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QUÉBEC MESURES DE GUERRE Préface de Fernand Dumont JEAN PROVENCHER SOUS LA LOI DES 1918

DE GUERRE 1918...– Jean-François Nadeau, Adrien Arcand, führer canadien – Jean-François Nadeau, Robert Rumilly. L’homme de Duplessis – Francis Simard, Pour en fi nir avec

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QUÉBEC MESURESDE GUERRE

Préface de Fernand Dumont

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« Ce qui frappe avant tout dans ce livre », écrit Fernand Dumont en préface, « ce sont ces déferlements de foules – 15000 personnes certains jours – sans chefs, sans orga -nisation, sans stratégie un peu définie. Protestation qui venait du fond d’une pénible vie quotidienne, d’une ran -cœur entretenue au fil des ans mais jamais vraiment dite,d’une servitude qu’il était impossible de traduire dans unmouvement proprement politique. »

En juillet 1917, voyant l’hécatombe se prolonger en Europe et sous la pression de l’Empire britannique, le pre-mier ministre Borden vote la conscription. De nombreuxCanadiens français refusent de s’y soumettre : l’arméecanadienne est majoritairement anglophone et l’on sait desource sûre que les francophones, éparpillés, y endurentdiverses brimades. Mais cette rébellion prend une tournuredramatique : elle vaut aux réfractaires l’intervention del’armée fédérale, des perquisitions, des arrestations, la loimartiale.

Ce livre raconte les cinq jours d’émeutes du printemps1918, cinq jours dont l’issue a été funeste pour quatreQuébécois. L’ironie de l’Histoire est parfois violente : pours’être opposés à la guerre, des Québécois sont morts de laguerre, dans les rues mêmes de Québec.

Historien indépendant depuis 35 ans, Jean Provencher estauteur ou coauteur d’une trentaine d’ouvrages. En 2011, ila obtenu le prix Gérard-Morisset du gouvernement duQuébec, qui couronne l’ensemble d’une carrière consacréeau patrimoine. Il anime depuis quelques années le bloguewww.jeanprovencher.com.

Québec sous la Loi des mesures de guerre - 1918

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de guerre

1918

Préface de Fernand Dumont

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La collection « Mémoire des Amériques » est dirigée par David Ledoyen

Dans la même collection :

– Chartrand, Vallières, Gagnon, Lemieux, Larue-Langlois, Le procès des Cinq

– André d’Allemagne, Le colonialisme au Québec– Daniel Francis, Le péril rouge– Front de libération du Québec, Manifeste d’octobre 1970– Jean-François Nadeau, Adrien Arcand, führer canadien– Jean-François Nadeau, Robert Rumilly. L’homme de Duplessis– Francis Simard, Pour en fi nir avec Octobre

Photos de couverure : tirées du journal La Patrie, les 3, 4 et 6 avril 1918, collection numérique de banq.

© Lux Éditeur, 2014www.luxediteur.com

Première édition : Les éditions du Boréal Express Ltée, 1971

Dépôt légal : 3e trimestre 2014Bibliothèque et Archives CanadaBibliothèque et Archives nationales du QuébecISBN : 978-2-89596-192-5ISBN (PDF) : 978-2-89596-807-8

Ouvrage publié avec le concours du Conseil des arts du Canada, du Programme de crédit d’impôt du gouvernement du Québec et de la sodec. Nous reconnaissons l’aide fi nancière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (fl c) pour nos activités d’édition.

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À la mémoire d’Honoré Bergeron,

d’Alexandre Bussières,

de Georges Demeule

et d’Édouard Tremblay

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Nos pères ont rouspété pendant des siècles ;

ils n’étaient pas ces moutons dociles que

l’on nous a souvent décrits.

Fernand Dumont, La Vigile du Québec

Il est diffi cile, même pour qui a prétendu pénétrer

la mentalité des habitants du Québec, de

comprendre pourquoi, sur trois générations, toute

une race s’est trouvée profondément touchée par la

pendaison d’un seul homme dans la lointaine

Regina, bouleversée au point de provoquer un

changement quasi total dans son allégeance

politique, alors que ce même peuple, après un

temps de quelques semaines seulement, a laissé

sombrer dans le silence et l’oubli ce qui n’était rien

d’autre, dans leurs esprits du moins, que le

massacre impitoyable et brutal de citoyens

désarmés au cœur de leur propre province.

Charles G. Power, Québec Riots, notes transmises à Pierre Chaloult en 1962

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avant-propos à la nouvelle édition

une histoire qui ne cesse de vivre

Mon premier emploi fut celui de documentaliste à la Commission d’étude sur l’intégrité du territoire,

mise sur pied par le premier ministre Daniel Johnson et présidée par le géographe Henri Dorion. Nous étions dans les années 1960. Plusieurs membres de cette petite équipe, dont moi-même, devaient passer en revue les archives des différents ministères du gouvernement du Québec depuis 1867, repérant les documents liés d’une manière ou d’une autre à l’histoire des frontières de la province. Un collègue et moi avions pour mandat d’ex-plorer les dossiers du ministère de la Justice. C’est alors qu’un document ayant pour titre Enquête tenue devant le coroner pour le district de Québec le 8 avril et les jours sui-vants sur les causes de la mort de Honoré Bergeron, Alexandre Bussière, Georges Demeule et Édouard Tremblay nous est tombé entre les mains. J’ignorais tout à fait qu’une longue histoire, alors, démarrait.

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La consultation de ce document, assortie de recher-ches aux Archives publiques du Canada à Ottawa, au service des greffes et des archives de la Ville de Québec, au presbytère de la paroisse Saint-Sauveur de Québec, et de la lecture d’imprimés et d’études, allait me permettre de rédiger un récit des émeutes de Québec ayant eu lieu en 1918. Le travail, préfacé par un de mes deux maîtres, le grand Fernand Dumont, serait publié aux Éditions du Boréal Express en 1971 sous le titre Québec sous la Loi des mesures de guerre 1918.

L’ouvrage connut un certain succès critique. Le méde-cin et écrivain Jacques Ferron, par exemple, le qualifi a d’« écrit sans vaine recherche et de main sûre ».

Autrement dit, poursuivait Ferron, le style n’en est pas apparent et n’entrave pas le récit, rapide du commence-ment à la fi n par l’incessante relance des trois temps, pré-sent, passé, futur, relance en fonction du discours où ces temps équivalent à trois vitesses différentes et n’ont aucun rapport avec le tempo historique lui-même. Cela n’a pas le fringant de Michelet. Michelet ne cache pas sa passion. Provencher le fait. Cela ressemble plutôt à du Voltaire. En tous cas, l’air de rien, c’est rudement bien écrit.

C’était ma première œuvre, et ce mot fut mon encoura-gement à poursuivre en histoire jusqu’à aujourd’hui.

À la fi n de 1972, le comédien et directeur artistique du Théâtre du Trident, à Québec, Paul Hébert, rêvant de refaire le grand succès de Charbonneau et le Chef, la pièce de John Thomas McDonough, m’a contacté pour que nous refassions au théâtre l’enquête du coroner qui avait suivi la tuerie du 1er avril 1918. Je lui ai répondu que je n’avais jamais rédigé de pièce de théâtre, qu’il devrait plutôt penser à une adaptation du livre. « Non, non, il n’est pas question d’adapter le livre, m’a relancé Paul Hébert, mais d’y aller d’une reprise au théâtre de

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l’enquête du coroner. » Et c’est ainsi qu’est née la pièce Québec, printemps 1918. Paul a trouvé le titre. « Comme le début d’une lettre », me disait-il. Jouée au théâtre du Trident à 20 reprises en octobre 1973, elle a été la pièce qui attira le plus grand nombre de spectateurs au cours de la saison 1973-1974, avec un taux d’assistance de 86 %.

Deux ans plus tard, le réalisateur Jean-Paul Fugère a remonté la pièce, en faisant un téléthéâtre dans le cadre des Beaux Dimanches, l’émission phare des dimanches soirs à la télé de Radio-Canada. Cette réalisation a rem-porté le prix Annik 1975, décerné au meilleur documen-taire dramatique des réseaux français et anglais de la société d’État, et elle a été choisie par cette dernière pour la représenter au festival international de télévision de Venise, en septembre 1977.

Nécessitant 32 personnages et fi gurants, la pièce n’a pas été reprise par un théâtre professionnel. Toutefois, deux troupes de théâtre amateur l’ont remontée, La Limonade Rose, à Québec, au début des années 1980, et Théâtre en Ville, à L’Assomption, à la toute fi n des années 1990. La troupe de L’Assomption s’est produite dans la salle de l’ancien palais de justice de l’endroit et au théâtre Hector-Charland, puis s’est rendue au Palais Montcalm, à Québec.

Traduite en anglais par l’écrivain américain Leo Skir, la pièce Quebec, Spring 1918 fut publiée en 1980 dans le numéro 28 de la Canadian Theatre Review, à Dowsview, Ontario. Skir, qui en avait vu la version française au Trident, trouvait qu’il y avait beaucoup de ressemblances entre la tuerie de Québec et celle de l’université d’État de Kent, dans l’Ohio. Le 4 mai 1970, quatre étudiants protestant contre l’intervention américaine armée au Cambodge avaient été tués par la garde nationale sur

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leur campus. « Comme à Québec, disait Leo, ils furent quatre à mourir chez eux, de la guerre, pour s’être oppo-sés à la guerre. »

Par ailleurs, à Québec, peu après dans les années 1980, un groupe de férus d’histoire relevait qu’il était étonnant que l’événement de 1918 ne soit d’aucune façon souligné dans la capitale. Trois des quatre personnes tuées en 1918 étant des ouvriers, la Confédération des syndicats natio-naux a fait fabriquer une plaque de bronze qu’elle a appo-sée sur la façade de son édifi ce du boulevard Charest, devenu aujourd’hui la Maison de la coopération.

Et l'histoire continue. En 1989, Louis Bélanger, du conseil d’administration du Comité des citoyens du fau-bourg Saint-Roch a pris l’initiative d’écrire au nouveau maire de Québec, Jean-Paul L’Allier, pour demander à la Ville d’élever un monument à la mémoire de nos quatre assassinés. Bien que le maire fût sympathique à l’idée, il lui a répondu qu’il fallait plutôt qu’il s’adressât à la res-ponsable du service des greffes et des archives, qui lui expliquerait la marche à suivre.

M. Bélanger est entré en contact avec moi, j’ai ren-contré la responsable du service des greffes et des archives, et Louis et moi avons formé un comité pour lever des fonds. La tâche était ardue, mais fi nalement nous sommes arrivés à amasser la somme nécessaire de 80 000 dollars.

Nous avons alors ouvert un concours auprès des artistes des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches. Soixante-sept personnes se sont montrées intéressées. Le jury en a choisi cinq et leur a demandé de préciser leur conception, de proposer une maquette. Finalement, nous avons arrêté notre choix sur le projet de Mme Aline Martineau, artiste à Québec. Nous espérions un monu-ment sobre et seyant à l’endroit où il serait élevé, soit à la rencontre des rues Saint-Joseph, Saint-Vallier et Bagot,

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dans le quartier Saint-Sauveur, là où avait eu lieu la fusillade.

L’œuvre d’art commémorative signée Aline Martineau a été érigée en 1998, 80 ans après l’événement. Et, pour la circonstance, la Ville de Québec a créé la place du Printemps- 1918.

La suite de cette histoire ? Peut-être nous réserve-t-elle encore des surprises. Quoi qu’il en soit, la réédi-tion chez Lux Éditeur de ce récit lui donnera un souffl e nouveau.

Jean Provencher

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préface à l’édition de 1971

1917, 1918. En Ontario quelques années plus tôt, le Règlement 17 a attenté aux droits des écoles fran-

çaises. La guerre mondiale se poursuit, interminable. Le recrutement, la conscription font déferler, chez les anglo-phones canadiens, les vieilles haines raciales ; on réclame l’emprisonnement de ceux qui se sont opposés à la Loi du service militaire ; on demande même la suppression du Devoir et l’« exécution » d’Henri Bourassa. Aux élections de 1917, les électeurs du Québec se sont opposés massive-ment au gouvernement conscriptionniste et se trouvent pratique ment sans représentation au sein du pouvoir.

Des mouvements divers surgissent un peu partout. Des bagarres, des attentats ont lieu à Montréal. Ces mani-festations ne se limitent pas à la métropole ; elles s’éten-dent à Shawinigan, par exemple. Et voilà que la ville de Québec est atteinte à son tour. Des agents fédéraux, policiers d’occasion pour plusieurs, traquent sans merci les jeunes gens assujettis à la conscription. Les méthodes utilisées ne sont pas toujours orthodoxes. Le maire Lavigueur, homme d’ordre et de sentiment rassis, dénonce lui-même au premier ministre du Canada « le manque de discrétion, de tact, de discernement de la part des agents responsables de l’application de la Loi sur le

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service militaire ». Les gens de la Basse-Ville, de Saint-Roch, de Saint-Sauveur et d’ailleurs s’expriment, sans doute, en des termes plus vigoureux ; certains le font bien voir dans les émeutes qui débutent dans la capitale au cours de la « semaine sainte » de 1918.

C’est l’histoire de ces journées que, dans ce livre, raconte minutieusement, et avec le plus grand souci de la documentation exacte, un jeune historien québécois. Jean Provencher a soigneusement inventorié les sources, comme on le verra. Il utilise largement, entre autres, les dépositions à l’enquête du coroner. On lira avec passion ce livre écrit pourtant avec la plus stricte objectivité.

On en tirera aussi de précieuses leçons. Cet ouvrage, et c’est ce qui lui donne sa force première d’interroga-tion, se présente d’abord comme une chronique. Mais il éclaire, comme le font les récits de toutes les crises, des dimensions essentielles de la société du temps. Je ne retiendrai que quelques traits, laissant au lecteur le soin de puiser dans sa lecture bien d’autres suggestions.

Dans ce drame, pourtant circonscrit dans le temps, c’est le vieil antagonisme des deux nations qui ressort tout d’abord. Il surgit des insondables profondeurs. On aurait tort de limiter le regard sur les événements ici racontés à un affrontement entre le pouvoir et le peuple. Par exemple, on s’attardera au passage sur cet extrait d’une lettre du colonel Wood, qui habite dans la Grande Allée à Québec, à son ami le premier ministre du Canada : « La majeure partie de la police, de la brigade d’incendie et des militaires canadiens-français sont plus ou moins sympathiques à la populace, craignant de poser quelque geste que ce soit qui pourrait les faire passer pour des ennemis aux yeux de leur propre peuple. » En voilà un qui croyait à la théorie des deux nations ! Il est vrai que, quand il supplie, dans la même lettre, qu’on « se

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préface à l’édition de 1971 19

prenne le taureau par les cornes », il ne songe sans doute pas à des conférences constitutionnelles... Dans le même sens, le lieutenant-colonel Harold Machin, dépêché sur les lieux par le gouvernement fédéral, écrit à Borden : « Les autorités provinciales et municipales ne feront rien et sont sympathiques aux gestes de la populace. »

La populace : ce terme revient souvent dans les textes cités ici. Il traduit le mépris fréquent des pouvoirs. Mais il n’est pas dénué d’exactitude. Ce qui frappe avant tout, dans ce livre, ce sont ces déferlements de foules – 15 000 personnes certains jours – sans chefs, sans organisation, sans stratégie un peu défi nie. Protestation qui venait du fond d’une pénible vie quotidienne, d’une rancœur entretenue au fi l des ans, mais jamais vraiment dite, d’une servitude qu’il était impossible de traduire dans un mouvement proprement politique. On en verra le témoignage dans l’absence de concertation : les arres-tations et les perquisitions qui ont suivi les fusillades auraient permis de trouver les chefs et les plans s’ils avaient existé. Que l’on écoute aussi les cris qui fusaient de ces foules et qui, dans leurs énoncés naïfs comme dans leur haletante colère, étaient des protestations sans espérance politique.

On ne manquera pas d’en tirer toutes sortes d’hypo-thèses sur l’histoire de la démocratie en ce pays.

Et l’on s’interrogera fatalement sur les raisons d’être de ce manque d’organisation. En cette conjoncture comme en tant d’autres, les Canadiens français auraient-ils été une masse informe, sans leaders véritables ? Le dossier de Jean Provencher force à méditer là-dessus. Car il évoque quelques représentants typiques des élites de l’époque.

Commençons par en haut, par Armand Lavergne, nationaliste, anticonscriptionniste, écouté des foules et

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table des matières

Avant-propos à la nouvelle édition .............................. 11Préface à l’édition de 1971 ............................................ 17Chronologie .................................................................. 23Les protagonistes ........................................................... 29Chapitre 1. La conscription et les Québécois :

1914-1918 ................................................................. 33Chapitre 2. Le soulèvement populaire de Québec :

28 mars – 1er avril 1918 ............................................ 51Épilogue ....................................................................... 141Bibliographie ............................................................... 155

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cet ouvrage a été imprimé en septembre 2014 sur les presses des ateliers de l’imprimerie gauvin pour le compte de lux, éditeur à l’enseigne d’un chien d’or de légende dessiné par robert lapalme

L’infographie est de Claude Bergeron

Lux ÉditeurC.P. 60191,

Montréal, Qc, H2J 4E1

Diffusion et distributionAu Canada : Flammarion

Imprimé au Québecsur papier recyclé 100 % postconsommation

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Préface de Fernand Dumont

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« Ce qui frappe avant tout dans ce livre », écrit Fernand Dumont en préface, « ce sont ces déferlements de foules – 15000 personnes certains jours – sans chefs, sans orga -nisation, sans stratégie un peu définie. Protestation qui venait du fond d’une pénible vie quotidienne, d’une ran -cœur entretenue au fil des ans mais jamais vraiment dite,d’une servitude qu’il était impossible de traduire dans unmouvement proprement politique. »

En juillet 1917, voyant l’hécatombe se prolonger en Europe et sous la pression de l’Empire britannique, le pre-mier ministre Borden vote la conscription. De nombreuxCanadiens français refusent de s’y soumettre : l’arméecanadienne est majoritairement anglophone et l’on sait desource sûre que les francophones, éparpillés, y endurentdiverses brimades. Mais cette rébellion prend une tournuredramatique : elle vaut aux réfractaires l’intervention del’armée fédérale, des perquisitions, des arrestations, la loimartiale.

Ce livre raconte les cinq jours d’émeutes du printemps1918, cinq jours dont l’issue a été funeste pour quatreQuébécois. L’ironie de l’Histoire est parfois violente : pours’être opposés à la guerre, des Québécois sont morts de laguerre, dans les rues mêmes de Québec.

Historien indépendant depuis 35 ans, Jean Provencher estauteur ou coauteur d’une trentaine d’ouvrages. En 2011, ila obtenu le prix Gérard-Morisset du gouvernement duQuébec, qui couronne l’ensemble d’une carrière consacréeau patrimoine. Il anime depuis quelques années le bloguewww.jeanprovencher.com.

Québec sous la Loi des mesures de guerre - 1918

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