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Novembre 2019 1 DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE La taxe sur la valeur ajoutée (TVA), faisant partie du droit de l’Union depuis presque cinq décennies 1 , se caractérise notamment, d'une part, par le fait de constituer une taxe de consommation généralement applicable aux transactions effectuées par les assujettis dans le cadre de leurs activités économiques, visant à grever uniquement le consommateur final et, d'autre part, par le principe de neutralité qui s’impose lors de l’application de ladite taxe, impliquant également un principe de droit à déduction de la taxe. Ainsi, le système de déduction vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA pour l’ensemble de ses opérations, qui donnent, en elles-mêmes, droit à déduction. La Cour rappelle souvent dans sa jurisprudence portant sur la TVA que le droit à déduction (et, partant, au remboursement de la taxe payée) fait partie intégrante du mécanisme de la TVA et ne peut, en principe, être limité. Cependant, même si ce droit à déduction devait, à premier vue, toujours s’appliquer dans le but d’atteindre une taxation neutre, certaines limites s’imposent à ce droit. À cet égard, la Cour exige dans sa jurisprudence qu’il existe un lien direct et immédiat entre l’acquisition d’un bien ou d’un service et l’opération taxée en aval. En d’autres termes, l’acquisition devrait, selon des critères objectifs, être destinée à servir l’activité économique de l’assujetti. En revanche, lorsque des acquisitions sont effectuées aux fins d’opérations exonérées ou ne relevant pas du champ d’application de la TVA, aucune taxe en aval ne peut être perçue et aucune taxe en amont ne peut être déduite. Dans sa jurisprudence, la Cour a également établi que le droit de l’Union ne peut être invoqué à des fins frauduleuses ou abusives. En cas de pratiques abusives, le droit à déduction de la TVA en amont peut être rejeté avec effet rétroactif, lorsque le droit à déduction a été exercé de manière abusive. Ainsi, la juridiction nationale peut refuser le bénéfice du droit à déduction s’il est établi, au vu des éléments objectifs, que l’assujetti savait ou aurait dû savoir que, par son acquisition, il participait à une opération impliquée dans une fraude à la TVA et ceci même si 1 Sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1), et directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1).

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Novembre 2019 1

DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

La taxe sur la valeur ajoutée (TVA), faisant partie du droit de l’Union depuis presque cinq

décennies1, se caractérise notamment, d'une part, par le fait de constituer une taxe de

consommation généralement applicable aux transactions effectuées par les assujettis dans le

cadre de leurs activités économiques, visant à grever uniquement le consommateur final et,

d'autre part, par le principe de neutralité qui s’impose lors de l’application de ladite taxe,

impliquant également un principe de droit à déduction de la taxe. Ainsi, le système de déduction

vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA pour l’ensemble de ses

opérations, qui donnent, en elles-mêmes, droit à déduction. La Cour rappelle souvent dans sa

jurisprudence portant sur la TVA que le droit à déduction (et, partant, au remboursement de la

taxe payée) fait partie intégrante du mécanisme de la TVA et ne peut, en principe, être limité.

Cependant, même si ce droit à déduction devait, à premier vue, toujours s’appliquer dans le but

d’atteindre une taxation neutre, certaines limites s’imposent à ce droit. À cet égard, la Cour exige

dans sa jurisprudence qu’il existe un lien direct et immédiat entre l’acquisition d’un bien ou d’un

service et l’opération taxée en aval. En d’autres termes, l’acquisition devrait, selon des critères

objectifs, être destinée à servir l’activité économique de l’assujetti. En revanche, lorsque des

acquisitions sont effectuées aux fins d’opérations exonérées ou ne relevant pas du champ

d’application de la TVA, aucune taxe en aval ne peut être perçue et aucune taxe en amont ne

peut être déduite.

Dans sa jurisprudence, la Cour a également établi que le droit de l’Union ne peut être invoqué à

des fins frauduleuses ou abusives. En cas de pratiques abusives, le droit à déduction de la TVA

en amont peut être rejeté avec effet rétroactif, lorsque le droit à déduction a été exercé de

manière abusive. Ainsi, la juridiction nationale peut refuser le bénéfice du droit à déduction s’il

est établi, au vu des éléments objectifs, que l’assujetti savait ou aurait dû savoir que, par son

acquisition, il participait à une opération impliquée dans une fraude à la TVA et ceci même si

1 Sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux

taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1), et directive

2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1).

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Novembre 2019 2

l’opération en cause satisfait aux critères objectifs sur lesquels sont fondées les notions « de

livraisons de biens effectuées par un assujetti agissant en tant que tel » et d’« activité

économique ».

Ci-après suivra une sélection d’arrêts, classés par thèmes et faisant le tour de la jurisprudence

récente de la Cour en matière de déduction de la TVA.

I. Principe de neutralité

Comme indiqué ci-dessus, la Cour a rappelé, à plusieurs reprises, dans sa jurisprudence, que le

régime de déductions établi par les directives 77/388 et 2006/112 vise à soulager entièrement

l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités

économiques. Ainsi, le système commun de TVA cherche à garantir la parfaite neutralité quant à

la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient leurs buts ou leurs

résultats, à condition que lesdites activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA2.

La Cour souligne également que, même si les États membres ont la faculté d’adopter des

mesures en vertu de l’article 273 de la directive 2006/112, afin d’assurer l’exacte perception de

la taxe et d’éviter la fraude, ces mesures ne doivent cependant pas remettre en cause la

neutralité de la TVA3.

Or, selon une jurisprudence constante de la Cour, le principe de neutralité fiscale, qui est la

traduction, par le législateur de l’Union, en matière de TVA, du principe général d’égalité de

traitement, exige notamment que des situations différentes ne soient pas traitées de manière

égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié4.

Arrêt du 1er mars 2012, Kopalnia Odkrywkowa Polski Trawertyn P. Granatowicz, M. Wąsiewicz

(C-280/10, EU:C:2012:107)

Deux personnes physiques, futurs associés d’une société en nom collectif polonaise, avaient

acquis, en décembre 2006, un bien immobilier. Cette acquisition avait été confirmée par un

huissier de justice par l’établissement d’une facture au nom desdits futurs associés. La société

n’avait cependant été fondée que quatre mois plus tard, en avril 2007. À cette occasion, un

notaire avait établi une facture au nom de ladite société pour l’établissement de l’acte notarié

relatif à la constitution de celle-ci et des copies y afférentes. La société concernée avait, en

conséquence, déclaré un montant de TVA en amont sur la base des deux factures en question.

L’administration fiscale avait refusé la déduction demandée au motif que l’acquéreur du bien

immobilier, en vertu de la première facture, était non pas la société elle-même, mais des

personnes physiques qui, après la constitution de ladite société, avaient apporté à cette

dernière ce bien à titre d’apport en nature. Concernant la seconde facture, l’administration

2 Arrêt du 14 février 1985, Rompelman (268/83, EU:C:1985:74, point 19). 3 Arrêt du 22 mars 2012, Klub (C-153/11, EU:C:2012:163, point 50). 4 Arrêt du 19 juillet 2012, Lietuvos geležinkeliai (C-250/11, EU:C:2012:496, points 44 et 45 ainsi que jurisprudence citée).

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fiscale avait considéré que celle-ci avait été émise avant l’inscription de la société en question au

registre du commerce, et avait donc été établie au nom d’une société non encore existante. Par

ailleurs, les futurs associés ne pouvaient pas invoquer un droit à déduction de la TVA payée sur

les dépenses d’investissement en raison du fait que l’apport du bien d’investissement en cause

était une opération exonérée, selon la réglementation nationale applicable au principal.

À la suite d’un recours formé à l’encontre du refus de déduction, la juridiction nationale a saisi la

Cour d’une demande de décision préjudicielle sur la question de savoir si, d'une part, une

société, en la personne de ses futurs associés, qui effectue des dépenses d’investissement avant

son inscription formelle en tant que société commerciale, et avant son enregistrement aux fins

de la TVA, était autorisée, après son inscription et après son enregistrement aux fins de la TVA, à

faire valoir un droit à déduction de la TVA payée en amont pour des dépenses d’investissement

exposées pour son activité taxable, au titre de l’article 9 ainsi que des articles 168 et 169 de la

directive 2006/112, et si, d'autre part, la mise en œuvre de ce droit pouvait être empêchée par

le fait que la facture d’acquisition du bien immobilier avait été établie au nom des associés, et

non au nom de la société.

À l’instar des constatations faite par la Cour dans les affaires Rompelman (263/83)5 et INZO

(C-110/94)6, la Cour a rappelé que les activités préparatoires, sous forme, notamment d’achat de

biens immeubles, doivent déjà être imputées aux activités économiques, telles que visées à

l’article 4, paragraphe 1, de la directive 77/388 et à l’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, de la

directive 2006/112, lesquelles peuvent consister en plusieurs actes consécutifs (point 28). En

outre, le principe de la neutralité de la TVA quant à la charge fiscale de l’entreprise exige que les

premières dépenses d’investissement effectuées pour les besoins et en vue d’une entreprise

soient considérées comme des activités économiques. À cet égard, il serait contraire à ce

principe que lesdites activités ne débutent qu’au moment où un bien immeuble est

effectivement exploité, c’est-à-dire au moment où le revenu taxable prend naissance (point 29).

Ainsi, quiconque qui accomplit de tels actes d’investissement étroitement liés à, et nécessaires

pour, l’exploitation future d’un bien immeuble doit être considéré comme assujetti au sens de la

directive 77/388 (point 30) et est habilité à faire valoir, à ce titre, un droit de déduction de la TVA

payée en amont (point 31). En outre, en application du principe de neutralité de la TVA, un

assujetti, dont l’unique objet social est de préparer l’activité économique d’un autre assujetti et

qui n’a effectué aucune opération taxable, peut faire valoir un droit à déduction en relation avec

des opérations taxables réalisées par le second assujetti (point 33). Dès lors, dans la mesure où,

en application de la législation nationale, les associés, alors même qu’ils peuvent être considérés

comme des assujettis pour les besoins de la TVA, sont dans l’impossibilité de se prévaloir des

opérations taxables effectuées par la société en question afin de se décharger du coût de la TVA

liée aux opérations d’investissement effectuées pour les besoins et en vue de l’activité de ladite

société, cette dernière doit, afin de pouvoir garantir la neutralité de la charge fiscale, être mise

en mesure de prendre en considération ces opérations d’investissement lors de la déduction de

la TVA (point 35).

Selon la Cour, ce principe fondamental de neutralité de la TVA exige également que la déduction

de la taxe en amont soit accordée si les exigences de fond du droit applicable à la TVA en amont

5 Cette affaire a donné lieu à l’arrêt du 14 février 1985, Rompelman (268/83, EU:C:1985:74). 6 Cette affaire a donné lieu à l’arrêt du 29 février 1996, INZO (C-110/94, EU:C:1996:67).

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sont satisfaites, même en cas de non-respect de certaines obligations formelles (point 43). Ainsi,

le fait que la facture, établie avant l’enregistrement et l’identification de ladite société aux fins de

la TVA, a été émise au nom des futurs associés et non pas au nom de la société elle-même, ne

saurait écarter le droit de déduction dès lors qu’il y a identité de personnes entre celles qui ont

dû verser la TVA en amont et celles qui constituent la société concernée. Une autre approche

aurait pour effet de réduire à néant l’exercice du droit à déduction et, partant, de remettre en

cause la neutralité de la TVA.

Arrêt du 22 mars 2012, Klub (C-153/11, EU:C:2012:163)

En mai 2009, une société bulgare, dont l’activité consistait en l’exploitation d’un hôtel à Varna

(Bulgarie), avait acheté un duplex, destiné à un usage d’habitation, à Sofia (Bulgarie). La TVA

relative à cet achat avait été déduite sans déclaration fiscale concernant le paiement d’impôts

locaux pour cet appartement. Étant donné que la société concernée n’avait pas modifié

l’affectation de cet immeuble ni ouvert de compte à son nom pour la fourniture de l’eau et de

l’électricité, les autorités fiscales en avaient déduit que l’appartement était destiné à un usage

d’habitation et non à un usage professionnel et que, par conséquent, son acquisition n’avait pas

ouvert un droit à déduction de la TVA acquittée en amont.

Dans le cadre du recours qu’elle avait intenté devant l’Administrativen sad Varna (tribunal

administratif de Varna, Bulgarie), ladite société avait contesté cette approche en soutenant que

l’immeuble en cause était destiné à un usage professionnel puisqu’elle entendait l’utiliser lors de

réunions de négociation avec des voyagistes. L’article 70, paragraphe 1, point 2, du Zakon za

danak varhu dobavenata stoynost (loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée) (DV no 63, du 4 août

2006) ayant fait l’objet d’interprétations divergentes en droit bulgare, cette juridiction a alors

interrogé la Cour sur la question de savoir, notamment, si, aux termes de la directive 2006/112,

le droit à déduction naissait au cours de la période fiscale durant laquelle la taxe est devenue

exigible, indépendamment du fait que ledit bien n’est pas immédiatement utilisé à des fins

professionnelles.

La Cour a rappelé, tout d’abord, que c’est l’acquisition du bien par l’assujetti agissant en tant que

tel qui détermine l’application du système de TVA et, partant, du mécanisme de déduction

(point 39), et qu’un assujetti agit en tant que tel lorsqu’il agit pour les besoins de son activité

économique au sens de la directive 2006/112 (point 40). Ensuite, la Cour a relevé qu’un refus à

l’assujetti de la déduction de la TVA due en amont pour des utilisations professionnelles

ultérieures taxées, malgré le souhait initial de celui-ci d’affecter le bien d’investissement dans sa

totalité à son entreprise, en vue de futures opérations, ne le déchargerait pas de l’intégralité de

la taxe afférente au bien utilisé pour les besoins de son activité économique et l’imposition de

ses activités professionnelles engendrerait alors une double imposition contraire au principe de

neutralité fiscale inhérent au système commun de TVA (point 42). La Cour a précisé que ce

principe exige, en ce qui concerne la charge fiscale de l’entreprise, que les dépenses

d’investissement effectuées pour les besoins et en vue d’une entreprise soient considérées

comme des activités économiques donnant lieu à un droit à déduction immédiat de la TVA due

en amont (point 43). Partant, un particulier qui acquiert des biens pour les besoins d’une activité

économique au sens de l’article 9, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2006/112 le fait

en tant qu’assujetti, même si les biens ne sont pas immédiatement utilisés pour ces activités

économiques (point 44).

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

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Arrêt du 6 février 2014, E. ON Global Commodities (C-323/12, EU:C:2014:53)

La société en cause exerçait des activités de commerce d’énergie sur le marché roumain depuis

le mois d’octobre 2005. Afin de satisfaire aux obligations imposées aux assujettis établis dans un

État autre que la Roumanie en vertu de la Legea nr. 571/2003 privind Codul fiscal (loi

no 571/2003 portant code des impôts), du 22 décembre 2003 (Monitorul Oficial al României,

partie I, no 927 du 23 décembre 2003), elle avait désigné un représentant fiscal en Roumanie et

y était identifiée à la TVA. L’obligation de désignation ayant été supprimée lorsque la Roumanie

est devenue membre de l’Union, le représentant de la société concernée avait cessé d’émettre

des factures fiscales pour le compte de ladite société à partir du 1er janvier 2007, mais avait

toutefois continué à représenter la société en Roumanie, notamment à l’égard des autorités

fiscales. Entre le 1er janvier et le 31 août 2007, la société avait cherché à déduire la TVA qu’elle

avait acquittée sur la base des factures émises par ses partenaires commerciaux, personnes

morales roumaines, en leur qualité de prestataires de services. Les autorités fiscales avaient

refusé au représentant de la société les déductions concernant les opérations effectuées à

compter du 1er janvier 2007 en raison du fait que ladite société n’était plus assujettie à la TVA en

Roumanie pour les opérations de livraison d’énergie, ce qui impliquait qu’elle ne facturait et ne

collectait plus la TVA pour lesdites opérations en Roumanie, cette obligation incombant, à

compter de cette date, au bénéficiaire de la livraison.

À la suite de ce refus, la société concernée avait notamment introduit une demande de

remboursement sur le fondement de la directive 79/10727 ainsi que de la disposition de droit

national visant à transposer celle-ci en droit roumain. Cette demande avait été refusée au motif

que ladite directive vise les assujettis non identifiés et non soumis à l’obligation de s’identifier à

la TVA en Roumanie, alors que la société avait continué à être représentée fiscalement en

Roumanie et avait, par conséquent, de fait, été identifiée à la TVA en Roumanie. Le recours

administratif formé par la société contre cette décision ayant été rejeté, celle-ci a alors introduit

un recours devant la Cuerta de Appel Bucaresti (cour d’appel de Bucarest, Roumanie), laquelle a

saisi la Cour d’une demande de décision préjudicielle.

Dans cette affaire portant sur l’interprétation des dispositions de la directive 79/1072, la Cour a

examiné si les dispositions de ladite directive devaient être interprétées en ce sens que le fait

qu’un assujetti établi dans un État membre et ayant procédé à des livraisons d’électricité dans

un autre État membre ait désigné un représentant fiscal identifié à la TVA dans ce second État

avait pour conséquence que cet assujetti ne puisse se prévaloir de cette directive dans ce

dernier État afin d’obtenir le remboursement de la TVA acquittée en amont. Le gouvernement

roumain avait soutenu que la société en question, en maintenant son représentant fiscal, avait

créé un vide juridique la privant ainsi de toute possibilité d’obtenir le remboursement de la TVA.

Cependant, après avoir rappelé que la directive 79/1072 prévoit deux conditions cumulatives

afin qu’un assujetti puisse être considéré comme n’étant pas établi à l’intérieur du pays et qu’il

puisse bénéficier du droit au remboursement, la Cour a examiné la seconde de ces conditions –

à savoir celle interdisant à l’assujetti d’effectuer des livraisons de biens ou de prestations de

7 Huitième directive 79/1072/CEE du Conseil, du 6 décembre 1979, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives

aux taxes sur le chiffre d’affaires – Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis à l’intérieur du

pays (JO 1979, L 331, p. 11).

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

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services réputées se situer dans l’État membre de remboursement (point 42) – et a rappelé que

si les livraisons d’électricité concernées ont pour effet de rendre inapplicable la

directive 79/1072, la déduction de la TVA acquittée en amont doit, en principe, être accordée si

les exigences de fond sont satisfaites, même si certaines exigences formelles n’ont pas été

respectées par l’assujetti. Le principe de neutralité fiscale s’oppose, en effet, à une sanction

consistant à refuser le droit à remboursement ou à déduction (point 55). Ce droit n’est pas exclu

par le seul fait d’avoir désigné un représentant fiscal identifié à la TVA dans ce dernier État

(point 57 et dispositif).

Arrêt du 13 mars 2014, Malburg (C-204/13, EU:C:2014:147)

Dans cette affaire, l’intéressé détenait 60 % des parts d’une société civile de droit allemand, les

deux autres associés en détenant chacun 20 %. Cette société a été dissoute le 31 décembre

1994, chaque associé ayant repris une partie de la clientèle. Le 31 décembre 1994, l’intéressé

avait constitué une nouvelle société civile dont il détenait 95 % des parts et à la disposition de

laquelle il avait mis gratuitement la clientèle qu’il avait acquise à la suite de la dissolution de

l’ancienne société, afin que la nouvelle société l’exploite à titre professionnel. L’ancienne société

ayant été dissoute par voie de partage réel, l’administration fiscale avait adressé, en 2003, un

avis de taxation relatif au chiffre d’affaires au titre de l’année 1994 à l’ancienne société en raison

de la cession de la clientèle. Après avoir réglé les taxes dues, l’intéressé avait émis une facture,

au titre du partage de 1994, en mentionnant distinctement la TVA. Dans ses déclarations de TVA

pour l’année 2004, l’intéressé avait également déduit les montants de TVA qui lui avaient été

facturés au titre de l’acquisition de la clientèle et déclaré des opérations résultant des activités

de gestion de la nouvelle société. L’actif économique constitué par la clientèle ayant été utilisé

par la nouvelle société, c’est-à-dire une entreprise distincte de celle de l’intéressé,

l’administration fiscale avait considéré que ce dernier ne bénéficiait d’aucun droit à déduction de

la TVA payée en amont.

Le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne) a notamment fait valoir que les

principes établis par la Cour dans son arrêt Kopalnia Odkrywkowa Polski Trawertyn

P. Granatowicz, M. Wąsiewicz8, au sujet de la récupération de la taxe payée en amont pour des

opérations effectuées en vue d’une activité économique future à exercer par une société en

nom collectif dont les futurs associés ont payé la taxe en amont, n’étaient pas applicables à

l’espèce dès lors qu’elle concernait non pas la déduction de la TVA payée en amont par une

société en nom collectif, mais la déduction de la TVA payée en amont par un associé fondateur.

Le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) a alors saisi la Cour d’une question préjudicielle

à ce sujet.

La Cour a tout d’abord examiné les dispositions de la directive 77/388 définissant l’assujetti et le

droit à déduction au regard du principe de neutralité de la TVA pour établir si l’intéressé, sans

pour autant que la clientèle en question entre dans le patrimoine de la société nouvellement

constituée, était en droit de déduire la TVA payée en amont sur l’acquisition de ladite clientèle. À

cet égard, la Cour a relevé que les constatations de la Cour dans l’affaire Kopalnia Odkrywkowa

8 Arrêt du 1er mars 2012, Kopalnia Odkrywkowa Polski Trawertyn P. Granatowicz, M. Wąsiewicz (C-280/10, EU:C:2012:107). Cet arrêt a été

présenté précédemment, dans la présente partie de la fiche.

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 7

Polski Trawertyn P. Granatowicz, M. Wąsiewicz (C-280/10)9 n’étaient pas applicables par analogie

à la situation en cause au principal, les faits à l’origine des deux litiges se distinguant

substantiellement.

Ainsi, la Cour a non seulement observé que la mise à disposition gratuite de la clientèle à la

nouvelle société ne pouvait pas être considérée comme constituant une « activité économique »

au sens de la directive 77/388, mais également qu’aucun lien direct et immédiat entre une

opération particulière en amont et une opération en aval ouvrant droit à déduction,

conformément à l’article 17, paragraphe 2, sous a), de ladite directive n’existait (points 32 à 37).

Concernant le principe de neutralité fiscale, la Cour a rappelé que celui-ci se reflète dans le

régime des déductions, régime qui vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la

TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun

de la TVA garantit, par conséquent, la parfaite neutralité quant à la charge fiscale de toutes les

activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités, à condition que

lesdites activités soient elles-mêmes soumises à la TVA. Or, une mise à disposition gratuite d’une

clientèle à une société ne constituant pas une opération relevant du champ d’application de la

TVA, le principe de neutralité fiscale ne s’applique pas à une telle situation (points 40 à 42).

Arrêt du 17 juillet 2014, Equoland (C-272/13, EU:C:2014:2091)

Au cours du mois de juin 2006, la société Equoland avait importé en Italie un lot de

marchandises en provenance d’un État tiers. Il était indiqué sur la déclaration douanière que ces

marchandises étaient destinées à l’entrepôt fiscal aux fins de la TVA. Le gestionnaire de

l’entrepôt avait, le lendemain, inscrit celles-ci au registre des entrées en stock, alors même que

les marchandises n’avaient pas été physiquement déposées à l’entrepôt, celles-ci n’y ayant été

introduites que de manière virtuelle, par leur inscription audit registre. Les marchandises

avaient été immédiatement retirées du régime de l’entrepôt fiscal et la TVA avait été acquittée

au moyen de l’autoliquidation, à laquelle Equoland avait procédé. L’administration des douanes

italienne, du fait de l’absence d’introduction physique des marchandises en question dans

l’entrepôt, avait considéré que les conditions nécessaires au report du versement de la TVA à

l’importation n’avaient pas été respectées. Celle-ci avait considéré, en conséquence, que

l’assujetti ne s’était pas acquitté de la taxe prétendument due au moment de l’importation et

que le paiement par autoliquidation constituait un paiement tardif de la TVA.

À la suite d’un recours, la juridiction de renvoi avait notamment demandé à la Cour si,

conformément au principe de neutralité de la TVA, la directive 77/388 s’opposait à une

réglementation nationale en application de laquelle un État membre exige le paiement de la TVA

à l’importation alors même que celle-ci a déjà été régularisée dans le cadre d’une

autoliquidation, au moyen d’une autofacturation et d’un enregistrement dans le registre des

achats et des ventes de l’assujetti.

À cet égard, la Cour a rappelé que, lorsque, pour exercer les compétences attribuées par

l’article 16, paragraphe 1, de la directive 77/388, les États membres adoptent des mesures, telles

9 Conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire Kopalnia Odkrywkowa Polski Trawertyn P. Granatowicz, M. Wąsiewicz (C‑280/10,

EU:C:2011:592).

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

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que l’obligation d’introduire physiquement la marchandise importée dans l’entrepôt fiscal, ces

États demeurent également compétents, en l’absence de réglementation en matière de

sanctions, pour choisir les sanctions qui leur semblent appropriées (point 32). Ainsi, il est donc

légitime pour un État membre, afin d’assurer l’exacte perception de la TVA à l’importation et

d’éviter la fraude, de prévoir, dans sa législation nationale, des sanctions appropriées visant à

pénaliser le non-respect de l’obligation d’introduire physiquement une marchandise importée

dans l’entrepôt fiscal (point 33).

Cependant, concernant les modalités de détermination du montant de la sanction, la Cour a

considéré que l’exigence pour l’assujetti d’acquitter une nouvelle fois la TVA à l’importation, sans

qu’il soit tenu compte du paiement déjà intervenu, revenait, en substance, à priver cet assujetti

de son droit à déduction. En effet, soumettre une seule et même opération à une double

imposition à la TVA, tout en n’accordant qu’une seule fois la déductibilité de cette taxe, laisse la

TVA restante à la charge de l’assujetti (point 40). Dans ce contexte, la Cour a rappelé que,

compte tenu de la place prépondérante qu’occupe le droit à déduction dans le système

commun de la TVA, une sanction consistant en un refus du droit à déduction n’est pas conforme

à la directive 77/388 dans le cas où aucune fraude ni atteinte au budget de l’État ne seraient

établies (point 41). La Cour a également rappelé que le régime de l’autoliquidation prévu par la

directive 77/388 permet en soi de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale constatées dans

certains types d’opérations (point 42). Cependant, dans la mesure où il n’y a pas de fraude ni de

tentative de fraude, la partie de la sanction consistant à exiger un nouveau paiement de la TVA

déjà acquittée, sans que ce second paiement ouvre un droit à déduction, ne saurait être

considérée comme conforme au principe de neutralité de la TVA (point 43).

Arrêt du 28 juillet 2016, Astone (C-332/15, EU:C:2016:614)

Au cours d’un contrôle fiscal en 2013, la Guardia di Finanza (police fiscale et financière, Italie)

avait constaté que le représentant légal d’une société italienne soumise à la TVA n’avait pas été

en mesure de produire des écritures comptables. Ce même contrôle avait également révélé que

cette société avait émis des factures mais que, n’ayant pas présenté la déclaration de TVA y

afférente, elle avait échappé au paiement de la TVA. Ledit contrôle avait aussi fait apparaître que

l’intéressé n’avait pas respecté l’obligation d’enregistrement des factures émises. Lors de la

procédure pénale, celui-ci avait fait valoir des factures émises par des entreprises tierces à

l’égard de la société, qui avaient été acquittées, TVA comprise, sans pour autant avoir été

enregistrées dans la comptabilité de ladite société.

Dans ce contexte, la juridiction saisie de la procédure pénale en question avait, entre autres,

demandé à la Cour si les dispositions de la directive 2006/112 s’opposaient à des dispositions

nationales qui excluent, y compris sur le plan pénal, qu’il puisse être tenu compte, aux fins de la

déduction de la TVA, de factures payées par le contribuable mais que celui-ci n’avait pas

enregistrées. La juridiction de renvoi avait rappelé, à cet égard, que la réglementation nationale

subordonnait le droit à déduction de la TVA au respect d’obligations formelles tenant

notamment à la présentation des déclarations concernées au moment où l’assujetti fait valoir le

crédit de TVA et à l’inscription des factures concernées au registre prévu. Selon cette juridiction,

l’assujetti n’était pas en droit de déduire la TVA en amont, même payée, dès lors qu’elle n’avait

pas été dûment enregistrée. La juridiction en question avait précisé, à cet égard, qu’en l’absence

de déclaration de TVA, le droit italien prévoyait que l’impôt éludé comprenait la totalité de

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 9

l’impôt dû, sans qu’il soit possible de tenir compte, en ce qui concerne la TVA, de celle payée aux

fournisseurs si les obligations formelles prévues par la loi n’avaient pas été respectées.

La Cour a d’abord examiné si la directive 2006/112 s’opposait à une réglementation nationale

prévoyant un délai de forclusion de deux ans pour l’exercice du droit à déduction. Mettant en

balance, d’un part, la règle établie par sa jurisprudence selon laquelle le droit à déduction prévu

par directive 2006/112 fait partie intégrante du mécanisme de la TVA et ne peut, en principe,

être limité et, d’autre part, le principe de sécurité juridique excluant un droit à déduction sans

limitation dans le temps, la Cour a rappelé qu’un délai de forclusion dont l’échéance a pour

conséquence de sanctionner le contribuable insuffisamment diligent, qui a omis de réclamer la

déduction de la TVA en amont, en lui faisant perdre le droit à déduction, ne saurait être

considéré comme incompatible avec le régime établi par la directive 2006/112 pour autant,

d’une part, que ce délai s’applique de la même manière aux droits analogues en matière fiscale

fondés sur le droit interne et à ceux fondés sur le droit de l’Union (principe d’équivalence) et,

d’autre part, qu’il ne rend pas en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice du

droit à déduction (principe d’effectivité) (point 34). La Cour a également rappelé que le droit à

déduction a un caractère fondamental dans le système de la TVA, qu’il vise à garantir la parfaite

neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, que ce droit ne peut en

principe pas être limité et qu’il s’exerce immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les

opérations effectuées en amont (point 44)

II. Naissance et étendue du droit à déduction

S’agissant de la naissance et de l’étendue du droit à déduction, la Cour fait, en règle générale,

référence à sa jurisprudence constante en vertu de laquelle l’existence d’un lien direct et

immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval

ouvrant droit à déduction est, en principe, nécessaire pour qu’un droit à déduction de la TVA en

amont soit reconnu à l’assujetti et pour déterminer l’étendue d’un tel droit10. Cependant, la Cour

précise qu’un droit à déduction est également admis en faveur de l’assujetti, même en l’absence

d’un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs

opérations en aval ouvrant droit à déduction, lorsque les coûts des services en cause font partie

des frais généraux de cet assujetti et sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des

biens ou des services qu’il fournit. De tels coûts entretiennent, en effet, un lien direct et

immédiat avec l’ensemble de l’activité économique de l’assujetti11.

Arrêt du 16 février 2012, Varzim Sol (C-25/11, EU:C:2012:94)

La société en question exploitait un casino sur la base d’un contrat de concession d’exploitation

de jeux de hasard dans la zone permanente de Póvoa de Varzim (Portugal), conclu le

14 décembre 2001. En vertu de ce contrat, la société exerçait à la fois des activités dans le

10 Voir, notamment, arrêts du 8 juin 2000, Midland Bank (C-98/98, EU:C:2000:300, point 24) ; du 22 février 2001, Abbey National (C-408/98,

EU:C:2001:110, point 26), et du 8 février 2007, Investrand, C-435/05 (EU:C:2007:87, point 23). 11 Voir, notamment, les arrêts du 8 juin 2000, Midland Bank (C-98/98, EU:C:2000:300, point 31), et du 26 mai 2005, Kretztechnik (C-465/03,

(EU:C:2005:320, point 36).

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 10

secteur du jeu, exonérées de la TVA, dans les secteurs de la restauration et de l’animation, qui

sont soumises à la TVA, ainsi que dans le secteur administratif et financier, avec déduction

partielle de la TVA. Dans les secteurs soumis à la TVA, la déduction de la TVA acquittée était

effectuée selon la méthode de l’affectation réelle, conformément au Código do Imposto sobre o

Valor Acrescentado (code de la taxe sur la valeur ajoutée). En vertu de la réglementation

applicable et du contrat de concession, la société en question était tenue de verser à l’État

portugais une contrepartie initiale, mais aussi une contrepartie annuelle calculée sur la base des

recettes réalisées dans le secteur du jeu. Elle était autorisée à défalquer de cette contrepartie

annuelle une partie des frais engagés pour la mise en œuvre de ses obligations d’animation et

de promotion touristique. Le montant de cette défalcation dépendait à la fois de celui des frais

engagés et de celui des recettes dégagées par l’activité de jeux. À la suite d’une inspection des

services fiscaux, la société en cause avait fait l’objet d’avis de liquidation supplémentaires, pour

les années 2002 à 2004. Ces corrections étaient fondées sur une contestation de la méthode

employée pour calculer le montant déductible de la TVA acquittée pour les secteurs de la

restauration et de l’animation. L’administration portugaise estimait que, dans la mesure où la

défalcation opérée sur la contrepartie annuelle en compensation des charges relatives à

l’animation et à la promotion constituait une subvention d’exploitation au sens du code de la

TVA, cette subvention n’était pas soumise à la TVA, et que les activités de restauration et

d’animation devaient être traitées comme des activités mixtes. Elle soutenait que la déduction

de la TVA acquittée dans ces secteurs devait être effectuée sur la base d’un prorata permettant

de tenir compte à la fois des activités exonérées et des activités taxées.

Dans le cadre d’un recours porté devant le Supremo Tribunal Administrativo (Cour

administrative suprême, Portugal), la société en question soutenait, entre autre, que

l’argumentation en cause conduisait à une distorsion en matière de déduction de la TVA, cela en

violation de la directive 77/388 telle qu’interprétée par la Cour dans les arrêts

Commission/Espagne12 et Commission/France13, ce qui a amené la juridiction de renvoi à saisir

la Cour d’une demande de décision préjudicielle.

Selon la Cour, est incompatible avec cette directive un système appliqué par un État membre

selon lequel l’État membre, lorsqu’il autorise des assujettis mixtes à opérer la déduction prévue

auxdites dispositions, suivant l’affectation de tout ou partie des biens et services, calcule le

montant déductible, pour des secteurs dans lesquels de tels assujettis n’effectuent que des

opérations taxées, en incluant des « subventions » non taxées dans le dénominateur de la

fraction servant à déterminer le prorata de déduction (point 43 et dispositif).

Après avoir soulevé que, s’agissant des assujettis mixtes, la directive 77/388 prévoit que le droit

à déduction est calculé selon un prorata déterminé conformément à l’article 19 de cette

directive, la Cour a toutefois précisé que l’article 17, paragraphe 5, troisième alinéa, de ladite

directive autorise les États membres à prévoir l’une des autres méthodes de détermination du

droit à déduction énumérées à cet alinéa, à savoir, notamment, l’établissement d’un prorata

distinct pour chaque secteur d’activité ou la déduction suivant l’affectation de tout ou partie des

biens et services à une activité précise (point 38). La Cour a également précisé que selon

l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la directive 77/388, les subventions directement liées au

12 Arrêt du 6 octobre 2005 (C-204/03, EU:C:2005:588). 13 Arrêt du 6 octobre 2005 (C-243/03, EU:C:2005:589).

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 11

prix d’un bien ou d’un service sont taxables au même titre que celui-ci. S’agissant des

subventions autres que celles directement liées au prix, l’article 19, paragraphe 1, de cette

directive donne aux États membres la faculté de les inclure dans le dénominateur du calcul du

prorata applicable lorsqu’un assujetti effectue à la fois des opérations ouvrant droit à déduction

et des opérations exonérées (point 39). Étant donné que l’assujetti en question avait été

autorisé à opérer la déduction selon une méthode autre que celle du prorata déterminé en

vertu de l’article 19 de la directive 77/388, à savoir suivant l’affectation de tout ou partie des

biens et services à une activité précise (point 40), mais que ses activités exercées dans les

secteurs de la restauration et de l’animation étaient soumises à la TVA, le droit à déduction

suivant la méthode de l’affectation réelle porte sur la totalité des taxes ayant grevé les

opérations effectuées en amont (point 41). En effet, dès lors que l’assujetti avait été autorisé à

opérer la déduction suivant la méthode de l’affectation réelle, les dispositions de l’article 19 de la

directive 77/388 n’étaient pas applicables et ne pouvaient limiter le droit à déduction dans

lesdits secteurs tel qu’il résulte de cette directive (point 42).

S’agissant, enfin, de la nature du « lien direct et immédiat » qui doit exister entre une opération

en amont et une opération en aval, la Cour a considéré qu’il ne serait pas réaliste d’essayer de

développer une formulation plus précise à cet égard. En effet, compte tenu de la diversité des

transactions commerciales et professionnelles, il serait impossible de donner une réponse plus

appropriée quant à la manière de déterminer, dans tous les cas, la relation qui doit exister entre

les opérations en amont et celles effectuées en aval pour que la TVA en amont soit déductible.

Arrêt du 22 mars 2012, Klub (C-153/11, EU:C:2012:163)

Cette affaire concerne, comme indiqué dans la partie I de la présente fiche, intitulée « Principe

de neutralité », le refus du bénéfice du droit à déduction de la TVA grevant l’acquisition d’un

appartement (point 2).

À cet égard, la Cour a prononcé qu’un assujetti agit en tant que tel lorsqu’il agit pour les besoins

de son activité économique au sens de l’article 9, paragraphe 1, second alinéa, de la

directive 2006/112 (point 40). Si tel est le cas, la TVA afférente au bien affecté entièrement au

patrimoine de son entreprise peut être déduite intégralement et immédiatement quand bien

même ce bien ne serait pas utilisé immédiatement pour les besoins de l’activité économique

(point 45). Une fois acquis, le droit à déduction reste en l’absence de circonstances frauduleuses

ou abusives. Dès lors, le droit à déduction s’impose lorsque l’assujetti n’a pas pu utiliser les biens

ou services ayant donné lieu à déduction dans le cadre d’opérations taxables en raison de

circonstances étrangères à sa volonté, le risque de fraude ou d’abus pouvant justifier un

remboursement ultérieur des sommes déduites n’existant pas dans un tel cas de figure

(point 47).

Ainsi, la Cour a dit pour droit qu’un assujetti qui a acquis un bien d’investissement en agissant

en tant que tel et l’a affecté au patrimoine de l’entreprise est en droit de déduire la TVA grevant

l’acquisition de ce bien au cours de la période fiscale durant laquelle la taxe est devenue

exigible, indépendamment du fait que ledit bien n’est pas immédiatement utilisé à des fins

professionnelles (point 52).

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

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Arrêt du 21 juin 2012, Mahagében et Dávid (C-80/11 et C-142/11, EU:C:2012:373)

Dans la première affaire jointe, le livreur avait, dans le cadre d’un contrat conclu entre deux

sociétés hongroises portant sur la livraison de grumes d’acacia à l’état brut, établi seize factures

au nom de l’acquéreur. Six des factures étaient accompagnées de bons de livraison. Ayant fait

état de l’ensemble des seize factures dans sa déclaration fiscale, le livreur affirmait que les

livraisons en question avaient eu lieu. La TVA y afférant avait été payée par ce livreur et les

montants correspondant avaient été portés en déduction par l’acquéreur. Cependant, lors d’un

contrôle des achats et des livraisons effectués par le livreur, l’administration fiscale est parvenue

à la conclusion que celle-ci ne disposait pas de stocks et que la quantité achetée au cours de

l’année en question dans cette affaire n’était pas suffisante pour effectuer les livraisons

facturées à l’acquéreur. Par conséquent, l’administration fiscale a, par décision, constaté

l’existence d’une dette fiscale de l’acquéreur et lui a infligé une amende, assortie d’une pénalité

de retard, en considérant que ce dernier n’avait pas droit à déduction de la TVA en amont du fait

que les factures ne pouvaient être considérées comme faisant foi.

L’acquéreur a vu sa réclamation contre ladite décision rejetée par l’administration fiscale, au

motif notamment que le livreur n’a produit aucune pièce justificative des transactions

correspondantes et que l’acquéreur n’aurait pris aucune précaution, telle que prescrite au sens

de l’article 44, paragraphe 5, de l’az általános forgalmi adóról szóló 1992. évi LXXIV. törvény (loi

n° LXXIV de 1992 relative à la taxe sur la valeur ajoutée) (Magyar Közlöny 1992/128), n’ayant pas

vérifié la qualité d’assujetti et les biens du livreur.

Saisi par l’acquéreur d’une requête en annulation de la dette fiscale, de l’amende, et de la

pénalité de retard, le Baranya Megyei Birosag (cour départementale de Baranya, Hongrie) a

cherché à savoir si l’article 167, l’article 168, sous a), l’article 178, sous a), l’article 220, point 1, et

l’article 226 de la directive 2006/112 s’opposent à une pratique nationale en vertu de laquelle

l’autorité fiscale refuse à un assujetti le droit de déduire du montant de la TVA le montant de la

taxe due ou acquittée pour les biens qui lui avait été fournis, au motif que l’émetteur de la

facture afférente à ces services, ou l’un de ses prestataires, avait commis des irrégularités, sans

que cette autorité établisse que l’assujetti concerné avait connaissance dudit comportement

irrégulier ou que ce dernier y a lui-même contribué.

La Cour a rappelé, tout d’abord, que le droit à déduction prévu par la directive, faisant partie

intégrante du mécanisme de la TVA, ne peut, en principe, être limité. La question de savoir si la

TVA due sur les transactions antérieures ou ultérieures portant sur les biens et les services

concernés a, ou non, été versée au Trésor public est sans influence sur le droit de l’assujetti de

déduire la TVA acquittée en amont (communiqué de presse). Toutefois, les États membres

peuvent refuser le bénéfice du droit à déduction s’il est établi, au vu d’éléments objectifs, que ce

droit est invoqué frauduleusement ou abusivement. Tel est le cas notamment lorsque l’assujetti,

auquel les biens ou les services servant de base pour fonder le droit à déduction ont été fournis,

savait ou aurait dû savoir que cette opération était impliquée dans une fraude commise par le

fournisseur ou un autre opérateur en amont. La Cour constate qu’il incombe à l’autorité fiscale

de prouver que l’assujetti était ou aurait dû être au courant de l’existence d’une telle fraude

(communiqué de presse).

Dans la seconde affaire jointe, une personne physique s’était engagée en vertu d’un contrat

d’entreprise, à effectuer différents travaux de construction, notamment en ayant recours à des

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

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sous-traitants (point 24). Après l’exécution du contrat, des contrôles fiscaux avaient révélé que ni

ladite personne physique ni son sous-traitant ou le sous-traitant de ce dernier ne disposaient

d’ouvriers et des moyens matériels nécessaires afin d’accomplir les travaux facturés. Par

conséquent, l’administration fiscale considérait que les factures établies par la personne

physique ne reflétaient pas une opération économique réelle et étaient par conséquent fictives.

La personne en question n’avait pas non plus pris les précautions nécessaires selon la

législation applicable en l’espèce. Dans ces conditions, l’administration fiscale a décidé de

refuser la déduction de la TVA en amont supportée par la personne physique étant donné que

les opérations en question devraient être considérées comme suspectes (point 27) en raison de

factures ne pouvant être considérées comme faisant foi de la réalité de l’opération économique

qu’elles relataient et a ainsi constaté une dette fiscale au titre de la TVA à son encontre, assortie

d’une amende et d’une pénalité de retard (point 29)

Saisi d’une requête aux fins d’annulation de ladite décision par la personne physique, le Jász-

Nagykun-Szolnok Megyei Bíróság (cour départementale de Jász-Nagykun-Szolnok, Hongrie)

cherche à savoir si l’article 167, l’article 168, sous a), et l’article 273 de la directive 2006/112

s’opposent à une pratique nationale en vertu de laquelle l’autorité fiscale refuse à un assujetti le

droit de déduire du montant de la TVA le montant de la taxe due ou acquittée pour les biens qui

lui avaient été livrés, au motif que l’assujetti ne s’est pas assuré de la qualité d’assujetti et du

comportement régulier (communiqué de presse) de l’émetteur des factures afférentes aux

biens au titre desquels l’exercice du droit à déduction est demandé (point 51 de l’arrêt).

La Cour s’est prononcée sur l’obligation de l’assujetti de s’assurer du comportement régulier de

son partenaire commercial. La Cour a jugé que, lorsqu’il existe des indices permettant de

soupçonner l’existence d’irrégularités ou de fraude, un opérateur avisé pourrait se voir obligé,

selon les circonstances de l’espèce, de prendre des renseignements sur un autre opérateur afin

de s’assurer de la fiabilité de celui-ci. Toutefois, l’autorité fiscale ne peut pas exiger de manière

générale que l’assujetti souhaitant exercer son droit à déduction de la TVA vérifie l’absence

d’irrégularités ou de fraude au niveau des opérateurs en amont (communiqué de presse).

En effet, il incombe aux autorités fiscales d’effectuer les contrôles nécessaires auprès des

assujettis pour détecter les irrégularités et les fraudes à la TVA, et de sanctionner l’assujetti qui

les a commises. Par conséquent, ces autorités ne peuvent pas transférer leurs propres tâches

de contrôle sur les assujettis et leur refuser l’exercice du droit à déduction pour manquement

d’exécution de ces tâches (communiqué de presse).

Dans ces circonstances, la Cour a jugé que la directive 2006/112 s’oppose à la pratique de

l’autorité fiscale hongroise qui consiste à refuser à un assujetti la déduction de la TVA acquittée

pour les irrégularités commises par l’émetteur de la facture sur la base de laquelle la déduction

est demandée, et sans preuve que l’assujetti avait ou aurait dû avoir connaissance d’une fraude

commise en amont dans la chaîne de prestations. De même, ladite directive s’oppose à une

pratique nationale en vertu de laquelle l’autorité fiscale refuse le droit à déduction au motif que

l’assujetti, ne disposant pas d’indices permettant de soupçonner l’existence d’irrégularités ou de

fraude, ne s’est pas assuré que son partenaire commercial respectait ses obligations légales,

notamment, en matière de TVA, ou au motif que l’assujetti ne dispose pas, outre la facture,

d’autres documents de nature à démontrer la régularité du comportement de son partenaire

commercial (communiqué de presse).

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 14

Arrêt du 6 septembre 2012, Portugal Telecom (C-496/11, EU:C:2012:557)

Dans cette affaire, une société holding, réglementée au Portugal, fournissait des services

techniques d’administration et de gestion à des sociétés dans lesquelles elle détenait une partie

du capital social. Dans le cadre de ces opérations, cette société avait acquis, sous le régime de la

TVA, certains services auprès de consultants qu’elle avait facturé à ses filiales aux mêmes prix

qu’elle les avait acquis, majorés de la TVA. Lors d’un exercice fiscal, la société holding a déduit

l’intégralité de la TVA prise en charge de la TVA répercutée, considérant que les opérations

taxées relevaient objectivement de l’utilisation des services acquis correspondants.

La société holding s’est vu notifier un avis d’imposition fixant le pourcentage de la TVA acquitté

en amont par l’administration fiscale, considérant, à la suite d’un contrôle, que ladite société ne

pouvait procéder à la déduction intégrale de la TVA ayant grevé les services acquis en amont,

mais qu’elle devait avoir recours à la méthode de déduction au prorata. La société a introduit un

recours en contestation dudit avis devant la juridiction de première instance, le Tribunal

Administrativo e Fiscal de Lisboa (tribunal administratif et fiscal de Lisbonne, Portugal), laquelle

rejeta le recours.

Saisie d’une requête en annulation de la décision de première instance, la juridiction de renvoi,

le Tribunal Central Administrativo Sul (tribunal administratif central de Sul, Portugal), a, dans ce

contexte, demandé à la Cour si l’article 17, paragraphes 2 et 5, de la directive 77/388 doit être

interprété en ce sens qu’une société holding qui, accessoirement à son activité principale de

détention de tout ou partie du capital social des sociétés filiales, acquiert des biens et des

services qu’elle facture ensuite auxdites sociétés, est autorisée à déduire tout le montant de la

TVA payée en amont en application de l’article 17, paragraphe 2, de ladite directive ou peut être

contrainte par l’administration fiscale à déduire uniquement la partie de la TVA proportionnelle

au montant afférent aux opérations taxées, conformément à l’article 17, paragraphe 5, de la

même directive.

Tout d’abord, la Cour a rappelé que, selon sa jurisprudence constante, une société holding dont

l’objet unique est la prise de participations dans d’autres entreprises sans immixtion directe ou

indirecte dans la gestion de ces entreprises, sous réserve des droits que ledit holding détient en

sa qualité d’actionnaire ou d’associé, n’a pas la qualité d’assujetti et n’a pas de droit à déduction.

Or, l’immixtion d’un holding dans la gestion des sociétés dans lesquelles il a pris des

participations constitue une activité économique au sens de la directive 77/388 dans la mesure

où elle implique la mise en œuvre de transactions soumises à la TVA (point 34).

Ensuite, à l’instar de sa jurisprudence établie, la Cour a souligné que le droit à déduction fait

partie intégrante du mécanisme de la TVA et ne peut, en principe, être limité. Il s’exerce

immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont

(point 35). Cependant, ce droit à déduction exige que les opérations effectuées en amont

présentent un lien direct et immédiat avec des opérations en aval ouvrant droit à déduction

(point 36) ou, lorsque les coûts des services en cause font partie des frais généraux de ce

dernier, et que ceux-ci sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des biens ou des

services qu’il fournit (point 37).

À cet égard, la Cour a identifié trois hypothèses, à savoir, premièrement, celle où les services

acquis en amont devraient être considérés comme ayant, dans leur intégralité, un lien direct et

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 15

immédiat avec des opérations économiques en aval ouvrant droit à déduction, deuxièmement,

celle où lesdits services sont utilisés pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à

déduction et des opérations n’ouvrant pas droit à déduction et, troisièmement, celle où les

services sont utilisés à la fois pour des activités économiques et des activités non économiques.

Dans la première hypothèse, l’assujetti concerné a le droit de déduire l’intégralité de la TVA

grevant l’acquisition en amont. Ce droit à déduction ne peut être limité au seul motif que la

réglementation nationale qualifie, en raison de l’objet social desdites sociétés ou de leur activité

générale, les opérations taxées d’accessoires à leur activité principale. Dans la deuxième

hypothèse, la déduction n’est admise que pour la partie de la TVA qui est proportionnelle au

montant afférent aux premières opérations et les États membres sont autorisés à prévoir l’une

des méthodes de détermination du droit à déduction. Dans la troisième hypothèse, la

directive 77/388 n’est pas applicable et les méthodes de déduction et de ventilation sont

définies par les États membres, qui, dans l’exercice de ce pouvoir, doivent tenir compte de la

finalité et de l’économie de la directive 77/388. Ils doivent également à ce titre prévoir un mode

de calcul reflétant objectivement la part d’imputation réelle des dépenses en amont à chacune

de ces deux activités (points 45 à 47). En conclusion, la Cour a jugé que l’étendue du droit pour

la société holding de déduire la TVA en amont devait être établie en fonction de l’hypothèse ou

des hypothèses applicables à l’activité de la société holding concernée.

Arrêt du 21 février 2013, Becker (C-104/12, EU:C:2013:99)

Un entrepreneur individuel et associé majoritaire d’une société à responsabilité limitée de droit

allemand, dont l’objet social consistait à entreprendre à titre onéreux des travaux de

construction soumis à la TVA, a fait l’objet d’une procédure pénale en tant que gérant et associé

principal de cette société. L’entrepreneur et la société étaient liés par une convention

d’intégration fiscale. Ils étaient en conséquence considérés comme un seul assujetti.

L’entrepreneur assumait, en tant qu’entreprise dite « intégrante », les obligations fiscales du

groupe d’entreprises composé de son entreprise individuelle et de la société. À la suite de

soupçons de corruption dans le cadre de l’exécution d’un marché de travaux attribué à la

société, le parquet compétent a ouvert une procédure d’instruction pénale à l’encontre de

l’entrepreneur, durant laquelle l’entrepreneur était représenté par un avocat. Aux termes de

l’accord relatif aux honoraires dudit avocat, l’entrepreneur, en tant qu’inculpé, ainsi que la

société étaient clients du conseil. Les factures d’honoraires d’avocat ont été adressées à la

société. L’entrepreneur, en tant qu’entreprise intégrante de la société, a procédé, au cours de

l’exercice litigieux, à la déduction de la TVA grevant lesdites factures.

L’entrepreneur a fait l’objet d’un avis de redressement émis par le Finanzamt Köln-Nord

(administration fiscale de Cologne-Nord, Allemagne), considérant la TVA en question comme

non déductible. Après le rejet de sa réclamation par le Finanzamt Köln-Nord (administration

fiscale de Cologne-Nord), l’entrepreneur a saisi, aux fins de contestation de l’avis de

redressement, la juridiction de première instance compétente, le Finanzgericht Köln (tribunal

des finances de Cologne, Allemagne), laquelle a fait droit à son recours.

Saisie d’un recours en « Revision », introduit par le Finanzamt Köln-Nord (administration fiscale

de Cologne-Nord), la juridiction de renvoi, le Bundesfinanzhof (Cour fédérale de justice,

Allemagne), éprouve des doutes quant à la détermination de l’existence d’un lien direct entre les

opérations en amont et les opérations en aval, exigée par la jurisprudence de la Cour aux fins

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 16

de l’exercice du droit à déduction, et cherche en effet à savoir si, d’une part, l’existence dudit lien

dépend, au sens de l’article 17, paragraphe 2, sous a), du contenu objectif de la prestation

acquise ou bien de la cause de l’acquisition de cette prestation, et si, d’autre part, dans

l’hypothèse où la cause de l’acquisition de la prestation serait déterminante, un assujetti qui

commande une prestation conjointement à l’un des employés bénéficie d’un droit à déduction

intégral ou seulement proportionnel.

En faisant référence à sa jurisprudence antérieure portant sur l’exigence de l’existence d’un lien

direct et immédiat, la Cour a notamment constaté que l’application dudit critère exige la prise en

considération de toutes les circonstances dans lesquelles se sont déroulées les opérations en

cause et la prise en compte des seules opérations qui sont objectivement liées à l’activité

imposable de l’assujetti (point 22). En effet, l’obligation de ne prendre en compte que le contenu

objectif de l’opération en question est la plus conforme au but poursuivi par le système

commun de la TVA, qui vise à assurer la sécurité juridique et à faciliter les actes inhérents à

l’application de ladite TVA (point 23). C’est également au regard de leur contenu objectif qu’il

convient d’établir s’il existe un lien direct et immédiat entre les biens ou les prestations de

services utilisés et une opération taxable réalisée en aval ou, exceptionnellement, une opération

taxable réalisée en amont (point 24). La Cour a précisé que la circonstance selon laquelle

l’existence du lien direct et immédiat existant entre une prestation de services et l’ensemble de

l’activité économique taxable doit être déterminée au regard du contenu objectif de cette

prestation de services n’exclut pas qu’il puisse également être tenu compte de la cause

exclusive de l’opération en cause, cette dernière devant être considérée comme constituant un

critère de détermination du contenu objectif. Dès lors qu’il est établi qu’une opération n’a pas

été effectuée pour les besoins des activités taxables d’un assujetti, cette opération ne saurait

être considérée comme entretenant un lien direct et immédiat avec ces activités au sens de la

jurisprudence de la Cour, quand bien même cette opération serait, au regard de son contenu

objectif, imposable au titre de la TVA (point 29).

En l’espèce, la Cour a jugé que, au regard de leur contenu objectif, les frais relatifs aux

prestations d’avocats ne sauraient être considérés comme ayant été exposés pour les besoins

de l’ensemble des activités taxables de la société, dans la mesure où, tel qu’il ressort des

informations par la juridiction de renvoi, les prestations de services d’avocat visaient

directement et immédiatement à protéger les intérêts privés de l’inculpé poursuivi pour des

infractions dues à son comportement personnel, et que ces poursuites ont été dirigées

uniquement contre l’inculpé à titre personnel, et non contre la société alors qu’une poursuite à

l’encontre de cette dernière aurait été juridiquement possible (point 30).

La Cour a ajouté que la circonstance que le droit civil national oblige une entreprise, telle que

celle en cause au principal, à supporter les frais liés à la défense, au pénal, des intérêts de ses

organes est dépourvue de pertinence pour l’interprétation et l’application des dispositions

relatives au système commun de TVA. En effet, eu égard au régime objectif de la TVA mis en

place par ce système, seule la relation objective entre les prestations fournies et l’activité

économique taxable de l’assujetti est déterminante (point 32). Partant, les prestations de

services d’avocat, dont l’objectif est d’éviter des sanctions pénales à l’encontre des personnes

physiques, gérants d’une entreprise assujettie, ne donnent pas à cette entreprise le droit de

déduire en tant que taxe en amont la TVA due sur les prestations fournies (point 33).

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 17

Arrêt du 18 juillet 2013, PPG Holdings (C-26/12, EU:C:2013:526)

Dans cette affaire, un assujetti a créé, sur la base d’une législation nationale en matière de

retraite, un fonds de pension sous la forme d’une entité juridiquement et fiscalement distincte,

afin de garantir les droits à la retraite de ses employés actuels et anciens. Une filiale de l’assujetti

a conclu, avec des prestataires de service, des contrats relatifs à l’administration des retraites et

à la gestion du patrimoine du fonds de pension, dont les frais ont été payés par cette dernière,

sans avoir été répercutés sur le fonds de pension. L’assujetti a déduit le montant de la TVA

relatif auxdits frais exposés sur une période déterminée en tant que taxe en amont.

L’assujetti a fait par la suite l’objet d’un redressement de la TVA pour cette même période. Après

l’échec de sa réclamation auprès de l’Inspecteur van de Belastingdienst Noord/Kantoor

Groningen (inspecteur du service des impôts du Nord, bureau de Groningue, Pays-Bas),

l’assujetti a saisi d’une requête en contestation de la décision dudit inspecteur le Rechtbank

Leeuwarden (tribunal de Leuvarde, Pays-Bas), lequel a rejeté cette requête.

Saisi d’un recours en appel à l’encontre de la décision de première instance, le Gerechshof te

Leeuwarden (cour d’appel de Leuvarde, Pays-Bas), juridiction de renvoi, cherche à savoir si

l’article 17 de la directive 77/388 permet à un assujetti, ayant créé un fonds de pension distinct,

de déduire la taxe acquittée par ses soins sur des prestations qui lui ont été fournies pour

assurer le fonctionnement et la gestion dudit fond.

Après avoir rappelé les conditions d’admission d’un droit à déduction de la TVA en amont en

faveur de l’assujetti, telles qu’établies dans sa jurisprudence, la Cour a jugé, s’agissant de la

détermination de l’existence du lien direct et immédiat, que l’existence d’un tel lien présuppose

que le coût des prestations en amont soit incorporé respectivement dans le prix des opérations

particulières en aval ou dans le prix des biens ou des services fournis par l’assujetti dans le

cadre de ses activités économiques (point 23).

Afin de contrôler si, nonobstant la circonstance que le fonds institué par l’assujetti constitue une

entité juridiquement distincte de cette dernière, l’existence dudit lien ressortait de l’ensemble

des circonstances des transactions en cause dans l’affaire au principal, la Cour a tout d’abord

constaté que l’assujetti a acquis les prestations en cause afin d’assurer l’administration des

retraites de ses employés et la gestion du patrimoine du fonds de pension constitué pour

garantir lesdites retraites. En constituant le fonds, l’assujetti a répondu à une obligation légale lui

incombant en tant qu’employeur et, dans la mesure où les coûts des prestations acquises par

l’assujetti dans ce cadre faisaient partie de ses frais généraux, ils étaient, en tant que tels, des

éléments constitutifs du prix des produits de l’assujetti (point 25).

La Cour en a déduit ensuite que l’acquisition des prestations en amont trouve sa cause

exclusive dans les activités taxables de l’assujetti et qu’un lien direct et immédiat existe

(point 26). Dans ce contexte, la Cour a précisé qu’en l’absence d’un droit à déduction de la taxe

payée en amont, l’assujetti serait non seulement privé, en raison du choix législatif de protéger

les retraites par la séparation juridique entre l’employeur et le fonds de pension, de l’avantage

fiscal résultant de l’application du régime de déductions, mais a encore précisé que la neutralité

de la TVA ne serait plus garantie.

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 18

Par conséquent, la Cour a dit pour droit qu’un assujetti ayant créé un fonds de pension sous la

forme d’une entité juridiquement et fiscalement distincte afin de garantir les droits à la retraite

de ses employés et de ses anciens employés, est en droit de déduire la TVA qu’il a acquittée sur

des prestations portant sur la gestion et le fonctionnement dudit fonds, à condition que

l’existence d’un lien direct et immédiat ressorte de l’ensemble des circonstances des

transactions en cause (dispositif).

Arrêt du 6 février 2014, Fatorie (C-424/12, EU:C:2014:50)

Deux assujettis ont conclu un contrat cadre ayant pour objet des travaux de construction et de

montage d’un bâtiment d’élevage porcin et des travaux de modernisation d’une exploitation

porcine. Dans le cadre de ce contrat, le prestataire des services en question a émis plusieurs

factures pour le paiement d’avances, sous ledit régime de l’autoliquidation. Ensuite, le

prestataire a émis une facture, en appliquant les règles habituelles en matière de TVA,

reprenant la valeur totale des travaux effectués, TVA incluse. Le destinataire de services s’est

acquitté de la TVA indiquée auprès du prestataire. Le prestataire a par la suite fait faillite et n’a

pu verser la TVA à l’administration fiscale.

L’administration fiscale a fait droit par décision à une demande de la part du destinataire de

services de remboursement de TVA afférente à cette dernière facture. Dans ce cadre, à la suite

d’un deuxième contrôle fiscal, l’administration fiscale roumaine a constaté que les mesures de

simplification régissant le système de l’autoliquidation n’avaient pas été respectées. Le

destinataire a par conséquent fait l’objet d’un avis d’imposition, assorti d’une majoration de

retard et d’une décision de recouvrement du montant de la TVA afférente à ladite facture. Après

le rejet d’un recours aux fins de l’annulation de la décision de recouvrement et l’avis d’imposition

par le Tribunalul Bihor (tribunal de grande instance de Bihor, Roumanie), comme non fondé, le

rejet du pourvoi comme non fondé aux fins de l’annulation du jugement du Tribunalul Bihor

(tribunal de grande instance de Bihor) et le rejet d’une demande en révision, jugée irrecevable,

le destinataire de services a saisi la Curtea de Appel Oradea (cour d’appel d’Oradea, Roumanie)

d’un pourvoi à l’encontre de ce dernier jugement.

La Curtea de Appel Oradea (cour d’appel d’Oradea), juridiction de renvoi, cherche à savoir si la

directive 2006/112 et le principe de neutralité fiscale s’opposent, dans le cadre d’une opération

soumise au régime de l’autoliquidation, à ce que le bénéficiaire de services se voie privé du droit

à déduction de la TVA qu’il a indûment versée au prestataire de services sur la base d’une

facture établie de manière erronée, y compris lorsque la correction de cette erreur est

impossible en raison de la faillite dudit prestataire.

La Cour a rappelé qu’un assujetti, qui est redevable, en tant que destinataire de services, de la

TVA afférente à ceux-ci, n’est pas obligé de détenir une facture établie selon les conditions

formelles de la directive 2006/112, afin de pouvoir exercer son droit à déduction, et doit

uniquement remplir les formalités établies par l’État membre concerné dans l’exercice de

l’option qui lui est ouverte en vertu à l’article 178, sous f), de la directive 2006/112 (point 33).

L’étendue des formalités ainsi établies par l’État membre concerné et qui doivent être

respectées par l’assujetti pour qu’il puisse exercer le droit à déduction de la TVA ne saurait

dépasser ce qui est strictement nécessaire en vue de contrôler l’application correcte de la

procédure d’autoliquidation et d’assurer la perception de la TVA (point 34).

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 19

La Cour a, en l’espèce, constaté que la facture en question ne comportait pas la mention

« autoliquidation », contrairement aux exigences de la législation nationale en cause, et que le

destinataire des services n’avait pas pris les mesures nécessaires selon ladite législation pour

régulariser cette absence. En outre, le destinataire concerné avait erronément versé la TVA,

mentionnée à tort dans ladite facture, au prestataire alors que, en application dudit régime, elle

aurait dû, en tant que bénéficiaire des services, s’acquitter de la TVA auprès des autorités

fiscales conformément à la directive 2006/112. Ainsi, au-delà du fait que la facture litigieuse ne

répondait pas aux prescriptions formelles prévues par la législation nationale, une condition de

fond du régime de l’autoliquidation n’avait pas été respectée (point 37).

Selon la Cour, cette situation entraîne un risque de pertes de recettes fiscales pour l’État

membre concerné (point 38). Par ailleurs, la TVA acquittée par le destinataire auprès du

prestataire n’étant pas due et ce versement ne respectant pas une exigence de fond du régime

de l’autoliquidation, le destinataire ne saurait se prévaloir d’un droit à déduction de cette TVA

(point 40). Ainsi, la Cour a jugé que la privation du droit à déduction, en l’espèce, n’était pas

contraire au droit de l’Union (dispositif 1).

Arrêt du 27 juin 2018, SGI et Valériane (C-459/17 et C-460/17, EU:C:2018:501)

Dans ces affaires, des sociétés françaises, ayant leur siège à la Réunion (France), ont pour

activité la réalisation d’investissements éligibles à la réduction d’impôt en vertu d’une disposition

nationale. L’administration fiscale française avait remis en cause le droit de ces deux assujettis à

déduction de la TVA figurant sur diverses factures d’acquisition de biens d’équipement, au motif,

entre autres, que ces factures ne correspondaient à aucune livraison effective. Les sociétés ont

fait respectivement l’objet d’un rappel de TVA pour différentes périodes déterminées.

Après un arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux (France) confirmatif du jugement

de première instance, laquelle avait été saisie d’une requête en contestation des rappels de TVA,

les sociétés se sont pourvues en cassation devant le Conseil d’État (France).

Le Conseil d’État, juridiction de renvoi, cherche à savoir si l’article 17 de la directive 77/388 doit

être interprété en ce que, pour refuser à l’assujetti destinataire d’une facture le droit de déduire

la TVA mentionnée sur cette facture, il suffit que l’administration établisse que les opérations

auxquelles cette facture correspond n’ont pas été réalisées effectivement ou s’il faut que cette

administration établisse également l’absence de bonne foi de cet assujetti.

La Cour a d’abord constaté que le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe

déductible devient exigible et que tel est le cas lorsque la livraison du bien ou la prestation de

services est effectuée (point 34). Le droit à déduction est donc lié à la réalisation effective de la

livraison de biens ou de la prestation de services en cause (point 35). À cet égard, l’exercice du

droit à déduction ne s’étend pas à une taxe qui est due exclusivement parce qu’elle est

mentionnée sur une facture (point 37). La bonne ou la mauvaise foi de l’assujetti qui demande la

déduction de la TVA est sans incidence sur la question de savoir si la livraison est effectuée au

sens de la directive 77/388. En effet, la notion de « livraison d’un bien » a un caractère objectif et

doit être interprétée indépendamment des buts et des résultats des opérations concernées,

sans que l’administration fiscale soit obligée de procéder à des enquêtes en vue de déterminer

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 20

l’intention de l’assujetti ou de tenir compte de l’intention d’un opérateur autre que cet assujetti

intervenant dans la même chaîne de livraisons (point 38).

Ainsi, la Cour a dit pour droit que pour refuser à l’assujetti destinataire d’une facture le droit de

déduire la TVA mentionnée sur cette facture, il suffit que l’administration établisse que les

opérations auxquelles cette facture correspond n’ont pas été réalisées effectivement (dispositif).

Arrêt du 5 juillet 2018, Marle Participations (C-320/17, EU:C:2018:537)

Une société holding, dont l’objet social consistait en la gestion de participations dans plusieurs

filiales du groupe, auxquelles elle louait un immeuble, a procédé à des cessions, et à des

acquisitions de titres, dans le cadre d’une opération de restructuration. La TVA ayant grevé les

frais afférents à ces opérations de restructuration a été intégralement déduite. Cette déduction

a été remise en cause par l’administration fiscale au motif que les dépenses au titre desquelles

la société demandait la déduction de la TVA étaient engendrées par des opérations en capital

situées hors du champ d’application du droit à déduction. La société a donc fait l’objet d’un

rappel de TVA, qu’elle contesta sans succès devant les juridictions de première instance et en

appel.

Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’État (France), juridiction de renvoi, cherche à savoir si la location

d’un immeuble par une société holding à sa filiale constitue une immixtion dans la gestion de

cette dernière, qui doit être considérée comme une activité économique, au sens de la

directive 77/388, ouvrant droit à déduction de la TVA sur les dépenses supportées par la société

en vue de l’acquisition de participations dans cette filiale et, dans l’affirmative, à quelles

conditions.

La Cour a rappelé tout d’abord que, s’agissant du droit à déduction d’une société holding,

lorsque la participation est accompagnée d’une immixtion directe ou indirecte dans la gestion

des sociétés où s’est opérée la prise de participations constitue une activité économique au

sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive de la TVA, dans la mesure où elle implique la

mise en œuvre de transactions soumise à la TVA en vertu de l’article 2 de cette directive

(points 29 et 30). Elle a également signalé que les exemples d’activités traduisant une immixtion

de la société holding dans la gestion de ses filiales, qui figurent dans sa jurisprudence, ne

constituent pas une énumération exhaustive (point 31)

Après avoir constaté que les seuls services que la société holding avait en l’espèce fournis aux

filiales pour lesquelles elle a engagé des dépenses en vue de l’acquisition de leurs titres

portaient sur la location d’un immeuble, utilisé par une filiale opérationnelle en tant que

nouveau site de production, et après avoir rappelé la marge de manœuvre laissée aux États

membres quant à la taxation des opérations d’affermage et de location (point 33), la Cour a jugé

que la location d’un immeuble par une société holding à sa filiale constitue une immixtion dans

la gestion de cette dernière, qui doit être considérée comme une activité économique ouvrant

droit à déduction de la TVA sur les dépenses supportées par la société en vue de l’acquisition de

titres de cette filiale, à condition que cette prestation de services présente un caractère

permanent, qu’elle soit effectuée à titre onéreux et qu’elle soit taxée, ce qui implique que cette

location ne soit pas exonérée, et qu’il existe un lien direct entre le service rendu par le

prestataire et la contre-valeur reçue du bénéficiaire (point 35).

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 21

Concernant plus particulièrement l’étendue du droit à déduction, la Cour a rappelé que les frais

liés à l’acquisition de participations dans ses filiales supportées par une société holding qui

participe à leur gestion et qui, à ce titre, exerce une activité économique doivent être considérés

comme faisant partie de ses frais généraux et la TVA acquittée sur ces frais doit, en principe,

être déduite intégralement (point 36). Toutefois, ce droit illimité ne vaut pas pour les frais liés à

l’acquisition de participations dans ses filiales supportées par une société holding qui ne

participe à la gestion que de certaines d’entre elles et qui, à l’égard des autres, n’exerce, en

revanche, pas d’activité économique. Dans ce cas, ces frais doivent être considérés comme

faisant partie seulement partiellement de ses frais généraux, de telle sorte que la TVA acquittée

sur ces frais ne peut être déduite qu’en proportion de ceux qui sont inhérents à l’activité

économique, selon des critères de ventilation définis par les États membres suivant une

méthode reflétant objectivement la part d’imputation réelle des dépenses en amont à l’activité

économique et à l’activité non économique (point 37).

Arrêt du 17 octobre 2018, Ryanair (C-249/17, EU:C:2018:834)

Dans cette affaire, la première société avait lancé une offre publique d’achat (OPA) sur la totalité

des actions de l’autre société, exposant à cette occasion des dépenses afférentes aux

prestations de services de conseil et autres services en lien avec l’acquisition envisagée.

Toutefois, cette opération n’ayant pu être pleinement réalisée, de telle sorte que la première

société n’avait pu acquérir qu’une partie du capital social de la seconde société, cette première

société avait demandé la déduction de la TVA acquittée en amont relative à ces dépenses en

faisant valoir que son intention, après avoir pris le contrôle de la société cible, était de

s’immiscer dans la gestion de cette dernière en lui fournissant des prestations de services de

gestion soumises à la TVA. L’administration fiscale compétente ayant refusé la déduction de la

TVA en question, et la société demandant la déduction ayant formé un recours à l’encontre de

ce refus, la question de savoir si la directive 77/388 permet la déduction lorsqu’il y a une

intention d’acquérir la totalité des actions d’une société en vue d’exercer une activité

économique consistant à fournir à cette dernière des prestations de services de gestion

soumises à la TVA a été soulevé devant la Cour par la juridiction nationale saisie de l’affaire.

La Cour, commençant par examiner les conditions pour l’obtention de qualité d’assujetti, a fait

référence aux constatations notamment dans l’affaire Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt,

(C-108/14 et C-109/14)14, en insistant sur l’exigence d’immixtion directe ou indirecte dans la

gestion de la société où s’est opérée la prise de participation pour le droit à déduction de la TVA

(points 16 et 17). Ensuite, la Cour a rappelé que les activités préparatoires doivent déjà être

imputées aux activités économiques et que, dès lors, toute personne qui a l’intention, confirmée

par des éléments objectifs, de commencer de façon indépendante une activité économique et

qui effectue les premières dépenses d’investissement à ces fins, doit être considérée comme un

assujetti (point 18). La Cour en a conclu qu’une société qui accomplit des actes préparatoires

s’inscrivant dans le cadre d’un projet d’acquisition d’actions d’une autre société, dans l’intention

d’exercer une activité économique consistant à s’immiscer dans la gestion de cette dernière en

lui fournissant des prestations de services de gestion soumises à la TVA, doit être considérée

comme assujetti, au sens de la directive 77/388.

14 Cette affaire a donné lieu à arrêt du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt (C-108/14 et C-109/14, EU:C:2015:496).

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 22

La Cour a ajouté que, en vertu de l’arrêt INZO15, le droit à déduction, une fois né, reste acquis

même si, ultérieurement, l’activité économique envisagée n’a pas été réalisée et, partant, n’a pas

donné lieu à des opérations taxées. En vertu des arrêts Midland Bank16 et Ghent Coal Terminal

(C-37/95, EU:C:1998:1)17, il en va ainsi également lorsque l’assujetti n’a pas pu utiliser les biens

ou les services ayant donné lieu à déduction dans le cadre d’opérations taxables en raison de

circonstances étrangères à sa volonté (point 25).

En outre, la TVA acquittée ne peut être déduite dans son intégralité que dans l’hypothèse où les

dépenses exposées aient, en principe, leur cause exclusive dans l’activité économique

envisagée, à savoir la fourniture à la société cible des prestations de services de gestion

soumises à la TVA. Dans l’hypothèse où ces dépenses se rapporteraient pour partie également à

une activité exonérée ou non économique, la TVA acquittée sur ces dépenses ne pourrait être

déduite que partiellement (point 30).

En conclusion, la Cour a dit pour droit que la directive 77/388 confère à une société, qui a

l’intention d’acquérir la totalité des actions d’une autre société, en vue d’exercer une activité

économique consistant à fournir à cette dernière des prestations de services de gestion

soumises à la TVA, le droit de déduire, dans son intégralité, la TVA acquittée en amont afférente

aux dépenses relatives à des prestations de services de conseil exposées dans le cadre d’une

OPA, même s’il s’est avéré que cette activité économique n’a pas été réalisée, pour autant que

ces dépenses ont leur cause exclusive dans l’activité économique envisagée (dispositif).

Arrêt du 18 octobre 2018, Volkswagen Financial Services (UK) (C-153/17, EU:C:2018:845)

Dans cette affaire, une société financière proposait des financements uniquement destinés à

l’acquisition de véhicules automobiles des marques du groupe d’entreprises auquel ladite

société appartenait. Ainsi, elle offrait notamment la location-vente des véhicules en question. Ce

qui implique qu’elle achetait le véhicule au distributeur et le mettait à la disposition du client,

sans que la propriété du véhicule n’ait été transférée au client tant que tous les paiements dus

au terme du contrat n’avaient pas été effectués. Le prix payé à la société financière au titre de

l’acquisition du véhicule ne donnait nullement lieu à une marge bénéficiaire. Par contre, dans le

cadre de la fixation du taux d’intérêt relatif à la partie « financement » de l’opération, la société

ajoutait à ses propres frais de financement une marge pour les frais généraux, une marge

bénéficiaire et une provision pour créances douteuses. Pour cette raison, la part des

remboursements correspondant aux intérêts était incluse dans le chiffre d’affaires,

contrairement à la part correspondant au remboursement du prix d’achat du véhicule.

En vertu du droit national en matière de TVA applicable aux opérations de location-vente, les

contrats de location-vente, tout en constituant une seule opération commerciale, comprenaient

plusieurs prestations distinctes, y compris, d’une part, la mise à disposition d’un véhicule

(opération imposable), et, d’autre part, l’octroi d’un crédit (opération exonérée). En ce qui

concerne la TVA acquittée en amont par la société financière sur l’ensemble de ses activités, une

partie de celle-ci portait exclusivement soit sur des opérations imposables, soit sur des

15 Arrêt du 29 février 1996 (C-110/94, EU:C:1996:67). 16 Arrêt du 8 juin 2000 (C-98/98, EU:C:2000:300). 17 Arrêt du 15 janvier 1998 (C-37/95, EU:C:1998:1).

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 23

opérations exonérées, et l’autre partie portait sur des opérations relevant des deux types. Cette

dernière TVA était qualifiée de « résiduelle » et comportait des frais généraux afférents à

l’administration journalière.

Eu égard au statut de la société d’opérateur partiellement exonéré, les parties s’opposaient

quant à la question de savoir dans quelle mesure la société pouvait déduire la TVA résiduelle

mentionnée. En effet, la société en question proposait de ventiler la TVA résiduelle entre ses

secteurs d’activité notamment en fonction du chiffre d’affaires de chaque secteur, en excluant

de celui-ci la valeur des véhicules revendus. Ensuite, pour quantifier la TVA résiduelle déductible

afférente à chaque secteur, elle proposait une méthode particulière, basée sur le rapport entre

le nombre d’opérations imposables et le nombre total des opérations dans ledit secteur, ce

nombre ne correspondant pas aux contrats, mais aux paiements effectués en vertu de ces

contrats. En revanche, l’administration fiscale militait en faveur d’une ventilation entre les

opérations imposables et les opérations exonérées selon la valeur de ces opérations, à

l’exclusion de la valeur initiale du véhicule lors de sa livraison, diminuant ainsi sensiblement la

partie déductible de la TVA résiduelle étant donné que cette valeur était largement imputable à

l’octroi du financement (prestation exonérée).

Saisie d’un renvoi préjudiciel émanant de ce différend, la Cour a examiné si l’article 168 et

l’article 173, paragraphe 2, sous c), de la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens

que, d’une part, même lorsque les frais généraux afférents à des prestations de location-vente

de biens meubles sont répercutés non pas dans le montant dû par le client au titre de la mise à

disposition du bien concerné, soit la partie imposable de l’opération, mais dans le montant de

l’intérêt dû au titre de la partie « financement » de l’opération, soit la partie exonérée de celle-ci,

ces frais généraux doivent néanmoins être considérés, aux fins de la TVA, comme un élément

constitutif du prix de cette mise à disposition et, d’autre part, les États membres peuvent

appliquer une méthode de ventilation qui ne tient pas compte de la valeur initiale du bien

concerné lors de la livraison de celui-ci (point 27).

Après avoir souligné l’exigence d’un lien direct et immédiat entre une opération particulière en

amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, la Cour a toutefois

relevé qu’un droit à déduction est également admis même en l’absence d’un tel lien direct et

immédiat lorsque les coûts des services en cause font partie des frais généraux de ce dernier et

sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des biens ou des services qu’il fournit

(point 42). À cet égard, la Cour a constaté que l’assujetti avait décidé d’incorporer ces frais non

pas dans le prix des opérations imposables, mais uniquement dans le prix des opérations

exonérées. Cependant, dans la mesure où ces frais généraux ont été effectivement exposés, à

tout le moins dans une certaine mesure, en vue de la mise à disposition de véhicules, qui sont

des opérations taxées, lesdits frais font partie, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix

de ces opérations selon la Cour (point 44).

La Cour, ayant rappelé que l’étendue du droit à déduction de la TVA varie selon l’usage auquel

les biens et les services en cause sont destinés (point 46), a précisé que des frais généraux qui

concernent des biens et des services utilisés pour effectuer à la fois des opérations ouvrant

droit à déduction et des opérations n’ouvrant pas droit à déduction, exigent qu’un prorata de

déduction soit établi, conformément aux dispositions pertinentes de la directive 2006/112. À cet

égard, la règle générale proposant le chiffre d’affaires comme base pour le calcul dudit prorata

étant susceptible de faire l’objet d’exceptions permettant l’utilisation d’une méthode ou une clé

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 24

de répartition autre que celle basée sur le chiffre d’affaires (point 51), la Cour a souligné que

cette possibilité exige une détermination du prorata encore plus précise, même si elle ne doit

pas nécessairement être la plus précise possible (point 53). Dans ce cadre, la Cour a énoncé

que, eu égard au caractère fondamental du droit à la déduction, lorsque les modalités de calcul

de la déduction ne tiennent pas compte d’une affectation réelle et non négligeable d’une partie

des frais généraux à des opérations ouvrant droit à déduction, de telles modalités ne sauraient

être regardées comme reflétant objectivement la part réelle des dépenses occasionnées par

l’acquisition de biens et de services à usage mixte qui peut être imputée à ces opérations. Par

conséquent, de telles modalités ne sont pas de nature à garantir une ventilation plus précise

que celle qui découlerait de l’application de la clé de répartition selon le chiffre d’affaires

(point 57).

La Cour en a conclu que, même lorsque les frais généraux afférents à des opérations de

location-vente de biens meubles sont répercutés non pas dans le montant dû par le client au

titre de la mise à disposition du bien concerné, soit la partie imposable de l’opération, mais dans

le montant de l’intérêt dû au titre de la partie « financement » de l’opération, soit la partie

exonérée de celle-ci, ces frais généraux doivent néanmoins être considérés, aux fins de la TVA,

comme un élément constitutif du prix de cette mise à disposition et, d’autre part, les États

membres ne peuvent pas appliquer une méthode de ventilation qui ne tient pas compte de la

valeur initiale du bien concerné lors de sa livraison, dès lors que cette méthode n’est pas de

nature à garantir une ventilation plus précise que celle qui découlerait de l’application de la clé

de répartition selon le chiffre d’affaires (dispositif).

1. Lien direct et immédiat

Arrêt du 30 mai 2013, X (C-651/11, EU:C:2013:346)

La société X détenait 30 % des parts de la société A et exerçait des activités de direction de A

moyennant une rémunération. En 1996, X et les autres actionnaires avaient vendu leur

participation à la société D et il avait été mis fin aux activités de direction de cette dernière

société en faveur de A. En rapport avec cette vente de participation, plusieurs services avaient

été fournis à X avec mention de la TVA sur les factures. X avait déduit cette taxe dans ses

déclarations de TVA, en considérant que la cession de sa participation constituait une

transmission d’une universalité de biens et de services et que les frais exposés par elle dans le

cadre de cette transaction devaient être considérés comme faisant partie des frais généraux liés

à l’ensemble de son activité économique et qu’ils étaient, par conséquent, entièrement

déductibles.

La juridiction de renvoi avait demandé à la Cour, en substance, si la cession de 30 % des actions

d’une société, pour laquelle le cédant fournit des services soumis à la TVA, constitue une

transmission d’une universalité totale ou partielle de biens ou de services au sens de la

directive 77/388. Dans la négative, ladite juridiction souhaitait savoir si le fait que les autres

actionnaires transfèrent pratiquement en même temps à la même personne le reste des

actions de cette société et que ce transfert soit en étroite corrélation avec les activités de

direction effectuées pour la même société a une incidence quelconque.

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 25

Tout d’abord, la Cour a expliqué que les simples acquisition, détention et vente de parts sociales

ne constituent pas, en elles-mêmes, une activité économique au sens de la directive 77/388, dès

lors que la simple prise de participations financières dans d’autres entreprises ne constitue pas

une exploitation d’un bien visant à produire des recettes ayant un caractère de permanence

(point 36). Par conséquent, la transmission des actions d’une société ne peut, indépendamment

de l’importance de la participation, être assimilée à la transmission d’une universalité totale ou

partielle de biens que si la participation fait partie d’une unité indépendante qui permet

l’exercice d’une activité économique indépendante et que cette activité est poursuivie par

l’acquéreur. Or, une simple cession d’actions qui n’est pas accompagnée de la transmission

d’actifs ne permet pas au cessionnaire de poursuivre une activité économique indépendante en

tant qu’ayant droit du cédant (point 38). À cet égard, les actionnaires ne sont pas propriétaires

des actifs de l’entreprise dans laquelle ils détiennent leur participation, mais sont propriétaires

de la participation et ont, à ce titre, un droit au dividende, ainsi qu’à la communication

d’informations, et sont impliqués dans l’adoption des décisions importantes pour la gestion de

l’entreprise. Ainsi, la Cour a jugé qu’une participation de 30 % dans une société ne représente

un droit sur cette société que dans une mesure limitée (point 39), et que le transfert de 30 %

des actions d’une société ne peut pas être assimilé à la transmission d’une universalité totale ou

partielle de biens au sens de la directive 77/388 (point 40). La Cour a aussi constaté que chaque

opération doit être appréciée de manière individuelle et indépendante (point 47).

Ensuite, la Cour a rappelé que le droit à déduction existe dans le cas où les opérations

effectuées en amont se trouvent en lien direct et immédiat avec des opérations en aval ouvrant

droit à déduction. Si tel n’est pas le cas, il y a lieu d’examiner si les dépenses effectuées pour

acquérir des biens ou des services en amont font partie des frais généraux liés à l’ensemble de

l’activité économique de l’assujetti. Dans l’un ou l’autre cas, l’existence d’un lien direct et

immédiat présuppose que le coût des prestations en amont est incorporé respectivement dans

le prix des opérations particulières en aval ou dans le prix des biens ou des services fournis par

l’assujetti dans le cadre de ses activités économiques (point 55).

La Cour en a conclu que la cession de 30 % des actions d’une société, pour laquelle le cédant

fournit des services soumis à la TVA, ne constitue pas la transmission d’une universalité totale

ou partielle de biens ou de services au sens de la directive 77/388, indépendamment du fait que

les autres actionnaires transfèrent pratiquement en même temps à la même personne le reste

des actions de cette société et que ce transfert soit en étroite corrélation avec les activités de

direction effectuées pour la même société (dispositif).

Arrêt du 8 novembre 2018, C&D Foods Acquisition (C-502/17, EU:C:2018:888)

C&D Foods était la société mère d’Arovit Holding A/S, qui détenait Arovit Petfood. Avant le

1er mars 2007, l’activité principale de C&D Foods était d’être la société mère d’Arovit Holding. À

cette date, elle a conclu une convention de gestion avec sa sous-filiale Arovit Petfood, portant

sur la fourniture de prestations de services sous forme de services de gestion et informatiques.

Un établissement de crédit a repris le groupe Arovit en août 2008 pour le montant d’un euro du

fait de la défaillance de l’ancien propriétaire de ce groupe dans le remboursement d’un prêt qui

lui avait été consenti. Ledit établissement avait conclu, au cours de la période allant du mois de

décembre 2008 au mois de mars 2009, des conventions de conseil pour le compte de C&D

Foods afin de préparer la cession de toutes les actions détenues dans Arovit Petfood, dans le

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 26

but de ne plus être créancier de ce groupe. Ayant acquitté des frais afférents à ce projet de

cession, C&D Foods avait déduit la TVA y afférente. Faute d’acquéreur potentiel, il avait été mis

fin au processus de cession en 2009.

La juridiction de renvoi avait interrogé la Cour sur le droit d’une société holding de déduire la

TVA grevant les frais relatifs à une cession, envisagée mais non réalisée, d’actions d’une sous-

filiale à laquelle cette société holding fournit des prestations de services de gestion et

informatiques.

La Cour a relevé, premièrement, qu’une société dont l’objet unique est la prise de participations

dans d’autres sociétés sans que celle-ci s’immisce directement ou indirectement dans la gestion

de ces sociétés n’a ni de droit à déduction ni la qualité d’assujetti à la TVA, puisque les simples

acquisition et détention d’actions ne constituent pas, en elles-mêmes, une activité économique

au sens de la directive 2006/112 (point 30). Toutefois, il en va différemment lorsqu’une

participation financière dans une autre société est accompagnée d’une immixtion directe ou

indirecte dans la gestion de la société où s’est opérée la prise de participation, sans préjudice

des droits que détient l’auteur de la participation en sa qualité d’actionnaire ou d’associé, dans

la mesure où une telle immixtion implique la mise en œuvre de transactions soumises à la TVA,

telles que la fourniture de services administratifs, comptables et informatiques (point 32).

La Cour a jugé, deuxièmement, que pour qu’une opération de cession d’actions puisse relever

du champ d’application de la TVA, il faut que cette opération, en principe, ait sa cause exclusive

directe dans l’activité économique taxable de la société mère en question ou qu’elle constitue le

prolongement direct, permanent et nécessaire de cette activité. Tel est le cas lorsque ladite

opération est effectuée en vue d’affecter le produit de cette cession directement à l’activité

économique taxable de la société mère en question ou à l’activité économique exercée par le

groupe dont elle est la société mère (point 38). Ainsi, la Cour a conclu qu’une opération de

cession d’actions envisagée, mais non réalisée, telle que celle en l’espèce, qui ne trouve pas sa

cause exclusive directe dans l’activité économique taxable de la société concernée ou qui ne

constitue pas le prolongement direct, permanent et nécessaire de cette activité économique ne

relève pas du champ d’application de la TVA (point 42 et dispositif).

Arrêt du 22 octobre 2015, Sveda (C-126/14, EU:C:2015:712)

En l’espèce, une personne morale à but lucratif s’était engagée à réaliser un parcours récréatif,

dans le cadre d’une activité économique liée au tourisme rural et récréatif, ainsi qu’à offrir au

public un accès gratuit à celui-ci pendant une période de cinq ans. Elle avait déduit la TVA

relative à l’acquisition ou à la production de certains biens d’investissement dans le cadre des

travaux de réalisation du parcours récréatif concerné. L’administration fiscale, saisie d’une

demande émanant de la personne morale tendant au remboursement des montants de TVA

concernés avait toutefois estimé qu’un tel remboursement n’était pas justifié, dès lors qu’il

n’était pas établi que les biens et les services acquis étaient destinés à être utilisés pour les

besoins d’une activité soumise à la TVA. Sur ce fondement, l’administration fiscale avait refusé la

déduction de ces montants.

Dans ce contexte, la juridiction de renvoi s’est interrogée sur l’existence d’un lien direct et

immédiat entre les dépenses liées aux travaux réalisés et les activités économiques envisagées

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 27

par la personne concernée, au motif que le parcours récréatif était directement destiné à être

utilisé gratuitement par le public.

La Cour a d’abord rappelé que dans la mesure où l’assujetti, agissant en tant que tel au moment

où il acquiert un bien, utilise ce bien pour les besoins de ses opérations taxées, il est autorisé à

déduire la TVA due ou acquittée pour ledit bien (point 18). À cet égard, des biens et des services

peuvent être acquis par une personne agissant en tant qu’assujetti, pour les besoins d’une

activité économique, même s’ils ne sont pas immédiatement utilisés pour cette activité

économique (point 19). Celui qui effectue des dépenses d’investissement dans l’intention,

confirmée par des éléments objectifs, d’exercer une activité économique doit être considéré

comme un assujetti. Agissant en tant que tel, l’assujetti a le droit de déduire immédiatement la

TVA due ou acquittée sur les dépenses d’investissement effectuées pour les besoins des

opérations qu’il envisage de faire et qui ouvrent droit à déduction (point 20). La question de

savoir si l’assujetti a agi en tant que tel pour les besoins d’une activité économique constitue une

question de fait qui doit être appréciée par la juridiction de renvoi (point 21). Néanmoins, la

Cour a constaté qu’il ressort de la description de la juridiction de renvoi que le parcours récréatif

peut être considéré comme un moyen d’attirer des visiteurs en vue de leur fournir des biens et

des services (point 22). Ceci indiquait que la personne morale en question avait acquis ou

produit les biens d’investissement concernés dans l’intention d’exercer une activité économique

et, par conséquent, avait agi en tant qu’assujetti (point 23).

Concernant l’existence d’un lien direct et immédiat, la Cour a rappelé qu’un droit à déduction de

la TVA existe même en l’absence d’un tel lien, lorsque les dépenses encourues font partie des

frais généraux de l’assujetti et sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix de biens

ou des services qu’il fournit (points 27 et 28). Toutes les circonstances dans lesquelles les

opérations concernées se sont déroulées doivent être prises en considération, et seules les

opérations qui sont objectivement liées à l’activité imposable de l’assujetti doivent être tenues

en compte (point 29).

La Cour a relevé que l’utilisation immédiate des biens d’investissement à titre gratuit ne remet

pas en cause l’existence d’un lien direct et immédiat, car la mise à disposition du public du

parcours récréatif en cause au principal ne relève pas d’une exonération visée par la

directive 2006/112, et les dépenses encourues par la personne morale en question pour la mise

en place de ce parcours peuvent être rattachées à l’activité économique envisagée par elle

(points 33 à 35).

Arrêt du 14 septembre 2017, Iberdrola Inmobiliaria Real Estate Investments (C-132/16,

EU:C:2017:683)

Dans le cadre du litige au principal, une société bulgare avait acquis plusieurs terrains dans un

village de vacances afin d’ériger des immeubles destinés à un séjour saisonnier. Elle avait conclu

un contrat avec la commune possédant un permis de construire visant la remise en état d’une

station de pompage des eaux usées desservant ledit village de vacances situé sur son territoire.

La société ayant acquis des terrains avait commandé des travaux de construction à une société

tierce. Selon cette première société, il existait un lien entre les dépenses pour la remise en état

de la station de pompage et les services qu’elle devait livrer après la construction des

immeubles autorisée sur ses terrains.

Page 28: DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 28

La juridiction de renvoi a demandé, en substance, si un assujetti a le droit de déduire la TVA

acquittée en amont pour une prestation de services consistant à construire ou à améliorer un

bien immobilier dont un tiers est propriétaire, lorsque ce dernier bénéficie à titre gratuit du

résultat de ces services et que ceux-ci sont utilisés tant par cet assujetti que par le tiers dans le

cadre de leurs activités économiques.

La Cour a rappelé, premièrement, que l’existence d’un lien direct et immédiat doit être

appréciée au regard du contenu objectif des opérations concernées (point 31). Si des biens ou

des services acquis ont un lien avec des opérations exonérées ou ne relèvent pas du champ

d’application de la TVA, il ne saurait y avoir ni perception de taxe en aval ni déduction de celle-ci

en amont (point 30).

Ainsi, en l’espèce, il convenait de déterminer s’il existait un lien direct et immédiat entre, d’une

part, le service de remise en état de la station de pompage des eaux usées, et, d’autre part, une

opération taxée effectuée en aval par la société ou l’activité économique de cette société

(point 32). Il ressortait des circonstances de l’espèce que, sans la remise en état de cette station

de pompage, le raccordement à celle-ci des immeubles que la société projetait de construire

aurait été impossible. À défaut d’une telle remise en état, la société n’aurait pas pu exercer son

activité économique (point 33). Le fait que la commune profite aussi dudit service ne saurait

justifier que le droit à déduction soit refusé à la société si l’existence d’un lien direct et immédiat

était établie (point 35).

La Cour a continué en expliquant qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’examiner si le service

de remise en état s’était limité à ce qui était nécessaire pour assurer le raccordement des

immeubles construits par la société à la station de pompage des eaux usées en cause au

principal ou si celui-ci avait excédé ce qui était nécessaire à cette fin (point 37). À cet égard, la

Cour a relevé qu’un assujetti a le droit de déduire la TVA acquittée en amont pour une

prestation de services consistant à construire ou à améliorer un bien immobilier dont un tiers

est propriétaire, lorsque ce dernier bénéficie à titre gratuit du résultat de ces services et que

ceux-ci sont utilisés tant par cet assujetti que par ce tiers dans le cadre de leurs activités

économiques, dans la mesure où lesdits services n’excèdent pas ce qui est nécessaire pour

permettre audit assujetti d’effectuer des opérations taxées en aval et où leur coût est inclus

dans le prix de ces opérations (point 40 et dispositif). Dans le cas où les travaux de construction

ou amélioration dépasseraient les besoins générés par les seuls immeubles construits par

l’assujetti, un droit à déduction ne devrait être reconnu que pour la TVA acquittée en amont

ayant grevé la partie des frais encourus pour la construction ou l’amélioration objectivement

nécessaire pour permettre à l’assujetti d’effectuer ses opérations taxées (point 39).

2. Incidence d’une fraude sur le droit à déduction

Arrêt du 6 décembre 2012, Bonik (C-285/11, EU:C:2012:774)

Dans la présente affaire, à la suite d’un contrôle fiscal, les autorités fiscales bulgares avaient

constaté le manque de preuves de l’exécution des livraisons intracommunautaires de blé et de

tournesol déclarées par une société bulgare comme ayant été effectuées au profit d’une société

de droit roumain. Les autorités fiscales avaient effectué des vérifications auprès de deux

fournisseurs de la requérante au principal, ainsi qu’auprès de trois de leurs propres

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 29

fournisseurs. Ces vérifications n’ayant pas permis d’établir que les trois derniers fournisseurs

avaient réellement livré des marchandises aux deux premiers fournisseurs, les autorités fiscales

bulgares en avaient déduit que les fournisseurs de la requérante au principal ne disposaient pas

des quantités de marchandises nécessaires pour effectuer les livraisons destinées à la

requérante au principal et ont conclu à l’absence de livraisons réelles entre lesdites sociétés et

la requérante au principal. Dans ce contexte, une question préjudicielle a été posée concernant

la définition de la notion de « fraude fiscale » et ses limites.

La Cour, tout d’abord, a rappelé que, en vertu de sa jurisprudence constante sur ce sujet – à

savoir, notamment, les arrêts Halifax e.a.18, Kittel et Recolta Recycling19, ainsi que Mahagében et

Dávid20–, un assujetti qui savait ou aurait dû savoir que, par son acquisition, il participait à une

opération impliquée dans une fraude à la TVA doit, pour les besoins de la directive 2006/112,

être considéré comme participant à cette fraude, et ceci indépendamment de la question de

savoir s’il tire ou non un bénéfice de la revente des biens ou de l’utilisation des services dans le

cadre des opérations taxées effectuées par lui en aval (point 39).

En revanche, la Cour a jugé qu’il n’est pas compatible avec le régime du droit à déduction prévu

par ladite directive de sanctionner, par le refus de ce droit, un assujetti qui ne savait pas et

n’aurait pas pu savoir que l’opération concernée était impliquée dans une fraude commise par

le fournisseur ou qu’une autre opération faisant partie de la chaîne des livraisons, antérieure ou

postérieure à celle réalisée par ledit assujetti, était entachée de fraude à la TVA (point 41).

Par conséquent, le refus du droit à déduction constituant une exception à l’application du

principe fondamental que constitue ce droit, il incombe aux autorités fiscales compétentes

d’établir à suffisance de droit les éléments objectifs permettant de conclure que l’assujetti savait

ou aurait dû savoir que l’opération invoquée pour fonder le droit à déduction était impliquée

dans une fraude commise par le fournisseur ou un autre opérateur intervenant en amont ou en

aval dans la chaîne des livraisons (point 43).

Arrêt du 13 février 2014, Maks Pen (C-18/13, EU:C:2014:69)

Le contrôle fiscal dont la société bulgare, requérante au principal dans cette affaire, avait fait

l’objet avait conduit l’administration fiscale bulgare à s’interroger sur le bien-fondé de la

déduction de la TVA opérée en raison de la taxe mentionnée sur les factures de sept de ses

fournisseurs. En effet, pour certains des fournisseurs eux-mêmes, ou pour leurs sous-traitants,

les renseignements qui leur avaient été demandés au cours de ce contrôle n’avaient pas permis

d’établir qu’ils disposaient des moyens nécessaires pour assurer les prestations facturées.

Estimant soit que la réalité de l’exécution des opérations de certains sous-traitants n’était pas

établie, soit que celles-ci n’avaient pas été réalisées par les prestataires mentionnés sur les

factures, l’administration fiscale avait établi un avis d’imposition rectificatif remettant en cause la

déductibilité de la TVA figurant sur les factures de ces sept entreprises.

18 Arrêt du 21 février 2006 (C-255/02, EU:C:2006:121). 19 Arrêt du 6 juillet 2006 (C-439/04 et C-440/04, EU:C:2006:446). 20 Arrêt du 21 juin 2012 (C-80/11 et C-142/11, EU:C:2012:373). Concernant cet arrêt, voir également partie II, intitulée « Naissance et étendue

du droit à déduction », et partie V, intitulée « Modalités d’exercice du droit à déduction », de la présente fiche.

Page 30: DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 30

En se référant à l’arrêt Bonik21, la Cour a jugé, premièrement, que la seule circonstance que la

prestation fournie à la requérante au principal n’aurait pas été effectivement réalisée par le

fournisseur mentionné sur les factures ou par son sous-traitant, notamment parce que ces

derniers ne disposeraient pas des personnels, des matériels et des actifs nécessaires, que les

coûts de leur prestation n’auraient pas été justifiés dans leur comptabilité ou que l’identité des

personnes ayant signé certains documents en tant que fournisseurs s’est révélée inexacte, ne

suffirait pas, par elle-même, à exclure le droit à déduction (point 31). Une telle exclusion serait

soumise à la double condition que les faits soient constitutifs d’un comportement frauduleux et

qu’il soit établi, au vu des éléments objectifs fournis par les autorités fiscales, que l’assujetti

savait ou aurait dû savoir que l’opération invoquée pour fonder le droit à déduction était

impliquée dans cette fraude, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier (point 32).

Deuxièmement, la Cour a tranché l’aspect procédural concernant l’obligation de la juridiction

nationale de constater d’office la fraude fiscale. À cet égard, la Cour a relevé que quand bien

même une règle du droit national qualifierait la fraude fiscale d’infraction pénale et que cette

qualification incomberait au seul juge pénal, il n’apparaît pas qu’une telle règle s’opposerait à ce

que le juge chargé d’apprécier la légalité d’un avis d’imposition rectificatif remettant en cause la

déduction de la TVA opérée par un assujetti ne puisse se fonder sur les éléments objectifs

présentés par l’administration fiscale pour établir l’existence, en l’espèce, d’une fraude, alors

que, selon une autre disposition du droit national, une TVA « indûment facturée » ne peut être

déduite (point 38). En effet, le droit de l’Union exige des autorités et des juridictions nationales

qu’elles refusent le bénéfice du droit à déduction s’il est établi, au vu d’éléments objectifs, que ce

droit est invoqué frauduleusement ou abusivement. Par ailleurs, alors même que le droit de

l’Union ne serait pas invoqué par les parties, le juge national doit opposer d’office les moyens de

droit tirés d’une règle contraignante du droit de l’Union lorsque, en vertu du droit national, les

juridictions nationales ont l’obligation ou la faculté de le faire par rapport à une règle

contraignante de droit national (point 34).

Arrêt du 22 octobre 2015, PPUH Stehcemp (C-277/14, EU:C:2015:719)

Dans la présente affaire, la requérante au principal, une entreprise polonaise, avait effectué

plusieurs achats de carburant diesel qu’elle avait utilisé dans le cadre de son activité

économique. Ensuite, ladite société avait procédé à la déduction de la TVA acquittée au titre de

ces achats de carburant. À la suite d’un contrôle fiscal, l’administration fiscale lui avait refusé le

droit de déduire cette TVA au motif que les factures relatives auxdits achats de carburant

avaient été émises par un opérateur inexistant. La constatation relative à l’inexistence de

l’opérateur était fondée sur un ensemble d’éléments, notamment sur le fait que cette société

n’était pas enregistrée aux fins de la TVA, n’effectuait pas de déclaration fiscale et ne payait pas

de taxes.

Tout d’abord, concernant l’existence éventuelle d’une fraude, la Cour a rappelé la jurisprudence

Bonik22 et Maks Pen23, en précisant ensuite que lorsque les conditions matérielles et formelles

prévues par la directive 77/388 pour la naissance et l’exercice du droit à déduction sont réunies,

21 Arrêt du 6 décembre 2012 (C-285/11, EU:C:2012:774). 22 Arrêt du 6 décembre 2012 (C-285/11, EU:C:2012:774). 23 Arrêt du 13 février 2014 (C-18/13, EU:C:2014:69).

Page 31: DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 31

il n’est pas compatible avec le régime du droit à déduction prévu par cette directive de

sanctionner, par le refus de ce droit, un assujetti qui ne savait pas et n’aurait pas pu savoir que

l’opération concernée était impliquée dans une fraude commise par le fournisseur ou qu’une

autre opération faisant partie de la chaîne de livraison, antérieure ou postérieure à celle réalisée

par ledit assujetti, était entachée de fraude à la TVA (point 49).

Selon la Cour, il incombe à l’administration fiscale, ayant constaté des fraudes ou des

irrégularités commises par l’émetteur de la facture, d’établir, au vu d’éléments objectifs et sans

exiger du destinataire de la facture des vérifications qui ne lui incombent pas, que ce

destinataire savait ou aurait dû savoir que l’opération invoquée pour fonder le droit à déduction

était impliquée dans une fraude à la TVA, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier

(point 50).

III. Prorata de déduction

Arrêt du 16 février 2012, Varzim Sol (C-25/11, EU:C:2012:94)

Les faits dans la présente affaire ont déjà été décrits ci-dessus, dans la rubrique II « Naissance et

étendue du droit à déduction ». Dès lors, il convient ici seulement de rappeler que l’affaire

concerne des assujettis mixtes et leur droit à opérer une déduction de la TVA en amont suivant

l’affectation de tout ou partie des biens et services, en calculant le montant déductible, pour des

secteurs dans lesquels de tels assujettis n’effectuent que des opérations taxées, en incluant des

« subventions » non taxées dans le dénominateur de la fraction servant à déterminer le prorata

de déduction.

La Cour, faisant référence à l’arrêt du 6 octobre 2005 dans l’affaire Commission/France

(C-243/03)24, a rappelé que, s’agissant d’assujettis mixtes, même si le droit à déduction est

calculé selon un prorata déterminé, basé sur une fraction comportant au numérateur, le

montant total, déterminé par année, du chiffre d’affaires, TVA exclue, afférent aux opérations

ouvrant droit à déduction conformément à l’article 17, paragraphe 2, de la directive 77/388, et

au dénominateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d’affaires, TVA exclue,

afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu’aux opérations qui n’ouvrent pas droit à

déduction, les États ont la faculté de prévoir l’une des autres méthodes de détermination du

droit à déduction énumérées à l’article 17, paragraphe 5, troisième alinéa, de ladite directive, à

savoir, notamment, l’établissement d’un prorata distinct pour chaque secteur d’activité ou la

déduction suivant l’affectation de tout ou partie des biens et services à une activité précise

(point 38). À cet égard, la Cour a précisé que les subventions directement liées au prix d’un bien

ou d’un service sont taxables au même titre que celui-ci. S’agissant des subventions autres que

celles directement liées au prix, les États membres ont la faculté de les inclure dans le

dénominateur du calcul du prorata applicable lorsqu’un assujetti effectue à la fois des

opérations ouvrant droit à déduction et des opérations exonérées (point 39).

24 Arrêt du 6 octobre 2005 (C‑243/03, EU:C:2005:589).

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 32

La Cour en a conclu que, étant donné que l’assujetti au principal avait été autorisé à opérer la

déduction selon une méthode autre que celle du prorata déterminé suivant l’affectation de tout

ou partie des biens et services à une activité précise (point 40), ses activités exercées dans les

secteurs de la restauration et de l’animation étant soumises à la TVA, le droit à déduction

suivant la méthode de l’affectation réelle porte sur la totalité des taxes ayant grevé les

opérations effectuées en amont (point 41). Dès lors, selon la Cour, la directive 77/388 s’oppose à

ce qu’un État membre, lorsqu’il autorise des assujettis mixtes à opérer la déduction prévue par

ladite directive suivant l’affectation de tout ou partie des biens et services, calcule le montant

déductible, pour des secteurs dans lesquels de tels assujettis n’effectuent que des opérations

taxées, en incluant des « subventions » non taxées dans le dénominateur de la fraction servant à

déterminer le prorata de déduction (point 43).

Arrêt du 8 novembre 2012, BLC Baumarkt (C-511/10, EU:C:2012:689)

Dans cette affaire, l’assujetti, une société de droit allemand, avait fait construire un immeuble

comprenant tant des habitations que des locaux commerciaux. Après l’achèvement de cet

immeuble, l’assujetti l’avait donné en location, cette dernière étant en partie exemptée de TVA et

en partie soumise à cette taxe. Dans sa déclaration de TVA, l’assujetti avait procédé à une

déduction partielle de la taxe d’amont afférente à l’immeuble, en calculant le montant de la TVA

déductible en appliquant un prorata déterminé en fonction du rapport existant entre le chiffre

d’affaires relatif à la location commerciale et celui résultant des autres opérations de location.

Après un contrôle, l’administration fiscale avait considéré que le montant de la TVA déductible

en amont devait être déterminé en fonction du rapport existant entre la superficie des locaux

commerciaux et celle des locaux à usage d’habitation, entrainant une révision à la baisse du

montant de la TVA déductible, au détriment de l’assujetti.

Dans le cadre de ce litige, la juridiction nationale avait saisi la Cour pour savoir si la disposition

de la directive 77/388 régissant le calcul du prorata de déduction de la TVA permet aux États

membres de privilégier comme clé de répartition aux fins dudit calcul de la TVA due en amont

pour la construction d’un immeuble à usage mixte une clé de répartition autre que celle fondée

sur le chiffre d’affaires.

La Cour a tout d’abord rappelé que, selon la règle générale établie par la directive 77/388, le

calcul de prorata implique que la déduction n’est admise que pour la partie de la TVA qui est

proportionnelle au montant des opérations ouvrant droit à déduction visées aux paragraphes 2

et 3 de l’article17 de ladite directive (point 13). Cependant, une dérogation à cette règle permet

aux États membres de prévoir une autre méthode de détermination du droit à déduction, à

savoir l’établissement d’un prorata distinct pour chaque secteur d’activité ou la déduction

suivant l’affectation de tout ou partie des biens et services à une activité précise, voire l’exclusion

du droit à déduction sous réserve du respect de certaines conditions (point 15). À cet égard, les

États membres doivent, dans l’exercice des pouvoirs qui leur sont conférés, respecter l’effet utile

de la règle générale de la directive 77/388 ainsi que les principes qui sous-tendent le système

commun de TVA, notamment ceux de neutralité fiscale et de proportionnalité (point 16). Une

législation nationale qui dérogerait de manière générale à cette règle remettrait en cause

l’objectif de la directive 77/388 selon lequel le calcul du prorata de déduction doit s’effectuer de

manière similaire dans tous les États membres (point 17). Dans ce cadre, il appartient aux États

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 33

membres d’établir, dans les limites du respect du droit de l’Union ainsi que des principes sur

lesquels repose le système commun de TVA, des méthodes et des règles régissant le calcul du

prorata de déduction de la TVA payée en amont. Dans l’exercice de ce pouvoir, lesdits États sont

obligés de tenir compte de la finalité et de l’économie de cette directive (point 22).

Selon la Cour, les États membres doivent également veiller à ce que le calcul du prorata de

déduction de la TVA payée en amont soit le plus précis possible (point 23). Dès lors, la

directive 77/388 ne s’oppose pas à ce que les États membres appliquent, pour une opération

donnée, une méthode ou une clé de répartition autre que la méthode fondée sur le chiffre

d’affaires, telle que, notamment, celle fondée sur la superficie en cause au principal, à condition

que la méthode retenue garantisse une détermination du prorata de déduction de la TVA payée

en amont plus précise que celle résultant de l’application de la méthode fondée sur le chiffre

d’affaires (point 24).

Arrêt du 12 septembre 2013, Le Crédit Lyonnais (C-388/11, EU:C:2013:541)

Cette affaire concerne un établissement bancaire qui avait son siège en France et qui détenait

des succursales dans des États membres de l’Union et dans des États tiers. Lors d’un contrôle,

l’administration fiscale avait refusé audit établissement, en tant qu’assujetti, de prendre en

compte le montant des intérêts des prêts consentis par le siège de l’établissement bancaire à

ses succursales établies en dehors du territoire français au numérateur et au dénominateur du

prorata de déduction.

La Cour, ayant été saisie par la juridiction nationale de quatre questions sur la détermination du

prorata de déduction de la TVA, a tout d’abord examiné si la directive 77/388 doit être

interprétée en ce sens que, pour ladite détermination, une société, dont le siège est situé dans

un État membre, peut prendre en compte le chiffre d’affaires réalisé par ses succursales établies

dans d’autres États membres.

La Cour a constaté que, dans la mesure où le calcul du prorata de déduction constitue un

élément du régime des déductions prévu dans la directive 77/388, les modalités selon lesquelles

ce calcul doit être effectué relèvent, avec ledit régime des déductions, de la sphère d’application

de la législation nationale en matière de TVA à laquelle une activité ou une opération doit être

fiscalement rattachée (point 30). En effet, la fixation de la méthode de détermination du droit à

déduction appartient aux autorités fiscales de chaque État membre qui sont habilitées par ladite

directive à prévoir l’établissement d’un prorata distinct pour chaque secteur d’activité ou la

déduction suivant l’affectation de tout ou partie des biens et services à une activité précise, ou

même à prévoir l’exclusion du droit à déduction sous certaines conditions (point 31). À cet

égard, le mode de restitution de la TVA, soit par déduction, soit par remboursement, est

uniquement fonction du « lieu d’établissement » de l’assujetti (point 32). Cette notion vise non

pas uniquement le siège de l’assujetti, mais également les établissements stables (point 33).

Dans la mesure où un établissement stable situé dans un État membre et l’établissement

principal situé dans un autre État membre ne constituent qu’un seul et même assujetti à la TVA,

il s’ensuit qu’un seul assujetti est soumis, à côté du régime applicable dans l’État de son siège, à

autant de régimes de déductions nationaux que d’États membres dans lesquels il dispose

d’établissements stables (point 34).

Page 34: DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 34

Or, dès lors que les modalités de calcul du prorata constituent un élément fondamental du

régime des déductions, il ne saurait, sans remettre sérieusement en cause tant la répartition

rationnelle des sphères d’application des législations nationales en matière de TVA que la raison

d’être dudit prorata, être tenu compte, dans le calcul du prorata applicable à l’établissement

principal d’un assujetti établi dans un État membre, du chiffre d’affaires réalisé par tous les

établissements stables dont ledit assujetti dispose dans les autres États membres (point 35). En

effet, premièrement, une telle façon de calculer le prorata n’est pas susceptible de garantir un

meilleur respect du principe de neutralité de la TVA par rapport à un système d’un prorata

séparé pour chaque État membre dans lequel un établissement stable est détenu (point 37).

Deuxièmement, la valeur du prorata de déduction applicable serait faussée (point 38).

Troisièmement, ladite façon d’établir le prorata de déduction est susceptible de porter atteinte à

l’effet utile de la directive 77/388 (point 39).

Arrêt du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt (C-108/14 et C-109/14,

EU:C:2015:496)

Dans cette affaire, deux sociétés holdings avaient procédé à la déduction intégrale de la TVA

afférant, pour la première société, à l’acquisition, auprès d’un tiers, de capitaux qui avaient servi

à financer ses participations dans ses filiales et ses prestations de services et, pour la deuxième

société, aux frais d’émission liés à une augmentation de son capital. Pour la première société,

l’administration fiscale n’avait admis la déduction que partiellement, la simple détention de parts

dans les filiales n’ouvrant pas droit, selon elle, à déduction. Concernant la deuxième société,

l’administration fiscale avait également refusé la déduction de la TVA en amont.

La juridiction nationale saisie du litige dans le cas d’espèce avait posé une question à la Cour

portant sur la situation où la déduction de la TVA acquittée en amont n’est admise que dans la

mesure où les dépenses exposées par l’assujetti ne peuvent être imputées que partiellement à

son activité économique. Plus précisément, ladite juridiction nationale s’interrogeait sur les

modalités de calcul, selon lesquelles la TVA ainsi acquittée en amont par une société holding

pour l’acquisition de capitaux destinés à acheter des parts dans des filiales devait être ventilée

entre activités économiques et activités non économiques de ladite société.

La Cour a d’abord rappelé que n’a pas le droit à déduction selon la directive 77/388 une société

holding dont l’objet unique est la prise de participations dans d’autres entreprises sans que

celle-ci s’immisce directement ou indirectement dans la gestion de ces entreprises (point 18).

Cependant, les frais liés à l’acquisition de participations dans ses filiales, supportés par une

société holding qui participe à leur gestion et qui, à ce titre, exerce une activité économique,

doivent être considérés comme affectés à l’activité économique de cette société et la TVA

acquittée sur ces frais ouvre droit à déduction intégrale (point 25).

Ensuite, la Cour a précisé que, quant au régime de déduction du prorata de la TVA, il ne vise que

les cas où les biens et les services sont utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des

opérations économiques ouvrant droit à déduction et des opérations économiques n’ouvrant

pas droit à déduction (point 26). Ce régime porte sur la TVA en amont qui grève des dépenses

se rattachant exclusivement à des opérations économiques. En revanche, la détermination des

méthodes et des critères de ventilation des montants de la TVA payée en amont entre activités

économiques et activités non économiques relève du pouvoir d’appréciation des États membres

Page 35: DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 35

(point 27). Étant donné que les sociétés holdings en question étaient assujetties à la TVA au titre

de l’activité économique que constituaient les prestations qu’elles fournissaient à titre onéreux à

toutes leurs filiales, la TVA acquittée sur les frais d’acquisition de ces services devrait être

considérée comme des frais généraux et déduite intégralement, à moins que des opérations

économiques réalisées en aval ne soient exonérées, auquel cas le droit à déduction ne devrait

s’opérer que selon les modalités du prorata (point 28).

Arrêt du 9 juin 2016, Wolfgang und Dr. Wilfried Rey Grundstücksgemeinschaft, C-332/14,

EU:C:2016:41

Dans cette affaire, l’assujetti, une société civile immobilière de droit allemand, avait effectué, sur

un terrain lui appartenant, des travaux de démolition d’un ancien bâtiment et de construction

d’un immeuble à usage d’habitation et de commerce. Cet immeuble comportait six unités de

logement et de commerce, et dix places de stationnement souterraines. Certaines de ces unités

et de ces places avaient été louées.

L’assujetti avait calculé son droit à déduction au titre de la TVA acquittée pour les travaux de

démolition et de construction par application d’une clé de répartition basée sur le rapport entre

le chiffre d’affaires généré par l’activité, soumise à la TVA, de location des unités de commerce

ou des places de parking liées à celles-ci, et celui résultant des autres opérations de location,

exonérées de la TVA. Cependant, certaines parties de l’immeuble dont il était initialement prévu

qu’elles soient affectées à la réalisation d’opérations taxées, avaient finalement été louées en

exonération de TVA. Étant d’avis que la déduction de la TVA devrait se faire selon une clé de

répartition plus précise que celle basée sur le chiffre d’affaires, à savoir une clé de répartition

selon la superficie, l’administration fiscale allemande avait appliqué cette dernière pour réduire

le pourcentage de déduction accordé à l’assujetti.

Ce différend a mené la juridiction nationale à interroger la Cour sur la question de savoir si, dans

l’hypothèse où un immeuble est utilisé, en aval, pour réaliser des opérations ouvrant droit à

déduction et d’autres n’ouvrant pas droit à déduction, les États membres sont tenus de

prescrire que les biens et les services utilisés, en amont, pour la construction ou l’acquisition de

cet immeuble soient, dans un premier temps, affectés exclusivement à l’un ou à l’autre de ces

types d’opérations, afin que, dans un second temps, seul le droit à déduction dû au titre de ceux

des biens et des services non ainsi susceptibles d’être affectés soit déterminé par application

d’une clé de répartition selon le chiffre d’affaires ou, à condition que cette méthode garantisse

une détermination plus précise du prorata de déduction, selon la superficie. En outre, la

juridiction nationale avait demandé si la réponse que la Cour serait appelée à donner à cette

question s’applique également aux biens et aux services auxquels il est recouru pour l’utilisation,

la conservation ou l’entretien d’un immeuble à usage mixte.

La Cour, constatant que les États membres sont, en principe, tenus de prévoir que les assujettis,

pour déterminer le montant de leur droit à déduction, doivent, dans un premier temps, affecter

les biens et les services acquis en amont aux différentes opérations effectuées en aval à la

réalisation desquelles ceux-ci ont été destinés, a précisé, dans un second temps, qu’il appartient

aux autorités compétentes de ces États d’appliquer, pour ces biens ou ces services, le régime de

déduction correspondant à leur affectation, étant entendu que, en ce qui concerne les biens et

Page 36: DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 36

les services qui ne se rapportent pas à un type unique d’opération, il convient d’appliquer le

régime de prorata prévu par la directive 77/388 (point 26).

À cet égard, la Cour a expliqué qu’une réglementation nationale peut autoriser les assujettis à

ne pas procéder à l’affectation de ces biens et de ces services, indépendamment de l’usage qui

en sera fait, lorsque lesdits biens et services concernent l’acquisition ou la construction d’un

immeuble à usage mixte et que cette affectation est, en pratique, difficilement réalisable

(point 28). En revanche, si ladite affectation est aisément réalisable en pratique, l’État membre

ne saurait être autorisé à prévoir que les assujettis sont dispensés d’affecter les biens et les

services aux différentes opérations réalisées en aval au moyen de cet immeuble (point 30).

Concernant le calcul de la déduction, la Cour a rappelé, en ce qui concerne les biens et les

services affectés à la fois à des opérations ouvrant droit à déduction et à des opérations n’y

ouvrant pas droit, que ce montant est, en principe, calculé sur la base d’un prorata déterminé,

pour l’ensemble des opérations effectuées par l’assujetti (point 31). Cependant, une autre

méthode de calcul peut être prévue par les États membres sous condition qu’elle garantisse

une détermination du prorata de déduction de la TVA payée en amont plus précise que celle

résultant de l’application de cette première méthode (point 32).

La Cour a dit pour droit que les États membres ne sont pas tenus de prescrire que les biens et

les services utilisés, en amont, pour la construction, l’acquisition, l’utilisation, la conservation ou

l’entretien de cet immeuble soient, dans un premier temps, affectés à ces différentes

opérations, lorsqu’une telle affectation est difficilement réalisable, afin que, dans un second

temps, seul le droit à déduction dû au titre de ceux des biens et des services qui sont utilisés à

la fois pour certaines opérations ouvrant droit à déduction et pour d’autres n’y ouvrant pas droit

soit déterminé par application d’une clé de répartition selon le chiffre d’affaires ou, à condition

que cette méthode garantisse une détermination plus précise du prorata de déduction, selon la

superficie (point 36).

IV. Limitations du droit à déduction

La notion de « limitations », au sens de la présente partie, doit être comprise de manière plus

large que les limitations prévues par l’article 176 de la directive 2006/112. En effet, il s’agit plutôt

des limites du droit à déduction.

À cet égard, trois arrêts seront présentés, à savoir, les arrêts Maks Pen25, Gemeente Woerden26,

et Iberdrola Inmobiliaria Real Estate Investments27.

25 Arrêt du 13 février 2014 (C-18/13, EU:C:2014:69). Voir, également, dans la partie II de la présente fiche, intitulée « Naissance et étendue du

droit à déduction », rubrique «2. Incidence d’une fraude sur le droit à déduction ». 26 Arrêt du 22 juin 2016 (C-267/15, EU:C:2016:466). 27 Arrêt du 14 septembre 2017 (C-132/16, EU:C:2017:683). Voir, également, dans la partie II de la présente fiche, intitulée « Naissance et

étendue du droit à déduction », rubrique «1. Lien direct et immédiat ».

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 37

Arrêt du 13 février 2014, Maks Pen (C-18/13, EU:C:2014:69)

Dans cet arrêt, la Cour a relevé que la faculté, prévue pour les États membres par l’article 273,

premier alinéa, de la directive 2006/112, en vertu de laquelle ces derniers peuvent prévoir

d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et

pour éviter la fraude, ne peut pas, ainsi que le détermine le deuxième alinéa de ce même article,

être utilisée pour imposer des obligations supplémentaires à celles fixées dans ladite directive

(point 42). En effet, selon la Cour, un éventuel manquement par le prestataire de services à

l’accomplissement de certaines exigences de nature comptable ne saurait remettre en cause le

droit à déduction du destinataire des services fournis en ce qui concerne la TVA acquittée pour

ceux-ci, lorsque les factures relatives aux services fournis comportent toutes les informations

exigées par l’article 226 de la directive 2006/112 (point 47). Par conséquent, la Cour a dit pour

droit que la directive 2006/112 s’oppose à une disposition nationale selon laquelle le service est

considéré comme fourni à la date où sont remplies les conditions de reconnaissance de la

recette provenant de la prestation concernée (point 48 et dispositif 3).

Arrêt du 22 juin 2016, Gemeente Woerden (C-267/15, EU:C:2016:466)

Dans cette affaire, une commune, située aux Pays-Bas, qualifiée d’assujetti au sens de la

directive 2006/112, avait fait construire des bâtiments et les avait vendus à un prix inférieur aux

coûts de la construction à un acquéreur qui avait cédé gratuitement l’usage d’une partie des

bâtiments concernés à un tiers. Les autres parties avaient été données en location à titre

onéreux à différents locataires. La juridiction de renvoi avait demandé si, dans une telle

situation, l’assujetti a le droit à la déduction de la totalité de la TVA facturée pour la construction

des bâtiments ou seulement à la déduction partielle, en proportion des parties desdits

bâtiments que l’acheteur affecte à des activités économiques, à savoir, à la mise en location à

titre onéreux.

À cet égard, la Cour a noté que la directive 2006/112 ne subordonne pas le droit à déduction à

une condition liée à l’utilisation des biens ou des services en cause par la personne qui reçoit de

l’assujetti ces biens ou ces services, car cela impliquerait que toute opération effectuée par un

assujetti avec un acquéreur ou un preneur qui n’exerce pas d’activité économique, comme les

particuliers, limite le droit à déduction de l’assujetti (point 36).

En outre, selon la Cour, une condition en vertu de laquelle l’utilisation des biens ou des services

en cause par l’acquéreur ou le preneur de ceux-ci déterminerait le droit à déduction du

fournisseur aurait pour conséquence que le droit à déduction de l’assujetti dépendrait de

l’action ultérieure de l’acquéreur ou du preneur qui aurait toujours le droit de modifier

l’utilisation du bien à court ou à long terme (point 37).

La Cour a jugé que le résultat de l’opération économique est dénué de pertinence au regard du

droit à déduction à condition que l’activité soit elle-même soumise à la TVA, et, par conséquent,

l’assujetti en cause a droit à la déduction de la totalité de la TVA acquittée pour la construction

des bâtiments et pas seulement à la déduction partielle de cette taxe, à proportion des parties

desdits bâtiments que l’acquéreur affecte à des activités économiques (points 40 et 42).

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 38

Arrêt du 14 septembre 2017, Iberdrola Inmobiliaria Real Estate Investments (C-132/16,

EU:C:2017:683)

Cette affaire porte principalement sur la condition de l’existence d’un lien direct et immédiat28.

En ce qui concerne les limitations au sens de l’article 176 de la directive 2006/112, la Cour a jugé

dans cet arrêt que, quand bien même la disposition du droit bulgare en cause prévoirait une

exclusion du droit à déduction existant à la date d’adhésion de la République de Bulgarie à

l’Union européenne, cet article ne permet de maintenir de telles exclusions que pour autant

qu’elles ne prévoient pas des exclusions générales du régime de déduction instauré par la

directive 2006/112 et notamment par l’article 168 de celle-ci. Il convient de rappeler qu’en vertu

de ladite disposition du droit bulgare, le droit à déduire la TVA n’existait pas si les biens ou les

services étaient destinés à des livraisons ou prestations à titre gratuit ou à des activités

étrangères à l’activité économique de l’assujetti (point 21).

V. Modalités d’exercice du droit à déduction

Arrêt du 21 juin 2012, Mahagében et Dávid (C-80/11 et C‑142/11 EU:C:2012:373)

Cette affaire, déjà évoquée précédemment, contient également des aspects concernant les

modalités d’exercice dudit droit29.

À cet égard, la Cour a jugé notamment, dans cet arrêt, que l’administration fiscale ne peut exiger

de manière générale de l’assujetti souhaitant exercer le droit à déduction de la TVA, d’une part,

de vérifier que l’émetteur de la facture afférente aux biens et aux services au titre desquels

l’exercice de ce droit est demandé dispose de la qualité d’assujetti, qu’il disposait des biens en

cause et était en mesure de les livrer et qu’il a rempli ses obligations de déclaration et de

paiement de la TVA, afin de s’assurer qu’il n’existe pas d’irrégularités ou de fraude au niveau des

opérateurs en amont, ou, d’autre part, de disposer de documents à cet égard (point 61).

Selon la Cour, s’il n’est pas contraire au droit de l’Union d’exiger qu’un opérateur prenne toute

mesure pouvant raisonnablement être requise de lui pour s’assurer que l’opération qu’il

effectue ne le conduit pas à participer à une fraude fiscale, la faculté prévue par l’article 273,

premier alinéa, de la directive 2006/112, ne peut être utilisée, selon le second alinéa dudit

article, pour imposer des obligations de facturation supplémentaires à celles fixées au

chapitre 3, intitulé « Facturation », du titre XI, intitulé « Obligations des assujettis et de certaines

personnes non assujetties », de ladite directive, et notamment à l’article 226 de celle-ci

(point 56).

En effet, il incombe, en principe, aux autorités fiscales d’effectuer les contrôles nécessaires

auprès des assujettis afin de détecter des irrégularités et des fraudes à la TVA ainsi que d’infliger

28 Voir, également, partie II de la présente fiche, intitulée « Naissance et étendue du droit à déduction », rubrique «1. Lien direct et immédiat ». 29 Voir, également, partie II de la présente fiche, intitulée « Naissance et étendue du droit à déduction ».

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 39

des sanctions à l’assujetti ayant commis ces irrégularités ou ces fraudes (point 62), ces autorités

ne pouvant pas transférer leurs propres tâches de contrôle vers les assujettis.

Arrêt du 6 février 2014, Fatorie (C-424/12, EU:C:2014:50)

Cette affaire s’inscrit dans le cadre du régime d’autoliquidation30. Dans cette affaire, la question

s’est posée de savoir si, conformément au droit de l’Union, la société requérante au principal,

bénéficiaire de services, aurait pu être privée du droit à déduction de la TVA qu’elle a indûment

versée au prestataire de services sur la base d’une facture établie de manière erronée, y

compris lorsque la correction de cette erreur était impossible en raison de la faillite dudit

prestataire.

La Cour a, d’une part, rappelé que, en application du régime de l’autoliquidation, aucun

paiement de la TVA n’a lieu entre le prestataire et le bénéficiaire de services, ce dernier étant

redevable, pour les opérations effectuées, de la TVA en amont, tout en pouvant, en principe,

déduire cette même taxe de telle sorte qu’aucun montant n’est dû à l’administration fiscale

(point 29).

S’agissant, d’autre part, des modalités d’exercice du droit à déduction de la TVA énumérées à

l’article 178 de la directive 2006/112, la Cour a jugé que seules celles figurant à cet article, sous

f), sont applicables dès lors qu’il s’agit d’une procédure d’autoliquidation relevant de l’article 199,

paragraphe 1, sous a), de ladite directive (point 32).

À cet égard, un assujetti, qui est redevable, en tant que destinataire de services, de la TVA

afférente à ceux-ci, n’est pas obligé de détenir une facture établie selon les conditions formelles

de la directive 2006/112, afin de pouvoir exercer son droit à déduction, et doit uniquement

remplir les formalités établies par l’État membre concerné dans l’exercice de l’option qui lui est

ouverte audit article 178, sous f) (point 33). L’étendue des formalités ainsi établies par l’État

membre concerné et qui doivent être respectées par l’assujetti pour qu’il puisse exercer le droit

à déduction de la TVA ne saurait dépasser ce qui est strictement nécessaire en vue de contrôler

l’application correcte de la procédure d’autoliquidation et d’assurer la perception de la TVA

(point 34).

Ainsi, la Cour a rappelé que dans le cadre du régime de l’autoliquidation, le principe de

neutralité fiscale exige que la déduction de la TVA en amont soit accordée si les exigences de

fond sont satisfaites, même si certaines exigences formelles ont été omises par les assujettis

(point 35).

Néanmoins, dans l’affaire au principal, la Cour a constaté qu’au-delà du fait que la facture

litigieuse ne répondait pas aux prescriptions formelles prévues par la législation nationale, une

condition de fond du régime de l’autoliquidation n’a pas été respectée. En effet, la TVA acquittée

par la requérante au principal auprès du prestataire de services n’étant pas due et ce versement

ne respectant pas une exigence de fond du régime de l’autoliquidation, cette première ne

saurait se prévaloir d’un droit à déduction de cette TVA (point 40).

30 Voir, pour le cadre factuel, partie II de la présente fiche, intitulée « Naissance et étendue du droit à déduction ».

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DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 40

Arrêt du 15 septembre 2016, Senatex (C-518/14, EU:C:2016:691)

Dans cette affaire, l’administration fiscale allemande avait refusé à la requérante au principal,

une entreprise de commerce de textiles en gros, de déduire la TVA acquittée en amont par elle,

pour les années où les factures détenues par cette dernière avaient été établies, au motif que

ces factures, dans leur version originale, ne satisfaisaient pas aux exigences posées par la

règlementation fiscale nationale. En vertu de ladite règlementation, la rectification d’une facture

visant une mention obligatoire, à savoir le numéro d’identification à la TVA, ne produisait pas

d’effet rétroactif, de telle sorte que le droit à déduction de cette taxe exercée au titre de la

facture rectifiée portait non pas sur l’année au cours de laquelle cette facture avait initialement

été établie, mais sur l’année au cours de laquelle elle a été rectifiée.

En effet, les décomptes de commission délivrés par cette entreprise à l’égard de ses agents

commerciaux ainsi que les factures d’un créateur publicitaire concernant les années 2009 à

2011 ne contenaient pas le numéro fiscal ou le numéro d’identification TVA de leur destinataire,

cette situation ayant été rectifiée en 2013 au cours d’un contrôle sur place réalisé par

l’administration fiscale.

En dépit de ces circonstances, l’administration fiscale avait émis des avis d’imposition

modificatifs pour les années 2008 à 2011, par lesquels elle avait réduit, sur la base des

constatations effectuées dans le cadre de son contrôle sur place, les sommes que la requérante

était autorisée à déduire au titre de la TVA, au motif que les conditions de cette déduction

n’étaient pas réunies pour ces années, mais l’étaient seulement au moment de la réalisation de

la rectification des factures, à savoir au cours de l’année 2013.

Par conséquent, dans cette affaire, la Cour a dû trancher la question de l’effet dans le temps de

la rectification de factures erronées sur l’exercice du droit à déduction de la TVA.

À cet égard, la Cour a rappelé, premièrement, qu’il résulte de l’article 179, premier alinéa, de la

directive 2006/112, que le droit à déduction de la TVA doit, en principe, être exercé au titre de la

période au cours de laquelle, d’une part, ce droit a pris naissance et, d’autre part, l’assujetti est

en possession d’une facture (point 35). Deuxièmement, la Cour a également rappelé que le droit

à déduction de la TVA fait partie intégrante du mécanisme de la TVA et ne peut, en principe, être

limité et que ce droit s’exerce immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les

opérations effectuées en amont. Le régime des déductions vise à soulager entièrement

l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités

économiques. Toutefois, selon la Cour, une réglementation nationale qui applique des intérêts

de retard sur les montants de TVA qu’elle considère comme étant dus avant une rectification de

la facture initialement établie, impose une charge fiscale résultant de la TVA à ces activités

économiques auxquelles le système commun de la TVA garantit pourtant la neutralité de cette

taxe (point 37).

Ensuite, la Cour a noté que le principe fondamental de neutralité de la TVA exige que la

déduction de celle-ci en amont soit accordée si les conditions de fond sont satisfaites, même si

certaines conditions formelles ont été omises par les assujettis. Or, la détention d’une facture

comportant les mentions prévues à l’article 226 de la directive 2006/112 constitue une condition

formelle et non pas une condition de fond du droit à déduction de la TVA (point 38).

Page 41: DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 41

Par conséquent, la Cour a jugé que plusieurs dispositions de la directive 2006/112, notamment

celles portant sur les modalités d’exercice du droit à déduction, s’opposent à une telle

réglementation nationale (point 43).

Arrêt du 15 septembre 2016, Barlis 06 – Investimentos Imobiliários e Turísticos (C-516/14,

EU:C:2016:690)

Dans cette affaire, une société établie au Portugal, la requérante au principal, avait contesté le

refus de l’Autoridade Tributária e Aduaneira (administration des contributions et des douanes,

Portugal) d’admettre la déduction de la TVA acquittée en amont par la requérante au principal

en tant que destinataire de services juridiques rendus par un cabinet d’avocats, au motif que les

factures émises par ce cabinet ne satisfaisaient pas aux exigences de forme prévues par la

législation nationale. La question posée par la juridiction de renvoi concernait, premièrement,

certaines mentions, comme l’étendue et la nature des services rendus, et la date de la

prestation des services devant obligatoirement figurer sur les factures, et, deuxièmement, le

droit de l’administration fiscale de refuser le droit à déduction de la TVA au seul motif que les

factures ne contenaient pas desdites mentions.

La Cour, tout d’abord, après avoir reconnu que des factures comportant la seule mention

« services juridiques fournis depuis [une certaine date] jusqu’à aujourd’hui » n’étaient pas

conformes, a priori, aux exigences visées au point 6 de l’article 226 de la directive 2006/112, et

que des factures comportant la seule mention « services juridiques fournis jusqu’à aujourd’hui »

n’étaient pas, a priori, conformes ni aux exigences visées audit point 6 ni à celles visées au

point 7 dudit article, a demandé à la juridiction de renvoi de vérifier si les documents annexes

produits par la requérante au principal comportent une présentation plus détaillée des services

juridiques en cause au principal et peuvent être assimilés à une facture en vertu de l’article 219

de ladite directive en tant que documents qui modifient la facture initiale et y font référence de

façon spécifique et non équivoque (point 35).

Ensuite, la Cour a jugé que l’administration fiscale ne saurait refuser le droit à déduction de la

TVA au seul motif qu’une facture ne remplit pas les conditions requises par l’article 226, points 6

et 7, de la directive 2006/112, si elle dispose de toutes les données pour vérifier que les

conditions de fond relatives à ce droit sont satisfaites (point 43). En effet, selon la Cour,

l’administration fiscale ne saurait se limiter à l’examen de la facture elle-même, mais elle doit

également tenir compte des informations complémentaires fournies par l’assujetti (point 44).

Arrêt du 12 avril 2018, Biosafe - Indústria de Reciclagens (C-8/17, EU:C:2018:249)

Enfin, dans la présente affaire, suivant un contrôle fiscal ayant eu lieu au cours de l’année 2011,

l’administration fiscale portugaise avait effectué des redressements de TVA concernant des

livraisons de biens intervenues entre le mois de février 2008 et le mois de mai 2010 pour

lesquelles la société requérante au principal, avait appliqué à tort le taux de TVA réduit au lieu

du taux normal. Cette société avait alors procédé à une régularisation de la TVA en s’acquittant

du complément de TVA et en avait demandé le remboursement à son partenaire commercial,

assujetti à la TVA, en adressant à ce dernier des notes de débit. Ce partenaire commercial, qui

avait reçu les biens vendus par la requérante au principal, avait refusé de payer ce complément

Page 42: DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 42

de TVA au motif, notamment, qu’il ne pouvait pas procéder à sa déduction, le délai de quatre

ans prévu par la législation nationale ayant expiré, et qu’il ne lui appartenait pas de supporter

les conséquences d’une erreur dont la requérante au principal était la seule responsable.

À cet égard, la Cour a jugé qu’un assujetti peut être autorisé à procéder à la déduction de la TVA

même s’il n’a pas exercé son droit au cours de la période pendant laquelle ce droit a pris

naissance, à savoir, au moment où la taxe est devenue exigible, sous réserve, cependant, du

respect des conditions et des modalités fixées par les réglementations nationales (point 35).

La Cour a rappelé qu’un délai de forclusion dont l’échéance a pour conséquence de sanctionner

le contribuable insuffisamment diligent, qui a omis de réclamer la déduction de la TVA en amont,

en lui faisant perdre le droit à déduction de la TVA, ne saurait être considéré comme

incompatible avec le régime établi par la directive 2006/112 pour autant que ce délai respecte

les principes d’équivalence et d’effectivité (point 37).

Selon la Cour, le partenaire commercial de la requérante au principal a été dans l’impossibilité

objective d’exercer son droit à déduction avant la régularisation de la TVA effectuée par cette

dernière, n’ayant pas disposé auparavant des documents rectificatifs des factures initiales ni su

qu’un complément de TVA était dû (point 42).

En effet, c’est seulement à la suite de cette régularisation que les conditions matérielles et

formelles ouvrant droit à déduction de la TVA ont été réunies et que le partenaire commercial

pouvait donc demander à être soulagée du poids de la TVA due ou acquittée conformément à la

directive 2006/112 et au principe de neutralité fiscale. Dès lors, ledit partenaire commercial

n’ayant pas fait preuve d’un manque de diligence avant la réception des notes de débit, et en

l’absence d’abus ou de collusion frauduleuse avec la requérante au principal, un délai qui aurait

commencé à courir à compter de la date d’émission des factures initiales et aurait, pour

certaines opérations, expiré avant cette régularisation ne pouvait valablement être opposé à

l’exercice du droit à déduction de la TVA (point 43).

VI. Régularisation des déductions

Arrêt du 10 octobre 2013, Pactor Vastgoed (C-622/11, EU:C:2013:649)

Dans cette affaire, la société défenderesse au principal avait acquis un bien immobilier et opté

pour la taxation de cette livraison, ainsi que l’avait fait auparavant le fournisseur dudit bien

immobilier lorsqu’il l’avait acquis. Ensuite, cette société avait loué ledit bien, cette opération

étant exonérée de la TVA, et par la suite l’avait vendu, cette livraison ayant été également

exonérée de la TVA. Considérant que la livraison effectuée à la société défenderesse au principal

ne satisfaisait pas aux conditions des dispositions nationales, et que, par conséquent, cette

livraison aurait dû être exonérée de la TVA, l’autorité fiscale néerlandaise avait imposé à ladite

société un redressement d’un montant correspondant à la somme due à la suite de la

régularisation de la déduction de la TVA effectuée par le fournisseur à l’occasion de son

acquisition du bien immobilier ultérieurement livré par lui à cette première.

Page 43: DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 43

Le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas), saisi de ce litige, avait interrogé la

Cour sur le fait de savoir si un recouvrement des sommes dues à la suite de la régularisation

d’une déduction de la TVA peut être effectué auprès d’un assujetti autre que celui ayant opéré

cette déduction.

À cet égard, la Cour a rappelé que le mécanisme de régularisation fait partie intégrante du

régime de déduction de la TVA (point 33). En effet, les règles de la régularisation des déductions

visent à accroître la précision des déductions de manière à assurer la neutralité de la TVA, de

sorte que les opérations effectuées au stade antérieur continuent à donner lieu au droit à

déduction dans la seule mesure où elles servent à fournir des prestations soumises à une telle

taxe. L’objectif est d’établir une relation étroite et directe entre le droit à déduction de la TVA

payée en amont et l’utilisation des biens ou des services concernés pour des opérations taxées

en aval (point 34).

La Cour a relevé qu’un recouvrement des sommes dues à la suite de la régularisation d’une

déduction de la TVA ne peut pas être effectué auprès d’un assujetti autre que celui ayant opéré

cette déduction (point 47 et dispositif). Une interprétation contraire serait, selon la Cour,

incompatible avec les objectifs poursuivis en matière de régularisation des déductions. Dans ce

contexte, la faculté de prévoir qu’une personne, autre que l’assujetti, soit solidairement tenue

d’acquitter la taxe ne saurait être interprétée comme permettant d’imposer une obligation

fiscale autonome à la charge de cette personne (point 39). Par ailleurs, en cas de livraisons

successives d’un bien immobilier, la circonstance que l’un des assujettis concernés ne soit pas, à

l’occasion de la livraison à laquelle il a pris part, conformé aux modalités d’exercice du droit

d’option pour la taxation, ne saurait avoir pour conséquence d’obliger cet assujetti à s’acquitter

de la créance fiscale due à la suite de la régularisation d’une déduction de la TVA opérée par un

autre assujetti en relation avec l’une des livraisons à laquelle ce premier assujetti est étranger

(point 40).

Arrêt du 6 février 2014, Fatorie (C-424/12, EU:C:2014:50)31

Dans la présente affaire, la juridiction de renvoi a demandé à la Cour, notamment, si le principe

de sécurité juridique s’oppose à une pratique administrative des autorités fiscales nationales

consistant à révoquer une décision par laquelle elles ont reconnu à l’assujetti un droit à

déduction de la TVA en lui réclamant, à la suite d’un nouveau contrôle, ladite TVA et des

majorations de retard.

La Cour a dit pour droit que le principe de sécurité juridique ne s’oppose pas à une pratique

administrative des autorités fiscales roumaines consistant à révoquer, dans un délai de

forclusion, une telle décision.

Certes, le principe de sécurité juridique exige que la situation fiscale de l’assujetti, eu égard à ses

droits et obligations vis-à-vis de l’administration fiscale, ne soit pas indéfiniment susceptible

d’être remise en cause (point 46). Toutefois, une réglementation nationale qui permet, à titre

exceptionnel, dans un délai de prescription, d’effectuer un nouveau contrôle portant sur une

31 Voir, concernant le cadre factuel, partie V de la présente fiche, intitulée « Modalités d’exercice du droit à déduction ».

Page 44: DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 44

période déterminée si apparaissent des données supplémentaires inconnues des inspecteurs

fiscaux à la date des vérifications ou des erreurs de calcul ayant une influence sur les résultats

de celles-ci, respecte le principe de sécurité juridique (points 47 et 48).

Concernant les majorations de retard, la Cour a jugé qu’en l’absence d’harmonisation de la

législation de l’Union dans le domaine des sanctions applicables en cas d’inobservation des

conditions prévues par un régime institué par cette législation, les États membres demeurent

compétents pour choisir les sanctions qui leur semblent appropriées. Ils sont toutefois tenus

d’exercer leur compétence dans le respect du droit de l’Union et de ses principes généraux, et,

par conséquent, dans le respect du principe de proportionnalité (points 50, 51 et dispositif 2).

Arrêt du 9 juin 2016, Wolfgang und Dr. Wilfried Rey Grundstücksgemeinschaft (C-332/14,

EU:C:2016:417)32

Dans cet arrêt, la juridiction de renvoi avait en substance demandé, quant à une régularisation

des déductions de la TVA, si la directive 77/388 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose

à ce qu’il soit procédé à une telle régularisation des déductions opérées au titre des biens ou

des services relevant de l’article 17, paragraphe 5, de ladite directive, à la suite de la

modification, intervenue au cours de la période de régularisation considérée, de la clé de

répartition de la TVA utilisée pour le calcul de ces déductions. Elle avait également demandé si

les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime s’opposent à une

législation nationale qui ne prescrit pas expressément une régularisation, au sens de l’article 20

de la directive 77/388, de la taxe payée en amont, à la suite de la modification de la clé de

répartition de la TVA utilisée pour le calcul de certaines déductions, ni ne prévoit de régime

transitoire.

La Cour a jugé que la directive 77/388 exige qu’il soit procédé à une régularisation des

déductions de la TVA opérées au titre des biens ou des services relevant de l’article 17,

paragraphe 5, de ladite directive, à la suite de l’adoption, intervenue au cours de la période de

régularisation considérée, d’une clé de répartition de cette taxe utilisée pour le calcul de ces

déductions dérogeant à la méthode de détermination du droit à déduction prévue par la même

directive (point 47 et dispositif 2). En effet, les déductions initialement opérées doivent être

régularisées lorsque des modifications des éléments pris en considération pour la

détermination du montant de ces déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration

ayant donné lieu à la déduction (point 38). Or, la clé de répartition et, partant, la méthode de

calcul du montant de la déduction appliquée constituent des éléments pris en considération

pour la détermination du montant des déductions (point 42).

La Cour a également relevé que les principes de sécurité juridique et de protection de la

confiance légitime doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une législation

nationale qui ne prescrit pas expressément une régularisation de la taxe payée en amont à la

suite de la modification de la clé de répartition de la TVA utilisée pour le calcul de certaines

déductions, ni ne prévoit de régime transitoire alors même que la répartition de la taxe payée

en amont opérée par l’assujetti suivant la clé de répartition applicable avant cette modification

32 Voir, concernant le cadre factuel, partie III de la présente fiche, intitulée « Prorata de déduction ».

Page 45: DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 45

avait été reconnue d’une manière générale comme raisonnable par la juridiction suprême

(point 65 et dispositif 3).

Selon la Cour, il s’ensuit que les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance

légitime ne sauraient être interprétés en ce sens que, pour qu’une régularisation du droit à

déduction puisse être imposée en cas de modification de la méthode de calcul de ce droit, le

caractère obligatoire de cette régularisation doit avoir été expressément rappelé par la

législation nationale en vertu de laquelle il a été procédé à cette modification (point 54). Cela

étant, dans des situations particulières où lesdits principes l’exigent, l’introduction d’un tel

régime adapté aux circonstances peut s’imposer (point 57). Ainsi, un législateur national est

susceptible de violer lesdits principes lorsqu’il adopte, de manière soudaine et imprévisible, une

loi nouvelle qui supprime un droit dont bénéficiaient jusqu’alors les assujettis, sans laisser à ces

derniers le temps nécessaire pour s’adapter, et ce alors que le but à atteindre ne l’exigeait pas

(point 58). Cela s’impose en particulier quand les assujettis doivent disposer d’un temps

d’adaptation lorsque la suppression du droit dont ils bénéficiaient jusqu’alors les oblige à

procéder à des ajustements économiques conséquents (point 59).

Toutefois, la Cour a soutenu qu’une modification de la méthode de calcul a pour effet non pas

de supprimer le droit à déduction dont disposent les assujettis, mais d’en aménager l’ampleur

(point 61). D’autre part, la Cour a constaté qu’une telle modification n’implique pas, en principe,

en elle-même, que les assujettis procèdent à des ajustements économiques conséquents et,

partant, un temps d’adaptation n’apparait pas strictement nécessaire (point 62).

VII. Remboursements

Le droit, pour un assujetti établi dans un État membre, d’obtenir un remboursement de la TVA

acquittée dans un autre État membre, tel que régi par la directive 2008/9/CE33, est le pendant

du droit, instauré en sa faveur par la directive 2006/112, de déduire la TVA payée en amont dans

son propre État membre. Selon la jurisprudence constante de la Cour, le droit des assujettis de

déduire de la TVA dont ils sont redevables, la TVA due ou acquittée pour les biens acquis et les

services reçus par eux en amont, constitue un principe fondamental du système commun de la

TVA mis en place par la législation de l’Union.

Arrêt du 21 juin 2012, Elsacom (C-294/11, EU:C:2012:382)

Dans cette affaire, l’administration fiscale nationale avait refusé le remboursement de la TVA

payée par la partie défenderesse dans l’affaire au cours de l’année 1999. La demande de

remboursement avait été présentée le 27 juillet 2000. L’administration fiscale avait motivé son

refus par la tardiveté de la demande qui aurait dû être présentée au plus tard le 30 juin 2000.

33 Directive 2008/9/CE du Conseil, du 12 février 2008, définissant les modalités du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, prévu par

la directive 2006/112/CE, en faveur des assujettis qui ne sont pas établis dans l’État membre du remboursement, mais dans un autre État

membre (JO 2008, L 44, p. 23).

Page 46: DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 46

La juridiction de renvoi avait demandé à la Cour si le délai, prévu par la directive 79/1072 pour la

présentation des demandes de remboursement de la TVA de la part d’assujettis non établis à

l’intérieur du pays, constitue un délai de forclusion.

La Cour a constaté que le délai prévu par l’article 7, paragraphe 1, premier alinéa, dernière

phrase, de la directive 79/1072 n’est pas à comprendre comme étant un délai d’ordre, c’est-à-

dire d’un délai qui n’est pas prévu sous peine de forclusion. En effet, eu égard tant au libellé de

ladite disposition en question qu’à l’objectif de la directive 79/1072, à savoir de « mettre fin aux

divergences entre les dispositions actuellement en vigueur dans les États membres [...] qui sont

parfois à l’origine de détournements de trafic et de distorsions de concurrence », la Cour a dit

pour droit que le délai de six mois prévu par la directive, pour la présentation d’une demande

de remboursement de la TVA doit être considéré comme un délai prévu sous peine de

forclusion (points 24, 28, 34 et dispositif).

Arrêt du 25 octobre 2012, Daimler et Widex (C-318/11 et C-319/11, EU:C:2012:666)

Les demandes de décision préjudicielle ont été présentées dans le cadre de deux litiges

opposant une entreprise établie en Allemagne et une entreprise établie au Danemark au

Skatteverket (administration fiscale suédoise), au sujet de la légalité de décisions de celui-ci

rejetant leurs demandes de remboursement de la TVA acquittée en Suède à l’occasion

d’acquisitions de biens ou de services. L’administration fiscale avait décidé de ne pas accorder le

remboursement sollicité au motif que lesdites entreprises disposeraient d’un établissement

stable en Suède. La première entreprise, dont le siège de l’activité économique était situé en

Allemagne, testait des voitures en conditions hivernales dans des installations d’essais situées

en Suède, où elle disposait d’une filiale à 100 % qui lui fournissait des locaux, des pistes d’essais

et des services accessoires aux tests. Ladite entreprise avait effectué des acquisitions dans le

cadre des tests de voitures. La deuxième entreprise, dont le siège de l’activité économique était

situé au Danemark, disposait d’un département de recherche situé en Suède. Elle avait

également effectué des acquisitions de biens et de services pour les besoins des travaux de

recherche réalisés dans ce département. Aucune de ces deux entreprises n’avait réalisé des

opérations imposables en aval en Suède par le biais de leurs services d’essais techniques et de

recherche.

Dans ce contexte, la juridiction de renvoi avait demandé à la Cour, notamment, si un assujetti à

la TVA établi dans un État membre et ne réalisant dans un autre État membre que des essais

techniques ou des travaux de recherche, à l’exclusion d’opérations imposables, peut être

considéré comme disposant, dans cet autre État membre, d’un « établissement stable à partir

duquel les opérations sont effectuées » au sens de la directive 2008/9.

La Cour a énoncé tout d’abord que la notion d’« établissement stable à partir duquel les

opérations sont effectuées » comporte deux conditions cumulatives, tirées, d’une part, de

l’existence d’un « établissement stable » et, d’autre part, de la réalisation, à partir de celui-ci,

d’« opérations » (point 32). Aux fins de l’exclusion d’un droit à remboursement, doit être

constatée la réalisation effective d’opérations imposables par l’établissement stable dans l’État

de présentation de la demande de remboursement, et non pas une simple aptitude dudit

établissement à la réalisation de telles opérations (point 37).

Page 47: DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 47

Ensuite, la Cour a constaté que, dans les litiges au principal, il n’est pas contesté que les

entreprises concernées ne réalisaient pas d’opérations imposables en aval dans l’État membre

des demandes de remboursement par le biais de leurs services d’essais techniques et de

recherche (point 38). Dans de telles circonstances, un droit à remboursement de la TVA doit être

reconnu, sans qu’il y ait lieu d’examiner, par ailleurs, si les entreprises en cause disposent d’un

« établissement stable », dès lors que les deux conditions composant le critère d’« établissement

stable à partir duquel les opérations sont effectuées » sont cumulatives (point 39). Cette

interprétation n’est pas remise en cause par la circonstance que l’assujetti dispose, dans l’État

membre de sa demande de remboursement, d’une filiale à 100 % presque exclusivement

destinée à lui fournir divers services en rapport avec les essais techniques réalisés (point 51 et

dispositif). En effet, une telle filiale à 100 % est une personne morale assujettie de façon

autonome (point 48).

Arrêt du 21 mars 2018, Volkswagen (C-533/16, EU:C:2018:204)

Dans cette affaire, au cours des années 2004 et 2010, une société établie en Allemagne et deux

sociétés établies en Slovaquie (ci-après les « sociétés Hella ») avaient livré à Volkswagen AG,

société établie en Allemagne, des moules destinés à la fabrication de phares pour les véhicules

automobiles. À cette occasion, les sociétés Hella avaient établi des factures hors TVA, ayant

considéré qu’il s’agissait de « compensations financières », exemptées de la TVA. Au cours de

l’année 2010, les sociétés Hella avaient constaté que leur manière de procéder n’était pas

conforme au droit slovaque. Elles avaient alors établi des factures mentionnant la TVA due par

Volkswagen pour les livraisons de biens en cause, introduit des déclarations fiscales

complémentaires pour l’ensemble des années 2004 à 2010 et versé la TVA au budget de l’État.

Le 1er juillet 2011, Volkswagen avait adressé à l’administration fiscale slovaque une demande de

remboursement de la TVA appliquée à ces livraisons.

L’administration fiscale a partiellement fait droit à cette demande, en ordonnant le

remboursement de la TVA correspondant aux livraisons de biens effectuées au cours des

années 2007 à 2010. En revanche, elle a rejeté celle-ci en ce qu’elle se rapportait à la période

allant de l’année 2004 à l’année 2006, en raison de l’expiration du délai de forclusion de cinq ans

prévu par le droit slovaque. Elle a estimé, à cet égard, que le droit au remboursement de la TVA

était né à la date de livraison des biens. La juridiction de renvoi a interrogé la Cour, afin de savoir

si le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la réglementation nationale

d’un État membre en vertu de laquelle, dans des circonstances dans lesquelles la TVA a été

facturée à l’assujetti et payée par celui-ci plusieurs années après la livraison des biens en cause,

le bénéfice du droit au remboursement de la TVA est refusé, au motif que le délai de forclusion

prévu par ladite réglementation pour l’exercice de ce droit aurait commencé à courir à compter

de la date de la livraison et aurait expiré avant l’introduction de la demande de remboursement.

La Cour a d’abord rappelé que le droit à déduction de la TVA est subordonné au respect

d’exigences ou de conditions tant matérielles que formelles (point 40). Bien que le droit à

déduction de la TVA prenne naissance à la date à laquelle la taxe devient exigible, l’exercice

dudit droit n’est en principe possible qu’à partir du moment où l’assujetti est en possession

d’une facture (point 43). Un assujetti peut être autorisé à procéder à la déduction de la TVA

même s’il n’a pas exercé son droit au cours de la période pendant laquelle ce droit a pris

Page 48: DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

DÉDUCTIONS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Novembre 2019 48

naissance, sous réserve du respect des conditions et des modalités fixées par les

réglementations nationales (point 45).

La Cour a constaté que, dans les circonstances en l’espèce, Volkswagen AG avait été dans

l’impossibilité objective d’exercer son droit à remboursement avant la régularisation de la TVA

faite par les sociétés Hella, n’ayant pas disposé auparavant des factures ni su que la TVA était

due (point 49). En effet, c’était seulement à la suite de cette régularisation que les conditions

matérielles et formelles ouvrant droit à déduction de la TVA avaient été réunies et que

Volkswagen AG pouvait demander à être soulagée du poids de la TVA. Dès lors, Volkswagen AG

n’ayant pas fait preuve d’un manque de diligence, et en l’absence d’abus ou de collusion

frauduleuse avec les sociétés Hella, un délai de forclusion qui aurait commencé à courir à

compter de la date de la livraison des biens et aurait, pour certaines périodes, expiré avant cette

régularisation, ne pouvait valablement être opposé au droit au remboursement de la TVA

(point 50).

Toutefois, la possibilité d’exercer le droit à déduction de la TVA sans limitation dans le temps irait

selon la Cour à l’encontre du principe de sécurité juridique (point 46). Le délai doit s’appliquer

de la même manière aux droits analogues en matière fiscale fondés sur le droit interne et à

ceux fondés sur le droit de l’Union, et il ne peut pas rendre en pratique impossible ou

excessivement difficile l’exercice du droit à déduction de la TVA (point 47). De plus, les États

membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte

perception de la TVA et pour éviter la fraude, mais ces mesures ne doivent pas aller au-delà de

ce qui est nécessaire pour atteindre lesdits objectifs, et elles ne peuvent pas être utilisées de

manière telle qu’elles remettraient systématiquement en cause la neutralité de la TVA (point 48).