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ENTRE MÈRE ET FILLE : UN ARRACHEMENT SANS FIN ? Fanny Dargent P.U.F. | Revue française de psychanalyse 2013/2 - Vol. 77 pages 415 à 426 ISSN 0035-2942 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-2013-2-page-415.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Dargent Fanny, « Entre mère et fille : un arrachement sans fin ? », Revue française de psychanalyse, 2013/2 Vol. 77, p. 415-426. DOI : 10.3917/rfp.772.0415 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour P.U.F.. © P.U.F.. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 88.184.46.60 - 15/03/2014 04h33. © P.U.F. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Paris 7 - - 88.184.46.60 - 15/03/2014 04h33. © P.U.F.

Dargent Mere Fille

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  • ENTRE MRE ET FILLE : UN ARRACHEMENT SANS FIN ?

    Fanny Dargent

    P.U.F. | Revue franaise de psychanalyse

    2013/2 - Vol. 77pages 415 426

    ISSN 0035-2942

    Article disponible en ligne l'adresse:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    http://www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-2013-2-page-415.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Dargent Fanny, Entre mre et fille : un arrachement sans fin ? , Revue franaise de psychanalyse, 2013/2 Vol. 77, p. 415-426. DOI : 10.3917/rfp.772.0415--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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  • 29 avril 2013 10:22 - Finir ladolescence - Collectif - Revue franaise de Psychanalyse - 175 x 240 - page 414 / 320 - PUF -

    29 avril 2013 10:22 - Finir ladolescence - Collectif - Revue franaise de Psychanalyse - 175 x 240 - page 415 / 320 - PUF -

    Entre mre et fille : un arrachement sans fin ?

    Fanny dargent

    UN CORPS D-FigUR

    Deux mains aux ongles peints en rouge sombre coupent au rasoir les poi-gnets au-dessus dun seau qui recueille le sang.

    Une jeune fille, dans une baignoire, inscrit I love you au sang sur les carreaux.

    Un buste nu : un bandeau blanc recouvre la poitrine, le reste du corps est macul de sang.

    Le mme buste, cette fois en soutien-gorge noir ; une main inscrit sur le corps laide dun couteau play with me.

    Ces photos sont accompagnes de textes potiques centrs sur une th-matique suicidaire. Jeanne sagit-il delle sur les images ? les a mises en ligne sur son blog. Jai rencontr Jeanne, alors ge de quinze ans, au cours de rares entretiens dans le cadre dune structure daccueil pour adolescents rattache un service de pdopsychiatrie. Elle y tait galement reue par une ducatrice qui elle avait confi ladresse de son blog. Lducatrice, inquite, me la transmise et je me suis retrouve en position de voyeur, tout la fois drange et dsole. Drange par le mlange de crudit et de dtresse qui manait de cet ensemble. Dsole par notre impuissance crer un espace de parole pour Jeanne qui refusait systmatiquement tout change malgr le mal-tre vident quelle manifestait travers ce blog, mais aussi lors de ses venues. Quil sagisse dentretiens individuels ou avec sa mre, le pre tait absent depuis sa naissance, elle restait mutique ou bien commenait parler pour mieux se taire ensuite.

    Entre mre et fille : un arrachement sans fin ?Fanny Dargent

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  • 416 Fanny Dargent

    29 avril 2013 10:22 - Finir ladolescence - Collectif - Revue franaise de Psychanalyse - 175 x 240 - page 416 / 320 - PUF -

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    Les photos de Jeanne relvent-elles dun recours lacte sous-tendu par un appel laide, mi-pervers, mi-tragique ? Ou est-ce le simple fait dune adolescente qui sait mieux que personne mettre les nouvelles technologies au service dune crativit qui tente de figurer et de donner sens aux mouvements intrieurs de la pubert, aussi angoissants quexaltants ?

    Dans ces photos, sexualit et cruaut se trouvent condenses au sein de mises en scne dun corps sans visage. Elles peuvent donner une ide de ce quoi Jeanne cherche chapper tout autant que ce quelle cherche inscrire ou exprimer. Ce quelle donne voir, cest un corps d-visag, d-figur, un corps pulsionnel en qute didentit et de reconnaissance. En adressant ces images via son blog, Jeanne fait le pari dtre trouve ou pas. Pari tronqu dans la mesure o lappel lautre emprunte des chemins dtourns : le monde virtuel, cest--dire la potentialit dtre vue par le plus grand nombre ou par per-sonne, moins celle dtre entendue. Entre ces deux extrmes, Jeanne ne peut laisser place lautre dans la ralit de la rencontre. Elle parvient cependant maintenir linquitude autour delle tout en demeurant cache. Cest Winnicott qui a sans doute le mieux formul ce paradoxe : Se cacher est un plaisir, mais ne pas tre trouv est une catastrophe (1970, p. 160). Le travail avec les ado-lescents donne la formule winnicottienne une paisseur clinique singulire. tre entendu cest--dire tre dsir devient cet ge tout aussi inquitant qutre abandonn. Pour ces adolescents, parler du pass est une blessure, par-ler de lavenir en est une autre. Le recours lacte et au corps se prsente bien souvent comme une solution durgence face lincapacit recourir aux for-mations intermdiaires que sont le rve, le jeu, lassociativit.

    Pendant deux ans, la prise en charge de Jeanne va prendre la forme dune sorte de ballet o se croisent et sentrecroisent plusieurs interlocuteurs de dif-frentes institutions : le service de pdopsychiatrie, ltablissement scolaire et lAide sociale lEnfance qui a t mobilise aprs un signalement du collge. Un projet dinternat sera rapidement voqu face une situation familiale devenue intenable : horizon de sparation entre mre et fille, aussi revendi-que que redoute par lune et lautre. Entre elles, ce ne sont plus que cris et reproches. Nous naurons de cesse de tenter de mobiliser une mre qui, si elle n oublie pas les rendez-vous, explique schement quelle parle avec [sa] fille chez [elle] . Aprs ces deux annes de prise en charge chaotique au cours desquelles les diffrents intervenants se parlent plus quils ne parviennent rencontrer Jeanne et sa mre, celle-ci voque son souhait de se sparer de son compagnon actuel dont elle a eu un fils maintenant g de dix ans. il faudrait, dit-elle lassistance sociale, il faudrait que nous partions toutes les deux ltranger. Toutes les deux : la mre et la fille. Se sparer sans se quitter, garder le plus familier, le mme, pour affronter ltranger. Pour cette

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  • 29 avril 2013 10:22 - Finir ladolescence - Collectif - Revue franaise de Psychanalyse - 175 x 240 - page 416 / 320 - PUF -

    417Entre mre et fille : un arrachement sans fin ?

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    femme, dorigine espagnole, ltranger pouvait tre aussi bien un retour la terre natale o vivait sa propre mre, quun ailleurs inconnu, idalement vierge de toute attache.

    Si la qualit du lien qui unit Jeanne et sa mre pas avec toi, pas sans toi se retrouve frquemment, dans lexprience que jen ai, chez les adolescentes qui pratiquent les scarifications, comment penser la faon dont lattaque contre le corps semble se situer quelque part entre mre et fille, lorsqu limpensable sparation se substitue la compulsion larrachement ?

    Chez ces jeunes filles, le temps de la traverse adolescente achoppe au lien maternel1 qui entrave la relation la mre comme autre , tout la fois rivale et support identificatoire ouvrant au devenir femme. Les rencontres avec des adolescentes pratiquant de frquentes attaques contre leur corps, et celles avec des jeunes femmes ayant t engages dans des conduites similaires au mme ge, mont amene minterroger sur les destins de ces pratiques, troitement associs aux achoppements des processus de construction de lidentit sexue, cette voie de dplacement privilgie dun transfert sur le corps au transfert sur un objet sexu autre que soi. La persistance de la prvalence dun inves-tissement, teint dune extrme ambivalence, du corps propre en place et au dtriment des activits rotiques de la pense sinscrit comme rsistance aux processus travaillant une sortie hors de ladolescence, notamment sur le versant du refus de la perte, perte seule mme douvrir la reprsentation dun corps de plaisir.

    Frquemment, la pubert de la jeune fille survient dans le contexte dune histoire familiale marque par les ruptures et la prexistence dune complicit singulire entre la fille et la mre. La pubert de lune cr une onde de choc particulirement vive chez lautre, entranant un mouvement rgressif jusqu retrouver des positions infantiles insuffisamment pacifies avec sa propre mre. La fille et la mre sunissent en un repli narcissique paradoxalement protecteur et dvastateur, souvent accompagn dune disqualification du pre et des hommes en gnral. Protecteur par la rassurance du mme, dvastateur parce que, face la menace de lincestuel, seule la haine semble permettre de constituer un ciment supportable au maintien dun lien aussi douloureux que vital. Franois Richard a rcemment soulign lenjeu inconscient de cette haine entre mre et fille qui, si elle savre parfois redoutable, assure une cohsion trange : la mre perue comme mauvaise par la fille sera toujours disponible aux reproches, sans trop de risque de se voir entrane dans une ngativit absolue parce quelle apparat prcisment comme ce quoi il ne

    1. Sur la distinction entre lien maternel et relation la mre, voir Dominique Guyomard (2011).

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  • 418 Fanny Dargent

    29 avril 2013 10:22 - Finir ladolescence - Collectif - Revue franaise de Psychanalyse - 175 x 240 - page 418 / 320 - PUF -

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    faut pas ressembler. La haine est ici une haine vritable et pas un renversement de lamour dans son contraire (Richard, 2011, p. 65). Lattaque contre le corps survient comme modalit pare-excitante qui permet tout la fois de contre-investir la violence du monde interne et de prserver les liens lobjet dans lactualit. En ce sens, lacte de scarification dissout la haine plus quil ne lexprime. Il sagit dune haine refroidie, dsexualise, qui vise prserver un objet maternel peru comme vital pour le narcissisme de ladolescente, en mme temps que menaant dans sa potentialit intrusive.

    MARQUER LA DiFFRENCE

    La proximit avec une mre seule, souvent fragile, constitue un risque de dsorganisation dans la mesure o les dsirs rgressifs inconscients adresss lobjet maternel rencontrent une possible ralisation. On viole une infante , formule que jemprunte Monique Cournut-Janin (1990, pp. 143-151), pour-rait tre lnonc du fantasme qui sous-tend cette qualit de lien unissant mre et fille au moment de ladolescence lorsque le dsir de passivit rgressive adress la mre pr-dipienne rencontre la pousse pubertaire au risque de la folie incestuelle.

    Ce corps corps entre mre et infans pubre amne prciser la diffrence entre intrusion et pntration. L o lintrusion voque le vcu demprise subie par un objet maternel idalement omnipotent, la pntration engage louverture la gnitalit sous-tendue par des reprsentations incestueuses associes au pre. La diffrence me semble rsider dans la faon dont lintrusion de lobjet maternel, lexcs de mre en soi (Pontalis, 1991, pp. 53-73), pour reprendre les mots de J.-B. Pontalis, contamine lactivit psychique elle-mme. Penser, dplacer, gnre un loignement qui soppose au dsir demprise sur et par lobjet. Le fantasme dintrusion se traduit par le sentiment de ne pouvoir avoir une pense en propre et emprunte le vhicule dun surmoi cruel, crment conscient (Freud, 1924 c), qui entrave le mouvement rotique de la pense. Linterdit porte sur lactivit de penser et de ressentir. Ce fantasme, on viole une infante , paralyse les mouvements psychiques eux-mmes et clipse sa version dipienne, on bat un enfant (Freud, 1919 e). Lorganisation sado-masochiste rgresse une identification narcissique. Le dsir demprise sur lobjet se retourne en sentiment demprise subie, aussi violemment intrusive et paralysante que ncessaire ladolescente. Le corps devient lieu dinves-tissement mortifre privilgi, comme seule modalit de fonctionnement

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  • 29 avril 2013 10:22 - Finir ladolescence - Collectif - Revue franaise de Psychanalyse - 175 x 240 - page 418 / 320 - PUF -

    419Entre mre et fille : un arrachement sans fin ?

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    psychique investissable. Les conditions de possibilit dun traitement par la parole sen trouvent fortement entraves, la scne transfrentielle voque plu-tt une lutte passionne entre le moi et lobjet.

    Linceste mre-fille est moins reprsentable psychiquement bien que la reprsentation de lhomosexualit fminine soit plus acceptable au niveau social. Labsence de pntration amoindrit les frontires entre tendresse et sen-sualit, rabattant le lien, la faveur du refoulement, une union empruntant au modle mre-enfant. Les reprsentations fantasmatiques incestueuses concernant lobjet paternel protgent dune certaine faon, au prix de langoisse de sduction-pntration, ce qui peut se dire comme conviction incestueuse mre-fille. Cette formulation, sans doute discutable, me semble indiquer la difficult, pour certaines adolescentes, tenir ensemble une imago maternelle bienveillante et une reprsentation de la fminit maternelle qui ouvre aux iden-tifications vers ltre femme. Cest toujours la femme qui doit, frustre, et non la mre. Et cest donc la mre que cherche protger ladolescente. Une mre idalise, non sexuelle, que la pubert de ladolescente vient contredire dans ce quelle pressent dune sexualit gnitale qui va porter atteinte lidalisation narcissique. Lemprise maternelle vient se loger au cur de ce conflit.

    Pour Jeanne, une sparation a t ncessaire face la massivit de langoisse et aux risques de dsorganisation du fait de la proximit avec lobjet maternel, faisant se rejoindre la conviction incestueuse narcissique et la ralit perceptible. Lquivalence se joue alors en termes de voir-toucher plutt que parler-faire.

    Dans ce contexte, lattaque contre le corps est une raction compulsive, un geste durgence qui attaque autant quil rassure paradoxalement les fron-tires du moi. La force des contre-investissements il est toujours surprenant dentendre que la douleur physique nest pas ressentie donne une ide de lchec du refoulement. Toute forme dattaque contre le corps ladolescence joue sans doute comme pare-inceste face la force des dsirs rgressifs dun contact avec le corps maternel. Linceste mre-fille, inceste fondamental selon Franoise Hritier2, sous-tendu par la menace de lidentique3 , contraint des mesures ractionnelles drastiques : attaquer le corps marque la diff-rence. Le dfigurer sert une tentative de rappropriation dun corps en propre. Un autre lment remarquable dans le fonctionnement de ces adolescentes est labsence de mouvement de projection protecteur. Lobjet maternel ne peut

    2. Mme substance, mme forme, mme sexe, mme chair, mme devenir, issues les unes des autres , Franoise Hritier (1994, p. 353).

    3. Titre dun volume de la collection Petite bibliothque de psychanalyse , dirig par Jacques Andr (2003).

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  • 420 Fanny Dargent

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    tre dsign comme responsable, dans la mesure o le maintien dune image idalise de lobjet est ncessaire pour le narcissisme de ladolescente. Seule la souffrance, dans sa qualit dinnocence, demeure acceptable. Le recours des pratiques dincorporation, selon la dfinition propose par Philippe gutton (1984, pp. 315-338), qui rejoignent la tendance lexcorporation (green, 1990, p. 200 et 307), devient la seule solution pour tenter de faire face au ncessaire traitement de lexcitation et de langoisse lorsque celui-ci ne peut emprunter les voies de llaboration psychique. Ce rgime dincorporation-excorporation me semble pouvoir rejoindre lchec du processus vacuateur mis en vidence par Ren Roussillon comme effet de la mise en chec de lexercice du principe auto (Roussillon, 2001, p. 15). Les conduites compulsives telles que la boulimie, les prises de toxiques, les scarifications en sont lexpression sympto-matique la plus frquente. la fois rejet et prise en soi, elles cherchent para-doxalement arracher et maintenir la fusion.

    Les traitements proposs ces adolescentes relvent bien souvent de lurgence. Lhospitalisation y est ncessaire, parfois ritre, tout comme les prises en charge multifocales. Si lacte-symptme cde rapidement il est plutt rare, semble-t-il, que la pratique des scarifications se poursuive au-del de la priode durant laquelle ladolescente est sous lemprise interne et externe de lobjet, cest--dire lemprise perceptive quelque chose comme : jamais perdre de vue ou ne jamais tre perdue de vue sa disparition nexcde pas le signe dun certain relchement du lien au surmoi cruel ou, pour le dire autrement, dune certaine reprise des auto-rotismes psychiques (la reprise de lactivit onirique en est lindice frquent, tout comme une certaine volution dans la qualit du discours en sance). Si la reprise de ceux-ci est visible, rien nindique la prsence de changement psychique profond, notamment ayant trait aux processus de sparation et de construction suffisamment stable dune identit sexue. Lenjeu des processus adolescents faire tenir ensemble le sexuel infantile et le nouveau courant sensuel ncessite, dans les cas de ces adolescentes particulirement fragiles, un lent cheminement.

    UN SEXE POUR DEUX

    Aprs cette premire rencontre clinique, au vif de ladolescence, je vou-drais poursuivre en voquant une cure qui illustre un aprs-coup demeur en souffrance. La mise en perspective de ces deux cas questionne les avatars des

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  • 29 avril 2013 10:22 - Finir ladolescence - Collectif - Revue franaise de Psychanalyse - 175 x 240 - page 420 / 320 - PUF -

    421Entre mre et fille : un arrachement sans fin ?

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    processus de sortie de ladolescence sous le prisme du lien mre-fille et des recours au corps. La rencontre avec une jeune femme ou grande adolescente ge de vingt-trois ans, qui a connu des priodes dhospitalisation ainsi que le recours aux scarifications durant ses annes dadolescence, ma conforte dans lide que les processus engags dans les recours aux attaques contre le corps pendant la priode de laprs-pubert se poursuivaient bien au-del de laban-don de ces recours, cristallisant le refus de renoncer lobjet maternel. Chez cette jeune femme en effet mais je pense aussi dautres rencontres cliniques la disparition des troubles les plus spectaculaires (scarifications, tentatives de suicide) qui avaient marqu les annes brlantes de la pubert, ne sem-blait pas avoir entam la persistance dun attachement douloureux la mre. Sous lapparente adaptation affective et professionnelle, la passion demeurait intacte. Cette jeune femme, qui avait malmen son corps de faon compul-sive, continuait entretenir avec lui, maintenant quelle tait engage dans une sexualit adulte, des rapports faits de haine, de rejet et dinquitude. Quelque chose se prcisait dans la comprhension des attaques contre le corps qui sem-blaient venir contre-investir les risques de dsorganisation face la confusion entre sexualit gnitale et jouissance du corps corps avec lobjet primaire.

    Marine

    Marine a un pass dhospitalisation et de nombreux suivis psychoth-rapeutiques auxquels elle a chaque fois mis fin brutalement, aprs quelques annes, cause des manquements des uns et des autres dont elle sempresse de faire tat lors de notre premire rencontre. Je lentends comme une demande une fois encore ritre, une mise en garde aussi, contre tout ce qui viendra immanquablement frustrer ou contrarier ses attentes. Jai envie dtre heu-reuse, dtre une mre qui va bien avec ses enfants, pas une mre dprime mexpose-t-elle lors du premier entretien. vingt-trois ans, Marine travaille et vit avec son petit ami. Ce sont les problmes quelle rencontre dans sa vie sexuelle qui la font revenir une psychothrapie. En bas, cest le nant. Tout est dans la tte. Des images crues la perscutent, images pornographiques de pntration, en mme temps quelle soblige maintenir une sexualit pour viter toute ambigut prcise-t-elle, entre lide quelle se fait du couple et le risque de le rduire un lien damiti.

    Si elle ne se scarifie plus, Marine convoque lide lorsquelle est sub-merge par langoisse. La reprsentation dun pre sducteur, excitant, occupe longtemps le devant de la scne dans une version classique des fantasmes de sduction, jusqu lmergence, au cours dune sance, de limage de sa mre,

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  • 422 Fanny Dargent

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    nue, qui ne cessera pendant quelques temps de faire retour dans une srie de rves. Image obsdante, pntrante, dune mre provocante qui contraste avec la reprsentation quelle a jusqu prsent soigneusement entretenue : mre dvoue pour sa fille souffrante et malheureuse, complice dune douleur que Marine croit fermement intimement partage. Cest lors dune sance o elle voque le lien entre la dcouverte de lorgasme et le blocage de sa sexualit parce que dit-elle, elle ne stait pas reconnue, que lui revient le rve de la nuit prcdente : sa mre nue, les seins . Aprs un silence, elle se demande si les seins, cest sexuel avant dajouter : dans le rve, ctait le corps de ma mre et ctait moi .

    Un corps pour deux : cette expression lumineuse de Joyce McDougall (1989), renferme, me semble-t-il, celle d un sexe pour deux , lorsque la fille ne parvient sarracher lemprise de la sduction maternelle. Pendant de nombreuses semaines, Marine rvera de cette mre sductrice, moqueuse , selon ses mots, de son corps nu exhib de faon obscne et perscutante, mais dont elle pourra parfois sourire comme lorsquelle raconte ce rve de sa mre nue courrant dans les champs Comme quelquun qui court dans les stades pour faire la blague ! samuse-t-elle avant dvoquer sa gne de sentir sur elle, dehors, les regards sexuels des hommes . La confusion et le vacillement des limites prend racine, chez Marine, dans la persistance dune imago maternelle sductrice qui la submerge et dont, me semble-t-il, elle a cherch se soustraire en sengouffrant dans une sexualit adulte qui na fait que raviver la confusion entre orgasme et jouissance du corps corps maternel de la petite enfance.

    La fascination pour le corps de la mre, la prgnance du fantasme de sduction, qui touche le sol de la ralit (Freud, 1933 a [1932], p. 162), se complique, pour la petite fille devenue adolescente, de langoisse du mme. Car sil sagit de sarracher la sduction maternelle, cest aussi l arra-chement de son altrit , selon lexpression de Dominique Guyomard (2011, p. 38), que doit parvenir ladolescente. Cest lorsque laltrit du mme (Guyomard, Ibid.) choue que le corps se trouve attaqu. Un corps pour deux qui prend le sens menaant dun sexe pour deux, prcipitant lado-lescente dans la conviction incestueuse du mme. Le recours la coupure de lenveloppe cutane tente darracher ce corps en mme temps quil maintient paradoxalement la fusion.

    Il faudra attendre longtemps avant que Marine ne puisse accepter et se montrer soulage par une interprtation comme la fois o elle se souvint du plaisir quelle avait, enfant, entendre sa mre voquer son apptit de moi-neau ; Marine se forait ne jamais se resservir de peur dentendre : Ah, tu vois . Je poursuis : elle aime a ! Pour la premire fois, Marine exprime

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    423Entre mre et fille : un arrachement sans fin ?

    29 avril 2013 10:22 - Finir ladolescence - Collectif - Revue franaise de Psychanalyse - 175 x 240 - page 423 / 320 - PUF -

    son soulagement aprs une sance o nous avons pu laborer ensemble une construction clairant la part active quelle prend refuser tout plaisir (suivant le dplacement haut/bas) dans la mesure o celui-ci entre en conflit avec la reprsentation idalise de la petite fille aime et admire par la mre. Lenjeu de perte se profile au carrefour du narcissisme et de la sexualit.

    Je croyais que ctait que mon pre, mais ma mre aussi dira-t-elle bien plus tard, amrement, lorsquelle pourra reconnatre quelque chose de la sduction maternelle ; reconnaissance associe la perte dun idal narcissique asexuel de lien entre mre et fille. Cette perte ouvre la reconnaissance de la femme en la mre. Ce qui demeure alors encore combattu, refoul, cest la reprsentation des parents ensemble puisque Marine continue se placer dans une position denfant excit par le pre et par la mre. Situation qui exclut celle des parents excits ensemble, reprsentation de la scne primitive into-lrable par excellence dans lexclusion radicale quelle impose lenfant.

    Marine a su utiliser sa psychothrapie pour rinvestir un projet profes-sionnel auquel elle ne croyait plus. Dabord celui de sage femme tout un programme ! puis celui quelle mnera son terme, dans un domaine simi-laire. Marine a mis fin son suivi de faon prmature selon moi. Elle a dcid quelle allait bien, quelle avait maintenant des occupations qui lintressaient. Elle ma demand si elle pourrait revenir. Au fil des annes de traitement, Marine sest applique manquer chaque sance qui prcdait mes vacances et ne rien vouloir entendre ce que je pouvais lui en dire. Elle a continu me protger de sa haine, vcue partiellement dans le cadre dun transfert latral sur le terrain de sa vie professionnelle. Sans doute poursuivra-t-elle ailleurs, autrement, ce lent cheminement pour peut-tre un jour apprendre se sparer.

    SORTiR DE LADOLESCENCE OU PRFRER NE PAS

    Ce pourrait tre lhistoire dun fil rouge qui court travers le temps, suit la petite fille, ladolescente, puis la jeune femme, assurant une continuit para-doxale dans la douleur dun attachement lobjet aim et interdit. Ce fil rouge est le corps bless, non pas sa reprsentation fantasmatique possible le corps fminin bless, castr, suivant la logique narcissique-phallique mais lobjet corps sollicit la fois dans sa qualit de permanence en mme temps que rejet dans sa qualit de corps de plaisir.

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  • 424 Fanny Dargent

    29 avril 2013 10:22 - Finir ladolescence - Collectif - Revue franaise de Psychanalyse - 175 x 240 - page 424 / 320 - PUF -

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    Lhistoire des traitements, ce pourrait tre une sorte de ballet dessinant des cercles, dune rupture une rencontre, dune retrouvaille une rupture. Sil y a une forme de rptition luvre, chaque tranche permet un dplacement, un changement de point de vue du regard que la petite fille, puis ladolescente et la jeune femme porte sur elle-mme et sur les autres. un moment cependant, quelque chose est fui de ce qui se joue sur la scne transfrentielle. Un arrachement a lieu qui sert la rsistance la sparation et, avec elle, louverture au sexuel gnital. Ce quelque chose attendra peut-tre un autre lieu. Le corps attaqu constitue un point dancrage autant que dachoppement, un fil rouge, invisible, entre mre et fille. Fil douloureux qui assure cependant une fonction de continuit et en cela, ne doit pas casser. Derrire lattaque contre le corps se cache le maintien dune jouissance dun corps corps maternel auquel ladolescente tient plus que tout. Lorsque je mtais demand, un peu bizarrement, ce que devenaient les scarifications sur le terrain du transfert, jen avais dduit que ctait la qualit du discours, labsence dassociativit et la difficult jouer le jeu de la sance bien quil ne sagisse pas dadolescentes psychotiques qui pouvaient au mieux rendre compte des processus engags dans lattaque du corps sur ce terrain-l. En cela, lacte ne se substitue pas tant aux contenus inconscients quaux proces-sus psychiques eux-mmes. Je me dis maintenant que ces formes dattaque contre le corps tiennent la place de ce qui se manifeste dans la disconti-nuit des prises en charge et la faon dont ces adolescentes devenues jeunes femmes, naviguent dun lieu lautre, parfois depuis lenfance, chaque fois sen arrachant et, dans le mme mouvement, conservant prcieusement quelque chose du lien la mre. Comme un arrachement sans fin qui nemp-cherait pas de vivre.

    Marine est-elle sortie de ladolescence ? Sortir de ladolescence : cette formule voque une reprsentation but et me semble pouvoir rejoindre deux ides freudiennes, la capacit aimer et travailler, la convergence des courants tendre et sensuel sur un mme objet (1905 d). Comme frquemment chez les grands adolescents, le traitement a favoris la reprise des activits sublima-toires, plus facilement mobilisables dans la mesure o, tout en puisant aux sources pulsionnelles sexuelles, elles sadossent la conflictualit dipienne et en cela, la contournent. On peut aisment envisager que ce destin pulsion-nel trouve appui sur le transfert amoureux et soutienne aussi bien le renfor-cement narcissique quun certain traitement de lexcs. Lenfant travaille pour lamour des parents et, ce faisant, nourrit lamour quil se porte lui-mme par le plaisir pris dans ses accomplissements. Lexcs dauto-rotisme corporel cde pour une part la reprise des auto-rotismes psychiques, cest--dire

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    425Entre mre et fille : un arrachement sans fin ?

    29 avril 2013 10:22 - Finir ladolescence - Collectif - Revue franaise de Psychanalyse - 175 x 240 - page 425 / 320 - PUF -

    lactivit de penser. La force de linvestissement pour lobjet primaire, lui, ne cde pas, ou tout du moins se dplace suivant le destin, narcissique, de la sublimation. Sortir de ladolescence dsigne un mouvement de sortie vers qui indique une direction et engage directement lappropriation subjective du corps sexu, indissociable de la reconnaissance de lautre sexe. Entre la mre et la fille, cest la reconnaissance de la diffrence des sexes qui permet la diff-rence des corps. Et cela, Marine, prfrerait ne pas4 . Elle put reconnatre quelle avait choisi son ami comme un enfant protger, sur le modle de la faon dont sa mre soccupait delle. Le quitter lui semblait impossible.

    Le conflit psychique, souligne Jean-Claude Rolland, se joue entre quelque chose de statique, un tat, linfantile [tymologiquement, ce qui est priv de parole], et un processus dont on peut infrer quil sanime de ce qui manquait prcisment cet tat : la parole. linfans [], soppose un ado-lescens en marche vers son accomplissement, le sujet dun mouvement psy-chique rformant les forces et les structures qui, ltat dinfans, restaient figes comme par une glaciation (Rolland, 1998, p. 149, 150). Cest au cur du corps sexu quachoppe ce qui choue se conflictualiser, semparer de la langue. La construction dune identit sexue, cest--dire la capacit se vivre comme homme ou femme en tant porteur dune parole incarne, dsirante, entretient un rapport de solidarit troit avec lide dune sortie de ladolescence. Je dis ide car rien ne permet daffirmer que ce processus connaisse une fin sauf celle, illusoire et phmre, qui accompagne le fait de se souvenir de son adolescence.

    Fanny Dargent4, rue Boulle75011 Paris

    [email protected]

    RFRENCES bibLiOgRAPHiQUES

    Andr J. (et al.), Mres et filles. La menace de lidentique, Paris, Puf, Petite biblio-thque de psychanalyse , 2003.

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    4. Je renvoie le lecteur la clbre nouvelle dHermann Melville, Bartleby le scribe, ainsi qu la lecture propose par Adam Philipps (2010).

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    Freud S. (1924 c), Le problme conomique du masochisme, ocF.p, XVii, Paris, Puf, 1992.

    Freud S. (1933 a [1932]), La fminit, Nouvelles confrences dintroduction la psycha-nalyse, Paris, gallimard, Folio essai , 1984.

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    Green A., La folie prive, Paris, Gallimard, 1990.Gutton P. (1984), Pratiques de lincorporation, Adolescence, vol. 2, no 2.Guyomard D. (2009), Leffet-mre. Lentre mre et fille. Du lien la relation, Paris, Puf,

    Petite bibliothque de psychanalyse , 2011.Hritier F., Les deux surs et leur mre. Anthropologie de linceste, Paris, Odile Jacob,

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