Debussy Et Stravinsky

7/25/2019 Debussy Et Stravinsky

http://slidepdf.com/reader/full/debussy-et-stravinsky 1/14

Societe Belge de Musicologie

Debussy et StravinskyAuthor(s): André SourisReviewed work(s):Source: Revue belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap, Vol. 16, No.1/4 (1962), pp. 44-56Published by: Societe Belge de Musicologie

Stable URL: http://www.jstor.org/stable/3686071 .

Accessed: 04/03/2013 05:02

Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at .

http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp

.JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of

content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms

of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected].

.

Societe Belge de Musicologie is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue

belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap.

http://www.jstor.org

This content downloaded on Mon, 4 Mar 2013 05:02:31 AMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions

http://www.jstor.org/action/showPublisher?publisherCode=sbm

http://www.jstor.org/stable/3686071?origin=JSTOR-pdf






http://www.jstor.org/stable/3686071?origin=JSTOR-pdf

http://www.jstor.org/action/showPublisher?publisherCode=sbm



DEBUSSY

ET

STRAVINSKY

par

ANDRE

SOURIS

(Bruxelles)

On a

groupe

ci,

par

ordre

hronologique,

es

extraits e la

correspondance

e

Debussy

relatifs Stravinsky.

es uns

proviennent

e

lettres dressees

Stravinsky

t

temoignent

'une

gravite

t

d'une

sincerite

videntes,

andis

ue

dans

es

autres,

ires

e

lettres"

Jacques

urand,

Robert odet t

Andre

aplet,

'admiration

ueDebussy

rofesse

pour e musicienusse e trouveouventempereeeriticence,arfois egouaillerie. ette

etrangeupliciti,

ui

a

deconcerte

travinsky

orsqu'il

n

ut,

ardivement,

onnaissance

1),

ne

le concernait

as specialement.

lle

etait

nscrite ans

la

complexion

sychique

e

Debussy,

ui

en usa durant oute a

vie,

selon es

circonstances.

vant

d'etre

econnue

comme

elle,

lle

fut longtemps

a

source es

pires

malentendus,

t

fait

aujourd'hui

e

desespoir

es

biographes.

Deux

temoignagesompletent

es

extraits,

'un,

bien

onnu,

e

Louis

Laloy;

I'autre,

recemment

ublie,

de

Georges ean-Aubry.

A.S.

A

JACQUES

URAND

8-7-1O),

a propos de L'Oiseau deFeu.

Qa

n'est

pas parfait,

mais,

par

certains

otes,

'est

toutde

meme res

ien,

parce que

la

musique

n'y

est

pas

la

servante e la

danse...

Et

l'on

y

entend,

parfois,

es

concordances

e

rythmes

out a fait

nhabituelles

A

ROBERT

GODET

(I8-I2-II)

Savez-vous

ue

tout

res

de

vous,

Clarens,

l

y

a

unjeune

musicien

usse:

Igor

Stravinsky,

ui

a le

genie

nstinctif

e la

couleur

t

du

rythme? e

suis

sur

que

lui et sa

musique

vous

plairaient

nfiniment...t

puis

<< l ne fait

pas

le

malin >. C'est faiten

pleine pate

orchestrale,

ans

intermediaire,

ur

un

dessin

ui

ne

s'inquiete

ue

de 'aventure

e son

emotion.

I

n'y

ni

precautions,

ni

pretentions.

'est enfantint

sauvage.

Pourtanta

mise n

place

en

est ex-

tremement

elicate.

Si

vous avez

l'occasionde

le

connaitre,

'hesitez

as.

A

propos

de miseen

place,

e

ne

suis

pas

arrive

usqu'ici

a

trouver

elle

que je

veux

pour

les deux

petits

drames

d'apres

Edgar

Poe... Cela sent

e

travail t l'on

voit es

<

coutures

(')

Avec

travinsky,

onaco

I958,

p.

28. Les extraits es

lettres

Stravinsky eproduits

ci

sont tires

de cet

ouvrage.

45







K

Fb-PT-T

A

-

CKR3KA-BRAJETb

B'b 2-x-b KAPTMHAX'b.

CocTaoHJib

o

pyccKoH

HapOAHOH

cKa3Kt

MHxaHnib

(POKHHb.

MY3bIKA

HropfTpauBHCKaro.,

opretaio

n

2

prm.

,

L'OISEAU

DE

FEU'

1¥

CONTE

DANSI

EN

2

T.ABLEAUX.

Compose

d'apres

le

conte

national

russe

par

M. Fokine.

MUSIQUE

DE

Igor

Strawinsky.

Piano

A

2

mains.

0

seissam

*nUMaTU

PropridU

e

l'diteur

11. iOprencOHa.

P.

Jurgenson.

IOCKBA.

JIElnUlHrb.

*OSCOU.

LEIPZIG.

C.-lneqreypr,

I.

10preaesu.

I

Bapmuu,

3. Bene

* Ir.

Kier

y

1. HAIs.

sarWE.

(L'exemplaire

de

L'Oiseau

de

feu

dedicac6

par

Strawinsky

Debussy

est conserve

a

la

Bibliotheque

du

Conservatoire

royal

de

musique

de

Bruxelles).

44







A

IGOR

STRAVINSKY

(13-4- I2)

Cher

Ami,

Grace

a

vous,

'ai

passe

d'exquises

vacances

de

Paques

en

compagnie

de

Petrouchka,

du Maure terrible t de

la

delicieuse

Ballerine.

J'imagine

que

vous

avez

dui

passer d'incomparables

moments

avec

ces

trois

poupees...

et

je

ne

connais

pas beaucoup

de choses

qui

vaillent ce

que

vous

appelez:

<

le

Tour

de

Passe-Passe >...

il

y

a la-dedans

une sorte de

magie

sonore,

de

transformation

mysterieuse

'ames

mecaniques qui

deviennent

humaines

par

un

sortilege

ont

jusqu'ici

vous

me

paraissez

l'inventeur

unique.

Enfin,

l

y

a

des

suretesrches-

trales

que

je

n'ai rencontrees

ue

dans

Parsifal

-

vous

comprendrez

ce

que

je

veux

dire,

'en

suis sir -

Vous

irez

plus

loin

que

Petrouchka,

c'est

certain,

mais

vous

pouvez

deja

etrefierde ce

que

cette ceuvre

represente.

I1 faut

que

vous m'excusiez

d'avoir

tant

tarde

a

vous

remercierde

votre

amical

envoi,

dont

la

dedicace m'attribue une

bien

trop

belle

place

dans

la

maitrise

de cette

musique

que

nous servons

tous les

deux

avec

un

meme

zele,

un

pareil

desinteressement

.

EXTRAIT

D'UNE CONFERENCE

(INEDITE)

de

Georges ean-Aubry

1):

A

l'epoque

meme

de

Petrouchka

...]

j'entends

encore

Debussy

me

dire,

la

tete

baissee,

les sourcils

fronces,

es

yeux

retires

derriere

'abri

de son

vaste

front ombe:

<

I1 faut ecouter cette

musique,

c'est

etonnant: ce

jeune

sauvage

a

du

genie,

et

intelligent

vec

cela

>

Et,

a

plusieurs reprises,

l me

dit

en

ap-

puyant, es dentsserrees, ur l'adjectif: << a une intelligenceredoutable>.

Dans La

musique

etrouvee

Paris,

1928)

Louis

Laloy

evoque

la

lecture,

qui

eut

lieu chez lui

au

printemps

de

I913,

de

la

reduction

pour piano

a

quatre

mains

du Sacre du

Printemps:

...

Debussy

consentit

jouer

la

basse.

Stravinsky,

e

regard

immobilise

par

les

lunettes,

piquant

du nez

versle

clavier,

par

instants

hantonnant une

partie

elaguee,

entrainait

ans un

debordement onore es mains

agiles

et molles

de son

compagnon

qui

suivait

sans

accroc et

semblait se

ouer

de

la

difficulte.

Quand

ils eurent

termine,

l ne

fut

plus

question

d'embrassades,

ni

meme

de

compliments.Nous etionsmuets,terrasses omme apres un ouragan venu, du

fond

des

ages, prendre

notre

vie aux

racines.

A ANDRE CAPLET

(29-5-13)

...

<Le Sacre du

Printemps

>

st

une

chose

extraordinairement

arouche...

Si

vous voulez:

c'est

de

la

musique

sauvage

avec tout le

confort

moderne

DE GEORGES

JEAN-AUBRY

(op. cit.):

...

Au

lendemain

du

Sacre

du

Printemps

ont

il

avait

subi

a

puissance,

dont

il ne dissimulaitpas sa sensation,et qu'il admirait, l me dit cettephrase que

(1)

Revue e

Musicologie,

aris,

I962,

N°

special

Claude

Debussy,

.

o19.

46







je

n'ai

jamais

oubliee:

<

C'est

tout de meme

pas

comme

ca

qu'on

fera

de la

musique

francaise

>.

A ANDRE

CAPLET

(23-6-13)

...

Je

vous

reserve

a lecture du Sacre du

Printemps

ui

ne

peut

pas

vous

laisser ndifferent.

A IGOR

STRAVINSKY

(18-8-13)

Cher

vieux

Stravinsky,

Excusez mon

retard

a vous remercier

'un

envoi

que

la

dedicace fait

pre-

cieux

entre ous

[...]

La

musique

pour

<

Le

Roi

des

Etoiles

reste

xtraordinaire.

C'est

probablement

1'<<

armonie

des

spheres

ternelles

>

dont

parle

Platon

(ne

me demandez

pas

a

quelle

page ).

Et

e

ne vois

que

dans Sirius

ou

Aldebaran,

une executionpossible de cettecantate pour < mondes > Quant a notreplus

modeste

planete, 'ose

dire

qu'elle

restera

elle

une

gauffre,

l'audition de

cette

ceuvre.

J'espere que

vous

etes tout a

fait remis

Il

le

faut,

parce

que

la

musique

a

trop

besoin

de vous.

A IGOR STRAVINSKY

(9-I1-13)

...

Naturellement,

es

gens

que

votre maitrise

grandissante

gene

un

peu

n'ont

pas manque

de fairecourir es bruits es

plus

discordants,

t si

vous

n'etes

pas deja mort,ca n'est pas de leur faute...Je n'ai jamais cru a ce fait-divers,

ai-je

besoin

de vous le dire? Non

pas plus

que je

n'ai

besoin

de vous

dire

ma

joie

de voir

mon nom associe

a une

tres belle

chose,

que

les

temps

rendront

plus

belle encore.

Pour

moi

qui

descends

l'autre

versant de

la

colline,

en

gardant

toutefois

une ardente

passion

pour

la

musique,

l

y

a une

satisfaction

peciale

a

constater

combien vous

avez recule

les bornes

permises

de

l'empire

des

sons.

Excusez

ces mots

un

peu

grandiloquents,

mais

qui

rendent

exactement

ma

pensee ...

A IGOR STRAVINSKY (17-I1-13)

...

Si vous

n'avez

rien de

mieux

a

faire

e

vous conseille

d'aller a

Moscou,

c'est une ville

admirable

que

vous

ne connaissez

peut-etre

pas

tres

bien,

vous

y

rencontreriez

Claude

Debussy,

musicien

francais

qui

vous

aime

bien

affec-

tueusement.

A

ROBERT

GODET

(I4-1O-15)

...

En

ce

moment,

on

se demande

dans

quels

bras la

musique pourrait

bien tomber.

La

jeune

ecole russe

nous

tend les

siens;

a mon

avis,

ils

sont

devenus

aussi

peu

russes

que

possible.

Stravinsky

ui-meme ncline

dangereuse-

ment

du

cote

de

Schonberg,

mais

reste,

tout de

meme,

la

plus

merveilleuse

mecanique

orchestrale

de ce

temps.

47







A IGOR STRAVINSKY

(24-10-I5)

...

II

faudra

nettoyer

e monde de cette mauvaise

semence.

II

faudra

tuer

ce microbe de

la

fausse

grandeur,

de

la

laideur

organisee,

dont nous ne

nous

sommes

pas

toujours

apersu qu'elle

etait

simplement

e la

faiblesse.Vous etes

assurementun de ceux qui pourront combattre victorieusement es autres

<

gaz

>,

aussi

mortels

ue

les

autres,

contre

esquel

nous

n'avions

pas

de

<

mas-

ques

>.

Cher

Stravinsky,

ous etes un

grand

artiste

...].

Je

n'ai

ecrit

que

de

la

musique

pure:

Douze Etudes

pour

le

piano,

deux

Sonates

pour

divers nstruments.

ans notre

vieille

forme

ui,

gracieusement,

n'imposait pas

aux

facultes auditives

des

efforts

etralogiques...

Et

vous,

cher

ami,

qu'avez-vous

fait?

Croyez

bien

que

vous

pouvez m'envoyer

promener

ur cette

question,

ou

il

n'entre aucune basse

curiosite,

mais

simplement

un

prolongement

de

mon

affection our vous.

A

ROBERT GODET

(4-1-16)

...

J'ai

vu recemment

Stravinsky.

I

dit: Mon Oiseau de

Feu,

mon

Sacre,

comme

un enfant

dit:

ma

toupie,

mon

cerceau. Et c'est

exactement:

un

enfant

gate qui, parfois,

met

es

doigts

dans le nez de la

musique.

C'est aussi un

eune

sauvage qui porte

des cravates

tumultueuses,

aise

la

main

des

femmes

n

leur

marchant

sur les

pieds.

Vieux,

il

sera

insupportable,

'est-a-dire

qu'il

ne

sup-

portera

aucune

musique; mais pour le moment,

l

est

inoui

II

fait

profession

d'amitie

pour

moi,

parce

que

je

l'ai

aide a

gravir

un

echelon

de

cette echelle du haut de

laquelle

il

lance des

grenades

qui n'explo-

sent

pas

toutes.

Mais

encore

une

fois,

l

est

noui.

I1 semble

bien

que

Debussy,

usqu'en

I9I0,

ne

se soit

profondement

n-

teresse

aucun musicien

de son

epoque.

D'autre

part,

e

debussysme 'agagait

d'autant plus qu'il avait a s'en defendre ontre ui-meme 1). Le faitque, des

L'oiseau de

Feu,

les ceuvresde

Stravinsky

'aient

cesse de retenir on

attention,

est donc

tres

remarquable,

et

lourd

de

sens.

Sans doute serait-il

hasardeux de

vouloir

preciser uelles

furent es reactionsde

Debussy

a

l'egard

de

la

musique

de

Stravinsky.

Mais les

temoignages

tires de

sa

correspondance

et

interpretes

dans tout

le contexte

de sa

biographie, permettent

e

supposer,

sans

trop

de

risques, que

ses reactions se

sont situees a un

niveau

eleve,

surplombant

es

contingences

de

l'criture,

du

style, peut-etre

de

l'esthetique,

c'est-a-dire au

(1)

La

musique

e

m'est

as

tres

ecourable.

ourune

mesure

peu

pres

ibre,

l

y

a

en

vingt

ui

etouffent

ouJ

le

poids

d'une

eule

radition

ont,

malgre

mes

fforts,e

reconnaisout e

meme

'influence

ypocrite

t

dche.

Remarquez u'il importe

eu

que

cette radition

'appartienne

n

propre...

'est tout ussi

decevant.

lettre

du

22 dec.

I911

de

Debussy

a

Andre

Caplet).

48







niveaude l'essence

meme

de

la

musique

elle

u'il

la concevait t telle

u'il

la

rencontrait

our

a

premiere

ois,

utrementncarnee

hez

un autre

musicien.

Si cette

upposition

'est

pas

erronee,

l

peut

etre

nstructif

'essayer, ujourd'-

hui,

de fixer e

niveau ou

ont

pu

coincider

es

conceptions

ropres

ux

deux

musiciens,

n tenant

ompte

de

l'ceuvre

ccomplie

usqu'a

ce

jour

par

Stra-

vinsky,ar cette euvre evrait sontour clairer etrospectivemente projet

fondamentale

Debussy.

es

lignes

ui

suivent e visent

u'a

poser

es

termes

de ce

probleme.

*

* *

Si les

premiers

uditeurs e

L'Apres-midi

'un

aune,

es

Nocturnes,

e

Pelleas,

ont

eprouve

e

sentimentrrecusable 'une

rupture

rofonde

ans a

continuite

de

l'histoire

e

la

musique

uropeenne,

n

peut

dire

que,

usqu'a

ces

dernieres

annees,presque oute 'exegesedebussyste'a eu d'autreobjectifue de col-

mater cette

rupture,

n

interpretant

'oeuvre

de

Debussy

de

telle

maniere

qu'elle

puisse

s'inserer ans le cours uniforme

t

lineaire

de la

tradition.

Mais

l'entreprise

'est

pratiquement

ornee un

recensement

u

vocabulaire

et

des

influences

'ecriture.

es

oeuvres e

jeunesse

ont

ete

naturellement

analysees

u

plus pres,

particulierement

ans

leur

aspect

harmonique,

t

les

<

audaces

>>

des

ceuvres

lterieures

amenees

e

force

des

racines

tymologi-

ques,

telles es fameuses

<

ppogiatures

on-resolues

.

Quant

aux

oeuvres

e

la

maturite,

osterieures

u

Martyre

e Saint

ebastien,

lle

furent

out

imple-

mentnegligees, arfois vec ostentation1), ce qui suffiraitrendre aducs

les

ugements ortespar

les

premiers

ommentateurs,

armi

esquels

Louis

Laloy,

Maurice

Emmanuel,

Charles

Koechlin,

Georges

ean-Aubry,

ont es

les

ouvrages

nt

donne

e

ton a

l'opinion

ourante.

Dans son

etude ur

Debussy

t a

musique

usse

2),

Andre

chaeffner,

n

re-

nouvelant e fonden

comble

es

methodes e

la

critique

debussyste,

,

le

premier,

tabli es bases

d'une

exegese

dequate

a son

objet.

On

y

trouve,

entre

utres,

eux

observations

apitales,

elatives

notre

ropos.

<<

erpetuellement

nsatisfait,

Debussy]

emblen'avoir

poursuivi

travers

ses

compositionsu'un

art

chimerique.

...]. Ses ceuvres emblent outes e

referer une

musique

encore

plus

parfaite

u

plus

subtile

t,

de

leur

effort

pour 'y

elever,

ortent

e

ne sais

quoi

d'illusoire

t

d'inachev

>>

3).

C'est

dire

que

le sens

d'une ceuvre

e

Debussy

ne

peut

se

decouvrir

ue

si

on la

situe

dansle

contexte

e

l'oeuvre

otale

t si on

l'interprete

n

fonction e

la

visee

qui

la

transcende,

haque

oeuvre

'etant

u'une

manifestation

lus

ou

moins

fidele

e

cette

isee.Des

L'Apres-midi,

'analyse

du

vocabulaire

armonique

st

deja

impuissante

rendre

ompte

de

la nature

nouvelle

de

cette

musique.

(1)

E.

Vuillermoz.

Claude

Debussy,

eneve,

I957,

p.

144.

(2)

Dans

Musique

russe, aris,

P.U.F.

1953,

tome I.

(3)

Op.

cit.,

p.

99.

49







L'analyse

des echelles

n'y

reussit

pas

mieux,

non

plus

que

celle

de

l'orchestra-

tion,

des schemas

formels,

es caracteres

tylistiques.

t

meme

si,

abandonnant

la

technique

analytique

du

denombrement

des

parties,

on

fait

appel

a la

notion

de

globalite,

on

constate

qu'une

difference ubsiste

entre

ce

qui

fait

l'unite

de

la

musique

de

Debussy

et ce

qui

fait 'unite des

musiques

anterieures.

Schaeffner voque ici < la delicatessedes articulations.Lorsque [Debussy]

ecrit

que

la

forme

chez

Moussorgsky

<

e

compose par petites

touches succes-

sives,

reliees

par

un lien

mysterieux

t

par

un

don de

lumineuse

clairvoy-

ance...

»

(1),

lui-meme

a

deja

fait

preuve,

notammentdans

Pelleas,

et dans les

Nocturnes,

'un

don

egal,

sinon

superieur,

de rendre olidaire

ce

qui

ne

presente

aucune

liaison

apparente.

[...]

La

phrase

cede

a une

autre,

dont la filiation

avec

la

precedente

est

de

nature

toujours

subtile

>

(2).

Tout se

passe

chez

Debussy

comme

si la

substance sonore trouvait a con-

tinuite

en

elle-meme,

comme

si elle etait

a la fois

'agent

et

le

produit

de sa

propre

liaison,

comme si rien d'exterieura elle meme n'intervenaitdans son

mode

d'etre.

Cette

<<

reation continuee

>

semble

avoir ete son souci

majeur,

qu'elles

qu'aient

ete

es

inegalites

de sa

production.

Et ses

propos

en

temoignent

suffisamment

our

nous

en

convaincre,

ne serait-ce

que l'loge qu'il

fait de la

musique

de

Stravinsly

dont

il dit

qu'elle

est

<<

ans

intermediaire

,

comme il

en

est

de sa

propre musique,

qui

nous

saisit et

que

nous saisissonsdans

son

immediatete,

parce qu'elle

cree

sa

propre

duree au

fur

et a mesure

qu'elle

se

cree

elle-meme.

Et

peut-etre

st-ce

a le

secret

de sa

difference.

En

effet,

e

temps,

dans la

musique

polyphonique pre-debussyste,

e

se

donne

amais

commeimmediat. II ne resulte

pas

des evenements

onores,

mais

il

les

conditionne.

En tout

point comparable

a

l'espace theorique

de la Renais-

sance,

il

<

est cree

en

premier

>

puis

les formes

<

'y

inserent elon les

regles

qu'il

dicte

>>

(3).

Les

rapports

onaux,

ejeu

des tensions

harmoniques,

es struc-

tures

metriques,

es

proportions

ynamiques,

orchestrales,

ref oute

a

combi-

natoire

des schemas

formels

ne

sont

que

les

supports

de

ce cadre

temporel

abstrait,

prealable

a

l'intervention

u musicien.

Dans ce

temps

pre-organise,

les

figures

onores

ont

d'abord

liees

a un

systeme

mesure

de

durees et

d'inter-

valles

qui

ne determinent

ue

secondairement

des

liaisons

locales.

Le

genie

de

Debussy

est

sans doute d'avoir decouvert

que

la

rhetorique

classique

n'etait

pas

une donnee

premiere,

mais

seulement

e

produit

d'une

conception

abstraite

du

temps

musical.

Sous cet

angle,

sa demarche

peut

etre

decrite

comme

la

creation d'un

temps

concret,

qui

est

d'abord un

manque,

un vide.

De

la,

dans

sa

musique,

'extraordinaire

ignification

u

silence,

omme

source

toujours

presente

d'un

temps

onore a venir.

De la

aussi,

pour

l'auditeur,

cette

<<

mmediate

fraicheur

de la

rencontre

>

4).

(1)

Revue

lanche,

5

avril

90g1.

(2)

Op.

cit.,

p.

35.

(3)

John

White,

cite

par

G.

Duthuit,

Le

Feu

des

ignes,

kira,

I962.

(4)

Mallarme,

a

propos

de Manet.

50







Une

analyse

dequate

de

son

oeuvre,

mettant

n

eu

les

moyens

'inter-

pretation

u'elle

appelle, pourrait

'elaborerdans cette

perspective,

ais au

niveau

microscopique

e la

texture,

t

en choisissant

omme

premier

hamp

d'experience

ne

oeuvre

de la

maturite.

On

pourrait

uivre

lors,

par

une

etude

chronologique

rebours,

a

realisation

rogressive

u

projetparadoxal

deDebussy, ui a etede reinventera musique partir 'unvocabulaire tabli,

emprunte

des sources

heterogenes

t detourne

e son

usage

traditionnel.

On

pourrait

eceler

par quelles

methodes,

ertainement

igoureuses,ebussy

a

pu

utiliser

es

proprietesnsoupconnees

es

elements

e

ce

vocabulaire t

substituer

la

fixite

e leurs

iaisons

yntactiques

es iaisons

iversifiees

elon

une hierarchie

onctionnelle

oujours

mobile.

Dans un article

elebre,

publie

peu

apres

la

creation

de

Pelleas,

ouis

Laloy

s'est

plu

a

decrire

a

nouveautede

l'ouvrage

n se

limitant ux

deux

accords

ui

en constituent

a

premiere

ellule,

ans un

mode

gregorien.

om-

mentne s'est-il as etonne u contenu e la deuxieme,ui empruntea gamme

par

tons,

et de

la

troisieme

ui

affirme a

tonalite

majeure?

Voici

juxtaposes

trois

ystemes

e liaisons

preetablies, ppartenant

a des

styles,

ien

plus,

a

des

mentalites

musicales tres

differenciees

t

qui, cependant,

se

trouvent ci

fondus

dans une

mysterieuse

nite. Un

probleme

de ce

type

n'exige-t-il

as

une reor-

ganisation

de

nos

connaissances

theoriques?

*

*

*

Ce

qui

a du troubler

Debussy

a

l'audition

des

premieres

euvresde

Stra-

vinsky,

'est

que,

d'une

part,

l

y

trouvait

ce

contact

mmediat avec

la

matiere

musicale

qu'il

avait recherche

toute sa

vie,

mais

que,

d'autre

part,

ce

contact

se

manifestait

ans un milieu sonore

qui,

par

bien des

aspects,

ui

etait

etranger.

Cependant

si,

a la

lettre,

on ne trouve

guere

trace de

<<

debussysmes

>

dans le

premier

Stravinsky,

'elaboration

du

materiel

s'y

presente

comme

le

produit

d'une meditation et d'une

experience

basees sur

des

traits

marquants

du

style

de

Debussy.

Mais ces

traits

y

sont

metamorphoses,

t

toujours

dans

le

sens

d'une

surenchere,

parfois

d'une

opposition

radicale. C'est

ainsi

que

la

duplication

fait

place

au

ressassement,

ue

les

cloisonnements,

u

lieu de se

fondre,

ccusent eurs

aretes;

a

proliferation

armonique

devient

urabondante,

il

s'y glisse

des

types

d'accords

nouveaux,

non reductibles

une

fondamentale,

mais individualises

par

leur

disposition

ui

en

fait

de

purs

agregats;

la

super-

position

des

metres

se

complique,

la

condensation devient

extreme,

mais les

sonorites

es

plus complexes

restent

ransparentes;

nfin,

la

fluidite

ebussyste,

d'essence

melodique,

s'oppose

deliberement ne dimension

verticale,

onfinant

au statisme.

Ce

qui

retient

Debussy,

c'est

que

tout

cela,

comme

il

l'ecrit

a

Godet,

<<

st

fait en

pleine

pate

orchestrale,

ur un

dessin

qui

ne

s'inquiete

que

de

l'aventure

de

son emotion.

C'est enfantin

t

sauvage

>.

Au

traversdes

formes

5I







nouvelles

ui

le

deconcertent,

l

reconnait insi a

propre

econ.

Comment e

pas

evoquer

ci ce

qu'il

ecrivait,

e

15

mai 19

I,

dans

La

Revue

lanche,

propos

de

Beethoven

l'egard

duquel

l

marquait

la

fois a

distance

t sa

dette:

<

La

vraie

egon

de

Beethoven 'etait

as

de

conserver'ancienne

orme;

as

davan-

tage

l'obligation

e remettrees

pieds

dans

l'empreinte

e

ses

premiers as.

II fallait egarder ar lesfenetresuvertes ur e ciel libre >.En fait,Debussy

n'a

pas

seulement

ompu

avec

l'esprit

beethovenien e la

symphonie,

mais

avec toute

a

tradition

hetorique

ont

Beethoven tait

'heritier.

'emblee

Stravinsky

dopte

cette

position

e

refus,

mais s'attache troitement

ux

con-

sequences u'en

a

tirees

Debussy

et

qui

le

conduisent

explorer

son

tour

les

richesses

rganiques

t es

connexions

es

plus

secretes

e la

matiere

onore.

Ce

qui

doit

a

Debussy,Stravinsky

'a

exprime

musicalementn

deux

ceuvres

xtraordinaires,

a

cantate

Zvezdolikij

Le

Roi des

Etoiles)

omposee

n

meme

temps ue

Le

Sacre n

I911

et

dediee a

Debussy,

t les

Symphonies

'in-

struments

vent,

la

memoire

e Claude

Debussy,

atant de

1920.

De

ces

deux

partitions,

obert

Craft ecrit vec

ustesse

ue

non

seulement

lles ne

se

ressemblent

'aucune

maniere,

mais

qu'elles

se

detachent

'une

et

l'autredu

courant

eneral

e

l'evolution

e

Stravinsky.

es

Symphonies

ontbien

connues

mais,

trangement,

e

Roi

des

Etoiles

st reste

ongtemps

nedit

1).

La

texture

de cettecantate

est

parmi

es

plus

insolites

ue Stravinsky

it

concues.

Elle

n'est

faite,

comme

par

gageure,

que

de

contradictions

nternes,

ourtant

resolues

n une

parfaite

nite.Sa courteduree

moins

de

cinq minutes)

on-

traste vec sonextremeenteur;un grandorchestre,omportantuitcors,y

deploie

des accords

pyramidaux

ui s'opposent

un

petit

hceur

'hommes

egalement

ccordique

mais

rythmiquement

ndependant;

es

groupes

'homo-

phonies

yant

entre lles des

rapports

ubtils e

superposent

n

series

metri-

ques

contrastees,

omme au

chiffre

(ex.

i)

oi

la

mesure

e

trouve

ivisee

de six manieres

differentes;

'heterogeneite

es

harmonies st

traversee e

longues

pedales;

enfin,

a

nuance est tres

douce,

si bien

que

les

sonorites

es

plus complexes

ardent

ne

parfaite ransparence.

II

s'agit

bien la

d'une

experimentation

ur

es

possibilites

e

liaison de

proprietesivergentes, ais dans un domaine outefoisiendelimite,ui est

celui

de

l'harmonie

tatique,

erite e

Debussy.

Ce

n'est

u'apres

Le

Sacre,

n le

sait,

ue Stravinsky

bandonnera e

genre

de

speculation.

es

lors,

plus

riendans son

oeuvre e se

rattachera

ux

mate-

riaux

debussystes

t

cependant 'objet premier

t dernier

e

ses recherches

restera,

omme

l

l'etaitreste

our Debussy,

e

creer vec

des sonsdes

objets

absolus,

oues

d'un sens

mmanent,

t dont es

pouvoirs

e

rayonnement

oient

inclus

dans leur forme

ropre.

Mais

alors

que

Debussy

'etait

negligemment

(1)

La

premiere

xecutiondu Roi des Etoiles

ut

lieu en

1938

a la

Radio

de

Bruxelles,

a

seconde a

New York

en

I949.

Une

description

etaillee

de

I'ceuvre,

par

Robert

Craft,

e trouve

dans le

recueilAvec

travinsky,

onaco,

1958.

52







r

i

-J

dr

41

I

1

53

I

I

fL

t

t

P

-4

o

I7

f,tc

C

A

km,.

-ro4tt

I







tK

,)

)

)

)

)

)







55







contente es

<moyens

u bord>>

uxquels

l

insufflaitne

vie

nouvelle,

travins-

ky

a

concu

et realise e

projet

paradoxal

de

recuperer,

ans

le

passe

de la

musique

uropeenne,

es materiaux

ui

avaient ervi e

supports

la

rhetorique

classique,

finde les

rendre,

n

quelque

sorte,

leur

etat

sauvage.

Ainsi a

meme

demarche

reatrice,

ui

avait conduit

Debussy

a

rompre

vec une

traditioneculaire, conduit travinskyconferer sesvestigesettevaleur

d'etrangete ue

prennent

outes hoses

ux

yeux

de

l'artiste

moderne.

56

Documents

Debussy Et Stravinsky