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DanteGolden Boys 1.2

De Fleur Hana

Tous droits réservés, y compris droit de reproduction totale ou partielle, sous toutes formes.

©2013Les Editions Sharon Kenawww.leseditionssharonkena.com

ISBN : 978-2-36540-441-9

Acte III : Lui

Il prend son sac de sport, et réveille la brune. C’est quoi son nom déjà ? Bref, il lui demande de partir. Elle ne se formalisepas, il l’avait prévenue qu’il voulait juste tirer son coup.

Comment a-t-il fait pour ne pas s’apercevoir que Lola était… Il n’ose pas penser le mot, ça pourrait être contagieux, sait-onjamais.

La brunette claque la porte d’entrée et il fourre ses fringues en vrac dans le sac. Il s’apprête à sortir quand il entend Lolaarriver en courant.

— Attends, j’ai dit n’importe quoi ! C’était…Sa phrase se termine dans un boucan atroce puis un cri. Il lâche son sac, se retourne…eh merde… Elle est tombée et…

Putain !Il se précipite et s’agenouille à côté d’elle.— Bouge pas ! crie-t-il alors qu’il examine l’angle étrange que sa main fait avec son poignet.

Elle gémit de douleur et de grosses larmes coulent sur ses joues.— Fais chier ! lâche-t-il.Il la soulève dans ses bras et c’est parti pour un tour aux urgences. Il n’est qu’aide-soignant mais il en a vu assez souvent

pour dire qu’elle vient de se faire une fracture ouverte au poignet. Simple ou double, impossible à dire. Ça saigne, elle crie, ilmaintient son bras immobile et jure silencieusement. Elle doit vraiment souffrir le martyre. Il aurait pu appeler les pompiersmais ils sont juste à côté de l’hôpital, mieux vaut l’y emmener.

Il l’allonge sur la banquette arrière, tant pis pour la ceinture, il sera prudent. Eh putain de merde ! Il n’avait vraiment pasbesoin de ça !

Elle est tout de suite prise en charge et on lui demande de patienter dehors. Il va se prendre un café à la machine. Il est une

heure et demie du matin et il n’avait pas du tout prévu de passer sa nuit comme ça. Il s’est envoyé en l’air et la suite c’étaitd’offrir son cadeau d’anniversaire à Lola après minuit et de retourner dormir dans les bras de sa brune. Mais non, Lola latornade a encore frappé !

Au bout de deux heures, alors qu’il somnole, une infirmière urgentiste vient le chercher.— Monsieur Novelli ? lui demande-t-elle.Pas très futée la miss, y’a que lui dans le coin. Il se redresse et hoche la tête.— Mademoiselle Domingo demande à vous voir, vous n’avez que cinq minutes car on la monte en chambre ensuite.Il la suit et retrouve Lola dans une sorte de petit box.— Cinq minutes, lui rappelle l’infirmière.— Je suis désolée, commence Lola.Il l’interrompt en l’embrassant sur le front. Elle est stone, ils ont dû la shooter aux calmants pour la douleur. Elle a l’air à

moitié sonné… Mais elle insiste pour parler, alors il s’assoit sur le tabouret à côté du brancard et lui prend la main, la valide.— J’ai dit que je t’aimais mais c’était des conneries, c’était pour rire ! Ah ah ah, s’esclaffe-elle bizarrement.Il commence à flipper, il ferait mieux de partir avant que… trop tard.— Non mais tu sais, je ne veux pas que tu partes, en plus t’es à la rue, c’est con. Je t’aime depuis huit ans, franchement je

peux survivre à ta présence et à toutes les filles que tu ramènes à la maison et même à ton indifférence. Mais ne sois pas fâchécontre moi, d’accord… wow, pourquoi tu t’es mis de l’ombre à paupières ? enchaîne-t-elle en se redressant un peu.

Il ne répond pas, il est trop abasourdi par la révélation qu’elle vient de lui faire.— Dante, tu peux pas te maquiller à la truelle comme ça ! Faut estomper les bords, je t’assure, là on dirait un travelo qui va

faire le tapin ! Et puis le mascara, mon chéri, ça se met après avoir recourbé ses cils sinon ça tient pas une heure et regarde-toi ! Au point où tu en es tu ferais mieux de te démaquiller complètement… C’est pas comme si je ne t’avais jamais vu sans…Ah mais je t’ai vu tout nu ! glousse-t-elle bêtement.

Il ne relève rien, il est resté bloqué sur « Je t’aime depuis huit ans » et tout le reste ne s’imprime pas.— Dante, reste à la maison, s’il te plaît. Je ne t’embêterai plus, c’est promis ! Et même, si ça te fait plaisir que je mette

encore Carmen en rogne, je le ferai. Je veux dire, c’est pour toi que je le fais, parce que je n’aime pas la façon dont elle t’atraité. Tu vois, si tu m’avais choisie moi plutôt qu’elle, je ne t’aurais jamais trompé, jamais. Mais non, tu peux pas, Dante,sérieusement, le blush c’est censé donner un effet naturel et là ça te fait deux ronds roses sur les joues. C’est interdit. Tu réunistous les faux-pas en maquillage ce soir ! Je t’apprendrai, mon grand, d’accord ? On se fera une soirée maquillage, manucure,épilation de sourcils aussi… Parce que là c’est la forêt vierge ! Les sourcils c’est fin, discret… pas viril comme ça ! Est-ceque tu voudrais que je me laisse pousser les sourcils, sérieusement ? Non, bien sûr que non, tu…

— Allez, Mademoiselle, on vous monte au service orthopédique. Monsieur, il faut partir maintenant.Dante se lève et lâche la main de Lola qui s’est endormie.— Je peux venir la voir demain ?— Les visites démarrent à treize heures.— Merci.Il s’en va et rentre chez eux. Parce que pour l’instant, elle a raison, il ne voit pas vraiment où aller. Oui, il peut squatter la

maison tant qu’elle n’est pas vendue mais Lola va avoir besoin d’affaires demain. Il faut qu’il prévienne ses parents aussi,merde ! Elle a encore bien réussi son coup ! Comme s’il avait envie d’appeler ses ex-beaux-parents !

***

Treize heures. Il est déjà devant l’accueil et attend son tour pour savoir à quel numéro est installée Lola.Il monte au quatrième étage et la trouve endormie en chambre 426. Il referme doucement la porte et se rend au bureau des

infirmières pour prendre des nouvelles.

Il apprend qu’elle est encore sous antidouleurs assez puissants car elle ne se fait opérer qu’à dix-sept heures trente. C’estune simple fracture ouverte mais l’os est cassé à deux endroits et elle va avoir deux broches. Il leur apprend qu’elle estdroitière et leur explique comment elle est tombée. Il suppose qu’elle s’est pris les pieds dans le tapis et que son bras s’estretrouvé coincé sous elle au moment de la chute. Une infirmière flirte un peu avec lui, il ne lui sourit même pas. Il est encoreen état de choc depuis la déclaration d’amour dont il a été victime la veille.

Il retourne dans la chambre, elle dort toujours alors il s’installe dans le fauteuil à côté d’elle. C’est une chambre privée, ilpréfère, il n’a pas du tout envie de faire la conversation à qui que ce soit. Il commence à somnoler, il peut se laisser aller, il neprend sa tournée que dans deux heures.

Quand il rouvre les yeux, elle l’observe. Elle a l’air moins stone que cette nuit, mais elle est pas mal ensuquée quand même.— Ça va ? Tu as mal ? lui demande-t-il en lui prenant la main.Elle la retire doucement et secoue la tête. Il fronce les sourcils, elle est plus lucide qu’il le croyait.— Écoute, Lola, pour hier…— J’aimerais me reposer, c’est gentil d’être venu mais je suis fatiguée, le coupe-t-elle.— Bon anniversaire…Elle tourne la tête, ferme les yeux, et il comprend que sa présence n’est pas souhaitée. Il soupire (ça faisait longtemps), se

lève, l’embrasse sur le front, lisse sa frange, car il sait qu’elle est méticuleuse sur ce sujet, et sort. Il n’aime pas ce qu’il aressenti quand elle lui a demandé de partir. Il passe devant le bureau des infirmières et celle qui le draguait tout à l’heure estseule. Il entre.

— Vous avez droit à une pause ? lui demande-t-il en souriant.— Oh… heu… j’imagine que je peux… oui, j’ai droit à une pause mais courte.— Ça ira. Vous connaissez sûrement un coin tranquille ?Il hausse un sourcil, il sait que ça les fait craquer. Elle glousse et lui fait signe de la suivre.Ils descendent de deux étages et elle ouvre une porte grâce à son badge. C’est une réserve, quelque chose comme ça. Le

couloir est désert, ils y entrent ensemble.Il ne parle pas, soulève la jupe de la nana et dégrafe son jean. Toujours prêt, il dégaine un préservatif et la pénètre, à

l’ancienne, sans chercher à savoir si elle est prête ou pas. Elle gémit déjà, toutes les mêmes : plus c’est brutal, plus ça leurplaît.

Il lui assène de violents coups de reins, il a besoin d’exorciser. Il s’est trop attendri devant Lola et il doit se prouver qu’iln’en a rien à foutre d’elle, de son amour à la con et de toute sa vie en général. Il ne veut même plus qu’ils soient amis. Il va setirer de leur appartement.

Il jouit, il ne sait même pas où en est l’autre, il s’en tape. Il se retire, enlève le préservatif, fait un nœud au bout, le glissedans la poche de la blouse de l’infirmière qu’il laisse là sans un mot.

Voilà, ça, c’est Dante : l’enfoiré que tout le monde connaît et qui baise des greluches sans autre but que son propre plaisir.Merde !

Il est furieux, il ne sait même pas pourquoi et il ne veut pas le savoir. Cette nana, Lola (pas l’insipide infirmière), lui prendla tête et il doit rapidement la rayer de sa vie.

***

— Merde !Il laisse tomber le pilulier et tous les cachets se répandent sur la table. Tout à refaire !— Un problème, mon petit ? lui demande Hortense depuis le salon.— Désolé, Hortense, j’ai fait tomber le pilulier, tout va bien !Il n’aurait pas dû crier mais il est presque vingt heures et Lola est sûrement sortie du bloc et il n’a aucune putain de

nouvelle ! Et ça l’énerve encore plus car il ne devrait même pas chercher à avoir de ses nouvelles ! Ses parents et sa sœurdoivent être à l’hôpital, voilà, ça suffit ! De toute façon, à l’heure qu’il est, les visites sont terminées et…

— Je vous trouve un peu agacé, Dante…Il sursaute, c’est bien la première fois qu’Hortense se lève quand il est là. D’habitude, elle reste dans son fauteuil et attend

le moment où il part pour faire tomber quelque chose. Si elle aussi se met à chambouler leurs rituels…— Je… ça va, merci.Il ne veut pas l’envoyer balader, il l’aime bien. Mais elle devrait se mêler de ce qui la regarde.— C’est une fille… ou plus probablement, une femme.Elle est sûre d’elle. En même temps, qu’est-ce qui peut mettre un homme en rogne en dehors des gonzesses et du boulot ?

Il termine d’organiser le pilulier du mari d’Hortense qui observe la scène en silence car c’est un légume. Victime d’unAVC, il a perdu l’usage de la parole et de la plupart de ses facultés depuis plus d’un an maintenant. Il se demande tout le tempscomment Hortense fait pour s’occuper de lui en dehors des aides à domicile…

Elle le laisse terminer et retourne au salon. Il jette encore un œil à Edmond. Il le fixe en silence mais il a l’impression delire plus que de l’indifférence dans son regard. Il se sent complètement con d’imaginer quoi que ce soit… Mais c’est comme sile vieil homme lui disait « Vas-y, mon gars, retrouve-la, tu sais que tu t’inquiètes pour elle et que tu ne seras tranquille quequand tu l’auras vue ! ».

C’est complètement stupide mais il prend ça comme un signe.Il retrouve Hortense, elle fait tomber son stylo, elle mate son cul quand il se penche pour le ramasser et il s’en va. Il part

directement à l’hôpital, il sait qu’il risque de croiser son coup de l’après-midi, mais il n’en a rien à foutre.Les visites sont terminées mais il demande des nouvelles. Elle est encore en salle de réveil et tout s’est bien passé. Si ses

signes vitaux restent stables, elle sortira dans deux jours. Il rentre à l’appartement un peu plus détendu. Il sait qu’il devrait ramasser ses affaires mais il n’y arrive pas. Il ne peut pas la laisser seule avec sa main immobilisée.

Elle va faire une connerie, c’est certain ! Et mettre en péril la rééducation. Mais si elle ne veut pas qu’il reste ? Putain, Dante,depuis quand tu t’inquiètes de savoir ce que cette gonzesse pense de toi ?

Il se décide à appeler ses parents, c’est con, mais il voudrait préparer le retour de Lola.C’est le père qui décroche, tant mieux, il a toujours été en bons termes avec lui.— Bonsoir, Monsieur Domingo, c’est Dante.— Ah, Dante, bonsoir. Merci d’avoir conduit Lola à l’hôpital.— C’est normal. Vous l’avez vue aujourd’hui ?— Non, j’avais une audience. Et puis on nous a déconseillé de venir à cause des calmants et de l’opération.Dante retient un juron et serre les dents. Ils n’ont pas changé dans cette famille. Leur fille est à l’hôpital et ils ne sont même

pas allés la voir deux minutes avant qu’elle descende au bloc !— Je voulais vous prévenir que je m’occuperai de la ramener à l’appartement quand elle sortira, finit-il par dire.— Bien, c’est très aimable à toi.— Si vous pouviez faire en sorte que je ne croise personne ce jour-là… ajoute-t-il en sachant qu’il comprendra.— Entendu, c’est évident, lui répond l’avocat sur le ton professionnel qu’il lui connaît bien.Ils échangent deux ou trois banalités et il raccroche.

*** Elle est assise à côté de lui, le bras en écharpe et les lèvres serrées. Elle a ses lunettes de soleil vissées sur le nez et garde

la tête bien droite devant elle. Elle n’a pas sa ceinture car il avait peur que ça fasse pression sur son poignet. Il conduitprudemment, comme un petit vieux, tout en lui jetant quelques regards furtifs.

Elle n’a pas prononcé une seule parole depuis qu’il est venu la chercher à l’hôpital. Quand il lui a expliqué qu’il avaitpensé que ce serait plus pratique que ce soit lui qui s’occupe de son retour à l’appartement, elle s’est contentée de hocher latête. Et maintenant, un silence pesant occupe l’habitacle de sa voiture.

Il se concentre sur la route. Dès qu’il se gare devant l’immeuble, elle sort et il a juste le temps d’ouvrir le coffre avant ellepour récupérer son petit sac de voyage. Elle ne le regarde pas mais le laisse faire. Ils marchent en silence jusqu’àl’appartement, où elle s’enferme dans sa chambre après avoir murmuré un bref « merci ».

Eh merde ! Ces putains de gonzesses jamais contentes ! Il s’est fait remplacer au pied levé pour pouvoir s’occuper d’elle etc’est comme ça qu’elle réagit ? C’est quand même pas lui qui lui a fait un croche-patte et l’a mise dans cet état !

Il tape à sa porte. Pas de réponse. Il entre, parce qu’il s’inquiète, elle pourrait se faire mal si elle essaie de se déshabillerou… Putain, Dante, t’as vraiment rien d’autre à foutre que de l’imaginer à poil alors qu’elle sort de l’hôpital ?

Elle est allongée sur le lit, face au mur, habillée, chaussée… et son cadeau d’anniversaire est soigneusement posé sur sonbureau avec la carte.

— Hey… miss… tente-t-il en s’accroupissant devant le lit.Elle ne répond pas, bien sûr. Il ferme les yeux et compte jusqu’à dix pour tenter de ne pas s’énerver. Elle est convalescente,

il doit être patient.— T’as pas ouvert ton cadeau…Silence.Il pose une main sur son front, elle frémit et s’assoit.— Merci de m’avoir ramenée chez moi mais si tu veux partir, tu peux.

— Partir ? s’étonne-t-il.C’est la première fois qu’elle lui parle depuis des jours et c’est tout ce qu’elle trouve à lui dire ?— Tu étais sur le point de partir avant que je me fasse ça… dit-elle en remuant un peu le bras.Elle grimace.— Ne bouge pas ton poignet, la gronde-t-il.Elle le fixe en silence. Il soupire.— Je ne peux pas partir et te laisser seule dans ton état. T’as besoin de quelqu’un pour t’aider à…— Je ne veux pas de ta pitié, merci.— C’est pas de la pitié, c’est ce que font les amis et…— On est amis, maintenant ? le coupe-t-elle.Elle hausse un sourcil. Il n’arrive pas à retenir son sourire, c’est sa mimique, pas la sienne, mais elle est craquante quand…

Ok, mon gars, elle n’est pas craquante, c’est une gamine capricieuse et amoureuse de toi.— Je pensais qu’on l’était, répond-il enfin.— Tu peux partir, je me débrouillerai.— Et tu vas te faire mal et compliquer toute la rééducation, ajoute-t-il.Elle lève les yeux au ciel.— Je ne suis plus une ado, j’ai vingt-huit ans je te rappelle, et le fait que tu en aies trente-quatre ne fait pas de toi un sage ni

de moi une écervelée, d’accord ?Il sourit. Et son sourire s’évanouit quand il réalise qu’elle a raison. Ça fait un bail qu’elle n’est plus la gamine qu’il voit

toujours en elle. Un sacré bail même… Mais il doit faire attention, elle réveille en lui des pulsions qu’il n’aime pas. Sepréoccuper du plaisir de sa partenaire, par exemple. C’est terminé ça. Depuis Carmen, il ne baise que pour lui. Et puis,s’inquiéter pour quelqu’un comme il le fait pour elle, ça ne va non plus, ça le rend vulnérable et il n’aime pas ça. Elle a peut-être raison, il devrait partir.

— Trouve quelqu’un pour rester vivre avec toi le temps que tu ailles mieux et je m’en vais, décide-t-il.Elle serre les lèvres et ses yeux s’humidifient. Merde, qu’est-ce qu’il a encore dit ? On ne sait jamais avec les nanas !

Parfois, suffit de leur dire bonjour et ça les fait chialer ! Ça fait chier !— Tu veux que j’appelle quelqu’un ? insiste-t-il.Elle secoue la tête.— J’ai pas vraiment d’amis, avoue-t-elle.— Alors je reste, tu m’as moi.— Je t’ai menti, déclare-t-elle.— À quel sujet ?— L’autre soir, quand je t’ai dit que je… tu sais bien… J’ai dit ça pour que tu culpabilises de ramener des filles à la

maison. J’étais jalouse parce que je ne ramène jamais de garçons et je voulais que…— Ok. Je comprends, c’est un peu extrême comme méthode mais je comprends. Je ne ramènerai plus de…— Bien sûr que si, c’est comme ça que tu vis. Je ne vais pas te demander d’arrêter de respirer pour vivre avec moi !

s’impatiente-t-elle.— Respirer ?— On sait tous les deux que tu ne peux pas rester plus de trois jours sans t’envoyer en l’air, précise-t-elle.— Je…Il n’ajoute rien. Elle le voit comme ça ? Comme un coureur et… Ouais, c’est ce qu’il est donc c’est normal qu’elle le voie

ainsi. Alors pourquoi ça le fait chier qu’elle le lui fasse remarquer ?— Je ne te juge pas, dit-elle comme si elle avait lu dans ses pensées. Je sais juste que c’est comme ça que tu vis et quand je

t’ai proposé de venir ici, je savais comment ça se passerait. Je voulais te faire flipper l’autre soir, c’était des conneries.— Et ce que tu m’as dit après ?— Après quoi ?— Quand on était à l’hôpital ?— J’ai rien dit, j’ai dormi !Elle le regarde bizarrement, elle doit se demander si elle a révélé quelque chose. Il n’a pas envie de la mettre encore plus

mal à l’aise alors il n’insiste pas.— Tu m’as juste dit que tu aimais mettre en rogne Carmen avec moi, que ça lui faisait du bien d’être un peu remise à sa

place.— Oh, ça. Oui, c’est vrai.Il sourit. Il ne la croit pas une seconde mais il la trouve courageuse de tenter de reprendre ses aveux avec autant de

véhémence. Il va faire comme s’il n’avait rien entendu, c’est possible, il en est capable.— Tu veux que je t’aide à te mettre dans une tenue plus confortable ? propose-t-il.Elle rougit.— Je peux fermer les yeux… C’est pas comme si je ne t’avais pas déjà vue à poil mais si ça te…— Ok, je veux plus qu’on parle de ça, d’accord ?— Notre accord ne tient plus ? s’étonne-t-il.— Je ne pense pas que tu aies besoin de m’avoir sous la main, tu ramènes une nana différente chaque soir. Tu t’en sors très

bien sans moi.Elle lui en veut, c’est clair. Mais il ne lui a jamais caché sa façon de vivre, qu’est-ce qui lui prend d’un coup ? Même si

elle est amoureuse de lui, avant elle savait comment il était et ça ne la gênait pas. Pourquoi elle réagit comme ça maintenant ?Elle se lève et va à son armoire. Elle en sort un pyjama orange. Hideux. Mais il a l’air confortable. Elle commence à

détacher son écharpe et fait n’importe quoi. Putain, cette fille faut la materner sinon elle est capable du pire ! Il se lève enlâchant un soupir d’exaspération et prend les choses en main. Elle se laisse faire comme une poupée.

Il lui retire son t-shirt avec mille précautions et avale difficilement sa salive quand il réalise qu’elle ne porte même pas desoutien-gorge. Elle n’en a pas besoin, sa petite poitrine tient bien droite, les pointes en sont durcies. Est-ce parce qu’elle afroid ou… Il essaie de réprimer son érection mais il n’est qu’un homme, bordel ! Comment rester insensible devant son petitcorps parfait ?

— Dante…Il se souvient de leur discussion et arrête de fixer ces deux petites pommes qu’il croquerait bien et l’aide à dégrafer son

jean. Il le lui retire facilement et elle se retrouve en culotte devant lui. Elle n’a pas l’air embarrassé. Tout bien réfléchi, ellen’a jamais eu l’air gêné d’être nue devant lui…

Elle lui tend son pyjama. Il le prend, relève les yeux et s’accroche à son regard. Elle a cette expression neutre,impénétrable, plaquée sur le visage. Il jette le pyjama au sol et s’approche lentement d’elle. Il lui remet son écharpe en place,il ne veut pas lui faire mal mais il faut qu’il lui fasse du bien, maintenant. Elle fait un pas en arrière quand il pose la main surson sein gauche mais il la ramène contre lui.

Elle est si petite dans ses bras, si fragile… Mais elle a raison, elle n’est plus une gamine et elle le lui a déjà prouvéplusieurs fois.

Il pince son téton sans la quitter des yeux et elle entrouvre les lèvres pour laisser échapper un soupir ténu. Il sourit. Elle ena envie autant que lui. Pourquoi le repousse-t-elle ? Il a besoin de savoir…

— Je veux te faire jouir, lui avoue-t-il en un murmure.— Pourquoi ? répond-elle sur le même ton.— Je ne sais pas…Il l’embrasse, il ne veut plus parler. Leurs corps sont capables d’exprimer bien plus de choses que les mots. Il délaisse son

sein pour descendre plus bas et glisse la main dans sa culotte. Elle est déjà prête à le recevoir mais cette fois, il veut vraimentqu’elle en profite. Il veut l’amener jusqu’aux bords de l’orgasme et qu’elle le supplie de la laisser jouir. Contre sa bouche,c’est ça qu’il veut.

Il la conduit jusqu’au lit et l’allonge doucement en prenant soin de ne pas lui faire mal au poignet. Il en profite pour luiretirer sa culotte. Il a tous ses vêtements, elle n’en a plus aucun, et ça l’excite comme un fou. Putain de gonzesse ! C’estphysique, c’est viscéral, elle a raison, il ne peut pas rester deux jours sans baiser et ça en fait presque quatre !

Il joue avec sa langue sur sa gorge, ses seins mais ne s’attarde pas et descend jusqu’à son nombril qu’il titille un peu avantde rejoindre son objectif. Il trouve facilement son clitoris et le lèche doucement. Il l’aspire légèrement, le mordilledélicatement, insère deux doigts en elle sans cesser de l’embrasser, juste là. Elle gémit, elle se tortille sous les caresses de salangue. Elle pose sa main valide sur sa tête et agrippe ses cheveux en exerçant une pression pour lui faire comprendre qu’il nedoit pas arrêter. Alors il n’arrête pas et bientôt, très vite, elle crie. Elle jouit comme il le souhaitait.

Elle finit par le repousser et c’est le moment qu’il choisit pour prendre un préservatif dans la table de chevet, commed’habitude. Il défait les boutons de son jean et libère juste assez d’espace pour sortir son érection douloureuse. Il ne lui laissepas le temps de reprendre ses esprits et la pénètre rapidement, elle est encore tremblante de son orgasme. Il a été tendre,maintenant il veut plus de sensations alors il y va fort, lui soulevant les cuisses pour pouvoir aller au plus loin en elle. Ellepousse de petits cris et il se laisse aller à gémir, il n’en peut plus de s’empêcher de manifester son plaisir. Il halète, ne laquitte pas des yeux et putain ! quand son regard mi-clos lui renvoie le désir qu’elle ressent pour lui, il n’y tient plus et éjaculedans un râle. Merde ! Il n’a jamais été aussi peu performant avec une gonzesse ! C’est quoi ce bordel ? Même pas deux minuteset il jouit comme un puceau avec sa première conquête !

Il se retire et s’allonge à côté d’elle, essoufflé. Elle ne dit rien, elle reprend aussi sa respiration.— Désolé, finit-il par dire.

— De quoi ?Elle tourne la tête vers lui mais il refuse de la regarder. Elle lui fait peur, elle réveille en lui des sensations qu’il n’avait

plus ressenties depuis Carmen et ça ne lui plaît pas !— C’était un peu rapide… j’avais pas baisé depuis trois jours, lui avoue-t-il pour justifier sa piètre performance.Inutile de lui parler de l’infirmière…Elle ne répond rien et reste à l’observer. Il sent le poids de son regard et ferme les yeux. Il a honte de lui et il est

extrêmement mal à l’aise. Il n’aurait jamais dû coucher avec elle en sachant les sentiments qu’elle lui porte. Elle a beau lenier, c’était vraiment une attitude de connard de la baiser alors qu’il sait qu’elle en attend plus. C’est une de ses règles. Si,bien sûr qu’on peut se comporter comme un sale con et avoir une ligne de conduite ! Il ne fait jamais croire aux filles avec quiil couche que ça pourrait être plus que ça. Jamais. Elles connaissent la couleur dès le début et si ça ne leur plaît pas, ellespassent leur chemin. Putain, pas avec la petite sœur de son ex, merde ! Y’a des limites à pas franchir et il est en train de toutesles piétiner !

— Tu me ferais couler un bain ? Ils n’ont pas voulu que je me douche à l’hôpital, c’était des toilettes au gant…— Tu me dis ça maintenant que je viens de te lécher la…Elle lui donne un coup de coude. Il sourit, elle ne s’attarde pas sur ce qui vient de se passer, c’est parfait.— C’est pas comme si tu m’avais vraiment laissé le choix, murmure-t-elle en détournant les yeux.— Je pense pas t’avoir mis le couteau sous la gorge non plus ! se marre-t-il.Il préfère quand l’ambiance est…— Je peux pas me défendre, je te rappelle, je suis blessée.— Je m’en souviendrai, répond-il en se levant.Il va à la salle de bain, jette la capote usagée dans la poubelle, se rince et se rhabille avant de lui préparer la baignoire.

*** Trois semaines et il a tenu le coup, il n’a pas recouché avec elle une seule fois. En même temps, elle fait tout pour le

pousser à bout. Jamais il n’aurait cru qu’en lui proposant de l’aider au quotidien il se retrouverait avec la petite fille gâtéequ’elle était. Il fallait l’aider pour s’habiller, ça, ok, normal. Sauf que Mademoiselle passe son temps à changer d’avis et c’esttrois ou quatre tenues qu’il faut passer avant de trouver la bonne. Sa patience est mise à rude épreuve mais il culpabilisetellement de la savoir amoureuse et d’avoir quand même couché avec elle à son retour d’hôpital qu’il ne râle pas. Enfin, untout petit peu.

Là, c’est la quatrième tenue et il voit à sa tête qu’elle va encore changer d’avis.— Tu sors ce soir ? lui demande-t-il sèchement.— Ben non, tu sais bien que je ne peux pas conduire.— Alors fais pas chier, tu gardes ce que tu as sur le dos, je vais être à la bourre et putain, Lola, je suis encore pas habillé !Elle lui fait son air de femme outrée et hausse les épaules.— Tu vas te désaper de toute façon, qu’est-ce que ça peut faire que tu…Mais il n’écoute pas et va s’habiller pour la soirée d’enterrement de vie de jeune fille qu’ils doivent assurer en pompiers,

encore.Avant de partir, il vérifie qu’elle ne manque de rien. Elle doit commencer la rééducation dans une semaine mais, en

attendant, les consignes sont strictes : pas de mouvement, le poignet doit être immobilisé. Alors il l’assiste, peut-être un peutrop mais avec elle, mieux vaut prévenir que guérir ! Et puis c’est une putain de nana, bien sûr qu’elle ferait des conneries s’iln’était pas là pour l’aider !

La soirée se déroule bien : il fait son job comme il faut, Matt quitte la pièce principale avec une fille pas trop mal… C’est

leur tour à Benj et lui de rester pour faire l’animation. Ils font un roulement pour que chacun puisse en profiter si jamais il y ade quoi lever. Mais il a passé son tour la dernière fois, il n’était pas franchement en forme. Il essaie de ne pas s’inquiéter maisça fait trois semaines qu’il n’a pas… ok, mec, détends-toi. Il flippe parce que depuis le retour de Lola à l’appartement, il n’aplus réussi à… Enfin, je vous fais pas un dessin.

Ça l’arrange, comme ça les clientes ne s’imaginent pas des trucs, parce que c’est pas ce petit bout de tissu brillant qui vacacher quoi que ce soit.

Mais bien sûr, ça l’arrange… c’est cela… Conneries ! Il a juste dû être traumatisé par son éjaculation précoce et a besoind’un peu de temps pour reprendre confiance en lui. Bordel ! Il savait que cette fille était une calamité mais il n’aurait jamaispensé qu’elle pouvait s’en prendre à sa virilité !

Il quitte la soirée encore plus tendu qu’en arrivant. C’est pas compliqué, en ce moment il est sur les nerfs en permanence et

ça commence à le gonfler sérieusement ! Il rentre à l’appartement vers trois heures. Lola dort sûrement mais il a pris l’habitude de passer la tête par la porte de sa

chambre pour vérifier qu’elle va bien. Elle n’est pas au courant, faudrait pas qu’elle s’imagine des trucs. Il ne fait ça que parconscience professionnelle… Celle de son boulot d’aide-soignant hein, pas de gogo-dancer… Bref. Le temps que ses yeux semettent en mode « obscurité », il s’approche doucement du lit et là, il se fige. Putain, mais oui, mais bien sûr ! C’est pour çaqu’elle a fait tant de chichis pour s’habiller pour la soirée ! Elle avait prévu de recevoir quelqu’un et… Ok, maintenant, c’estle moment de sortir sur la pointe des pieds avant que l’un d’eux ne s’aperçoive qu’il est là en train de les mater en pleine nuit.Ça le ferait passer pour une sorte de psychopathe…

Il referme doucement et va à la salle de bain prendre sa douche de décontamination de gonzesses. Quand il se lève le lendemain matin, il entend des rires à la cuisine. Le gars doit prendre le p’tit-dej avec Lola. Voilà, ça

c’est un truc qu’il ne lui a jamais imposé ! Il a toujours demandé à ses conquêtes de se tirer avant qu’elle ne se réveille.Correct, non ? Et elle, la voilà qui exhibe son plan cul ! Et qu’est-ce que ça peut lui foutre à lui, finalement ? C’est pas sonproblème ! Il ne va pas se cacher pour éviter de le croiser, il vit ici, merde !

Il passe à la salle de bain et se pointe à la cuisine avec uniquement son vieux pantalon de pyjama. Ok, il le fait exprès parcequ’il sait qu’il a des abdos d’acier et que l’autre type se sentira merdeux.

Sauf que le mec assis en face de Lola est taillé comme lui : en d’autres termes, comme un dieu. Ouais, Dante n’est pas dugenre à se la jouer fausse modestie.

L’intrus se lève et lui tend la main.— Tu dois être Dante, moi c’est Chris.Poignée de main parfaite, ni trop serrée qui voudrait dire «J’ai des couilles » ni trop molle qui voudrait dire « Je suis une

lopette ». Parfaite. Merde.Il hoche la tête et s’approche de Lola. Il se penche et l’embrasse sur la joue, tout près de ses lèvres. Elle ouvre de grands

yeux… C’est sûr, il n’a plus fait ça depuis des semaines, mais… Bon, en gros, il marque son territoire. Ce qui estcomplètement con étant donné que celui qui a dormi avec elle la nuit dernière, c’est Chris-perfection et pas lui.

Il va se servir une tasse de café et revient s’asseoir, à côté d’elle, bien sûr.— Bien dormi ? T’as pas mal ? lui demande-t-il en montrant son poignet.— Ça va, merci.— Tu devrais faire gaffe, c’est peut-être un peu tôt pour dormir avec quelqu’un, tu pourrais te cogner.Elle rougit et il boit une gorgée pour masquer la grimace qui lui vient en pensant au type en face de lui.— T’en fais pas, on a fait attention, répond celui-ci en adressant un clin d’œil à Lola qui rougit encore plus.Elle qui a la réputation de coucher un peu partout, elle est bien pudique d’un coup.Elle croque un bout de sa tartine et il lui reste un peu de confiture au coin de la bouche. Il lève la main pour l’essuyer mais

l’autre enfoiré a été plus rapide. Il lui sourit tout en l’essuyant et met ensuite son doigt dans sa bouche sans la quitter des yeux.Il pourrait se lever, les laisser prendre le petit déjeuner entre eux. Et probablement se sauter dessus juste après. Mais non,

il reste. Un silence embarrassant prend place avec eux à table. C’est le connard qui le brise. Le nouveau connard, s’entend, pasDante.

— Je vais prendre une douche, ensuite je t’aiderai pour t’habiller et on décolle, ça te va, ma belle ?« Ma belle » ? Il se prend pour quoi ce péquenaud ? Il débarque une nuit et ça y est, il est prêt à lui passer la bague au

doigt ? C’est quoi ces conneries ?— Ok, les serviettes sont…— Je sais, poupée, je m’en souviens…Nouveau clin d’œil. Putain, y’en a un qui va aller dire bonjour au mur si ça continue… Mais Chris se lève et les laisse

seuls.Lola ne dit rien, elle termine son jus d’orange et se lève.— Ça fait longtemps que tu t’envoies en l’air avec ce loser ? ne peut-il s’empêcher de demander.Elle ouvre la bouche, la referme, clôt les paupières et a l’air de se concentrer pour rester calme.— Je ne vois pas en quoi ça te regarde, finit-elle par répondre.— T’as raison, mais je pensais que tu valais mieux que ça.— Tu ne le connais même pas !— Je les connais les types comme lui…— Qu’est-ce que tu veux dire ? s’impatiente-t-elle.— Les types qui couchent de tous les côtés et se prennent pour des bêtes de sexe…

— Comme toi ?Il ne répond plus, elle a raison. Comme lui. Il se permet de la juger alors qu’il ne vaut pas mieux que ce type qui squatte

leur salle de bain. Elle le fixe toujours, à mi-chemin de la porte de la cuisine, attendant sa réaction.— Putain, t’as raison, Lola, fais ta vie comme tu veux. Je trouve juste ça con que tu t’abaisses à te comporter comme moi.

J’ai une vie de merde, ta sœur a bien fait en sorte que je sois inadapté à une quelconque relation de couple. Et tu sais quoi ?C’est pas grave, parce que je suis tellement un fils de pute avec les nanas qui croisent mon chemin que je ne mérite pas d’avoirquelqu’un de bien dans ma vie.

Il se lève, lui passe devant et va s’enfermer dans sa chambre. Il n’est pas pressé, il préfère attendre qu’ils se tirent tous lesdeux. Et puis il a honte de sa tirade. Ça le fait passer pour une victime alors que ça fait un sacré bout de temps qu’il n’a plusdroit à ce statut. Pas après la façon dont il traite le sexe opposé. Ni son frère. Cet enfoiré a mérité sa rancune mais merde, çafait quatre putains d’années !

Il s’allonge sur son lit et rumine tout ce qui constitue sa vie depuis qu’il a surpris Sandro et sa fiancée en train de baiser cejour-là… Il sait bien que ça ne fait pas avancer la situation mais il est bloqué dans sa chambre en attendant que Lola et sonmec se tirent.

Est-ce qu’elle s’est sentie mal à chaque fois qu’il a ramené une gonzesse à l’appartement ? Parce que lui, là, ça le faitputain de chier d’imaginer ce connard parfait en train de l’embrasser, la prendre dans ses bras…

Il attrape un bouquin qui traîne par terre et le balance sur la porte en poussant un cri de rage. Il ne comprend pas pourquoi ilattache autant d’importance à cette gonzesse. Elle a ça dans le sang ! Sa sœur et elle, c’est la même chose ! Et elle est en trainde le lui prouver ! Amoureuse mon cul, oui ! Elle était amoureuse de lui il y a trois semaines et maintenant elle couche avec cetype ? Tu parles d’un amour sincère ! Huit ans ? Alors c’est ça ? Tu passes huit putains d’années à aimer quelqu’un et en troissemaines c’est réglé, on zappe ?

Un long moment après, il entend la porte d’entrée. Il est seul. C’est le moment.Il rassemble ses quelques affaires, l’essentiel étant ses blouses d’aide-soignant et ses « uniformes » de pompier, flic,

plombier, etc. Il se tire. Si elle veut avoir une vie aussi merdique que lui, c’est son problème, mais pas question d’en être letémoin. Elle va commencer sa rééducation et, visiblement, elle n’a plus besoin de lui pour s’habiller ou prendre sa douche.L’autre connard n’aura qu’à s’en charger. Il peut partir l’esprit tranquille. Bien sûr qu’il a l’esprit tranquille, évidemment,quelle question !

C’est lui, c’est Dante, l’enfoiré de première qui drague les copines de son frère et couche avec juste pour se venger. Lesalaud qui lève des nanas pour les jeter comme de la merde juste après. Celui qui sait qu’il est beau et qui n’a qu’à claquer desdoigts pour avoir des petites chattes en chaleur à ses pieds.

Si elles savaient, toutes, à quel point il est aussi laid à l’intérieur que canon à l’extérieur… Si la rancœur et la rancuneétaient des caractéristiques physiques, il serait tout simplement hideux.

Il claque la porte d’entrée et dépose son trousseau de clefs de l’appartement dans la boîte aux lettres. Il monte dans savoiture et démarre pour aller squatter la maison que la vieille tante leur a léguée. Il n’a pas laissé un mot, pas une explication.Il n’a même pas fait son putain de lit. Il se tire comme il a l’habitude de le faire : comme un enfoiré de première.

Acte IV : Elle

— Attends, beauté !— T’es complètement bourré, Chris… glousse Lola, qui l’est au moins autant que lui.Elle met cinq minutes à trouver la bonne clef et cinq de plus à la faire entrer dans la serrure. Elle fait signe à Chris de se

taire. Il est quatre heures du matin et elle sait que Dante a dû rentrer. Mais ils font un boucan incroyable tous les deux et ellecraint de voir son colocataire débarquer et se foutre en rogne comme ce matin. Elle envoie Chris se coucher et avancedoucement jusqu’à sa chambre. Elle sait que toutes les nuits il vient la voir. Elle fait semblant de dormir mais elle l’entendouvrir sa porte et l’observer quelques instants… Alors ce soir, elle veut faire pareil.

Elle entrouvre à peine, juste de quoi passer la tête… Et elle remarque immédiatement que quelque chose cloche. C’est tropvide par terre. Normalement y’a des fringues partout, ses deux sacs de voyage, etc. Et là, à part le lit défait, aucune trace deDante. Elle allume la lumière.

Il est parti.Comme elle a un peu trop bu ce soir et qu’elle a naturellement l’alcool triste, elle se met à pleurer. De gros sanglots

bruyants.Chris arrive, elle pensait qu’il dormait déjà. Il la prend dans ses bras.— Il s’est tiré, ce con ? lui demande-t-il à l’oreille.Elle hoche la tête, se retourne et se blottit dans ses bras. Il lui caresse doucement le dos.— S’il tient à toi, ma douce, il reviendra, tente-t-il de la réconforter.Mais elle sait qu’ils sont allés trop loin avec Chris et que c’est trop tard. Elle sent venir un haut-le-cœur et se précipite aux

toilettes où elle passe une bonne partie de la nuit à vomir, son meilleur ami gay lui tenant compagnie, endormi dans labaignoire.

***

— Chérie, ça fait trois jours, tu peux plus continuer comme ça…Chris lui tend un bol de soupe, on dirait une grand-mère parfois… Comme si de l’eau chaude avec quelques légumes allait

l’aider en quoi que ce soit. Mais il est attentionné et elle est contente de ne pas être seule.Il a toujours été là pour elle et, depuis toutes ces années, il l’a vue faire une fixation sur Dante sans jamais la juger. Mais là,

il sature…— Je te laisse le temps de boire ça, ensuite tu te lèves où je te jette sous la douche dans cet immonde pyjama qui mériterait

d’être brûlé.Lola hausse les épaules, c’est vrai qu’il est moche et ne lui remonte vraiment pas le moral. Mais pas question de s’en

débarrasser, Dante l’a trop souvent aidée à le mettre pour qu’elle tire une croix dessus.— Demain tu commences la rééducation alors, vraiment, rends service à tout le monde et lave-toi, je t’en supplie… ajoute-

t-il en se pinçant le nez.Elle lève les yeux au ciel et saisit le bol. Une fois lavée et habillée, avec l’aide de Chris, elle se plante devant la porte de la chambre de Dante. Enfin… son

ancienne chambre. Il a tout pris. C’est comme s’il n’était jamais venu s’installer ici. Il aurait pu lui laisser un message, quelquechose. Chris a trouvé les clefs dans la boîte aux lettres, seul indice qu’elle n’avait pas rêvé toute cette colocation. Ouais, il y aaussi le souvenir des glapissements des traînées qu’il ramenait régulièrement.

Elle s’arrache à la contemplation du lit froissé et rejoint son ami dans la cuisine pour un vrai repas. Elle s’installe en facede lui et ne dit rien. Il croise les mains sous son menton et appuie les coudes sur la table. Si sa mère était là, elle ferait lagrimace. Mais elle n’est pas là, tant mieux, elle serait invivable.

— Ma belle, je ne vais pas rester à te contempler t’enfoncer un peu plus chaque jour à cause d’un connard, tu le sais ?lance-t-il en souriant.

Elle ne voit pas ce qu’il y a de drôle mais elle acquiesce. S’il veut partir parce qu’il ne la supporte plus, elle le comprend.Elle-même a du mal à se voir dans un miroir.

— Ta frange ne ressemble à rien et tu n’as pas fait ton brushing depuis qu’il est parti. Le prends pas mal mais c’est paspossible… juste pas possible.

C’est vrai que ça ne lui ressemble pas de se laisser aller comme ça. Peut-être a-t-elle goûté de trop près à ce que la vieaurait pu être si elle avait été en couple, pour de vrai (et pas juste en colocation) avec Dante ? Et maintenant qu’elle a toutperdu, c’est d’autant plus difficile de faire semblant.

— Tu sais ce qu’il te faut ? lui demande-t-il avec un clin d’œil.Elle secoue la tête. Elle est vraiment amorphe…Il se met à chanter un air qu’elle reconnaît tout de suite et elle sourit en l’entendant. Elle ne peut s’empêcher de

l’accompagner et les voilà tous deux en train de fredonner Pretty Woman.Chris tape dans ses mains et repart à son assiette.— Je croyais que tu n’allais pas me supporter plus longtemps, lui demande-t-elle.— Exact, répond-il, on commence la désintox aujourd’hui !— Pardon ?— Ma chérie, ce mec, tu l’as dans la peau depuis trop longtemps. Je pense qu’on peut clairement dire que vous deux, ça ne

marchera pas. Je ne suis pas du genre à te conseiller de t’accrocher alors que tu vois bien qu’il ne veut pas de toi ! Il te voitavec un mec, il se tire ! Bon sang, si je tenais à toi, je me battrais. Te méprends pas, je tiens à toi mais pas dans le sens où jel’entends pour mon exemple… Bref, Dolorès, il est temps de passer à autre chose. On commence par du shopping et puis

samedi soir je t’amène dans une boîte très chouette où on peut chasser tous les deux : y’a du gay et de l’hétéro !Elle sourit, son enthousiasme est communicatif. Elle sait très bien que tout ne va pas s’arranger en deux jours, ni même deux

semaines. Mais si elle continue à se laisser couler comme elle le fait depuis le départ de Dante, ça ne la mènera nulle part.Elle doit retourner bosser, rencontrer quelqu’un d’autre et aller de l’avant.

— Je vais m’installer là quelque temps, par contre pas question de te laisser seule, tu serais capable de déprimer enécoutant All by myself et en mangeant de la glace… nope, ça n’arrivera pas avec Christophe dans les parages ! Allez, prendsdes forces parce qu’il va t’en falloir pour ce que je t’ai prévu !

Elle se sent bien, ça fait plaisir d’être soutenue même si elle sait qu’il vaut mieux prévoir des baskets pour le shoppingparce qu’elle va souffrir ! Il est capable de lui faire visiter vingt ou trente boutiques en un après-midi ! Et demain, retour autravail et reprise en main de sa vie qui part complètement à la dérive. En fait, ça fait huit ans qu’elle part en live, il est temps !

***

— Chris, s’il te plaît, je suis fatiguée… le supplie Lola.— Tu ne peux pas rester avec cette petite merveille de robe si tu n’as pas les chaussures qui vont avec. Ta tenue sera

parfaite pour samedi soir ! s’enthousiasme-t-il.— Mais j’ai déjà quatre tenues là-dedans, dit-elle en soulevant les nombreux sacs qu’elle porte à bout de bras.— Ne jamais rien laisser au hasard ! Tu dois être parée, au cas où !Elle n’insiste pas, ce serait user sa salive pour rien. Elle le laisse donc lui essayer encore quelques chaussures pour aller

avec la robe tutu noire et rouge qu’elle s’est trouvée dans une précédente boutique. C’est une robe bustier, assez courte avec sajupe pleine de jupons de tulle, parfaite pour la taille qu’elle fait !

Mais elle n’est pas encore tirée d’affaire puisque Chris ne trouve pas son bonheur et ils s’en vont sans rien acheter.— Tu sais quel est le souci ? On cherche des chaussures à talons, mais c’est pas ça qu’il nous faut…Il se recule et l’observe de la tête aux pieds tout en se tapotant le menton de l’index.— Je sais ! s’écrie-t-il, visiblement ravi. Des New Rock ! C’est ça qu’il te faut ! Ça dit que tu es rebelle mais que tu prends

soin de ton look et ça ira parfaitement avec cette robe. Viens, je sais où en trouver !Elle le suit de bonne grâce, elle a toujours rêvé de s’acheter une paire de cette marque sans jamais oser le faire… Mais

puisque c’est Chris qui mène le jeu, ça lui fait une bonne excuse pour accepter de s’en offrir !Elle regarde son ami trottiner devant elle. C’est une caricature à lui tout seul : il accentue ses manières efféminées, porte

des couleurs vives, penche toujours la tête quand il parle et est extrêmement soigné avec son apparence. Elle l’adore. Ils arrivent dans une boutique clairement destinée aux gothiques. C’est pas grave, elle a envie de se faire plaisir. Est-on

vraiment obligé d’avoir le total look ? Non. Elle décide que non et qu’il est temps qu’elle se lâche un peu ! D’accord, là ellese lâche avec la carte bleue de papa, mais après tout, l’argent, c’est fait pour être dépensé !

Chris sélectionne trois paires, ils réussissent à tomber d’accord sur la gagnante et la voilà de retour chez elle avec unetonne de vêtements et d’accessoires neufs. Y’a pas à dire, le shopping, c’est une thérapie en soi !

Et pour clore la journée en beauté, ils commandent des pizzas et se louent Pretty Woman histoire de rester dans le ton.Chris connaît toutes les répliques par cœur et Lola s’aperçoit qu’elle a un peu moins pensé à Dante, légèrement… Elle estpersuadée qu’en faisant un pas chaque jour, elle finira par se le sortir de la tête. Après tout, le message est clair. Elle lui avouequ’elle l’aime : il décide de partir. Depuis ce jour, elle aurait dû voir que rien d’autre n’était possible. Si elle ne s’était pascassé le poignet, il ne serait pas resté, il serait parti pour de bon et n’aurait pas été aussi attentionné au point qu’elle s’était faitdes idées sur ses motivations. Il avait juste eu pitié d’elle… Et quand il a vu, quand il a cru qu’elle avait un mec dans sa vie, ila sûrement été soulagé de ne plus devoir s’occuper d’elle. Il a saisi la chance de déménager au vol. Oui, c’est très clair, il estenfin débarrassé de la petite sœur de l’ex qui lui avait tant pourri la vie. Bien sûr qu’il ne veut pas d’elle dans sa vie ! Elle luirappelle tout ce qui le fait souffrir. Quelle idiote elle avait été de s’imaginer avoir une quelconque chance avec lui ! C’étaitcouru d’avance !

À partir de maintenant, elle reprend sa vie en main, elle arrête de se bercer d’illusions. Et même si ça lui fait mal, elle estdéterminée à passer à autre chose. Quoi de mieux pour ça que de rencontrer quelqu’un qui soit vraiment disponible pour elle ?

***

La journée a été longue au travail. Une bonne douche et un lavage de cheveux plus tard, elle réussit à supprimer l’odeur de

graillon qui lui colle à la peau. Elle attrape ses vêtements et les fourre dans la machine. Quelque chose de brillant attire sonregard. Elle le sort du tambour et pousse un soupir ridicule de midinette. C’est le slip doré de Dante… Elle réfléchit un

instant… Elle ne sait plus de quel uniforme il fait partie mais il va en avoir besoin. En même temps, ce n’est plus sonproblème, il n’avait qu’à y penser avant de partir sans dire au revoir ! Quand elle pense qu’elle lui a proposé de s’installeravec elle pour lui rendre service. Bon, d’accord, c’était surtout à elle qu’elle pensait mais ça, il n’était pas censé le savoir àce moment !

Elle remet le sous-vêtement bling-bling dans la machine et retourne se préparer. Ce soir, Chris veut l’emmener dans uneboîte où il rejoint des amis depuis son retour d’Irlande où il était en mission depuis trois ans. Elle n’a pas l’habitude de sortirétant donné qu’elle ne croule pas sous les invitations, c’est l’opportunité de se changer les idées.

Elle s’habille avec sa robe tutu et s’occupe minutieusement de ses cheveux. Quand ils sont parfaitement lissés, autant sonmini carré plongeant que sa micro frange, elle s’attaque au maquillage. Elle termine par des bas et ses nouvelles chaussuresqu’elle aime d’amour et qu’elle va enfin pouvoir mettre ! Elle les a portées tous les soirs de la semaine pour s’y habituer etaurait bien dormi avec si Chris ne l’avait pas obligée à les enlever. En parlant de Chris…

— Bouge tes miches, ma belle ! Ou ils seront tous bourrés quand on arrivera ! hurle-t-il à travers la porte de la salle debain.

Elle sort et il l’observe un moment sans rien dire.— C’est parfait. Par-fait. Mon Dieu, tu vas t’amuser ce soir, ma chérie… je te le garantis !Elle rougit, elle sait très bien qu’il est gay mais quand même, ça fait drôlement plaisir d’être regardée comme ça !— Allez, en route ! décrète-t-il en passant son bras sous le sien. On va réveiller tout ça ! ajoute-t-il en lui mettant une tape

sur les fesses. — J’arrive pas à croire que tu ne sois jamais allée au Topaze… lui dit-il dans la voiture. J’ai passé trois longues années à

l’étranger et je suis plus au fait des lieux branchés du coin que toi !— Je suis pas vraiment sortie ces dernières années, justement.— Ça va changer ! Le papillon va s’extraire de son cocon !Elle se gare non loin de la boîte en question où une file de personnes attend. Ça commence bien… Elle déteste ça, surtout

qu’en général, arrivé à l’intérieur, rien ne justifie l’heure d’attente dans la rue !Mais Chris la prend par la main et se dirige d’un pas décidé vers les physionomistes. Il les embrasse les deux sur la joue et

entre comme s’il était chez lui. Elle fait un petit signe embarrassé aux videurs en passant devant eux tout en s’accrochant à sonami pour ne pas le perdre.

Il fonce droit sur une table déjà bien occupée et là, elle se demande s’il l’a fait exprès ou s’il ignore qui est Sandro. Parceque celui-ci est assis au milieu de ceux que Chris embrasse les uns après les autres.

Elle reste en retrait, attendant que le type qui a foutu en l’air la vie de son frère, et la sienne par ricochet, la remarque. Maisson ami la devance.

— Tout le monde, je vous présente Lola ! Lola voici Sarah et Sandro, Mandy et Olivier, Isabelle et Bastien, Marc etStéphane !

Elle reste la bouche ouverte une seconde face à celui qui doit être Marc ou Stéphane… C’est le sosie de Ian Somerhalder…Genre… le fantasme de toute une génération de filles comme elle ! C’est… Damon, quoi ! Damon est là devant elle et… ah…D’accord… Damon est gay puisqu’il a posé la main sur la cuisse de son voisin.

Elle fait un signe de tête pour saluer le groupe et prend une chaise loin, très loin de Sandro, à qui elle lance un regard noir.Sa copine, Sarah, si elle ne se trompe pas, lui en lance un à son tour. Elle doit s’imaginer qu’elle est l’une de ses ex. Plutôtmanger son propre vomi que de s’acoquiner avec ce traitre !

— Dis donc, t’attends des triplés, ma belle ? demande Chris à celle qu’il lui a présentée comme étant Mandy.— M’en parle pas, je hais être enceinte ! répond celle-ci en trempant les lèvres dans son coca.— C’est la première fois que tu viens ici, non ?Elle se retourne et s’aperçoit que c’est Damon qui lui parle. Mais non, il n’a pas du tout la même voix. Dommage.

L’illusion était parfaite. Si on met de côté le fait qu’il soit très homo d’après le bisou que son copain vient de déposer dansson cou.

— Excuse-moi, tu es Marc ou Stéphane ?— Moi c’est Marc, et lui c’est Stef, lui répond-il en souriant.Elle bloque sur son sourire, le même que Ian, le même. Chris passe le bras autour de ses épaules et s’incruste dans la

conversation.— Il n’est pas pour toi, ma chérie. En fait, à cette table ils sont tous tristes à s’endormir : ils sont tous en couple.— Non mais, je…— T’en fais pas, il fait cet effet à tout le monde, il ne s’en formalise plus, n’est-ce pas, Marc ?— Aucun souci, d’ici quelques minutes tu seras habituée.

Il lui fait un clin d’œil, oh my ! Elle se secoue. Elle n’oublie pas qu’un enfoiré est à l’autre bout de la table et qu’il lui ajeté quelques regards sous l’air scandalisé de sa copine. Elle est possessive la petite brune. Bon, ok, elle aussi est petite etbrune… et possessive (si elle possédait quelque chose).

— Chris, je sais pas si je t’ai déjà parlé du frère de Dante, lui chuchote-t-elle à l’oreille.— Le salopard qui a couché avec ta sœur le matin du mariage ?— Lui-même. Je ne t’ai jamais dit son nom ?— Pas que je me souvienne.— Il s’appelle Sandro.Elle attend que l’information lui monte au cerveau. Il percute d’un coup et se retourne vers l’intéressé. Il ouvre de grands

yeux étonnés et revient vers Lola.— Jamais je ne l’aurais cru capable de ça ! Je ne le connais que depuis quelques mois mais il a l’air tellement amoureux de

Sarah ! J’en reviens pas.— L’habit ne fait pas le moine… Enfin bref, je suis pas hyper à l’aise, là…— Ma chérie, tu ne vas pas t’en aller sous ce prétexte fallacieux, ça non ! On est venus s’amuser, Sandro ou pas on

s’amusera !— C’est quoi le souci avec Sandro ? demande celle qui est enceinte en se penchant vers eux.Avant qu’elle ne puisse l’arrêter, Chris fait passer l’information qui fait vite le tour de la table. Vive le bouche-à-oreille !

Et puis tout le monde a vu que c’est parti d’elle. Ou comment se faire accepter dans un groupe. Elle ne dit rien, elle ne sait pasquoi dire de toute façon. Elle n’a rien fait de mal, elle se contente de faire remarquer que Sandro s’est comporté comme unsale con avec son frère, c’est tout. Ce n’est pas sa faute, tout de même ?

Elle se concentre sur le verre que le serveur vient de déposer devant elle afin d’ignorer les regards de la copine de Sandroqui n’a pas l’air commode. Elle n’est pas venue pour faire des histoires après tout.

— Je peux te parler ?Elle sursaute en entendant Sandro juste derrière elle. Mince. Impossible de faire comme si elle n’avait rien entendu. Alors

elle se lève et le suit un peu plus loin, là où la musique est moins forte et où ils peuvent s’entendre sans crier.— Ça fait un bail, commence-t-il.Elle hausse les épaules.— Écoute, je sais que j’ai été un enfoiré mais je voulais te dire… j’ai changé et je suis désolé que tu m’aies connu à une

époque où je déconnais.— Ok.Elle ne voit vraiment pas quoi répondre d’autre.— Tu vas pas me donner une autre chance ?— Qu’est-ce que ça peut te faire d’avoir une chance de ma part ?— Si on est amenés à se voir plus souvent…— Je ne crois pas, je ne savais pas que tu serais là ce soir sinon je ne serais pas venue.— C’est dommage, on s’entend bien avec Chris, j’aimerais qu’il garde une bonne image de moi.— Fallait peut-être y penser avant de coucher avec ma sœur.— Sa sœur ?Tiens, voilà la copine jalouse et maladivement possessive.— Sarah, je discute, deux minutes, là…— T’as qu’à me congédier tant que tu y es, Cro Magnon !Elle n’a pas l’air de très bonne humeur. Lola estime que c’est le moment opportun pour s’éclipser et les laisser régler leur

histoire tous les deux.— T’es la sœur de qui, on peut savoir ?Ok, range les crocs le pitbull…— Je suis la sœur de Carmen, celle qui aurait dû se marier avec Dante si Sandro n’avait pas couché avec elle.Lola lève la main pour signifier qu’elle n’a pas terminé, autant dire tout ce qu’elle a à dire d’un coup et se tirer d’ici vite

fait.— Je sais, il faut être deux pour s’envoyer en l’air et ma sœur est une traînée, c’est un fait établi. Maintenant, je constate

juste que Dante est devenu un vrai connard depuis que vous avez tous les deux foutu sa vie en l’air, je trouve ça dommage qu’ilpaye pour ton comportement, Sandro. Donc non, je ne vais pas te donner de deuxième chance. Et puis maintenant, vos histoiresde famille ne me concernent plus.

Elle les laisse plantés là, elle n’a rien d’autre à ajouter. Mais elle n’a certainement pas envie de passer la soirée avecSandro.

Au moment d’aller récupérer son sac, elle le remarque. Il a beau être à l’autre bout de la salle, dans un coin peu éclairé, etlui tourner le dos… elle sait que c’est lui. Si elle avait su que Dante et Sandro fréquentaient les mêmes endroits… Il n’est passeul, bien entendu, il a toute une cour de mannequins à ses côtés. Elle reconnaît aussi les deux autres types qui bossent avecDante en tant que gigolos.

Une poigne la force à s’asseoir alors qu’elle restait figée devant ce spectacle.— Je t’ai dit qu’on ne bougeait pas ! lui murmure Chris à l’oreille pour que personne ne les entende.Elle le regarde et retient difficilement ses larmes. Quelle cruche elle a été de s’imaginer qu’un peu de shopping et remplir

ses journées à travailler lui ferait oublier huit années passées à aimer celui qui s’entretenait très intimement avec une superbeblack à l’instant même.

— Il est là, dit-elle simplement.Chris lève la tête et finit par le repérer. Il a l’air contrarié, tant mieux, elle va peut-être enfin pouvoir partir.— Non, il n’est pas là, il n’est plus rien pour toi, d’accord ? C’est ta première épreuve, ma belle. Survivre à une soirée

alors qu’il est dans les parages, déclare-t-il avant de boire une gorgée de son cocktail arc-en-ciel.Elle soupire. Elle n’a pas besoin de son accord pour rentrer chez elle. Mais elle ne vit pas la porte à côté et il s’est installé

chez elle pour qu’elle ne dépérisse pas ; ça serait vache de le laisser en plan.— Il est là ! Tu y vas et tu présentes tes excuses !Sandro et sa copine sont de retour à table et elle hausse un peu la voix, donc, tout le monde les observe.— Tu fais chier, Sarah, ça ne te regarde pas, alors arrête avec ça.— Je suis désolée si je vous fais chier, Monsieur Novelli, mais si tu m’en avais parlé le jour où je t’ai posé la question…Lola se déconnecte et n’écoute pas la suite. Elle reporte son attention sur Dante. Et constate qu’il la fixe. Mince. Il doit

s’imaginer qu’elle le suit ! Non pas qu’elle ne l’ait jamais fait dans le passé, quelquefois ça lui était arrivé de se renseigner…juste histoire de… de… de savoir s’il allait bien, voilà, c’était de l’altruisme, tout simplement.

Il a l’air contrarié et elle réalise que Chris a toujours un bras autour de ses épaules. Elle se dégage doucement, pour ne pasvexer son ami, mais sans quitter Dante des yeux. Est-ce qu’il va comprendre que ce n’est pas son copain ?

Elle commence à avoir du mal à respirer, il ne la quitte pas des yeux et la dernière fois qu’il l’a regardée avec autantd’intensité, c’était juste avant de coucher avec elle. Donc là, tout de suite, elle se sent très mal à l’aise et se dandine sur sachaise.

— Détends-toi, je suis là… tente de la rassurer Chris.Mais sa présence est la source du malaise qu’elle ressent. Parce que Dante s’imagine toujours qu’il est son petit ami. Alors

elle agit sans réfléchir, se lève sans écouter ce qu’il lui dit et se dirige vers Dante, sans jamais rompre le contact visuel. Il selève à son approche et la rejoint à mi-chemin.

— T’es parti, lui dit-elle simplement.— Ouais…— Chris est un ami.— Je vois ça, répond-il en lançant un regard par-dessus sa tête (ce qui n’est pas difficile étant donné sa taille)— Tu ne comprends pas ce que j’essaie de te dire, Dante. C’est mon meilleur ami et il est gay.Un ange passe. Il la fixe encore plus intensément.— Je sais que tu serais parti de toute façon, mais je voulais que tu saches que je ne m’envoie pas en l’air avec un bataillon

de mecs.Pourquoi ressent-elle le besoin de se justifier ? Il l’a bien fait, lui, de ramener des tas de nanas à l’appartement. Alors quoi,

un mec qui se tape des filles à la chaîne c’est un Don Juan et quand c’est une femme qui agit ainsi c’est automatiquement unesalope et elle devrait en avoir honte ? Est-ce qu’elle était vraiment en train de réduire les possibilités à ça en donnant desexplications à Dante ?

— Tu fais ce que tu veux de ta vie, Lola.— Je sais. Mais je voulais te le dire.Nouveau silence, nouvelle joute visuelle.— Je suis pas un mec pour toi, je suis un putain d’enfoiré…— Je sais aussi.Elle est mal à l’aise au milieu de cette boîte où elle ne connaît personne. Elle a envie de pleurer. Elle se retient, elle ne

veut pas tomber plus bas.— Tu as vu Sandro ? lui demande-t-il alors.— Oui.— C’est la première fois que tu le vois depuis…Elle hoche la tête.

— Il a changé, paraît-il.— C’est ce qu’il m’a dit.Elle n’a pas envie de parler de son frère. Pourquoi a-t-il dévié la conversation ? C’est ridicule. Elle se sent ridicule dans

sa tenue de trente-et-un décembre. Elle aurait dû rester chez elle, regarder Dirty Dancing pour la millième fois (au moins), oumieux : écouter All by myself en mangeant de la glace comme le lui a interdit Chris.

Mais être là, en face de lui, à discuter de son frère et de Carmen, encore c’est trop. Elle en a marre. Elle pète une durite.— Tu sais qu’ils ont tous les deux avancé ? Tu as bien conscience que tu es le seul à rester bloqué sur ce qui s’est passé ?

Et arrête de justifier ton comportement actuel avec les femmes par la traitrise dont tu as été victime. Ça fait quatre ans, Dante,quatre putains d’années ! Me dis pas que tu n’as pas eu le temps de t’en remettre. Et si tu es assez stupide pour t’imaginer quetoutes les femmes sont comme Carmen, que je suis comme elle, alors t’es un cas désespéré. Parce que c’est trop facile ce quetu fais. Tu baises de tous les côtés et… oh ! C’est pas ma faute ! Ma fiancée m’a trompé avec mon frangin ! Alorsmaintenant, je suis un sale con, mais j’y peux rien !

Elle pleure. Il la regarde avec des yeux écarquillés. Elle se donne aussi un peu en spectacle, heureusement la musiquecouvre sa voix. Mais elle sait que Chris l’observe et ce doit donc être le cas de toute la tablée. Mais ça, ce n’est pasimportant, elle ne les connaît pas, elle s’en fiche de ce qu’ils pensent d’elle.

Il ne répond rien. Il s’approche d’elle mais elle fait un pas en arrière. Il lui prend le poignet et elle grimace. Elle est encoresensible. Il la lâche en réalisant ce qu’il vient de faire.

— Tu as encore mal ? s’inquiète-t-il.— Mon poignet survivra, ma fierté aussi, mais mon cœur, Dante…C’est pathétique… On dirait une réplique de film à l’eau de rose. Elle se retourne, ne cherche même pas à cacher ses

larmes, attrape son sac et sort. Elle sait que Chris va la suivre, il ne la laisserait jamais traverser ça toute seule. Et en effet,elle ne l’attend qu’une minute dans la voiture avant qu’il ne s’installe à côté d’elle.

— Y’a de la glace à la maison ? demande-t-il sans la regarder.Elle lui est reconnaissante de respecter un peu son amour propre. Elle sourit, et répond que oui, elle en a. Ils rentrent chez

elle. Ils mettent donc Dirty Dancing et finissent à deux un pot de cinq cents millilitres de crème glacée saveur cookies. Et ellepleure. Beaucoup.

***

Ces deux derniers mois, Lola a fait du chemin. Elle sourit, elle rit, elle sort un peu (mais elle évite le Topaze et la bande de

copains de Chris). D’ailleurs, son meilleur ami est retourné vivre chez lui, elle se sent plus forte et c’était ridicule d’êtreassistée comme ça.

Son poignet est presque complètement remis. Elle a encore une séance de kiné par semaine et elle y va de bon cœur… Lekiné étant… tout à fait charmant. Elle ne fait que flirter avec lui, elle sait que ça n’ira pas plus loin et qu’il doit faire ça avectoutes ses patientes plus par jeu qu’autre chose. Mais ça lui fait du bien de s’amuser à ça, justement, sans engagement, sansaller plus loin. Elle y va à pas de bébé.

Elle se sent stupide car elle n’est même pas en train de se remettre d’une rupture. Elle n’a jamais été en couple avec Dante,ils n’ont jamais été plus que des « potes de baise » et encore, ça a été très éphémère. Ils avaient commencé à se rapprocher, àredevenir amis, quand il s’occupait d’elle après son opération. Mais le fait est qu’elle est lucide : elle voit bien qu’il ne lui ajamais rien promis. Elle ne peut pas rester bloquée sur lui comme elle l’a fait toutes ces années. En oubliant de vivre. Pourelle.

Alors elle fait en sorte de s’occuper un maximum. Elle n’est certainement pas prête pour une relation, quelle qu’elle soit etavec qui que ce soit. Mais elle a Chris, elle sait qu’elle peut compter sur lui. Et puis elle a les repas dominicaux avec lafamille où Carmen n’ose plus amener personne. Le sujet « Dante » n’est plus revenu sur le tapis depuis qu’elle a annoncé qu’ilavait déménagé. Ça a fait plaisir à sa sœur, et pendant un moment elle s’est dit qu’elle aurait mieux fait de garder l’informationpour elle. Sauf que la nouvelle Lola ne s’intéresse plus à sa sœur, ni à venger son ex, ni à la faire enrager. La nouvelle Lola sefocalise sur elle-même et son propre bonheur qui ne passera pas par Dante, comme elle en a enfin fait le constat.

Le soir, elle a pris l’habitude de rattraper son retard culturel en visionnant des vieux films qui figurent tous dans les tops

des monuments du cinéma à avoir vus dans sa vie. Alors ce soir, c’est Citizen Kane qu’elle met dans le lecteur. Elle a fait lafermeture au travail, il est presque minuit, mais elle n’est pas fatiguée. Alors, dans son pyjama hideux, elle s’installe sur lecanapé, replie ses jambes sous elle, ouvre un nouveau pot de glace (elle achète des deux cent cinquante millilitres pour ne pasdevenir obèse) et commence à lire les sous-titres. Quand on sonne.

Chris aurait prévenu, il ne débarque jamais à l’improviste. Alors elle ignore l’intrusion. Mais son visiteur nocturne insiste.

Elle soupire. Et il parle.— Lola, je sais que tu es là, j’entends la télé. C’est Dante, ouvre-moi.Elle reste figée un moment, la cuillère à mi-chemin entre le pot et ses lèvres.— Lola, s’il te plaît, ouvre…Il se fait suppliant, il a l’air… il a bu. Sa voix est traînante et il sort sûrement d’une soirée gigolo… Elle ne peut pas le

laisser dans le couloir, elle va avoir des problèmes avec les voisins. Alors elle se lève et va lui ouvrir. Il entre en trombe etplaque ses mains autour de son visage.

— J’ai besoin d’essayer, au moins une fois ! Tu me tues, Lola, tu me tues !Elle n’a aucune idée de ce dont il est en train de parler mais elle réussit à se dégager pour fermer la porte. Il se plaque dans

son dos et elle sent son érection. Aussitôt, elle a l’impression que son travail sur elle de ces derniers mois est anéanti. Il aenvie d’elle. Elle tente de se raisonner : il a juste envie de coucher avec elle. Ça ne lui suffit pas, elle veut plus et il ne peutpas lui offrir ce qu’elle recherche. Mais elle se sait encore amoureuse, bien sûr, le nier serait plus stupide que de l’être.

— Ne me repousse pas… la supplie-t-il.Elle se retourne pour lui faire face.— Qu’est-ce que tu veux, Dante ? parvient-elle à articuler sans trop de mal.Il la fixe de son regard charbonneux et elle remarque que ses cheveux sont un peu plus longs : ils lui retombent un peu sur

les yeux. Ça lui donne un petit côté sauvage… Mais elle n’est pas aussi bête qu’elle a pu l’être dans le passé. Elle sait à quois’en tenir avec lui et ne se laissera pas berner par son physique de rêve. Ou peut-être que oui…

— Je n’ai pas réussi à coucher avec une seule gonzesse depuis toi.Elle ouvre la bouche pour dire quelque chose mais elle ne trouve rien. Elle aurait aimé une répartie cinglante mais rien ne

vient. Est-ce qu’il se moque d’elle ? Il est très clairement capable d’éprouver du désir physique d’après ce qu’elle sent contresa cuisse…

— J’ai essayé mais c’est seulement quand je pense à toi et quand je te vois que ça fonctionne.Il a vraiment l’air désespéré.— Mais pourquoi es-tu venu ? Tu penses vraiment que je vais coucher avec toi après tout ce qui s’est passé ?Elle est forte. Elle est fière d’elle. Pour le moment : elle résiste. Pour l’instant…— S’il te plaît, j’ai besoin de coucher avec toi, j’ai mal.Ah. Vu comme ça…— Tu ne peux pas te satisfaire tout seul ? tente-t-elle en baissant les yeux.Mauvaise idée, elle a la preuve concrète sous le nez de ce qu’il avance.— Non, c’est pas pareil et puis… Lola, je te le demande comme un service, comme cette histoire de potes de baise…Elle se mord la lèvre. Il est complètement bourré. Parce que s’il était maître de ce qu’il dit, il verrait à quel point c’est

cruel de sa part de lui demander ça tout en sachant ce qu’elle ressent pour lui. Ressentait. Ressent. Mince ! Elle ne sait plus,maintenant ! Il chamboule toutes ses convictions !

Il glisse une main sous sa veste de pyjama pendant qu’elle réfléchit. Elle n’essaie même pas de l’arrêter. Qui veut-elletromper ? Elle l’aime toujours et elle est toujours la même fille pathétique qui est restée amoureuse de lui pendant quatre anssans jamais l’approcher ! Elle est toujours celle qui se contentera du peu qu’il voudra lui donner. Tant qu’elle ne le voyait pas,ça allait, elle arrivait à s’imaginer qu’elle pouvait s’en sortir. Mais maintenant qu’il est là, qu’il caresse ses seins, qu’il lestitille, qu’il les pince, elle sait que c’est tout ce dont elle a besoin. Qu’il lui accorde un peu d’attention, tout simplement. Ellesait qu’elle souffrira sûrement encore plus après… Mais si ça doit être la dernière fois, autant qu’elle en profite au maximum.

Il défait les boutons du pyjama qu’il connaît si bien pour l’avoir aidée à le mettre et l’enlever pendant plusieurs semaines.Elle se tortille pour faire tomber le pantalon et se retrouve en culotte. Il la soulève sans peine et la porte jusqu’à sa chambre. Ilest comme chez lui ici, il n’a perdu aucun de ses repères et l’embrasse, les yeux fermés, sur le chemin sans hésiter une seulefois.

Il l’allonge sur le lit et l’embrasse encore, longuement, leurs langues jouant l’une avec l’autre. Ses mains la débarrassent desa culotte et il enlève son t-shirt avant de revenir l’embrasser. Sa bouche a un goût de bière, elle n’aime pas ça mais ce n’estpas grave : le peu qu’il accepte de lui donner, elle le prend. C’est nul, mais c’est comme ça. Elle ne veut pas lutter contre cedont elle rêve depuis si longtemps, même si elle sait que la chute n’en sera que plus douloureuse.

Il enlève ses chaussures, son jean, tout en lui prodiguant des caresses d’une infinie tendresse. Il prend un préservatif dansleur réserve personnelle, celle qu’elle n’a jamais utilisée pour quelqu’un d’autre que lui… Et il lui fait l’amour. Doucement.Elle profite de chaque seconde, de chaque sensation, de chaque baiser parce qu’elle sait que quand il aura dessaoulé, ilpartira, comme il l’a déjà fait. Alors elle l’embrasse, elle aussi. Elle lui rend chacune de ses caresses et accentue sesmouvements de bassin pour qu’il s’enfonce un peu plus loin en elle. Elle pleure, c’est plus fort qu’elle. Mais il ne réalise pasque des larmes roulent sur ses joues. Il s’occupe d’elle comme elle a toujours rêvé qu’il le fasse. Il caresse doucement ses

seins, interrompt la pénétration pour en lécher les pointes durcies… Il prend son temps. Il la savoure. Elle se laisse faire. Il lapénètre à nouveau se fait un peu plus brutal. Elle entoure ses jambes autour de sa taille pour mieux le sentir et il en profite pours’enfoncer encore plus loin en elle. Elle appuie sur ses fesses avec ses talons pour qu’il y aille plus fort. Et quand il pousse unrâle au moment de sa jouissance, elle le prend dans ses bras et ils restent ainsi un long moment. Puis il roule sur le côté, seblottit contre elle et sa respiration se fait plus régulière. Elle pense qu’il s’est endormi alors elle essaie de se lever mais il laretient.

— Ne t’en va pas, lui dit-il simplement.Elle reste. Elle n’ose plus bouger. Elle n’ose même pas le regarder. Elle a honte. Honte parce qu’elle sait qu’elle a été

faible et qu’elle a écouté son cœur alors que la raison aurait dû prendre le dessus. Honte parce qu’elle sait très bien commenttout ceci va se terminer. Mais elle finit quand même par s’endormir tout en entendant le DVD qui tourne encore au salon, où saglace doit être en train de fondre. Finalement, elle a bien fait d’acheter de plus petits pots, ça fait moins de gâchis.

***

Elle se réveille seule. Bien sûr. Elle le savait. Aucune surprise. Un gros vide dans la poitrine, mais c’est ce qui était prévu.

Le lit est froid à côté d’elle, il a dû partir cette nuit.Elle ne se laissera pas aller. Et puis elle a son déjeuner dominical chez ses parents, elle doit faire bonne figure.Elle se prépare, en pilote automatique. Elle oublie juste de se coiffer. Ça ne lui ressemble pas, elle qui est si maniaque

avec ses cheveux. Mais aujourd’hui, c’est comme si tout ça n’avait plus aucune importance. Et c’est en réalisant ça qu’elleprend peur.

Si elle se met à se moquer de tous ces petits détails qui font le quotidien, elle est fichue.Elle se demande ce que lui dirait Chris si elle l’appelait pour lui raconter sa nuit. Elle l’imagine tout à fait : « Ma chérie,

ce mec te fout en l’air. Tu n’es pas une poupée gonflable à son service ! Tu dois te respecter si tu veux qu’il te respecte. »C’est ça, elle s’est mise plus bas que terre hier. Et c’est maintenant qu’elle le réalise. Non, elle le savait très bien, elle n’en

avait juste rien à faire et elle voulait encore se contenter des miettes. Mince, Dolorès ! Un peu de jugeote ! Tu vas vraimentécarter les cuisses à chaque fois qu’il voudra se prouver qu’il n’est pas impuissant ? C’est quoi d’abord cette histoire de neplus pouvoir coucher avec d’autres nanas ? C’est sa nouvelle technique de drague ? Pourquoi est-il venu la voir ?

Elle sature. Trop de questions, son cerveau va faire un court-circuit. Alors elle prend ses clefs et fonce à sa voiture. Unefois installée au volant, elle croise son reflet dans le rétroviseur. Sa frange est en pétard et ça lui donne l’air d’une follefurieuse. Tant mieux. Il écoutera peut-être ce qu’elle a à lui dire !

Elle se gare devant la maison de famille des Novelli. Deux autres voitures y sont également stationnées. Elle reconnaît celle

de Dante mais l’autre… Elle passe devant et s’aperçoit que deux personnes y sont encore. Non, pas deux « personnes »,Sandro et sa copine. En grande discussion, ils ne se sont pas aperçus de sa présence. Elle tente d’avancer discrètement jusqu’àla porte mais le bruit d’une portière l’arrête. Elle se retourne et la copine de Sandro, Sarah si elle se souvient bien, lui faitface.

— Je suis désolée pour la dernière fois, commence-t-elle. C’est juste que vu le passé de Sandro, je suis un peu sur les nerfsquand j’ai l’impression d’être en présence d’une de ses ex.

— D’accord…— Tu es venue voir Dante ?Elle ne voit pas en quoi ça la regarde mais elle hoche quand même la tête.— Tu veux bien attendre un peu avec moi ? Sandro doit discuter avec son frère…L’aurait-elle persuadé de présenter ses excuses à Dante ? Elle tourne la tête et Sandro se tient là, les mains dans les poches,

contrarié. Il n’a pas l’air vraiment pressé à l’idée d’avoir un tête-à-tête avec son frangin…— S’il te plaît, Lola, laissons-les discuter et on s’en ira.— D’accord.Sandro lui lance un regard noir. Il aurait sûrement préféré qu’elle refuse, ça lui aurait évité l’humiliation castratrice que sa

copine est en train de lui imposer. Il entre dans la maison et Lola s’installe sur le muret qui borde l’allée. Sarah la rejoint.— Tu sais, ça fera du bien à tout le monde s’ils arrivent à tourner la page.— Humm…Elle ne connaît cette fille ni d’Ève ni d’Adam, mais elle semble vouloir tailler une bavette. Alors bon… comme elle n’a

rien de mieux à faire en attendant de voir Dante… Ça la contrarie un peu, elle était super remontée, prêtre à en découdre aveclui et toute l’adrénaline est en train de retomber. C’est nul, peut-être devrait-elle partir, maintenant… tant qu’elle le peutencore…

Un énorme fracas attire leur attention, et la porte d’entrée, laissée ouverte par Sandro, tape contre le mur au moment où lesdeux frères dévalent les escaliers. Ils sont accrochés l’un à l’autre et Sarah pousse un cri quand Dante balance une droite à sonfrère. Lola a la présence d’esprit de se pousser et elle tire Sarah pour lui éviter de se retrouver au milieu de la mêlée. Sandrojure, Dante ne dit rien, il cogne. La copine de Sandro reprend ses esprits.

— On les laisse s’entretuer longtemps ?— Encore cinq minutes et on intervient, décide Lola. Ça leur fait pas de mal d’exorciser.— T’as raison, et puis quelques bleus n’ont jamais tué personne.— Tu connais Sandro depuis longtemps ? demande Lola en les faisant passer derrière le muret à l’approche des deux

combattants.— Presque deux ans, il bossait pour moi. Enfin, c’est pas tout à fait comme ça que — aïe, ça doit faire mal ça — que ça a

commencé.— Et Dante ?— Je dois t’avouer que c’est un sacré connard, mais maintenant je comprends.— Ça n’excuse pas tout… fait remarquer Lola.— Non, mais ça explique, au moins en partie.— Il n’était pas du tout comme ça — mince je savais pas qu’ils s’autorisaient les coups sous la ceinture — avant que

Sandro ne se fasse ma sœur. Hop, viens, on devrait se rapprocher de l’entrée. En cas de souci on se replie dans la maison,ajoute Lola.

— Bon, on fait quoi pour les séparer ? Moi j’y vais pas, je tiens à la vie… fait remarquer Sarah.Lola regarde autour d’elle pour trouver une arme, quelque chose qui pourrait lui être utile. Et elle aperçoit ce qui va les

aider. Elle déroule le tuyau d’arrosage et y fixe l’embout pistolet qui traînait par terre. Elle ouvre le robinet à fond et sent lapression s’accumuler à l’extrémité. Elle vise les frères qui ne forment plus qu’une masse et appuie à fond.

Ils hurlent. On est en novembre, l’eau est glacée : mission accomplie.Sarah s’approche de Lola.— Est-ce que tu pourrais viser les t-shirts ? Parce que j’ai bien envie de mater ces mâles en t-shirts mouillés…— Pas bête ça !Lola apprécie de plus en plus cette Sarah… Elle exécute donc le plan « à nous les beaux gosses » et ils s’éloignent l’un de

l’autre. Le spectacle ne la laisse pas indifférente. Mais elle se souvient de la raison pour laquelle elle est là. Sarah par contrebave littéralement devant son mec. Plus personne ne parle. Comme c’est elle qui les tient en respect avec l’arme, elle décidede prendre la parole.

— Est-ce que vous vous sentez mieux, messieurs ?Pas de réponse.— Parce que je comprends qu’un peu de tension se soit accumulée en quatre ans mais ne pensez-vous pas qu’il serait de

bon ton de tourner la page ?Toujours pas de réponse.— Maintenant je pense que vous serez capables de discuter sans vous mettre sur la tronche, non ?Sarah soupire, ce qui n’échappe à personne et à la façon dont Sandro la dévore des yeux, elle se demande s’ils ne vont pas

se sauter dessus là, sur le gravier, devant la porte. Sarah fait un signe de tête à son petit ami, celui-ci la rejoint à grandesenjambées et l’entraîne à l’intérieur en prenant soin, cette fois, de fermer la porte. Ce qui va suivre entre eux est interdit auxmoins de dix-huit ans, nous n’en parlerons donc pas ici.

Lola reporte son attention sur le Dante tout ruisselant qui lui fait face.— Lâche ton arme, lui dit-il.Elle secoue la tête. Pas question. Elle a le moyen de l’obliger à l’écouter.— Tu es encore parti.— Je suis venu chercher mes affaires, je voulais…Il ne termine pas sa phrase et passe nerveusement la main dans ses cheveux qui lui tombent sur les yeux.— Tu voulais quoi ? insiste-t-elle.— Je voulais que tu me reprennes.— C’est-à-dire ?— Tu fais chier, tu veux vraiment me l’entendre dire ?De quoi parle-t-il ? Et puis c’est pas des façons de s’adresser à elle. Elle l’arrose un peu.— Hey ! Ça va pas ? s’offusque-t-il.— Parle-moi mieux que ça, surtout quand je suis armée !— Ok, pardon, princesse, raille-t-il.

— Tu n’aurais pas dû partir, je mérite un peu plus de respect que ça !— Je sais…— Tais-toi ! J’ai des choses à dire et tu parleras après !— Mais je…— Ta gueule, Dante ! Je parle, tu écoutes !Il hoche la tête. Elle peut enfin sortir son laïus.— Quand je suis venue te voir la première fois, il y a quelques mois, je n’avais pas été mise à la porte d’où que ce soit, je

n’avais pas couché avec l’associé de mon père. Je voulais te voir, parce que je pensais à toi depuis huit ans. Je sais, ne disrien, c’est pitoyable, je suis pathétique, mais tu sais quoi ? J’en ai conscience et je me soigne. Enfin j’essaie. Bref. Quand tuvenais me tirer d’un mauvais pas lorsque tu étais en couple avec Carmen, c’était des conneries. J’ai jamais eu une vie délurée.Je n’avais juste que ça pour attirer ton attention. Je sais, encore une fois, c’est misérable comme attitude… Mais je vais te direquelque chose, tu ne le savais pas alors je ne t’en veux pas : je suis amoureuse de toi depuis le jour où tu es venu à la maisonavec Carmen pour qu’elle te présente à la famille. Alors oui, c’est nul. Mais c’est comme ça. Et je ne mérite pas que tu metraites comme l’une de tes pétasses, d’accord ? Tu me dois un peu plus de respect.

Elle se tait.— Je peux parler ? demande-t-il en avançant.— Reste où tu es ou je tire.Il lève les mains en signe de reddition.— Je sais tout ça.— Quoi ?— Tout ce que tu viens de me dire.— Comment ça ?Elle est perdue. De quoi parle-t-il ?— Je sais que tu es amoureuse de moi depuis tout ce temps, tu me l’as dit.— Heu… non, je m’en souviendrais.— Tu étais dans les vapes, à l’hôpital.Elle pique un fard. Mince. C’était pas prévu…— Attends, tu veux dire que tu t’es comporté comme un connard en sachant ce que je ressentais pour toi ?Il secoue la tête.— T’as pas compris, putain de gonzesse !Elle l’arrose encore un peu pour le juron. Et parce que c’est marrant.— Tu fais chier, Lola ! Si je suis comme je suis là, maintenant, trempé devant toi en train de te dire que j’étais au courant,

c’est parce que… putain, tu fais chier !— Quoi ? Donne-moi une bonne raison de ne pas t’en coller une comme ton frère vient de te mettre une branlée !— D’abord, mon frère ne m’a rien mis du tout. Ensuite… Merde, Lola… Je peux plus vivre sans toi ! Ça fait deux mois que

j’essaie mais j’y arrive pas. Laisse-moi une chance, reprends-moi !Il s’approche d’elle doucement, il va l’embrasser. Mais d’abord, il tend la main pour qu’elle lui donne le pistolet. Ce

qu’elle fait et, au moment où il s’en saisit, elle comprend son erreur et elle essaie de battre en retraite dans la maison, sachantpourtant ce qui s’y passe entre Sandro et Sarah, mais il se met dans le chemin.

— Tu vas payer pour ce que tu m’as obligé à dire…Il sourit et lève un sourcil. Elle pourrait craquer. Mais elle brandit son sac devant elle en bouclier :— Tu ne peux pas, j’ai mon téléphone, mes papiers… mon Filofax !!! le supplie-t-elle.— Jette ton sac loin de toi, sinon tant pis…Elle obéit car elle le sait capable d’aller au bout de ses menaces, et elle essaie d’aller se cacher derrière une voiture mais

elle dégouline en moins de trente secondes. Il lâche le tuyau et la prend enfin dans ses bras. Elle tremble, elle ne sait pas sic’est parce qu’elle se les gèle ou parce que c’est Dante. Elle s’en fiche. Il se penche et l’embrasse enfin. Elle ne sait pas dutout où ça va les mener, mais oui, mille fois oui, elle le reprend. Elle ne l’a jamais vraiment laissé…

Épilogue

— C’est quoi ce bordel ? demande Dante en brandissant un tissu tartan sous le nez de Lola.— Un kilt, ça se voit pas ?— Qu’est-ce que ça fout sur notre lit ?— C’est ton nouvel uniforme, répond-elle sans quitter la télé des yeux.Ce soir, elle regarde Braveheart, encore un incontournable d’après IMDB.— Je ne suis plus gogo-dancer depuis un mois, t’as oublié ?Par respect pour elle, il a quitté son job où il se faisait tripoter.Elle met sur pause et se tourne vers lui.— J’ai appris que les écossais ne mettaient jamais rien sous leur kilt, c’est insultant vis-à-vis de la tradition.— Je vois pas le rapport, je suis italien.Elle prend la télécommande de la chaîne et lance un morceau : de la cornemuse, bien sûr.— Allez, tu me dois bien ça…— Tu vas me faire expier longtemps ? soupire-t-il en allant à la salle de bain.Depuis qu’il est revenu s’installer avec elle, elle a régulièrement des lubies. La semaine passée, elle voulait qu’il admette

qu’il avait déconné avec toutes ses conquêtes. Alors il l’avait admis. Celle d’avant, il a dû se farcir tous ses films« classiques » à la con. Celle d’avant, elle voulait qu’il soit sympa avec Hortense et qu’il l’effleure par « accident », résultat :la vieille le mate encore plus maintenant. Et aujourd’hui, un kilt ?

Il revient au salon vêtu uniquement de la jupette à carreaux qui lui tombe aux genoux. Et ce qu’il voit dans les yeux de Lolaquand elle le regarde vaut tous les sacrifices du monde. S’il avait su qu’elle fantasmait sur les hommes en jupes, il en auraitporté une plus tôt… Ah… putains de gonzesses…

Couverture réalisée par Jaja’s Team

Crédits images : Depositphotos

N° éditeur : 917089-36540dépôt légal : novembre 2013