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1 SAM Société Africaine de Management – Society for African Management 1ère Conférence Africaine de Management « Servir l’Afrique par le Management » Dakar (Sénégal) : jeudi 16, vendredi 17 et samedi 18 mai 2013 Proposition de communication scientifique : Brigitte Daudet - Ecole de Management de Normandie – Le Havre (France) & Yann Alix - Fondation SEFACIL – Le Havre (France) & Juliette Duszynski – Agence d’Urbanisme de la Région du Havre (France) Brigitte Daudet, Professeur Ecole de Management de Normandie 30, rue de Richelieu 76 087 Le Havre (France) b.daudet@ em-normandie.fr Tel : 011-33-(0)2-32-92-59-93 Yann Alix Délégué Général Fondation SEFACIL Quai Dombasle 4, rue des Lamaneurs 76 085 Le Havre (France) [email protected] Tel : 011-33-(0)6-11-26-34-21 Juliette Duszynski Chef de Projet Agence d’Urbanisme de la Région du Havre et de l’Estuaire de la Seine (AURH) 4, Quai Guillaume Le Testu 76 063 Le Havre cedex (France) [email protected] Tel : 011-33-(0)2-35-42-17-88

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SAM Société Africaine de Management – Society for African Management

1ère Conférence Africaine de Management « Servir l’Afrique par le Management »

Dakar (Sénégal) : jeudi 16, vendredi 17 et samedi 18 mai 2013

Proposition de communication scientifique :

Brigitte Daudet - Ecole de Management de Normandie – Le Havre (France) &

Yann Alix - Fondation SEFACIL – Le Havre (France) &

Juliette Duszynski – Agence d’Urbanisme de la Région du Havre (France)

Brigitte Daudet,

Professeur

Ecole de Management de Normandie 30, rue de Richelieu

76 087 Le Havre (France)

[email protected]

Tel : 011-33-(0)2-32-92-59-93

Yann Alix Délégué Général

Fondation SEFACIL Quai Dombasle

4, rue des Lamaneurs

76 085 Le Havre (France)

[email protected]

Tel : 011-33-(0)6-11-26-34-21

Juliette Duszynski Chef de Projet

Agence d’Urbanisme de la Région du Havre et de l’Estuaire de la Seine (AURH) 4, Quai Guillaume Le Testu

76 063 Le Havre cedex (France)

[email protected]

Tel : 011-33-(0)2-35-42-17-88

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SAM Société Africaine de Management – Society for African Management

1ère Conférence Africaine de Management « Servir l’Afrique par le Management »

Dakar (Sénégal) : jeudi 16, vendredi 17 et samedi 18 mai 2013

Titre

Le management des relations ville-port : Enjeu majeur du développement ouest-africain

Proposition d’un agenda de recherche pour le réseau SAM

Résumé

La croissance économique de la région ouest-africaine a dépassé les 5% en moyenne depuis 2000

et ce malgré l’impact de la crise économique et financière planétaire. Révélateurs du

développement du commerce et des échanges, les grands ports maritimes de la rangée Dakar-

Lagos continuent de croître et d’engranger les dividendes de la stimulation du commerce des

pays africains avec le reste de la planète. Dakar, Conakry, Abidjan, Téma, Lomé, Cotonou,

Lagos; tous ces grands établissements portuaires sont aussi des capitales politiques et/ou

économiques où se concentrent la quintessence de l’esprit entrepreneuriale de populations jeunes

et de mieux en mieux éduquées. Elles ont toutes multiplié leur population de manière quasi-

exponentielle ces dernières décennies. Créatrices de valeur et de richesse, ces villes se

nourrissent tout autant qu’elles alimentent leur port, véritable poumon économique où se collecte

jusqu’à 90% des recettes douanières nationales. Ces écosystèmes demeurent de formidables

laboratoires de recherche où urbanistes, architectes, sociologues, géographes ou encore

économistes et aménageurs analysent les complexités des relations unissant l’urbain et le

portuaire. En Afrique de l’Ouest, force est de constater que les travaux de recherche demeurent

très parcellaires et se cantonnent souvent à une ou quelques dimensions très spécifiques sans

véritable opportunité holistique ou systémique.

En conséquence, la problématique de la présente communication désire se pencher sur les

modalités de la gouvernance des espaces ville-port ouest-africains en ayant recours aux savoirs et

savoir-faire des sciences de gestion comme pilier d’approches pluridisciplinaires et multi-

scalaires. L’hypothèse de recherche énonce que les sciences de gestion peuvent étayer les

fondements des outils stratégiques et opérationnels visant à construire des organes originaux de

décision associant administrateurs de la ville et dirigeants portuaires.

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Après avoir rappelé quelques données empiriques sur les systèmes urbains et portuaires sous-

régionaux, la communication esquisse les contours d’un agenda de recherche à co-construire et

valider avec les chercheurs de la Société Africaine de Management.

Mots-clés

Ville – Port – Gouvernance – Territoires – Sciences de gestion – Développement

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Introduction

Les interfaces entre les villes et les ports demeurent des laboratoires d’analyse à travers la

planète. Le travail accumulé depuis plus de 20 ans de l’Association Internationale Villes & Port

l’atteste. Les initiatives fleurissent comme Africapolis pour étudier en profondeur la ville

africaine, souvent capitale portuaire! Toutefois, force est de constater qu’un pan entier de la

recherche, celle des sciences de gestion, ne s’est pas encore penché en profondeur sur les

modalités de gestion de la relation entre une ville et son port en Afrique de l’Ouest. La gestion

des interfaces ville-port dans la littérature scientifique et appliquée se concentrent

essentiellement sur des thématiques liées :

- à la gestion conflits d’usage avec l’analyse des processus de conciliation et de

concertation entre des usagers de territoires contraints, rares et chers;

- aux déploiements des requalifications urbaines de territoires industrialo-portuaires;

- aux problématiques culturelles et sociétales avec une forte connotation environnementale

et écologique à l’interface entre la terre et la mer;

- aux calculs économiques et financiers des retombées des activités portuaires sur les

espaces urbains adjacents;

- aux expériences d’aménagements avec une hagiographie considérable sur la complexité

de gérer des grands projets urbains et/ou portuaires en conciliant les échelles de temps,

d’espace et d’intérêts; etc.

Loin d’être exhaustive, cette énumération des principales thématiques de recherche sur la

relation ville-port n’aborde que rarement la manière dont la gouvernance politique et

opérationnelle s’orchestre. Une ville et son port constituent des territoires singuliers avec des

pouvoirs de décision et des stratégies particulièrement intégrés comme à Hambourg ou Anvers,

ou véritablement séparés comme dans la plupart des cas ouest-africains. Dans le contexte ouest-

européen, les mutualisations d’intérêts entre la ville et son port posent la relation ville-port dans

une dimension très logistique et industrielle. L’objectif de tirer un maximum de profits

économiques et financiers doit s’accomplir en préservant une qualité de vie et un développement

régional concerté. Les interactions entre les organes de concertation et de décision constituent un

levier d’efficacité considérable, anticipant par la concertation et la conciliation les potentielles

ruptures entre une somme de plus en plus importante de parties prenantes. Ce qu’il est intéressant

de constater, c’est que la structuration d’organes de gouvernance poreux entre une métropole et

son port peut tout autant diluer les sources de conflits que rendre ingouvernable des structures

devenues trop complexes.

Lomé a en quelque sorte trouvé une parade implacable face à ce dilemme d’une gouvernance

bicéphale de deux objets économiques et territoriaux totalement imbriqués. Le maire de la plus

grande ville du pays est également le directeur général du plus grand port ! Monsieur Fogan

Kodjo ADEGNON résumait sous une forme humoristique l’incongruité de certaines situations

qu’il avait à gérer :

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« Au conseil municipal de la ville, quand il y a un problème, je dis que c’est de la faute

du port. Et quand je dirige le conseil d’administration du port de Lomé, je confirme que

les problèmes du port proviennent de la ville! ».

Fogan Kodjo ADEGNON, 9ème

Conférence Portuaire Panafricaine La relation Etat-Ville

et Port. 10 au 13 décembre. Brazzaville. Congo.

La plupart des grands villes portuaires ouest-africaines restent dans des situations nettement plus

complexes où les destinées métropolitaines et portuaires font rarement l’objet d’un consensus

stratégique. Les modalités de gouvernance demeurent très hermétiques, ce qui souvent attise une

exacerbation des sources de conflits entre la ville et le port.

Dans le contexte de la première conférence de la Société Africaine de Management sur la

thématique « Servir l’Afrique par le Management », la présente contribution vise à poser les

jalons d’un agenda de recherche en collaboration avec les chercheurs du réseau africain et

mondial de SAM. L’Agence d’Urbanisme de la Région du Havre (où est également implantée

l’AIVP), en collaboration avec Brigitte Daudet, professeur en management territorial à l’Ecole

de Management de Normandie sise au Havre, proposent de mettre les sciences de gestion au

service de cette problématique si particulière de la gestion des relations ville-port en Afrique de

l’Ouest. La fondation Sefacil, fondation havraise soutenant la recherche académique et

opérationnelle sur des thématiques portuaires, maritimes et logistiques, complète un dispositif

ambitieux pour construire un réseau unique de chercheurs en sciences de gestion. Les éléments

de réflexion proposés ci-après permettent de démontrer combien les plus grands établissements

portuaires sous-régionaux demeurent systématiquement les plus grandes villes côtières sur la

rangée Dakar-Lagos. Par ailleurs, l’apport des sciences de gestion dans l’analyse des relations

ville-port en Afrique de l’Ouest est synthétisé pour ouvrir le champ des possibles en matière de

collaboration avec le réseau SAM. Un agenda de recherche et des pistes de collaboration

concluent cette originale contribution.

La croissance des grandes villes portuaires ouest-africaines : quelques enjeux de gestion !

Les travaux de recherche d’Africapolis présentent une histoire statistique essentielle pour

appréhender l’évolution des plus grandes villes portuaires de l’Afrique de l’Ouest. En effet, la

compilation scientifique des données relatives à l’urbanisation des populations de cette sous

région permet d’isoler les croissances des grandes villes portuaires. Cela apporte trois éclairages

majeurs :

-l’urbanisation du dernier demi-siècle s’impose comme un phénomène commun à tous les

pays côtiers de l’Afrique de l’Ouest, et ce quelque soit la taille du pays, sa densité

démographique ou encore son niveau de développement économique ou sa « maturité

démocratique »;

- la sous-région reste cependant faiblement urbanisée en comparaison des évolutions

constatées à l’international avec environ un tiers de la population totale sous-régionale qui vit en

ville;

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- et enfin, les processus de concentration urbaine sur les grandes villes portuaires

(capitales économiques et/ou politique) ne sont pas si homogènes et uniformes que l’on pourrait

le croire de prime abord. Lagos et ses 10 millions d’habitants constitue la seule grande

concentration que l’on peut qualifier de macrocéphalique avec quelques millions

supplémentaires qui pourraient être ajoutées si l’on considère l’étalement spatiale des foyers de

population aux limites administratives de la ville. Conakry ou Cotonou, millionnaires en

habitants en 2010 (Figure 1), demeurent des villes sans véritable étalement métropolitain.

Figure 1 : Évolution de la population des principales villes portuaires ouest africaines

1950-2010 en milliers d’habitants

villes portuaires

et pays

Population

en 1950

Population en

2010

Population

nationale en2010

En % du total

Dakar (Sénégal) 253 2,747 12,134 22,7

Conakry (Guinée) 38 1,575 8,967 17,6

Abidjan (Côte

d’Ivoire)

89 4,113 21,116 14,5

Accra (Ghana) 162 3,452 22,624 15,3

Lomé (Togo) 39 1,407 5,893 23,8

Cotonou (Bénin) 21 1,259 8,873 14,2

Lagos (Nigéria) 291 10,001 158,313 6,8

Source : Africapolis 2008

La multiplication par 10, 20 ou plus des populations sur les villes portuaires pose une somme

considérable de problématiques qui apparaissent intrinsèquement urbaines tout en impactant

directement les activités portuaires. Un exemple aussi mature que symptomatique : le cas de la

ville d’Abidjan, unique laboratoire des pratiques concertées entre une ville et son port qui fut de

1950 à 2010 le plus important de la sous-région. Avec la création de la Communauté Portuaire

d’Abidjan (CPA), le cercle de concertation s’est élargi pour intégrer la ville comme une partie

prenante essentielle de la discussion. Il convient de rappeler que le port d’Abidjan est situé sur la

lagune Ebrie qui relie 9 des 10 communes composant la ville d’Abidjan (Figure 2).

En conséquence, le port se trouve géographiquement au cœur des logiques circulatoires urbaines

avec des congestions quotidiennes le matin et le soir au moment du déplacement pendulaire des

travailleurs. La municipalité dispose d’un schéma d’aménagement et d’occupation des espaces

fonciers sous sa responsabilité juridique qui ne s’élabore pas en harmonie avec les plans

directeurs produits de leur côté par le PAA. Cela pose un certain nombre d’incohérences

managériales avec des conflits d’usage et de cohabitation sur des territoires immédiatement

adjacents, voire partagés comme la voirie.

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Figure 2 : Interpénétration spatiale et fonctionnelle de la ville et du port d’Abidjan

Source. Port Autonome d’Abidjan

Les enjeux sont considérables, avec notamment :

- la cohabitation des circulations des personnes et des biens au sein d’un espace très

contraint. Les camions sont souvent accusés d’embouteiller des routes déjà surchargées

avec une augmentation spectaculaire de l’accidentologie sur les principales artères de

desserte du centre de la métropole;

- l’occupation illégale des espaces fonciers portuaires par des foyers de population au sein

de la métropole. Le directeur général adjoint du Port Autonome d’Abidjan, Pierre

Mambe, avance que plus de 50% des 2 700 Hectares de réserves foncières du port sont

occupées par des populations illicites (données fournies en 2010). Cela pose le problème

très délicat de pouvoir disposer de son domaine pour projeter des investissements

indispensables à la croissance du port. Le tout impose notamment de gérer ce que Pierre

Mambe qualifie de « purge des droits coutumiers au moment des expropriations

d’occupation illicite d’un domaine public sous l’autorité du PAA ».

- les pollutions générées par les rejets d’une population qui devrait dépasser les 5 millions

d’habitants en 2020. Aujourd’hui, la profusion des algues et autres végétaux impactent

directement la navigabilité des plus grandes unités dans les bassins du port.

- La croissance programmée des trafics portuaires qui devraient accélérer la dégradation

des réseaux routiers métropolitains mais aussi et surtout entrer en conflit direct avec

l’ambition d’aménagement de la municipalité à proximité immédiate de zones sous

contrôle portuaire.

Autre exemple singulier, le cas de la gestion des rares touchés portuaires de croisière sur des

villes pas du tout préparées à recevoir les dividendes économiques de telles activités. A Lomé

par exemple, la ville et le port s’accordent pour dire que les quelques escales de navires de

croisière poussent à repenser la relation entre les deux entités publiques. Une meilleure synergie

et des outils stratégiques de gestion permettraient d’optimiser les retombées mais aussi et surtout

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l’organisation fonctionnelle des quelques heures d’escale des navires. Fogan Kodjo ADEGNON

rappelait à ce sujet que les vendeurs de souvenirs faisaient un 1/3 de leur recette annuelle avec

l’accueil d’un seul navire de croisière au port ! Cependant, chose encore une fois exceptionnelle,

les vendeurs disposent d’autorisations pour accéder directement sur le quai où se trouve le navire

et la vente se réalise finalement en dehors de la ville (Figure 3). Les centaines de passagers ne

profitent pas de navettes pour visiter les principales attractions touristiques de la ville comme le

grand marché Adawlato.

Figure 3 : Escale d’un navire de croisière et vendeurs de souvenir sur le terminal du port de

Lomé

Source. Port Autonome de Lomé

Lors de la conférence de l’Association de Gestion des Ports de l’Afrique de l’Ouest et du Centre

(AGPAOC) tenue à Banjul en Gambie sur le thème de la relation ville-port, le maire et directeur

général concluait sur l’impérieuse nécessité de renforcer les structures de gouvernance entre les

deux grands fournisseurs d’emplois de Lomé. Une meilleure gestion disait-il entraînerait une

augmentation mutuelle et réciproque des bénéfices tout en rendant plus claire aussi la

responsabilité (partagée ?) du paiement des taxes officielles au gouvernement Togolais !

Dernier exemple concret qui illustre combien les problématiques de gestion demeurent au cœur

de la gestion des relations entre les grandes villes ouest-africaines et leur port, le cas de Lagos.

Cette ville géante souffre en quelque sorte de tous les maux d’une macrocéphalie où une partie

importante de la population vit de l’économie informelle. La municipalité entre en quelque sorte

en concurrence avec les autorités portuaires quand il s’agit de développement et d’aménagement.

L’accès à l’électricité par exemple constitue un élément difficile à concilier quand vient le temps

de l’arbitrage pour un accès garanti et relativement bon marché à cette énergie indispensable

pour les habitants et les personnels de l’autorité portuaire.

La croissance des grands ports ouest-africains : quelques enjeux de gestion !

Alors que les villes portuaires ouest-africaines continuent de croître rapidement, les ports se sont

engagés au cours de la dernière décennie dans une véritable modernisation accélérée de leurs

infrastructures. Avec un potentiel doublement des trafics à l’horizon 2020, l’obsolescence des

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terminaux menaçaient directement la croissance économique sous-régionale. Entre 2008 et 2010,

quasiment tous les grands ports de la sous-région ont enclenché des mises en concession de

nouveaux terminaux conteneurisés avec l’engagement d’1,5 milliards de dollars

d’investissements privés (Figure 4).

Figure 4 : Principales mises en concession des terminaux portuaires conteneurisés sur la

rangée portuaire Dakar-Cotonou entre 2008 et 2010

Source. Yann Alix, fondation Sefacil, 2011

Cette année Abidjan va compléter la mise en concession de son deuxième terminal à conteneurs

alors que son principal concurrent, le port de Téma (ville d’Accra) continue son expansion pour

conserver sa place de leader sous-régional pour la manutention des conteneurs, juste derrière le

complexe Lagos-Apapa-Tin Can qui dessert quant à lui la mégalopole Nigériane et le nord-ouest

du pays(Figure 5).

Figure 5 : Principaux ports à conteneurs de l’Ouest et du Centre de l’Afrique

en millions de conteneurs - 2011

Source. Yann Alix, fondation Sefacil, 2013

Les développements portuaires ouest-africains se réalisent évidemment en relation directe avec

la croissance des échanges internationaux, que ce soient avec les anciennes puissances coloniales

ouest-européennes ou directement maintenant avec les puissances émergentes au premier rang

desquelles la Chine. La manutention de plus de boîtes et la fluidité des systèmes logistiques

DAKAR

CONAKRY

MONROVIA

SAN PEDRO LOME

COTONOU

2010500 M US$

25 years

2008420 M US$

25 years

2010 100 M US$

25 years

2008 250 M US$

15 years

2009250 M US$

35 years

2009256 M US$

25 years

DAKAR

CONAKRY

MONROVIA

SAN PEDRO LOME

COTONOU

2010500 M US$

25 years

2008420 M US$

25 years

2010 100 M US$

25 years

2008 250 M US$

15 years

2009250 M US$

35 years

2009256 M US$

25 years

Téma

Abidjan

Pointe-Noire

Cotonou

Dakar

Luanda

Lomé

Douala

Conakry 0,5 1,0

Lagos – Tin Can

Apapa

Téma

Abidjan

Pointe-Noire

Cotonou

Dakar

Luanda

Lomé

Douala

Conakry 0,5 1,0

Lagos – Tin Can

Apapa

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impliquent une série de conséquences directes sur la gestion des relations ville-port. Parmi les

plus importantes, citons :

- le déploiement sur de grandes surfaces de facilitations portuaires avec des terminaux et

des terre-pleins toujours plus étendus ;

- la connectivité de ces interfaces portuaires avec les réseaux routiers (ou ferroviaires

quand ils existent) pour garantir une plus grande flexibilité/fluidité des circulations de

marchandises entrantes et sortantes des ports ;

- l’aménagement de zones de délestage (stockage, services logistiques, etc.) dans l’environ

géographique et spatial immédiat du domaine portuaire. Les ports secs et autres zones

logistiques se greffent souvent à proximité ou même au cœur de systèmes urbains eux-

mêmes en croissance ;

- la construction d’espaces dédiés aux marchandises en transit pour les trafics des pays

enclavés, véritable enjeu stratégique et concurrentiel entre quasiment tous les ports de

l’ouest de l’Afrique.

Par ailleurs, l’interpénétration spatiale, pour ne pas dire organique, des ports dans leur ville peut

constituer une équation impossible à assumer quand vient les formats des nouveaux terminaux.

En Afrique Centrale, le manque de profondeur d’eau du chenal navigable pour se rendre à la

capitale économique et portuaire de Douala pousse les autorités nationales à ériger un nouveau

port en eau profonde plus au sud. Or, à Kribi, le futur complexe industrialo-logistico-portuaire

est déconnecté d’une grande ville. Même chose quand l’on pense au potentiel port en eau

profonde de la République du Bénin, situé à 30 kilomètres du centre ville de Cotonou. Cette

dynamique de construire sur des espaces non-contraints par la présence urbaine pose la question

du futur des relations ville-port en Afrique de l’ouest. A Lagos, les projets fleurissent, toujours

dans des situations « greenfield », ce qui signifie de construire ex-nihilo des complexes

portuaires sans relation directe avec la métropole (Figure 6).

Figure 6: Futurs complexes portuaires de Lekki et Badagry situés à proximité de Lagos pour

desservir les marchés en croissance du Nigéria

Source. ICTSI (pour Lekki) et APMT (pour Badagry)

Enfin, en Afrique de l’Ouest, depuis la mise en place du Code ISPS dans le courant des années

2000, les interpénétrations organiques de la ville et du port ont été contrecarrées avec une quasi

fermeture des espaces portuaires aux déplacements de population. Pire : dans des cas précis

comme à Lomé, Cotonou et surtout Douala, ce sont les migrations pendulaires et les schémas

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circulatoires des populations qui ont été totalement bouleversés. Les entrées et sorties sans

contrainte sur le territoire régalien portuaire entretenait des marchés formels et informels où des

quartiers entiers trouvaient leur subsistance quotidienne. Avec la mise sous contrôle sécuritaire

de la totalité de l’enceinte portuaire, le code ISPS a, en quelque sorte, exacerbé les relations de la

ville et de son port. Quand les populations se trouvent exclues d’un territoire dorénavant

totalement protégé, les plus folles rumeurs et défiances s’entretiennent. Dans la culture orale

urbaine de l’Ouest de l’Afrique, ces non-dits entretiennent un climat de suspicion qui a trouvé

comme réponse une quasi renonciation d’un dialogue entre les édiles et les directions des ports.

La ville et ses organes de tutelle gèrent et gouvernent des territoires très denses, souvent

exsangues avec des défis quotidiens pour la fourniture des services élémentaires à la vie de ses

populations. Les ports quant à eux, doivent faciliter la fluidité des trafics entrants et sortants,

déployer des solutions de stockage pour bonifier les services à la marchandise ou aux

camionneurs.

Est-ce que les sites actuels au cœur des villes sont amenés à se requalifier sous la pression

immobilière, les ambitions touristiques et les transformations urbanistiques des fronts de mer ?

Est-ce que les particularités historiques du développement urbain et portuaire ouest-africain vont

conduire à un autre modèle, pas nécessairement calquer sur ceux rencontrés partout ailleurs sur

la planète ? Dans quelle mesure, ces espaces ne deviennent-ils pas aujourd’hui de formidables

laboratoires d’étude pour les sciences de gestion dans le cadre de gouvernance(s) à (ré)inventer ?

L’ensemble de questions préalablement posées et de nombreuses autres constituent en quelque

sorte la proposition d’un agenda de recherche qui trouvera son périmètre avec l’apport des

experts en sciences de gestion du réseau.

Un agenda de recherche et des problématiques à délimiter avec les experts en sciences de

gestion de la Société Africaine de Management

Les sciences de gestion se caractérisent par l’action et la décision. Dans le contexte des relations

ville-port ouest-africaines, les actions urbaines et portuaires continuent de se prendre sans

véritable concertation entre les grandes sphères de décisions, créant ainsi des développements

parfois incompatibles, contradictoires, voire conflictuels. Dans un environnement économique

stimulé, l’enjeu consiste aujourd’hui à déployer des organes de décision et d’actions qui

mutualisent, partagent, débattent et statuent sur les contrainte, les risques et les opportunités

inhérentes au développement des deux systèmes ; urbains et portuaires. Cela implique

nécessairement une approche systémique, pour ne pas dire holistique, avec des organes de

gouvernance représentant toutes les sensibilités ; de la société civile aux entrepreneurs privés à

l’expression stratégique des firmes multinationales ou encore des postulats d’ONG spécialistes

de l’environnement par exemple. Les chercheurs en sciences de gestion disposent d’une batterie

d’outils, de mécanismes, de retours d’expériences qui demeurent à mobiliser pour structurer au

mieux ces gouvernances complexes.

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Les théories de la décision, avec toutes les déclinaisons de ses modèles théoriques et pratiques,

constituent un premier terreau d’expérimentation en prenant en compte évidemment les

spécificités locales/régionales de l’environnement urbano-portuaire ouest-africain. Chaque ville

et chaque port, malgré de fortes concordances spatio-temporelles sur la rangée Dakar-Cotonou,

demeurent des cas à part entière où les théories de la décision pourraient ciseler les contours d’un

management renouvelé et efficace pour assumer les défis de la croissance.

De manière concomitante, la mobilisation des savoirs et savoir-faire des théories des

organisations s’avère tout aussi importante. Les mille-feuilles administratifs depuis le local aux

plus hautes sphères d’intégration sous-régionale pose la problématique de l’opération et la mise

en œuvre des recommandations issues des sciences de gestion. Gouvernance, institution, firmes,

chaînes de valeur apparaissent comme autant de mots clés autour desquels devront s’articuler les

futurs travaux d’un agenda de recherche pragmatique.

En matière de prospective et de stratégie, ces problématiques peuvent se densifier avec une

ouverture des terrains de recherche au-delà des interfaces ville-port. Par exemple, DP World

avait emporté la concession du terminal à conteneurs de Dakar avec la promesse

d’investissements lourds sur le corridor Dakar-Bamako. De même, les enjeux territoriaux en

matière d’aménagement relient souvent la modernisation portuaire avec l’investissement sur les

espaces terrestres. Le maillage infrastructurel et la connexion aux marchés enclavés constituent

le terreau de solutions de transport massifiés le long de corridors de transport. Cette intégration

fonctionnelle des villes côtières, des ports maritimes et des capitales économiques intérieures

constituent une autre dimension spatiale à explorer. Au-delà de la complexité de l’intégration

économique sous-régionale, c’est l’enjeu multiforme d’une gestion intégrée des places

portuaires, de leurs tissus urbano-logistiques et leurs prolongements terrestres qui pourraient

constituer un terrain d’investigations particulièrement novateur dans le contexte ouest-africain.

Ces dynamiques de corridors de transport et de gestion intégrée font appel une fois encore aux

outils manipulés par les gestionnaires, les aménageurs ou encore les géographes.

Une multitude d’analyses et d’études s’intéressent à ces problématiques mais très rarement sont

posés des diagnostics sur le management et la gouvernance. Des démarches de recherche

originales sont à élaborer desquelles devraient découler des produits innovants en matière de

management stratégique et prospectif :

- une « boîte à outils » des fondamentaux du management des relations ville-port ouest-

africaines pourrait constituer un premier jalon très ambitieux des travaux de recherche ;

- une série de préconisations sur les processus de gouvernance pourraient accompagner

utilement les prises de décisions

- des recommandations stratégiques à caractère prospectifs pourraient faciliter le modelage

d’organes représentatifs de parties prenantes autant urbaines que portuaires.

Au Havre, quand le Maire du Havre, le Directeur Général de la Chambre de Commerce et

d’Industrie et le Directeur Général de l’autorité portuaire décidaient de se rencontrer tous les

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mois pour parler des dossiers mutuels, ils innovaient. Ils créaient simplement un espace de

dialogue entre trois grandes sphères qui décident des destinées urbaines, économiques et

portuaires ; le tout apparaissant finalement indissociable. Ils concrétisaient aussi la nécessité de

partager des points de vue, des expertises, des contraintes et des opportunités pour parfois mieux

mutualiser, co-organiser et finalement co-gérer un espace urbano-industrialo-portuaire.

Bibliographie sélective des trois auteurs sur le sujet :

Alix, Y., 2012. Enjeux, défis et perspectives pour un développement des relations entre les villes

et ports de l’Afrique de l’Ouest et du centre : zoom sur le cas de la croisière. 9ème

Conférence

Portuaire Panafricaine La relation Etat-Ville et Port. 10 au 13 décembre. Brazzaville. Congo.

Alix, Y., 2012. Les corridors logistico-portuaires, le gateway comme nouvelle échelle du

développement portuaire. Club Territoires Maritimes. Fédération Nationale des Agences

d’Urbanisme (FNAU). 7 décembre 2012. Paris.

Alix, Y., Cornède, H., 2012. Quelle(s) gouvernance(s) portuaire(s) sur l’Axe Seine pour survivre

dans une industrie oligopolistique des transports ? Congrès ASLOG 2012 – Logistique et

territoires. 27 et 28 Novembre 2012. Le Havre.

Alix, Y., Pelletier, J.F., 2011. Trade Corridors, Value Networks & Logistics Performance :

Applied methodology to Sub-Saharan Landlocked Countries. African Review of Maritime Affairs

and Transportation. January 2011, N°3. 50-56.

Alix, Y; Daudet, B., 2011. Les corridors maritimes et les villes portuaires : mégatendances,

problématiques et solutions applicables. Rencontre internationale de Québec : définir la relation

ville-port de demain. 10 au 12 Avril 2011. Québec – Canada.

Alix, Y., Chedot, C., 2010. Dialoguer avec les citoyens et développer des partenariats : analyse

empirique et illustrations par les initiatives havraises. 9ème

Table Ronde des Directeurs Généraux

des Ports de l’AGPAOC. « Le défi de la relation ville-port ». 33ème

Conseil Annuel de

l’AGPAOQ, 10 au 14 mai 2010. Banjul – Gambia.

Daudet, B., 2012. Grands projets de ville, grands projets de ports. Quelles échelles spatio-

temporelles pour quelles gouvernances ? Le cas de la vallée de la Seine. Collaboration tripartite

EM Normandie, Fondation Sefacil et Agence d’Urbanisme de la Région du Havre. 30p.

Daudet, B., Alix, Y., 2012. De l’héritage des relations ville-port… aux enjeux de gouverner des

espaces métropolitains et des corridors logistico-portuaires pour le « bien-vivre » d’acteurs-

citoyens. Revue PortusPlus N°3. RETE Asociación para la colaboración entre Puertos et

Ciudades. 18p.

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Daudet, B., Alix, Y., 2012. Gouvernance des territoires ville-port : empreintes locales,

concurrences régionales et enjeux globaux. Organisation et territoires. Volume 21, numéro 2 et

3. 12p.

Daudet, B., 2010. Grands projets urbains et portuaires : pour une reconsidération des

conciliations, concertations et confrontations. 12th International Conference Cities and Ports.

15/19 Novembre 2010. Buenos-Aires & Rosario. Argentina.

Daudet, B., 2009. Développement portuaire et enjeux durables. L’interface Ville/Port.

Conférence-Débat. EM Normandie. 3 Mars 2009. Compte-rendu non publié.

Duszynski, J., Préterre, E., 2012. Gouvernance des corridors de transport et des gateways. In Les

Corridors de Transport (sous la direction Y Alix), Collection Les Océanides. Fondation Sefacil.

Editions EMS, 119-142.

Duszynski, J., Audièvre, L., Mary, JF., Mus, M., 2013, Atlas des infrastructures de transport du

Nord-Ouest de l’Europe, in Projet européen Weastflows (Programme INTERREG IVB)

Duszynski, J., Bigot, I., Caritg, JP., Chédot, C., Maquet X., 2008, Les activités maritimes et

portuaires du Havre, INSEE Haute-Normandie, Cahier d’Aval N° 80

Duszynski, J., Caritg, Camesella, C., JP., Chédot, C., Maillard M., 2013, 32 000 emplois sur le

complexe industrialo-portuaire du Havre, INSEE Haute-Normandie, Cahier d’Aval N° 132

Duszynski, J., Agences d’Urbanisme de Bordeaux, Boulogne sur Mer, Brest, Dunkerque,

Lorient, Marseille, Saint-Nazaire, Toulon, Grands Ports Maritimes de Dunkerque, Le Havre,

Marseille, AIVP, Gras, P., Collin, M.. 2011, Innovations Ville/Port, pour des projets intégrés

ville-port, FNAU

Duszynski, J, Dhervillez D., 2012, Le gateway de la Seine, une stratégie économique du XXIème

siècle, dans L’Estuaire en Seine : Les raisons d’agir. 2012, Agence d’Urbanisme de la Région du

Havre et de l’Estuaire de la Seine

Agence d’Urbanisme de la Région du Havre et de l’Estuaire de la Seine (dir.). 2012, Mission

partenariale Seine Gateway® 1.0, préfiguration du gateway de la Seine et éléments clés de mise

en œuvre. (contribution J. Duszynski)

MERK, O., 2011, Compétitivité des villes portuaires : le cas de l’Axe Seine (Le Havre, Rouen,

Paris, Caen). OCDE. (contribution J. Duszynski)

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INSEE Haute-Normandie, 2011, Panorama économique de l’espace Paris Seine-Normandie,

Cahier d’Aval N° 92. (contribution J. Duszynski)

Coopération des agences d’urbanisme (APUR, AUCAME, AUDAS, AURBSE, AURH, IAU).

2011, Axe Seine, les données essentielles (contribution J. Duszynski).