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DEC 13/FEV 14 Parution Irrégulière - Jean-Yves Le Naour

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JEAN-YVES LE NAOUR

« Une histoireculturellea éiner gé »

Près d'un siècle après ce qui fut la plus grande boucherie des tempsmodernes, l'historien spécialiste de la Grande Guerre Jean-Yves Le Naouranalyse pour L'Express les ferments d'un conflit qui allait devenirmondial. Et souligne combien cette guerre, devenue « totale », modifia enprofondeur, au-delà de la stratégie militaire, la société tout entière.

propos recueillis par Philippe Bidalon et Léon Mazzella

Jean-Yves Le Naourest l'auteurde nombreuxouvrages surle premier conflitmondial, dont,récemment,• La GrandeGuerre en archivescolorisées(éd Géo Histoire,49,95 €)• 1915(éd Perrin, 23 Ê)

Nous observons depuis quèlques annéesun apaisement dans le traitementhistorique de la Grande Guerre. Celasignifie-t-il que, ayant digéré certaineschoses, l'histoire se penche sur denouveaux sujets apolitiques?Les etudes historiques sur la Grande Guerre ontlongtemps ete occupées par une histoire stricte-ment militaire, par la recherche des causes duconflit et de ses coupables, tout en comptant sesvictimes. Puis, les nationalismes, ainsi que la lecturemarxiste de l'histoire se sont peu a peu effondres,et ont laisse la place a une histoire davantage culturelle de la Premiere Guerre mondiale La recherche historique est entree dans le champ social,les historiens se sont interesses par exemple aurôle des femmes, a celui des enfants a l'arrière, ala vie quotidienne des soldats et a toutes sortesde sujets maintenus a l'écart jusque la, car jugessecondaires Le politique, évacue lui aussi dupropos on cessa dè rechercher les responsablesChaque generation d'historiens a son regard surla Grande Guerre maîs les faits restent les faitset l'histoire travaille a leur interprétation Les re-gards changent et les sources aussi des chosessortent peu a peu II était inconcevable de parlerde la sexualité des poilus ou du front arrière, tant

qu'il restait des vétérans en vie La societe n'étaitpas mûre, voire ne s'intéressait guère aux questionsd ordre prive Gen était pas considère comme dessources Tandis que les temoignages émanaientd'intellectuels, écrivains notamment, on publieaujourd hui les lettres et les carnets des soldats,sortis des armoires et des greniers, soit de la baseD autres sources se font jour et c'est heureux

Les historiens sont-ils donc aujourd'huiunanimes?

> Presque ' En 1998,j'ai assisté à la naissanced'un debat vite controverse, lors d'un colloque àMontpelliei Deux chapelles se sont alors opposéessur les notions de « guerre contrainte » ou « guerreconsentie » Pour les premiers, seule la dureté del'organisation militaire contraint les hommes afaire cette guerre qu'ils ne veulent pas (lire aussipage206) La peur du peloton d'exécution expli-querait la resolution des poilus au fond de leurtranchée Pour les autres, regroupes dans l'écolede Peronne, la légitimité de l'Etat-nation, aI epoque, ne laisse pas de place aux etats d'âmePacifistes ou non, tous acceptent « d'y aller » Ilsfont leur devoir a l'appel de la Nation Cette que-relle est aujourd'hui digérée, les thèses se sontrapprochées, l'intelligence a gagne

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••• Et chez les historiensallemands?-> Ils ont trouve une autre source de querelle

a propos de la responsabilite des belligérants.Jusque dans les annees 1960, la tendance outre Rhin était de nier celle du II1- Reich (leprofesseur Fischer fut le premier a évoquerclairement la faute du Kaiser) Maîs,commeen France,il s'agit de querelles de clans d'um-versitaires, aujourd'hui apaisées Cela necompte guère En revanche, pour lAllemagne,Hitler,petit caporal en 1914,a bien ete enfantépar la Grande Guerre C'est l'homme de laRevanche

Partage-t-on la même empathie dusouvenir des deux côtés du Rhin?i—> Les regards français et allemand divergentsur bien des points Prenons le cas des der-niers combattants lorsque Lazare Ponticelli,notre ultime poilu décède, l'événement esténorme dans tout l'Hexagone, d'aucunsveulent même le faire entrer au PantheonQuand le dernier feldgrau (trouffion) ailemand meurt, l'indifférence est totale lesAllemands s'en fichent, car la GrandeGuerre est perçue comme la genèse du na-zisme, alors ils préfèrent occulter ce Ite salepériode Outre-Rhin la guerre totale a en-traîne le totalitarisme, la chute de la nation,le démembrement des pays voisins. Les com-mémorations y seront par conséquent plutôtdiscrètes, tandis qu'elles promettent d'êtretonitruantes chez nous, ou nous percevonsle conflit comme « la matrice du siecle », commel'événement qui a révèle - et c'est vrai - la puissancedes Etats-Unis, qui a mis fin aux empires, qui aconduit a la balkamsation de l'Europe de l'Est,qui a accouche de démocraties, comme de dicta-tures et du premier grand Etat marxiste

Quels ont été les ferments du conflit?M> Tout d'abord, il faut dire qu'il n'y a pas de liendirect, comme on I affirme souvent, entre 1870,1edesastre de Sedan et la guerre de 14-18 De même,nous ne pouvons plus pratiquer I amalgame consistant a faire découler la Seconde Guerre mondialede la Premiere,car entre-temps, il y a eu la crise de1929 La Grande Guerre est un conflit faussementmondial,qui fut seulement europeenjusqu'en 1917,date de l'intervention des Etats-Unis II serait éga-lement abusif de prétendre que l'annexion de 1A1-sace-Lorrameparl empire allemand,en 1871,por-tail en germe une imperative « reconquête » Cettelecture du déclenchement des hostilités apparaîtvraiment « franco-centree » On considère au-

j jourd'hui, bien au contraire, que l'esprit revanchard< cocardier, nettement en sommeil en ce début deI siecle,se retrouve soudainement de nouveau exa-j cerbe par le son des canons

Représentationde l'attentatde Sarajevocontre l'archiducFrançois-Ferdinandet sa femme,le 28 juin 1914,par un étudiantnationalisteserbe, GavnloPrmcipL'événement quiservira deprétexte audéclenchementde la PremiereGuerre mondiale

Peut-on alors parler d'un engrenagediplomatique?i-» Non plus Bien sûr il y a eu Sarajevo Bien sûr,il y a eu une mobilisation immédiate de la Russie,comme de lAutnche-Hongrie Ce que nousconstatons, e est qu'a chaque fois, auparavant,les grands Etats européens avaient pu arrêterl'engrenage mortifère vers la guerre grâce a desnegociations bien menées Maîs la, l'escalade serévéla impossible a stopper car personne, enréalité, n avait envie de négocier Chacun attri-buait a I autre des idees expansionnistes LaFrance reprochait a I Allemagne, avec raison, devouloir s'emparer du Maroc, et le Reich suspectaitla Republique de ne penser qu'à récupérer I Al-sace et la Moselle Les tractations ont échouecar il y avait trop de mensonges dans les discoursLAllemagne, notamment bluffe pendant la crisede juillet 1914,en prétendant ne pas être au cou-rant de l'ultimatum autrichien a la Serbie Or,

cc Pour l'Allemagne, Hitler, petitcaporal en 1914, a bien étéenfanté par la Grande Guerre. »

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des bruits circulent, on sait qu'il va se passerquelque chose Je ne pense pas non plus que l'onpuisse attribuer totalement cet échec a une faillitedes chancelleries Les diplomates ont ete dépassespar ce jeu de bluffs

La France était-elle préparée à faire laguerre?>-» Oh non ' Lom de la Son artillerie lourde, parexemple, est considérablement inférieure à celledu Reich et nous savons que ce fut la cle de cetteguerre lallemagne, grâce a cette force qu'elledétenait, fut presque sur le point de gagner en1918 Au début des combats, l'armée françaiseutilise encore des crapouillots,sorte de bombardesd'un autre temps ' Elle est certes équipée ducanon de 75, une arme merveilleuse, un petitbijou dans sa conception, bien adapté a l'appuide l'infanterie, maîs cela reste de l'artillerie légèreEn face, les Allemands disposent d'un bon canonde 77, maîs bombardent aussi nos troupes avecdes obus de 420

Lhumanité datédu 1er août 1914 rendhommage à Jaurèsassassine la veille,a ParisEn bas, le leadersocialiste, opposea la guerre, mani-festant en mai 1913contre la loi portantla durée du servicemilitaire à trois ans.

l'HumanitéJAURÈS ASSASSINE

La faute à qui? Les politiques?h-> Non, pas du tout II f a u t couper court a ces ac-cusations sur la responsabilite des politiques Pourpreuve au début des annees 1910, une majoritéde députés appelaient de leurs vœux un pro-gramme ambitieux d'équipement en artillerielourde C'est l'armée, qui ne jurait que parson 75,qui n'en a pas voulu

Les généraux français ont une guerre deretard alors ?— En quelque sorte Maîs la troupe aussi L'esprit

guerrier qui l'anime, en cet été1914,célebre les armées napoléo-niennes, l'assaut sabre au clairAussi, lorsque le conflit devientune guerre de position et plus demouvement, les soldats françaistrouvent assez peu noble de devoircreuser des tranchées, ils se com-parent a des taupes Tandis queles fantassins allemands, eux, nerechignent pas a gratter le sol et às'y cacher pour se battre

L'Allemagne s'est doncmieux préparée à la guerre...h^ C'est évident Le Reich, plusréfléchi, plus tactique, plus guerrierdans l'âme, entame cette guerreavec moins de romantisme et da-vantage de pragmatisme On l'a

vu, la France n'envisageait pas la guerre. Et si, en1913,elle porte la duree du service national de deuxà trois ans, elle ne fait que suivre la plupart des payseuropéens. A son corps défendant, elle s'inscrit dansla surenchère chacun montre ses muscles, afficheses alliances. Les Autrichiens se montrent belliqueuxenvers la Serbie, qui rêve de rassembler tous lesSlaves du sud dans une même nation « Vous faitestrop de bruit avec mon sabre », reproche mêmeGuillaume II a Vienne Or, lorsque la guerre éclate,la France - qui perçoit Berlin a juste titre commeson pnncipal ennemi et non Vienne - est persuadéequ'elle sera courte

Quid du pacifisme de Jean Jaurès?-> Jaures est plus pacifique que pacifiste II veut

être prêt à se defendre, maîs ne souhaite pas laguerre II n'est pas belliqueux II est pacifiste dansl'idéal « Aller à l'idéal et comprendre le réel », estsa formule fétiche N'oublions pas que, en France,le national est plus fort que le social, le patriotismeest present dans tous les esprits comme une valeursuprême Ajoutons que le socialisme français étaitdémocratique et republicain avant d'être marxiste.Jaures combattra pour la paix jusqu'au dernier ins-tant II était par exemple contre le passage du servicenational à trois ans, car c'était selon lui adresser unmauvais signal à lAllemagneJui prouver que •••

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nous préparions ardemment la guerre Ladroite presente Jaures comme quelqu un qui neveut plus ni d'armée rn de frontieres Voire commeun traître les journaux le représentent le jourde son assassinat (le 31 juillet 1914) avec un casqueprussien sur la tête Or Jaures défend en réalitéune armee de reserve une nation armee - a I imagede la Suisse tandis que la droite prône une armeed active avant tout C'est un adepte de la guerredéfensive - la seule qui lui apparaisse légitime-,chere aux socialistes partisans de I evitement,maîs conscients qu il y a des peurs dans le paysUne lettre d un poilu nomme Etienne Tantycontient cette formule de bon sens « La guerre,e est comme la fièvre typhoide il faut l'éviter,maîs quand on l'attrape, il faut lutter »

L'assassinat de François-Ferdinand, àSarajevo, puis celui de Jaurès sont-ils lespremiers coups de feux de la guerre?h^ François-Ferdinand est assassine par un Serbede Bosnie pour ce qu'il est cense être I oppres-seur des Serbes Les pays de I Est verraient alorsla guerre comme une catastrophe nécessaire aun redecoupage des cartes Le premier acte mihtaire qui mit réellement le feu aux poudres fut

Quartier generalallemand, en 1917Le marechalHmdenburg.chefdes forcesallemandes durantle conflit et futurPresident de laRépublique deWeimar, l'empereurGuillaume ll et legeneral Ludendorff,chef détat majorallemand discutentde strategiemilitaire

le bombardement de Belgrade par I armee austro-hongroise, le 28 juillet 1914 soit un mois etun jour apres l'assassinat de François Ferdinanda Sarajevo Le dénouement d'un ultimatumadresse a la Serbie par Vienne le 23 juillet expressement rédige de sorte qu elle le refuse IIy était notamment stipule que des policiers autnchiens pourraient venir en Serbie interrogeret arrêter qui ils voudraient Une clause macceptable pour un Etat souverain

En France, comment les hostilitésdébutent-elles?t-> L ordre de mobilisation generale est décrètele 1er août Les premieres victimes de la guerresont un Français - le caporal Peugeot - et un sousofficier allemand Camille Mayer, qui s entre tuentdans le Territoire de Belfort, le 2 août Et le premier« gros coup » de la Grande Guerre aura lieu lelendemain le 3 août lorsque I Allemagne envahitle Luxembourg et la Belgique - et déclare la guerrea la France Le Reich prevoit de battre vite laFrance en premier car Paris devrait mobiliser ra-pidement ses troupes puis de s occuper de laRussie, deux mois apres, car le pays mettrait plusde temps a rassembler son armee L idée est donc

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IBU ET ME i ll

de battre un adversaire après l'au-tre. Les Russes, eux, veulent surtoutattaquer lAutriche, pour défendreles Balkans,et n'ont à vrai dire rienà reprocher à [Allemagne. LaFrance a beau leur répéter qu'ilsdoivent se souder davantage deBerlin, les Russes placeront deuxtiers de leurs troupes sur la frontièreautrichienne et un tiers face à 1A1-lemagne. Une erreur stratégique.

ORDREie mi in i IM 11 u \ M;tje premier jtmr Ht I» nii>btl(*Hll»» «•»!

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MUEE DE TERRE . .„,IEI A.T7XILJAAE1

r.iMMEE K MER . ,,,,.„Comment « l'arrière » a-t-ilvécu cette guerre ?^> Côté français, le moral monteet descend pendant quatre ans. On *•*vit en faisant le point tous les troismois. En 1916, le moral chutelorsque l'allié roumain se retrouvehors-jeu. La France s'est contenue à Verdun, maisne Ta pas emporté sur la Somme. C'est le troisièmehiver dans les tranchées qui commence, le « frontarrière» connaît des pénuries, il y a dc plus enplus de morts au combat. Mais chacun s'habitueà une guerre dont on ne voit cependant plus lafin. 1917 sera marquée par le doute...

Ci-dessous : legénéral doffreaccueille, endécembre 1915. lecommandant en chefdes arméesbritanniques, SirDouglas Haig,en visite en France,

Existe-t-il une typologiedes batailles de la GrandeGuerre?—» Davantage qu'une typologie desbatailles, il y a une évolution de la stra-tégie: on a d'abord le mouvement,c'est assez bref, puis cela débouchesur l'enlisement. La stratégie va chan-ger au fil dcs combats. En 1914,1'annéela plus meurtrière, le premier but estde percer les lignes ennemies. Puis, laFrance est persuadée, l'année suivante,de pouvoir briser les lignes allemandesen attaquant sur plusieurs fronts à la

.."._ fois : c'est la tactique du « grignotage »,^ chère à Joffre. Seulement voilà,

, jusqu'en 1918, on veut percer, maison n'y arrive jamais... On envoie deshommes à l'assaut, au sortir de la tran-

chée, qui doivent franchir le barrage de l'artillerieet le feu des mitrailleuses et qui se trouvent, desurcroît, immédiatement empêtrés par des rou-leaux de fil barbelé qui, les empêchant littérale-ment de faire un pas sans s'accrocher les trans-forment en autant de cibles immobilisées. 1916voit la guerre s'industrialiser : ce sont les •••

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batailles du matériel. Le grignotage est unéchec. Le général de Castelnau, adjoint de Ioffre,déclare : « Nous avons passé l'année (1915) às'user les dents contre un mur. »

Et sur les autres terrains d'opérations?—* La Somme (offensive alliée, menée essentielle-ment par les Britanniques) et Verdun (offensiveallemande) sont des batailles lourdes dans tous lessens du terme. Le premier jour, à Verdun, le 21 février1916. un million d'obus allemands sont tirés sur12 km de champ de bataille (les Français n'en avaientque 15 DOO en réserve). La guerre s'est radicalementtransformée. Entrée en guerre avec à peine 5 millionsd'obus, la France,qui pensait que cela serait suffisantpour mener une guerre éclair,s'est trouvée en rup-ture de stock au bout d'une semaine de combats.La Somme, c'est 1,5 million d'obus tirés en troisjours. On ne grignote plus, on n'envoie plus deshommes sur des zones de défense, on laboure, on« atomise ». Les batailles deviennent des barragesroulants d'artillerie explosant le terrain mètre parmètre. Et c'est dans cet enfer que les hommes sontnéanmoins parvenus à tenir. Il faut donc soulignerla dimension sacrificielle de tout cela.

Face à ces échecs, le Grand quartiergénéral ne change pas de stratégie?M» Si, bien sûr. Le général Nivelle pensait avoirinventé une nouvelle méthode, qui consistait enune jonction minutée, une collaboration chrono-métrée entre les différents corps d'armées : il sou-haitait coordonner avec une grande précision l'ar-tillerie, l'infanterie, l'aviation.. . Un barrage de lapremière avançant, en liaison précise, horodatée,subtilement combinée avec l'aviation,devait pro-duire des actions efficaces... Nivelle - qui expé-rimenta cela avec succès à Verdun, en reprenantnotamment le Fort de Douaumont (ce n'est pasPétain qui a gagné Verdun), croyait pouvoir gagnerla guerre ainsi. Mais ça ne marchera pas. Le jouroù l'attaque est lancée, il y a un brouillard à couperà la baïonnette, les Français tirent à l'aveuglette,courent et se font dégommer : c'est le Chemin desDames, les pertes (morts, blessés, disparus, prison-niers) s'élèvent à 100000 hommes en trois jours.Certes,ce n'est rien par rapport à la Somme (1,2 mil-lion de morts en cinq mois : Français, Britanniques,Allemands unis dans le même linceul de boue)ou à Verdun (800000 pertes, au total, des deuxcôtés, dont 163 000 Français tués chez les poilus).L'échec est écrasant pour les consciences.

Qu'est-ce gui va gui conduire, en 1918, àl'effondrement de l'Allemagne?M> Les alliés ont-ils gagné la guerre, ou bien LAlle-magne s'est-elle effondrée d'elle-même ? Le Reichrecule sur tous les fronts car il s'épuise. lAllemagneperd ses alliés un an un : la Bulgarie en septembre,la Turquie en octobre, lAutriche-Hongrie le

3 novembre... Les soldats allemands en permissionne retournent plus au front. Les marins se mutinent,les soldats commencent à déserter. On leur couleplus de sous-marins qu'ils n'en produisent. Le pou-voir n'y croit plus. LAllemagne a raclé tout son

cc La paix est ratée: c'est unepaix de compromis qui ne satisfaitpersonne...)»

capital humain, allant jusqu'à enrôler ses maladespour mobiliser de nouvelles troupes (tandis quela France et le Royaume Uni puisent leurs réservesdans les colonies ; sans parler de l'armée améri-caine). La France connaît des pénuries, mais lAl-lemagne souffre de la faim, car le blocus qui lui estimposé se révèle redoutablement efficace, alorsque la tentative de blocus allemand via la guerresous-marine, qui torpillait les navires marchands,tourne court. Berlin va jusqu'à chercher du cuivrechez les particuliers. Le Français, lui, au prix dutransport (et de l'inflation générée),mange quandmême du bœuf argentin et du blé canadien. Lehaut commandement militaire allemand réclame

Fort de Vaux,près de Verdun.Casematesbéantes donnantsur le fossé,partiellementaveuglées pardes sacs de terre.

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l'armistice, tant que son armee tient LAllemagneest allée au bout dè ses limites

Cela se concrétise comment sur le front?h^ ll n y aura pas de bataille décisive, maîs plutôtdes échecs décisifs Avec le Traite de paix de Brest-Litovsk, le 3 mars 1918, avec la jeune Russie bolchevique,qui met fin au front de l'Est, lAllemagnerapatrie son materiel pour aller se battre en Pi-cardie Le21 mars,elleparvientaenfoncerlefrontfranco-britannique jusqu'aux abords dAmiensLes Allemands reviennent sur les bords de Marne,vers Château Thierry, a moins de IOU kilometresde Paris La capitale est bombardée et connaît unexode On pense que lAllemagne de Ludendorff,son chef des armees, peut gagner la guerre Ellele croît il ne s'agit pas d'un baroud d'honneurGagner 50 km a ce moment la e est considérableMaîs la Deutsches Heer [armee de l'empire alle-mand] s épuise tres \ite, elle est asphyxiée ellen a plus de renforts, plus de materiel de rempla-cement l'offensive s'arrête La contre offensivealliée devient un rouleau compresseur des le moisdc juillet, et les Feldgrauen reculent commencenta se rendre par milliers Ils craquent e est la finCette bataille n a pas de nom Néanmoins, le 8 aout(30000 soldats allemands se rendent ce jour la),est « le j our de deuil de I armee allemande » écriraLudendorff dans ses memoires

Le 7 mai 1919, dansla galerie de l'hôtelTrianon-Palace,a Versailles,transformée ensalle de reunionDerrière la portevitrée se tientla Conference de laPaix présidée parClemenceau, ou lesplénipotentiairesallemands se voientremettre lesconditions de paixdes Alliés

L'Europe de 1919 ressemble à quoi?> Elle pêche par optimisme On s'était battu pour

un monde meilleur ou il n y aurait plus jamais deguerre, ou lAllemagne serait une republique sœurLes socialistes parlent d'Etats-Unis d'Europe LaGrande Guerre est surnommée « la der des ders »Or, I Europe de 1919 est plus tendue que celle de1913 La deception s installe dans les esprits II ya de nombreuses tensions nationales et des frus-trations de toutes parts Et cette paix, issue duTraite de Versailles c'est celle des soldats survivantsqui pensent qu'ils appartiennent a une generationsacrifiée maîs pour une bonne cause ils sontconvaincus qu'il n'y aura plus jamais de conflitd importance Or la paix est ratée une immensedéconvenue une paix de compromis qui ne sa-tisfait personne, a commencer par les Allemands,qui rejettent I aberrant corridor de Dantzig dontils héritent C est « la paix des ventres mous », quine contente ni les Américains ni les BritanniquesChacun pense qu il a cede trop de territoires al'autre L Italie, notamment, fête « la victoire mu-tilée » La Botte a le sentiment d'avoir ete escroqucc A part Tneste, clic ne récupère que leTrentm,que lAutnthe lui aurait bien aisément cede enéchange de sa bienveillante neutralite Elle a perdu700000 hommes pour presque rien sinon l'orgueilde ses dirigeants Les Italiens ne voulaient pasvraiment la f aire, cette guerre •