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M. Thorn, président de la Commission. - Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, il y a un mois à peine, je vous présentais notre nouvelle Commis- sion et, faisant suite à vos désirs, nous prenions rendez-vous pour la présente session aux fins d'une discussion politique et programmatique que vous souhaitiez approfondie. Qui pouvait alors imaginer que, quelques heures plus tard à peine, un des piliers de notre Commis- sion, Finn Olaf Gundelach, devait nous quitter pour toujours, plaçant ainsi notre Commission de- vant de nouveaux et très difficiles problèmes. Hommage fut rendu à notre collègue dans cette enceinte ; aussi ne rouvrirai-je pas cette plaie, mais je rappellerai qu'en l'espace de cinq ans à peine c'est le deuxième Commissaire qui ne put finir son mandat ; pour les deux, l'accident s'était produit à Strasbourg, après une dernière intervention devant votre Haute Assemblée. Accédant à notre demande, le gouvernement danois - je me devais de le préciser - a fait dili- gence, et c'est dans le plus bref délai qu'il a dési- gné Poul Dalsager, son ministre de l'agriculture et de la pêche, pour finir le mandat de feu notre ami Gundelach. Ce choix fut rapidement ratifié par les États membres, et notre Commission, après avoir envisagé, croyez-le, toutes les solutions possibles, après avoir pesé le pour et le contre de chacune d'entre elles, a décidé de confier à M. Dalsager le portefeuille de l'agriculture, notre ami Contogeor- gis prenant directement la responsabilité de la pêche, comme cela avait été envisagé de toute façon. Je n'irai, Mesdames, Messieurs, pas plus loin dans la présentation de notre nouveau collègue, tout d'abord parce que vous connaissez suffisamment bien celui qui fut vice-président de ce Parlement et ensuite parce que, de même que notre ami Conto- georgis fut le premier à se retrouver au centre des débats d'un Conseil de la pêche très agités, Poul Dalsager se retrouvera dans quelques jours devant vous pour défendre, et ce à un moment particuliè- rement difficile, les prix agricoles de la prochaine campagne. Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, vous avez entre les mains le programme général de tra- vail de la Commission pour 1981. Ce document est en quelque sorte le premier du genre. Mes collè- gues et moi-même avons en effet estimé que, compte tenu de l'évolution et de la nature de votre rôle, il était plus utile de vous fournir quelques pages de nos priorités qui nourriraient votre ré- flexion au lieu du traditionnel Mémorandum an- nexé au non moins traditionnel discours-pro- gramme, et qui était en fait un catalogue de toute les activités à entreprendre par la Commission. Pour ne pas prendre trop de votre temps, pour ne pas entamer une longue et vaine revue d'un pro- gramme de quatre années, de priorités pour les douze mois à venir et, finalement, pour ne pas en- courir le reproche d'avoir négligé toute coloration ou tout commentaire politique, mes collègues et moi avons décidé simplement de déposer sur votre bureau et entre vos mains notre programme, ac- ceptant, bien sûr, de soutenir le débat sur tous les points contenus dans ce document, sur tous les points que vous déciderez de mettre en discussion. Quant à moi, je me permettrai maintenant, et j'es- père que ce ne sera pas trop longuement, d'intro- duire ce programme et de l'assortir, comme vous

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Page 1: de vous livrer dans un environnement difficile pour · M. Thorn, président de la Commission. - Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, il y a un mois à peine, je vous présentais

M. Thorn, président de la Commission. - Monsieurle Président, Mesdames, Messieurs, il y a un moisà peine, je vous présentais notre nouvelle Commis-sion et, faisant suite à vos désirs, nous prenionsrendez-vous pour la présente session aux fins d'unediscussion politique et programmatique que voussouhaitiez approfondie.

Qui pouvait alors imaginer que, quelques heuresplus tard à peine, un des piliers de notre Commis-sion, Finn Olaf Gundelach, devait nous quitterpour toujours, plaçant ainsi notre Commission de-vant de nouveaux et très difficiles problèmes.Hommage fut rendu à notre collègue dans cetteenceinte ; aussi ne rouvrirai-je pas cette plaie, mais

je rappellerai qu'en l'espace de cinq ans à peinec'est le deuxième Commissaire qui ne put finir sonmandat ; pour les deux, l'accident s'était produit àStrasbourg, après une dernière intervention devantvotre Haute Assemblée.

Accédant à notre demande, le gouvernementdanois - je me devais de le préciser - a fait dili-gence, et c'est dans le plus bref délai qu'il a dési-gné Poul Dalsager, son ministre de l'agriculture etde la pêche, pour finir le mandat de feu notre amiGundelach. Ce choix fut rapidement ratifié par lesÉtats membres, et notre Commission, après avoirenvisagé, croyez-le, toutes les solutions possibles,après avoir pesé le pour et le contre de chacuned'entre elles, a décidé de confier à M. Dalsager leportefeuille de l'agriculture, notre ami Contogeor-gis prenant directement la responsabilité de lapêche, comme cela avait été envisagé de toutefaçon.

Je n'irai, Mesdames, Messieurs, pas plus loin dansla présentation de notre nouveau collègue, toutd'abord parce que vous connaissez suffisammentbien celui qui fut vice-président de ce Parlement etensuite parce que, de même que notre ami Conto-georgis fut le premier à se retrouver au centre desdébats d'un Conseil de la pêche très agités, PoulDalsager se retrouvera dans quelques jours devantvous pour défendre, et ce à un moment particuliè-rement difficile, les prix agricoles de la prochainecampagne.

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, vousavez entre les mains le programme général de tra-vail de la Commission pour 1981. Ce document esten quelque sorte le premier du genre. Mes collè-gues et moi-même avons en effet estimé que,compte tenu de l'évolution et de la nature de votrerôle, il était plus utile de vous fournir quelquespages de nos priorités qui nourriraient votre ré-flexion au lieu du traditionnel Mémorandum an-nexé au non moins tradit ionnel discours-pro-gramme, et qui était en fait un catalogue de touteles activités à entreprendre par la Commission.

Pour ne pas prendre trop de votre temps, pour nepas entamer une longue et vaine revue d'un pro-gramme de quatre années, de priorités pour lesdouze mois à venir et, finalement, pour ne pas en-courir le reproche d'avoir négligé toute colorationou tout commentaire politique, mes collègues etmoi avons décidé simplement de déposer sur votrebureau et entre vos mains notre programme, ac-ceptant, bien sûr, de soutenir le débat sur tous lespoints contenus dans ce document, sur tous lespoints que vous déciderez de mettre en discussion.Quant à moi, je me permettrai maintenant, et j'es-père que ce ne sera pas trop longuement, d'intro-duire ce programme et de l'assortir, comme vous

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l'aviez souhaité, de quelques réflexions plus politi-ques.

En ce début de 1981, ma tâche, j'en suis pleine-ment conscient, s'avère particulièrement redoutableet particulièrement fascinante, et ce pour deux rai-sons, l'une extra-européenne, voire générale, etl'autre, spécifiquement communautaire et institu-tionnelle, et c'est par elle que je commencerai.

La nouvelle Commission que j'ai le très grand hon-neur de présider est la première à se présenter de-vant un Parlement élu au suffrage universel direct.Croyez bien que, pour notre collège, cette situationnouvelle est fondamentale et essentielle. Le faitd'ailleurs que Son Excellence M. le Président Sa-date soit venu hier à votre rencontre traduit mieuxqu'un long discours de ma part l'importance qu'aprise votre Assemblée et le rôle essentiel, voire es-sentiellement politique que cette Assemblée aura àjouer. Disposant donc désormais d'une base politi-que et démocratique dans le contrôle, mais aussi,je le souhaite, dans le soutien de cette Assemblée,notre Commission se doit d'être à la fois plus res-ponsable et aussi plus vigilante à votre égard. Cesconditions de travail sans précédent, auxquelles jeconsacrerai de plus amples développements, condi-tionneront dans une large mesure l'avenir institu-tionnel - donc pas seulement le vôtre et le nôtre -mais celui de toute notre Communauté. Elles for-cent en particulier la Commission à rendre encoreplus pleinement compte de son activité passée etfuture, en même temps qu'elles obligent à prêterune attention particulière, et de cela croyez que jeme porte garant, à vos critiques et à vos sugges-tions. Dans une précédente intervention, je vous aidit combien notre collaboration me paraissait êtreprimordiale, et j'ai tenu, entre temps, à en infor-mer Madame le Président sous forme de lettre.

Hélas, notre tâche présente est également redouta-ble du fait que le contexte dans lequel s'inscriventles priorités d'action de notre programme est à lafois plus sombre dans le court terme et, au-delà dece court terme, plus incertain que jamais. LaCommunauté - en cela elle n'est que le reflet de lasituation du monde entier - ne s'est jamais aussimal portée. Le mal n'est pas seulement social, iln'est pas seulement économique ; il est général,comme vous l'avez souligné à différentes reprises.

Les Européens, inquiets de ces bulletins de santéangoissants et qui ont une fâcheuse tendance à semult ipl ier depuis quelque temps, « insécurisés »,pour reprendre un terme à la mode, n'accordentplus à la Communauté la confiance que, pourtant,elle mérite et dont elle, dont l'Europe a surtoutbesoin. Mais j'y reviendrai dans quelques moments.

Quant à moi, mon souci. Mesdames, Messieurs, est

de vous livrer dans un environnement difficile pourl'Europe, et en mettant l'accent sur quelquesexemples particulièrement significatifs, les orienta-tions, les principes d'action qui guideront cettenouvelle Commission, action dont le succès dépen-dra dans une large mesure, vous en êtes les té-moins privilégiés, de votre support politique. Cesupport politique dans l'action de chaque jour,nous le demanderons aux gouvernements des Etatsmembres. Aujourd'hui, en cette occasion particuliè-rement exceptionnelle, nous le demanderons auParlement européen, mais au-delà de vous, Mesda-mes, Messieurs, et à travers vous, nous voulons etnous devons le trouver auprès des peuples de laCommunauté, donc des hommes et des femmes quivous ont élus.

Quant à la toile de fond, il faut le reconnaître,l'évolution de la situation mondiale ne fait pas lapart belle à l'Europe. On peut dire que la situationpeu satisfaisante présente est la conséquence d'unesérie de ruptures dont les manifestations les plusévidentes se sont développées au cours des derniè-res années.

Sur le plan politique, tout d'abord, il est clair quela détente a subi de nouvelles atteintes, au pointque l'on cherche déjà de nouveaux vocables pourremplacer ce terme. Depuis la guerre froide, peut-être, la situation mondiale n'a jamais été aussipréoccupante que maintenant. L'invasion de l'Af-ghanistan a constitué un palier nouveau et particu-lièrement important de cette détérioration. Uneguerre entre l 'Irak et l ' Iran venant se greffer surun changement de régime révolutionnaire dans ledernier pays nommé, et le tout se rajoutant au pro-blème israélo-arabe, avec son contenu palestinienet ses débordements libanais, tout cela rend le Pro-che et Moyen-Orient plus dangereux que jamais,malgré tous les espoirs que le voyage courageux duPrésident Sadate a fait naître il y a si peu detemps. Simultanément, l 'Afr ique est l'objet deconvoitises accrues et d'agitations diffuses ; l'Amé-rique latine fait face à de nouvelles et sanglantesconvulsions internes, et l'Asie, outre les événementsdéjà évoqués d'Afghanistan, nous rappelle tous lesjours par d'innombrables tragédies les aspects lesplus dramatiques de notre époque.

Mesdames et Messieurs, à côté de tels faits quis'imposent avec brutalité et évidence, la situationmondiale soulève bien des interrogations. Le destinde l'Europe, en particulier son influence, dépendradonc, que nous le regrettions ou non, pour unelarge part de l'appréciation que portera la nouvelleadministration américaine sur l'avenir des relationsEst-Ouest. Les périls graves qui menacent la paixmondiale concernent directement notre Europe.Ces événements, et c'est à ce titre qu'ils nous inté-ressent part iculièrement, par les débordements

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qu' i ls peuvent toujours susciter , r isquent decompromettre gravement nos efforts d'intégration.En effet, les poussées de fièvre à la périphérie del'Europe occidentale ne peuvent nous faire oublierque l'Europe se trouve au centre du champ de ten-sion Est-Ouest. Aussi nous, les Européens, avons-nous un rôle à jouer en tant que responsables de lapaix dans le monde, non seulement vis-à-vis denous-mêmes, mais aussi vis-à-vis des alliances danslesquelles certains d'entre nous sont engagés et desdiverses obligations que nous avons souscrites unpeu partout sur la planète.

Sur le plan économique, ensuite, la vérité doit êtredite sans détour : les perspectives sont particulière-ment sombres. Nous sommes au cœur d'une crisede longue durée, structurelle, il faut le souligner,avec laquelle nous avons dû nous efforcer d'ap-prendre à vivre, mais qu'il nous faudra encore ap-prendre à combattre pour ensuite la maîtriser et ladominer, ce que certains, et j'en suis, n'hésitentpas à qualifier de changement de civilisation. Il estévident aujourd'hui que nous sommes en traind'assister à une « redis t r ibut ion générale descartes » au niveau mondial. D'ailleurs, le dévelop-pement, c'est-à-dire l'expansion mais aussi lesconditions d'exercice du commerce mondial même,sont aujourd'hui menacés. Les tentatives, Mesda-mes, Messieurs, vers un retour généralisé au pro-tectionnisme sont évidentes. Cela, je tiens à le sou-ligner, est particulièrement préoccupant pour notreCommunauté, car la liberté et l'intensification deséchanges pour nous, qui sommes la première puis-sance commerciale du monde, est une nécessitéfondamentale. L'effondrement du commerce inter-national, c'est-à-dire aussi son cloisonnement, sarestructuration, serait un coup terrible pour laCommunauté et pour les États membres. Tropd'indices le montrent : les effets de ceci ne s'arrête-raient pas aux frontières extérieures de la Commu-nauté mais risqueraient bien de remettre en ques-tion jusqu'à l'existence même du Marché commun,appellation sous laquelle la plupart des gens de nosjours connaissent encore notre Communauté. Dansce climat sombre qui se profile actuellement, je mecontenterai de rappeler, à titre d'exemple etcomme exhortation à la solidarité aux États mem-bres, combien l'évolution déséquilibrée des échan-ges commerciaux de la Communauté avec ungrand partenaire comme le Japon suscite auprès devous, auprès de tout le monde, de vives inquiétu-des.

Il ne faut pas oublier qu'outre le fléchissement gé-néral de la croissance économique, la Communautéconnaît une faiblesse supplémentaire qui se traduitpar le fait que plus qu'aucun autre grand ensembleéconomique elle doit importer la majeure partie deson énergie et de ses matières premières. La fac-ture pétrolière des pays de la Communauté a dé-passé en 1980 les 100 milliards de dollars. A l'ex-

ception du Royaume-Uni et des Pays-Bas, les payseuropéens sont, avec le Japon, les plus dépendantsd'un approvisionnement extérieur. Cet état de faita des conséquences qui s'étendent bien au-delà dece qu'on imagine souvent. Il faut avoir à l'espritque même notre agriculture européenne, qui assure- et bien au-delà même, suivant certaines critiques- l'auto-suffisance alimentaire de la Communauté,est très dépendante dans ses performances des im-portations de pétrole et de diverses matières pre-mières. Il y a vingt ans, Monsieur le Président,alors que je siégeais sur les bancs de cette Assem-blée, ce Parlement s'inquiétait déjà de notre avenirénergétique, et ce malgré l'enthousiasme créé àpeu près vers cette époque par la signature duTraité d'Euratom. La crise de 1973, hélas, n'aurapas permis aux signataires du Traité d'Euratom derenforcer la solidarité européenne et de tirer lesleçons de la crise. Espérons enfin que le montantde la facture qui ira encore en augmentant, et letaux de croissance économique infime de nos paysnous inciteront à un sursaut salutaire.

Compte tenu de notre dépendance en matière éner-gétique, la Communauté pourrait en effet voir sapart dans le commerce mondial passer de 20 à seu-lement 15 % dans les dix prochaines années, auprofit, entre autres, du Japon, mais aussi de cer-tains pays en voie de développement qu'on dit denos jours particulièrement « performants ».

Cette aggravation de la situation économique mon-diale est d'autant plus dangereuse qu'elle risque desurcroît de saper à terme les efforts de développe-ment des pays du tiers-monde et ainsi de porteratteinte aux intérêts de nos clients potentiels, maisde creuser aussi le fossé entre les nations, d'exacer-ber les tensions et de réduire certains pays à lafamine et au désespoir avec tout ce que cela peutvouloir dire sur le plan politique. L'urgence desproblèmes de ces pays ainsi que la perception ac-crue de l'interdépendance économique entre l'hémi-sphère Nord et l'hémisphère Sud soulignent lesresponsabilités particulières qui incombent à cetégard à notre Europe communautaire. Exposer leproblème, c'est en même temps, vous en serezd'accord, définir nos responsabilités mais aussi nospossibilités exceptionnelles et exemplaires, et aussinotre rôle de médiateur obligé.

Dans un autre ordre d'idées, mais dans un ordred'idées cependant connexe, tout ce qui touche ànotre ordre monétaire est susceptible de rendrecaducs toutes nos prévisions et tous nos calculspour l'avenir. Or, ici comme ailleurs, les dangersd'une nouvelle flambée des prix rendent nécessairesde patients efforts pour doter de nouveau notreplanète de relations monétaires à la fois stables etreconnues par tous. Nul doute que, là encore, l'Eu-rope a joué jusqu'à présent et aura à jouer un rôle

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important. Tout en reconnaissant qu'il ne sert àrien de vouloir brûler les étapes, je ne suis pas deceux qui pensent que les grandes difficultés présen-tes nous forcent à tergiverser. Je penserais plutôtque ces difficultés nous engagent à aller de l'avant,et ce tous les dix pays ensemble, au risque de voirnos économies continuer à diverger et, de ce fait,même de remettre en question l'acquis communau-taire.

Enfin, faut-il insister sur l'importance pour laCommunauté de l'évolution défavorable de sa dé-mographie et surtout sur ce que tant d'Européensfeignent d'ignorer, à savoir ses conséquences sur lasituation du marché du travail, l'activité économi-que, l'innovation sociale, la vie politique ainsi quela place de l'Europe demain dans le monde. Ensupposant, par exemple, le maintien des tendancesactuelles, la population de la République fédéraled'Allemagne, qui est d'environ 61 millions au-jourd'hui, ne serait plus que de l'ordre de 40 mil-lions en l'an 2050. Au-delà de 1990, le maintiendes taux de natalité actuellement enregistrés enEurope conduirait celle-ci au seuil de l'effondre-ment démographique. L'Europe occidentale seraitdonc la seule région à voir sa population stagner,se réduire, en toute hypothèse vieillir. L'histoire,vous le savez. Mesdames, Messieurs, enseigne quesouvent les transformations économiques et démo-graphiques sont étroitement liées. Je crains, eneffet, que la diminution et le vieillissement de lapopulation n'affaiblissent les capacités d'adaptationet d'innovation, renforçant de surcroît les tendan-ces malthusiennes et rendant le dialogue avec lesjeunes nations du monde, en rapide essor démogra-phique, encore plus difficile demain. Alors que lesuns concentreront leur attention sur le développe-ment de l'enfance, les autres risquent de limiterleurs préoccupations à la gériatrie. Les uns serontpréoccupés de construire des maternités et des crè-ches, les autres, c'est-à-dire nous, des centres desoins intensifs à donner à une population de plusen plus âgée. Voyez-vous, la recherche, l'économie,le choix entre investissements à accorder aux in-dustries nouvelles ou aides à accorder aux indus-tries vieillissantes, risquent demain d'être l'enjeude cette évolution.

En nous concentrant maintenant sur notre Europecommunautaire, nous admettons volontiers que laCommunauté - personne n'a jamais prétendu lecontraire - n'est pas parfaite. Mais en hommes po-litiques critiques et cependant avertis, réfléchissonsun moment et envisageons la situation dans la-quelle chacun de nos pays, même le plus grand, setrouverait sans l'existence d'une Europe commu-nautaire.

D'aucuns, vous le savez, ont prétendu il n'y a passi longtemps que l'Europe était le dernier des

grands mythes. Pour les hommes de ma générationet pour bien d'autres qui nous ont précédés, pourtous ceux qui ont connu l'effroyable hécatombe dela guerre 1914-1918, la grande crise des années30, la montée du fascisme, le génocide, les atroci-tés de la deuxième guerre mondiale ainsi que lesprivations de toute sorte qui en ont résulté, qui, denous, oserait mettre en doute l'intelligence, la gé-nérosité, le courage et donc le mérite de ceux quisont à la base de la construction européenne ?

Qui oserait nier l'importance déterminante del'idée européenne dans la réconciliation franco-alle-mande, dans la reconstruction de notre continent,dans la suppression des frontières intra-européen-nes et même dans l'ouverture sur le monde, voirele rattrapage économique et social sans précédentde la fin des années c inquante aux annéessoixante ? Non seulement c'est bien la toute pre-mière fois que, pendant une période de 35 ans, lespays par vous ici représentés, ne se sont pas affron-tés les armes à la main mais, disons-le une fois àvoix haute, c'est la première fois dans notre his-toire où personne parmi les 250 millions d'habi-tants ici représentés ne songe à la possibilité d'unpareil conflit fratricide. Cela, Mesdames, Mes-sieurs, ne vaut-il pas qu'on s'attache à la consoli-dation de cette œuvre plutôt qu'à son dénigrementaussi injustifié qu'irresponsable !

(Applaudissements)

Aujourd'hui, dans un monde dit « de l'incertain »,où l'absence de règles peut parfois devenir l'usagecourant - les événements d'Iran devraient l'avoirabondamment et abusivement démontré -, laC o m m u n a u t é dans l aque l l e nous vivons au-jourd'hui est devenue un rare îlot de paix, elle estdevenue v ra imen t une communauté de droit .Même si notre Communauté, comme vous le souli-gnez tous les jours, est largement perfectible, nouspourrions donner des leçons de démocratie, pour nepas dire à tous, à beaucoup d'autres. L'image de laCommunauté est à cet égard, et je ne peux que leregretter, souvent même mieux perçue de l'exté-rieur qu'à l'intérieur de nos frontières communau-taires.

Faut-il rappeler que la Communauté constitue, au-jourd 'hui encore, un carrefour des échanges,qu'elle assure le tiers des exportations mondiales et40 % des exportations de produits manufacturés,qu'elle est le principal fournisseur et principalclient des autres pays européens, des pays du Pro-che et du Moyen-Orient, de l'Afrique, de l'Austra-lie, de la Nouvelle-Zélande et des pays de l'Europede l'Est ? Mesdames et Messieurs, les objectifs denotre politique commerciale communautaire en dé-coulent, ou devraient en découler tout logiquement,et notre Commission mettra un point d'orgueil à

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élaborer, avec nos gouvernements nationaux etdans leur plus grand intérêt, une politique vrai-ment commune. Ensemble, si nous serrons lesrangs, personne au monde ne pourra ignorer notreinfluence ; mais, pris isolément, chacun pour soi,même le plus grand d'entre nous est vulnérable,car sa mise en question, en condition, voire sonasservissement serait inéluctable à terme.

Faut-il donc rappeler que, dans un système moné-taire international désorganisé, la création en 1979du système monétaire européen a créé en Europeune zone de relative stabilité monétaire qui acontribué à réduire de manière substantielle lestensions entre les économies européennes ? Maiscette démonstration vaut surtout a fortiori pourl'avenir. Oui, car ce qui était valable hier l'est en-core aujourd'hui et le sera demain pour les mêmesraisons et bien d'autres encore : seuls les grandsensembles participent aujourd'hui aux grands en-jeux et y prennent une part déterminante. Ainsi,lorsque l'on parle de la grande nation américaine,on a trop tendance à oublier qu'on parle des Etats-Unis, et lorsqu'on parle de l'URSS, on a trop ten-dance à oublier qu'on parle de l'Union des Répu-bliques socialistes soviétiques, l'on oublie de souli-gner ces mots « Unis » et « Union » qui confèrent àces pays tout le poids politique et économiquequ'ils possèdent et que nous connaissons, sans par-ler de la Ligue arabe, de la Conférence islamique,de l'OUA et de tant d'autres organisations.

Dans ces conditions, Mesdames, Messieurs, nedevons-nous pas nous interroger sur les véritablesmotifs de ceux qui aujourd'hui vont, je le pense, àcontre-courant de l'histoire et qui s'opposent àceux qui pensent qu'il faut hâter le pas, élargirnotre Communauté et, en même temps, la renfor-cer ?

A l'heure où un Marché commun latino-américainvient d'être mis en place, où certains Etats del'Afrique noire et du Maghreb évoquent la possibi-lité de se coaliser sur les plans économique et poli-tique, où l'ASEAN commence à devenir une puis-sance économique et politique non négligeable,faut-il que certains pays de la Communauté, etnon des moindres, doutent de son efficacité aupoint d'envisager de participer à des formules plussouples d'association. L'adjectif souple en l'occur-rence me paraissant trop noble, il faudrait plutôtparler de formules plus lâches d'association.

Si vous nous avez suivi dans notre raisonnementjusqu'ici, et je ne vois pas qui pourrait contesterl'exactitude matérielle du tableau brossé, on doitalors se demander pourquoi l'image de l'Europe estsi mal perçue à l'intérieur de la Communauté, etce près de trente ans après la signature du traitéde Paris instituant la CECA. S'il n'y avait pas de

Communauté européenne où en serions-nous parexemple dans le domaine sidérurgique ? N'aurions-nous pas aujourd'hui des affrontements bilatérauxet quels en seraient les effets ? Pensons un instantà la politique énergétique, serait-elle meilleure sansla Communauté ? La politique régionale serait-elleplus développée ? La politique agricole nous coûte-rait-elle moins d'argent ? Il ne fait pas de doutequ'elle nous en coûterait davantage. Est-ce que,isolément, nous jouerions sur le plan politique unplus grand rôle au Moyen-Orient, en Asie, en Afri-que, aux États-Unis ? Est-ce qu'aucun de nos paysaurait pu mettre sur pied seul l'accord deYaoundé, la Convention de Lomé ? Est-ce qu'indi-viduellement un de nos pays serait en mesure deconclure des accords équilibrés avec les Etats-Uniset le Japon ? Est-ce que finalement et pour neprendre que ce dernier exemple, l'un des nôtrespourrait jouer seul un rôle déterminant dans ledialogue Nord-Sud ? Poser ces questions, n'est-cepas y répondre ? Alors, pourquoi l'image de l'Eu-rope est-elle si mal perçue dans la Communauté ?Je dirai que les responsabilités sont certainementpartagées. Si faute il y a, elle nous est imputable àtous, aux gouvernements comme aux citoyens, àl'exécutif que nous sommes ou que nous sommescensés être comme aux élus que vous êtes.

Il y a tout d'abord la confusion originelle qui aconsisté à identifier le processus d'intégration euro-péenne à l'exceptionnelle ère de prospérité qui l'aaccompagnée durant ses quinze premières annéeset aux facilités de tous ordres qui ont caractérisécette époque. Tous acceptaient sans réserve cetteEurope de l'abondance, aux taux de progressionannuels à deux chiffres, qu'avec beaucoup d'envieon dit aujourd'hui être des taux de progression à lajaponaise. Il y a aussi l'attitude ingrate de beau-coup trop d'hommes politiques de la Communauté,attribuant à cette dernière tous leurs maux et dé-tournant à leur seul profit personnel ou nationaltous les bénéfices que grâce à l 'effort de laCommunauté tout entière ils pouvaient en retirer.

(Applaudissements)

Le fait que la Communauté est de plus en plusrarement citée dans des allocutions d'hommes poli-tiques de premier plan en dit suffisamment long surl'état des mentalités qu'ainsi certains ont crééesavant d'en devenir prisonniers puis victimes à leurtour.

Il est certain que ceci contribue à ce que le citoyenne se sente plus aussi concerné et nous devronstous ensemble y porter remède. Cela provient aussiet surtout de ce que les vrais problèmes des indivi-dus ne sont pas toujours abordés. A cet égard, enl'absence de véritable politique culturelle dont lesobjectifs auraient été notamment, un, de mieuxfaire comprendre l'action de la Communauté,deux, d'améliorer la compréhension entre les ci-

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toyens de cette même Communauté, nous avonsconsciemment créé ce climat d'indifférence et par-fois de découragement qui est perceptible cheznombre d'Européens.

Notre Commission aura pour ambition - avecvotre aide - de prouver à tout citoyen de laCommunauté que nous nous occupons de ses pro-blèmes qu'il s'agisse de l'emploi, de la politiquesociale, des industries nouvelles et anciennes, del'agriculture, de la pêche, des professions libérales.Chaque Européen pourra demain comme hier nouscritiquer, mais jamais plus il ne devra prétexternous ignorer ou ne pas nous comprendre.

(Applaudissements)

Oui, il est vrai que cette Communauté n'est pasune Communauté de défense et nous savons pour-quoi, qu'elle n'a pas été voulue comme uneCommunauté politique, mais qu'elle est essentielle-ment axée sur l'économie. Qui oserait cependantaujourd'hui prétendre que tout n'est pas dans toutet que l'économie n'est pas directement branchéesur la politique surtout après trente années d'ef-forts d'intégration. Alors que tout en respectant lesTraités dont la Commission assure le respect sa-chez que, si nous voulons réussir cette Commu-nauté, si nous voulons aboutir à l'Union euro-péenne, ébauchée en 1972, il faudra désormais nepas éparpiller nos efforts. Tous ensemble, je le sou-ligne, ensemble, nous devrons nous opposer aux di-viseurs pour faire enfin, avec tant de retard, cetteUnion européenne qui devra s'appuyer sur les Ins-titutions communautaires existantes qui déjà ontfait leurs preuves.

Me permettrez-vous d'ajouter un autre ordre deconsidération à savoir que les querelles de procé-dure entre nos Institutions qui retiennent actuelle-ment une grande partie de votre attention n'inté-ressent pas dans la même mesure les Européensqui sont vos électeurs. Ces querelles deviennentparfois trop subtiles et de ce fait on ne peut atten-dre une motivation des masses en ce qui lesconcerne. Par ailleurs le bon sens des Européensfait qu'ils ne comprennent pas pourquoi ces institu-tions dites européennes travailleraient l'une contrel'autre et ne mettraient pas en commun leurs ef-forts pour faire l'Europe comme ils souhaitent laconstruire.

(Applaudissements)

Allergique, comme vous, à ces inutiles déchire-ments notre Commission fera tout ce qui est en sonpouvoir pour renforcer la collaboration entre lesInstitutions de la Communauté. A vrai dire, ons'est habitué à la Communauté sans en compren-dre les objectifs éminemment politiques ou lesayant oubliés. On s'imagine, on s'illusionne dans le

fait que la Communauté perdurera, quelles quesoient les crises, en oubliant de reconnaître qu'à cejour la Communauté risque de devenir de moins enmoins communautaire !

L'Europe, et vous me pardonnerez la métaphore,se présente aux Européens aujourd'hui comme unemaison sans toit, vu l'absence d'union, sans chauf-fage, eu égard au déficit énergétique, sans archi-tecte compte tenu de l'extinction de cette généra-tion des pères qui l'ont portée sur les fondsbaptismaux et, en l'absence d'accord sur les diffé-rents plans déjà présentés, avec une entreprise aubord de la faillite, puisque bientôt sans ressources,mais entourée d'un jardin encore bien présentableet dont l'entretien cependant devient de plus enplus exorbitant, par ailleurs habitée par des loca-taires aux abois car souvent privés d'emplois et ceà un moment où d'autres locataires veulent y en-trer.

Nous connaissons les difficultés de vivre pour leshommes d'Europe, surtout pour les jeunes, lesfemmes - vous en parliez ces deux derniers jours -les défavorisés victimes du chômage, de l'insécu-rité, des agressions de la vie moderne.

Pour les jeunes, je parle de ceux qui n'ont pasconnu la guerre, le collège que je représente au-jourd'hui souhaiterait aller au-devant de leurspréoccupations, mieux connaître, mieux compren-dre, mieux saisir leurs problèmes et pour ce fairenous devons d'abord u t i l i se r les mots qu ' i l scomprennent et donc renouveler notre vocabulairepour pouvoir leur redonner l'espoir.

En ce qui concerne les femmes, vous n'ignorez pasque la réglementation communautaire ainsi que lajurisprudence de la Cour ont joué un rôle de pion-niers en quelque sorte, dans l'égalité de traitemententre les hommes et les femmes. Je reconnais ce-pendant qu'il reste beaucoup à faire. Devrais-je enoutre ajouter que je regrette, et avec moi mestreize collègues masculins, que notre Institution quise nomme et se dénomme au féminin ne soitcomposée que d'hommes. La responsabilité de cetétat de choses ne peut en être attribuée à laCommission : la responsabilité en est dix fois natio-nale.

En résumé, il n'y a donc pour moi. Mesdames etMessieurs, pas d ' a l t e rna t ive à l 'Europe au-jourd'hui, pas de choix. Cette Europe on ne peutpas non plus vouloir la créer ex nihilo alors qu'il ya trente ans qu'elle est en voie de réalisation.Quant aux défis, me demanderez-vous, par lequelcommencer. Et bien disons-le franchement il fau-drait les relever tous et tous à la fois. Les prioritéssont celles que nous imposent précisément les défisextérieurs, voire les engagements des chefs d'Étatet de gouvernement ou de la Commission qui nousa précédée. La tâche de notre Commission est deranimer cette Europe, de la faire désormais à Dix

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et de veiller à ce qu'elle puisse demain se faire àDouze. D'où, Mesdames, Messieurs, le souci par-tagé par mes collègues, de vous donner aujourd'huiet maintenant à l'aide de quelques exemples signi-ficatifs, les orientations et principes d'action quiguideront notre Collège durant son mandat.

Ce qu'il nous faut entreprendre donc de toute ur-gence, c'est de trouver de nouvelles voies qui nouspermettent de faire face aux défis des années qua-tre-vingt, tout en restant fidèles aux objectifs ins-crits dans les préambules des traités et que je mesuis permis de rappeler devant vous il y a à peineun mois. Ceci suppose, premièrement, une adapta-tion des politiques existantes aux exigences nouvel-les qui se posent à nous, le maintien de l'acquis, nedevant pas à cet égard nous conduire à l'immobi-lisme. Deuxièmement, une identification claire etprécise des domaines réservés à l'action commu-nautaire comme à ceux réservés aux États mem-bres. L'harmonisation aveugle, la mise en communà tout prix peuvent être pernicieuses au point d'en-traîner le contraire de l'effet recherché. Troisième-ment, un réexamen régulier des priorités à la lu-mière des contraintes et des opportunités ducalendrier. Une Communauté qui ne sait pas vivreà l'heure exacte et arrête à tout bout de champ lespendules finit par perdre sa crédibilité. Quatrième-ment, une concentration de l'attention politiqueconsistant à traiter ensemble la multitude de pro-blèmes qui peuvent se poser à un moment donné.L'essentiel, je le répète, doit être, à la lumière desprincipes d'action qui viennent d'être exposés,d'amener la nouvelle Commission - et à traverselle la Communauté - à rétablir la confiance entraitant plus directement que par le passé les vraisproblèmes, c'est-à-dire ceux qui préoccupent leplus nos citoyens.

Soucieuse de répondre à cette légitime inquiétude,la Commission s'efforcera de satisfaire trois impé-ratifs fondamentaux étroitement imbriqués les unspar rapport aux autres. Le premier impératif doitêtre la recherche de l'efficacité compte tenu desdisponibilités matérielles existantes. Le second im-pératif doit être celui de la solidarité ; le troisièmeconsiste à offrir aux Européens une plus grandesécurité.

L'efficacité d'abord suppose un réexamen des poli-tiques communautaires existantes. La Commission,vous le savez, s'est engagée depuis l'année passée àrésoudre les problèmes budgétaires qui menacentdangereusement la cohésion de la Communautépar des modifications structurelles et en tenantcompte des « orientations » définies par le Conseilau 30 mai 1980. Certaines voix se sont élevéespour dire que ces orientations paraissent difficile-ment compatibles et que la tâche de la Commis-sion ne s'en trouvera pas facilitée. Néanmoins, la

Commission procède depuis sa mise en place à unexamen rigoureux du développement d'un certainnombre de politiques communautaires. Elle saisirale Conseil, tout comme votre Assemblée, de sesconclusions avant le mois de juillet de cette année,comme vous l'avez souhaité.

Avant de parler de quelques grands problèmes ou,plus modestement, de citer quelques exemples,vous me permettrez une remarque préliminaire : jene peux accepter que l'on érige en dogme absolu leplafonnement actuel des ressources budgétaires.

(Applaudissements)

II s'agit là d'une querelle théologique qui procèded'une conception étroite et, j'ai le courage de ledire, erronée. Si elle devait être encore plus profon-dément enfoncée en terre communautaire, elle ris-querait de créer d'énormes difficultés, j'ose ajouter,et ce surtout à ceux qui l'ont énoncée. Pour le pro-grès, la stabilité, la liberté de nos États membrespour l'unité de l'Europe, nos citoyens ont payé aufil des ans, au fil des siècles de lourds tributs. Ilsont souvent payé de leur vie, alors soyons réalisteset reconnaissons que l'Europe ne peut plus se fairedans l'aisance et la facilité : vous le savez, nous lesavons.

On ne saurait davantage prétendre que l'Europepeut se faire à prix fixe, à « un pour cent », pasplus qu'elle ne pouvait se faire hier à 0,5 %, pasplus qu'elle pourra se faire demain à deux pourcent.

(Applaudissements)

Cela dit, et partant de l'idée que pour faire l'Eu-rope il faut être prêt à en payer le prix, nous ad-mettons tous bien volontiers que la Commission seconcentre à l'avenir d'abord et davantage sur despriorités bien déterminées, qu'elle réduise son ac-tion dans certains secteurs pour ainsi dégager lesforces et les fonds disponibles pour faire face à ceque j'ai qualifié de vrais problèmes. Je dirai, partempérament autant que par conviction, que c'estl'action « coup de poing », qui devra dominer etnon plus la politique de l'arrosoir. Et je tiens à direbien haut qu'en hommes politiques qui se veulentresponsables, vous et nous devons savoir qu'à partirde maintenant tout nouvel effort financier dans lecontexte d'aujourd'hui équivaut à un sacrifice quidoit donc plus que jamais être mérité, justifié et, lecas échéant, être précédé d'économies.

Il va sans dire que la politique agricole commune,qui représente de très loin le poste budgétaire leplus important, sera au centre de l'exercice auqueldoit se livrer la Commission. Le déséquilibre exis-tant en effet entre l'ensemble des dépenses agrico-les par rapport aux dépenses consacrées aux autres

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« secteurs » - je ne veux pas parler des « politi-ques » - est trop flagrant pour qu'il ne soit pasprocédé à un certain nombre d'aménagements. J'aivolontairement employé le terme d'aménagementscar, s'agissant de la seule politique véritablementcommune, il me paraît tout à fait exclu d'en sou-haiter une remise en cause pure et simple car l'Eu-rope a besoin d'une grande agriculture et dans lemandat qui nous fut confié l'année dernière il estprécisé expressis verbis qu'il ne saurait être ques-tion de remettre en cause les grands principes de lapolitique agricole commune. Au contraire, l'orien-tation dans laquelle s'engage la nouvelle Commis-sion consiste, conformément aux réflexions qui vousont été communiquées à la fin de l'année passée, àmieux contrôler, dans le cadre des principes debase qui régissent la PAC, la croissance exagéréedes dépenses qui découlent de celle-ci. Il est dom-mage en effet que l'absence de « garde-fous » sus-ceptibles de maintenir les dépenses agricoles dansdes proportions raisonnables, ait fini par jeter lediscrédit sur le bien-fondé de cette politique et,parfois même reconnaissons-le, sur ceux qui ensont les principaux bénéficiaires. En faisant partici-per les producteurs agricoles à la bonne gestion decette politique c'est-à-dire en proposant notammentle principe de la coresponsabilité, la nouvelleCommission espère, dès cette année, parvenir à unrajeunissement de cette politique tout en conti-nuant à assurer aux huit millions de paysans quitravaillent dans ce secteur vital de l'économiecommunautaire des revenus garantis. En ce quiconcerne les propositions pour la campagne 1981-1982, je peux dire qu'elles sont en voie d'élabora-tion, nous en avons entamé la discussion, Poul Dal-sager vous en dira plus dans quelques jours. Je nevous citerai pas de chiffres mais je vous dirai quenos propositions ne préjugent pas du mandat quinous a été confié le 30 mai 1980.

Le deuxième domaine d'action où l'efficacité meparaît être un impératif que je livre à votre vigi-lance est celui de l'adaptation de notre outil deproduction industrielle aux nouvelles exigences denotre temps. Voilà un domaine où la non-interven-tion de l'Europe pourrait avoir des conséquencesdramatiques, en particulier au regard du contexteéconomico-politique que je viens de rappeler. Cerenforcement de la compétitivité industrielle est,vous le savez, une des conditions du rétablissementdu plein emploi en Europe. Arrêtons-nous un ins-tant à la crise de la sidérurgie et aux conséquencesnéfastes que n'aurait pas manqué d'entraîner l'ab-sence d'une action concertée au niveau communau-taire. Critiquée souvent fort injustement, la nou-velle Commission, à l ' instar de celle qui l'aprécédée, favorisera résolument l'ajustement desstructures de production à l'évolution des coûts re-latifs de l'énergie, de la main-d'œuvre et au chan-gement de la demande internationale. L'efficacité

est à ce prix. Il doit cependant être entendu queles politiques d'accompagnement que la Commis-sion arrêtera et dont l'objet est de soutenir les ef-forts de restructuration de nos gouvernements,comme de nos entreprises, s'inscriront nécessaire-ment dans la vision d 'un véritable Marchécommun. Elles ne pourront en aucun cas conduireà renforcer le caractère national des appareils deproduction au sens restrictif du terme et à reconsti-tuer à leur bénéfice des marchés préférentiels.L'Europe communautaire, ça ne doit pas être, au-jourd'hui ni demain, uniquement les « canards boî-teux », cela peut être et doit devenir une réponseaux défis du futur. Dans cette optique, la nouvelleCommission doit prioritairement s'engager en fa-veur des technologies nouvelles. Notre volonté estde développer une stratégie pour rencontrer tousles aspects du défi que présente pour notre sociétéet nos industriels la haute technologie et ses appli-cations. La Communauté - vous le savez, vousl'avez dit souvent - enregistre un retard, il faut lerattraper ; la nécessité de cette stratégie exige uneapproche qui dépasse le sectoriel. La Commissioncherche à créer le cadre qui favorisera le dévelop-pement industriel, l'amélioration du processus deformation, la coordination des travaux scientifi-ques. Notre Commission revendique sa part dansl'innovation et dans la recherche, car c'est seule-ment ainsi qu'elle assurera la survie de la Commu-nauté dans les grandes mutations structurelles quisont actuellement en cours.

Vous vous doutez bien que ce vaste processusd'adaptation exige que les entrepreneurs soientprêts à prendre quelques risques et que même,disons-le, leurs salariés fassent preuve d'une plusgrande mobilité. Cela suppose des efforts et dessacrifices qui doivent être supportés par tous etéquitablement répartis.

Aussi, le deuxième impératif pour notre Collègesera de développer des politiques qui témoignent decet esprit de solidarité qui est et doit rester à labase de notre édifice, esprit qui doit se traduiretant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la Commu-nauté.

Cette nécessité d'une plus grande solidarité dans laCommunauté se fait de plus en plus pressante enraison de l'aggravation du problème de l'emploi etne saurait être traitée par des politiques dites d'ac-compagnement. A mes yeux, le problème de la so-lidarité ne doit pas être vu uniquement sous unangle quantitatif.

Vingt ans après l'entrée en vigueur des traités deRome, on doit malheureusement souligner que lemarché commun n'a pas réduit les disparités exis-tantes entre les différentes régions de la Commu-nauté. Un clivage existe, pourquoi le nier, entre les

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pays de la Communauté et il se retrouve d'ailleursà l'intérieur de la plupart de nos pays. Il me paraîtplus judicieux de parler de disparités entre régionsde l'Europe qu'entre les Etats qui la composent !

Ai-je besoin de souligner que si la Communauté neparvient pas à combler ces écarts, outre les diffi-cultés provenant d'un mauvais fonctionnement dumarché intérieur, les frustrations d'une partie nonnégligeable de nos populations iront en s'amplifiantalors que, simultanément, la perception de l'imagede la Communauté s'en trouvera altérée.

Il appartient dès lors à la nouvelle Commission detraduire ce souci d'une plus grande convergencedans les faits. Elle le fera en approfondissant et enréorientant un certain nombre d'instruments finan-ciers existants dont le Fonds de développement ré-gional. Elle recherchera une réelle cohésion au ni-veau des différentes politiques communautaires.

Dans ce même esprit de solidarité, abordons aussila politique sociale et de l'emploi.

Nous sommes comme vous extrêmement préoccu-pés par la poussée continue du chômage, la barredes huit millions d'Européens sans emploi est fran-chie. Elle est donc du même ordre que l'ensemblede la population active occupée dans l'agriculture.

Chacun d'entre nous mesure l'ampleur des tensionsque cet état des choses ne manque pas d'entraînerau niveau du tissu social de nos pays, surtout lors-que l'on sait que 42 % des chômeurs sont desjeunes. Je le dis clairement de cette tribune, nousne pouvons pas sacrifier ce potentiel car, ne l'ou-blions pas, il s'agit de l'Europe de demain. Ce sontprécisément eux qui seront placés devant le choixou de faire l'Europe ou de la défaire.

(Applaudissements)

Devant cette situation inacceptable, il nous faut detoute urgence, compte tenu des moyens, souventlimités, à notre disposition, agir d'une manière plussélective et probante que par le passé. Sans m'en-gager, à ce stade, dans de longues explications,laissez-moi vous dire qu'il faut s'habituer à l'idéequ'est révolue l'époque d'un Fonds social ou cha-cun des États membres n'a pour seule préoccupa-tion que de toucher 50 % des sommes engagéespour des actions d'intérêt national, même si ellessont au demeurant souvent fort nécessaires.

Devant l'ampleur de la tâche, la Commission étu-die l'opportunité d'associer toutes les forces vives àune réflexion d'ensemble qui doit déboucher surune nouvelle politique sociale et de l'emploi, libre-ment consentie et acceptée par tous ceux qui sontcensés la mettre en œuvre ou en subir les effets.

Cette réflexion d'ensemble pourrait à mon aviscomporter des développements sur la qualité de lavie, la durée du travail, les rapports dans l'entre-prise. La politique sociale ne peut en effet se limi-ter à la lutte contre le chômage stricto sensu.

Encore un mot dans ce contexte pour dire enfinque la Commission est pleinement consciente de lanécessité d'associer les partenaires sociaux non seu-lement aux divers choix en matière de politiquesociale qu'elle est amenée à effectuer, mais égale-ment sur tout autre sujet qui n'intéresse pas néces-sairement exclusivement la politique sociale.

Mais vous le savez, les rédacteurs des Traités n'ontpas voulu limiter la politique de développement etde progrès dans la solidarité à la seule Commu-nauté. Conformément à sa vocation originelle, telleque celle-ci est reprise dans les préambules de nosTraités, notre politique de développement doit, sielle veut continuer d'être une réussite, s'intégrerdavantage parmi nos autres politiques. Ainsi, nousen tirerons le bénéfice maximum, alors que simul-tanément certaines de ses conséquences pourrontêtre mieux prises en compte. Cette nouvelle orien-tation doit être conçue et appliquée en consultationavec les forces vives de nos nations, aussi et surtouten coopération avec les pays du tiers mondeconcernés. Bien que Lomé II en soit le fleuron,cette politique ne se limite pas à cette seuleconvention et, vous le percevez bien, elle doit êtreune politique d'ouverture au tiers monde dans sonensemble.

En conférant ainsi une dimension politique à cedialogue avec les pays les moins fortunés de cetteplanète, il importe que la Communauté puisse êtreprésente là où les problèmes Nord-Sud seront pré-cisément examinés dans leur globalité, notre rôleen ce domaine a été et devra être exemplaire. Il yva de la relance mondiale à laquelle la Commu-nauté dans son propre intérêt comme dans celui dumonde entier se doit de contribuer. C'est dans cetesprit que nous préparons d'ores et déjà notre par-ticipation au sommet d'Ottawa.

Dans le dialogue et la coopération que nous entre-tenons avec les pays du tiers monde, il ne s'agitpas seulement de charité mais surtout de la sécu-rité de tous, compte tenu de l'interdépendancecroissante existant entre les économies.

A côté de l'efficacité et de la solidarité, notre Col-lège s'est assigné un troisième impératif, et non desmoindres. Il s'agit précisément de la recherche dela sécurité.

Le sentiment d'inquiétude qui est perceptible chezbon nombre d'entre vous se cristallise en effet au-tour de trois axes prioritaires. Je veux parler des

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garanties d'approvisionnement en matière énergéti-que, des menaces qui pèsent sur notre position depremier exportateur mondial, et enfin du caractèrestratégique représenté par l'évolution de nos rap-ports avec les pays du bassin méditerranéen.

Pour ce qui est de l'approvisionnement énergétiquetout d'abord, on ne peut pas dire qu'à ce stade laCommunauté ait suffisamment progressé dans lesens souhaité. Certes, un certain nombre de mesu-res spécifiques ont été arrêtées afin de détendre lasituation en matière d'approvisionnement, situationcréée par les récents développements politico-mili-taires intervenus dans la région du Golfe. Maisl'aggravation de la crise que je viens de rappelerdoit nous inciter à aller plus loin.

Cette approche d'ensemble sera une des prioritésde notre nouvelle Commission. Sans stratégie éner-gétique cohérente nous ne réussirons pas non plusnotre ajustement structurel. Nous entreprendronsun effort particulier pour l'économie d'énergie,pour la sécurité nucléaire, pour le développementde technologies nouvelles. Nous irons plus loindans le domaine des prix et des stocks. La dimen-sion extérieure exige l'approfondissement du dialo-gue avec les producteurs de pétrole et des effortscommuns en faveur des PVD. La réussite de cedialogue suppose que soient traités les problèmesintéressant les deux parties.

Une autre source d'inquiétude tient au fait que laCommunauté, en tant que premier exportateurmondial, se trouve menacée dans ce qui est vitalpour son existence, à savoir un système d'échangelibéral, reposant sur les règles et les procédures ad-mises au GATT. Notre puissance commerciale de-vrait nous permettre d'exiger plus d'égards et derespect que par le passé de nos principaux parte-naires commerciaux. Qu'ils évitent notamment derecourir au démon du protectionnisme en contre-partie d'une libéralisation à laquelle nous avonsnous-mêmes déjà consenti et que ce protection-nisme menace. Devant l'indéniable caractère stra-tégique de nos relations commerciales avec nosprincipaux partenaires des pays industrialisés, nousavons décidé de profiter des prochains contacts in-ternationaux pour sensibiliser le président Reagancomme nos partenaires japonais à ce problème fon-damental. Je dois dire dans le même temps quel'ouverture de nos frontières ne doit pas entraînerun déséquilibre de nos échanges et des perturba-tions économiques et sociales. Sur ce plan, les ten-sions résultant par exemple de nos échanges à senspresque unique avec le Japon devront être élimi-nées à plus ou moins brève échéance.

J'aimerais enfin ajouter ceci. Pour maintenir nospositions dans le commerce mondial, il est indis-pensable que la Communauté renforce et crée un

ordre monétaire européen. Ceci est essentiel. Jen'ai pas besoin de vous expliquer pouquoi les choixmonétaires et les choix commerciaux sont intime-ment liés. Rappelons simplement que l'instabilitégrandissante des relations monétaires internationa-les gêne considérablement le développement ducommerce mondial.

L'évolution de nos rapports avec les pays du bassinméditerranéen, maintenant zone stratégique s'il enest pour l'Europe, suscite depuis des années un cer-tain nombre d'interrogations. Il s'agit surtout decelle de l'élargissement, véritable défi qui met enjeu la capacité de la Communauté en tant quetelle d'évoluer et de se développer, pour, sans à-coup, atteindre la dimension supérieure. Mais tousles pays de la Communauté - je le rappelle - tousles pays de la Communauté se sont déclarés prêts,avec empressement, à relever ce défi. Nous nedevons point décevoir ceux qui, à l'intérieur commeà l'extérieur, misent sur notre parole.

Cet élargissement, Mesdames et Messieurs, vous lesavez, aura des conséquences non seulement sur lespays membres de la Communauté mais égalementsur un certain nombre de pays méditerranéens aveclesquels nous entretenons depuis longtemps desliens privilégiés. Tout cela nous amène à la conclu-sion qu'il est nécessaire, qu'il est vital pour notreCommunauté de définir une politique globale etcoordonnée envers tous les pays du bassin méditer-ranéen. Le fait que l'un des membres du collègesoit chargé particulièrement de cette politiqued'ensemble illustre à l'évidence le souci de laCommission. Je me dois d'ajouter que si l'élargis-sement apparaît, pour des motifs politiques émi-nemment souhaitable, il est cependant légitime,surtout dans la période difficile que nous traver-sons, d'évaluer, dans les différentes politiquescommunautaires, les problèmes que cet élargisse-ment posera, sous peine de diluer plutôt que derenforcer demain la Communauté. L'action denotre Commission visera à contrecarrer les inten-tions de ceux qui ne voient, dans ce troisième élar-gissement, qu'une opportunité de défaire ce qued'autres ont patiemment construit.

Qui oserait me contredire quand j 'affirme que Tin-quiétude de l'ensemble de nos populations, que jeperçois à travers vous, dépasse de loin les impéra-tifs que nous nous sommes fixés ?

Vouloir rassurer la population européenne, c'est -ne jouons pas sur les mots - aborder le problèmede la sécurité tout court. La sécurité de nos appro-visionnements en pétrole, par exemple, est aumoins autant un problème politique qu'un pro-blème économique ou technologique, le dialogueeuro-arabe que nous devons relancer en est d'ail-leurs, entre autres, la preuve.

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Maintenant il va sans dire - et j'arrive au dernierchapitre - il va sans dire que cette réorientation dela politique communautaire est vouée à l'échec sielle n'est pas soutenue par un dessein politico-insti-tutionnel, pour reprendre une expression de monami Emilio Colombo. Ce dessein politico-institu-tionnel n'est possible que si les stériles querellesinstitutionnelles cessent, enfin, et si un véritabletrilogue institutionnel peut s'établir entre les troisInstitutions qui devraient être les trois piliers decette Communauté.

La Communauté Mesdames, Messieurs, vous lesavez mieux que quiconque, n'a pas les moyens -surtout pas en ce moment - de se payer le luxed'une crise institutionnelle.

(Applaudissements)

Nous assistons à une certaine crispation depuis1965, à un recul constant de la conception euro-péenne, telle qu'elle animait les auteurs des Trai-tés, au profit d'une simple coopération des Etatsqui souvent n'ose même pas dire son nom. On as-siste, hélas, à un retour en force des réflexes natio-nalistes. Déjà, à l'heure actuelle, toute question quise pose à nous n'est que prétexte pour déclencherje ne sais quelle querelle institutionnelle ou je nesais quelle crise de confiance entre États membres.C'est une manière, peut-être, de refuser de consi-dérer les vrais problèmes. C'est peut-être une ma-nière de se refuser à les résoudre. Nous voyonsainsi notre Europe offrir le triste spectacle de guer-res picrocholines dans lesquelles toutes les vanitésnationales peuvent se donner libre cours. Au lieude prévenir, au lieu d'agir face aux défis de notreépoque, l'Europe se contente trop souvent de réa-gir, dans les meilleures hypothèses, et générale-ment lorsqu'il est trop tard. Faut-il dès lors s'éton-ner que, pour beaucoup de gens, l'Europe risque dene plus être le grand dessein qu'elle fut pour notregénération ?

Sous la présidence de M. Hallstein, d'aucuns ontpu croire que la Commission était un centre auto-nome d'action politique car le Conseil ne pouvait, àl'époque, que la suivre dans ses initiatives tantqu'elle traduisait en règlements les directives desengagements clairement inscrits dans les Traités etdûment ratifiés par les Etats membres. Dès qu'il aété nécessaire d'aller au-delà de ses engagementset d'amorcer des initiatives nouvelles, le poids duConseil dans la formation des décisions est devenu,vous le savez, de plus en plus prépondérant. Encorefaudrait-il préciser que le Conseil de facto fonc-tionne souvent aujourd'hui plus comme une confé-rence intergouvernementale que comme un organeprévu par les Traités, avec les missions spécifiquesque vous connaissez bien.

Oh, certes, de bons esprits ont essayé de réagir.C'est ainsi qu'à plusieurs reprises la Commission,et surtout le Parlement européen encore du tempsnon élu, se sont rendu compte de la nécessité deréformes institutionnelles. Chaque fois, en 1962, en1973, en 1975, le projet de réforme proposait, sousune forme ou sous une autre, d'une manière plusou moins modérée, d'accroître les pouvoirs de laCommission en tant qu'exécutif et les pouvoirs lé-gislatifs du Parlement, et de limiter le rôle qu'onjugeait excessif du Conseil et de ses organes. Vousvous doutez bien qu'aucun Conseil des ministresn'a jamais poussé très loin l'examen de pareils pro-jets. La seule modification institutionnelle impor-tante a été en fait l'élection au suffrage universeldirect. Encore faut-il rappeler, dans ce contexte,que cette élection était déjà inscrite dans les Trai-tés. Alors qu'en période de crise l'objectif devraitêtre de préserver la cohésion de la Communauté etla personnalité internationale qu'elle a su acquérir,il existe, pourquoi le cacher entre nous, une crisede confiance entre les instances communautaires.Pourquoi donc ne pas concéder courageusementque nous pouvons tous - je dis bien tous - y avoirnotre part de responsabilité, même si elle est iné-gale ? Le Conseil, par exemple, en voulant troprigoureusement geler les moyens budgétaires. Cefaisant, il compromet l'efficacité et le développe-ment de nos missions en refusant d'appliquer lesrègles qu'il s'est lui-même fixées, mais surtout enn'arrêtant pas les nouvelles règles que pourtant ilréclame. A cet égard, un certain retour - et je ledis tout bien pesé - un certain retour à la majoritéqualifiée, également prévue dans les Traités, meparaît, Mesdames, Messieurs, souhaitable, voirenécessaire...

(Applaudissements)

... et ceci surtout dans la perspective de l'élargisse-ment et en considérant que les chefs d'État et degouvernement, à différents sommets, l'ont préco-nisé.

Maintenant, quand on parle des responsabilités,certains parlementaires européens risquent aussi,en voulant soustraire notre Commission à l'in-fluence du Conseil, de pousser peut-être un peutrop loin dans l'autre sens. C'est humain, medirez-vous. La Communauté, souvenons-nous en,est axée sur trois Institutions, pas seulement surdeux : le Conseil, la Commission, le Parlement. LaCommission dans le respect des Traités, dans l'in-térêt de la Communauté tout entière, donc dans levôtre, Mesdames, Messieurs, défendra et défendrarigoureusement son indépendance et s'efforcera,avec plus de vigilance et d'ardeur demain qu'hier,d'exercer ses responsabilités et d'être comme vousle lui avez demandé l'organe moteur, l'organe deproposition de la Communauté.(Applaudissement)

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Ce faisant, je vous le promets, la Commissionmaintiendra en permanence le contact avec le Par-lement, l'informant, le consultant de la façon laplus scrupuleuse et, vis-à-vis du Conseil, nous veil-lerons à la transparence nécessaire puisque cela estindispensable en démocratie européenne, afin quechacun sache, que chacun juge quelles auront étéeffectivement les propositions in i t i a l es de laCommission, quels auront été vos avis et les déci-sions du Conseil avec leur fondement et leur argu-mentation respectifs. Cela n'a pas été un vain mot,Mesdames, Messieurs, lorsque, le mois dernier, jevous ai dit que nous entendions œuvrer dans lesens d'une indispensable paix institutionnelle, avecplus de transparence, et que nous l'appelions detous nos vœux.

Il y a lieu de mesurer les conséquences de l'ineffi-cacité chronique des Institutions dans le processusdécisionnel. La tendance, de nos jours, à renvoyersystémat iquement à la Cour de jus t ice desCommunautés toutes nos divergences, surtout insti-tutionnelles, ne risquerait-elle pas, à terme, d'affai-blir le pouvoir politique de la Communauté dansson ensemble, et de toutes ses Inst i tut ions ycompris de la Cour ? Et je profite de cette occa-sion pour rendre, au nom de la Commission, unvibrant hommage à cette éminente Inst i tut ionqu'est la Cour. Elle a toujours su, malgré les tem-pêtes, maintenir le cap communautaire et nousallons, maintenant plus que jamais peut-être, avoirbesoin d'elle pour dire le droit.

(Applaudissements)

Néanmoins, Mesdames, Messieurs, il faut savoirqu'il n'est pas normal qu'une Communauté recoureen permanence à l'arbitrage de la Cour. Il nousfaudra donc dépasser les querelles d'interprétation,pour ne pas dire de juristes, et rendre l'objectifplus clair.

Enfin, il faudra que notre Communauté, que lesorganes politiques aient le courage de dire quelleconstruction européenne ils veulent vraiment .Sommes-nous prêts à certains sacrifices et au re-noncement qu'un tel engagement politique impli-que ?

Mesdames, Messieurs les parlementaires, vousconnaissez les problèmes de l'Europe, comme nous,membres de la Commission, les connaissons. Donc,vous devez sentir, comme nous le ressentons, qu'ilest urgent en cette année-ci de nous ressaisir. Lais-sez-moi vous dire que, sans votre concours, maisaussi sans celui du Conseil, c'est-à-dire des deuxautres Institutions qui participent au processus dé-cisionnel communautaire, notre action, celle de mes

collègues et la mienne, serait vouée à l'échec. C'estpourquoi un véritable trilogue interinstitutionnelpeut, je dis même doit s'établir. Premièrement, parle retour à la paix institutionnelle et la transpa-rence des relations entre nos Institutions. Deuxiè-mement, avec la Commission en tant que pivot etcatalyseur des problèmes intéressant la Commu-nauté. Troisièmement, avec, pour enjeu, un modèleoriginal de développement qui permettra à l'Eu-rope de mieux affronter les divers défis qui se po-sent à elle.

Le retour à la paix institutionnelle ainsi que latransparence des relations entre les différentes Ins-titutions me paraissent fondamentales si nous vou-lons réussir.

Je m'explique. La Commission, Mesdames, Mes-sieurs, n'a nullement le souhait de se substituer auConseil, encore moins au Parlement, dans leurs at-tributions respectives. Ce que nous souhaitons,c'est que le Conseil décide, je dis bien décide, dansle rôle législatif que les Traités lui ont donné. Qu'ildécide rapidement, de manière responsable et sur-tout de manière cohérente. Mais qu'il décide surdes propositions de la Commission, propositionsélaborées par des fonctionnaires dont il m'apparaîthautement nécessaire qu'ils demeurent indépen-dants dans l'accomplissement de leurs tâches. A cesujet, la Commission que j'ai l'honneur de présiderne transmettra plus au Conseil, comme cela a puêtre le cas dans le passé, des propositions decompromis, édulcorées en fonction des exigencesdes experts nationaux, au point de ne plus rienavoir en commun avec les idées initiales de laCommission.

(Applaudissements)

L'objectif de notre Collège, et je m'en porte ga-rant, sera à l'avenir de formuler des propositionsqui tiendront compte uniquement des intérêts de laCommunauté, de toute la Communauté, et sur les-quelles la Commission engagera sa responsabilité.Je le souligne une nouvelle fois, la nouvelleCommission n'attendra pas, soit l'autorisation, soitla requête des Etats membres, pour préparer telleou telle proposition, comme c'est de son devoir depar les Traités.

(Applaudissements)

Du Parlement, de ce Parlement élu au suffrageuniversel , votre servi teur a ins i que tous lesCommissaires - et n'oublions pas que onze desquatorze ont été parlementaires voire membres degouvernement - attendent beaucoup. Mesdames,Messieurs.

Ils attendent tout d'abord qu'il se dégage de votrehaute Assemblée une majorité prête sur, comment

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dire, sur l'ensemble ou du moins sur l'essentiel dessujets, à appuyer la Commission dans son rôled'initiatrice des projets d'intérêt communautaire ;ensuite, dans son rôle consultatif, que ce Parlementnous fournisse de bons rapports qui, à n'en pasdouter, enrichiront notre expérience, et seront, jevous le promets, pris en considération. De notrecôté, nous nous engageons à vous faciliter la tâcheen vous informant du mieux que nous le pourrons,et je reconnais que le rôle de mon collègue An-driessen sera, de ce point de vue, déterminant,mais sa réputation, son renom, ses responsabilitéspassées sont autant de garanties pour l'avenir.

Quant à notre Commission, fidèle à ses engage-ments, elle s'efforcera de remplir ses missions. Ellepeut y parvenir, dès lors que ses rouages sont ef-fectivement branchés sur la volonté populaire enEurope telle qu'elle s'exprime à travers nous. Il estévident que ceci ne changera pas encore la face del'Europe, la Commission ne pouvant pas déplacerles montagnes, ni modifier les tristes réalités de laconjoncture, il faut que nous nous en rendionscompte. Notre rôle et notre devoir sont en revan-che de créer des impulsions nouvelles, d'exercer demanière audacieuse notre droit d'initiative, enn'hésitant pas à poser les premiers jalons là et par-tout où cela sera nécessaire. Ceci exige, et je m'yengage personnellement, que mes collègues et moi-même formions un vrai Collège, solidaire, et res-ponsable qui, faut-il le rappeler, ne saurait s'identi-fier à un gouvernement de coalition. Les principesd ' e f f i cac i t é et de démocra t ie doivent donccommander notre attitude dans ce trilogue interins-titutionnel. L'application du droit communautaireégalement. C'est ainsi que, dans le différend bud-gétaire qui nous oppose à l'heure actuelle à cer-tains États membres, nous avons décidé d'engagerla procédure d'infraction prévue par le Traité.Notre attitude n'étant cependant pas rigide, nousnous efforçons - et je pense que vous êtes d'accordavec nous - nous nous efforçons en ce moment, etnous continuerons à nous efforcer, de négocier avecles États de nouvelles règles et des arrangementspolitiques.

Il ne faut pas oublier que ces problèmes institu-tionnels sont plus importants pour nous, Euro-péens, que pour tout autre gouvernement national.En tant qu'Institution venant à peine de dépasserl'âge de la majorité, il est essentiel, pour nous, quenous puissions défendre les quelques pouvoirs queles Traités nous ont attribués afin d'être en mesurede remplir nos missions.

Mais la Commission devra en outre, je le répète,tenir ou reprendre, en cas de besoin, le rôle depivot et de catalyseur dans les grands problèmesqui intéressent l'Europe.

Vous aurez constaté tout à l'heure que les défisque la Communauté devra affronter ne cessent decroître en nombre, en poids, et que les politiquesenvisagées pour y faire face vont désormais bienau-delà de celles indiquées dans les traités deRome. Ces traités, vous le savez, ont été élaborésdans une conjoncture très différente de celle quenous connaissons aujourd'hui. Mais où serions-noussi les Traités n'existaient pas ?

Sans le revendiquer explicitement, la Commissionsouhaite participer pour l'Europe aux grandsdébats qui se déroulent à l'échelle mondiale et qui,s'ils ne sont pas exclusivement abordés dans lesTraités, ont une influence directe sur leur applica-tion ou leur inapplication.

Il est important à l'avenir que l'Europe elle-mêmesoit représentée dans les grands débats mondiauxet non seulement certains Etats européens.

(Applaudissements)

Quelle autre Institution, dans ce contexte, que laCommission - que les Traités placent sous votrecontrôle - pourrait mieux exprimer le point de vuele plus communautaire sur les sujets, oserai-je dire,les plus divers ? Il faut se rendre compte que lacrédibilité de l'Europe s'amenuise chaque fois quenos interlocuteurs, que nos opposants s'aperçoiventque la volonté commune n'est qu'une apparence, etque les politiques nationales et les politiquescommunautaires sont, dans des questions essentiel-les et relevant même des Traités, non seulementsouvent divergentes, mais parfois opposées. Au ris-que de perdre, en agissant ainsi, simultanément surles deux tableaux. Au cours des dernières années,vous le savez, Mesdames, Messieurs, les exemplesse sont par trop multipliés. Des effets de cet ordrepourraient être rapidement désastreux dans lestemps présents.

L'enjeu de tout cela, au fond, est de permettre àl'Europe de se doter d'un modèle original de déve-loppement. L'avenir de l'Europe, c'est une évi-dence, n'est pas seulement une affaire d'économie.

Dans la redistribution des cartes qui a lieu àl'heure actuelle sur la scène mondiale, l'Europedoit avoir la part qui lui revient. Elle ne pourral'obtenir que si elle parvient à maîtriser, et peut-être à devancer les forces de changement politi-ques, technologiques et économiques. Il n'est plusinterdit de rêver à une Communauté politique quiengloberait, en les dépassant, les Communautés ac-tuelles. Cette Communauté politique ne verra pasle jour sans une volonté politique commune dontvous pourriez être, Mesdames et Messieurs les par-lementaires, en quelque sorte les missionnaires. Jedis bien les missionnaires, car je ne me fais pas

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d'illusions : sans action au niveau des États, sansassociation des citoyens européens, sans projets cul-turels, sans politique d'information, ce bel élan ris-que d'être sans lendemain. Au lieu de faire unique-ment confiance à une série de mécanismes d'ordreextérieur, comme les politiques communes et lesInstitutions, qui imposeraient des comportements, ilfaut partir des comportements eux-mêmes, de l'in-térieur, pour qu'un jour des manifestations exter-nes de solidarité puissent être envisagées. Nous fai-sons l'Europe, il serait bon aussi que nous fassionsdes Européens.

Mesdames, Messieurs, pour conclure, par votreélection au suffrage universel direct, la démocratiea fait son entrée dans la construction européenne.Cela, vous le savez, ne signifie pas encore que lescitoyens européens qui vous ont élus se sentent ac-tuellement concernés par tous nos travaux. Aussi,restons vigilants. Restons à l'écoute des Européens,et nous vous proposons, nous. Commission, à vousParlement, de nous doter à cette fin d'une struc-ture de dialogue.

Il ne m'appartient pas à ce stade, aujourd'hui, dedéfinir les modalités qui devraient caractériser cenouveau dialogue, puisque nous devons les définiren commun. Qu'il me suffise de vous dire qu'ànotre avis, aucun sujet ne devrait être exclu de cedialogue. Dans une Europe, dans un monde encrise, c'est-à-dire engagé dans un processus dechangement de civilisation, nous sommes appelésici et maintenant, tout de suite, à préparer l'Eu-rope de la deuxième génération.

A la lecture du programme et des priorités quenous vous avons soumis, tout lecteur averti se ren-dra compte qu'à travers les discussions de la politi-que agricole commune, le rééquilibrage de cettedernière par rapport aux autres politiques, ancien-nes, nouvelles, la politique monétaire, la politiqueénergétique, la politique sociale et régionale, ilnous sera donné, dans les mois à venir, de remode-ler la Communauté, de définir l'Union européennedont nous parlons depuis près de dix ans, c'est-à-dire de faire ou de refaire l'Europe. Tout ceci,nous devons le faire, vous comme nous, dans laplus grande clarté, sans la moindre équivoque, eten évitant à l'avenir des malentendus comme ceuxqui ont encombré notre passé.

Nous aurons aussi à nous prononcer en toute clartésur notre volonté d'élargir la Communauté en larenforçant mais aussi en l'approfondissant. Letryptique de La Haye, tel qu'il est entré dans l'his-toire en 1969, reste, au fond, valable et devraitêtre mis en œuvre douze ans plus tard.

Pour réussir cela, nous devons établir en mêmetemps, c'est-à-dire tout de suite, toute la clarté sur

le rôle des Institutions, sur leurs relations, sinon,d'équivoque en malentendu, et de crise en procès,nous perdrions rapidement notre souffle et laconfiance que nous pourrions avoir encore en nous-mêmes.

Ce besoin, Mesdames, Messieurs, de mettre del'ordre a été souvent négligé, puis, parfois plusclairement ressenti, heureusement, lorsqu'on a eurecours au rapport d'un très grand Européencomme Léo Tindemans, lorsqu'on a fait appel àdes Sages, voire à des experts dont les travaux,hélas, ont seulement enrichi nos bibliothèques.

Voilà pourquoi, au nom de la Commission, je vousdemande aujourd'hui à vous, membres du Parle-ment européen, élus par les citoyens de nos pays :est-ce que vous, élus européens, est-ce que nous,membres de la Commission, gardienne des Traités,exécutif communautaire, moteur de la Commu-nauté, désignée par nos gouvernements, est-ce quevous et nous ensemble, nous ne sommes pas quali-fiés, suffisamment qualifiés pour faire toutes lespropositions nécessaires sur ce qui peut être fait,sur ce qui doit être fait pour l'Union européenneet, est-ce que nous ne sommes pas également qua-lifiés pour identifier, puis faire avancer toutes pro-positions nécessaires sur ce qui pourrait et devraitêtre fait ?

(Applaudissements)

Si je vous ai bien compris, le Conseil européen, leConseil de ministres sont, sous toutes leurs formes,vos invités permanents. Eh bien, ils seront doncégalement conviés à cette grande tâche, dont nousparlons en ce moment et que nous devons tout desuite entreprendre. Même s'il est compréhensibleque nos gouvernements préfèrent, à ce stade,conserver leurs droits dans le respect de leurs pou-voirs pour ne se prononcer que sur propositions,vous Parlement, nous Commission devons nous dé-clarer prêts, dès maintenant, à commencer ce tra-vail, à jeter les bases de l'Europe de demain, envue de l'achever au cours de la présente législa-ture.

Mesdames, Messieurs, il faut bien qu'on se le dise :avant 1985, nous devons avoir consolidé laCommunauté et nous ne pourrons le faire qu'enadaptant notre Communauté, en cimentant ce quiexiste, en développant nos Institutions et leurs rela-tions interinstitutionnelles. En 1985, ou bien notreCommunauté aura progressé comme je l'ai es-quissé, elle sera allée plus loin, elle sera bien plusforte ou elle ne sera même plus ce qu'elle est au-jourd'hui, elle se trouvera en décomposition.

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, jeviens de vous lancer un appel au nom de la

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Commission, au nom de l'Europe pour qu'ensem-ble, mais vraiment ensemble, les trois Institutionscontribuent à rendre vie et dynamisme à notreCommunauté. Soyons vigilants Mesdames et Mes-sieurs, n'oublions pas deux choses : tout d'abord, iln'est pas sûr que le temps travaille toujours pourl'Europe. Grâce aux fulgurants progrès de la tech-nique, la planète ne cesse de se rétrécir. Lesgrands problèmes de notre époque prennent de plusen plus un caractère universel et tout semble lais-ser prévoir que le voisinage géographique et l'héri-tage du passé ne seront plus, demain, au mêmedegré qu'hier un facteur décisif de solidarité etd'association.

Enfin, dans les défis que nous aurons à surmonter,nous aurons autant besoin de courage que d'imagi-nation. Dès lors qu'il s'agit de l'Europe, Mesdameset Messieurs, j'espère me montrer digne de l'apos-trophe qu'Alfred Grosser vient de m'attribuer etj'espère pouvoir la partager avec vous, à savoir« d'être celui qui n'a pas renoncé ».

(Applaudissements prolongés)