De l’Effectivité Ou La Présence Absente de Schelling Chez Jankélévitch

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    DE L'EFFECTIVITÉ OU LA PRÉSENCE ABSENTE DE SCHELLING

    CHEZ JANKÉLÉVITCH ÉLISABETH GRIMMER 

    Centre Sèvres | Archives de Philosophie

    2010/2 - Tome 73pages 267 à 283

     ISSN 0003-9632

    Article disponible en ligne à l'adresse:

    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-2010-2-page-267.htm

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    Pour citer cet article :

    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------GRIMMER ÉLISABETH, « De l'effectivité ou la présence absente de Schelling chez Jankélévitch »,

    Archives de Philosophie , 2010/2 Tome 73, p. 267-283.

    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Distribution électronique Cairn.info pour Centre Sèvres.

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    De l’effectivité ou la présence absente de Schellingchez Jankélévitch

    É L ISA B E T H G R IM M E R

    Université de Lausanne

    Schelling, philosophe de l’idéalisme absolu et adepte de l’exigence de sys-tème qui le caractérise, serait-il une présence, ou plutôt une  présenceabsente, dans la philosophie de l’insaisissable de Vladimir Jankélévitch, dis-ciple avoué de Bergson? Ce propos, qui est pourtant le nôtre, a certes quel-que chose de déroutant et demande alors éclaircissement.

    D’une part, Jankélévitch revendique très tôt une part de l’héritage dupenseur de la vie et de la durée qu’est Bergson à qui il consacre un premier

    livre très remarqué. Levinas dira même que « toute son œuvre est une façonétonnante de rester fidèle à l’intelligibilité nouvelle et à l’intelligence nou-velle de la durée   1 ». D’autre part, et bien que Jankélévitch, tout au long desa vie, considère Bergson comme son vrai maître, sa thèse de doctorat,publiée seulement deux ans après son Henri Bergson et entièrement consa-crée à la philosophie de Schelling, exerce une influence certes plus discrète,mais non moins durable et profonde sur son œuvre, ce qui est d’autant plusétonnant qu’on se rappelle que Jankélévitch, à la suite de l’expérience dou-loureuse de la Seconde guerre mondiale, décrétera l’oubli de l’Allemagne et

    de toute la culture allemande passée et présente. Bien que tout donne à pen-ser qu’une deuxième rencontre avec Schelling n’aura jamais lieu, il reste l’undes rares philosophes allemands qui échappe à la radicalité de ce refus. Telle je-ne-sais-quoi des totalités spirituelles, et comme notre étude visera à lemontrer, Schelling est en effet une présence absente dans la philosophie deJankélévitch.

    Mais de quel Schelling s’agit-il exactement? Le titre de la thèse l’indi-que déjà: c’est le dernier Schelling dont Jankélévitch évoque avec enthou-siasme la parenté de certaines intuitions avec la pensée bergsonienne. Une

    lettre à un ami en témoigne: « Je crois m’être assez bien installé dans la pen-

    Archives de Philosophie 73, 2010, 267-283

    1. E. LEVINAS, « Vladimir Jankélévitch » in Hors sujet, Paris, Fata Morgana, 1987, p. 131.

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    sée de Schelling. Elle répond à mes préoccupations, apaise mes inquiétudesau-delà de toute espérance. Son affinité avec le bergsonisme va au-delà detout ce qu’on peut attendre   2 ». Or, on a souvent reproché à Jankélévitchd’avoir bergsonisé son Schelling, voire de n’avoir eu de l’intérêt pour lui quepour ce qu’il annonce des intuitions bergsoniennes   3. Un bref survol desouvrages des périodes intermédiaire et tardive de Schelling montre cepen-dant que les notions de durée et de totalité y sont déjà présentes   4. Peu aca-démique dans son style, la thèse de Jankélévitch est à la fois fidèle à la pen-sée de Schelling et libre quant aux sujets retenus et à leur exposition.

    Qu’est-ce qui constitue l’attrait propre du dernier Schelling pour

    Jankélévitch? C’est indéniablement la découverte de l’effectivité: « Schellinga eu une sensibilité métaphysique particulièrement aiguë et, si l’on ose dire,expérimentale, pour l’Existence ; c’est chez lui un don spécial. Ce sens del’Existence ou, comme il dit, de l’ « Effectivité » (Thatsächlichkeit) dominesa profonde distinction du Dass et du Was, qui est la découverte la plus ori-ginale de la philosophie positive   5 ». Cette distinction répond en effet à unétonnement qui animera aussi toute la philosophie de Jankélévitch, l’éton-nement devant le ‘i l y a’ – paradoxalement le ‘cela va de soi’ le moins éton-nant et le moins étrange selon les mots du philosophe français – exprimant

    la facticité et la gratuité du monde. Le Was, objet de la philosophie ration-nelle ou négative, qui s’interroge sur ce qu’est une chose et définit a priorison concept ne nous enseigne absolument rien sur le fait que quelque choseest réellement. Entre la nécessité purement logique du Was et le fait tou- jours contingent du Dass, il y a un abîme qui interdit à jamais de passer duconcept d’une chose à son existence effective. C’est que l’effectivité est au-delà du concept ou, comme le dira Jankélévitch en reprenant une expres-sion de Pascal, qu’elle est d’un « tout autre ordre ». Si la première philoso-phie de Schelling s’enracine encore profondément dans les questionnements

    de l’idéalisme allemand, dans un seconde temps, ses découvertes l’oblige-ront à abandonner progressivement les exigences systémiques avant que sadernière philosophie ne constitue – et probablement malgré lui – une puis-sante critique de tout idéalisme.

    2. V. JANKÉLÉVITCH, Une vie en toutes lettres: correspondance (Lettres à Louis Beauduc,1923-1980), édition établie, préfacée et annotée par F. Schwab, Paris, Liana Levi, 1995, p. 194(lettre datant de 1931).

    3. M. GUEROULT, « L’Odyssée de la conscience dans la dernière philosophie de Schellingd’après M. Jankélévitch » Revue de Métaphysique et de Morale, 1935.

    4. Pour la notion de durée par exemple SW VIII, p. 307. Pour la notion de totalité parexemple SW VIII, p. 241 et 302, SW X, p. 222, SW XII, p. 583.

    5. V. JANKÉLÉVITCH, L’Odyssée de la conscience dans la dernière philosophie deSchelling , préface de X. Tilliette, Paris, L’Harmattan, 2005 (19331), p. 171.

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    Bien au-delà d’une simple reprise bergsonisée du dernier Schelling, nefaudrait-il pas alors plutôt parler d’une complémentarité des deux penseursque Jankélévitch a su mettre au jour et intégrer de manière tout à fait nova-trice dans sa propre philosophie et sans que celle-ci ne devienne réductibleni à l’un ni à l’autre? C’est à cette question que nous voudrions répondre ensuivant le fil rouge de la question de l’effectivité.

    LA THÈSE DE DOCTORAT DE VLADIMIR JANKÉLÉVITCH

    Avec la philosophie positive – impliquant une critique du dogmatisme

    statique de la chose, le tout fait en termes bergsoniens, qui conçoit la réa-lité comme une totalité close –, l’histoire et le temps acquièrent une placedéfinitive dans la philosophie schellingienne. Mais tandis que la philosophiede la durée de Bergson met l’accent sur l’être comme mouvement continu – le se-faisant exprimant le réel en train de se faire –, Schelling s’interrogesur la naissance du réel. Tout le long premier chapitre de la thèse de docto-rat de Jankélévitch, intitulé Du devenir , décrit les différentes tentatives dupossible en quête d’existence. Si le passage à l’effectivité ne peut plus êtrecompris sans prendre en considération la temporalité, le devenir schellin-

    gien n’est cependant pas encore la durée individuellement vécue, mais l’ob- jet d’une expérience métaphysique – l’histoire de la conscience religieuse – qui s’expliquera par la théorie des trois puissances.

    Le devenir comme passage du possible à l’effectif 

    Contrairement au mouvement cyclique et indifférencié du temps appa-rent de la nature, le temps irréversible de l’histoire est un temps organique,structuré en moments qualitativement hétérogènes (passé, présent, futur) etorienté vers une fin, à savoir l’avènement de l’esprit et du règne de la liberté.Ces trois aspects restent pourtant étroitement liés.

    L’organicité du temps, exprimée par l’idée de germe, signifie toutd’abord immanence et préformation, c’est-à-dire à la fois conservation dupassé et promesse ou prophétie de l’avenir. Si les différents moments dudevenir s’impliquent donc réciproquement, l’un ne recevant toute sa signi-fication que par rapport à l’autre, Jankélévitch souligne volontiers que lecommencement ne sera clair qu’à la fin. C’est que le germe qui contient déjà

    tout l’être adulte ne le contient qu’à l’état de potentialité, encore enveloppéet implicite. Il ne s’agit pas là d’une simple possibilité logique inapte à expli-quer l’effectivité, mais d’un possible qui est déjà élan vers l’être concret ou,autrement dit, qui est ce minimum d’être nécessaire au commencement.

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    Contrairement à la philosophie rationnelle qui fait abstraction de toutetemporalité, priorité ne veut plus dire ici supériorité, mais infériorité. C’estle temps, principe de mûrissement et de maturation, qui « s’approprie ladignité de l’explication   6 ». En effet, le réel et sa diversité nous seraient à jamais incompréhensibles, si on n’empruntait le mouvement même du deve-nir et de la vie. Mais si le germe anticipe l’être futur et si le présent tend déjàvers l’avenir, « ce qui sera » n’en représente pas moins un progrès par rap-port au présent. Gardant toujours une part d’imprévisibilité, « la vie nousoffre le spectacle d’une immanence qui pose et qui exige la nouveauté   7 ».

    Contrairement à la durée bergsonienne où la totalité du passé est conser-vée par la mémoire, le devenir schellingien n’est pas simplement continuitéou continuation, mais continuité discontinue ou discontinuité continue. Letemps métaphysique dont il est ici question appelle à un moment donné un fiat. « Ce fiat est une négation   8 », et c’est la négation du passé. Non pasanéantissement mais dépassement, la négation pose le passé comme passé,permettant par là l’avènement de la nouveauté. Toute négation est donc enmême temps position de quelque chose d’autre, c’est-à-dire position d’alté-rité: « l’érection d’une existence se fait toujours au prix de quelque liquida-tion; toute présence s’édifie sur une absence forcée   9 ».

    Comme cette liquidation ne se fait pas sans la résistance de ce qui doitêtre relégué au passé, l’histoire ne peut être purement pacifique: « il n’y apas de vie et de devenir sans batailles et sans angoisse, et tout mouvement,tout progrès, sont faits de victoires perpétuellement renouvelées   10 ». Commeil n’y a pas d’amour sans haine ni de joie sans peine, il n’y a pas non plus devie et de devenir sans résistance et sans effort. Sans cette opposition qui sus-cite une tension – nécessaire à l’activation de la volonté – au sein du devenircontinu, sans quelque chose qui est, mais qui ne devrait pas être, qui doitdonc continuellement être surmonté, la vie piétinerait sur place. Ce sont en

    effet ces reniements multiples qui entretiennent la vigilance et le tranchantde la vie – die Schärfe des Lebens – en lui servant de tremplin sur lequel elleprend et reprend son élan. En même temps, ils articulent le temps enmoments et âges hétérogènes. L’histoire schellingienne, telle une tragédiegrecque, a un début, une apogée et un dénouement.

    Paradoxalement le passé doit donc à la fois être surmonté et survivre. Lathéorie du Grund (dans sa signification temporelle et toute relative: tout ce

    6. Ibid., p. 32.

    7. Ibid., p. 36.8. Ibid., p. 18.9. Ibid., p. 20.10. Ibid., p. 18.

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    qui est passé était à un moment donné du présent) vient ici en aide, car « ledevenir, s’il renie souvent, n’oublie jamais   11 ». Le passé, n’existant que pourêtre dépassé, survit cependant en tant que fondement du présent: « le passéne succombe que pour servir à quelque chose: il doit servir de trône au pro-cessus, lui fournir assiette et support   12 ». Comme le germe, la théorie duGrund ne décrit plus une relation de cause à effet, où la cause contiendraitplus que son effet et resterait transcendante au mouvement qu’elle déclen-che, mais une conception ascendante de l’évolution: « ce principe va deve-nir matière, organe, condition des formes ultérieures, c’est-à-dire s’il eutl’initiative du développement, il en sera aussi la victime   13 ». Le Grund est leprincipe matériel au sens de hypokeimenon (substrat) de toute existence;c’est le principe réel, condition sine qua non de l’effectivité.

    Pour reprendre une expression bergsonienne, le Grund est alors organe-obstacle. Il est à la fois cause immanente et principe réfractaire à tout déve-loppement. En tant que principe de matérialisation, non seulement il freinele devenir en même temps qu’il atténue les discontinuités mais, plus encore,il est la promesse qui ne serait jamais tenue. Le temps l’obligera cependant,voire la forcera, à se réaliser sans équivoque. De là l’aspect souvent violentet cruel des conquêtes du devenir. Pourtant il faut « qu’il y ait à l’origine un

    certain déséquilibre, quelque chose de provisoire et d’insuffisant qui four-nisse au devenir sa raison d’être   14 ».

    L’odyssée de la conscience humaine

    Le devenir que nous venons de considérer in abstracto reste cependantpour Schelling un pis-aller: « il travaille à se rendre lui-même inutile; il faitdes espèces un gaspillage insensé, et ses caprices nous demeurent souvent

    impénétrables; inconstant et oublieux, il édifie pour démolir aussitôt, il sedétourne volontiers de ses propres œuvres   15 ». C’est ce que montre l’histoirede la conscience humaine qui commence avec la Chute. Par cette événementimmémorial où la conscience humaine a déchu de son unité originelle avecDieu, s’est instauré un déséquilibre, une séparation d’éléments auparavanten harmonie et qui ne peuvent désormais que se succéder. Le devenir n’a eneffet pas d’autre fonction que de restituer cette unité ; le temps est donc l’or-

    11. Ibid., p. 29.

    12. Ibid., p. 31.13. Ibid., p. 32.14. Ibid., p. 41.15. Ibid., p. 60.

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    Si la théorie des trois puissances ne peut rendre compte de l’origine radi-cale, du passage du rien au tout, elle rend pourtant intelligible les différen-tes étapes de la création (histoire de l’être) – dont l’homme est l’aboutisse-ment – et de l’histoire proprement humaine (histoire de la conscience).

    Les puissances ne désignent pas l’être en tant que tel, mais le coefficientou l’exposant d’un être qui est par ailleurs toujours complet, c’est-à-direqu’« il y a un seul et même être en devenir, mais que dans ce devenir nousdistinguons plusieurs phases, correspondant aux modifications successivesdont cet être est le support   19 ». Les puissances, comme le dit déjà leur nom,expriment la potentialité ou la virtualité de l’être concret qu’elles précèdent.

    Elles disent ce que pourra être l’être à un moment donné de sa vie. La puis-sance considérée de manière abstraite et isolée n’est toujours qu’un simplepouvoir-être. L’effectivité de quelque chose, qui demande un devenir réel,ne s’explique donc que par le « schéma dialectique » de la succession des troispuissances. Encore une fois: « il faut d’abord que quelque chose soit, qui nedevrait pas être ; que cette rébellion soit progressivement réprimée; quel’être complet soit enfin restauré dans tous ses droits. Mais tout cela prenddu temps et la succession des puissances n’est pas un simulacre de durée   20 ».

    Ne présupposant aucune médiation, la première puissance est le pouvoir-

    être immédiat. Tel le germe, il s’agit ici d’une possibilité proprement vitalequi n’est pas simple permission d’existence, mais promesse d’existence: « lapremière puissance n’est donc pas rien puisqu’elle va mûrir spontanémentpour accéder à l’acte ; mais elle n’est que le commencement ; puisqu’elleexprime par des allusions laconiques et des sous-entendus ce que le proces-sus va lui faire dire dans un langage explicite. Elle est à la fois réelle commele germe, inexistante comme l’essence   21 ». N’étant ni rien, ni quelque chose,nous sommes tenté de dire avec le futur Jankélévitch qu’elle est presque rien.Entre l’être en acte et le rien, il y a un tertium quid qui est une sorte de non-être vital.

    Avec Aristote, Schelling distingue alors entre le µ ν et le οκ ν , entrele néant (nicht Seiendes : ce qui n’est pas étant) et le rien (Nichtseiendes: cequi n’est pas). Si la possibilité des choses ne peut s’expliquer que par unecréation ex nihilo, « leur réalité est née de leur possibilité; c’est-à-dire duNéant, c’est-à-dire de Quelque chose   22 ». Dans le néant, qui est l’être du non-être, nous retrouvons alors ce minimum d’être dont nous disions qu’il est

    19. Ibid., p. 83.20. Ibid., p. 93.21. Ibid., p. 96.22. Ibid., p. 103.

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    nécessaire au commencement. Le µ ν est en effet un très bel exemple dece « milieu » entre les extrêmes, dont le dogmatisme, pensant par desconcepts abstraits, aurait désappris l’intuition: « le dogmatisme qui sedétourne de la vie et de la personne, nous propose l’alternative désespéréede l’infini et du fini, du positif et du négatif, du matériel et de l’immatériel.On veut à toute force se donner des concepts purs qui soient entièrementeux-mêmes, et qui ne soient qu’eux-mêmes; mais la vie est trop nuancée ettrop ingénieuse pour s’enfermer dans ces impasses dialectiques; entre toutet rien, entre la présence et l’absence elle s’entend à merveille à insinuer dessubtils compromis, car ses ressources sont inépuisables   23 ».

    La première puissance, qui exprime l’être encore indécis et indéterminé,est par là même tout à fait insuffisante; c’est le Nichtseinsollendes (-A) quidevra être surmonté. Sujet au sens de subjectum et non pas de subjectivité,la première puissance attend alors les prédicats qui la compléteront. C’estlà le rôle de la deuxième puissance (+ A), l’objet ou le prédicat, qui désignel’être en acte et entièrement déterminé: le purement étant (das reinSeiende). La troisième puissance – l’être concret, c’est-à-dire effectif, quin’est jamais pur sujet ni pur objet, mais toujours un mélange d’acte et depuissance – est ceci : « la fin est la raison d’être de tout le processus. Seul le

    sujet, le “prius” est immédiat. Déjà + A, qui représente l’altérité, supposeune médiation. Mais, des trois puissances, le devant-être est la plus médiate.Supposant à la fois l’objet et le sujet, nous l’appelons pour cette raison + A,mais le vrai nom de cette troisième puissance serait totalité   24 ».

    Les deux premières puissances encore unilatérales, le sujet aveugle (ins-tans) et l’objet explicite (exstans) ne sont donc que deux moments tout àfait provisoires d’un devenir qui a comme aboutissement la synthèse   25 descontraires: le non-être qui est, l’être qui n’est pas. Si les contraires ne peu-vent plus coexister, le même peut cependant très bien être quelque chose et

    son contraire, à condition qu’il soit d’abord l’un, puis l’autre, il peut mêmeêtre l’un et l’autre si l’un est Grund de l’autre. Ainsi, – A n’est pas réel, maisil le devient en s’actualisant, + A n’est pas idéal, mais il le devient en répri-mant la première puissance activée (désignée par B). Autrement dit, l’idéalse réalisera et le réel s’idéalisera: « l’Esprit, le Sujet-Objet, pour lequel toutest fait, n’est-il pas le fruit et le résultat de cette vivante osmose, de cette per-méabilité infinie de l’idéal au réel et du réel à l’idéal   26 ? ».

    23. Ibid., p. 97.

    24. Ibid., p. 122-123 (nous soulignons).25. Le terme synthèse n’est pas à comprendre au sens hégélien de Aufhebung (abolition),

    mais de Überwindung (dépassement).26. Ibid., p. 164.

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    Quel sens faut-il alors donner aux différentes figures de l’altérité (lanature, le moment de la mythologie, etc.)? Si le fini fait certes référence à l’in-fini, le sensible à l’intelligible et si le présent annonce l’avenir, l’image n’estpourtant pas une chose et le sens une autre chose, comme c’est le cas avec lesymbole et l’allégorie. L’existence effective de quelque chose, sa réalité, nenous renvoie pas à une transcendance, mais à une intériorité qui confère auxchoses une épaisseur spirituelle. C’est une tautégorie pour laquelle le signeet le sens, l’extériorité et l’intériorité, ne sont plus séparés. Le réel ne signifiepas autre chose que ce qu’il est, c’est-à-dire qu’il est lui-même significatif.

    LA RÉCEPTION DE SCHELLING DANS L’ŒUVRE DEVLADIMIR JANKÉLÉVITCH

    L’idée de totalité est centrale pour la compréhension de la philosophiede Jankélévitch. En effet, le mystère de la totalité et le mystère de la quod-dité sont étroitement liés, voire (comme le dit Jankélévitch) il ne s’agit làque d’un seul et même mystère. Dans la philosophie de Jankélévitch, laquestion du quod ne constitue pourtant plus seulement l’un des volets d’unephilosophie en deux   27, mais y occupe une place exclusive, la philosophie

    rationnelle étant dénoncée comme réductionniste et faisant l’objet de vivescritiques.

    Le je-ne-sais-quoi et le presque-rien

    Quel est alors l’objet privilégié de cette philosophie? « Il y a quelquechose d’inévident et d’indémontrable à quoi tient le côté inexhaustible,atmosphérique des totalités spirituelles, quelque chose dont l’invisible pré-sence nous comble, dont l’absence inexplicable nous laisse curieusementinquiets, quelque chose qui n’existe pas et qui est pourtant la chose la plusimportante entre toutes les choses importantes, la seule qui vaille la peined’être dite et la seule justement qu’on ne puisse dire   28 ! ». Ce quelque chosed’ineffable, mais point indicible, auquel Jankélévitch fait ici allusion, est un je-ne-sais-quoi fugitif et évasif qui n’est pas à proprement parler une chose,ni non plus rien, qui est presque-rien.

    Ce je-ne-sais-quoi, dont je sais le que (quod), mais dont j’ignore le quoi(quid), n’est pas la pièce manquante d’un savoir encore incomplet, quelque

    27. Nous empruntons cette expression au titre d’un article de Xavier Tilliette.28. V. JANKÉLÉVITCH, Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien, Paris, Seuil, 1980, vol. 1, p. 11

    (1e édition: PUF, 1957).

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    chose que je ne sais pas maintenant, mais que je saurai ou qu’un autre sauraà ma place, c’est-à-dire une simple lacune qui se comblera avec le temps. Bienau contraire, le je-ne-sais-quoi est d’un tout-autre-ordre; il est ce qui man-que quand rien ne manque en apparence: « Il ne manque, en effet, que l’es-sentiel   29! ». Le je-ne-sais-quoi est ce quelque chose que la philosophie ration-nelle ou quidditative, réduisant les totalités spirituelles à des totalitésmécaniques ou closes dépourvues de toute vie intérieure, ne serait jamaisapte à saisir. Or, le réel comme totalité ouverte à l’infini par la futurition estindéductible d’un quelconque système de savoir, de même qu’irréductible ànos catégories conceptuelles. La philosophie de Jankélévitch est donc essen-tiellement une philosophie de l’insaisissabilité du réel   30.

    A cet innommé innommable qui est toujours ailleurs et au-delà, à « cequelque chose de diffus et de partout répandu qui n’est jamais essence, maisprésence, jamais ousia, mais parousie   31 », un seul nom conviendrait selonJankélévitch: charme. Localisable ni dans le sujet, ni dans l’objet, le charmetient tout entier dans l’opération enchanteresse elle-même, c’est-à-dire dansla rencontre (instantanée) entre le sujet et l’objet. En effet, il s’agit là plutôtd’une présence absente, à la fois omniprésente et omniabsente. C’est un prae-sens qui est avant soi, avant l’être effectif, et qui ne nous est donc donné en

    tant qu’objet de la conscience que dans sa prétérisation, c’est-à-dire dans sonineffectivité. Existence à peine existante, voire inexistante, le je-ne-sais-quoine se révèle à nous que comme apparition aussitôt disparaissante.

    La distinction du quid et du quod, que Jankélévitch rapporte à plusieursreprises explicitement à Schelling, joue cependant aussi un rôle à l’intérieurmême de cette philosophie de l’effectivité où « elle vise à exprimer l’antithèsed’une horizontalité et d’une verticalité   32 », antithèse qui est celle de la conti-nuation et du commencement, de l’intervalle et de l’instant, du savoir dis-cursif et de l’intuition, des vertus quidditatives et des vertus quodditatives,

    etc. L’homme, ipséité incarnée, est un être amphibolique qui ne peut se tenirdans le tout-autre-ordre du quod. Toute la difficulté, dans l’ordre épistémo-logique, existentiel ou éthique, sera alors de retrouver la ferveur du quod,puis de la continuer, et non pas simplement de la prolonger, dans l’ordre duquid qui constitue d’une certaine manière notre quotidienneté: « l’homme

    29. Ibid., p. 74.30. Ph. GROSOS, « Vladimir Jankélévitch ou le charme des totalités allusives » in Philippe

    GROSOS, Questions de système: Etudes sur les métaphysiques de la présence à soi, Lausanne,L’Âge d’homme, 2007, p. 185.

    31. V. JANKÉLÉVITCH, Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien, op. cit., vol. 1, p. 89.32. I. DE MONTMOLLIN, La philosophie de Vladimir Jankélévitch: Sources, sens, enjeux,

    Paris, PUF, 2000, p. 116-117.

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    ambigu, et par suite ambivalent, est pris entre sa nostalgie et sa vocation: lavocation de l’Instant, qui est le vertige du Faire-sans-être, et la nostalgie del’État, qui est la complaisance à l’Être-sans-faire   33 ».

    Dignité ontologique du devenir: la mé-ontologie

    Le devenir qui, chez Schelling, est encore un simple expédient acquiertà présent une dignité proprement ontologique; ce serait là une conséquencequasi naturelle de la pensée de la durée de Bergson.

    La réflexion de Jankélévitch ne part pas de l’être-en-général qui est, selonlui, le plus vide de tous les concepts, ni des étants où le je-ne-sais-quoi cèdela place au je-sais-quoi des qualités et déterminations, négligeant la claused’effectivité, mais elle part de l’ipse ou du sujet pur de l’être. N’étant niobjet, ni complément de rien, ce je-ne-sais-quoi est ce qui fait être l’êtreconcret et déterminé. En effet, l’être n’est pas au sens ontologique du terme,c’est-à-dire l’être n’est pas étant, mais il devient, advient ou survient. L’êtreest lui-même événement ou avènement, non pas apparence, mais apparition:« le Devenir est l’insaisissable manière d’être de l’être, et l’on peut donc dire

    au sens propre: le temps est l’intention de l’être   34 ».Le temps étant l’ipséité de l’être, « l’être considéré concrètement, et par

    exemple dans la personne, se ramène donc à ce je-ne-sais-quoi de douteux etd’équivoque, […] à ce presque-rien en un mot qu’est le fuyant devenir. […]par la vertu du temps le I l y a se coule en un Il advient, l’événement ou l’avè-nement, l’advenue ou survenue, étant la seule forme sous laquelle nous expé-rimentons cette épreuve ontologique vécue et continuée qu’est le devenir   35 ».Mais le devenir n’est pas simplement une ontophanie. Il n’est pas devenir dequelque chose qui pourrait aussi bien être et ne pas devenir, mais il n’y a pasd’autre être que le devenir : « Bergson avait déjà dégagé ces deux vérités :l’être est tout devenant, et temporel de fond en comble; le devenir est inti-mement ontologique   36 ».

    L’être qui n’existe que dans et par l’altération, qui ne reçoit son contenuqualitatif que du devenir, est alors lui-même une sorte d’acte. Mais si l’êtreest tout entier opération, le devenir lui-même n’est rien d’autre que de l’être

    33. V. JANKÉLÉVITCH, Philosophie première: Introduction à une philosophie du presque,

    Paris, PUF, 1986 (19531), p. 245.34. V. JANKÉLÉVITCH, Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien, op. cit., vol. 1, p. 30.35. Ibid.36. Ibid., p. 34.

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    toujours naissant : « il est création perpétuellement recommencé; si humbleque soit cette création, elle est position d’être continué, et elle est une thau-maturgie créative en cela   37 ».

    Le devenir n’est donc pas simple décroissement ou accroissement del’être, mais position d’altérité, c’est-à-dire changement qualitatif. Or, contrai-rement à une longue tradition, Schelling considérait déjà le devenir, non pascomme un mélange d’être et de non-être, mais comme passage du non-êtreà l’être ou plus précisément de l’être non étant, le µ ν qui est possibilitéorganique et élan vers l’être concret, à l’être effectif. Jankélévitch reprendcette distinction entre µ ν et οκ ν. Ce je-ne-sais-quoi qui n’est pas rien,

    mais qui n’est pas quelque chose non plus, ce presque-rien serait donc moinsontique que méontique. En conséquence, la question de l’être ne donne paslieu à une ontologie, mais à une mé-ontologie ou autrement dit l’ontologien’est pensable que comme mé-ontologie.

    Si Schelling a beaucoup souligné cette parenté entre le posse et l’esse, ilaurait pourtant négligé la dimension de l’Autre. Le devenir est en effet l’opé-ration minimale « d’un être qui, dormant ou travaillant, attendant ou se tour-nant les pouces, tuant le temps ou durant la durée, est d’abord fort « occupé »à être sans rien faire   38 ». S’il n’est donc pas toujours intentionnel, le deve-

    nir est néanmoins toujours transitif: devenir signifie tout d’abord devenircontinuellement autre. Mais le devenir peut aussi être intensif: « le fieri, ence cas, est facere, et l’être a le tonus du faire-être; devenir, en ce cas, est vrai-ment faire, et non plus être fait ni se laisser faire! Toutes les transitions sontreprésentées entre l’autoposition élémentaire qui fait l’être se poser lui-même par l’acte à peine actif du devenir, et la position créatrice qui est l’opé-ration d’une libre volonté; l’arrivée de l’événement, et plus encore la créa-tion donnent ainsi au pur et simple i l y a la précision du réel   39 ».

    Le temps de l’intervalle

    Le devenir étant l’effectivité (humaine) par excellence, le temps est fon-dateur d’existence, c’est-à-dire infini pouvoir de réalisation et d’actualisationdes possibles. L’idée de germe et d’évolution organique qui jouait un rôle siimportant chez Schelling (et chez Bergson) ne serait pourtant pas tout à faitadaptée pour comprendre ce qui, dans le devenir, s’ouvre et se déploie sans

    37. Ibid., p. 36.38. Ibid., p. 31.39. Ibid.

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    cesse. Si les idées d’éclosion et d’épanouissement peuvent certes rendre rai-son des réalités spatiales qui sont des virtualités finies où le stock des possi-bles sera épuisé un jour, elles sont pourtant inaptes à la vie humaine limitéeen extension par la mort mais infinie en profondeur. Contrairement au tempsfini de Schelling, pour Jankélévitch, « ce qui est fait n’est pas fait du tout, rienn’étant jamais fait; ce qui est en acte est encore possible; à la lettre, et pourle temps infini, ce qui n’est plus possible est encore possible. Ce mystèred’une possibilité de l’impossible n’explique-t-il pas, en même temps que l’in-finité de notre devoir, l’omnipotence de notre vouloir   40? ».

    La dimension du temps comme temps de mûrissement et de maturation,

    exigeant les vertus quidditatives de lenteur et de pudeur, joue cependantaussi un rôle important dans la philosophie de Jankélévitch. Ainsi, le tempsde l’intervalle fait toute la différence entre le devenir qui est apparition et lesimple paraître. « Devenir consiste à devenir un autre pour être, effective-ment, cet autre lui-même, mais pour l’être un jour, plus tard, demain, dansl’avenir; devenir ne consiste pas à être présentement cet autre, […] devenirconsiste plutôt à devoir être l’autre, futurum esse, à couver l’être futur   41 ».Le paraître, en revanche, qui veut brûler les étapes sans faire acception dufutur, consiste à sembler être un autre sans du tout l’être. Il est non seule-

    ment apparence statique qui, aussitôt réifiée et démentant l’acte même deson apparition, reste pourtant relativement fondée, mais semblance et simu-lation absolument infondées; ce qui manque au paraître, c’est l’essence onti-que, autrement dit la dimension de la profondeur. Contrairement à la pléni-tude ontologique du devenir et à la positivité relative de l’apparence, queJankélévitch décrit dans le sillage de Schelling comme tautégorique   42, leparaître serait alors simple platitude tautologique. C’est le temps, et lui seul,qui confère aux êtres une épaisseur historique ; c’est le temps qui les éprouveet les confirme.

    Tel le devenir schellingien, le temps est donc l’organe de médiation.L’homme n’étant jamais en acte tout ce qu’il peut être, le temps permet àl’ipséité infinie en essence de se réaliser (en tant qu’elle-même) en dépassantcontinuellement son propre soi. C’est ce qu’exprime le paradoxe de « deve-nir ce qu’on est déjà », mais le devenir autrement, c’est-à-dire le devenir effec-tivement. Exister signifie alors renaître d’instant en instant ; l’existence seraitune continuelle renaissance.

    40. Ibid., p. 34.41. Ibid., p. 37.42. « Cette positivité ne nous ramène pas à un sens ésotérique ou au-delà de l’apparence.

    L’apparence est bien ce qu’elle est! L’apparence, il est vrai, n’est que ce qu’elle est: mais ce peuqu’elle est, du moins elle l’est, et il ne saurait lui être dénié! », Ibid., vol. 2, p. 50.

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    Le devenir n’est donc pas simplement continuation de l’être, mais,comme Schelling l’a montré de manière très pertinente, continuation dis-continue ou discontinuité continue. Si cette idée d’une discontinuité dudevenir trouve chez Jankélévitch son aboutissement dans le kairos, instantexceptionnel et chance unique, elle est pourtant déjà présente dans laconception du devenir comme « émergence continuée de l’être – émergence,c’est-à-dire instant, mais continuation de cette émergence et par conséquentvéritable habitus chronique dans l’intervalle   43 ». Le devenir qui est appari-tion est alors toujours sur le point de remettre en question et de refouler l’ap-parence vers laquelle il tend. Et pourtant, comme l’attention prêtée au dyna-misme du se-faisant est toujours menacée de virer en un dogmatismestatique de la chose toute faite, « la tentation de l’apparence subsiste à cha-que instant du processus infini d’apparition comme une inclination à l’iner-tie et l’embourgeoisement   44 ».

    Méconnaissance et entrevision du je-ne-sais-quoi

    Si on ne peut parler d’une simple dépréciation de l’apparence chez

    Jankélévitch, celle-ci ne reste pas moins l’une des sources de la méconnais-sance. L’apparence tautégorique, ambiguë et équivoque, n’est pas toujoursce qu’elle paraît et parfois seulement ce qu’elle paraît. Il n’y a pas de vérita-ble critériologie pour déchiffrer le chiasme entre l’intériorité et l’extériorité,entre l’essence et l’apparence, et la méconnaissance, étant génératrice demalentendus bien souvent trop présents dans nos rapports humains etsociaux, constitue pour ainsi dire notre modus vivendi.

    En effet, il y a d’innombrables manières de méconnaître l’insaisissable je-ne-sais-quoi – l’élément différentiel exprimant l’irréductibilité de chaque

    être –, mais une seule pour le saisir. Le je-ne-sais-quoi, bien qu’il ne soit jamais manifeste, se révèle en tant qu’apparition aussitôt disparaissante àune intuition instantanée. Cette dernière, si elle n’est pas elle-même posi-tion, est pourtant reposition ou recréation de l’acte thétique. Ne débouchantsur aucun savoir chronique, l’instant intuitif ne nous donne cependant pasà voir, mais seulement à entrevoir la totalité en tant que totale. La mécon-naissance, en revanche, ne sait pas rien, mais elle ne sait que d’un savoirpurement notionnel et impersonnel, c’est-à-dire négatif. Ce qui lui échappe,c’est justement la positivité du je-ne-sais-quoi. Toutefois il n’y aurait pas de

    43. Ibid., vol. 1, p. 32.44. Ibid.

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    méconnaissance, mais simple inconnaissabilité du je-ne-sais-quoi, si la recon-naissance n’était pas à tout moment possible.

    L’irréversibilité du temps et le pouvoir de l’instant

    La deuxième source de la méconnaissance se trouve dans l’irréversibilitédu temps   45 qui rend impossible toute répétition à l’identique – chaquedeuxième fois étant aussi d’une certaine manière une première fois – et donctoute vérification de notre savoir. C’est que l’irréversibilité du temps imposeau devenir un sens unique qui est celui de la futurition: « l’homme est unirréversible incarné: tout son « être » consiste à devenir (c’est-à-dire à être enn’étant pas), et par surcroît il devient (advient, survient, quelquefois mêmese souvient), mais ne revient jamais: car s’il pouvait revenir, l’aller et leretour feraient de son « être » une chose   46 ». Par le fait du temps, celui quirevient n’est plus le même que celui qui est parti et celui qu’on retrouveaprès le voyage n’est plus le même que celui qu’on a quitté en partant.L’irréversibilité du temps rend le fait du voyage ou plus généralement le faitde l’avoir-eu-lieu irrévocable. Or, l’irrévocable a un sens éminemment moral,là où il ne s’agit pas d’un avoir-eu-lieu, mais d’un avoir-fait qui devient a for-tiori irréparable.

    Chaque instant est donc premier et… dernier, c’est-à-dire « primultime »et « semelfactif » : en un mot unique. Même si le retour était possible, ladeuxième fois nous ne la vivrions jamais comme la première fois. En vertudu temps qui s’est écoulé entre deux, notre regard s’est enrichit par l’expé-rience de la première fois. Chaque instant est avènement de nouveauté etcomporte par là même une part d’imprévisibilité: « l’ouverture unilatéraledu devenir sur l’avenir, la dissymétrie totale du passé et du futur, la futuri-

    tion en un mot entretiennent le déséquilibre novateur et nous soustraient lesrepères spatiaux qui nous orienteraient. […] L’irréversible nous entraîne denouveauté en nouveauté, chacune innovant sur la précédente, sans que nousayons le temps de méditer, ni de réfléchir sur le passé, ni d’approfondir lesens de chaque expérience   47 ».

    Bien qu’il y ait une infinité d’instants virtuels, il y a des instants privilé-giés. Le kairos désigne en effet une occasion venant à notre rencontre, une

    45. « L’irréversible n’est pas un caractère du temps parmi d’autres caractères., il est la tem-poralité même du temps ». V. JANKÉLÉVITCH, L’irréversible et la nostalgie, Paris, Flammarion,1974, p. 5.

    46. Ibid., p. 6.47. V. JANKÉLÉVITCH, Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien, op. cit., vol. 2, p. 93.

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    occurrence qu’il faut savoir saisir, car elle ne dure que le temps d’une étin-celle. Contrairement au temps de mûrissement et de maturation qui deman-dait les vertus de la lenteur et de la pudeur, l’urgence de l’instant toujoursirréversible et imprévisible requiert toute notre vigilance et toute notre agi-lité. L’occasion n’est une occasion que si elle rencontre une conscience elle-même en ferveur, car c’est seulement la conjoncture ou la simultanéité ponc-tuelle de deux chronologies, de deux durées distinctes qui fait l’occasion.Pour celui qui sait en profiter, le kairos devient alors une chance: « unechance de réalisation, de connaissance ou d’amour   48 ». Ce que l’occasionoffre à une cause latente, à un je-ne-sais-quoi pneumatique et désincarné, cesont les coordonnées de la date et du lieu, condition sine qua non de touteexistence historique, c’est-à-dire effective.

    Conclusion

    Pour exister effectivement, l’esprit doit s’incarner dans des formes finieset déterminées, c’est-à-dire qu’il doit s’incarner dans une présence ou unprésent; en même temps la nature se spiritualise. Cet enseignement qui estcommun au dernier Schelling, à Bergson et Jankélévitch s’exprime dans

    l’idée de totalité dont Potenz ne serait qu’un autre nom. Synthèse descontraires, celle-ci permet à Jankélévitch de penser le paradoxe de l’hommecomme ipséité incarnée, c’est-à-dire comme « symbiose d’un corps mortelet d’une vocation surnaturelle étant aussi contradictoirement que mystérieu-sement indissoluble   49 ».

    Ouvertes par le devenir, les totalités organiques ou spirituelles s’oppo-sent alors à toute pensée d’un système clos. Cette critique qui, encore chezle dernier Schelling, reste assez discrète, s’exprimera ouvertement à partirde la philosophie de Bergson. Néanmoins et bien que la philosophie posi-tive de Schelling ait été peu reconnue, voire peu considérée à l’époque, ilnous semble que le jeune Jankélévitch a parfaitement su dégager ce quiconstitue son profond intérêt. Ainsi, le dernier Schelling considère déjà l’ef-fectivité non plus comme un simple accident, mais comme l’essentiel:« L’existence n’en déplaise, à l’idéalisme, précède la pensée   50 ». Or, nousn’avons pas à répéter que cette tendance s’accentue encore – on pourrait

    48. V. JANKÉLÉVITCH, B . BERLOWITZ, Quelque part dans l’inachevé, Paris, Gallimard,1978, p. 37.

    49. V. JANKÉLÉVITCH, Philosophie première: Introduction à une philosophie du presque,op. cit., p. 51-52.

    50. V. JANKÉLÉVITCH, L’odyssée de la conscience dans la dernière philosophie deSchelling, op. cit., p. 174. Voir à ce sujet SW VIII, p. 161 et SW XI, p. 587.

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    peut-être même dire se radicalise – avec la philosophie du je-ne-sais-quoi deVladimir Jankélévitch où la question de l’effectivité devient le seul problèmevéritablement philosophique.

    Si la philosophie de la durée bergsonienne, pensée de la continuation,explique alors comment la totalité peut se retotaliser à chaque instant, la der-nière philosophie de Schelling, encore hautement spéculative, décrit par lathéorie du Grund et celle des trois puissances la naissance et l’émergence duréel, autrement dit la genèse des totalités. Ce n’est alors nullement un hasardsi l’idée de totalité clôt la thèse de doctorat de Jankélévitch et ouvre sonBergson.

    Résumé: La philosophie de Vladimir Jankélévitch est habituellement rapportée à l’héritagede Bergson, voire y est réduite. Sa thèse de doctorat sur Schelling laisse cependant uneempreinte dans son œuvre, qui peut être qualifiée de complémentaire. C’est la découvertede l’effectivité dans la dernière philosophie de Schelling, allant de pair avec l’idée de tota-lité, qui suscite l’intérêt du jeune Jankélévitch et influencera sa propre pensée philosophi-que sans que celle-ci ne perde pour autant sa profonde originalité.

    Mots-clés: Jankélévitch. Schelling (dernier). Effectivité. Totalité.

    Abstract: The philosophy of Jankélévitch is generally related to the heritage of Bergson, or even reduced to it. However his doctoral thesis about Schelling leaves a trace in his work,which can be qualified as complementary. This is the discovery of effectiveness in the late

     philosophy of Schelling, going together with the idea of totality, which holds the interestof the young Jankélévitch and influences his own philosophical thought without letting it losing its profound originality.

    Key words: Jankélévitch. Schelling (late). Effectiveness. Totality.

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