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la botanique de la plante à l’objet d’art décoratif Si la nature fut une source d’inspiration infinie pour les artistes de l’École de Nancy, ce n’est pas le fruit du hasard. En effet, à la fin du XIX e siècle, la renommée horticole de Nancy est incontestable. A cette époque, la bourgeoisie nancéienne se passionne pour la botanique : les maisons disposent souvent de parcs, de serres et de vérandas abritant de riches collections de plantes. Les femmes de la bonne société participent d’ailleurs régulièrement à des concours de bouquets et compositions florales. De plus, à l’initiative du duc Stanislas, un jardin botanique est installé depuis 1756 dans la ville, rue Sainte-Catherine. Nommé directeur du jardin en 1854, Dominique-Alexandre Godron développe l’enseignement de la botanique à Nancy. En 1877 est créée la Société centrale d’horticulture de Nancy présidée par Léon Simon, horticulteur originaire de Metz. Le secrétariat est confié à Émile Gallé, artiste et botaniste. La Société centrale d’horticulture organise de nombreuses expositions horticoles qui contribuèrent largement à mettre en valeur le travail des horticulteurs nancéiens, tels Victor Lemoine et Félix Crousse. Félix Crousse reprend la succession de son père en 1865 et développe les cultures de pivoines, de géraniums lierre et de cyclamens. Il est également un des premiers horticulteurs à cul- tiver les orchidées à Nancy. Mais il doit sa célébrité à la culture des bégonias dans laquelle il se spécialise presque totalement. Victor Lemoine, petit-fils et arrière petit-fils de jardinier, intro- duit des plantes nouvelles et pratique l’hybridation. Il met ainsi au point plusieurs variétés de glaïeuls, de fuschias et de clématites. Il travaille également sur les arbustes à fleurs tels que le lilas et le deutzia. Les pépinières de Victor Lemoine sont installées rue du Montet, à proximité des établissements Gallé situés rue de la Garenne : il suffisait donc à l’artiste et ses col- laborateurs de traverser la rue pour trouver des modèles à ses nombreuses créations. Une amitié solide se noue ainsi entre les deux hommes : le vase Primavera réalisé par Émile Gallé en l’honneur de Victor Lemoine en est l’illustration. En effet, ce vase représente une primevère à fleurs blanches mise au point par Victor Lemoine et dédiée à Madame Gallé. Plusieurs vases furent ainsi réalisés par les artistes de l’École de Nancy en l’honneur de ces horticulteurs qui leur fournissaient d’innom- brables sources d’inspiration. Le jardin du musée, réhabilité en 1999, propose de nombreuses variétés végétales issues des travaux de Félix Crousse et Victor Lemoine. introduction

de la plante à l’objet d’art décoratif introduction · de la plante à l’objet d’art décoratif ... introduction. 17 19 18 9 13 11 10 14 15 12 16 1 5 2 6 3 7 4 8 rez-de-chaussée

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la botaniquede la plante à l’objet d’art décoratif

Si la nature fut une source d’inspiration infinie pour les artistes

de l’École de Nancy, ce n’est pas le fruit du hasard. En effet, à

la fin du XIXe siècle, la renommée horticole de Nancy est

incontestable.

A cette époque, la bourgeoisie nancéienne se passionne pour la

botanique : les maisons disposent souvent de parcs, de serres

et de vérandas abritant de riches collections de plantes. Les

femmes de la bonne société participent d’ailleurs régulièrement

à des concours de bouquets et compositions florales.

De plus, à l’initiative du duc Stanislas, un jardin botanique est

installé depuis 1756 dans la ville, rue Sainte-Catherine. Nommé

directeur du jardin en 1854, Dominique-Alexandre Godron

développe l’enseignement de la botanique à Nancy. En 1877

est créée la Société centrale d’horticulture de Nancy présidée

par Léon Simon, horticulteur originaire de Metz. Le secrétariat

est confié à Émile Gallé, artiste et botaniste.

La Société centrale d’horticulture organise de nombreuses

expositions horticoles qui contribuèrent largement à mettre en

valeur le travail des horticulteurs nancéiens, tels Victor

Lemoine et Félix Crousse.

Félix Crousse reprend la succession de son père en 1865 et

développe les cultures de pivoines, de géraniums lierre et de

cyclamens. Il est également un des premiers horticulteurs à cul-

tiver les orchidées à Nancy. Mais il doit sa célébrité à la culture

des bégonias dans laquelle il se spécialise presque totalement.

Victor Lemoine, petit-fils et arrière petit-fils de jardinier, intro-

duit des plantes nouvelles et pratique l’hybridation. Il met

ainsi au point plusieurs variétés de glaïeuls, de fuschias et de

clématites. Il travaille également sur les arbustes à fleurs tels

que le lilas et le deutzia. Les pépinières de Victor Lemoine sont

installées rue du Montet, à proximité des établissements Gallé

situés rue de la Garenne : il suffisait donc à l’artiste et ses col-

laborateurs de traverser la rue pour trouver des modèles à ses

nombreuses créations. Une amitié solide se noue ainsi entre les

deux hommes : le vase Primavera réalisé par Émile Gallé en

l’honneur de Victor Lemoine en est l’illustration. En effet, ce

vase représente une primevère à fleurs blanches mise au point

par Victor Lemoine et dédiée à Madame Gallé. Plusieurs vases

furent ainsi réalisés par les artistes de l’École de Nancy en

l’honneur de ces horticulteurs qui leur fournissaient d’innom-

brables sources d’inspiration.

Le jardin du musée, réhabilité en 1999, propose de nombreuses

variétés végétales issues des travaux de Félix Crousse et Victor

Lemoine.

introduction

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rez-de-chaussée

premier étage

musée de l’école de Nancy

vocabulairela botanique

de la plante à l’objet d’art décoratif

abrasifQui use, polit ou nettoie par frottement.

allégoriqueQui utilise une image pour traduire une pensée, un discours, un

événement.

altruismeCaractère généreux qui porte à faire le bien aux autres.

antimoineCorps chimique d’aspect métallique, de couleur blanc bleuâtre,

ayant des propriétés voisines de celles de l’arsenic. L’antimoine

est utilisé dans divers alliages, comme les caractères d’imprime-

rie ; ses sels sont parfois employés en médecine.

appliqueAccessoire décoratif que l’on ajoute dans une pièce, sur les

murs ou au plafond.

applicationPratique utilisée en verrerie afin d’ajouter un décor en relief sur

la surface d’un objet : des petites pièces de verre sont collées et

insérées à la masse quand le verre est encore chaud.

aspéritésÉléments rugueux rendant une surface inégale.

bas-reliefPanneau sculpté dont les motifs ressortent peu.

botaniqueScience qui étudie les végétaux.

cobaltMétal dur utilisé dans la préparation d’aciers spéciaux.

convivialSe dit d’une atmosphère chaleureuse et festive.

coulageLe verre chaud est coulé sur une table en fonte gravée de des-

sins en creux.

décor intercalaireProcédé qui consiste à emprisonner un décor entre des couches

de verre.

entretoiseTige ou lame, de bois ou de fer, servant à renforcer d’autres

pièces ou à les maintenir à distance constante.

essence de boisEspèce, nature des arbres qui prédominent sur un terrain.

étainMétal blanc malléable.

gravure à l’acideAprès avoir recouvert une partie du vase d’un vernis épais (le

bitume de Judée), la pièce est plongée dans un bain d’acide

fluorhydrique qui attaque les parties du verre non protégé ; le

vernis est ensuite retiré pour laisser apparaître le motif décoratif.

gravure à la roueLa technique de gravure à la roue est pratiquée en verrerie. Elle

permet au graveur de dégager avec beaucoup de finesse un

motif : la pièce de verre est déplacée sur de petites roues fixes

recouvertes d’un abrasif (poussière de diamant) qui creuse

(intaille) ou dégage en relief (camée).

herborisationRécolte des plantes dans la nature pour les étudier et réaliser

des herbiers.

horticoleQui a rapport avec la culture des jardins.

hybridationCroisement entre plantes de variétés différentes pour créer de

nouveaux végétaux.

incisionsCoupure, entaille faite au moyen d’un instrument tranchant.

lacustre (paysage lacustre)

Qui est au bord d’un lac ou d’un étang.

manganèseMétal blanc grisâtre entrant dans la composition de divers

alliages (aciers). Ses composés sont employés en verrerie et en

teinturerie.

marqueterieAssemblage décoratif de lamelles de bois d’essences et de cou-

leurs variées.

mécèneProtecteur généreux des lettres, des sciences et des arts.

meulePierre massive circulaire, servant à aiguiser, user, polir.

morphologieÉtude des formes extérieures des espèces vivantes (êtres

humains, plantes)

moulageMoment où le verre encore chaud est inséré dans un moule.

moulureOrnement en relief ou en creux, servant à mettre en valeur un

objet.

oxyde de chromeCombinaison d’oxygène avec du chrome, métal blanc et dur

dont les sels sont utilisés dans l’industrie des couleurs.

pollinisationTransport de la poudre contenue dans la plante, appelée

pollen, d’une fleur à une autre fleur de la même espèce, pour

assurer leur reproduction.

pressionLe verre chaud est écrasé avec un cylindre muni de motifs en

relief.

symboliqueQui utilise un objet concret pour désigner une idée ou une

valeur.

tripodeA trois pieds.

la botaniquede la plante à l’objet d’art décoratif

la main aux algues Émile Gallé (salle 8)

Émile Gallé réalise peu avant sa mort, en 1904, quatre versions de “ La Main aux

algues et aux coquillages ” dont deux versions sont exposées au musée de l’Éco-

le de Nancy : “ La main aux algues et aux coquillages ” et “ La main aux algues ”.

Cette main en cristal partiellement soufflée propose un décor d’algues dégagées

à l’acide et à la roue ; elle est ornée de coquillages mis en applications

comme des bagues. L’œuvre rend hommage au savoir-faire du maître-verrier :

c’est par la main qu’il associe l’esprit à la matière. Les algues et les coquillages

nous rappellent les fonds marins.

A la fin du XIXe siècle, à la suite d’importantes découvertes scientifiques et de

nombreuses explorations sous-marines, le monde aquatique inspire la création

artistique. Émile Gallé est très sensible à ce nouveau monde qu’est l’océan ; ses

œuvres en verre ou en céramique rendent hommage à l’eau, sa faune et sa flore.

Les algues sont souvent associées aux coquillages pour décorer les objets puis

peu à peu faire corps avec eux, leur donner vie, leur offrir une âme animée par

un vers de poésie.

Les algues, du latin alga, et les herbesmarines sont des végétaux qui viventhabituellement dans l’océan, mais sedéveloppent aussi en eau douce. Lesalgues peuvent être microscopiquesou visibles à l’œil nu dans un enchevêtrement impressionnant ! Il existe des algues brunes Fucus,rouges, Porphyra, ou vertes Ulva. Les algues servent de nourriture aux poissons et aux hommes : la cuisineasiatique les utilise fréquemmentcomme légumes d’accompagnementou comme pâte feuilletée pour laconfection de Sushi. Elles entrentaussi dans la composition de crèmesde beauté.

les algues

Les algues, la flore marine apparaissent

dans d’autres œuvres du musée.

Essayez de les trouver et de les nommer.

la découverte du monde aquatique

Le monde aquatique, empreint de légendes et de mythes, devient pendant le

XIXe siècle le nouveau monde à conquérir : la première exploration se fait en

Grèce au début du XIXe siècle. Les découvertes entraînent de nouvelles théories

sur l’évolution, élaborées tant par les philosophes que les scientifiques qui tra-

vaillent sur la faune et la flore marines. L’État, au milieu du XVIIIe siècle invite le

public à la visite d’aquariums ; au XIXe siècle, les expositions universelles dévoi-

lent les trouvailles des navigateurs. Les écrivains et poètes s’associent à cette

conquête en faisant de l’océan et de ses profondeurs un monde de fiction et de

poésie intense. L’écrivain Jules Verne publie le célèbre “Vingt mille lieues sous

les mers” qui fait de l’océan un lieu d’aventures fantastiques. L’océan et la mer,

touchent aussi les poètes romantiques comme Victor Hugo (1802-1885) ou

symbolistes comme Charles Baudelaire (1821-1867). Ce dernier, dans le recueil

“Les Fleurs du mal”, leur dédie ce poème :

L’homme et la mer

Homme libre, toujours, tu chériras la mer !

La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme

Dans le déroulement infini de sa lame,

Et ton esprit n’est pas un gouffre moins amer.

(…)Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets :

Homme, nul n’a sondé le fond de tes abîmes,

O mer, nul ne connaît tes richesses intimes,

Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets ! (…)?

le bléla botanique

de la plante à l’objet d’art décoratif

salle à manger Masson Eugène Vallin (salle 6)

Dans cette salle à manger exécutée pour Monsieur Masson (beau-frère de

Monsieur Corbin), entre 1903 et 1904, Eugène Vallin s’inspire de la nature

et lui emprunte quelques éléments, parmi lesquels l’épi de blé.

Cet ensemble de prestige est richement équipé : meubles de luxe, cheminée,

électricité (inventée en 1878), plafond peint, panneaux de cuir sur les murs,

doubles rideaux en velours et soie. On comprend très vite qu’il s’agit d’un inté-

rieur bourgeois. Un sentiment de chaleur et de convivialité se dégage de cet

ensemble fortement allégorique. Les meubles sont réalisés et décorés dans un

langage extrêmement symbolique permettant à Vallin d’illustrer les trois actes

de la vie courante : manger, des épis de blé grimpent sur les pieds des chaises ;

boire, la vigne est sculptée sur le buffet ; se chauffer, le bûcheron débite des

souches sur le bas-relief du conduit de cheminée. Les épis de blé symbolisent

à la fois l’abondance et la richesse, mais aussi le partage du pain autour de la

table. Plaqués sur les pieds des chaises, les épis semblent émerger du sol.

Au plafond, le décor peint, imaginé par Victor Prouvé reprend l’aspect

symbolique de la pièce : les cinq sens sont représentés par des jeunes femmes,

allégories du toucher, du goût, de l’ouïe, de l’odorat et de la vue.

Cet ensemble d’exception a subi plusieurs modifications pour pouvoir être adap-

té à ses différentes résidences d’accueil.

Le blé est une des céréales les pluscourantes. L’origine de son nom estfrancique, blad, ou gauloise, blato, et signifie “ farine ”. Le mot “ blé ”désigne tout aussi bien la plante quiproduit la graine avec laquelle onfait de la farine et du pain que legrain lui-même.Cette plante céréalière appartient àla famille des graminées, du latingramen signifiant “ herbe ”, commel’avoine, l’orge, le riz et le seigle.Sa culture remonte aux siècles lesplus reculés. Les Grecs en attribuaient la bienfaisante inventionà la déesse Cérès, protectrice des moissons.

Un autre artiste de l’École de Nancy

a emprunté cette plante pour l’exécution

d’un meuble.De quel meuble s’agit-il ? Quel artiste l’a réalisé ?

le travail de l’ébénisteLe nom ébéniste tire son origine du mot ébénier connu sous le nom plus com-

mun d’ébène. Cet arbre, essentiellement présent en Asie du Sud est prisé pour sa

couleur noirâtre, son aspect luisant et sa résistance ; il est d’autre part facile à tra-

vailler. Dès l’antiquité, on fabrique des objets de luxe et des statues en ébène.

L’ébéniste utilise l’essence d’ébène parmi de nombreuses autres essences de

bois fruitiers rares ou exotiques. Comme le menuisier, il travaille le bois, mais les

meubles qu’il réalise sont des pièces de luxe. L’une des principales techniques

qui caractérise son travail est celle de la marqueterie.

L’art de la marqueterie est ancien. Né en Asie Mineure, il se répand avec succès

en Italie au XIVe siècle et en France dès le XVe siècle. C’est au départ un travail

d’incrustation. Les bois d’origine, de qualités et de couleurs différentes, sont

taillés en feuilles extrêmement minces, insérées dans des espaces aménagés

dans le meuble. Progressivement, la technique évolue et les éléments découpés

sont plaqués et collés, bord à bord, sans jamais se chevaucher.

La marqueterie a subi les effets de mode. Elle renaît à la fin du XIXe siècle avec

des créateurs comme Gallé et Majorelle qui développent un nouveau style. Les

artistes du courant Art Nouveau créent des meubles aux architectures souples

sur lesquels sont plaqués des décors marquetés constitués d’éléments végétaux

aux formes courbes.

Des ateliers d’ébénisterie et de marqueterie existent encore aujourd’hui. Si les

techniques sont bien maîtrisées, les artisans œuvrent surtout pour le renouvel-

lement décoratif.

?

le chardonla botanique

de la plante à l’objet d’art décoratif

table Le RhinÉmile Gallé (salle 1)

Cette table est réalisée en 1889 par Émile Gallé avec la collaboration de Victor

Prouvé qui propose le décor de figures humaines.

Cette table est présentée la même année, lors de l’Exposition Universelle de Paris.

Le chardon est présent dans le décor du pied de la table. Le feuillage de la plan-

te envahit totalement les colonnes situées au centre. Les racines séparent les vers

sculptés de chaque côté de l’entretoise (pièce qui sert à relier les deux pieds de

la table) : d’un côté “ Je tiens au cœur de France ”, de l’autre “Plus me poignent,

plus j’y tiens”. Gallé exprime ainsi son attachement à la Lorraine.

patriotisme et régionalismeLe chardon a ici plusieurs significations et il doit être replacé dans le contexte de

l’époque.

Cette table est en effet réalisée en mémoire de la guerre de 1870, perdue par la

France. A l’issue de cette guerre, la France a cédé à l’Allemagne, l’Alsace et une

partie de la Lorraine. Par cette table et le choix des motifs, Émile Gallé exprime

la blessure des Lorrains et l’espoir de retrouver les provinces perdues.

Le décor du plateau de la table présente deux groupes de personnages : d’un

côté, les bons Gaulois (les Français) avec leur casque ailé, représentés dans des

tonalités claires, de l’autre les Germains (les Allemands) avec leurs moustaches

brunes et leurs vêtements sombres.

Au centre de la composition, un personnage barbu et chevelu symbolise le

Rhin et le désigne comme frontière naturelle entre l’Allemagne et la France, et

non celle imposée par les Allemands.

Le chardon symbolise ici la Lorraine, et surtout Nancy. La ville a d’ailleurs choi-

si cette plante comme emblème, accompagné de la devise “ Qui s’y frotte, s’y

pique ”.

Le Chardon doit son nom au latincarduus. C’est une plante à feuillesépineuses, dont les fleurs sont insé-rées les unes à côté des autres pourne former qu’une seule fleur, dans lestons pourpres ou violets. On trouveenviron cent espèces de chardon en Europe, en Asie et enAfrique du Nord. Le chardon symbolise la sévérité et la rigueur,sans doute en raison de ses nombreuses épines. Il est d’ailleursappelé “ le hérisson des sols arides ”.Autrefois, les jeunes Bretonnesdemandaient au chardon si elles semarieraient bientôt. Elles l’effeuillaient, éparpillaient sespétales dans leur chambre et plaçaient le reste de la fleur sous leurlit. Si le chardon était reconstitué le lendemain matin, le mariage pouvaitavoir lieu assez vite.

Recherchez dans le musée

des œuvres représentant le chardon

et faisant référence au patriotisme.

Mais, la façon dont son feuillage envahit l’architecture du meuble fait également

référence à la terre occupée par l’étranger et l’attachement à une Lorraine réunie.

Il est d’ailleurs associé à d’autres plantes symboliques, qui ornent les colonnes :

le myosotis, fleur de la fidélité, la rosa gallica, ou rose de France, symbole de la

Lorraine divisée, le lierre qui signifie l’attachement.

Ces plantes accompagnent un autre symbole : les aigles portant la couronne de

la Lorraine. Ces animaux, qui soutiennent le plateau de la table, évoquent les

armes de l’ancien duché de Lorraine, dans lesquelles figurent les trois alérions

qui, d’après la légende, seraient les trois oiseaux embrochés d’une même flèche

par Godefroy de Bouillon. Ces aigles portent d’ailleurs la croix de Lorraine.

?

les cucurbitacéesla botanique

de la plante à l’objet d’art décoratif

vitrail Luffas et nymphéasJacques Gruber (salle 11)

La variété de formes et de couleurs de ces légumes a inspiré très souvent les

artistes de l’École de Nancy pour toutes sortes d’objets ou de décors : textile,

vitrail, luminaire, verrerie… De multiples exemples apparaissent dans le musée et

notamment un vitrail de Jacques Gruber intitulé “Luffas et Nymphéas”.

Ce vitrail, exposé aujourd’hui dans la chambre à coucher Louis Majorelle, pro-

vient d’un immeuble nancéien (16, rue Émile Gallé) construit en 1907 par l’ar-

chitecte Georges Biet (1869-1955). Jacques Gruber a réalisé tous les vitraux de

cette maison bourgeoise : entrée, salon, salle à manger, chambre à coucher. Ce

vitrail provient d’une des trois fenêtres de la salle à manger. Des nénuphars,

“nymphéas”, motifs très à la mode à la fin du XIXe siècle, apparaissent au pre-

mier plan sur fond de paysage lacustre ; cette scène est encadrée par un arc de

luffas aux fruits tombant, colorés d’un vert vivifiant. La composition laisse un

vide au centre pour permettre à la lumière de pénétrer l’intérieur de la pièce ;

cette composition devient d’ailleurs un principe décoratif dans les vitraux de

Jacques Gruber. Les jeux de lumière et les effets de transparence sont rendus

par l’utilisation de différents verres.

la technique du vitrailLes vitraux apparaissent le plus souvent dans les églises ; cependant, depuis le

XIXe siècle, cet art de la lumière et de la couleur entre dans les maisons particu-

lières et prend ainsi un nouvel essor.

Le vitrail unit deux matériaux : le verre, qui compose le dessin et la couleur, et le

métal (plomb, fer ou cuivre) qui structure, soutient et encadre le verre et le vitrail.

Les cucurbitacées désignent desplantes bien connues pour leurs fruitscomestibles : coloquintes, citrouilles,potirons, courges, concombres, cornichons, pastèques, luffas…Les luffas ont un nom d’originearabe, louff. Ce sont des plantesgrimpantes pouvant atteindre 5 à 6mètres de hauteur, à l’aide de leursvrilles. La tige et les feuilles sont d’unvert intense, les fleurs sont jaunes etle fruit cylindrique, long de 20 à 30cm, est d’un vert sombre rayé de noir.Le fruit possède un tissu fibreux quel’on isole pour former ce qu’on appel-le le torchon ou l’éponge végétale.

D’autres cucurbitacées apparaissent

sous différentes formes dans des œuvres du musée, tentez de les retrouver.

Quelles sont les différentes étapes de réalisation d’un vitrail ?

Le carton représente en peinture le futur vitrail. Il est agrandi à taille réelle puis

découpé “en puzzle” par masses de couleurs.

Le calibrage permet d’obtenir tous les morceaux de verres colorés qui vont

composer le vitrail.

La coupe : la pièce est découpée suivant le calibre avec un diamant, ou une

roulette.

Le sertissage : les pièces sont assemblées et entourées de plomb une par une.

Les lignes de plomb constituent les lignes d’assemblage du vitrail et permettent

de maintenir les feuilles de verre ensemble. Enfin l’armature en fer fixe le vitrail

dans le cadre de la fenêtre.

Le masticage rend le vitrail étanche et rigide, avant d’être nettoyé avec de la

sciure.

Quels sont les différents types de verre utilisés dans lesvitraux Art Nouveau ?

Le verre du vitrail se présente au peintre verrier sous forme de feuilles qui peu-

vent être :

Les verres colorés : depuis le moyen-âge, les couleurs les plus utilisées sont le

vert et le jaune, le bleu, le pourpre ; les couleurs plus difficiles à obtenir sont le

violet, le vert intense et surtout le rouge

Les verres travaillés avec différents effets de surface : l’industrialisation

au XIXe siècle permet de nouvelles impressions sur le verre et offre la possibilité

de jouer encore un peu plus avec la lumière. Elle donne naissance à de nouveaux

types de verres :

Les verres antiques imitent les verres anciens. Leur surface est trai-

tée par des aspérités ou par de légers reliefs obtenus par soufflage et moulage

Les verres anglais, fabriqués en Angleterre, présentent des reliefs

obtenus par coulage ou par pression. L’École de Nancy utilise ce procédé afin

d’obtenir des feuilles de verre à motifs déterminés (fleurs, oiseaux, vagues, etc.).

Les verres américains sont des verres à reliefs mis au point par les

américains John La Farge et Tiffany. Ils ont la particularité de créer certains effets

d’optique : opacité, irisation (reflets), double couleur.

?

le nénupharmobilier aux nénuphars

Louis Majorelle (salle 5)

Louis Majorelle, ébéniste, exécute, entre 1896 et 1902, un ensemble de

meubles empruntant le motif du nénuphar : un bureau, une grande vitrine biblio-

thèque, une table tripode et un meuble classeur, réalisés en acajou rouge et

bronze doré.

Majorelle invente un nouveau principe de fabrication du meuble : au lieu d’être

posé, le meuble semble jaillir du sol. Les racines, les tiges et les feuilles détermi-

nent la structure du meuble. La table tripode en est l’illustration : les tiges consti-

tuent les pieds sur lesquels reposent les plateaux reprenant la feuille de nénu-

phar. Les éléments en bronze doré, également exécutés dans l’atelier Majorelle,

soulignent les lignes dynamiques de ces meubles.

la botaniquede la plante à l’objet d’art décoratif

Plante aquatique vivace, le nénuphar appartient à la famille des nymphéacées. Son origine remonteau XIIIe siècle et son nom est issu dulatin médiéval et de l’arabe ninûfar.Environ 60 espèces de nénuphars ontété recensées et réparties en six genres,aussi bien dans les régions tempéréesque tropicales. Le genre le plus important est le Nymphaea, dont denombreuses espèces sont cultivées dansles jardins et sous serres chauffées.Au sommet de longues tiges enracinéesdans les fonds vaseux, les feuilles du nénuphar, flottantes ou submergées, hébergent des fleurs blanches qui s’ou-vrent tôt le matin et se replient sur elles-mêmes vers 16 heures. Libellules,papillons, coléoptères, mouches etautres insectes s’y posent et permettentla pollinisation.La fleur de nénuphar aux pétalesnacrés était considérée comme la plusbelle de l’Égypte ancienne. La mythologie s’en est inspirée et la littérature rapporte qu’Hercule, aprèsavoir repoussé l’amour passionné d’unenymphe qui en mourut de chagrin,racheta son geste en la transformant en nénuphar.

la plante : du décor à la structure

Les ébénistes de l’École de Nancy créent un nouveau style de mobilier en s’ins-

pirant de la plante. D’abord utilisée comme un élément décoratif plaqué sur le

mobilier, la plante donne peu à peu vie à l’objet. La matière semble émerger du

sol et s’élever de façon souple et courbe, à l’image de la nature.

Louis Majorelle, Émile Gallé et Eugène Vallin inventent de nouveaux

modèles de meubles fondés sur ce principe. Pour accéder rapidement à sa plus

grande source d’inspiration, la nature, Émile Gallé fait planter des parterres de

fleurs à l’extérieur de son atelier et installe des jardinières de plantes vivaces dans

les locaux. Les dessinateurs peuvent ainsi examiner longuement la morphologie

des plantes avant de les dessiner au crayon, à l’encre puis à l’aquarelle dans les

carnets de croquis. C’est à partir de ces planches botaniques et des recherches

effectuées dans les ouvrages spécialisés, qu’Émile Gallé et ses dessinateurs

déterminent les lignes de vie communes à la plante et au mobilier.

Ce souci d’harmonie entre l’objet et le végétal est également adapté à des objets

de plus petites tailles, comme les vases ou les luminaires, en verre ou en fer.

Le motif du nénuphar est décliné

dans de nombreux matériaux

par plusieurs artistes

de l’École de Nancy. Identifiez les objets

et les matériaux dont il s’agit.

?

l’ombellifèrela botanique

de la plante à l’objet d’art décoratif

vase la Berce des présÉmile Gallé (salle 8)

Ce vase en cristal est conçu par Émile Gallé à l’occasion de l’Exposition

Universelle de 1900. C’est un vase tubulaire, car il se présente sous la forme d’un

tube. Il doit son nom et sa forme à la tige de la berce des prés dont le nom est

gravé en fines incisions. Le décor est constitué d’une ombelle gravée à la roue

avec quelques attaques à l’acide. Dans la partie inférieure, la tige est reprise

pour s’enrouler autour du vase. A ce niveau, deux alexandrins sont gravés :

“Nos Arts exalteront des senteurs de prairies.

Altruisme et beauté parfumeront nos vies.” Gallé

Émile Gallé et le travail du verre Comment fabrique-t-on du verre ?Pour cela, il faut chauffer dans un four à très haute température (1500°C) trois

éléments : la silice (le sable), le sodium (la soude) et la chaux (le calcaire).

En ajoutant du plomb, on obtient du cristal. Pour obtenir du verre coloré, on

ajoute des oxydes métalliques : l’oxyde de chrome est utilisé pour donner du

vert, l’étain pour le blanc, le cobalt pour le bleu, le fer pour le brun, l’antimoi-

ne pour le jaune, le manganèse pour le violet.

Comment fabrique-t-on un objet ?Dans le four, le verre forme une pâte visqueuse qui est prélevée par le verrier à

l’aide d’une canne creuse de 1,50 mètre de long : la fêle. Cette opération s’ap-

pelle le cueillage. Le verrier souffle ensuite dans la canne, qu’il tourne en perma-

nence.

Ainsi se forme une petite boule de verre, qui peut être ensuite mise en forme dans

un moule en bois creux. La pièce est alors façonnée à chaud. Pour éviter les cas-

sures dues aux écarts de température, on réchauffe les objets pour les refroidir

ensuite lentement.

Cette importante famille de plantes tire son nom du latinumbellifereare, emprunté au motumbella, signifiant “ombrelle”, car lesfleurs de cette famille sont disposées comme les rayons d’uneombrelle. Les plantes appartenant àla famille des ombellifères se présentent avec une tige robuste, fortement cannelée, possédant degrandes feuilles et couronnée de dix àquarante rayons de fleurs blanchesou jaunâtres. Cette espèce pousseessentiellement dans les régionsfroides de l’hémisphère Nord(Amérique du Nord, Europe, Asietempérée). Elle est surtout utiliséedans l’ornementation des jardins. Laberce du Caucase, genre le plusconnu de cette famille est un dessymboles de l’École de Nancy. Sousson nom grec, Heracleum, la plante était dédiée à Héraclès(Hercule), héros des 12 travaux.

Recherchez dans le musée

des vases utilisant les différentes

techniques évoquées

dans cette fiche.

Comment décore-t-on un objet ?

Il existe trois façons de décorer le verre :

L’émaillage : à l’aide de pinceaux, on dépose sur la surface du verre des émaux

opaques, transparents ou translucides. Les objets décorés sont ensuite placés

dans un four de recuisson. Sous l’effet de la chaleur, l’émail fond et soude le

décor au verre.

La taille : le décor est creusé dans le verre en passant sur des meules abrasives.

La gravure : elle permet d’obtenir un décor en relief. Elle est réalisée avec de

l’acide fluorhydrique qui attaque le verre.

Quelles sont les innovations mises au point par Émile Gallé ?

Émile Gallé a mis au point un certain nombre de matières et de techniques.

Ainsi il crée le verre camée qui se compose de deux ou trois épaisseurs de verre

ciselé ou gravé, ce qui met en relief le motif. Il utilise également de nouvelles

techniques :

Les fêlures, obtenues par la projection d’eau froide sur l’objet pendant le travail

du verrier .

Les bulles, résultant de la projection de matières sur le cristal en fusion.

La marqueterie du verre qui permet d’incorporer à chaud dans l’objet des par-

ticules de verre ou d’émaux à moitié fondues. Ce procédé fut utilisé dans le vase

la Berce des prés.

Le décor d’application est constitué de fragments de verre coloré et chauffé, et

soudés à chaud sur l’objet.

bureau KronbergEugène Vallin (salle 2)

Ce bureau est réalisé en 1902 par Eugène Vallin à l’attention de Jules Kronberg,

marchand de charbon, qui commande également une banquette bibliothèque et

un buffet. Le bois utilisé est l’acajou blond de Cuba dit “bois de cédrat”.

La plante qui sert de base à l’architecture et au décor du meuble est l’ombellifè-

re, précisément le laser tribolum grantz, que l’on trouve dans la campagne lor-

raine. Chacun des six pieds du bureau est représenté par une racine. Chaque

montant est formé par une tige. Au sommet de celle-ci et sur les côtés du bureau

se développe le décor, composé des fleurs et des feuilles. Les poignées des tiroirs

sont en bronze et sont décorées de feuilles d’ombellifère. On retrouve ce décor

sur le panneau de cuir du plateau.

?

les pommes de pinla botanique

de la plante à l’objet d’art décoratif

salon pomme de pin Louis Majorelle (salle 2)

Le salon “ pommes de pin ” est réalisé par Louis Majorelle pour Monsieur et

Madame Corbin. Il est constitué d’un piano à queue, d’un fauteuil, de chaises,

d’une cheminée et d’un miroir auxquels s’ajoute le vitrail de la fenêtre effectué

par le maître-verrier Jacques Gruber. Toutes ces œuvres, réalisées dans des

matériaux différents, s’inspirent d’un même thème végétal : la pomme de pin. En

effet le motif est sculpté en frise dans le bois du piano et de la cheminée, dans

le bois doré des fauteuils et le cadre du miroir, coloré et découpé dans le verre

du vitrail, mais il est aussi brodé sur le velours des chaises, gravé sur les

appliques dorées des portes.

Ce salon est un exemple de l’unité des arts voulue par les artistes de l’École de

Nancy qui cherchaient, à partir d’un même thème, à réaliser des œuvres à la

fonction et aux matériaux différents.

Pour parvenir à cette unité, les artistes de l’École de Nancy collaboraient pour

mettre en commun leur savoir-faire. Ainsi Louis Majorelle réalise la marque-

terie du piano demi-queue “ La mort du cygne ”d’après les dessins de Victor

Prouvé. Dans ce contexte, les artistes décident de s’associer dans le cadre de

“l’Alliance provinciale des Industries d’Art”.

“l’Alliance provinciale des industries d’art”

“L’Alliance provinciale des Industries d’Art” est une association Loi 1901 qui

comprend à sa création trente-six membres : industriels d’arts (verriers, fabri-

cants de meubles, imprimeurs…), artistes (peintres, décorateurs, sculpteurs),

architectes, enseignants, artisans (ébénistes, menuisiers…). Le président, Émile

Gallé, est secondé par les vice-présidents Louis Majorelle, Antonin Daum,

Eugène Vallin. Cette alliance est avant tout économique mais elle se veut aussi

sociale : elle prend en charge la formation des ouvriers au sein de l’entreprise et

Le pin appartient à la famille desconifères. Son nom, d’origine grecque,pinos, désigne le pin sauvage. Il estmentionné pour la première fois parle philosophe Théophraste dans sonouvrage de botanique “ Histoire desplantes ” (IVe-IIIe siècle avant J.-C). Il existe quatre-vingt espècesdifférentes reparties en majorité surl’hémisphère nord : pin rouge, noir oublanc du Japon, pin jaune duNouveau Monde, pin des Landes, pinpignon ou pin parasol, pin sylvestre,pin pleureur de l’Himalaya, etc… Lespommes de pin, fruits du pin, protègent les graines (ou amandes)grâce à leurs écailles. Les feuilles sontdes aiguilles réunies en faisceaux(une gaine réunie 2 à 5 aiguilles) ;elles sont persistantes, comme cellesdu sapin, ce qui a donné le surnomau pin “ d’arbre vert ”. Le bois du pinest fréquemment utilisé dans lesconstructions navales, particulièrement pour les mâts desnavires ; sa résine est très exploitée.Certaines amandes des pommes depin sont comestibles et utilisées pourla confection de friandises telles quele nougat.

Une autre œuvre du musée est décorée de pommes de pin. Quel est son titre ?

elle affirme la volonté d’un “art pour tous” ; elle est enfin culturelle : ses

membres sont lorrains, partagent les mêmes idéaux et revendiquent la nature

comme principale source d’inspiration. Les artistes revendiquent un “art pour

tous”, mais continuent à fabriquer des pièces d’art uniques ou en série très limi-

tée. Ainsi dans l’entreprise Gallé, trois productions existent : les pièces riches de

1 à10 exemplaires, les pièces demi-riches de 10 à 50 exemplaires et les pièces en

grande série au delà de 50 exemplaires.

en vous promenant dans NancyVous pouvez retrouver des villas décorées autour de ce thème :

— la villa “Les Pins” , 2 rue Albin Haller, 1912, par Émile André

— la maison du docteur Louis Spillmann, 14 rue Saint-Léon, 1908,

— par Lucien Weissenburger

— le 92-92 bis, quai Claude Le Lorrain, 1903, par Émile André

— la maison Arnoux-Masson, 24 rue Saint-Dizier, 1911, par Louis Déon

?

biographiesla botanique

de la plante à l’objet d’art décoratif

Jean-Baptiste Eugène Corbin (1867-1952)chef d’entreprise

Eugène Corbin est le fils d’Antoine Corbin, fondateur des

Magasins Réunis à Nancy. Ce dernier construit sa fortune à par-

tir du Bazar Saint-Nicolas.

A sa mort en 1901, son fils Eugène lui succède ; il entreprend

la construction des Nouveaux Magasins Réunis en 1906. Le

bâtiment situé près de la gare (actuel magasin Printemps) est

l’œuvre de plusieurs artistes de l’École de Nancy : Lucien

Weissenburger en réalise l’architecture, Victor Prouvé la

porte d’entrée, Jacques Gruber les vitraux, les stores et les

enseignes en mosaïque de verre coloré. Ce bâtiment fut détruit

par les bombardements allemands en 1916.

Passionné d’art, Eugène Corbin fonde en 1906 la Galerie d’Art

des Magasins Réunis pour assurer la promotion des arts en

Lorraine. En 1909, il crée la revue “ Art et Industrie ”. Ami des

artistes de l’École de Nancy, il est aussi leur mécène et collec-

tionne leurs œuvres dans sa maison située rue du Sergent

Blandan. En 1935, il lègue ses collections à la Ville de Nancy,

qui constituent l’origine de la création du musée de l’École de

Nancy.

Antonin Daum (1864-1930)maître-verrier

Antonin, ingénieur des arts et manufactures, s’associe avec son

frère Auguste pour reprendre, à la mort de son père, la verrerie

sainte Catherine. Avec son ami Jacques Gruber, il crée une

section artistique. Il collabore ensuite avec Henri Bergé, auteur

des planches botaniques servant de modèles aux objets fabri-

qués par Daum.

La production Daum est rapidement reconnue. L’Exposition

Universelle de Paris en 1900 marque sa consécration. Membre

actif de l’École de Nancy, il en est le vice-président dès sa fon-

dation en 1901. L’entreprise met au point de nouvelles tech-

niques, notamment le décor intercalaire ; avec la venue

d’Amalric Walter, elle réalise des pâtes de verre. En association

avec Louis Majorelle, Daum se lance dans la création de

pièces associant travail du verre et ferronnerie. Cette collabora-

tion permet la création de verreries et de luminaires.

L’entreprise Daum est la seule industrie de l’École de Nancy

encore présente de nos jours. Daum a su s’adapter à l’évolution

des goûts : après la première guerre mondiale, il se lance dans

l’Art Déco. À partir de 1935, il réalise les premiers objets en

cristal.

Émile Gallé (1846-1904)maître-verrier, ébéniste, céramiste

Émile Gallé est un artiste complet. On parle à son propos

d’“Homo Triplex”, car il est à la fois maître-verrier, ébéniste et

céramiste. Premier président de l’École de Nancy en 1901, il en

est aussi le moteur. Son grand-père, puis son père possèdent

un commerce de verreries et faïenceries. Gallé se familiarise

ainsi aux techniques et à la vente des objets d’art. Il bénéficie

également d’une éducation solide, mêlant les langues

anciennes, la littérature, l’allemand et la musique. Il pratique

également l’herborisation, ce qui lui permet d’avoir une

connaissance approfondie de la botanique. Il collabore avec

son père auquel il succède en 1877, à la tête de l’affaire. En

1885, il fonde un atelier d’ébénisterie et commence la produc-

tion de meubles. En 1894, il installe sa propre cristallerie, rue

de la Garenne à Nancy. Il devient célèbre en 1889, lors de

l’Exposition Universelle de Paris.

Cet homme de grande culture est également un défenseur des

droits de l’Homme : il soutient Alfred Dreyfus et participe, aux

côtés de Victor Prouvé, à la Ligue des Droits de l’Homme. Il

fonde en 1901 “ L’Alliance Provinciale des Industries de l’Art ”

et préside ce mouvement jusqu’à sa mort en 1904.

Jacques Gruber (1870-1936) peintre-verrier

Originaire d’Alsace, il fuit la région avec sa famille après la guer-

re de 1870. A Nancy, il suit les cours à l’École des Beaux-Arts et

part ensuite étudier à Paris, à l’École des Arts décoratifs.

De retour à Nancy, il enseigne à son tour à l’École des Beaux-

Arts et réalise les décors de vases pour Daum. Par la suite, il se

consacre à l’art du vitrail.

Entre 1900 et 1914, son œuvre est considérable : il crée des

meubles associant le bois et le verre gravé, mais réalise surtout

de nombreux vitraux dans les immeubles Art Nouveau de

Nancy.

A partir de 1920, il s’oriente vers l’Art Déco et poursuit sa car-

rière à Paris.

Louis Majorelle (1859-1926)ébéniste

Louis Majorelle est le fils d’Auguste Majorelle, marchand d’ob-

jets d’art et fabricant de meubles. A la mort de son père, Louis

abandonne ses études à l’École des Beaux-Arts de Paris et

reprend l’entreprise familiale avec sa mère et son frère. Il fait

alors appel à ses amis Émile Friant et Camille Martin pour l’ai-

der dans l’atelier de décoration.

A partir de 1894, il réalise des meubles s’inspirant d’Émile

Gallé. Il connaît rapidement le succès et doit transférer et

agrandir ses ateliers en 1898.

Entre 1900 et 1910, période de création la plus riche, il conçoit

des meubles, dont les formes et les décors s’inspirent de motifs

végétaux. Ces meubles sont réalisés en marqueterie de bois

précieux ou associent des éléments décoratifs en bronze doré.

Décorateur, il crée également des luminaires et des objets déco-

ratifs variés. Il participe à la création de l’École de Nancy en

1901, aux côtés d’Émile Gallé.

Victor Prouvé (1856-1943)peintre, sculpteur

Né dans le milieu des dessinateurs en broderie, il étudie à l’Éco-

le de dessin de Nancy, puis à Paris. Il séjourne ensuite en

Tunisie à deux reprises. Cet artiste a de multiples talents :

peintre, il est aussi sculpteur, graveur, travaille le cuir et le métal

et fournit des dessins de broderie et de marqueterie. Il colla-

bore fréquemment avec Émile Gallé, dessinant les personnages

de ses vases. Participant à la création de l’École de Nancy, il en

devient président après la mort d’Émile Gallé en 1904, jus-

qu’en 1914. Il est nommé directeur de l’École des Beaux-Arts de

Nancy en 1919 et conserve le poste jusqu’en 1940.

Eugène Vallin (1856-1922)ébéniste

Il apprend son métier auprès de son oncle, entrepreneur en

menuiserie et spécialiste du mobilier d’église, chez lequel il

vient travailler à Nancy après l’école élémentaire. Il prend sa

succession en 1881 et construit son atelier et sa maison

Boulevard Lobau en 1896.

Peu à peu, il modifie son style sous l’influence de Gallé et crée

des meubles aux formes inspirées par l’ombellifère.

Contrairement à Gallé ou Majorelle, il travaille uniquement

sur commande et refuse le travail en série qui, selon lui, réduit

l’ouvrier à l’état de machine. Vallin s’affirme donc comme un

artisan qui maîtrise parfaitement la menuiserie d’art.