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91 RUE SAINT-HONORE75001 PARIS - 01 75 43 52 71
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Surface approx. (cm²) : 2101N° de page : 50-53
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Tous droits réservés à l'éditeur
Par Michel Cniciani, chargéde mission au Centre degéopolitique de l'énergie 4et des matières premières, IUniversité Paris-Dauphme, fauteur du Coût des énergies *renouvelables (IFRI, 2014).
Photo ci-dessus :Usine de productiond'éohennes du groupeallemand Enercon, deuxièmeplus grand producteurd'éohennes, qui détient40 % des brevets mondiauxdans ce domaine. Cetteentreprise s'est notammentaffranchie de l'utilisationde terres rares pour laproduction de ses éoliennes.(© News Oresund)
De l'Energiewende à l'essoi chinois,les énergies renouvelables cap au Sud
À l'heure où les menaces sur le climat et les appels à réduireles émissions de gaz à effet de serre s'accélèrent, les énergiesrenouvelables ont le vent en poupe, et s'affirment comme unesolution incontournable en dépit de certains défauts de taille.L'Europe, emmenée par l'Allemagne, a permis leur décollage,mais se trouve aujourd'hui dépassée par les pays émergents,
tirés par la Chine, qui peuvent produire les équipementset les implanter sur leur sol aux meilleures conditions.
es énergies renouvelables bénéficient depuis longtemps
d'un préjugé favorable en Allemagne ; dès l'an 2000 estadoptée une loi créant un cadre très avantageux pour
les producteurs. Le Danemark, puis l'Espagne, s'engagent sur la
même voie, et les énergies renouvelables connaissent un déve-loppement remarquable dans ces trois pays, tout particulièrementles filières éolienne et photovoltaique. Entre 2003 et 2007, les prix
des énergies fossiles (charbon, gaz et surtout pétrole) augmentent
rapidement, tandis que les inquiétudes concernant le changementclimatique grandissent. Fin 2008, la France, présidant le Conseil del'Union européenne, obtient que l'unanimité des États approuve
un objectif contraignant, visant une pénétration moyenne de 20 %
des energies renouvelables dans la consommation totale à l'hori-zon 2020. Outre la diminution attendue des émissions de gaz à
effet de serre, les chefs d'État et de gouvernement comptent quecette orientation s'accompagnera d'une réduction des importa-tions de combustibles fossiles et conférera un atout industriel àl'Europe, en lui donnant une avance technologique dans des pro-duits voués à un développement ultérieur partout dans le monde.
L'Allemagne veut garder le leadership. Dans l'émotion engen-drée par l'accident de Fukushima en mars 2011, la chancelièreAngela Merkel a annonce un « tournant énergétique » marqué par
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larret accélère des centrales nucleaires et un objectif tres ambi
lieux 35 % de l'électricité consommée dans le pays en 2020 devra
provenir de sources renouvelables Ce choix suscite une fascina
lion quasiment mondiale, et I expression « Energiewende » (« tour
nant energetique ») passe dans le vocabulaire international A
défaut de tournant, la plupart des pays européens envisagent
désormais une transition energet que définie comme la conjonc
lion entre une meilleure efficacité energetique et le recours accru
a des energies non foss les
Cependant le « modele » allemand apparaît tres difficile a gene
raliser En premier lieu la reduction des consommations ener
getiques (notamment par I isolât on thermique des bâtiments)
et le developpement des energies renouvelables appellent des
investissements considérables [Allemagne pays refuge au mo
ment de la crise de leuro a pu drainer des capitaux a tres faibletaux d intérêt et son reseau de banques regionales a garanti leur
bonne affectation cette situation ne se retrouve pas ailleurs En
second lieu les sources renouvelables produisent un courant a un
prix beaucoup plus eleve que celui sortant des centrales conven
tionnelles existantes Pour ne pas pénaliser la grande industrie, le
surcoût a ete reporte essentiellement sur les petites entreprises et
sur les consommateurs domestiques Les citoyens allemands ont
accepte de payer leur electricite a un tarif tres eleve car ils bene
ii À défout de tournant, laplupart des pays européensenvisagent désormais une
transition énergétique, définiecomme la conjonction entre
une meilleure efficacitéénergétique et le recours accruà des énergies non fossiles,
ficient d une relative detente sur les prix de I immobilier en raison
de la régression démographique la encore les circonstances sont
spécifiques En dernier lieu le parc renouvelable allemand repose
principalement sur leolien et le photovoltaique (i) deux sources
à caractère intermittent Lorsque les conditions meteorolog ques
sont favorables, (Allemagne produit beaucoup plus delectricite
quelle ne peut en consommer et déverse le surplus sur les pays
voisins Si ces derniers suivent la voie allemande ouirontlesexce
dents ~> Lorsque les conditions sont défavorables la réponse tech
nique la mieux adaptée consiste a faire tourner des centrales a gaz
et, de plus en plus au charbon, dont les prix sont devenus attrac
tifs de sorte que les emissions allemandes de C02 ont augmente
depuis 2011 Est ce I exemple a suivre partout7
Lunion europeenne offre donc au monde un panorama energe
tique peu enviable Ses choix la confrontent a des prix élevés et
a un veritable mur d investissement a franchir pour atteindre ses
objectifs 2020 tandis que son economie est plongee dans la crise
Ses importations d hydrocarbures ont certes diminue (surtout du
fait de cette cr se) maîs elle importe maintenant du bois pour ali
menier les centrales a biomasse et des biocarburants pour tenir
les engagements visant le secteur des transports En outre, le pan
ndustnel est en partie perdu Saisissant l'opportunité créée par les
objectifs dont I Europe sest dotée en 2008 plusieurs pays dAsie
avec la Chine au premier rang ont construit des usines aptes a lui
fournir les composanls nécessaires au meilleur prix Lillustration
la plus criante est donnee par le secteur photovoltaique plusieurs
des entreprises allemandes qui occupaienl la premiere place mon
dialejusquen 2008 oni aujourd hui disparu et la plupart des pan
neaux poses en Europe viennent désormais d Asie
Le Sud prend le relais du NordParadoxalement, ce revirement induslnel a conslilue une chance
pour les energies renouvelables a I échelle mondiale Face a une
demande europeenne affaibl e par la cr se les nouveaux pays pro
ducteurs d equipement oni d abord développe leur marche mie
rieur puis exporte vers les regions du monde en pleine croissance
economique en Asie Amerique latine et Afrique Pour de nom
breux pays de ces regions sans ressource fossile locale certaines
sources renouvelables permettent de produire de I electricite a un
prix tres competilif au regard des energies importées Le marche
mondial conlmue donc a se developper a un rythme soutenu
56 % des nouvelles capacites de production electrique mises en
service en 2013 concernaient une energie renouvelable hydrau
hque eolienne ou solaire soit une croissance de 8 % par rapport
a 2012 avec des fournitures provenant majoritairement des pays
du Sud Aux côtés de I Europe et des Etals Unis la Chine figure
maintenant dans le trio de tête mond al pour ces trois sources
LAgence internationale de I energie (AIE) estime que la tendance
va se poursuivre, le prix des matériels continuant à baisser On ne
peut que se réjouir de cette perspective, qui pourrait permettre a
des millions d êtres humains aujourd hui sans acces a une energie
moderne, d'être demain alimentes en electricite par une source
propre et peu onéreuse Les resultats seront encore meilleurs
lorsque des progres nets auront ete enregislres en maliere de stac
kage de I electricite Ce thème fait lobjet d intenses programmes
de recherche dans tous les pays dotes d instituts compétenls
f
Photo ci-dessous :Ferme solaire en AllemagneEn 2013 I Allemagne étaitle pays qui disposait de laplus importante capacitede production d energiesolaire avec un total de36 gigawatts (GW) suiviede la Chine qui approche les20 GW maîs qui a augmentesa capacite de 12 9GWenseulement un an (contre+3 3 GW pouf I Allemagnesur la même période)(O anyalvanova)
nu i
Le developpement annonce des energies renouvelables amené a
s'interroger sur les nouveaux risques de dependance Une depen
dance technologique a I égard d une seule entreprise semble peu
probable L histo re energetique récente a montre que les techno
logies renouvelables ont ete rapidement assimilées par des pays
tres divers en mesure aujourd hui de concurrencer les premiersentrants Plus préoccupant on ne peut exclure une dependance
politique pour certaines matières premieres, produites actuelle
ment par un nombre tres restreint de pays ll sagit de matières
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telles que le lithium, utilise dans les batteries modernes, ou de
metaux les terres rares dont le seul nom évoque la rareté (dys
prosmm gallium indium neodyme praseodyme rhénium )
utilises dans les eoliennes et panneaux photovoltaique! La Chine
demeure le principal pourvoyeur mondial de plusieurs de ces
metaux et soumet leur exportation a des contingents motives
officiellement par le souci de préserver son environnement leur
extraction étant tres polluante
Part des energies renouvelables dans la consommation energetique mondiale en 2072
Énergie renouvelable
moderne10%
Biomasse traditionnelle9%
BonasseGeothermteÉnergie solairethermique4,2%
Hydroélectricité3,8%
2,6%Énergie nucleaire
1,2% 0,8%Éolien Biocarburants
Solaire
BiomasseGeothermie electncrte
Source Renewable* 2014 Global Status Report REN21
Sources• REN 21 Global StatusReport edition 2014
• AIE World Energy Outlook(ed don 2013) RenewableEnergy Médium Term Market Report (edition 2014)et Global Electric VehicleOutlook (edition 2013)
On remarque que le secteur des transports ne parait que margi
nalement touche par les energies renouvelables Les vehicules a
combustion interne bénéficient d atouts majeurs ls disposent
d une infrastructure garantissant un approvisionnement jusqu aux
endroits les plus recules le reservoir a essence permet une grande
autonomie pour un encombrement minime les moteurs offrentencore des possibilités significatives de reduction des consomma
lions Les carburants conventionnels peuvent par ailleurs etre pa
naches en toutes proportions avec des b ocarburants Ces derniers
sont aujourd hui accuses de détourner une partie des ressources
alimentaires maîs les recherches se poursuivent avec de réels
espoirs de mettre au point les carburants de deuxieme generation
qui seront tires de la fraction non comestible des plantes et des re
sidus de l'agriculture ou de la sylviculture D'ici la fin de la décennie
les biocarburants assureront environ 4 % des besoins mondiaux
du secteur des transports (2) Le vehicule electrique affronte donc
un marche difficile a pénétrer il ne devrait représenter que 2 % du
parc en service en 2020 et restera vraisemblablement confine a
quèlques grandes zones Europe Etatsunis Chine et Japon
Contrastant avec I inertie du secteur des transports que Ion
observe aussi dans les usages thermiques de I energie (chauffage
des locaux et processus industriels), le dynamisme du secteur elec
trique est prometteur maîs il convient de garder a I esprit les ordres
de grandeurs Malgre leur croissance exceptionnelle les energies
renouvelables ne devraient représenter que 26 % de toute I electncite produite dans le monde en 2020 selon les prévis ens les plus
récentes La percée spectaculaire des filières eolienne et photovol
laïque modifie sensiblement la donne mondiale dans I ndustre
electrique la filiere hydroélectrique et les bioenerg es (biomasse
biogaz biocarburant) gardent d importantes marges de develop
pement maîs pour la décennie qui vient le paysage energetique
mond al restera domine par les approvis onnements fossiles char
bon gaz et petrole Les autres sources renouvelables telles que le
solaire a concentration ou I energie des oceans (celle des vagues et
celle des courants marins), nécessitent des progres substantiels
ce qui rend leur exploitation commerciale incertaine avant 2025
Ce constat entraîne une premiere conséquence dans l'imme
diat les sources renouvelables ne perturbent guère la geopoli
tique de lenergie Les changements seffectueront lentement
Les pays exportateurs denergies fossiles conservent encore leur
influence qu elle soit strategique (par exemple les livraisons de gaz
a I Ukraine) economique (on pense au rôle de I OPEP) ou politique
(citons le prosélytisme religieux entretenu par la manne petro
hère) Certains pays exportateurs pourraient même tirer parti de
sources renouvelables développées sur leur territoire pour reduire
leur consommation interne et préserver ainsi leurs ventes futures
Une seconde conséquence apparaît la croissance spontanée des
energies renouvelables dans le bilan energetique mondial ne suf
fira pas a reduire les emissions de gaz a effet de serre au niveau
requis pour eviter a la planete un changement climatique polen
tiellement dramatique Des politiques publiques demeurent in
dispensables notamment pour améliorer I efficacité energetique,
orienter les invest ssements et la consommation vers des biens
durables et pour favoriser un developpemenl judicieux des
energies renouvelables
ll faut en effet souligner que ces dernieres vont dorénavant se
trouver face a deux mondes D un cote se placent les pays a croîs
sance economique soutenue, qui ne possèdent pas encore une in
frastructure electrique dense (centrales reseaux) Ici les sources
renouvelables s insèrent naturellement car leur cout les rend
compétitives avec les autres technologies La politique publique
se résume a favoriser lacces au capital et a planifier le develop
pement coordonne des sources intermittentes avec celles dont la
production est modulable De I autre côte se situent les pays déjà
bien equipes, dont la consommation ne croît que modérément
Un afflux de sources renouvelables cree des surcapacités si elles
44 D'ici la fin de la décennie, lesbiocarbumnts assureront environ
4 °/o des besoins mondiaux dusecteur des transports,
ne suivent pas le rythme de renouvellement des centrales exis
tantes et des depenses de reseaux cons derables si leur implan
tation se fait sans encadrement territorial Cette situation est bien
sur celle de I Union europeenne qui prend conscience du besoin
de concilier volontarisme et réalisme afin que le developpement
des energies renouvelables sur son sol ne sape pas sa postion
dans la compétition economique mondiale
L'Allemagne qui a stimule l'essor de ces energies plus qu'aucun
autre pays du monde a montre la voie en adoptant en juillet 2014 une loi remaniant le cadre reglementaire trop genereuxquelle avait instaure a I aube du nouveau millenaire Un cycle se
ferme, un autre s ouvre
Michel Crue/on;
Notes
(1) Fin 2013 pres de 26 % de toute la capacite photovoltaiqueinstallée dans le monde se trouvait en Allemagnepays qui n est pourtant pas le plus ensoleille
(2) Trois regions concentrent actuellement 80 °/o de laproduction mondiale de b ocarburants les Etats Unis(40 "o) le Bresil (25 «o) et I Europe (15 °/o)
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L'enjeu climatique au cœur de Tannée 2015Photo ci-dessus :Oroville, en Californie (États-Unis), le 19 août 2014. Prisede vue d'une section dulac Oroville. La sécheresseen Californie a entraîné unabaissement historique del'ensemble des réservoirs dela région. Celui d'Oroville aperdu 32 % de sa superficie.L'ensemble fait craindre pourl'avenir de l'agriculture de cetÉtat, et à l'échelle plus globaleaugure d'un dérèglementclimatique croissant et deplus en plus perceptible.(©Justin Sullivan/AFP)
Vingt-trois ans après la conférence de Rio et dix-huit ans aprèsle protocole de Kyoto, les États de la planète ont rendez-vous enFrance en décembre 2015, où se tiendra la XXIe Conférence desParties de la Convention cadre des Nations Unies sur les chan-gements climatiques (CCNUCC). Depuis 1992 et la Conférencede Rio, cette convention reconnaît l'existence du changementclimatique et la responsabilité de l'homme dans ce dernier.Universelle, elle est en 2015 ratifiée par 194 pays et l'Unioneuropéenne et impose aux pays industrialisés le primat de laresponsabilité pour lutter contre celui-ci, avec désormais commeobjectif de stabiliser le réchauffement à 2° C à l'horizon 2100.La Conférence de Paris s'annonce d'emblée comme un événe-ment majeur sur le climat, davantage même que le protocolede Kyoto. En effet, entrés en vigueur en 2005, les objectifscontraignants du Protocole de Kyoto s'arrêtaient en 2012. La
XVIIIe Conférence de la CCNUCC de Doha les a prolongés jusqu'àfin 2015, année de la Conférence de Paris. Il revient donc àcette conférence de parvenir à un accord pour lutter contre le
changement climatique.À la faveur de la visite d'État du président américain en Chinedébut novembre, les deux plus grands émetteurs de gaz à effetde serre de la planète (40 % des émissions de C02) se sontdéjà engagés sur des objectifs contraignants. Les États-Unis, quiavaient signé le protocole de Kyoto mais ne l'avaient pas ratifié,faute d'accord du Congrès, se sont engagés à réduire leurs émis-sions de gaz à effet de serre de 26 à 28 % d'ici 2025 par rapportà 2005. La Chine a indiqué de son côté que ses émissions de gazà effet de serre commenceraient à diminuer à partir de 2030.Un engagement lointain, mais historique pour la Chine, qui re-jetait jusqu'à présent la responsabilité sur les pays occidentaux.