur fonction de distribution : I(x,t,n,�). Dans cettefonction, I correspond au nombre de photons parunité de volume au point x, au temps t, ayant unedirection de propagation n et une fréquence �.L’équation du transfert radiatif détermine l’évolu-tion, dans le temps et dans l’espace, de la fonctionde distribution : en l’absence de matière, les photonsse propagent en ligne droite mais s’ils rencontrentde la matière, ils peuvent se voir absorbés ou diffusésdans une autre direction tandis que la matière émetalors de nouveaux photons. L’équation du transfertindique alors que la variation du nombre de photonsse propageant suivant une direction équivaut aunombre de photons émis ou diffusés par la matièredans cette direction, moins le nombre de photonsabsorbés ou diffusés dans une autre direction. En théorie, suivre l’évolution de la fonction dedistribution ne présente pas de difficulté. Mais enpratique, il s’agit d’un problème véritablementdélicat et coûteux en temps de calcul. En effet, enplus du facteur temps, la fonction de distributiondépend d’autres paramètres : trois pour la positionx, deux pour déterminer la direction n et un autrepour la fréquence � . Échantillonner chaque para-mètre avec N points, suppose alors que la grille desimulation comporte N6 éléments, ce qui devientrapidement impossible pour des valeurs « raison-nables » de N. À titre de comparaison, pour unesimulation hydrodynamique, il faut seulementN3 éléments pour échantillonner chaque variable.Mais au regard de ces difficultés, inhérentes à larésolution de l’équation du transfert, de nom -breuses approches simplificatrices se développent.La plus simple d’entre elles suppose un milieucomplètement transparent – le cas de nombreuxsystèmes astrophysiques où la densité de gaz s’avèretrès faible. Dans cette hypothèse, un photon émiss'échappe du système sans interagir avec la matière.Connaître ou calculer sa trajectoire devient inutilepuisqu’il suffit de prendre en compte la perted'énergie correspondante pour le gaz. Dans ce cas,

les chercheurs parlent plutôt de refroidissement quede transfert radiatif. Sur le plan technique, il fautajouter, dans l’équation sur l’énergie du gaz, unterme qui permet de prendre en compte tous lesprocessus d’émission du gaz à l’origine de la perted’énergie. En présence de molécules ayant denombreuses raies d'émission, il peut s’agir deprocessus complexes. La figure 1 présente une cartede densité issue d'une simulation du milieu inter-stellaire. Les petites structures denses (les plusclaires) résultent d'un refroidissement plus intensequi a baissé l'énergie interne, et donc la pression,dans ces régions ensuite comprimées par le milieuextérieur. Ce processus de fragmentation par insta-bilité thermique marque une étape importante dansla formation des cœurs protostellaires, notammentparce qu’il fixe leur masse.Mais au fur et à mesure qu’elle se densifie, la matièredevient opaque au rayonnement, ce qui empêche departir du postulat de la transparence du milieu – ils’agirait d’une très mauvaise approximation. Unesolution existe pour étendre la méthode précédenteà des régions optiquement épaisses, tout en conser-vant une technique numérique simple : elle consisteà supprimer le refroidissement radiatif au-delà d’uncertain seuil en densité. C’est notamment ce qui est

Figure 1.Carte de densité d’une simulation du milieu interstellaire. Le domaine de simulation faitenviron 50 années-lumière. Les petites structures denses (les plus claires) se sont forméespar l’instabilité thermique due au refroidissement. Ce sont des cœurs denses dans lesquelsse forment les étoiles.

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complète du transfert, trop lourde numériquement,la solution consiste à utiliser des moyennes angulaires de la fonction de distribution desphotons dites « moments de la fonction de distri-bution ». Le moment d’ordre 0 correspond àl’énergie radiative, le moment d’ordre 1 au fluxradiatif, le moment d’ordre 2 à la pression radiative,etc. À partir de l’équation du transfert, il devientalors possible d’écrire les équations d’évolution deces moments. Ces équations, proches de celles utili-sées par l’hydrodynamique, relient la dérivéetemporelle du moment d’ordre n à la divergence dumoment d’ordre n+1. Il s’avère donc impossibled’intégrer directement cette hiérarchie d’équationsaux moments puisque, pour déterminer l’évolu-tion temporelle d’un moment, il faut connaître lemoment suivant. Il devient donc indispensabled’opérer des approximations physiques et d’intro-duire une relation de fermeture pour relier unmoment à ceux d’ordres inférieurs. Le plus simple

fait quand on utilise une équation d’état barotro-pique où le gaz, isotherme à basse densité, devientadiabatique au-delà d’un « seuil en densité ».Généralement, celui-ci se calcule en déterminant,sur des simulations monodimensionnelles avectransfert radiatif, la densité à partir de laquellela structure devient opaque, ce qui dépend de nombreux paramètres. Les images de la figure 2(colonne droite) montrent une simulation de lafragmentation d’un disque protostellaire, réaliséeavec une équation d’état barotropique. Si elles présentent l’avantage de la simplicité,les approches précédentes laissent néanmoins apparaître une lacune : elles ne transportent pasl’énergie, laquelle, si elle peut rayonner horsdu système étudié, ne peut se transporter d’unerégion à une autre de ce système. Retrouver cetaspect important du transfert radiatif supposedes méthodes, plus complexes et plus proches del’équation du transfert. Pour éviter l’équation

Figure 2.Simulation de la formation et de la fragmentation d’un cœur dense proto-stellaire. Les deux figures de gauche ont étéobtenues en utilisant, pour le transfert, l’approximation de la diffusion ; alors que, pour les figures de droite, c’est une équation d’état barotropique qui a été utilisée. Les deux figures du haut montrent des cartes de température et celles du bas des cartes de densité. L’unité astronomique correspond à la distance entre la Terre et le Soleil (150 millions de km) et t = 0,037 96 millions d’années.

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des modèles consiste à garder seulement l’équationsur l’énergie radiative (moment d’ordre 0). La rela-tion de fermeture est ensuite obtenue en supposantque la dérivée temporelle du flux soit nulle. Cetteopération permet d’obtenir une équation unique-ment sur l’énergie radiative. Ce modèle, exact pourles milieux optiquement épais, s’appelle approxi-mation de la diffusion. Avec lui, l’énergie radiativeest transportée d’un point à un autre en suivantles gradients de température. Les deux imagesde la figure 2 (colonne gauche) présentent une simulation de fragmentation d’un disque proto-stellaire utilisant cette approximation de la diffu-sion. Celle-ci donne des résultats sensiblementdifférents à ceux obtenus au moyen d’une équationd’état barotropique : par exemple, les bras spirauxsont plus marqués. L’approximation de la diffusionconstitue donc une avancée considérable comparéeà l’équation d’état barotropique. Néanmoins, il peut être utile de recourir à desmodèles un peu plus complexes en conservant deuxéquations aux moments (sur l’énergie et le fluxradiatif) au lieu d’une seule. Pour ce type de modèle,il faut une relation de fermeture permettant decalculer la pression radiative en fonction de l’énergieet du flux radiatif. C’est, par exemple, le cas du modèledit M1 qui calcule la pression radiative en minimisantl’entropie du rayonnement. Le principal intérêt de M1réside en ce que le flux radiatif ne s’aligne plus systé-matiquement avec le gradient de température, d’oùla préservation des ombres (figure 3). En simplifiant considérablement l’équation du transfert, ces modèles aux moments ramènent à unsystème d’équations voisin de celui de l’hydro -dynamique. Néanmoins, le fait que la vitesse de lalumière soit élevée (notamment par rapport à lavitesse des fluides étudiés) implique des tempscaractéristiques liés au rayonnement extrêmementpetits. D’où la nécessité d’intégrer, en temps demanière implicite, le transfert de rayonnement. Ils’agit d’une opération qui impose de résoudre unsystème linéaire couplant l’ensemble des points dela simulation numérique. Outre un coût élevé encalcul, cette résolution nécessite des algorithmesdédiés et sophistiqués qui soient efficaces sur desordinateurs « massivement parallèles ». Enfin, si nécessaire (et si possible !), l’équationdu transfert doit se résoudre par un minimum

d’approximations physiques. C’est notamment lecas lorsqu’il s’agit d’établir des comparaisons finesavec certaines observations. La figure 4 cor respondà un calcul de transfert radiatif dans un disque depoussière, autour d’une étoile binaire. Afin derésoudre l’équation du transfert exactement, tout

Figure 3.Simulation d’un conduit transparent dans lequel du rayonnement arrive de la gauche (flèche) et rencontre un obstacle opaque (ovale noir). En haut, avecle modèle M1, l’ombre derrière l’obstacle est bien préservée. En revanche, en bas, avec l’approximation de la diffusion, le rayonnement qui se propage selonles gradients de température remplit la zone d’ombre.

Figure 4.Images simulées dans différentes longueurs d’onde d’un disque de poussière autour d’uneétoile binaire. Ces images peuvent ensuite être directement comparées aux observations.

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en gardant un coût numérique acceptable, on asupposé que le disque était à symétrie cylindrique.Avec cette approximation géométrique, il estpossible de calculer le transfert radiatif dans ledisque, en prenant notamment en compte lespropriétés radiatives complexes des poussières quile constituent.Qu’elles soient simples ou complexes, il existe doncde nombreuses méthodes de modélisation dutransfert radiatif. Le rôle du physicien consisteensuite à cerner, au mieux, les propriétés physiques

essentielles et nécessaires à l’étude de son problèmepour, finalement, choisir le meilleur compromisentre les contraintes techniques et numériques, etles nécessités physiques.

> Édouard AuditService d’astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière (DSM)

Unité mixte de recherche astrophysique interactions multi-échelles

(CEA-Université Paris 7-CNRS)CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

Figure 1.Ligne de champ magnétique dans, et hors de la zone convective solaire. En violet,les zones dirigées vers le Soleil et en jaune celles dirigées vers l’observateur.

Le magnétisme Dans l’Univers, le champ magnétique est omni -présent. Pour en comprendre son origine et soninfluence sur l’évolution des objets célestes, les cher-cheurs du CEA développent des programmes numé-riques performants capables de suivre l’évolution etla génération du champ magnétique dans des objetsaussi variés que les étoiles, les disques d’accrétion oules galaxies. Il s’agit d’un des enjeux majeurs de l’as-trophysique du XXIe siècle.L'Univers étant principalement constitué de gazionisé (autrement dit de plasma, quatrième état dela matière), les effets du champ magnétique se fontsentir dans la plupart des objets célestes puisque lescourants électriques peuvent y circuler librement.Par exemple, sur Terre, le champ géomagnétique agitsur les aiguilles des boussoles en les orientant vers leNord géographique qui, en fait, se trouve être le pôleSud magnétique. Mais dans le Soleil, où il s’avère

1000 fois plus intense que sur Terre, le champ magné-tique prend, tour à tour, la forme de points brillants,de taches solaires ou de protubérances. Dans lesgalaxies, on peut également observer un champambiant de quelques microGauss, principalementle long des bras spiraux. Enfin, l'interaction entredeux structures cosmiques magnétisées s’avère égale-ment très instructive sur le rôle joué par le champmagnétique dans l’Univers – par exemple, dans le casd’un système étoile/planète ou d’un objet centralavec un disque de matière orbitant autour de cetobjet. D’où, l’incise d’Eugene Parker(1) dans CosmicMagnetic Fields où il écrit : « Les champs magnétiquessont communs dans les laboratoires, et même dans lesmaisons, où leurs propriétés sont bien connues. Avec lesgrandes échelles présentes dans l'Univers, cependant, lechamp magnétique joue un rôle particulier, assez diffé-rent de celui qu'il joue dans les laboratoires. Le champmagnétique se comporte dans l'Univers comme un ''or-ganisme'', se nourrissant des mouvements créés par lesétoiles et galaxies. » C’est donc à cause de l'énormetaille caractéristique des conducteurs cosmiques(2)

que les courants électriques qu'ils contiennent sontdéterminés par le mouvement du plasma plutôt quepar la conductivité électrique. La force de Lorentz,associée au champ magnétique qui en résulte, agitdirectement sur les mouvements du plasma. On peutdécomposer l'effet de cette force en une composantereliée à un gradient de pression magnétique perpen-diculaire aux lignes de champ magnétique, et en uneautre, reliée à la tension des lignes, le long desquellesles ondes d'Alfvèn se propagent. En raison de lalongueur de l’échelle de temps cosmologique, la forcede Lorentz, bien que petite par rapport à la gravitéà ces grandes échelles, produit des effets systé -matiques et importants.

• Origine du magnétisme : batterie de Biermann eteffet dynamo.L’Univers baigne dans un champ magnétique infini-tésimal. Son origine est liée à l’existence de gradients

(1) Eugene Parker (né en 1927), astrophysicien américain quia développé la théorie du vent solaire, prédit la forme spiraléedu champ magnétique à l’intérieur du système solaire,démontré que la couronne solaire se constituait d’unemultitude de minuscules éruptions solaires couvrant la totalitéde la surface du Soleil.

(2) Leur nombre de Reynolds magnétique (Rm = VL/eta) estgigantesque. Dans cette équation, V et L représentent la vitesseet la longueur caractéristique du système ; eta étantla diffusivité magnétique (inversement proportionnelle àla conductivité du plasma).

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de densité et de pression électroniques non alignésdont l’association crée des sources de champ magné-tique : c’est le phénomène dit de la batterie deBiermann(3). Pour amplifier le champ magnétiquevers des valeurs plus élevées (de quelques micro àplusieurs centaines de milliards de Gauss commedans les objets compacts), on peut soit le comprimer(par la conservation du flux magnétique, l’ampli-tude du champ croit avec la réduction de la taille dusystème), soit l’amplifier via l’action d’une dynamofluide. À titre de comparaison, prenons l’exempled’une dynamo installée sur un vélo pour convertirl'énergie mécanique fournie par une personne péda-lant, en énergie électrique, par exemple, pour allumerl'ampoule d’un phare. Pour les objets célestes, il existeun principe équivalent capable de transformerl’énergie cinétique en énergie magnétique. Ce prin-cipe dépend du mouvement du plasma composantces objets célestes. On lui a donné le nom de« dynamo fluide ». Selon toute vraisemblance, il seraità l’origine du magnétisme de la Terre, de Jupiter, duSoleil, de certaines étoiles et des galaxies.

• Méthodes numériques et contrainte de conserva-tion du flux magnétique.Étudier le magnétisme des objets cosmiques nécessitel’utilisation d’une équation dynamique décrivant l’évolution du champ magnétique : il s’agit de l’équa-tion d’induction(4). Des solutions analytiques exis-tent pour résoudre cette équation dans certainesconfigurations magnétiques simples. Mais la plupartdes problèmes liés au magnétisme cosmique nécessi-tent le développement de programmes numériquesmultidimensionnels (2-D ou 3-D) pour résoudrecette équation et son comportement complexe. Cesdernières années, les chercheurs du CEA ont doncdéveloppé des programmes capables d’y parvenir, parapproximation numérique. Ceci consiste à couplerl’équation d’induction, de manière non linéaire, auxéquations de la mécanique des fluides. C’est le cas desprogrammes RAMSES, Heracles, ASH (pour AlelasticSperical Harmonic). De nombreuses techniquesnumériques existent pour donner une approxima-tion numérique à un système d’équations aux déri-vées partielles (EDP) : par exemple, les différencesfinies, les méthodes spectrales, les éléments finis ouspectraux. De plus, deux difficultés supplémentaires surgissentquand il s’agit de modéliser un plasma magnétisé

et de comprendre l’évolution de son champ magné-tique : la première vient de la conservation du fluxmagnétique découlant directement des équations deMaxwell(5) et la seconde de la présence d’ondes spécifiques telles que les ondes transverses incom-pressibles d’Alfvèn. Le Service d’astrophysique duCEA a exploité les différences finies sur grilles et lesméthodes spectrales afin de traiter, le plus précisé-ment possible, les équations de la magnétohydro -dynamique (MHD). Les méthodes grilles présententl’avantage d’une mise en œuvre simple car les équa-tions sont directement projetées sur la grille de calcul.De plus, elles s’avèrent flexibles puisque l’on peuttoujours ajouter de nouveaux points de grille, encours d’évolution (d’où le terme de grille adaptative),pour améliorer la précision numérique du calcul etpouvoir ainsi capturer les chocs. En revanche, ellessont d’une précision limitée en fonction de l’ordre du

Figure 2.Émergence d’un tube de flux magnétique à la surface d’unesimulation du magnétisme solaire illustrant l’apparition destaches solaires. On remarque la connectivité des lignes de champmagnétique entre l’intérieur et la basse couronne, la surfaceétant représentée par la grille semi-transparente (en jaunela ligne est dirigée vers le lecteur et en mauve vers l’étoile).

(3) Ludwig Biermann (1907-1986), astronome allemand qui a étudié les queues des comètes et leurs interactions avec le vent solaire. Il a également contribué à la physiquedes plasmas, notamment à l'étude de la chromosphère et de la couronne solaire.

(4) Cette équation dérive des équations de Maxwell et de la loid’Ohm. Comme pour celles-ci, il s’agit d’une équation auxdérivées partielles vectorielles :�B/�t = Rot x (u x B) – Rot x (eta Rot x B). Le premier termereprésente l’advection, le cisaillement et la compression duchamp magnétique par les mouvements du plasma ; le second,sa dissipation par l’effet Joule (« B » correspond au champmagnétique, « u » au champ de vitesse, « Rot » le rotationneld’un vecteur, « x » le produit vectoriel et « �/�t » la dérivéepartielle en fonction du temps.

(5) James Maxwell (1831-1879) : physicien et mathématicienécossais connu pour avoir unifié en un seul ensembled'équations, les équations de Maxwell, l'électricité,le magnétisme et l'induction, en incluant une importantemodification du théorème d'Ampère.

Figure 3.Formation d’un disque circumstellaire par effondrement gravitationnel d’un nuage de gazionisé baigné d’un champ magnétique.

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corps céleste amplitude taille caractéristique (L)champ magnétique ou forme (topologie)

B en Gauss (G) du champ

champ intergalactique 10-9

galaxie 2 x 10-6 B régulier, L ~ plusieurs kiloparsec

nuage interstellaire 10-5 10 parsec

mazer, nuage dense froid 10-2 à 10-3 < 1016 cm

quasars (radio galaxie) 100 ~ 1 parsec

Soleil

champ poloïdal 1 à 10 0,1 à 1 rayon solaire (dipôle et quadripôle)

champ toroïdal > 103 5 000- 50 000 km

champ coronal 10-5 quelques rayons solaires

étoiles Ap 104 dipôle oblique, starpôle

naines blanches 106 à 108 dipôle

pulsar 1012 (magnestar 1015) dipôle (étoiles à neutrons)

binaires X-ray 10-9 3 à100 (avec trou noir) rayon (R) gravitationnel

planètes

Terre 0,5 à 1 plusieurs rayons de la Terre

Jupiter 4 plusieurs rayons de Jupiter

Saturne 0,2 à 0,4 plusieurs rayons de Saturne

Mercure 5 x 10-3 1 à 2 rayon de Mercure

Mars < 3 x10-4 reliquat dans la croute

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développement utilisé pour évaluer numériquementles dérivées et autres gradients présents dans lessystèmes d’EDP/MHD. Au contraire, l’intérêt de laseconde approche, celle dite des méthodes spectrales,réside dans la précision : ici, les dérives spatialesdeviennent des multiplications dans l’espace spectralplutôt que des variations. Ces méthodes spectralesreposent sur des transformations directes et indirectesfaisant passer de l’espace physique (réel) à l’espacespectral, et vice versa, ce qui est préférable pourévaluer les termes non linéaires. Pour la plupart de cestransformations, il existe des algorithmes utilisantles transformées de Fourier, ce qui les rend numéri-quement très efficaces et rapides (FFT pour FastFourrier Transform). En revanche, les méthodes spec-trales s’avèrent moins efficaces pour traiter des chocscar il est difficile de décrire des discontinuités avec desfonctions trigonométriques (phénomène dit desanneaux de Gibbs(6)). Afin de mettre en œuvre la contrainte concernant laconservation du flux magnétique, les chercheursdisposent de deux stratégies, à savoir la méthodedite de la « décomposition toroïdale/poloïdale duchamp » et celle dite du « flux contraint ». Lapremière de ces approches consiste à introduiredirectement la contrainte dans les équations, ce quientraîne une augmentation de l’ordre du systèmed’équations à résoudre : dès lors, ce n’est plus le

champ magnétique que l’on évalue mais les poten-tiels magnétiques dont il dérive. Cette stratégieconvient particulièrement aux méthodes spectralespour lesquelles les dérivées successives restentprécises. En revanche, mieux vaut utiliser laméthode dite de « flux contraint » pour les grillescapturant les chocs, par exemple celle dite deGodunov ou la Piecewise parabolic method (PPM) :ce sont des méthodes numériques permettant untraitement spécifique des discontinuités réduisant lelissage du choc que des méthodes plus classiquesopèrent. La méthode dite de « flux contraint » reposesur le fait que l’intégrale, sur le volume élément dela divergence du champ magnétique, se réduit à l’in-tégrale de surface du flux magnétique défini aucentre de la surface. Or, en utilisant l’équation d’in-duction dans son approximation idéale (on négligeles effets liés à la conductivité électrique finie duplasma), on peut relier cette intégrale de surface surle flux magnétique au calcul d’une circulation de laforce électromotrice (emf)(7). Un simple bilan descontributions des différentes forces électromotricessur les différents segments formant le contour (parexemple les quatre côtés d’un carré) montre que lescontributions s’annulent 2 à 2, laissant le fluxmagnétique inchangé. Dès lors, si une simulation estinitialisée avec un flux magnétique nul, il le resteraà la précision machine près. Dans les simulations, le nombre de types d’ondesdépend des hypothèses considérées pour l’évolutiondu plasma : incompressible, anélastique ou compres-sible. Par exemple, dans le code ASH, les ondesd’Alfvèn et les ondes magnéto-sonores lentes sontbien prises en compte, mais pas les ondes purementcompressibles. À l’inverse, avec le code RAMSES,toutes les ondes sont traitées, même les ondescompressibles ou les chocs. Elles sont traitées dansune approche de MHD idéale (la dissipation estpurement numérique afin de stabiliser le schémanumérique). La modélisation du magnétismecosmique appelle le développement de codes sur desmachines massivement parallèles capables d’effec-tuer des calculs en quelques jours ou semaines, alorsque des ordinateurs domestiques mettraientplusieurs décennies. On les trouve notamment auCentre de calcul recherche et technologie (CCRT),l’une des composantes du complexe de calcul scien-tifique du CEA localisé sur le site de Bruyères-le-Châtel (Centre DAM/Ile-de-France) ou au Grandéquipement national de calcul intensif (Genci)(8 ). Làencore, le SAp a développé deux stratégies : le paral-lélisme par décomposition de domaines (distribu-tion de sous-domaines parmi les processeurs) ou leparallélisme dans l’espace spectral (distribution desnombres d’ondes). Le choix du problème astrophy-sique peut donc amener à des solutions numériquestrès variées alors même que le système d’équationsphysiques initial reste similaire.

(6) Il s’agit d’un bruit numérique se caractérisant par desanneaux concentriques autour des structures les plus raides.

(7) emf = u x B (u étant la vitesse du plasma, B désignantle champ magnétique et x, les produits vectoriels).

(8) Société civile détenue à 50 % par l’État représenté parle ministère de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur,20 % par le CEA, 20 % par le CNRS et 10 % par les universités.

Propriétés du magnétisme cosmique pour différents objets célestes. Nous listonsl'amplitude typique du champ magnétique en Gauss (104 G = 1 Tesla) et leur taillecaractéristiques (L). Les méthodes d'observation du champ magnétique reposentessentiellement sur trois approches : soit la polarisation de la lumière traversantle champ magnétique de l'objet observé (effet Hanle, rotation Faraday), soitla modification des niveaux d'énergie des atomes baignés dans un champ magnétique (effet Zeeman), soit par émission cyclotron ou synchrotron des électrons en mouvementgiratoire le long des lignes de champ de l'objet.

Des outils pour sonder l’Univers

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Figure 4. Disque galactique vu de dessus montrant le logarithme de la densité (où on remarque les bras spiraux de la galaxie) et l’organisation du champ magnétique (flèches) le long des bras.

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 151

Les figures 1, 2, 3 et 4 montrent des simulations 3-DMHD illustrant les récents résultats obtenus par leSAp sur le magnétisme cosmique. Le calcul de l’effetdynamo et de l’activité magnétique solaire avec ASH(figure 1) a permis de mettre en évidence l’efficacitéde la convection turbulente pour générer et entre-tenir un champ magnétique à toutes les échellesspatiales (y compris à des échelles supérieures à cellesde l’écoulement, on parle de dynamo grande échelle).Il a également permis de montrer le rôle de la tacho-cline à la base de cette zone pour organiser le champsous forme de « ruban » et de contribuer à l’établis-sement d’un cycle de 11 ans ainsi que l’évaluationquantitative de la rétroaction de la force de Lorentzsur l’écoulement moyen et l’émergence de fluxmagnétique à la surface du Soleil (figure 2). Enfin,grâce aux calculs réalisés par RAMSES, il a encore étépossible de modéliser la diffusion ambipolaire et lerôle régulateur du champ magnétique dans la forma-tion des étoiles, favorisant l’effondrement le long deslignes plutôt que perpendiculairement ainsi que laformation de jets le long de l’axe de rotation du corpscentral (figure 3) ou l’organisation le long des brasspiraux des galaxies du champ magnétique (figure 4).

> Allan-Sacha BrunService d’astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière (DSM)

Unité mixte de recherche astrophysique interactions multi-échelles

(CEA-Université Paris 7-CNRS)CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

La diffusion du parallélisme dans toute la pyramide de l’informatique et la prise en comptede contraintes multiples, comme la gestion des données ou l’architecture hiérarchisée dessupercalculateurs, plongent les spécialistes du calcul scientifique au cœur d’une tourmente.En effet, l’installation, l’utilisation et l’administration de leurs nouveaux moyens de calculs’opèrent désormais à l’instar des très grands équipements et la communauté des usagersdoit donc apprendre à s’organiser en équipes pluridisciplinaires autour d’eux.

Des supercalculateurs pour mieuxconnaître l’Univers

Supercalculateur BULLhybride installé au CCRTen 2009.C

EA

POUR EN SAVOIR PLUSA. S. BRUN, M. MIESCH, J. TOOMRE, Global-ScaleTurbulent Convection and Magnetic Dynamo Actionin the Solar Envelope, 2004, ApJ, 614, 1073.

Page 153: Dans les secrets de l'Univers

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009152

A insi, pour réussir pleinement les changementsd’échelles résultant des avancées technologiques

enregistrées dans le domaine du calcul de haute perfor-mance (le HPC pour High Performance Computing), leschercheurs en sciences fondamentales et appliquéesdoivent avoir accès à des ressources de calcul pouvantaller jusqu’au calculateur entier, au moins pendant despériodes limitées de temps. Il existe un momentpropice pour une utilisation dite « grand challenge ».Il s’agit de la période de mise en production de lamachine qui va de 3 à 6 mois après la réception ducalculateur. Et pour cause, il s’agit d’un moment privi-légié pendant lequel les équipes du centre de calcul(ingénieurs systèmes et spécialistes applicatifs) et lesexperts du constructeur informatique se retrouventtous ensemble et mobilisés sur le site pour réglerd’éventuels problèmes liés au démarrage de l’instru-ment. Les chercheurs peuvent alors bénéficier de cetteétroite collaboration entre spécialistes pour optimiserleur logiciel de simulation et pour espérer franchir denouvelles étapes dans la réalisation de simulations detrès grande taille. Ainsi, les simulations de quelquesmilliers de processeurs qui relevaient, il y a peu detemps encore, du défi technique, sont-elles désormaistrès fréquentes. En astrophysique, les grands challenges visent unemeilleure prise en compte des couplages d’échellesinhérents à la plupart des phénomènes physiquesrencontrés, cela en augmentant la résolution spatiale

et/ou temporelle. La très grande quantité de mémoiredisponible sur les supercalculateurs, associée à des techniques numériques novatrices, favorise l’accès àdes résolutions spatiales de plus en plus importantes.L’objectif reste de s’approcher des échelles de dissipa-tion dans les écoulements turbulents, de résoudre lescœurs protostellaires lors de la simulation d’un nuagemoléculaire, ou encore de simuler finement lesgalaxies dans un contexte cosmologique. De cettedernière problématique naquit, en 2007, le codeRAMSES, développé par le SAp, pour étudier la forma-tion des grandes structures et des galaxies. Il s’agitd’un code s’inscrivant dans le cadre du projet Horizonvisant à fédérer les activités de simulation numériqueautour d’un projet ciblé sur l’étude de la formation desgalaxies. Cette réflexion fut menée pendant la périodede démarrage du calculateur Bull Platine, au Centrede calcul recherche et technologie (CCRT) du CEA,avec pour objectif la simulation de la formation d’unemoitié de l’Univers observable. Pour la première foisdans l’histoire du calcul scientifique, il fut possible dedécrire une galaxie comme la Voie lactée avec plusd’une centaine de particules tout en couvrant la moitiéde l’Univers observable. Pour simuler un tel volumeavec autant de détails, les acteurs du projet Horizonutilisèrent 6 144 processeurs Intel Itanium2® du calcu-lateur Bull Platine pour activer le programmeRAMSES à plein régime. Ce logiciel de simulationmet en jeu une grille adaptative permettant d’atteindreune finesse spatiale inégalée. Avec près de 70 milliardsde particules et plus de 140 milliards de mailles, cegrand challenge représente le record absolu pour unsystème à N corps modélisés par ordinateur. Cet exemple montre bien, qu’en matière de simula-tion, les avancées promises par les ordinateursde grande puissance ne s’obtiennent qu’au prix d’unemaîtrise de la complexité – celle concernant à la foisles modèles physiques, les méthodes et les algorithmesnumériques, les méthodologies et les techniques deprogrammation et d’optimisation parallèles. De plus,la nécessité de contenir la consommation électrique afavorisé l’apparition d’un nouveau type de supercal-culateurs capables de combiner un très grand nombrede processeurs généralistes avec des processeursspécialisés (processeurs graphiques, reconfigurables,vectoriels…). Dès l’été 2009, la communauté scienti-fique française a pu accéder à ces supercalculateurshybrides grâce à la machine BULL installée au CCRT.Avec plus de 2 100 processeurs Intel de nouvelle géné-ration, associés à 48 serveurs graphiques Nvidia, c'estle premier supercalculateur de ce type implanté enEurope.

> Pierre Leca et Christine MenachéDépartement des sciences de la simulation

et de l’information (DSSI)Direction des applications militaires (DAM)

CEA Centre DAM Ile-de-France

> Édouard AuditService d’astrophysique (SAp)

Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers (Irfu)Direction des sciences de la matière (DSM)

Unité mixte de recherche astrophysique interactions multi-échelles

(CEA-Université Paris 7-CNRS)CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

CEA

Le code RAMSES permet l'étude des structures de l'Univers à grande échelle ainsique la formation des galaxies. La plus grande simulation de la formation de ces structuresa été réalisée dans le cadre du projet Horizon, soutenu par l'Agence nationale pourla recherche (ANR).

Des outils pour sonder l’Univers

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CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 153

La visualisation des simulations astrophysiques

La simulation numérique des plasmasastrophysiques produit des données de tailleet de complexité considérables. Pour lescomprendre et les interpréter, les astrophy-siciens doivent les visualiser avec des outilslogiciels adaptés. À cette fin, le logicielSDvision (Saclay Data Vizualisation), déve-loppé à l’Irfu, permet une visualisation inter-active de simulations produites sur desordinateurs massivement parallèles, utili-sant des milliers de processeurs, produi-sant des données de taille pouvant dépasserle téraoctet (figure 1). La com plexité dessimulations réside essentiellement dans lamise en œuvre du maillage de l’espace dontla résolution varie en fonction de différentscritères physiques.La technique numérique du maillageà résolution adaptative (figure 2) concentrele temps de calcul, et la mémoire allouée,sur des zones accueillant des phénomènessignifiants comme la formation d’amasde galaxies. En revanche, dans les zones àplus faible densité, les calculs restent à desrésolutions plus modestes. Pour visualiseret analyser de telles structures de données,les chercheurs ont dû recourir à desalgorithmes spécifiques et relever un défi :celui de la gestion de la mémoire. Il leur afallu, en outre, s’adapter à divers modesd’utilisation. La visualisation et l’analyse detelles structures de données représentent unvéritable défi, qui a conduit au développementd’algorithmes spécifiques, notamment entermes de gestion de la mémoire. En outre,le logiciel SDvision est adapté à des modesd’utilisation divers, par exemple sur des plate-formes de visuali sation locales bénéficiantde l’accélération matérielle des cartesgraphiques modernes ou distantes sur desnœuds graphiques proposant d’importantesressources (multicœurs, mémoire partagée

élevée dépassant 100 Gigaoctets par nœud).Véritable instrument d’exploration dessimulations, ce logiciel permet de naviguerinteractivement et en immersion dans lesdonnées. Elles contribuent également àdécouvrir ou à étudier des structures astrophysiques à échelles mul ti ples : parexemple, la formation des grandes struc-tures cosmologiques, des galaxies, turbu-lences du milieu interstellaire participant àla création des « cœurs protostellaires » oùse forment les étoiles, dynamique desdisques d’accrétion planétaires, magnéto-hydrodynamique de la zone convectivesolaire…

Le logiciel est employé dans une salle devisualisation stéréoscopique installée auService d’astrophysique (SAp/Irfu). Il s’agitd’une technique qui appréhende complète-ment la structuration des volumes simulésdans les trois dimensions. Ces développe-ments, qui ont pour moteur principal larecherche fondamentale en astrophysique,devraient également bénéficier à d’autresdomaines de la recherche et de la techno-logie utilisant la simulation numérique : parexemple, pour explorer des simulationsdu transport turbulent dans le plasma dufutur réacteur expérimental ITER (pourInternational Thermonuclear ExperimentalReactor) actuellement en construction sur lecentre du CEA de Cadarache. Il s’agit d’unecollaboration avec l’Institut de recherche surla fusion magnétique (DSM). La montée en puissance des grands centresde calculs nationaux laisse prévoir l’obten-tion de simulations toujours plus massiveset plus complexes mais aussi de nouveauxdéfis à relever en matière de visualisationdes simulations destinées à l’astrophysique.

> Daniel Pomarède et Bruno Thooris

Service de l’électronique, des détecteurs et de l’informatique (Sedi)

Institut de recherche sur les lois fondamentalesde l’Univers (Irfu)

Direction des sciences de la matière (DSM)CEA Centre de Saclay

Figure 1.Le logiciel de visualisation interactive SDvision utilisé, ici, pour visualiser le champ magnétiqueobtenu dans une simulation de la zone convective solaire.

proj

et C

OA

ST

Figure 2Visualisation d’une simulation cosmologique. À gauche : le maillage à résolution adaptative employé dans la simulation, représenté à traversles mailles de résolutions les plus élevées.À droite : la distribution de la densité de matière calculée sur ce maillage.

Pro

jet C

OA

ST

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Godunov, une plate-forme numérique pour l’enseignement-recherche

Il devient indispensable d’enseigner les tech-niques et les méthodologies destinées à lamodélisation et la simulation numériqueaux étudiants, aux doctorants et postdocto-rants, ainsi qu’aux chercheurs et ingénieurs,impliqués ou non en astrophysique, et quisouhaitent voir évoluer leurs connaissances.D’où la mise en place, depuis 2007, de laplate-forme numérique pour l’enseigne-ment et la recherche Godunov (du nom dumathématicien qui développa une méthode classique de résolution des équations de l’hydro dynamique). Il s’agit d’une collabora-tion entre le SAp, l’Unité d’enseignement ensciences de la matière et de simulation(UESMS) de l’Institut national des scienceset techniques nucléaires (INSTN) etl’Université Paris 7/ Denis-Diderot. Située sur le centre du CEA de Saclay, cetteplate-forme a été équipée de vingt postes detravail, reliés par un réseau rapide à uncluster de calcul, c’est-à-dire un ordinateur

parallèle comportant 240 cœurs de calcul.Bien que la plate-forme soit égalementdestinée à la recherche, les activités péda-gogiques demeurent néanmoins prioritaires.Ainsi, pendant les cessions de formations, lecluster demeure exclusivement réservé auxétudiants afin qu’ils s’initient au calcul hauteperformance à l’aide d’un outil à la fois perfor-mant et disponible, avant de se confronter àdes ordinateurs de plus grande taille.Les enseignements correspondent à unniveau postdoctoral, principalement dans lecadre de l’École doctorale d’astrophysique,mais aussi à celui des masters dans lesquelsle CEA s’implique via l’INSTN : par exemple,astronomie & astrophysique, modélisation etsimulation (M2S), matériaux pour les struc-tures et l’énergie (MSE) et interaction climatet environnement (ICE). À ces enseigne-ments s’ajoutent deux formations continues.L’une menée conjointement par l’INSTN etle SAp où sont abordées les méthodes deMonte-Carlo et les techniques de program-mation parallèle (librairie MPI) ; l’autre étantdédiée aux utilisateurs du Centre de calculdu CEA (CCRT).

Outre sa vocation pédagogique, Godunovsert au traitement de données pour l’astro-physique. Par exemple, la préparation desalgorithmes de traitement de donnéesémanant du satellite GLAST (pour Gamma-ray Large Area Space Telescope) et la réali-sation du catalogue des sources. D’autresexpériences, comme le weak lensing(1),bénéficient également de cette plate-formepour leurs besoins de calcul, importantsmais ponctuels, en matière de traitementdes images.

> Édouard AuditService d’astrophysique (Sap)

Institut de recherche sur les lois fondamentalesde l’Univers (Irfu)

Direction des sciences de la matière (DSM)Unité mixte de recherche astrophysique

interactions multi-échelles (CEA-Université de Paris 7-CNRS)

CEA Centre de Saclay (Orme des Merisiers)

> Constantin MeisInstitut national des sciences

et techniques du nucléaire (INSTN)Unité d’enseignement en sciences de la matière

et de simulation (UESMS)CEA Centre de Saclay

Enseignement dans la salle de calcul de la plate-forme Godunov : simulation de plasma.

CEA

/L. G

odar

t

(1) Technique qui permet de cartographierla distribution de la matière noire dans l'Univers et de caractériser les propriétés de l'énergie noire.

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Des outils pour sonder l’Univers

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Boeing (The Boeing Company) : un des plus grandsconstructeurs pour l’aéronautique et l’aérospatiale du monde, dontle siège se trouve à Chicago (États-Unis).

Bull : société française spécialisée dans l'informatiqueprofessionnelle dont les calculateurs à haute performance (HPC).

CASC (China Aerospace Science and TechnologyCorporation/Agence spatiale chinoise) : fondée en 1968,elle gère l'Administration spatiale nationale de Chine (CNSA), laCommission des sciences, technologies et industries pour laDéfense nationale (COSTIND), le Centre pour les sciences spatialeset la recherche appliquée de l'Académie des sciences chinoise(CSSAR).

CCRT (Centre de calcul recherche et technologie) :composante du complexe de calcul scientifique du CEA localisé surle site de Bruyères-le-Châtel (Centre DAM-Ile de France) ouvertpour répondre aux besoins du CEA et de ses partenaires en matièrede grandes simulations numériques et pour favoriser les échangeset les collaborations scientifiques, dans un contexte où l’accès à lasimulation numérique haute performance est devenu un des enjeuxstratégiques de la compétitivité des entreprises et des organismesde recherche.

CDS (Centre de données astronomiques de Strasbourg) :procède à la collection et à la distribution de données astronomiques,héberge la base de référence mondiale pour l'identification d'objetsastronomiques.

Cern : organisation européenne pour la recherche nucléaire dontl’acronyme vient du nom provisoire de l’organisme (Conseil européenpour la recherche nucléaire) ; situé à la frontière franco-suisse, ilest le plus grand centre de physique des particules du monde.

CESR (Centre d’étude spatiale des rayonnements) :laboratoire d’astrophysique spatiale situé à Toulouse, il est une Unitémixte de recherche du CNRSet de l’Université Toulouse III spécialiséedans quatre grands domaines : les plasmas spatiaux, la planétologie,l’Univers à haute énergie (X et gamma), l’Univers froid (infrarougeet submillimétrique).

Cnes (Centre national d’études spatiales) : établissementpublic à caractère industriel et commercial (Epic) ayant pour missionde proposer au gouvernement la politique spatiale de la France ausein de l’Europe et de la mettre en œuvre. À ce titre, il « invente »les systèmes spatiaux du futur, maîtrise l'ensemble des techniquesspatiales et garantit à la France l'accès autonome à l'espace.

CNRS (Centre national de la recherche scientifique) :établissement public à caractère scientifique et technologiqueexerçant son activité dans tous les domaines de la recherche.L'Institut national des sciences de l'Univers (Insu) a pour missiond'élaborer, de développer et de coordonner les recherches d'ampleurnationale et internationale en astronomie, en sciences de la Terre,de l'océan et de l'espace, qui sont menées au sein du CNRS et desétablissements publics relevant de l'Éducation nationale.

ESA (European Space Agency/Agence spatialeeuropéenne) : organisme chargé de développer les capacitésspatiales européennes et de coordonner les ressources financièresde ses membres, pour entreprendre des programmes et desactivités dépassant ce que pourrait réaliser chacun de ces pays àtitre individuel dans la connaissance de la Terre, du système solaireet de l'Univers, ainsi que pour mettre au point des technologies etservices satellitaires et pour promouvoir les industries européennes.

ESO (European Southern Observatory/Observatoireeuropéen austral) : fondé, en 1962, pour la création d’unobservatoire astronomique dans l'hémisphère austral, il est devenu

l'acteur principal de l'astronomie observationnelle européenneavec un parc d'une vingtaine d'instruments (permettant desobservations en imagerie, photométrie, spectroscopie,interférométrie, dans à peu près toutes les longueurs d'onde allantdu proche ultraviolet à l'infrarouge thermique), et de trois sitesd'observations au Chili.

IAAT (Institut für Astronomie und Astrophysik-Tübingen) : voir Max-Planck-Institut.

IAC (Institut d’astrophysique des Canaries) : fondé en 1975à l'Université de la Laguna de Ténériffe.

IAS (Institut d’astrophysique spatiale) : Unité mixte derecherche du CNRS et de l'Université Paris-Sud 11/Orsay centréesur l'étude du Soleil, les planètes du système solaire et les planètesextrasolaires, la matière extraterrestre et la matière interstellaire,les galaxies et la cosmologie, l'instrumentation spatiale,l’astrochimie expérimentale portant sur la matière solideextraterrestre et interstellaire, la détection de la matière noire àl'aide de bolomètres massifs.

IN2P3 (Institut national de physique nucléaire et dephysique des particules) : institut du CNRS qui a pour missionde promouvoir et fédérer les activités de recherche dans lesdomaines de la physique nucléaire et des hautes énergies ; ilcoordonne les programmes dans ces domaines pour le compte duCNRS et des universités, en partenariat avec le CEA ; ces recherchesont pour but d’explorer la physique des particules élémentaires,leurs interactions fondamentales ainsi que leurs assemblages ennoyaux atomiques, et d’étudier les propriétés de ces noyaux.

JAXA (Agence japonaise d’exploration spatiale) :regroupe,depuis 2003, l'Institut de sciences spatiales et d'astronautique(ISAS) dédié à la recherche spatiale et planétaire, le Laboratoirenational d'aérospatiale (NAL) conduisant des activités de rechercheet développement sur les aéronefs de prochaine génération etl'Agence nationale japonaise pour le développement spatial (NASDA)responsable du développement de véhicules de lancement à grandecapacité, comme le lanceur H-IIA, de plusieurs satellites etd'éléments de la station spatiale internationale.

Jet Propulsion Laboratory : laboratoire commun entre laNASA et le Caltech chargé de la construction et de la supervisiondes vols non habités de la NASA.

Laboratoire APC (Astroparticule cosmologie) :regroupantle CNRS, le CEA, l’Université Paris VII, l’Observatoire de Paris etl'Institut KAVLI de Stanford, il a permis la création d’un axetransatlantique pour renforcer les collaborations et la coordinationdes projets dans le domaine de l'astroparticule (énergie et matièrenoire, rayons gamma de haute énergie et sursauts gamma, ondesgravitationnelles, physique théorique, traitement des données etsimulations numériques).

Laboratoire de photonique et de nanostructures: laboratoiredu CNRSayant pour vocation l’avancement coordonné de la recherchefondamentale et de la recherche appliquée en s’appuyant surl’exploitation et le développement de ses compétences technologiques.

LAM (Laboratoire d’astrophysique de Marseille) : Unitémixte de recherche du CNRS et de l’Université d’Aix-Marseille 1 quiassocie la recherche fondamentale en astrophysique et la recherchetechnologique en instrumentation avec d’importants programmesdans lesdomaines de la cosmologie, de la physique et de l'évolutiondes galaxies, du milieu interstellaire, de la formation des systèmesstellaires et planétaires, du système solaire, et de l'optiqueastronomique.

CLEFS CEA - N° 58 - AUTOMNE 2009 155

Institutions et organismes : qui fait quoi ?

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Lesia (Laboratoire d’études spatiales et d’instru men -tation en astrophysique):un des cinq départements scientifiquesde l’Observatoire de Paris-Meudonen même temps qu’un laboratoiredu CNRS associé aux Universités Paris VI et Paris VII.

MPA (Max-Planck-Institut für Astrophysik) : l'un des 80instituts de recherche du MPG. Fondé en 1958, le Max-Planck-Institutfür Physik und Astrophysika, en 1991, éclaté en plusieurs instituts:le MPA, le MPEet le Max-Planck-Institut für Physik. Situé à Garching(à côté du quartier général de l’ESO), le MPA aborde de nombreuxthèmes d’astrophysique théorique, de l’évolution stellaire à lacosmologie. Il occupe 120 personnes, dont 46 chercheurspermanents. Depuis 1996, il fait partie de l’Association européennepour la recherche en astronomie (EARA) qui regroupe entre autresl'IAC et l'Institut d'astrophysique de Paris (IAP).

MPE (Max-Planck-Institut für extraterrestrischePhysik) : l'un des 80 instituts de recherche du MPG. Créé en 1963et appartenant alors au Max-Planck-Institut für Physik undAstrophysik, il est devenu un institut indépendant en 1991. Localiséà Garching, il compte parmi ses principaux thèmes de rechercheles observations astronomiques dans des régions spectralesseulement accessibles depuis l'espace (infrarouge lointain, rayonsXet gamma) et la physique des plasmas cosmiques.

MPG (Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung derWissenschaften e. V.) : la société Max-Planck pour ledéveloppement de la science est un organisme public indépendantallemand à but non lucratif, qui promeut et soutient la recherchede ses propres instituts. Fondée le 26 février 1948, elle agit encomplément de l’université (avec des moyens plus importants etune réelle interdisciplinarité) ou en collaboration. Elle assumedonc un rôle équivalent à celui du CNRS en France, soutenant unerecherche fondamentale de niveau mondial. Elle compte aujourd’hui80 instituts et emploie 13 000 personnes.

MPIfR (Max-Planck-Institut für Radioastronomie) : l'undes 80 instituts de recherche du MPG. Créé en 1966 à partir del’Institut de radioastronomie de l’Université de Bonn, datant desannées 1950, il se consacre à la recherche d’objets astronomiquesdans les domaines radio et infrarouge. Il exploite à Effelsberg unradiotélescope de 100 mètres de diamètre, inauguré en 1972. Ilgère, avec l’ESO et l’OSO, le radiotélescope APEX situé au Chili.

NASA (National Aeronautics and Space Administration) :créée le 29 juillet 1958 à partir du NACA (agence de rechercheaéronautique), l’agence spatiale américaine gère la plupart desactivités spatiales civiles des États-Unis ainsi que les collaborationsavec les agences étrangères. Elle comprend 18 centres de recherchedont l’Ames Research Center de Mountain View ou le Jet PropulsionLaboratory de Pasadena.

NVIDIA Corporation : société américaine fabless (conceptricemais non fabricante) qui est l’un des plus grands fournisseurs deprocesseurs et de cartes graphiques, de chipsets, consoles de jeux…

Observatoire de Bologne : instrument de recherche de l’Institutnational d’astrophysique (Inaf) placé sous la tutelle du ministèrede la Recherche italien ; ses chercheurs travaillent dans différentschamps de l’astrophysique comme les étoiles, la structure etl’évolution des galaxies, la simulation… en collaboration avec denombreux organismes locaux et internationaux.

Observatoire de Leiden (Pays-Bas) : construit, en 1633, parl’Université de Leyde, pour abriter le quadrant de Snellius, il estl'un des plus anciens observatoires encore en activité. Sondépartement astronomique, le plus important des Pays-Bas, est

reconnu dans le monde entier pour ses recherches sur divers champsde l'astronomie.

Observatoire de Paris : fondé en 1667, il est devenu un Grandétablissement relevant du ministère de l’Enseignement supérieuret de la Recherche. Il a le statut d’université et compte 7 laboratoiresqui sont des Unités mixtes de recherche avec le CNRS et avec degrandes universités scientifiques de la région parisienne. Ce pôlenational de recherche en astronomie est implanté sur trois sites :Paris, Meudon et Nançay (radiotélescope).

Observatoire royal d’Édimbourg : abrite un centre derecherche en astronomie ayant participé à la construction deplusieurs instruments pour des observatoires au sol ou dessatellites. S’y trouve la bibliothèque Crawford, une des pluscomplètes bibliothèques astronomiques du monde.

Onera (Office national d’études et de recherchesaérospatiales) :premier acteur français de la R&T aéronautique,spatiale et de défense ayant pour missions d’orienter et conduireles recherches dans le domaine aérospatial, de valoriser cesrecherches pour l'indus trie nationale et européenne, de réaliser etmettre en œuvre les moyens d'expérimentation associés, de fournirà l'industrie des prestations et des expertises de haut niveau, deconduire des actions d'expertise au bénéfice de l'État et de formerdes chercheurs et des ingénieurs.

OSO (Onsala Space Observatory) : observatoire deradioastronomie fondé en Suède en 1949, dépendant de l’Écolepolytechnique Chalmers, qui est une fondation privée, et financéen partie par le conseil de la Recherche suédois (équivalent duministère français). Cette installation exploite deux radiotélescopes(20 et 25 mètres) et participe à de nombreux projets internationaux,en particulier APEX, ALMA, Herschel.

OSUG (Observatoire des sciences de l’Univers deGrenoble) : fédération de 6 laboratoires (dont le Laboratoired’astrophysique) et 3 équipes de recherche, appartenant àl’Université Joseph Fourier, en partenariat avec le CNRS/Insu. Ilse consacre à trois grands thèmes : l'Univers, la dynamique de laTerre et les grands cycles naturels.

Projet Horizon :né du rapprochement de 5 équipes de différentsinstituts, le projet fédératif Horizon veut utiliser une architecturemassivement parallèle pour étudier la formation des galaxies dansun cadre cosmologique à partir de simulations numériques. Il s’agitd’exploiter les ressources informatiques centralisées existant enFrance (le CCRT du CEA, l'Institut du développement et desressources en informatique scientifique IDRIS du CNRS, le Centreinformatique national de l’enseignement supérieur CINES) dans lecadre des Programmes nationaux de cosmologie et des galaxies.

Sagem :société de haute technologie, leader mondial de solutionset de services en optronique, avionique, électronique et logicielscritiques, pour les marchés civils et de défense.

Thalès (anciennement Thomson-CSF) : sociétéd'électronique spécialisée dans l'aérospatiale, la Défense, lestechnologies de l'information, actuellement leader mondial dessystèmes d'information critiques sur les marchés de l'aéronautiqueet de l'espace, de la Défense et de la Sécurité.

Unesco (Organisation des Nations unies pour l’éducation,la science et la culture) : fondée en 1945 pour construirela paix dans l'esprit des hommes à travers l’éducation, la science,la culture et la communication.

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absorption : processus par lequel l'intensité d'un rayonnementdécroît quand il traverse un milieu matériel auquel il transfère toutou partie de son énergie.

accrétion : capture de matière par un objet céleste sous l'effetde la force de gravitation.

adiabatique : se dit d’un système qui n’échange pas de chaleuravec l’extérieur.

adsorption : fixation de molécules sur une surface solide par unprocessus généralement passif et non spécifique (par exemple, pareffet électrostatique en milieux gazeux ou liquide). La désorptionest le phénomène inverse.

algorithme : méthode théorique de calcul numérique qui estmise en œuvre sur un ordinateur par le biais d’un langage de programmation.

amas de galaxies : ils sont formés de centaines de galaxies.Elles ne constituent cependant que 5 % de la masse totale de l'amas tandis que la matière noire en constitue 70 à 80 %. Le reste est ungaz chaud dont la température atteint 10 à 100 millions de degrés.Ce plasmaest un fort émetteur de rayons X. Ces trois composantessont liées entre elles par l'attraction gravitationnelle.

amas stellaire : groupe d'étoiles nées d'un même nuagemoléculaire et qui sont encore liées par la gravitation. Ces étoilesont donc le même âge et la même composition chimique. Il convientde distinguer les amas ouverts, groupes de quelques dizaines àquelques milliers d'étoiles se formant dans les nuages moléculairesdu plan galactique, et les amas globulairesde structure sphérique, composés de quelques dizaines de milliers à quelques millionsd'étoiles.

angström (Å) : 1 Å = 10-10 mètre.

anisotropie : voir isotropie.

année-lumière : distance parcourue en un an par la lumière (àla vitesse de 299 792,458 km/s dans le vide), soit 9 460,53 milliardsde kilomètres ou 63 239 unités astronomiques.

antimatière : se compose d’antiparticules de la même manièreque la matière est composée de particules ; à chaque particule estassociée une antiparticule, de charge électrique opposée, qui ala propriété de pouvoir s’annihiler avec elle : par exemple, unélectron et un positon (nom de l’antiélectron) peuvent s’annihileren deux photons.

arcs lumineux : l’image d’une source ponctuelle déformée parune lentille gravitationnelle présente souvent des arcs lumineuxrésultant de la déviation de sa lumière par la masse de la lentille.

astéroïdes : petits corps célestes faits de roches ou de métal quigravitent autour du Soleil, dont la taille est comprise entre un millierde kilomètres et une fraction de kilomètre. Il en existerait au moinsun million ayant plus d’un kilomètre de diamètre. La plupart tournentautour du Soleil entre Mars et Jupiter.

astrométrie :branche de l’astronomie qui s’intéresse à la positionet aux mouvements des corps célestes.

asymétrie baryonique : différence (non nulle) entre la densitéde baryons et la densité d’antibaryons.

asymétrie leptonique : différence (non nulle) entre la densitéde leptons et la densité d’antileptons.

atome :constituant de base de la matière ordinaire, composé d’unnoyau (constitué de neutronset de protons) autour duquel gravitentdes électrons.

attraction gravitationnelle : propriété de tous les objets phy -siques de l'Univers de s'attirer les uns les autres. La force gravitationnelle est universelle et sa portée infinie.

A aurores boréales (et australes) : phénomène lumineuxcoloré créé dans l'ionosphère (région de particules chargées dansla haute atmosphère s’étendant pour la Terre de 40 km à 460 kmou plus) d'une planète comme la Terre. Il est causé parl'interaction (collisions) entre des particules ionisées du ventsolaire piégées par le champ magnétique de la planète et desatomes de la haute atmosphère à proximité des pôlesmagnétiques (aurores boréales dans l'hémisphère Nord ; auroresaustrales dans l'hémisphère Sud).

barrière coulombienne : répulsion électrique qui s'oppose au rapprochement de deux particules chargées (protons de deuxnoyaux, notamment), dont les charges sont de même signe. Cetobstacle peut être surmonté si les vitesses relatives des deuxparticules sont suffisamment grandes. Par le biais de l'interactionnucléaire, qui s'exerce à très courte distance, elles peuvent alorssubir une réaction de fusion thermonucléaire.

baryogenèse : ensemble de processus physiques conduisant àla formation d’une asymétrie entre densité de baryons et densitéd’antibaryons ; baryogenèse électrofaible : mécanisme debaryogenèse ayant pour particularité de se produire lors de latransition de phase électrofaible (période de l’histoire de l’Universau cours de laquelle les particules acquièrent leurs masses).

baryon : particule non élémentaire (état lié de 3 quarks) dont lesexemples les plus connus sont le proton et le neutron, constituantsdu noyau ; l’antibaryon est l’antiparticule d’un baryon comme l’antiparticule du proton est appelée antiproton, celle du neutronantineutron.

big bang :Modèlestandard de la cosmologieselon lequel l'Universobservable est en expansion depuis environ 14 milliards d'années.

bolomètre : dispositif permettant de mesurer un flux d'énergieincident (porté par des photons ou des particules massives) parl’élévation de température consécutive au dépôt d’énergie.

boson de Higgs : particule prévue dans le Modèle standard pourexpliquer la masse de toutes les autres particules ; elle demeurela dernière particule restant encore à découvrir pour compléter lemodèle ; le LHC a été notamment construit pour la produire.

bosons Z et W : comme le photon est la particule médiatrice dela force électrique, les bosons Z et W sont les médiateurs des forcesfaibles, celles responsables de la radioactivité bêta ; au contrairedu photon, ils sont très lourds (environ 100 gigaélectronvolts, soit100 fois un proton), ce qui explique pourquoi la force faible est beaucoup moins intense que la force électrique.

brane : hypothétiques objets qui peupleraient les dimensions supplémentaires de l’espace-temps à plus de 4 dimensions ; danscertains modèles, ces objets plans joueraient le rôle de bord desdimensions supplémentaires.

ceinture d'astéroïdes : entre Mars et Jupiter, à 478,72 millionsde kilomètres de distance du Soleil, gravitent des petits corps deforme irrégulière appelés astéroïdes. Il y aurait entre 1 et 2 millions d'astéroïdes de plus de 1 km de diamètre. Large de 200 millionsde kilomètres, cette ceinture d'astéroïdes serait une planèten'ayant pas pu se former à cause de la gravitation de Jupiter.

ceinture de Kuiper : vaste région du système solaire, peuplée d’astéroïdes et de noyaux de comètes, qui s’étendrait dans le plan de l’écliptique (plan de l’orbite terrestre autour du Soleil), au-delà de l’orbite de Neptune et jusqu’à 500 unités astronomiquesdu Soleil.

céphéide : étoile variable dont l’archétype se trouve dans laconstellation de Céphée. Sa luminosité, sa période d’évolution et

C

B

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Glossaire

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sa couleur sont corrélées. Les céphéides constituent donc de bonsindicateurs de distance, notamment pour les galaxies proches.

champ magnétique : champ de force généré par des courants électriques. Il s'exprime en tesla ou en gauss (1 G = 10-4 T). Lacomposante toroïdaledu champ est orientée comme les parallèlesdu globe. La composante poloïdale du champ reliant les pôles estdonc orientée comme les méridiens.

champ scalaire : particules et champs sont les deux facettes dela version relativistede la dualité onde-corpuscule de la mécaniquequantique ; les particules sont classifiées par leur spin (1/2 pourl’électron et 1 pour le photon) ; les champs scalaires sont les ondesassociées aux particules de spin 0.

charbon actif :charbon d’origine végétale ayant subi un processusd’activation lui conférant une surface spécifique importante et doncun fort pouvoir adsorbant.

choc : discontinuité de densité comme celle produite par un avionpassant le mur du son.

chromosphère : couche basse de l'atmosphère solaire situéeau voisinage immédiat de la photosphère.

combustible (thermonucléaire) : éléments légers pouvant fusionner dans un réacteur thermonucléaire (ou une étoile) etproduire de l'énergie.

comète : corps céleste du système solaire composé d’un noyaurocheux et glacé qui, au voisinage du Soleil, s’échauffe et éjecte une atmosphère constituée de gaz et de poussières. La che ve lure ou queue ainsi formée peut s’étendre sur des millionsde kilomètres.

constante de Boltzmann (kB) : constante fondamentale intervenant pour exprimer la correspondance entre températureet énergie en physique statistique ; kB = 1,38.10-23 J/K.

constante cosmologique : constante ajoutée par AlbertEinstein à sa théorie de la relativité générale pour aboutir à unUnivers stationnaire ; lors de la découverte de l’expansion del’Univers par Edwin Hubble, en 1929, Albert Einstein abandonnace concept mais la découverte de l’accélération de l’expansion del’Univers à la fin des années 1990 a relancé l’idée de la constantecosmologique car son introduction dans la théorie de la relativitégénérale permet également de décrire un Univers en expansionaccélérée.

convective (région ou zone) : zone externe, où les atomes nesont pas forcément ionisés, siège de courants convectifs.

coordonnées équatoriales (système de) : les étoiles sont repérées sur la sphère céleste par l'ascension droite et ladéclinaison. L'ascension droite (�) est l'équivalent sur la sphèrecéleste de la longitude terrestre. Elle se mesure sous la forme d'unangle exprimé en heures (h), minutes (min) et secondes (s). Ladéclinaison (�) est l'équivalent sur la sphère céleste de la latitudeterrestre. Elle est exprimée en degrés (°), minutes (') et secondes('')d'arc. La position des étoiles est souvent donnée par les cataloguesen coordonnées J2000.

corps noir : corps idéalisé qui absorbe totalement lesrayonnements à toutes les longueurs d'onde et émet lui-même unrayonnement qui n'est fonction que de sa température.

cosmologie : discipline qui étudie la structure et l'évolution del'Univers dans son ensemble.

courant de fuite :courant circulant dans le détecteur, sous l’effetd’un champ électrique extérieur appliqué, ceci en l’absence d’éclairement par une source lumineuse, X ou gamma en l’occurrence.

couronne (solaire ou stellaire) :partie externe de l’atmosphèredu Soleil (ou de l'étoile), transparente, qui s’étend sur des millionsde kilomètres.

cryoréfrigérateur : appareil fonctionnant en circuit fermé et produisant du froid à très basse température (à température cryogénique < 120 K [< - 150 °C]).

cycle CNO : aussi appelé cycle du carbone azote (oxygène), dunom des éléments qui apparaissent et interviennent dans les réactions en servant de catalyseur, ou cycle de Bethe, du nom duphysicien américain Hans Bethe, prix Nobel 1967. Cycle de réactionsthermonucléaires se produisant à l'intérieur des étoiles au coursduquel quatre noyaux d'hydrogène se transforment en un noyaud'hélium avec libération d'énergie. Ce cycle ne représenterait que1,5 % de l'énergie solaire.

cycle solaire : variation périodique de l'activité solaire. Le cyclele plus net a une durée approximative de 11 ans. Cette activité se traduit par le développement de taches solaires.

deutérium : isotope « lourd » de l'hydrogène dont le noyau estformé d'un proton et d'un neutron. Le deutérium cosmique auraitété fabriqué lors de la nucléosynthèse primordiale, de sorte que,le deutérium ne pouvant être créé durablement dans les étoiles,la quantité actuellement présente est une indication essentiellesur la densité de la matière dans l'Univers.

diagramme de Hertzsprung-Russell : diagramme ayantpour abscisse un indicateur de la température effective desétoiles (indice de couleur B-V, type spectral…) et pour ordonnéeun indicateur de leur luminosité totale. Les étoiles se regroupentdans des zones bien définies (séquence principale, géantes,supergéantes et naines blanches) qui correspondent à des stades d'évolution distincts d'étoiles de masse et de composition chimiquedifférentes.

disque à symétrie cylindrique : un objet est à symétriecylindrique s’il reste identique à lui-même lorsqu’on le fait tournersuivant un axe : l’axe de symétrie.

disque d'accrétion : zone de capture par un astre, sous l'effetde la gravitation, de matière (poussières et gaz) dont l'accumulationconduit à l'apparition d'objets plus massifs, telles les planètesautourd'une étoile.

disque protostellaire : disque de gaz issu de l’effondrementd’un nuage diffus au centre duquel une étoile est en cours deformation ; les parties externes du disque protostellaire peuventdonner naissance à des planètes.

échelle des magnitudes: les distances lointaines sont mesuréesgrâce à la luminositédes objets observés ; les astronomes utilisentla magnitude qui grade de façon logarithmique l’échelle desluminosités.

effet Compton : processus par lequel un électron gagne de l'énergie lors d'une collision avec un photon de grande énergie ;effet Compton inverse : transfert d'énergie par collision d'unélectron de très haute énergie à un photon.

effet de lentille gravitationnelle : l'infime déviation de lalumière provenant des galaxies lointaines renseigne sur ladistribution et la quantité de matière traversée en chemin (galaxies,amas de galaxies, matière noire), qu'elle soit visible ou invisible.L'effet est analogue à celui d'une lentille déformant légèrement lepaysage d'arrière-plan.

effet dynamo : propriété que possède un fluide conducteur de générer un champ magnétiquepar ses mouvements et d’entretenirce champ contre la dissipation ohmique (dégagement de chaleurlié à la résistance du conducteur au passage du courant électrique).

E

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effet granulaire du Soleil : la surface du Soleil portée à prèsde 5 800 degrés est très turbulenteet présente un aspect granulairecorrespondant à des cellules convectives d’environ la taille de laFrance.

effet Sunyaev-Zel'dovich (SZ) : diffusion des photons du fonddiffus cosmologique sur les électrons chauds du gaz des amas degalaxies. Les photons gagnent de l'énergie.

effets de marée : la force de marée résulte de l'inhomogénéitédu champ gravitationnel d’un astre. Elle déforme les corps au voisinage. Dans certains cas, les forces engendrées peuventprovoquer la dislocation des petits corps.

efficacité quantique : efficacité de détection déterminée par le rapport entre le nombre de photons détectés sur le nombre dephotonsincidents. Un détecteur parfaitement efficace a une efficacitéquantique de 100 %.

électromagnétique (rayonnement ou onde) :rayonnement(ou onde) qui se propage dans le vide à la vitesse de la lumière par l'interaction de champs électrique et magnétique oscillants et quitransporte de l'énergie (photons).

électron : particule élémentaire (lepton) chargée négativement.L'un des constituants de l'atome, gravitant autour du noyau.

électron libre : électron, normalement lié à distance au noyaud'un atome, qui a rompu sa liaison avec cet atome.

électronvolt (eV) : unité d'énergie correspondant à l'énergieacquise par un électron accéléré par un potentiel de 1 volt, soit 1 eV = 1,602 .10-19 joule. Principaux multiples : le keV (103 eV), leMeV (106 eV) et le GeV (109 eV).

élément (chimique) : ensemble des atomes de même numéro atomique (atomes dont les noyaux comportent exactement lemême nombre de protons, quel que soit le nombre de neutrons).On parle d'éléments légers (hydrogène, hélium, lithium, béryllium,bore) et d'éléments lourds (les autres, du carbone à l’uranium pource qui est des éléments naturels, mais plus spécifiquement ceuxdont le numéro atomique est égal ou supérieur à 80).

émissivité : rapport entre le rayonnement émis par une surfaceet celui émis par un corps noir à la même température.

énergie noire : énergie de nature inconnue introduite pour expliquer l'accélération qui paraît caractériser l’expansion universelledepuis quelques milliards d’années. Son existence est fondéenotamment sur l'observation de certaines explosions d’étoiles, lessupernovae de type Ia.

entropie :quantité physique qui mesure le degré de désordre d’unsystème.

équation aux moments : équation obtenue en moyennant surles angles l’équation du transfert radiatif.

équation d’état barotropique : l’équation d’état relie, entreelles, les grandeurs thermodynamiques d’un matériau (densité,température, pression… ) ; elle permet, entre autres, de calculer la pression en fonction de la densité et de la température ; uneéquation d’état est dite barotropique si la pression ne dépend quede la densité.

équation de Poisson : équation décrivant les propriétés duchamp gravitationnel et les forces gravitationnelles à partir d’unedistribution de masse dans l’espace.

équation Vlassov-Poisson : combinaison des équations de l’hydrodynamique de l’évolution d’un fluide et de l’équation dePoissondécrivant la gravitation ; l’équation de Vlassov-Poisson décritl’évolution d’un fluide soumis à sa propre gravité.

équilibre hydrostatique :équilibre qui s'instaure dans un fluidelorsque la force de gravité(le poids) compense exactement le gradientvertical de pression.

espace-temps : notion issue de la théorie de la relativitérestreinte d’Einstein qui la proposa pour remplacer les notionsd’espace et de temps. Le rapport entre les mesures d'espace etcelles de temps est donné par une constante dont la valeur ne dépendpas de l’observateur : la vitesse de la lumière dans le vide.

étoile : sphère de gaz constituée pour l'essentiel d'hydrogène etd'hélium en équilibre sous l'action de son propre poids et de lapression de son gaz. Des réactions de fusion thermonucléaire sedéroulent dans ses régions centrales. Les étoiles massives (de 10à 100 fois la masse solaire) sont très chaudes (10 000 - 30 000 Ken surface). Elles brillentessentiellement dans l’ultravioletet sontde couleur bleue pour nos yeux. Les petites étoiles brillent peu,sont rouges, et mènent une vie tranquille. Leur température estfaible (1 300 K en surface).

étoile à neutrons : astre essentiellement composé de neutronset qui résulte de l'effondrement ultime d'étoilesbien plus massivesque le Soleil. Leur rayon atteint 10 à 15 km et leur densité 1014g/cm3.Les pulsars (ou étoiles pulsantes) sont des étoiles à neutronsmagnétiques en rotation rapide.

fission : éclatement d’un noyau lourd en deux morceaux,accompagné d’émission de neutrons, de rayonnements et d’unimportant dégagement de chaleur.

fond diffus cosmologique:rayonnement fossile dans le domainedes micro-ondes, baignant tout l’Univers, émis au moment où celui-ci est devenu transparent aux photons.

force de Lorentz (ou force électromagnétique) : une desquatre forces fondamentales de la physique avec la force degravitation, les interactions faible et forte ; elle induit l’ensembledes interactions électriques et magnétiques observées.

force de Van der Waals : force d’interaction électriquede faibleintensité entre atomes ou molécules.

fusion (thermonucléaire) : réaction nucléaire par laquelle depetits noyaux atomiques se combinent à haute température pourformer de plus gros noyaux possédant une masse plus faible quela somme des masses des premiers, la différence de masse étantconvertie en énergie selon la loi d'équivalence masse-énergied'Einstein E = mc2. Ce type de réactions permet au Soleil de brillerdurablement et est directement ou indirectement la source de lapresque totalité de l'énergie sur Terre.

galaxie : agrégat de milliards, voire de centaines de milliards d'étoiles liées par l'attraction gravitationnelle, de poussière et degaz atomique et moléculaire en quantités variables, formant lemilieu interstellaire, et de matière sombre (ou noire) dont lanature reste inconnue. Leurs formes sont diverses. Les galaxiesspirales sont constituées d’un disque fin rempli d’un mélange degaz, de poussière et d’étoiles, et d’un bulbe plus épais au centreprincipalement rempli d’étoiles. C’est dans le disque qu’apparaissentdes bras spiraux plus ou moins nombreux et plus ou moins marqués.Les galaxies elliptiques, pauvres en gaz, ont la forme d’une ellipseassez régulière. Les galaxies irrégulières, souvent petites et peumassives, sont riches en gaz et pauvres en étoiles. La conventionest de mettre un g majuscule pour désigner notre Galaxie, la Voielactée (la Galaxie, Galactique…).

gauss : une unité de mesure du champ magnétique, notée G et langage de programmation pour les statistiques ; du nom de Carl-Friedrich Gauss (1777-1855), mathématicien, astronome etphysicien allemand.

géante rouge : étoile brillante mais à basse température de surface (inférieure à 5 000 K), de grande dimension, parvenue àl’un des derniers stades de son évolution après transformation deson hydrogène et de son hélium en éléments lourds.

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F

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géantes (étoiles) : étoiles en fin de vie ayant épuisé leurhydrogènedans le cœur et brûlant de l'hydrogène dans une coucheentourant celui-ci. D'autres éléments plus lourds que l'hydrogènepeuvent également être en train de fusionner dans le cœur ou encouches. Le rayon de ces géantes est de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de fois le rayon solaire.

gravité : phénomène par lequel un corps massif attire d’autrescorps. Il relève de la gravitation qui fait que deux corps s’attirentmutuellement en fonction de leur masse et de l'inverse du carréde leur distance.

grille cartésienne et de résolution uniforme : découpagede l’espace en cellules carrées ou cubiques ayant toutes la mêmedimension.

halo : une vaste région plus ou moins sphérique entourant lesgalaxies, et qui comprend de la matière noire, de vieilles étoiles,du gaz mais pas de poussière.

héliosismologie : discipline qui étudie l'intérieur du Soleil par l'analyse de ses modes naturels d'oscillation. L'étude des vibrationsdu Soleil, qui se propagent depuis sa surface et vont se réfléchirsur les différentes couches intérieures, permet de mesurer desparamètres comme la vitesse du son ou la vitesse de rotation.L'astérosismologie étudie les mouvements sismiques des étoilesautres que le Soleil.

hélium : l'élémentchimique (He) le plus léger après l'hydrogène.Son noyau est composé de deux protons et de deux neutrons pourl'hélium 4, l'isotope le plus répandu (celui de l'hélium 3 n'a qu'unseul neutron). L'hélium présent dans l'Univers a été synthétisé lorsde la nucléosynthèse primordiale. Rare dans l'atmosphère terrestre,il est abondant dans les étoiles où il est le résultat de la combustionde l'hydrogène.

hertz : unité de fréquence (Hz), égale à un cycle par seconde, d'unphénomène alternatif. Parmi les principaux multiples, le mégahertz(1 MHz = 106 Hz) et le gigahertz (1 GHz = 109 Hz).

horizon cosmologique : terme désignant le fait qu’il peut nepas être possible de communiquer avec des régions lointaines del’Univers (horizon futur ou horizon des événements) ou qu’il n’ajamais été possible de recevoir de signaux de régions très éloignées(horizon passé).

hydrogène : atome le plus simple, formé d'un proton et d'unélectron.

instabilité de Kelvin-Helmholtz : mouvement ondulaire,turbulent, qui se développe lors de la rencontre de deux fluides dedensité ou de vitesse différentes.

interactions électromagnétique et faible : la théorie actuelledit qu’il y a 4 interactions : électromagnétique (charges électriques,champs magnétiques, lumière…), faible(radioactivitébêta, réactionsdans le Soleil, neutrinos, etc.), forte (cohésion des noyaux…), gravitationnelle ; les interactions électromagnétiques et faibles sontdéjà unifiées par le Modèle standard.

interféromètre : dispositif dans lequel les ondes électro -magnétiques peuvent se superposer. En astronomie, les modes desuperposition des ondes offrent la possibilité de mesurer lesdimensions angulaires d'un objet avec une très grande précision.

interférométrie radio : méthode de mesure exploitant les interférences entre plusieurs ondes cohérentes entre elles ; l’interférométrie est utilisée en astronomie (optique ouradioastronomie) pour obtenir une résolution équivalente à celled’un miroir (ou d’un radiotélescope) de diamètre égal à l’écart entre

I

H

les instruments combinés ; cela permet d’obtenir des instrumentsde haute résolution à partir d’un ensemble de petits télescopes,moins coûteux à fabriquer qu’un seul grand télescope.

ion : atome ou molécule qui a perdu ou gagné un ou plusieursélectronset se trouve ainsi électriquement chargé (cation : ion positif ;anion : ion négatif).

ionisation : état de la matière où les électrons sont séparés desnoyaux ; processus par lequel les ions sont produits, par collisionavec des atomes ou des électrons (ionisation collisionnelle) ou parinteraction avec un rayonnement électromagnétique (photo-ionisation).

isotopes : formes d'un même élément chimique dont les noyauxpossèdent un nombre de protons identique (ainsi qu’un nombreidentique d’électrons gravitant autour du noyau) mais un nombrede neutrons différent.

isotrope:qui présente les mêmes propriétés physiques dans toutesles directions (ant. anisotrope).

joule (J) :unité dérivée de travail, d'énergie et de quantité de chaleurdu Système international. Le joule est défini comme étant le travailproduit par une force de 1 newton dont le point d'application sedéplace de 1 mètre dans la direction de la force ou celui fourniquand un courant de 1 ampère traverse une résistance de 1 ohmpendant 1 seconde.

kelvin : unité de température (symbole K). L’échelle kelvin a unseul point fixe qui est par convention la température thermo -dynamique du point triple de l’eau (où coexistent les phases solide,liquide et vapeur) à 273,16 K, soit 0,01 °C. 0 K = - 273,15 °C correspondau zéro absolu où toute forme de matière est figée.

Kevlar : matériau polymère appartenant au groupe des fibres aramides, qui offre d’excellentes propriétés mécaniques (fortmodule d’Young et charge à la rupture) et une très faible conductivité thermique.

lagrangienne (nature) : méthode de description physique d’unfluide qui consiste à suivre son mouvement au cours du temps ; àl’opposé, les méthodes eulériennes décrivent l’écoulement d’unfluide autour d’un point fixe ; l’évolution de la vitesse d’un bateauqui descend une rivière est une donnée lagrangienne tandis quel’évolution du débit de la même rivière au travers d’un barrage estune donnée eulérienne.

leptogenèse : mécanisme de baryogenèse dans lequel uneasymétrie leptonique est formée puis partiellement convertie enasymétrie baryonique par les sphalérons.

limite de Chandrasekhar : masse maximale qu’un corpscéleste, formé de matière dégénérée (noyaux et électrons, parexemple une naine blanche), peut soutenir grâce à la pression dedégénérescence électronique avant de succomber à l’effondrement gravitationnel.

limite de Roche : région autour de Saturne (ou de toute planète),dans laquelle toute agglomération gravitationnelle est impossibleen raison des effets de marée. La limite de Roche de Saturne faitenviron 140 000 km (~ 2,5 rayons de Saturne). Édouard Roche (1820-1883) était un astronome français.

lois de Newton : ensemble de lois fondatrices de la mécanique écrites par Isaac Newton au 17e siècle. La première loi de Newton,ou principe de l’inertie (initialement formulé par Galilée), stipule

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que le centre de gravité d’un solide soumis à une force résultantenulle est soit au repos, soit animé d’un mouvement rectiligne etuniforme. La deuxième loi de Newton exprime que la somme des forces appliquées à un objet ponctuel est égale au produit de lamasse de l’objet par son vecteur accélération. Enfin, la troisièmeloi affirme que lorsqu'un solide S1 exerce une force sur un solideS2, le solide S2 exerce sur le solide S1 une force directement opposée.En ajoutant sa loi de la gravitation universelle à ces trois lois de ladynamique, Newton fut capable de démontrer que le mouvementdes planètes autour du Soleil était des ellipses.

lumière Cherenkov ou Tcherenkov (du nom du physicienrusse Pavel Cerenkov) : phénomène similaire à une onde dechoc, produisant un flash de lumière qui a lieu lorsqu'une particule chargée se déplace dans un milieu avec une vitesse supérieure à lavitesse de la lumière dans ce milieu. C'est cet effet qui provoque laluminositébleue de l'eau entourant le cœur d'un réacteur nucléaire.

luminosité (d'une étoile ou d'une galaxie) : mesure de lapuissance du rayonnement lumineux d'une étoileou d'une galaxie,c'est-à-dire de l'énergie qu'elle émet en fonction du temps. Elles'exprime en watts (W). La luminosité bolométrique correspondà la luminosité sur l'ensemble du spectre électromagnétique. Lesétoiles sont classées en fonction de leur luminosité (de I à VII). Lessupergéantes de classe I sont les plus brillantes, puis viennentles géantes brillantes et normales (II et III), les sous-géantes (IV),les naines ou étoiles de la séquence principale (V), les sous-naines(VI) et les naines blanches (VII).

magnétohydrodynamique (MHD) : théorie analogue àl’hydrodynamique pour les fluides neutres qui permet d'étudier lecomportement aux grandes échelles d'un fluide conducteur, métalliquide ou plasma.

magnétosphère : région de l'espace où le champ magnétiqued'une planète domine celui du vent solaire, la protégeant des particules ionisées qui le constituent. Pour la Terre, elle se situeau-delà de l'ionosphère, à partir d'un millier de kilomètres de lasurface, et s'étend jusqu'à la magnétopause qui la sépare del'espace interplanétaire.

magnitude : échelle de luminosité des objets astrophysiques.Les étoiles visibles à l’œil nu ont une magnitude généralementsituée entre 0 et 6.

matière noire : composante majeure de l'Univers, plus de sixfois plus abondante que la matière visible ordinaire, elle a pourparticularité de n'émettre aucun rayonnementet de n'interagir quepar l'action de la gravité. Pour découvrir sa distribution dansl'espace, les astronomes utilisent notamment la déviation de lalumière qu'elle produit (effet de lentille gravitationnelle).

mégohm : unité de résistance électrique équivalant à un milliond'ohms.

météorite : fragment d’astéroïde ou de comète de taille variable,rocheux ou métallique, circulant dans l’espace et capable d'atteindrela surface d’un astre.

micro : préfixe � du millionième (10-6). 1 micromètre (�m) oumicron = 10-6 mètre.

microquasars : systèmes binaires où un objet compact (étoileà neutrons ou trou noir), accrétant la matière de son étoile compa -gnon par le truchement d'un disque d'accrétion, provoque l'éjectionde jets de matière à des vitesses proches de celle de la lumière.

mode de gravité : en mécanique des fluides, les ondes degravité sont générées dans un milieu fluide (ondes internes) ou à l’interface entre deux milieux comme l’air et l’océan (ondes de surface) : c’est le cas des vagues ou des tsunamis. Dans une étoile,les modes de gravité sont des ondes stationnaires de basse fréquencedont la force de rappel est la poussée d’Archimède.

M

modèles de matière noire minimale : modèles proposés récemment en physique des particules pour expliquer la naturede la matière noire sans l'encadrer dans des théories com plexestelles que la supersymétrie ou les dimensions supplémentaires.

Modèle standard de la physique des particules : théoriequi décrit les interactions forte, faible et électromagnétique, ainsique l'ensemble des particules élémentaires qui constituent lamatière.

modélisation : représentation simplifiée (modèle) d'un systèmeou d'un processus afin de le simuler, rassemblée dans un logicielde calcul (souvent appelé code), sous forme d'expressionsmathématiques. La taille de maille, dans l'espace et dans le temps,donne la résolution du modèle.

molécule : groupe d’atomes liés par des liaisons chimiques.

moment cinétique (ou angulaire) : mesure de l'énergie de rotation d'un système.

multiplexage : technique consistant à faire passer deux ou plusieurs informations à travers un seul support de transmission ;elle permet de partager une même ressource entre plusieursutilisateurs. Il existe deux techniques principales de multiplexage : temporelle et fréquentielle (ou, ce qui revient au même, en longueurd'onde).

muon:nom donné à deux particules élémentaires de charge positiveet négative selon le Modèle standard. Leur masse est 207 fois plusgrande que celle de l’électron (c'est pourquoi on l'appelle aussiélectron lourd) (105,66 MeV) et elles possèdent un spin 1/2. Lesmuons, tout comme les électrons, appartiennent à la même famillede fermions, les leptons. Les muons sont notés �- ou �+ suivantleur charge électrique.

naine blanche : petite étoile de faible luminosité avec une température de surface voisine de 20 000 K. Une naine blanche estune étoile chaude, stable, équilibrée par la répulsion entre sesélectrons, qui, ayant épuisé son combustible thermonucléaire, secondense. Un tel astre, disposant d’une masse approximativementégale à celle du Soleil pour un rayon cent fois plus petit, atteint unedensité un million de fois plus grande.

naines (étoiles) : étoiles de la séquence principale dont laclasse de luminosité est V. Le Soleil, par exemple, est une nainejaune. Les naines rouges, quant à elles, très peu massives (entre0,08 et 0,3 masse solaire) et d’une température de surface plusbasse que 3 500 K, émettent peu de lumière. Leur températurecentrale n'est pas très élevée et la conversion de l'hydrogène enhélium s'y effectue à un rythme très lent. Il ne faut pas confondreles étoiles naines avec les naines blanches ou les naines brunesqui sont des états de l'évolution stellaire.

naines brunes : elles forment une classe d'astres originale, demasse intermédiaire entre les planètes et les étoiles. En raison deleur masse trop faible, la température et la pression en leur cœurne sont pas suffisantes pour démarrer ou maintenir les réactionsde fusion thermonucléaire.

nano : préfixe n du milliardième (10-9) ; 1 nanomètre (nm) = 10-9 mètre.

nébuleuse : immense nuage de poussières et de gaz situé dansl'espace.

neutralino : nouvelle particule de la supersymétrie constituéed'un mélange des partenaires supersymétriques du photon, du bosonfaible Z et des bosons neutres de Higgs ; il a une charge électriquenulle et une masse prévue de l'ordre de 100 gigaélectronvolts ; ilest le candidat le plus étudié au rôle de matière noire.

neutrino : particule élémentaire de masse très faible (longtempssupposée nulle). Les neutrinos sont émis dans les réactions

N

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thermonucléaires au sein des étoiles, et en grand nombre lors de l'effondrement gravitationnel d'une supernova. Ils sont très difficilesà observer parce qu'ils interagissent très peu avec la matière.

neutron : particule électriquement neutre, 1 839 fois plus lourdequ'un électron. Les neutrons sont, avec les protons, les constituantsdes noyaux atomiques.

nombre de Reynolds (du nom d’Osborne Reynolds, ingénieur et physicien irlandais) : nombre sans dimensionutilisé en mécanique des fluides.

noyau (atomique) : constituant essentiel d'un atome, chargé positivement et composé de protons et de neutrons (sauf pour l'hydrogène) auquel sont liés des électrons.

noyaux actifs (de galaxies) : trous noirs de masse compriseentre plusieurs millions et plusieurs milliards de masses solaires, émettant une énorme quantité d’énergie suite à des processuscomplexes d’accrétion de matière et de magnétohydrodynamiquerelativiste.

nucléons : particules constitutives du noyau atomique, liéesentre elles par l'interaction nucléairefortequi en assure la cohésion.Protons et neutrons sont des nucléons.

nucléosynthèse:ensemble de processus physiques responsablesde la formation des noyaux atomiques.

nucléosynthèse primordiale : synthèse des noyaux dedeutérium, d'hélium 3, d'hélium 4 et de lithium 7 en trois minuteslorsque la température de l'Univers primordial est passée de 10 à1 milliard de degrés.

octet : unité de mesure en informatique mesurant la quantité dedonnées. Un octet est lui-même composé de 8 bits, soit 8 chiffresbinaires. Le byte, qui est un ensemble de bits adjacents, a presquetoujours une taille d'un octet et les deux mots sont généralement,mais abusivement, considérés comme synonymes. Téraoctet : 1012.

onde :mode de propagation d'un phénomène périodique vibratoire.Une onde est caractérisée par sa fréquence et par la longueur quisépare deux maxima successifs de la vibration, appelée longueurd'onde.

onde de Jeans : onde qui se propage dans un milieu, sous l’effetde sa propre gravité et comporte des régions plus denses que lamoyenne du milieu.

ondes d’Alfvèn (du nom de l’astrophysicien suédoisHannes Alfvèn) : ondes magnétohydrodynamiques ; dans unplasma, il s’agit d’une oscillation des ionset duchamp magnétiquequi se déplace.

ondes de Jeans-Toomre : ondes qui se forment quand, dansun disque, le matériau commence à s’agglomérer sous l’effet desa propre gravité. Elles s’appellent ainsi d’après le no m des deux théoriciens qui, la première fois, ont décrit analytiquement cesstructures.

opacité : capacité de la matière à absorber les rayonnements.

oscillation acoustique baryonique : pendant une longuepériode de l’histoire de l’Univers, les baryons et les photons sonten interaction ; il en résulte des oscillations comme celles de deuxmasses attachées par un ressort ; ces oscillations apparaissentdans la répartition de la matière dans l’Univers.

paire d’électrons-trous :dans un semi-conducteur, une partiede l’énergie déposée par un photon sert à arracher des électronsliés aux atomes dans la bande de valence pour les transférercomme électrons libres dans la bande de conduction. Un électronarraché laisse une vacance dans le cortège électronique de l’atome

P

O

ou « trou » ; il faut une énergie minimum pour créer une paire d’électrons-trous de l’ordre de 1,1 eV pour le silicium.

parité de Kaluza-Klein : numéro quantique supplémentairelié à la conservation de l'impulsion 5-dimensionnelle, introduit dans les théories avec dimensionssupplémentaires ; il vaut +1 pour toutesles particules de la matière ordinaire et -1 pour les copies extra-dimensionnelles; il doit être conservé dans tous les processus;en conséquence, une particule de Kaluza-Klein ne peut pas sedésintégrer dans des particules ordinaires : le processus de désintégration aurait une particule de parité de KK égal à -1 commeétat de départ mais un ensemble de particules de parité de KK égal à +1 comme état d'arrivée, ce qui est interdit par la loi deconservation.

parsec (pc) : unité de longueur définissant la distance pourlaquelle une unité astronomique (1 ua), qui est égale à la distanceentre la Terre et le Soleil, soit environ 150 millions de kilo mètres,est vue sous un angle de 1 seconde d'arc. 1 pc = 206 265 ua =3,26 années-lumière.

pas de temps : étape de base d’une simulation numérique calculant l’évolution temporelle d’un système ; en partant d’un étatinitial, le programme calcule l’état du système au bout d’une durée relativement courte, ou « pas de temps », puis réitère le processuspour le « pas de temps » suivant.

photolithographie : procédé technologique permettant lafabrication de pixels à la surface d’un substrat semi-conducteur.

photométrie : mesure de l'intensité d'une source lumineuse.

photon : quantum (unité indivisible) d'énergie du rayonnementélectromagnétique. Particule élémentaire, sans masse ni chargeélectrique, associée à un tel rayonnement.

photosphère (solaire) : surface visible du Soleil, marquantla frontière entre la zone opaque sous-jacente et la périphérietransparente.

photovoltaïque : effet qui permet de convertir directementla lumière en électricité par le biais de la production et du transportde charges électriques dans un matériau semi-conducteurcomportant une partie présentant un excès d'électronset une autreun déficit.

pixel : unité de surface permettant de définir la base d'une imagenumérique. Son nom provient de la locution anglaise picture element, qui signifie « élément d'image » ou « point élémentaire ».

planète : corps céleste non lumineux par lui-même et gravitantautour d’une étoile.

planétésimaux : petits corps rocheux du système solaire primordial qui se sont agglomérés pour former des planètes, leurssatellites et les astéroïdes.

plasma : gaz porté à une température telle que les atomes s'ioni -sent. Ses propriétés sont déterminées par les forcesélectromagnétiques parmi ses constituants (ionset électrons) d'oùdifférents types de comportement. Considéré sur Terre comme lequatrième état de la matière, il en est dans l'Univers la formeprincipale.

points de Lagrange : du nom du mathématicien et astronome français d'origine italienne Joseph-Louis Lagrange (1736-1813),qui a déduit mathématiquement qu’un couple d’astres en interactiongravitationnellepossédait dans son voisinage cinq points d’équilibreou points de Lagrange (L1 à L5). En ces points, les forces degravitation de deux corps (les deux astres) alliées à la force centrifuge peuvent maintenir en équilibre un troisième corps placésur le même plan orbital à condition que sa masse soit largementinférieure à la leur. De nombreux satellites se trouvent ainsi aupoint de Lagrange L1, situé entre le Soleil et la Terre, à 1,5 millionde kilomètres de cette dernière. Le point de Lagrange L2, égalementsitué à 1,5 million de kilomètres de la Terre, est symétrique de L1par rapport à la Terre.

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polarimétrie : science de la mesure de la polarisation de lalumière.

polarisation :en électromagnétisme, l’état de polarisation d’uneonde est caractérisé par la façon dont évolue le champ électrique(et le champ magnétique) dans le plan d’onde, plan perpendiculaireà l’axe de propagation de l’onde. La figure décrite par le champélectrique peut être alors: un segment de droite, cas de la polarisationrectiligne ; une ellipse, cas de la polarisation elliptique ; un cercle,cas de la polarisation circulaire.

polarisé : dont le vecteur de champ électrique décrivant unevibration électromagnétique se situe dans un plan défini.

polyéthylène:un des polymères les plus simples (plastique inerte)qui appartient à la famille des polyoléfines.

primordial : qui correspond à la phase de l'évolution cosmiquetrès dense, très chaude et très courte (quelques minutes) au coursde laquelle ont été fabriqués les éléments les plus légers del'Univers (deutérium, hélium).

principe anthropique : l’Univers doit être tel que l’existence d’observateurs est permise ; en particulier, les constantes de lanature, comme la constante de structure fine, ne peuvent que peudifférer de leurs valeurs mesurées sous peine d’interdire l’existencedes noyaux atomiques, des atomes, etc., rendant ainsi impossiblela présence d’observateurs ; appliqué à la constante cosmologique,l’existence des galaxies implique que celle-ci est forcement bornéepar 100 fois la valeur de l’énergie des constituants de l’Univers actuel.

principe cosmologique : l’Univers est isotrope et homogène ; l’isotropie signifie qu’aucune direction n’est privilégiée ;l’homogénéité correspond à l’absence de point particulier dansl’Univers ; le principe de Copernic énonce que la Terre n’a pas deposition privilégiée dans l’Univers.

principe de moindre action et lagrangien : en optique, lesrayons lumineux obéissent au principe de Fermat selon lequel ils minimisent le chemin optique entre deux points ; les théories de particules suivent le même schéma ; dans ce cas, le mouvementdes particules (ou de leurs champs associés) extrémisent l’actionde la particule qui n’est autre que l’intégrale (au sens mathématique)du lagrangien.

proton :particule constitutive du noyau atomique (nucléon) portantune charge électrique positive égale et opposée à celle de l’électron.Un proton est 1 836 fois plus lourd qu'un électron.

pulsar (depulsating radio source) :étoile à neutrons, tournanttrès rapidement sur elle-même, émettant un fort rayonnement électromagnétique dans la direction de son axe magnétique.

quantique :qui relève de la théorie développée à partir du principedes quanta de Planck (toute manifestation de l'énergie ne peut s'exprimer que par une valeur discrète (discontinue) appelée quantum (unité indivisible)) et du principe d'incertitude d'Heisenbergselon lequel il n'est pas possible de mesurer en même temps avecprécision la position et la vitesse d'une particule.

quasars : objets extrêmement lumineux situés au centre de certaines galaxies, compacts et pleins d'énergie. Les quasars trèslointains témoignent des premiers âges de l'Univers.

radiateur passif : refroidisseur entièrement passif utilisant leséchanges radiatifs (échange de chaleur par rayonnement avec unesource à température plus froide).

radiation : énergie émise sous forme de rayonnement.

radiative (région ou zone) : zone proche du cœur, où le gazest fortement ionisé et l'énergie transportée par diffusion desphotons.

R

Q

radioactivité naturelle : radioactivité due à des sources non produites par des activités humaines (radon, rayonnement cosmique).

rayonnement cosmique : flux de particules chargées (protons,noyaux d’hélium et d’éléments lourds) traversant l'espace interstellaire à des vitesses relativistes.

relativiste :se dit de phénomènes impliquant des vitesses prochesde celle de la lumière. La matière est dite relativiste lorsque lavitesse avoisine celle de la lumière.

résolution angulaire : plus petite séparation angulaire entredeux objets, qui caractérise en particulier l'aptitude d'un systèmeoptique à distinguer ou à reproduire les détails d'une scène ou deson image. Elle s'exprime en minute d'arc ou en seconde d'arc,chaque minute d'arc étant divisée en soixante secondes d'arc.

R-parité : numéro quantique supplémentaire introduit ensupersymétrie. Il vaut +1 pour toutes les particules de la matière ordinaire et il vaut -1 pour les partenaires supersymétriques. Il doitêtre conservé dans tous les processus. En conséquence, uneparticule supersymétrique ne peut pas se désintégrer dans desparticules ordinaires : le processus de désintégration aurait uneparticule de R-parité égal à -1 comme état de départ mais unensemble de particules de R-parité égal à +1 comme état d'arrivée,ce qui est interdit par la loi de conservation.

séquence principale : région du diagramme de Hertzsprung-Russell où se trouvent regroupées les étoiles dont la sourced'énergie est la fusion de l'hydrogène en hélium : parmi elles, leSoleil actuel. Les étoiles d'une composition chimique donnée s'installent en fonction de leur masse sur une ligne appeléeséquence principale d'âge zéroou ZAMS (Zero Age Main Sequence).

signal stochastique : signal aléatoire variant dans le temps.Il se rencontre dans beaucoup de domaines : en physique, enélectronique, en chimie et même en musique. Les bullesconvectives à la surface d’une étoile excitent stochastiquementles ondes qui se propagent.

simulation numérique : reproduction par le calcul dufonctionnement d’un système, préalablement décrit par un modèleou un ensemble de modèles.

Soleil : étoile moyenne de type spectral G2V, située au cœur dela séquence principale du diagramme de Hertzsprung-Russell.Il est âgé de 4,6 milliards d'années. Son rayon est de 700 000 km,sa masse d'environ 2·1030 kg, et sa température de surface atteint5 770 K. Sa luminosité est de 3,8·1026 watts. La distance entre laTerre et le Soleil est voisine de 150 millions de km, soit 1 unitéastronomique (ua).

spectre CMB (pour Cosmic Microwave Background oufond diffus à micro-ondes) : le fond diffus cosmologique estle nom donné au rayonnement électromagnétique issu de l'époquedense et chaude peu après le big bang ; bien qu'issu d'une époquetrès chaude, ce rayonnement a été dilué et refroidi par l'expansionde l'Univers et possède désormais une température très basse de2,726 K ; la mesure précise de ses propriétés par le satellite WMAP(pour Wilkinson Microwave Anisotropy Probe) a permis de contraindrede façon très précise les paramètres de l'évolution de l'Univers.

spectromètre à résonance : cet instrument a été inventé pour étudier les déplacements en vitesse des couches superficielles del’atmosphère solaire. Appliqué à des raies bien connues enlaboratoire (sodium, potassium, fer, nickel), il a l’avantage de fournirdes précisions atomiques.

spectrométrie dispersive en énergie :spectrométrie réaliséeau niveau du détecteur sans nécessité d’utiliser un dispositif optique comme des réseaux ou des cristaux de Bragg ; l’énergiese mesure en inventoriant le nombre de paires d’électrons-trous,de photons de scintillation, de paires d’électrons-ions créées

S

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suivant que l’on utilise un semi-conducteur, un scintillateur ou uncompteur à gaz.

sublimation : processus par lequel un corps passe directementde l'état solide à l'état gazeux.

supergéantes (étoiles) : étoilesdont la masse varie entre 10et70 masses solaires, la luminositéentre 30 000 et plusieurs millionsde fois la luminosité solaire et la taille entre 30 à 500, voire plusde 1 000 rayons solaires.

supernova : explosion d'une étoile au cours de laquelle laluminosité dans le visible augmente considérablement, cephénomène se produisant à la fin de l'évolution de certaines étoiles.Les supernovae de type Ia signalent la désintégration d'une petiteétoile compacte, une naine blanche, rendue instable par uneaccumulation de matière venant d'un compagnon, sa masse ayantalors atteint la masse critique de Chandrasekhar (1,44 fois lamasse solaire). Les supernovae de type II marquent au contrairel'explosion d'une étoile massive (au moins 8 fois la masse solaire).Une grande partie de l'étoile est expulsée et il subsiste une étoileà neutrons ou un trou noir.

sursauts gamma (gamma-ray bursts) : phénomènes lesplus violents de l'Univers, ces sources transitoires se manifestentpar des éruptions brutales dans le domaine des rayons gamma.

synchrotron (rayonnement ou émission) : rayonnementélectromagnétiqueémis par des particules électriquement chargéesse déplaçant à des vitesses relativistesdans un champ magnétique.

système binaire : système de deux étoiles orbitant autour deleur centre de gravité commun. Les systèmes binaires serréspeuvent échanger de la matière par le phénomène d'accrétion.

tachocline : zone de transition à la base de la zone convectivesolaire entre la rotation différentielle de la zone convective et cellesolide du cœurradiatif ; le terme vient de la racine tachoqui signifie« vitesse » et de cline , « pente » : il s’agit donc de la pente de vitesse,c’est-à-dire du cisaillement : cette couche limite joue un rôle important dans l’organisation du champ magnétique solaire àgrande échelle.

température effective : température d’un corps noir quiémettrait la même quantité de rayonnement électromagnétiqueque l’objet étudié. Elle est utilisée pour estimer la température d’unobjet quand la courbe d’émissivité (en fonction de la longueur d’onde)est inconnue.

théorème d’Ostrogradski : il énonce que modifier la relativitégénéralesans conduire à une instabilité de l’Univers est très délicat ;seul un type de théories appelé « tenseur-scalaire » répond à cecritère.

théorie de la relativité générale :énoncée par Albert Einstein(et David Hilbert) en 1915, la relativité générale réconcilie la relativitérestreinte, décrite en 1905 par Albert Einstein, et la théorie de lagravité. Elle est basée sur le principe d’équivalence qui énonce qu’ilest impossible de distinguer un champ gravitationneldu mouvementaccéléré d’un observateur. Ceci est souvent illustré en disant qu’unexpérimentateur dans un ascenseur ne peut déterminer sil’ascenseur est soumis à une force de gravité ou s’il évolue selonun mouvement accéléré. La relativité générale est utilisée pourdécrire l’évolution de l’Univers.

théorie de la supersymétrie : théorie proposée, dans lesannées 1980, en physique des particules, pour expliquer notammentla masse prévue du boson de Higgs. Elle propose de doubler les ingrédients du Modèle standard : chaque particule de la matière ordinaire aurait un partenaire supersymétrique, avec les mêmespropriétés mais beaucoup plus lourd. Ces partenaires peuvent êtreproduits dans des processus physiques de haute énergie, tels quenotamment les collisions qui auront lieu au LHC.

T

théorie des cordes :tentative d’unification des lois de la relativitégénéraleet de la mécanique quantique ; pour ce faire, les particulesne sont plus ponctuelles mais deviennent des cordes microscopiques.

théorie MOND (pour Modified Newtonian Dynamics/dynamique de Newton modifiée) : il s’agit d’une théorieavancée par le chercheur israélien Mordehai Milgrom dans lesannées 1980 qui propose de modifier la loi de Newton (très bienconfirmée jusqu'à aujourd'hui dans toutes les observationsastronomiques) pour expliquer les courbes de rotations de galaxiessans introduire de la matière noire.

thermodynamique : branche de la physique qui décrit lestransferts d'énergie au sein de la matière.

transformée de Fourier : décomposition d’une fonctionmathématique quelconque en une somme de fonctions sinus etcosinus.

transformée de Ridgelet : permet une analyse optimale des ruptures linéaires dans une image.

transformée en ondelette :comme la transformée de Fourier,il s’agit d’une transformation d’un espace d’entrée (espace-temps)vers un autre espace (espace fréquentiel).

trou noir : astre si compact qu'il produit une attractiongravitationnellesi intense que ni la matière ni la lumière ne peuventplus s'en échapper. Dans la Voie lactée, certains trous noirs résultentde l'effondrement d'une étoilede plus de 10 masses solaires (trousnoirs stellaires). Un trou noir de plusieurs millions de fois la massedu Soleil est présent au centre de la Voie lactée.

turbulence : mode d'écoulement d'un fluide dans lequel sesuperpose au mouvement moyen un mouvement d'agitationaléatoire.

type spectral : il permet de classer les étoiles en température,des plus chaudes aux plus froides (O B A F G K M R N S H). Chaquetype spectral est affiné en ajoutant un nombre compris entre 0et 10 (par exemple une étoile A5 est un peu plus chaude qu'uneA6). La classe de luminosité y est souvent adjointe. Le Soleil estainsi une G2V, c'est-à-dire une étoile G2 de la séquence principale.

variable semi-régulière (étoile) : étoile géante ousupergéante de type spectral intermédiaire qui présente unepériodicité marquée dans sa variation de luminosité, accompagnéeou parfois interrompue par diverses irrégularités.

vent solaire : flux de particules énergétiques chargées,principalement des protons et des électrons formant un plasma,qui émane de la couronne solaire à des vitesses de plusieurscentaines de kilomètres par seconde.

vent stellaire : flux intense de particules émis par les étoilestout au long de leur évolution. Certaines étoiles massives éjectentde la matière avec un débit pouvant atteindre un cent millième demasse solaire par an à des vitesses de plusieurs milliers de kilomètres par seconde.

viscosité : mesure de la capacité d'un fluide à s'écouler.

Voie lactée :nom donné à notre Galaxie, grand disque, en rotationsur lui-même, constitué d'un peu plus de deux cents milliards d'étoiles. C'est une galaxie spirale.

WIMP (pourWeakly Interacting Massive Particle) :particulelourde ayant des interactions faibles, donc n'importe quelleparticule sensible à la force faible et caractérisée par une massetrès grande, de l'ordre de 100 gigaélectronvolts.

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W