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A propos de... l&o1 Psychiatr 2001 ; 66 : 506-I 1 0 2001 kditions scientifiques et medicales Elsevier SAS. Tous droits reserves De Cl&ambault et la voyante H.C. P. Le MalCfan * A propos de... La fin d’une voyante de Gagtan Gatian de CMambault l * <( [. ..] ClCrambault, [. ..] adepte d’une sorte de voyance de la folie. . . u (E. Roudinesco. Jacques Lacan. Esquisse d’une vie.. . Paris : Fayard ; 1993. p. 45.) L e le’ decembre 1920, Gaetan Gatian de Clerambault rencontre une femme amenee a l’infirmerie speciale de la Prefecture de police de Paris, quai de l’Horloge, pour recrimination, injures envers son voisinage, tapage nocturne, lettres revendicatrices a son entourage et a des personnalites de haute noblesse. Elle aurait 48 ans ; elle est devenue, Ccrit le docteur de Clerambault dans son certificat d’internement, <( une Cpave sociale )) apt-es une longue periode de delire spirite. Or cette femme fut, 25 ans auparavant, celebre comme voyante dans le Tout-Paris et la France entiere. Elle prophetisait sur l’avenir du pays, inspiree par 1’Ange Gabriel, attirant un public varie, du monde politique a la noblesse, creant, rappelle de Clerambault, (( une Psychose Collective )j). La rencontre entre le tout nouveau maitre de l’intirmerie et la voyante d&hue, folle, prend immediatement la tournure d’une confrontation qui n’a d’egale que l’interet que le cas suscite chez de Clerambault. La teneur du texte de la presen- tation de cette patiente devant la SociCtC clinique de medecine mentale, durant ce mCme mois de decembre 1920, nous en laisse convaincre. De Clerambault note en conclusion que celle qu’il designe par deux initiales : H.C., offre (( un champ d’etudes inepuisable )) et que son delire presente des particularites d’une origina- lit6 Ctonnante. Cette originalite tient a ce qu’actuellement l’etat de transe qui permettait du temps de la gloire pas&e de la sibylle qu’elle gagne la faveur du public en vaticinant, s’est mu6 en dissociation. Autrement dit, ce qui ressortait * Pascal Le Malefan, maitre de conferences en psychopathologic, psychologue psychanalyste, Universite de Rouen, UFR de psychologie, 76821 Mont-Saint-Aigan, France. ** Gaetan Gatian de Cltrambault. La tin d’une voyante. Paris : Les Empecheurs de penser en rond ; 1997. 89 p.

De Clérambault et la voyante H.C.: À propos de… La fin d'une voyante de Gaëtan Gatian de Clérambault

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A propos de...

l&o1 Psychiatr 2001 ; 66 : 506-I 1 0 2001 kditions scientifiques et medicales Elsevier SAS.

Tous droits reserves

De Cl&ambault et la voyante H.C. P. Le MalCfan *

A propos de... La fin d’une voyante de Gagtan Gatian de CMambault l *

<( [. ..] ClCrambault, [. . .] adepte d’une sorte de voyance de la folie. . . u (E. Roudinesco. Jacques Lacan. Esquisse d’une vie.. . Paris : Fayard ; 1993. p. 45.)

L e le’ decembre 1920, Gaetan Gatian de Clerambault rencontre une femme amenee a l’infirmerie speciale de la Prefecture de police de Paris, quai de

l’Horloge, pour recrimination, injures envers son voisinage, tapage nocturne, lettres revendicatrices a son entourage et a des personnalites de haute noblesse. Elle aurait 48 ans ; elle est devenue, Ccrit le docteur de Clerambault dans son certificat d’internement, <( une Cpave sociale )) apt-es une longue periode de delire spirite. Or cette femme fut, 25 ans auparavant, celebre comme voyante dans le Tout-Paris et la France entiere. Elle prophetisait sur l’avenir du pays, inspiree par 1’Ange Gabriel, attirant un public varie, du monde politique a la noblesse, creant, rappelle de Clerambault, (( une Psychose Collective )j).

La rencontre entre le tout nouveau maitre de l’intirmerie et la voyante d&hue, folle, prend immediatement la tournure d’une confrontation qui n’a d’egale que l’interet que le cas suscite chez de Clerambault. La teneur du texte de la presen- tation de cette patiente devant la SociCtC clinique de medecine mentale, durant ce mCme mois de decembre 1920, nous en laisse convaincre. De Clerambault note en conclusion que celle qu’il designe par deux initiales : H.C., offre (( un champ d’etudes inepuisable )) et que son delire presente des particularites d’une origina- lit6 Ctonnante. Cette originalite tient a ce qu’actuellement l’etat de transe qui permettait du temps de la gloire pas&e de la sibylle qu’elle gagne la faveur du public en vaticinant, s’est mu6 en dissociation. Autrement dit, ce qui ressortait

* Pascal Le Malefan, maitre de conferences en psychopathologic, psychologue psychanalyste, Universite de Rouen, UFR de psychologie, 76821 Mont-Saint-Aigan, France. ** Gaetan Gatian de Cltrambault. La tin d’une voyante. Paris : Les Empecheurs de penser en rond ; 1997. 89 p.

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alors a I’hysterie, souligne de Clerambault, et constituait cliniquement un &at transitoire de scission de la personnalid, ne releve plus de l’hysterie mais de la vesanie. Un autre element est intervenu laisse-t-i1 entendre. Mais lequel ? Pour de Clerambault, on le sait, cet Clement est d’origine organique, constitutive, que viendra sceller l’edifice du syndrome d’automatisme mental comme base de la psychose. En 1920 cet edifice n’est pas acheve ; il faudra encore quelque temps pour asseoir le dogme, en bataillant contre Henri Claude, en delaissant Janet, en negligeant Freud. En 1930, au faite de sa gloire, Clerambault pourra ainsi dire que (( l’origine organique des hallucinations tend de plus en plus a Ctre admise B. Or ce constat, il le fait lors d’une discussion a la SociCtC medico-psychologique sur un cas de delire de persecution et de possession suite a des pratiques spirites, pre- cisement des pratiques de transe mediumnique’. Mais c’est apres avoir lance un enonce introductif Cnigmatique lorsqu’on ne connait pas exactement la teneur des debats et de la clinique d’alors : (( Les Delires a Debut Spirite, dit de Clerambault, sont les derniers a poser encore la question des Hallucination Psychogenes )?.

H.C., l’ancienne medium adulee, l’ancienne entransee extatique, qu’un delire des actes a conduit a l’internement, mettait justement face a face le tenant d’un organicisme revendique et une des representantes les plus spectaculaires de cet &at de folie Cmotionnelle maitrisee, hautement Cnigmatique pour la psychopatho- logie : la mediumnite spirite. Que de Clerambault ait pu dire que ce cas offrait un champ d’etude inepuisable doit s’entendre alors, paradoxalement sans doute, comme l’aveu d’une sorte de fascination et la reconnaissance d’un champ que n’epuisera jamais la conception de l’automatisme mental ; une limite externe a son hegemonic en quelque sorte. Comment peut-on interpreter autrement le souhait que de Clerambault formule dans les commentaires sur le cas de H.C. don&s devant la Societe clinique de medecine mentale - qu’il jugera d’ailleurs impossible a realiser - lorsqu’il suggere qu’il reste encore a Clucider la nature intime des Etats de transe mediumnique par une etude en serie pour saisir en quoi ils offrent des analogies et des differences radicales avec la nature de la psychose et du Syndrome S ? Impossible de son seul point de vue au demeurant, car au meme moment, en 1920 done, la recherche metapsychique bat son plein. Un Institut metapsychique international voit en effet le jour a Paris en 19 19, avec le projet d’etudier scientifiquement les facultts psychologiques, physiologiques et physiques des mediums. Cet Institut fut d’ailleurs declare d’emblee d’utilite publique du fait de sa mission d’hygiene mentale. Le docteur Gustave Geley, son premier directeur, y mene en 1920 et 192 1, puis en 1922 et 1923, des experiences avec des mediums A effets physiques, experiences qui defray&rent la chronique mais qui furent aussi l’occasion d’un discredit pour ce genre de recherches. Toutes autres furent les experiences et la theorisation du second directeur, le docteur Eugene Osty, sur la clairvoyance, dont le principal merite consista a maintenir une approche positive de l’automatisme, alors que les surrealistes en

’ Texte contenu dans Lafin d ‘we voyanre, op. cit. * Sur ce point, je renvoie A mon ouvrage Folie er spiritisme [ 1 J.

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exploraient, au mCme moment, et non sans quelque dette a l’egard de la m&a- psychique et du spiritisme, l’aspect createur. Doit-on rappeler que de ClCram- bault etait leur bete noire, qui le leur rendait bien d’ailleurs ?

Mais qui Ctait vraiment cette H.C. ? 11 est evident que de Clerambault en sait long sur elle, ce qui parait assez Ctonnant du fait du court laps de temps entre l’internement et la presentation devant la Sock% clinique de medecine mentale. 11 donne en effet beaucoup de details biographiques, obtenus en partie il est vrai par la malade elle-meme, done suspects nous dit-il, comme son age et sa date de naissance - j’y reviendrai. Mais il donne Cgalement bien d’autres elements prove- nant d’autres sources. 11 dispose sur elle d’un veritable dossier compose d’articles de journaux et d’ouvrages, portant sur l’epoque de sa courte celebrite, soit entre 1895 et 1899 - mais aussi sur sa vie plus recente. Ainsi il peut preciser que le 26 mai 19 16 elle entendit encore 1’Ange Gabriel lui .parler, et que le 23 avril 19 18, sa voix et son visage ont CtC transform&, debut de son nouveau delire. Certes, il ne faut pas l’oublier, de Clerambault presenta H.C. avec la contribution d’un assistant, Brousseau. Peut-Ctre ce dernier fit-i1 les recherches necessaires, mais cela parait peu probable ? L’hypothese que je propose est plutot que de Cleram- bault s’interessait depuis longtemps a celle qu’il allait rencontrer dans les circonstances que nous avons rappelees. Neanmoins, pour le moment, je n’en ai que la conviction etayee par quelques remarques qu’il formule3, et la suite de la recherche demontrera ou non le contraire.

La documentation que mentionne de Clerambault, dont il reprend des passages dans son propre texte sans d’ailleurs en dormer les references4 - ajoutee aux indi- cations qu’il livre concernant la vie pas&e de cette voyante celebre, notamment les circonstances de sa mise en rapport avec 1’Ange Gabriel, sa faqon de vaticiner par des vers assonants en e’, ses liens avec un parti politique, les debats entre les medecins qui l’examinerent en 1895-96 - de Clerambault regrette qu’aucun n’ait Cte alieniste ! - et les pretres, tout ceci permet de supposer que sous les initiales H.C., il S’agissaitd’Henriette Co&don, prophetesse en effet fort celebre a la fin du XIXe siecle, appelee Cgalement (< la voyante de la rue de Paradis )), lieu de son logement dans le 10e arrondissement de Paris. Son role dans le mouvement reac- tionnaire et traditionaliste contre la lakite et le declin du catholicisme a CtC recemment esquisse par l’historienne Nicole Edelman ([3], p. 46-7) ; elle montre en particulier que les predictions de cette petite somnambule, s’exerqant d’abord dans un cercle spirite restreint et en famille, devinrent assez vite des propheties dans lesquelles on a voulu voir la messagere de l’avenir de la France. Manipulee par une extreme droite monarchiste, elle fut le heraut d’un messianisme catastro- phique et d’une redemption par le retour de la royaute. Henriette Co&don pre-

3 N Sur quoi portait ces propheties ? De grands Cvenements nationaux et religieux... Des cataclysmes physiques Sent predits : inondations, incendies, etc. Tous les personnages, tous les themes, alors d’actua- lit& du moins dam un certain milieu, y figuraient sur un m&me plan. Le melange en parait bizarre a I’heure actuelle )). Lafin d’une voyante, op. cit., p. 18 (c’est moi qui souligne). 4 On peut au moins reconnaitre I’ouvrage de Gaston M&y, La Voyanre de la rue de Paradis [2].

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disait imperturbablement, jusque dans son delire d’ailleurs, l’avenement d’Henri V, dernier representant ltgitime du t&e. Elle appartient done Q ce (( tissu du pro- phetisme royal )) Cvoque par Jacques Maitre, qui s’est vigoureusement deploye apres 1870, obligeant discours ecclesiastique et discours medical a une confron- tation au sujet de la nature des visions ou voyances [4].

Concernant ce demier point, on peut rappeler que le cas d’Henriette Couedon a justement donne lieu a diverses interpretations medicales et psychopathologiques des 1896. Zola a d’ailleurs pu Ccrire dans le Figaro, apres avoir consulte inco- gnito la voyante sur ses chances d’entrer a l’AcadCmie, qu’il voyait surtout la un cas curieux pour les medecins. 11 serait fastidieux de les reprendre toutes. J’aime- rais quand meme en Cvoquer quelques unes, celles qui en particulier predisaient un avenir psychiatrique a la voyante. En premier lieu je citerai l’avis de l’incon- toumable Charles Richet - incontoumable lorsqu’il s’agit de questions touchant aux pouvoirs supra normaux de l’esprit, qui le passionnaient et dont il attendait avec ardeur de recevoir la preuve formelle [S]. Las, Henriette Couedon, de son point de vue, n’est pas du tout la personne chez laquelle il pourrait la trouver ! L’Ange Gabriel ? une creation de son esprit malade, Ccrit Richet. Sa lucidite ? elle n’a pu en donner la plus minuscule preuve. Elle delire selon lui, et ajoute qu’il y a quelque cruaute a developper chez cette jeune fille de pareils phenome- nes qui toument en general assez ma1 et m&rent sur la pente d’une degeneres- cence mentale rapide. Venant de Richet, qui se montrera plus tard beaucoup moins perspicace, ce jugement valait bien celui d’un alieniste contim& !

J’ai mention& plus haut que de Clerambault avait deplore ne voir aucun alie- niste parmi les medecins sollicites par la grande presse pour donner leur avis sur le cas d’Henriette Couedon. I1 fallait avoir observe un al&C sur le vif, s’insur- geait-il, pour Cvaluer correctement la situation. Cependant les rapports medicaux rendus publics d&s 1896, auxquels se refere manifestement de Clerambault dans sa presentation de 1920, sont, pour certains, et bien que n’emanant pas en effet d’alienistes, plutot pessimistes quant a l’etat mental de la voyante et a son avenir. Un certain Dr Hacks parle de monomanie religieuse qui pourrait, (( vite ou doucement )j), amener la voyante a la folie, a la manie de la persecution. Un autre observateur, le docteur Le Menant des Chesnais, qui a effectd, en 1896 Cgale- ment, une veritable enqdte sur l’origine du don d’Henriette Couedon, insiste de son tote sur son infatuation, l’exageration de son moi et la fragilite psychique l’ayant toujours caracterisee ; de sorte que chez cette (( nerveuse desequilibree )), annonce-t-il, l’entrainement a la transe sera sans doute fatal a son Ctat mental [6].

Un demier rappel des interpretations medicales me parait encore necessaire car il Cclaire plus precisement le geste de de Clerambault lorsqu’il leur denie toute pertinence. En novembre 1896, Maurice Prouvost soutient une these, a Bordeaux,

5 Le point de vue plutbt negatif de Richet doit aussi se comprendre par ses positions pro-dreyfusardes : Henriette Co&don manifestait des tendances anti&mites et pkdit, comme une calamitk, I’basion du capi- taine Dreyfus pour 1896 - cf: Nicole Edelman ([3], p. 255-72). Je remercie Jacqueline Carroy de m’avoir suggCrk cette idbe.

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sur le d&ire prophetique. These historique et clinique comme il Ctait souvent coutume, dans laquelle il examine le cas actuel d’Henriette Co&don. Ce qu’il en dit prend un relief particulier du fait que son etude lui a CtC vivement conseillee par son cousin, qui n’etait autre que RCgis, et dont Prouvost soutient ici les conceptions psychopathologiques.

Aussi, sans grande surprise, voit-il dans le prophetisme d’Henriette Couedon une forme d’hysterie delirante, au pronostic aleatoire certes mais en tout cas moins grave que celui du delire prophetique vesanique des alienes. Cette hypo- these clinique a toute son importance car l’escamotage de la folie hysterique Ctait en marche. Entre 1895 et 1910 les references a l’hysterie et a sa forme delirante et/au chronique vont peu a peu disparaitre du discours de la psychiatric. Or RCgis fut l’un de ceux qui maintim-ent, face a l’hegemonie du concept de schizophrenic, une place pour la folie hysterique. Ajoutons Cgalement que les delires spirites, encore appeles delires de mediumnit& isoles au tout debut du XXe sibcle, contri- b&rent a garder un lien avec le cadre de la n&rose et l’hysterie en particulier.

La recusation pot-tee par de Clerambault peut done s’interpreter comme l’affir- mation d’une position doctrinale a l’encontre de tout le cow-ant rattache au para- digme de l’hysterie. Qui plus est a l’hysterie de la Salpetribre ; celle de Babinski, rebaptisee (( pithiatisme )), trouvant sans doute plus de pertinence a ses yeux. Les medecins mis en cause par de Clerambault, en plus de ceux que j’ai deja cites, Ctaient en effet des figures pour le moins caricaturales de l’histoire de l’hysterie : l’hypnologue, membre de 1’AcadCmie de Medecine, Victor Dumontpallier, son Cl&e Edgar Berillon, Georges Guinon, Cleve de Charcot.

Mais au-dela de cette bataille qui se livrait dans la psychiatric de l’entre-deux- guerres portant essentiellement sur l’interpretation donnee a l’automatisme et a la desagregation, le texte de la presentation de la patiente H.C. temoigne de la souf- fiance d’une femme qui se vit bafode, en danger, desillusionnee, mais parfois encore convaincue d’avoir le Don de prophetic, d’etre un Ctre d’exception. Diffi- tile aujourd’hui de porter un diagnostic retrospectif a la seule lecture de ce texte de de Clerambault. Mais il est possible de signaler au moins une chose qui vient s’ajouter a l’ensemble rassemble par le maitre de l’infirmerie speciale et qui cor- robore l’une de ses remarques - a moins qu’elle ne vienne d’Henriette Co&don elle-mCme tant ses Cnonces semblent se fondre dans la prose de de Clerambault.

Au chapitre des (( Conceptions delirantes )), de Clerambault relate le delire de filiation d’Henriette Co&don, delire d’ailleurs fluctuant dans ses attributions. Elle aurait une origine royale ou imperiale ; ses parents ne seraient pas ses vrais parents ; Napoleon III pourrait Ctre son p&e, ou alors un prince allemand. Trois chases, Ccrit de Clerambault, sont en tout cas certaines pour elle : sa mere a mene une vie galante, son p&e Ctait un grand de la terre et son acte de naissance a CtC falsifie. Henriette Couedon, precise de Clerambault, est persuadee d’etre nee avant la guerre de 70, probablement en 1869 ; son acte de naissance a CtC post- date.

Le (( probablement )) fait sans doute reference aux entretiens d’admission oti Henriette a du decliner son identite et sa biographie. Elle aurait alors (( discute )),

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signale entre parentheses de Cltrambault, la date de sa naissance, don&e pour le 16 octobre 1872, date que l’on retrouve d’ailleurs dans les Ccrits journalistiques du temps de sa gloire pas&e. Mais est-ce elle-meme ou de Clerambault qui a propose l’hypothbse de 1869, rien ne permet de le dire ? Seulement l’acte de naissance authentique d’Henriette-Eugenic-Marie Cot&don, et son acte de bapteme, donnent tous deux la date du 16 octobre 1867 ! Elle n’avait done pas 48 ans lorsqu’elle fut internee mais 53 ans. Sa conviction &it au moins chrono- logiquement fondee. Que pouvait signifier un tel oubli ou rejet de l’origine et pre- cisement de l’annee de naissance, le jour et le mois &ant exacts ? Peut-on faire plus que d’evoquer ce qu’elle confie a de Clerambault au sujet de sa mere : elle aurait eu quatre grossesses : un enfant mort en bas age et deux fausses couches. Henriette Ctait-elle en fait une autre ?

Pour tinir, une demiere remarque. De Clerambault intitule le texte de sa presen- tation Lafin d’une voyante ; il annonce qu’il aura sans doute a rep&enter cette malade apres l’avoir suffisamment observee. 11 Cvoque en effet son cas une nouvelle fois en 1930 dans la discussion a la Sock% medico-psychologique que j’ai precedemment citee. Mais, a ma connaissance, il n’en reparlera plus. 11 reste done encore a savoir ce qu’Henriette Couedon est devenue. Comment son delire a-t-i1 pu Cvoluer ? Quelles traces, quels Ccrits a-t-elle pu produire ? Ce n’est qu’avec ces elements que l’on pourra parler de sa tin, la vraie.

n RliFliRENCES n

1 Le Malefan P. Folie et spiritisme : histoire du discours psychopathologique sur la pra-

4 Maitre J. Visions et/au hallucinations,chez les visionnaires-prophetesses catholiques. Evol Psy-

tiaue du soiritisme. ses abords et ses avatars chiatr 2000 ; 65 : 255-72. (I’sSO-1950). Paris : L’Harmattan ; 1999.

2 M&y G La voyante de la rue Paradis. Pref. d’Edouard Drumont. Paris : E. Dantu ; [s.d].

3 Edelman N. Voyantes, guerisseuses et visionnaires en France (1785-1914). Paris : Albin Michel : 1995.

5 Richet C. La voyante de la rue Paradis. Revue scientifique 1896 ; I9 : 586-91.

6 Le Menant des Chesnais. Le cas de Me’le Couedon. Annales des Sciences psychiques 1896 ; mars- avril.