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Décembre 1942 1 – La guerre en Méditerranée D’un Avent hésitant à un Noël sanglant 1 er décembre L’Italie bascule Négociations Lisbonne – Le général Castellano reçoit des instructions pour une reprise de contacts avec le général Bedell Smith. Les deux hommes conviennent de se rencontrer dès le lendemain. Précautions Rome – C’est au tour de la division blindée ( corazzata) Ariete de prendre position aux abords de la capitale. Deux de ses trois bataillons de chars s’installent dans la banlieue de la ville. Son commandant, le général De Stefanis, participe avec le chef du XX e Corps, le général Baldassare, et le commandant de la division rapide ( celere) Emanuele Filiberto Testa di Ferro, le général Enrico Kellner, à une réunion chez le général Ambrosio. Les trois commandants d’unité expliquent à leur supérieur que si, en théorie, ils sont sûrs de leurs troupes, ils craignent que leur moral soit bas et que leur capacité de combat en soit affectée. Dans l’après-midi, Ambrosio se rend chez Badoglio pour l’informer de la situation. Le maréchal n’est cependant pas très inquiet, car il pense qu’un affrontement avec l’Allemagne pourra être évité : « L’important, c’est de permettre aux Allemands de se retirer d’Italie sans perdre la face et en maintenant leurs lignes de communication avec la Yougoslavie et la Grèce, c’est tout. » La princesse et le Monseigneur Rome – Marie-José informe Monseigneur Montini de sa situation et lui demande s’il peut lui conseiller un couvent, de préférence pas trop loin de la capitale, où elle pourrait trouver refuge avec sa mère et ses enfants. Montini lui suggère alors de choisir pour sa retraite forcée le couvent Vanvitelliano des sœurs augustines de la Madonna del Buon Consiglio (Notre-Dame du Bon Conseil), dans la petite ville de Genazzano, une cinquantaine de kilomètres à l’est de Rome. Fondé en 1467, le couvent dépend directement du Saint-Siège et non de l’ordinaire diocésain. Marie-José informe le duc Acquarone, qui approuve ce choix. Le départ est prévu pour le lendemain dans la soirée, en voitures banalisées pour éviter d’attirer l’attention. Enfreignant déjà les consignes du Roi, Marie-José se confie à son vieil ami, l’archéologue Zanotti Bianco, dans les allées discrètes du jardin du Quirinal. Mouvements navals Mer Tyrrhénienne, 02h30 GMT (03h30 heure italienne) – Le pétrolier Splendor et son escorte arrivent à leur tour à Naples. 15h38 GMT (16h38 heure italienne), entre les îles de Procida et d’Ischia – Le pétrolier Devoli 1 a été envoyé de Salerne à Livourne pour contribuer, avec le vieux Marte (qui se trouvait déjà sur place) 2 , à la récupération de la cargaison du Sterope. Mais il heurte une mine posée fin septembre par le sous-marin MN Turquoise (CC Deroo). L’existence du champ de mines avait été révélée par la perte, le 30 septembre 1942, d’un petit voilier de pêche, mais cet 1 Ex-yougoslave Perun, 3 177 GRT, capturé en mai 1941 et donné en gestion à la compagnie “Garibaldi”. 2 Lancé en 1892, le Marte (2 373 GRT, 5 553 tW de déplacement, 10 nœuds) avait commencé en 1909, sous le nom de Vesta, une seconde carrière dans la marine austro-hongroise, avant d’être attribué à l’Italie au titre des dommages de guerre. Il est géré par la “Garibaldi”.

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Décembre 19421 – La guerre en MéditerranéeD’un Avent hésitant à un Noël sanglant

1 er décembreL’Italie basculeNégociationsLisbonne – Le général Castellano reçoit des instructions pour une reprise de contacts avec legénéral Bedell Smith. Les deux hommes conviennent de se rencontrer dès le lendemain.

PrécautionsRome – C’est au tour de la division blindée (corazzata) Ariete de prendre position aux abordsde la capitale. Deux de ses trois bataillons de chars s’installent dans la banlieue de la ville.Son commandant, le général De Stefanis, participe avec le chef du XX e Corps, le généralBaldassare, et le commandant de la division rapide (celere) Emanuele Filiberto Testa diFerro, le général Enrico Kellner, à une réunion chez le général Ambrosio. Les troiscommandants d’unité expliquent à leur supérieur que si, en théorie, ils sont sûrs de leurstroupes, ils craignent que leur moral soit bas et que leur capacité de combat en soit affectée.Dans l’après-midi, Ambrosio se rend chez Badoglio pour l’informer de la situation. Lemaréchal n’est cependant pas très inquiet, car il pense qu’un affrontement avec l’Allemagnepourra être évité : « L’important, c’est de permettre aux Allemands de se retirer d’Italie sansperdre la face et en maintenant leurs lignes de communication avec la Yougoslavie et laGrèce, c’est tout. »

La princesse et le MonseigneurRome – Marie-José informe Monseigneur Montini de sa situation et lui demande s’il peut luiconseiller un couvent, de préférence pas trop loin de la capitale, où elle pourrait trouver refugeavec sa mère et ses enfants. Montini lui suggère alors de choisir pour sa retraite forcée lecouvent Vanvitelliano des sœurs augustines de la Madonna del Buon Consiglio (Notre-Damedu Bon Conseil), dans la petite ville de Genazzano, une cinquantaine de kilomètres à l’est deRome. Fondé en 1467, le couvent dépend directement du Saint-Siège et non de l’ordinairediocésain.Marie-José informe le duc Acquarone, qui approuve ce choix. Le départ est prévu pour lelendemain dans la soirée, en voitures banalisées pour éviter d’attirer l’attention. Enfreignantdéjà les consignes du Roi, Marie-José se confie à son vieil ami, l’archéologue Zanotti Bianco,dans les allées discrètes du jardin du Quirinal.

Mouvements navalsMer Tyrrhénienne, 02h30 GMT (03h30 heure italienne) – Le pétrolier Splendor et sonescorte arrivent à leur tour à Naples.15h38 GMT (16h38 heure italienne), entre les îles de Procida et d’Ischia – Le pétrolierDevoli 1 a été envoyé de Salerne à Livourne pour contribuer, avec le vieux Marte (qui setrouvait déjà sur place) 2, à la récupération de la cargaison du Sterope. Mais il heurte une mineposée fin septembre par le sous-marin MN Turquoise (CC Deroo). L’existence du champ demines avait été révélée par la perte, le 30 septembre 1942, d’un petit voilier de pêche, mais cet

1 Ex-yougoslave Perun, 3 177 GRT, capturé en mai 1941 et donné en gestion à la compagnie “Garibaldi”.2 Lancé en 1892, le Marte (2 373 GRT, 5 553 tW de déplacement, 10 nœuds) avait commencé en 1909, sous lenom de Vesta, une seconde carrière dans la marine austro-hongroise, avant d’être attribué à l’Italie au titre desdommages de guerre. Il est géré par la “Garibaldi”.

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engin avait échappé aux dragueurs. Touché à l’avant, le Devoli, qui navigue lège, gardesuffisamment de flottabilité pour pouvoir gagner, en marche arrière, le port de Naples. LesItaliens vont envoyer à sa place la citerne civile Romagna (1 416 GRT), de Gênes, et lepétrolier militaire Cocito (611 GRT, 1 435 tW de déplacement, 8,5 nœuds), de La Spezia.………Mer Adriatique – Le cuirassé tout neuf Roma, escorté des destroyers Gioberti et Artigliere(ex-Camicia Nera) quitte le port de Trieste pour se rendre à Ancône. Là, il retrouve, en plusdes navires déjà présents depuis plusieurs semaines, les destroyers anciens Audace et EnricoCosenz, arrivant de Bari, où ils s’étaient repliés en quittant Tarente. La Regia Marina annonceces mouvements comme faisant partie des préparatifs pour repousser un débarquement desAlliés dans le sud de l’Italie. Mais le Roma n’a pas terminé sa période d’entraînement etl’Artigliere est encore en réparations !Comme en Tyrrhénienne, une conséquence “nécessaire” de ce mouvement est le transfert versle sud d’une partie des stocks de combustible et de munitions des bases de Haute-Adriatique.Et là encore, l’opération ne va pas se faire sans pertes ! Ce même jour, alors qu’il quitte, àvide, le port albanais de Durazzo (aujourd’hui Durrës) pour gagner Trieste, le transport demunitions Palermo 3 est victime du sous-marin HMS Parthian (Lt M.B. St John). Les Italiensle remplaceront par deux petits cargos réquisitionnés.

La guerre continueNaples – Une nouvelle attaque des bombardiers alliés épargne le port mais touche durementla gare et la ville, faisant plusieurs dizaines de morts.

Heurs et malheurs ordinaires des sous-marins des deux bordsDans un camp comme dans l’autre, le mois commence sans temps mort.………Les Alliés maintiennent la pression.A côté des opérations induites par les récents mouvements des unités de surface de la RegiaMarina, il faut poursuivre le harcèlement du trafic maritime ordinaire de l’ennemi. Leseffectifs des deux forces alliées des deux bassins méditerranéens sont suffisants pour courirces deux lièvres à la fois.En Méditerranée occidentale, la disparition du P-222 a été compensée par l’arrivée, quelquesjours plus tôt, d’un autre classe S, le P-217/Sibyl (Lt E.J.D. Turner). Il faut mettre à part lessous-marins spéciaux porteurs de “chariots”, HMS Thunderbolt et Trooper, revenus deBenghazi à Alger et que va rejoindre le 7 décembre le P-311/Tutenkhamen (Cdr. R.D.Cayley). Après avoir envisagé avec eux une opération contre Pola ou Trieste, l’Amirautépenche désormais – La Maddalena demeurant à peu près vide – pour une attaque de La Speziaou de Livourne. En Méditerranée orientale, il a fallu compenser la perte du RHN Triton au sein duDétachement de l’Egée : c’est logiquement le RHN Papanikolis (LV Nikolaos Roussen) qui aété envoyé à Porto Lago. Le retour du HMS Torbay après son grand carénage n’étant pasprévu avant la fin janvier 1943 4, il ne reste plus que onze sous-marins à Benghazi : septBritanniques, les Pandora, Parthian, Proteus (classe P), Taku, Thrasher, Triumph (classe T) etle mouilleur de mines Rorqual, deux Yougoslaves, les Hrabri et Nebojša (intégrés à la 1stFlottilla), et deux français, les Espadon et Phoque. Mais les opérations en Mer Ionienne et enAdriatique reçoivent le concours des sous-marins basés à Malte.

3 2 897 GRT, 10,5 nœuds. Ci-devant cargo grec Athinai.4 Désormais commandé par le Lt. R.J. Clutterbuck, le Torbay accomplira sa première patrouille après carénagedans les eaux norvégiennes.

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Le 1er décembre est marqué par deux succès du mouilleur de mines MN Nautilus (LV Bazin).L’un d’eux va rester ignoré sur le moment : le cargo Giuseppe Leva (1 388 GRT), rentrant àvide à Livourne, saute en sortant du port de Bastia sur une mine d’un champ placé deux joursplus tôt. Il peut néanmoins être ramené à Bastia, où les Français le récupéreront : déclaré debonne prise, il sera ultérieurement (fin 1945) remis en état et naviguera sous le nouveau nomd’Hadrumète. Le second succès du Nautilus est obtenu au large d’Olbia : il coule le cargoHonestas (4 959 GRT), arrivant de Livourne, d’une salve complète de sa tourelle arrière.Les Italiens perdent un troisième navire de commerce le 1 er décembre : le cargo Tabarca (895GRT), allant de Livourne à Bastia, saute sur une mine près des Secche di Vada. Cependant, lessous-marins alliés n’y sont pour rien : il s’agit soit d’une mine défensive italienne, soit d’unemine mouillée par un avion britannique.………Mais l’Axe ne baisse pas les bras.Quoique les submersibles italiens soient toujours engagés offensivement sans restriction, lepremier succès du mois revient à la maigre force sous-marine allemande de Méditerranée,désormais réduite à quatre bateaux. A 17h05 GMT, l’U-377 (Kptlt Otto Köhler) intercepte à lahauteur d’Oran le mouilleur de mines HMS Manxman, allant de Gibraltar (où il a fait escaleen arrivant d’Angleterre) à Malte. Le commandant Köhler fait lancer une gerbe de quatretorpilles. Bien que sa cible marche à 21 nœuds et en zigzags, deux d’entre elles vont au but.Gravement endommagé, le Manxman aura pourtant la chance d’échapper à deux tentatives decoup de grâce avant d’être sauvé par l’arrivée du destroyer HMS Eskimo, puis de naviresfrançais et notamment du remorqueur MN Cotentin.Conduit d’abord à Mers-el-Kébir par ce dernier, le Manxman retournera ensuite à Gibraltar àla remorque du HMS Bustler. Après des réparations temporaires, il pourra gagner, le 3 juillet1943, les chantiers navals de Newcastle-on-Tyne pour des travaux de remise en état définitivequi dureront près de deux ans : le navire ne reprendra du service actif qu’en avril 1945, ausein de la Flotte britannique du Pacifique.

2 décembreL’Italie basculeLes Alliés inflexibles, les Allemands menaçantsLisbonne – Le général Castellano rencontre le général Bedell Smith pendant plus de troisheures. La position des Alliés, telle qu’elle est exprimée par le général américain, estinflexible. Non seulement l’Italie doit capituler, mais elle n’a le choix qu’entre une occupationpar les Alliés et une participation à leurs côtés à la guerre contre l’Allemagne et le Japon. Cequi reste de la flotte doit être interné à Malte pour ce qui est des cuirassés et de quelquesescorteurs et à Bizerte pour les croiseurs et les autres unités. Au départ, tous les naviresdevaient être regroupés à Bizerte, mais les Italiens se sont hérissés à cette idée. Aussi BedellSmith a-t-il accepté de séparer le sort des cuirassés du reste.Le seul point positif concerne la monarchie. Son sort est remis à un référendum qui devra setenir après la guerre. Cependant, Bedell Smith ne cache pas que, pour les Alliés, laresponsabilité du roi dans le déclenchement de la guerre est engagée.À peine rentré à l’ambassade d’Italie, Castellano rédige un long message, qu’il fait chiffrer.En raison des délais de chiffrage et déchiffrage, ce message ne sera communiqué à Badoglioet à Ambrosio qu’en début de soirée.………Rome – Ambrosio rencontre une nouvelle fois le général Carboni (chef du SIM), qui le tientinformé des menées allemandes dans le nord de l’Italie. Le risque d’une prise de contrôle desprincipaux centres industriels italiens par l’Allemagne se précise. Carboni évoque le risque

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d’une partition de l’Italie et de la nécessité en ce cas de livrer une guerre de reconquête :« Rien ne serait pire qu’un statu quo entre Alliés et Allemands laissant le Nord et une partiedu centre du pays sous la botte allemande. »C’est dans ce contexte qu’Ambrosio prend connaissance vers 20h30 du message du généralCastellano. Vers 21h30, il demande à rencontrer Badoglio, mais ce dernier fait remettre laréunion au lendemain matin.………Rome – La Kriegsmarine indique à la Regia Marina que les S-Boots S-152, 153 et 154 sedéplaceront de Toulon vers Portoferraio, sur l’île d’Elbe 5. Ce mouvement est annoncé commefaisant partie de l’entraînement normal d’une flottille de vedettes lance-torpilles.

Une princesse (et sa famille) dans la guerreGenazzano – Au début de cette sombre soirée d’hiver, un convoi de quatre voitures arrive aucouvent des sœurs augustines de la petite ville. En descendent la princesse Marie-José, samère la reine Elisabeth de Belgique, les trois enfants royaux (Maria-Pia, Vittorio-Emanuele etla petite Maria-Gabriella), ainsi que Miss Smith, leur gouvernante anglaise, et une escortediscrète – quatre carabiniers royaux. Prévenue par Mgr Montini de l’arrivée de tout ce monde,la Mère supérieure les accueille et les dirige vers une aile isolée du bâtiment, où l’on a préparépour ces hôtes exceptionnels quatre chambres pour le moins dépouillées.

3 décembreL’Italie basculeAtermoiementsRome, 08h30 – Badoglio reçoit Ambrosio et le duc d’Acquarone. Les trois hommes discutentdu message de Castellano, mais aussi des informations données par le général Carboni. Cesdernières sont reçues avec un certain scepticisme par Badoglio et Acquarone. Par contre, leduc semble se satisfaire de la partie du message de Castellano concernant l’avenir de lamonarchie.Badoglio et Ambrosio, eux, sont bien plus préoccupés par les conditions de l’armistice. Uneoccupation de l’Italie leur semble inacceptable, mais en cas de guerre contre l’Allemagne,l’Italie devrait être puissamment aidée ! « Je crains, exprime Ambrosio, que les Alliés ne selimitent à un soutien des plus réduits et laissent nos forces supporter l’essentiel du choc de laréaction allemande. Je n’imagine guère les Français, ou même les Anglais, accepter deperdre un seul homme pour défendre Rome… »De plus, si l’Italie doit changer de camp, quel sera son statut au sein des forces alliées ?Il est près de midi quand les trois hommes se séparent, en se contentant, une fois de plus, dedécider l’envoi d’un long message à Castellano pour qu’il demande des éclaircissements àBedell Smith. Le message, dûment chiffré, n’atteindra Lisbonne qu’à la nuit.

MenacesCol du Brenner – La brigade motorisée GrossDeutschland entre en Italie et se dirige versAncône.

La guerre continueAdriatique – C’est au tour du petit pétrolier militaire Stige (1 475 tW), chargé d’essence pourles MAS, de disparaître un peu avant d’arriver à Bari. Le coupable est le sous-marin MN

5 Ces trois vedettes de construction hollandaise ont été capturées inachevées en mai 1940 et améliorées par leschantiers Lürssen. Membres de la 7 e flottille de S-Boots (CC Hans Trümmer), qui compte une dizaine debateaux, elles sont arrivées à Toulon le 25 novembre après être passées par les rivières et canaux français.

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Vénus (LV Crescent). Deux des escorteurs de la citerne réagissent énergiquement : aidée dutorpilleur Albatros, la corvette Persefone réussit à endommager la Vénus, mais au terme de ceduel mythologique, le sous-marin parvient à se dégager et rentre à sa base.………Des bombardiers alliés attaquent à nouveau Bologne ainsi que la gare de triage de Florence.

Une reine qui aime l’artGenazzano – La reine Elisabeth, incognito, décide de reconnaître son nouvel environnement.Elle souhaite d’abord admirer la fameuse fresque miraculeuse de la Vierge à l’Enfant, situéedans le sanctuaire de la Madone. La fresque aurait été apportée par des anges le 25 avril 1467après qu’elle se fût détachée elle-même de la paroi de la basilique de Scutari, en Albanie, oùelle se trouvait, pour se soustraire aux Turcs. La chose ne présente aucune difficulté, lesanctuaire se trouvant dans le couvent lui-même, bâti sur le site de l’ancienne église SainteMarie (que l’on continue d’appeler dans la région Notre Dame d’Albanie).Mais la petite ville recèle beaucoup d’autres trésors artistiques et Elisabeth a décidé de toutvoir… Il y a bien sûr le Nymphée attribué à Bramante, mais aussi le château des Colonna, lesruines du monastère Saint-Pie, le palais Apolloni, etc.

Atlas méduséRenforts aéroportésQuelque part entre Pichon et Pont-du-Fas (région du Haut Tell, dans la dorsaletunisienne) – Un avion achève de se poser sur un terrain de fortune aménagé le long d’uneroute de terre habituellement utilisée pour le passage de quelques mauvais camions. A lalumière des phares des véhicules qui éclairent la piste, on peut voir luire son nez vitré et ledôme de sa mitrailleuse dorsale. Le son de ses deux puissants moteurs emplit l’air.L’appareil s’immobilise, ses hélices ralentissent et s’arrêtent. C’est un Heinkel 111 au ventrenoir. Le svastika sur sa dérive et la croix noire sur son flanc ne se détachent sur le camouflageen deux tons de vert sombre que grâce à leur liseré blanc. Six hommes d’aspect insignifiant,portant des costumes de coupe médiocre, froissés par un long vol, émergent de l’avion. Pourl’heure, il ne s’agit que de voyageurs fatigués, heureux de toucher au but.Vaugrand est le premier à se précipiter pour serrer les mains des nouveaux venus et leurprésenter avec fierté les nouvelles recrues d’Atlas – tous des agents du Deuxième Bureau –oubliant au passage un Queyrat goguenard, assez content finalement de rééditer l’exploit dePersée, transformant Atlas en montagne inerte grâce au regard de Méduse. A son tour,Gwendoline serre avec le sourire les mains des lavalistes. Les autres agents s’activent autour du He 111 dans l’obscurité, notamment pour déchargerl’équipement (trois nouveaux émetteurs et des explosifs) et pour le transférer dans descamions poussifs. Pressés de décoller, trois des membres d’équipage, de jeunes Allemandsd’une vingtaine d’années, descendent pour donner un coup de main. Bizarrement, avec lestraîtres français pour servir de repoussoir, Vaugrand en tête, les hommes du Deuxième Bureauen viennent presque à fraterniser. Les aviateurs de la Luftwaffe, superbes dans leur jeunessesouriante et leurs combinaisons de vol en cuir, parlent quelques mots de français – sans douteappris, ce qui refroidit quelque peu Gwendoline, autour de leurs bases en terre de Franceoccupée. Ils offrent à la ronde des paquets de cigarettes – des Players. Puis on se sépare. Legros bimoteur décolle dans un rugissement orgueilleux pendant que le comité d’accueil et lessix arrivants se répartissent entre les camions et les voitures pour regagner Tunis. Gwendolineet Queyrat montent l’un à côté de l’autre, dans une voiture où ils sont seuls. A la surprise du commandant, le chef d’Atlas-Tunisie ouvre la fenêtre et jette au vent lepaquet de cigarettes qui lui a été offert : « Vous n’en voulez pas ? Parce que ce sont desanglaises prises à un prisonnier, sans doute un aviateur abattu ? »

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– Non, je pensais à ceux qui nous les ont offertes, ces pauvres gosses qui vont mourir. C’estun assassinat ! Vacherie de vacherie… Gwendoline tressaillit et se détourne. La défense aérienne française a sciemment laissé passerle He 111. Mais sa chance ne doit pas durer. Abattre à coup sûr un avion dans la nuittunisienne étant difficile, des hommes du Deuxième Bureau, tout en aidant l’appareil à fairedemi-tour, ont discrètement fixé des explosifs dans les puits du train. Avant d’avoir franchi lacôte, l’avion sera frappé à mort. Ainsi, au cas où un Vaugrand soupçonneux – ou, pourquoipas, un Queyrat jouant triple jeu – aurait discrètement remis un message à l’un des aviateurs,le secret de Méduse ne sera pas éventé. – Espérons qu’ils ne feront pas le lien, murmure Gwendoline. – Non, ils vont marcher. La remarque surprend le chef du Deuxième Bureau tunisien : « Pourquoi en êtes-vous sisûr ? »– Ils veulent marcher, c’est tout !………D’après « Atlas médusé – La réponse du contre-espionnage français aux menées des espionsdu NEF et de l’Axe en Afrique du Nord », par A. Naxagore, Paris, 1946.

4 décembreL’Italie basculeA pas de tortue…Lisbonne, 08h00 – Le général Castellano demande à rencontrer une nouvelle fois BedellSmith. La rencontre aura lieu en fin d’après-midi dans la villa d’un industriel anglophile etcomplaisant à proximité de Sintra.Sintra, 18h00 – Castellano annonce à son homologue américain que le gouvernement italien «pourrait prendre en considération des hostilités contre l’Allemagne, mais sous deuxconditions qui sont d’une part que ce soient les Allemands qui rendent cette guerre inévitable,d’autre part qu’un puissant soutien américain soit apporté aux troupes italiennes. »Cette déclaration fait sortir Bedell Smith de ses gonds : « Je vous rappelle, Mister Castellano[les deux hommes sont en civil], que l’Italie n’est pas en mesure de dicter ses conditions !Elle doit se soumettre complètement à la volonté des Alliés ! Les plans des Nations Unies nesont absolument pas négociables : les troupes italiennes ont pour seul choix d’être désarméesou de se battre sous commandement opérationnel allié. »Après un échange de propos un peu vif, Castellano indique qu’il va transmettre ce message àRome. Les deux hommes se séparent vers 21h00 et Castellano rentre à Lisbonne pour rendrecompte.

Mouvements navalsAdriatique – La mise hors de combat de la Vénus a laissé un trou dans le dispositif des sous-marins alliés. Cela profite aux pétroliers réquisitionnés Lavoro (7 886 GRT) et Tampico(4 958 GRT) Après avoir échappé, entre Ancône et Pescara, aux torpilles du sous-marin MNIris (C.C. Collomb), ils peuvent gagner Bari sans autre embûche.

Pola – Le Groupe de Transport Adria, de la Kriegsmarine, escorté par les dragueurs R-41, 43et 44, appareille pour se rendre à Ancône et Pescara. Cependant, à peine a-t-il quitté Pola qu’ilreçoit l’ordre de se porter sur Venise pour y charger du matériel.

Une reine qui aime l’art

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Genazzano – La Mère supérieure demande à la reine Elisabeth de se montrer plus discrète.Elle devrait dorénavant éviter de sortir de l’enceinte du couvent pendant la journée et il seraitbon que, même la nuit, elle ne sorte qu’accompagnée et habillée en nonne. En effet, si on lareconnaissait, la sécurité des illustres hôtes du couvent pourrait être compromise. C’est donc Schwester Elisabeth von Rethy 6 qui va faire le tour de toutes les curiosités de larégion. Inconsolable depuis la mort de son époux, un colonel bavarois des troupes demontagne tué lors de la campagne du Péloponnèse, elle est censée avoir pris le voile il y aquelques mois chez les augustines hospitalières de Würzburg et parfaire à présent saformation religieuse par une retraite de quelques semaines chez les Augustines contemplativesde Notre-Dame du Bon Conseil.La pauvre Marie-José, qui ne peut plus cacher son état même sous l’habit des Augustines,doit, elle, rester cloîtrée avec ses enfants dans son aile du sanctuaire. Elle aura cependant leloisir d’admirer la splendide collection de la Biblioteca Vasqueziana.

Bulgarie : un décès bien opportunSofia – Mort du tsar Boris III, officiellement d’un infarctus. Mais son entourage soupçonneun empoisonnement par les services du Reich, à un moment où, à Berlin, la fidélité de laBulgarie, comme celle de l’Italie, apparaît de plus en plus douteuse.

5 décembreL’Italie basculeUne invasion silencieuseRome, 10h00 – Le général Carboni, qui a demandé à être reçu par Ambrosio, lui communiqueun état des forces allemandes sur le territoire Italien.– Dans la zone Trévise-Udine, les 252., 263. et 292. Infanterie-Divisions, venant d’Allemagneet d’Autriche, sont censées aller renforcer les troupes allemandes en Grèce.– De Turin à Bologne (en passant par Milan), ce sont trois autres divisions d’infanterie : les52. et 112. ID, venues de France, et la 188. Reserve-Division, venue d’Autriche. Toutes sontprétendument en transit vers la Yougoslavie.– Dans la région d’Ancône et Pescara, la 10. Panzer et la PanzerDivision SS Das Reich ontpratiquement achevé leur déploiement et s’entraînent activement avant leur transfert en Grèce.Elles doivent être rejointes par la Brigade motorisée GrossDeutschland, venue d’Allemagne.– Deux autres grandes unités semblent devoir entrer en Italie, ce sont la SS-DivisionHohenstaufen et la Brigade blindée Hermann-Göring. Cette dernière unité (dont le format réelest plus proche d’une division que d’une brigade) est censée se rendre d’Allemagne sur la côtetoscane pour assurer la sécurité du Xe FK, mais la SS Hohenstaufen, qui se concentre à Nice,semble devoir rejoindre les forces allemandes en Italie du Nord.Cependant, ces informations ne sont pas les plus lourdes de conséquences. C’est bien la prisede contrôle de fait par des troupes allemandes “de sécurité” des principales infrastructuresitaliennes dans le Nord mais aussi dans le Centre de la Péninsule qui inquiète le plus legénéral Carboni. Dans un certain nombre de cas, cette prise de contrôle s’est faite avec lacoopération des représentants locaux des administrations, soit qu’ils croient sincèrement dansla poursuite de la guerre et dans l’alliance avec l’Allemagne, soit que les Allemands aienttrouvé des moyens de pression sur eux.11h00 – Ambrosio reçoit une copie du câble envoyé dans la nuit par Castellano. Il demandealors à rencontrer Badoglio.

6 Rethy était un des titres de courtoisie utilisés par la famille royale belge pour voyager incognito.

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16h00 – La réunion a lieu au Quirinal. Les deux hommes conviennent qu’ils n’ont désormaisplus le choix et qu’ils doivent accepter les conditions alliées. Mais Badoglio demande un délai(un de plus !) pour en informer le duc d’Acquarone et le Roi.

Milan – Dans la nuit, la ville est durement touchée par les bombardiers britanniques.

6 décembreL’Italie basculeLe diable est dans les détailsRome, 13h00 – Après la messe dominicale, le duc d’Acquarone reçoit le maréchal Badoglioet le général Ambrosio. Il convient avec eux de la gravité de la situation mais leur demandequelques heures, le temps d’aller voir le Roi.15h30 – A la villa Savoia, Acquarone et le Roi ont une entrevue d’une heure. Puis le ducrentre chez lui.17h45 –Ambrosio reçoit la confirmation que les premiers détachements de la SS-DivisionHohenstaufen sont entrés en Italie vers 16h00. Outré, il saisit son téléphone et appellel’attaché militaire de l’ambassade d’Allemagne pour lui demander des explications. Soninterlocuteur lui répond poliment qu’il ne s’agit que d’un transfert de troupes prévu dans lesaccords passés avec Keitel et qu’Ambrosio devrait en fait s’en réjouir, car cela va accélérer leretour des troupes italiennes déployées en Grèce.19h00 – Acquarone transmet enfin à Badoglio et Ambrosio la réponse du Roi, indiquant queSa Majesté accepte « avec douleur » toutes les conditions des Alliés.21h00 – Badoglio envoie un câble à Castellano pour lui indiquer que « le gouvernementaccepte toutes les conditions alliées et s’engage à entrer en lutte contre l’Allemagne. » Mais,ajoute le maréchal, il convient de régler les détails avec soin…

Mer Tyrrhénienne – Alors qu’il se rend pour la seconde fois, cuves pleines, de Livourne àNaples, la chance abandonne le Cocito. Peu après avoir dépassé les îles Pontines, il est(définitivement… 7) coulé par le sous-marin HMS P212/Sahib (Lt J.H. Bromage), qui a sudéjouer la vigilance de l’escorte et peut se retirer sans encombre.Du côté des sous-marins français, seule l’Antiope (LV Millé) s’est trouvée en positiond’attaquer le pétrolier Marte. Elle a dû lancer de loin, mais si ses torpilles ont manqué la cibleprincipale, l’une d’elles a coulé le petit croiseur auxiliaire Lago Tana (D.22) 8. Au bout ducompte, les Italiens ont toutefois rapporté à Naples (où reste le Romagna) et Gaète (où vamouiller le Marte) l’essentiel de la cargaison du Sterope.

7 décembreL’Italie basculeEnfin !Rome, 10h00 – Le gouvernement se réunit comme d’habitude, mais son chef, le maréchalBadoglio n’informe pas ses ministres de l’évolution de la situation. On traite des « affairescourantes », dont la plus importante est bien la fourniture de charbon allemand à l’Italie. Nonseulement l’activité de l’industrie italienne dépend de ces livraisons, mais elles conditionnentle climat social. Or, ce dernier se détériore désormais rapidement et pas un jour ne passe sansque l’on annonce de nouvelles manifestations dans les villes du Nord et du Centre.7 Coulé le 7 septembre 1940 dans le port de La Spezia par un bombardement aérien, le Cocito avait été relevé etremis en service.8 783 GRT, 15 nœuds, 2 canons de 100/47, 4 de 20/65.

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Devant la dégradation de la situation, une cellule restreinte est chargée, au sein du BureauOpérations de l’Etat-major de l’Armée, d’étudier les directives à envoyer à toutes les unitésdéployées sur le territoire national, ainsi qu’en France et dans les Balkans, afin que celles-cisachent comment réagir dans le cas où la menace désormais représentée par l’Allemagneaboutirait à un état de guerre. Ces directives doivent confirmer et préciser le Foglio 111 C.T.diffusé le 25 novembre.Lisbonne, midi – Castellano reçoit le câble (longuement déchiffré) de Badoglio. Il appelleimmédiatement le général Bedell Smith et les deux hommes conviennent de se revoir dans lamême villa de Sintra, dans la soirée.Rome, 15h00 – Le maréchal Badoglio a une longue entrevue avec le Roi. Victor-EmmanuelIII a du mal à accepter un changement d’alliance ! Il est clair qu’il comprend bien que salongue amitié avec Mussolini lui sera reprochée par les Alliés. Mais Badoglio met en avant lagarantie que la monarchie a obtenue : « En ces temps de troubles, Votre Majesté peut être sûreque le peuple se rassemblera toujours autour de la maison de Savoie. »Pendant ce temps, le général Ambrosio convoque pour le lendemain les principaux générauxdu XXe Corps.Sintra, 19h00 – Bedell Smith et Castellano se rencontrent à nouveau. Le ton est beaucoupplus détendu, sinon cordial. Les deux hommes conviennent qu’un moyen souple decommunication avec les Alliés doit être fourni à Castellano quand il rentrera à Rome et BedellSmith s’engage à lui fournir une radio.Lisbonne, 22h00 – Le général américain transmet à l’état-major allié le message codé quiindique que le principe de la capitulation italienne et du retournement d’alliance est acquis :« Menaces d’avalanche ».

Heurs et malheurs ordinaires des sous-marins des deux bordsHaute Adriatique, 01h45 GMT – Maricosom a entrepris de déplacer vers Brindisi une partiedes sous-marins basés à Pola. Les premiers à partir ont été deux classe Squalo, les Narvalo(LV Ludovico Grion) et Squalo (LV Carlo Girala). Ce dernier arrivera à destination sansencombre. En revanche, alors qu’il navigue en surface escorté par le petit torpilleur ErnestoGiovannini, le Narvalo est repéré à 45 nautiques au sud de Pola par le sous-marin HMSTriumph (Lt J.S. Huddart). Le commandant Huddart décoche à sa cible une gerbe de quatretorpilles. Une seule touche mais suffit à couler le Narvalo : le Giovannini ne recueillera que32 survivants sur les 60 hommes de l’équipage.La brève annonce de son succès sera la dernière manifestation du Triumph : le 18 décembre, ilsera considéré comme disparu en mission. On pense aujourd’hui qu’il a été victime d’unemine italienne (voire alliée) sur le chemin du retour à Benghazi, qui devait l’amener àpatrouiller le long des côtes yougoslaves et albanaises.

8 décembreL’Italie basculeDébarquer dans la Botte ?Tunis – Maintenant que les discussions de Lisbonne commencent à avancer et que l’Italiesemble bien devoir changer de camp à court terme, il n’est plus temps de se contenter deprojets théoriques sur d’éventuelles opérations en Italie, mais bien de préparer des plansconcrets qui puissent être mis en pratique rapidement. Une importante réunion rassemble àTunis les responsables militaires alliés (chaque pays étant représenté par le commandant deses forces en Sicile), venus confronter les premières propositions des états-majors avec leurexpérience pratique.

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Où débarquer ? En raison de la probable coopération italienne et du fait que les Allemandssont concentrés dans le nord du pays, l’idéal du point de vue politique et stratégique serait dedébarquer à proximité de Rome, mais cette option rencontre certaines réticences, notammentde la part de Montgomery : si loin de ses bases, l’aviation alliée pourrait-elle défendre la têtede pont et la flotte contre des attaques allemandes ? Quant à l’aviation italienne, personne nelui fait confiance, soit pour des raisons politiques (on sait que les fascistes y sont nombreux),soit pour des raisons opérationnelles (elle a subi de lourdes pertes).Dans le doute, Montgomery se prononce pour une simple traversée du Détroit de Messine, àlaquelle ses troupes « sont prêtes, bien entendu ! ». A défaut de tenter le pari de Rome, legénéral Alfred Montagne (qui remplace Delestraint, indisponible) propose de débarquer àSalerne, un peu au sud de Naples. D’autres possibilités sont évoquées et l’on se sépare endébut d’après-midi avec promesse de reprendre la discussion dès le lendemain matin.

Rome – Le général Ambrosio, en compagnie du général Carboni, rencontre le général Messe(chef de l’Armata di Levante), le général Baldassare (commandant du XXe Corps), ainsi queses généraux de division, De Stefanis, Kellner, Biglino et La Ferla. Il leur annonce que le Roiet Badoglio ont demandé un armistice aux Alliés. Cependant, il ne leur cache pas qu’uneattaque allemande est à redouter (Ambrosio ne précise pas que la décision de changerd’alliance a déjà été prise !). Il convient donc de positionner le XXe Corps entre Rome et lacôte adriatique pour protéger la capitale.Cette annonce provoque des réactions variées parmi les généraux présents. Le moral destroupes est en chute libre depuis un mois et il n’est pas certain que les officiers comprendrontbien le renversement d’alliance qui, les généraux n’étant pas des enfants de chœur, leurapparaît inévitable. En fait, ils s’accordent pour penser que la meilleure solution serait uneattaque allemande qui provoquerait sans doute un sursaut des troupes italiennes. La décisionest alors prise de disposer les deux divisions motorisées, les Trieste et Pasubio, au contact destroupes allemandes et de conserver la division blindée Ariete et la division rapide EmanueleFiliberto Testa di Ferro au plus près de Rome. Cependant, tant le général Ambrosio que legénéral Carboni insistent sur le secret qui doit entourer l’ensemble de l’opération. Lesgénéraux ne devront pas en informer leurs états-majors respectifs avant d’en avoir reçul’autorisation.

Portoferraio – Les trois S-Boots reçoivent un ordre « annulant leur mission » (sansmentionner de quelle mission il s’agissait), mais leur précisant de rester sur la côte toscane.………Venise – Le Groupe de Transport Adria, de la Kriegsmarine, appareille avec des chars et dumatériel destinés, non aux forces allemandes des Balkans, mais au groupement de forces quise rassemble d’Ancône à Pescara.

Adriatique – Rentrant à Benghazi après une mission réussie de dépose d’agents non loin deSibenik, le sous-marin MRY Hrabri (CC Vojislav Vujić) intercepte au large de l’île de Mjlet(Meleda) un convoi destiné (lui !) à l’Albanie et composé des deux petits pétroliers Giulianae t Irma (respectivement 346 et 305 GRT). De sa gerbe de six torpilles, deux touchent,envoyant par le fond le Giuliana et l’un des escorteurs, le torpilleur T 7… ex-yougoslave.

Lisbonne, 20h00 – Un envoyé de l’ambassade des Etats-Unis remet discrètement au généralCastellano un émetteur radio made in USA.

9 décembre

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L’Italie basculeSoupçons et préparatifsRome – L’attaché naval de l’ambassade d’Allemagne envoie à Berlin un message quisouligne (avec tous les sous-entendus de rigueurs) que « La décision d’envoyer à Naples lecroiseur léger Muzio Attendolo ne saurait s’expliquer par la volonté de renforcer la défensede l’Italie du Sud. Le navire n’est pas complètement réparé et si sa machinerie semble ànouveau fonctionnelle, la moitié de son armement lourd, les trois tourelles de l’armementanti-aérien et la catapulte ne sont toujours pas montées. Il est aujourd’hui peu probable quela fin des réparations puisse avoir lieu à Naples, alors que le port est sous la menaceconstante des Alliés. »………Gran Sasso – En fin de journée, un avion allemand survole l’hôtel Campo Imperatore, oùMussolini est détenu.

Lisbonne – Le général Castellano prend dans la soirée le train pour Madrid. Il emporteapparemment de nombreux souvenirs du Portugal, puisqu’il a avec lui deux superbes et trèslourdes valises.

Tunis – Une nouvelle réunion de l’état-major allié confirme la faisabilité matérielle d’undébarquement en Italie et la décision de tenter l’aventure est prise. En effet, les politiquesanglais et français (ou plus exactement De Gaulle et Churchill, le premier, semble-t-il, pourdes raisons de prestige, le second parce que l’opération correspond à sa vision stratégique detoujours) ont fait pression sur leurs militaires. Et du côté américain, Patton a laissé s’exprimerson goût de cavalier pour l’offensive !L’objectif fixé est de profiter du changement de camp de l’Italie pour prendre le contrôle de laplus grande partie de la péninsule, en contenant les forces allemandes le plus au nord possibleet en conservant ou en libérant Rome – on en espère un puissant effet sur le moral despopulations et même des armées des deux camps.Bien que des objections tactiques persistent, l’objectif choisi est la baie de Salerne. Uneoption plus proche de Rome est même étudiée, puis écartée comme trop risquée. Devant lesinquiétudes exprimées, entre autres, par Alexander, les planificateurs ont ordre de faire ensorte que le succès de l’opération reste garanti en cas d’opposition plus résolue qu’attendu. Ilfaudra s’assurer du contrôle rapide d’au moins un port majeur intact (Naples, Tarente) et unepartie des troupes passera par la Calabre.L’état-major du 15e Groupe d’Armées (général Frère) doit désormais passer à la planificationdétaillée, sur la base de l’hypothèse que l’opération sera menée avec les forces alliéesdisponibles en Méditerranée Occidentale (principalement celles déjà présentes en Sicile), sansmettre en péril les moyens prévus pour les opérations à venir. Bizerte – Les porte-avions d’escadre britanniques HMS Indomitable (venu de l’Océan Indien)et HMS Victorious (venu de Scapa Flow) rejoignent la flotte alliée, dont le vieux Furious étaitle seul porte-avions. Avec ces navires arrivent les croiseurs HMS Dido et Scylla (classe Dido),ce qui porte à quatre le nombre des croiseurs AA (avec le Cleopatra et la Marseillaise). Cescroiseurs, accompagnés de huit destroyers – les classe L HMS Legion, Lively (armés de quatreaffûts doubles de 4 pouces/102 mm), Lookout et Loyal (armés de trois affûts doubles de 4,7pouces/120 mm) et les classe R (dite encore Emergency) HMS Rotherham (conducteur deflottille), Racehorse, Raider et Redoubt – offrent aux porte-avions un écran solide. Cesnavires sont accompagnés de l’Argus, qui a troqué pour quelques semaines (ce n’est pas lapremière fois) sa fonction de porte-avions-école pour celle de transport d’avions. Avec cetteréserve flottante, c’est un total de 56 Seafire IB qui sont mis à la disposition de la Flotte deMéditerranée.

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Sicile – Les équipes du Génie s’attachent à agrandir le complexe d’aérodromes de Trapaniainsi que l’aérodrome de Palerme, dans la partie nord de l’île, pour qu’ils puissent accueillirun grand nombre de chasseurs.

10 décembreL’Italie basculeAccepter l’inévitableMadrid, 10h00 – Le général Castellano, arrivé au petit matin de Lisbonne, s’embarque (avecses valises) dans un trimoteur Fiat G.12 pour Rome, via Barcelone et Ajaccio.………Rome – Le général Ambrosio s’entretient avec le sous-chef d’état-major de Supermarina etson adjoint, les amiraux Sansonetti et Giartosio, qu’il met au courant des conditions poséespar les Alliés. Ces derniers commencent par protester puis se rendent à l’évidence – accepterces conditions était la seule façon de parvenir à un armistice. Ils décident de planifier la miseen sûreté de la flotte italienne afin de pouvoir satisfaire aux conditions de reddition.Ambrosio rencontre ensuite le maréchal Badoglio, avec lequel il discute des conditions del’inévitable retrait des troupes italiennes du front de Grèce.

Munich – Une nouvelle conférence réunit les responsables militaires allemands, sous laprésidence de Himmler. Celui-ci fixe la ligne de conduite à adopter face aux troupes italiennesdans le cas d’une reddition du gouvernement Badoglio. Soit elles continuent à combattreeffectivement aux côtés des Allemands, soit elles sont immédiatement désarmées et internées,si possible en Allemagne. Himmler avertit les représentants de la Wehrmacht qu’il faudrachâtier durement la moindre tentative de résistance et ne pas reculer devant quelquesmassacres significatifs pour impressionner le reste des troupes.Turin – Une nouvelle manifestation est dispersée par des troupes italiennes, mais cettedispersion paraissant trop lente pour les “hôtes” de la ville, des troupes allemandesinterviennent et tirent. On relèvera 11 morts.

Villes italiennes – Les bombardiers alliés attaquent une fois encore Milan, Bologne etAncône. Dans le port d’Ancône, le torpilleur Tifone est gravement endommagé et doit êtreéchoué pour éviter qu’il ne coule. Les Italiens perdent aussi le dragueur de mines RD-27.

11 décembreL’Italie basculeEnfin du concretRome, 08h00 –Le général Castellano arrive dans la capitale, porteur de la précieuse radioaméricaine.09h00 – Le général Giuseppe Pafundi, qui commande le XVIIe Corps d’Armée, étroitementimbriqué aux troupes allemandes déployées dans le Péloponnèse, est reçu par le généralAmbrosio, qui l’informe de la décision du gouvernement d’accepter les termes de la redditionexigée par les Alliés. La réaction du général Pafundi est violente – non qu’il conteste lanécessité d’un armistice, mais il exprime avec énergie son mécontentement et ses regrets dene pas avoir été prévenu plus tôt et ce, en termes bien moins diplomatiques que« mécontentement » et « regrets ». Il demande alors à rencontrer le chef du gouvernement, lemaréchal Badoglio, ce qui lui est accordé l’après-midi même. Mais Badoglio ne peut que luirépéter ce qu’Ambrosio lui a déjà dit. C’est un Pafundi très déprimé – et, de surcroît, tenu de

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ne rien révéler à son voisin et ci-devant supérieur, le général Geloso – qui sort du Quirinal enfin de journée…10h30 – Après Pafundi, Ambrosio reçoit Castellano, qui l’informe du résultat de sa mission etde la nature de l’équipement qu’il a rapporté de Lisbonne. Les deux hommes conviennentd’établir le contact avec les autorités alliées le soir même.

Ancône – Le Groupe de Transport Adria décharge assez de chars et de matériels pour équiperun troisième bataillon blindé de la 10.PanzerDivision. Seul un esprit malintentionné noteraitque ces chars sont en théorie destinés à l’autre bord de l’Adriatique !…………Athènes – Arrivée du général Wolff, accompagné de deux bataillons d’infanterie de la SS.Wolff informe les responsables allemands – et d’abord le général Rommel, qui vient derevenir d’Allemagne – de la possibilité que l’Italie signe une paix séparée et de la nécessité ence cas de procéder « rapidement et, si besoin, de la façon la plus énergique » au désarmementdes troupes italiennes. La neutralisation des avions italiens d’observation et d’appui au sol enGrèce (des Ca.311 et des Ro.37) est également prévue, ainsi que la capture des quelquesnavires de la Regia Marina encore basés au Pirée.

12 décembreL’Italie basculeGéant DeuxTunis – Le contact a été établi avec l’émetteur de Castellano. Une nouvelle réunion d’état-major a lieu aussitôt pour envisager les développements de la situation.Si les Américains prônent la prudence (en l’absence de Patton, il est vrai) et si lesBritanniques sont encore circonspects, les Français (et plus encore les Belges) insistent sur lanécessité de prendre de vitesse les forces allemandes qui, désormais, sont largement présentesen Italie. Des renseignements fournis par le 2e Bureau et par l’OSS ont en effet permis dedresser une carte relativement précise des mouvements allemands dans la Péninsule.De cette réunion sort le principe d’une opération aéroportée, nom de code Giant Two/GéantDeux, qui devrait permettre de s’assurer le contrôle des aérodromes de la région de Rome.Les discussions portent aussi sur les unités qui participeront à l’opération et les chefs qui lacommanderont. Chaque pays cherche à pousser ses pions, tout en réservant ses meilleuresunités et ses chefs les plus prestigieux aux théâtres qu’ils considèrent comme prioritaires : lesud de la France pour les Français, les côtes de la Manche pour les Américains et la Grècepour les Britanniques, les Polonais, les Yougoslaves et bien sûr pour les Grecs !

Rome – Le général Pafundi a une nouvelle réunion avec Ambrosio, en compagnie dereprésentants de SuperAereo, pour étudier les possibilités de désengagement des troupesitaliennes du Péloponnèse. Si la situation des unités déployées à l’ouest du front (la 4 e

Division Alpine Cuneense et la 53e DI de Montagne Arezzo, incluses dans le corps italo-allemand, et la 18e DI Messina, du XVIIe CA) semble gérable, le cas du gros du XVIIe CA(131e Division Blindée Centauro, 1ère Division Rapide Eugenio di Savoia, 14e DI Isonzo, 51e

DI Siena et 7e Rgt de Cavalerie Lancieri di Milano) apparaît beaucoup plus difficile.………Sofia – Funérailles du tsar Boris III à la cathédrale Saint Alexandre Nevski. La tsarine Ioanna,membre non officiel du conseil de régence au nom de son fils Siméon, est soutenue par sasœur Mafalda, autre fille du roi Victor-Emmanuel III, arrivée quelques jours plus tôt.Mafalda, bien que tenue à l’écart des discussions politiques par son père, a compris quel’Italie allait vers une rupture avec l’Allemagne. Elle presse Ioanna, pour le salut des deux

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royaumes, de préparer la Bulgarie à un armistice anticipé. Les forces allemandes des Balkans,prises entre les forces bulgares, italiennes et alliées, devraient accepter une retraite en bonordre. Mais Ioanna n’est pas convaincue et elle supplie sa sœur de ne pas rentrer à Rome.

Grosseto (Toscane) – Le Xe FK annonce à Berlin qu’il est désormais au complet. En fait, il amême reçu un renfort : un Nahaufklärungsgruppen composé de 14 Fw 189 et 12 Bf 110 E-1.

Grèce : l’opération CiseauxHéraklion (Crète) – Derrière sa machine à écrire, le commandant Bloch s’efforce de tournerde manière positive le rapport demandé par Giraud sur l’avancement de l’opération Ciseaux.En bon historien, il ne s’est pas contenté de compiler toutes les sources administratives à sadisposition. Il a tenu compte du milieu géographique, des flux de circulation marchands et destémoignages humains, allant jusqu’à se rendre sur le terrain. Mais les réminiscences de sesdiscussions d’avant-guerre avec Lucien Febvre lui sont de peu d’utilité devant l’aridité desfaits.Aucun navire de débarquement n’est disponible pour l’opération contre Andros, sans mêmeparler de celles envisagées contre Corfou et Eubée. Et parmi les navires militaires, seuls lescontre-torpilleurs, destroyers et mouilleurs de mines de l’escadre de la Mer Egée (qui ontquelque expérience en ce domaine, il est vrai) peuvent facilement jouer les transports detroupes. Pourtant, le manque de transports n’est que le moindre de ses problèmes : en dehorsde la 13e DBLE, destinée à l’attaque d’Andros, il n’a même pas de troupes à faire convoyer !Dentz lui a confirmé son refus de dégarnir le front du Péloponnèse tenu par l’Armée d’Orient.Quant aux contacts avec la 8e Armée, ils n’ont guère été productifs, les Anglais estimant« qu’il n’y [avait] pas lieu de discuter d’une hypothétique opération n’ayant fait l’objetd’aucune concertation interalliée au niveau des états-majors ». Soupirant une fois de pluscontre les décisions contradictoires de sa hiérarchie, le commandant Bloch froisse sonbrouillon et se retrouve face à une nouvelle page blanche…

13 décembreL’Italie basculePréparatifsVatican – Une nouvelle fois, la messe pontificale donne lieu à des manifestations en faveur dela paix. Le slogan « Pace Subito » est très largement repris par la foule, et même par unepartie des soldats qui assistent à l’office sur la place Saint-Pierre.Des manifestations similaires ont lieu à Milan, Turin, Bologne, Brescia et Gênes.

Rome, 14h00 – Le général Carboni demande à voir Badoglio. Il l’avertit du risque croissantd’une opération préventive des forces allemandes visant à s’assurer, avant même l’annonce del’armistice, de la personne du Roi et du gouvernement.17h00 – Le général Carboni rencontre à nouveau Ambrosio, cette fois pour lui proposer defaire arrêter préventivement le prince Junio Valério Borghese. Après l’avoir envisagé,Ambrosio y renonce, considérant la popularité du Prince, mais aussi le fait qu’il seraitimpossible de procéder à cette arrestation discrètement et que cela signifierait affronter, sansdoute de façon violente, les hommes de la Xa MAS.

Villes italiennes – Des bombardiers américains et français frappent Pescara et Eboli, tandisque des bombardiers britanniques s’en prennent à Reggio de Calabre. Le bombardement dePescara est fatal au croiseur auxiliaire Brioni (D.13) et au mouilleur de mines Unie (ex-yougoslave Kobac), ainsi qu’au cargo Paolina (4 894 GRT).

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14 décembreL’Italie basculeMenacesRome – Accompagné d’Ambrosio, Badoglio se rend chez le Roi, villa Savoia. Tous deuxinforment Victor-Emmanuel tant des menaces allemandes que de la possibilité d’obtenir desAlliés une aide immédiate sur Rome.À la sortie de cette réunion, Ambrosio rencontre l’état-major de la Regia Aeronautica. Chacunest d’accord pour préserver au maximum les forces aériennes disponibles. Mais dans la soirée,Rahn, ambassadeur d’Allemagne, transmet une vive protestation quant à l’absence de défenseaérienne sur la région d’Ancône et de Pescara. Il accompagne cette protestation de la menaceà peine voilée que les troupes allemandes prennent le contrôle des aérodromes de la région deRome pour permettre aux chasseurs du Xe FK de s’y déployer.

Tunis – Une nouvelle réunion d’état-major met la dernière main au débarquement dans larégion de Salerne, dont le nom de code sera Avalanche. La date choisie est le 23 ou le 25décembre.Winston Churchill étant en tournée dans la région pour encourager les troupes duCommonwealth, une réunion est organisée autour de lui et de Paul Reynaud en fin de journée.Reynaud a convié (mais seulement au dîner qui suit la séance de travail) l’ambassadeuraméricain Anthony Biddle. Le Premier Britannique plaide avec enthousiasme pour uneintervention massive en Italie, soutenu par le Président du Conseil. Biddle, en bon diplomate,est plus nuancé, tout en exprimant les vues de Washington : sans doute, politiquement, il fautsoutenir le changement de camp de l’Italie en déployant des troupes alliées dans la péninsule,mais cela ne doit pas se faire au détriment des actions prévues ailleurs. Néanmoins, il faitremarquer (exprimant certainement sur ce point les vues du Président Roosevelt) qu’il seraitnaturel qu’une telle opération donne enfin un rôle de premier plan à un général américain : lesEtats-Unis ne sont-ils pas, à l’évidence, l’interlocuteur de choix des Italiens et leurparticipation à l’opération ne sera-t-elle pas très forte ?

Heurs et malheurs ordinaires des sous-marins des deux bordsAu large de Bône – Le sous-marin italien Mocenigo (LV Alberto Longhi) repère le croiseurléger HMS Argonaut et son escorte. Passant hardiment à l’attaque, le commandant Longhilance une gerbe de quatre torpilles dont deux atteignent le croiseur, à la proue et à la poupe.Gravement endommagé mais machines intactes, l’Argonaut survivra cependant : après desréparations provisoires à Gibraltar, il gagnera en avril 1943 les chantiers navals dePhiladelphie pour sa remise en état définitive, qui sera achevée fin novembre 1943.

15 décembreL’Italie basculeVers la criseToscane – Tôt dans la matinée, deux F4A-1-LO (des Lockheed P-38F convertis en avions dereconnaissance photo) survolent les aérodromes de la côte toscane. L’un deux est abattu parun Bf 109G de la II/JG 77, mais l’autre rapporte des photographies extrêmementintéressantes. Dans la soirée, leur analyse confirme que l’Allemagne a reconstitué sonpotentiel d’attaque anti-navires dans la région.

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Rome – Une réunion de crise se tient autour du duc d’Acquarone, de Badoglio et d’Ambrosio.Le duc parle au nom du Roi : « Je suis très étonné et même scandalisé qu’en ces journéescapitales pour l’avenir de l’Italie et de la Dynastie, les mesures de sécurité autour de SaMajesté n’aient pas été renforcées ! » Badoglio se veut rassurant : « Monseigneur, la situationest certes délicate, mais il convient de ne pas céder à l’affolement, Sa Majesté peut êtreassurée de l’amour de ses soldats et de leur vigilance ! » Le général Ambrosio est pluspragmatique : « Nous avons pris des précautions en ce sens, Monseigneur. Par exemple, lesterrains d’aviation de Rome sont tenus par des troupes italiennes. » La discussion dureenviron 90 minutes et ne débouche, comme à l’habitude, sur aucune décision concrète.

Ancône – Les unités allemandes stationnées dans la région d’Ancône se mettent en route pourPescara. En chemin, elles sont photographiées par un Mustang I de reconnaissance français.

Bombardements – Dans l’après-midi, les bombardiers alliés frappent plusieurs cibles, enparticulier Viterbe et Terni. Les avions du raid de Viterbe sont attaqués par les chasseursallemands de la I/JG 77 et de la II/JG 77. Un B-26 américain et un Mustang II sont abattus,tandis que la II/JG 77 perd un Bf 109 abattu et trois gravement endommagés.

Heurs et malheurs ordinaires des sous-marins des deux bordsAu large de la côte, entre Alger et Bône– Enhardi par son succès de la veille, lecommandant Longhi tente de récidiver. S’étant déplacé vers l’ouest, il s’en prend à un convoide quatorze navires de charge qui n’est autre que la première partie du convoi YMB 7,logiquement baptisée YMB 7A (le YMB 7B doit le rejoindre sous quelques jours en rade deBougie). Parvenu en position de tir, il fait lancer une nouvelle salve de quatre torpilles. Siaucune n’atteint de cargo, l’une d’elles touche et coule le dragueur de mines HMS Algerine.Mais la réaction de l’escorte, forte encore de dix navires de divers types, va être fatale auMocenigo.Au terme de trois heures et demie de chasse, le commandant Longhi doit ramener à la surfaceson bateau gravement endommagé. Il le saborde sous le feu de ses poursuivants (lesdestroyers d’escorte HMS Bicester et Zetland [type Hunt II] ainsi que la corvette HMSSamphire), qui cause la mort de six de ses hommes.

La Reine-infirmièreGenazzano – Des avions américains égarés ont lâché leurs bombes sur le château desColonna. L’ouvrage est considérablement abîmé, mais par bonheur, il n’y a pas de morts,preuve manifeste que Notre Dame d’Albanie veille toujours sur la cité ! Les blessés sontamenés à l’hospice du couvent, où Schwester von Rethy prend immédiatement en mainl’organisation des secours. Son autorité et son professionnalisme font merveille, qu’il s’agissed’organiser les soins ou de panser les blessés.A la Mère supérieure, qui s’en étonne discrètement (tout en s’en réjouissant), elle rappellequ’elle a gagné vingt-cinq ans plus tôt ses galons d’infirmière de guerre. La religieuse bénit laMadone, qui a envoyé cette invitée exceptionnelle au couvent juste au bon moment, tout en sedisant que la dite invitée semble absolument ravie de cette occasion de sortir de la routineprotocolaire de son quotidien.

16 décembreL’Italie basculeLes illusions de Badoglio

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Rome – Dans la matinée, le général Carboni rencontre le général Ambrosio et lui indique queles 252. et 263. Infanterie-Divisions ont bien quitté le territoire italien pour se rendre enGrèce. Par contre, la SS-Division Hohenstaufen semble vouloir s’installer autour du lac deGarde et dans la région de Brescia. De plus, la concentration des forces allemandes autour dePescara devient inquiétante. Enfin, il se confirme que les troupes allemandes contrôlent laquasi totalité des gares et du réseau ferré de l’Italie du Nord jusqu’à Bologne !Si Ambrosio se réjouit du départ de deux divisions allemandes du territoire italien, les autresnouvelles ne manquent pas de l’inquiéter. Il s’en ouvre dans l’après-midi au maréchalBadoglio, qui reste serein : « Ne vous inquiétez pas, Ambrosio, un vieil Italien comme moisaura bien rouler ces messieurs les Allemands jusqu’au bout. Le mieux à faire est gagner dutemps et de retarder l’annonce de l’armistice italienne jusqu’au début de l’année, disons le 6janvier. »Pour Ambrosio, un tel plan est parfaitement irréaliste : « C’est bien trop tard, Monsieur leMaréchal. L’annonce devra être faite au plus tard le 25 décembre. »Finalement, les deux hommes s’entendent pour décider… que ce n’est pas à eux de décider :la date la plus sûre sera celle d’un débarquement allié sur le sol de la Péninsule. A ce moment,il sera temps d’avouer l’armistice.

Avalanche, Bedlam, SlapstickTunis – Après une semaine d’activité intense, l’état-major du 15 e Groupe d’Armées a finid’élaborer son plan, qui, validé par l’état-major interallié, est présenté aux gouvernements.Le débarquement dit de Salerne (opération Avalanche) aura lieu le 25 décembre sous lecommandement du général Clark 9. En réalité, les troupes alliées débarqueront simultanémentau nord et au sud de Naples.Du côté de Pouzzoles, dans le golfe de Gaète (Avalanche-Nord ou Avalanche I), ce sera uncorps blindé franco-américain comprenant d’une part la 1ère DB-US, la 34e DI-US et les 17e et36e Régiments d’Artillerie US, d’autre part la 3e DB et la 14e DI françaises, le 2e Régiment deSpahis Algériens (Groupe de reconnaissance de corps d’armée), la 12e Brigade d’Artillerie deCorps d’Armée (française) et la 1ère Brigade Blindée belge. Ces unités seront commandées parle général Jean de Lattre de Tassigny.Autour de la ville de Salerne (Avalanche-Sud ou Avalanche II), le Xe Corps d’infanterie duCommonwealth, commandé par le major-général Ritchie, débarquera les 44 e et 46e DIbritanniques, la 1ère Army Tank Brigade, la 4e Armoured Brigade, le 6e AGRA (Army GroupRoyal Artillery) et la 1ère DI sud-africaine.Une force aéroportée est constituée avec la 82e Airborne du général Matthew Ridgway, plus le3e RCP et des éléments du 6e RALP (Régiment d’Artillerie Légère Parachutiste) commandéspar le Lt-colonel Glaizot. Ces forces sont destinées à sécuriser les aérodromes de la région deRome.Une opération de soutien, dite opération Bedlam, est confiée au Ve Corps du général Allfrey.Il doit traverser le détroit de Messine à Reggio de Calabre et remonter vers Foggia et la côteadriatique « aussi vite que possible » avec les 6e et 50e (Northumbrian) DI britanniques, la 5e

Division Indienne et la 231e Brigade d’Infanterie.Enfin, pour s’assurer d’un port en cas de difficultés dans le déroulement d’Avalanche, lesparachutistes britanniques de la 1ère Airborne seront transportés à Tarente par les navires del’Escadre de Mer Egée (en l’absence de transports de troupes, tous utilisés pour Avalanche).

9 Le major-général Mark Wayne Clark, né en 1896, a combattu et a été blessé en France pendant la PremièreGuerre Mondiale, avant de servir dans l’armée d’occupation en Allemagne (3rd Amy). De retour aux Etats-Unis,il a occupé des postes d’état-major ou d’instruction. Il a été nommé à l’état-major de l’US Army à Washington enaoût 1941. Il est devenu adjoint au chef d’état-major en janvier 1942. En juin 1942, il a été envoyé en Afrique duNord, où il est depuis lors le représentant personnel du général Eisenhower auprès des troupes américaines.

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On espère que la coopération des Italiens permettra un débarquement sans anicroche. Cetteopération reçoit le nom de code de Slapstick.

17 décembreL’Italie basculeDiversionsMéditerranée centrale – Au large de Tunis, les trois porte-avions britanniques et les porte-avions d’escorte français Lafayette et Quentin-Roosevelt entament un exercice de défenseaérienne de la flotte.Pendant ce temps, des transports, escortés par l’escadre de l’amiral Godfroy, commencent àtransporter les troupes désignées pour Avalanche de Tunisie ou de la côte sud de la Sicile versPalerme et la côte nord de la Sicile.Au même moment commence une opération de diversion destinée à faire croire auxAllemands que la Sardaigne et la Corse sont visées. La Sardaigne est attaquée par desbombardiers français et américains et le port de Cagliari durement touché. Trois cargos y sontcoulés : Paolo (3 825 GRT), Albisola (4 097 GRT) et Capo Mele (3 061 GRT) 10. Lebombardement est aussi fatal au vieux sous-marin H-8 (LV Mario De Angelis), détaché là deLa Spezia dans un but défensif : il ne sera relevé que pour être démoli.Une autre opération de diversion, baptisée Boardman et reposant essentiellement sur uneaugmentation du trafic radio, cherche à faire croire à l’ennemi que les Alliés se préparent àdébarquer sur la côte ionienne pour encercler les forces de l’Axe qui combattent en Grèce.

Munich – Le général SS Wolff est de retour d’Italie. Avec l’aide du colonel Dollmann, ilcommence à planifier la capture du roi d’Italie et de son gouvernement.

Rome – Mais ce n’est pas de cette menace que se soucie Victor-Emmanuel ! En effet, le ducd’Acquarone transmet à Badoglio que le Roi souhaite que les « persécutions contre l’ancienParti fasciste » cessent immédiatement. Le duc ajoute que, si tel n’était pas le cas, « certainspourraient imaginer que c’est la personne du Roi elle-même qui est visée ! »

18 décembreL’Italie basculeInstructions secrètesMéditerranée centrale – A l’aube, tandis que les premières plaques de PSP (pierced steelplanks) sont débarquées à Trapani et immédiatement installées sur les pistes pour renforcerleur surface, un deuxième convoi quitte la Tunisie pour Palerme : l’état-major du 15e Grouped’Armées allié se déplace pour prendre ses quartiers près de Syracuse.

Rome – A l’état-major du Regio Esercito, la première ébauche d’instructions établie par lacellule ad hoc a été longuement discutée et plusieurs fois amendée avant d’être soumise, cinqjours plus tôt, à l’approbation de l’Etat-Major Général. Cette dernière obtenue, la notedéfinitive, baptisée Memoria 44 op (op pour ordine publico, ordre public, afin de masquer sonbut réel) et datée du 18 décembre, a été tapée à la machine dans la nuit du 17 au 18 par l’un deses concepteurs, le lieutenant-colonel (d’infanterie) Mario Torsiello. Outre l’original, signépar le général Roatta, ce secrétaire improvisé en a fait onze autres exemplaires.

10 Les deux derniers seront ultérieurement relevés et remis en service.

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Comme pour l’ordre 111 C.T., la diffusion du Mémoire 44 op est confiée à des porteursspéciaux, trois colonels d’état-major. Ceux-ci partent du siège de l’état-major du RegioEsercito, à Rome, dans la matinée du 18 décembre pour joindre : dans le sud de l’Italie, la 1ère

Armée (dont le quartier général se trouve alors à Anagni) et la 7e Armée (Q.G. à Potenza) ;dans le nord du pays, la 8e Armée (Q.G. à Padoue) et les commandements de défenseterritoriale de Bologne et Milan ; hors de la péninsule, les commandements de Sardaigne et deCorse, la 4e Armée en France (Q.G. à Sospel) et le commandement supérieur des Forcesarmées en Slovénie et Dalmatie (Q.G. à Sussa/Sussak). Les généraux Mario Caracciolo diFeroleto et Carlo Vecchiarelli, à la tête respectivement de la 3 e Armée et du commandementterritorial de défense de Rome, liront leur exemplaire du mémoire à Monterotondo, où ils vontêtre convoqués le 21 décembre 11.Le mémoire se subdivise en quatre points : avant-propos ; missions dévolues à l’ensemble descommandements ; missions particulières ; prescriptions diverses. Figurent parmi les missionsgénérales : renforcer la protection des infrastructures de communication ; surveiller lesmouvements des Allemands ; préparer des coups de main pour s’emparer des dépôtsallemands de munitions, vivres, carburants et matériels divers ainsi que des centres detransmission ; préparer des coups de main contre des objectifs allemands vulnérables ; assurerla défense des édifices publics, des dépôts de troupes, des quartiers généraux, des magasins etdes centres de transmission italiens. Quant aux missions particulières, on peut citer à titred’exemple celles de la 3e Armée : « Tenir solidement La Spezia grâce au renfort de la 58 e D.I.Legnano (cédée par la 4e Armée) et, si possible, tenir Livourne ; gêner au maximum lesmouvements allemands ».La fin du mémoire précise notamment que les instructions qu’il contient devront être mises enœuvre dès qu’aura été diffusé par l’état-major du Regio Esercito le message radio « Attuaremisure ordine publico Memoria 44 » (Exécuter mesures ordre public Mémoire 44). Ellespourront l’être aussi de la propre initiative des commandants sur le terrain, en fonction de lasituation à laquelle ils se trouveraient confrontés.Tout cela respire donc le bon sens. Mais, une fois de plus, ni les commandements supérieursdes Forces Armées en Albanie et en Grèce, ni le général Pafundi ne figurent au nombre desdestinataires…09h00 – L’ambassadeur Rudolf Rahn demande à voir le général Ambrosio, qui le reçoit vers10h00. Il lui propose, comme un geste gratuit d’assistance entre alliés, le renfort de la brigadeHermann-Göring pour garantir la sécurité des aérodromes de la région romaine. Ambrosiorefuse poliment, mais fermement. Il apprendra que, dans la journée, des officiers allemandsn’en sont pas moins passés à Fiumicino et à Guidonia pour s’informer des disponibilités enessence d’aviation et notamment de l’indice d’octane de ce carburant.11h00 – Sensible aux remontrances du duc d’Acquarone, le maréchal Badoglio rencontre leRoi et l’assure que tout est fait pour garantir son autorité ainsi que celle de la monarchie. Celan’empêche pas qu’à la même heure, le général Carboni rencontre les délégués du ComitéCentral du Front National d’Action (le socialiste Pertini, le communiste Luigi Longo et Lussu,membre du Parti d’Action).Le général Castellano, quant à lui, quitte Rome pour Reggio de Calabre, où il arrive en pleinenuit avec ses précieuses valises après un voyage semé d’embûches qui l’a obligé à user del’avion puis de la voiture.………Naples – Les MAS-538 et 553 quittent le port de Naples en fin d’après-midi en direction del’ouest. Dès qu’elles sont hors de vue du rivage, elles obliquent vers le sud et mettent le cap

11 Monterotondo est une petite ville sise à 26 km au nord-est de Rome. Le général Roatta en personne y recevrales deux généraux dans le palais Orsini-Barberini, où il envisage d’installer le quartier général du Regio Esercito(projet que les événements feront remettre sine die).

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sur le port de Palerme, où elles entrent vers 23h00 grâce à des signaux de reconnaissancetransmis de Rome la veille par la radio du général Castellano. Elles y embarquent quatreofficiers de marine alliés (deux Britanniques, un Français et un Américain) qui sont chargésd’aller inspecter, pour les uns, les plages de Salerne, pour les autres celles situées au nord dePouzzoles.

Villach (Autriche, Reich Grand-Allemand) – La princesse Mafalda attend les formalités,très longues, qui permettront à son train de repasser la frontière italienne. Elle a renoncé àprendre l’avion, à cause du mauvais temps et des fréquentes attaques aériennes, et elle a dûfaire un long détour par la Roumanie et la Hongrie. Elle n’aimait pas l’idée de devoir traverserle territoire allemand, mais elle tient absolument à revoir ses enfants pour Noël. Après tout,l’Allemagne est encore alliée de l’Italie, et son époux est allemand… Elle écoutedistraitement l’officier des gardes-frontières, un Autrichien mélomane, qui lui parle de lanouvelle saison de la Scala de Milan, où l’on donne Falstaff de Verdi.

19 décembreL’Italie basculeUne reddition secrèteReggio de Calabre, 04h30 – Le général Castellano, en civil, embarque sur la MAS-576,venue de Tarente. La vedette, sur laquelle aucun insigne de nationalité n’apparaît, se dirigeaussitôt vers la Sicile.Syracuse, 07h00 – A son arrivée, Castellano est accueilli par le général Walter Bedell Smith,qui le conduit au QG allié.09h30 – Devant le général Frère, accompagné des généraux Eisenhower et Alexander,Castellano signe les termes de la reddition italienne. Celle-ci ne sera cependant effective quele 25 décembre à 04h00, soit presque six jours plus tard !Après quelques ultimes discussions, le général italien retourne au port où il retrouve savedette, qui appareille en toute discrétion à 13h00. De retour à Reggio vers 16h00, il repartaussitôt vers Rome.………Baie de Naples – Les officiers alliés inspectent discrètement les sites de débarquement, sousla protection de quelques hommes de la Regia Marina triés sur le volet.

Rome – Revenu de Munich pour quelques heures, le général Wolff a une entrevue rapide avecl’ambassadeur Rahn. Dès la fin de celle-ci, l’ambassadeur décide d’évacuer sur Viterbe tout lepersonnel non essentiel de l’ambassade. Ce mouvement est officiellement présenté commeune réaction aux bombardements que Rome risque de subir de la part des Alliés dans les joursà venir.

20 décembreL’Italie basculeCompte à rebours Rome – Après avoir, une semaine plus tôt, examiné et approuvé le plan mis au point par leRegio Esercito, l’Etat-Major Général (alias Comando Supremo) s’est décidé à émettre (enfin)une instruction générale pour les trois Armes, le Mémorandum n°1 (Promemoria N.1).Le premier point du Promemoria N.1 est sans ambiguïté : « Il peut survenir une agression desAllemands, soit pour des raisons politiques, soit à la suite de la conclusion de notre part d’unarmistice à leur insu. »

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Le deuxième point concerne l’Armée de Terre. Il confirme la validité des prescriptionscontenues dans le Mémoire 44 et leur apporte quelques précisions ou retouches, en prévoyantnotamment le retrait vers le sud, au-delà de la cluse de Salorno/Salurn, de la 2e DivisionAlpine Tridentina, stationnée dans le Haut-Adige (son Q.G. est à Bressanone/Brixen), « dansune zone où la population est majoritairement hostile ». Il prévoit aussi la libération desprisonniers alliés, du moins des Anglais, Américains et Français (il n’est pas question desGrecs ou des Yougoslaves), qui devront être dirigés vers le sud mais qui pourront aussi, s’ilsl’acceptent, être armés et contribuer à la résistance contre le nouvel adversaire commun. Le troisième point concerne la Marine. Confirmant et amplifiant les mesures déjà mises enœuvre, il ordonne le transfert dans les ports de Sardaigne ou d’Italie méridionale de tous lesnavires de guerre ou de commerce en état de naviguer. Pour les autres, il est prescrit non pasleur destruction, mais un sabotage les mettant temporairement hors service (ce qui sous-entend l’espoir de les recouvrer assez rapidement !). Le quatrième point concerne l’Aviation, la seule des trois Armes à ne pas avoir encore pris desmesures particulières. Il est ordonné le transfert de toutes les unités de chasse sur lesaérodromes du Latium, tandis que celles des autres spécialités doivent gagner la Sardaigne.Tous les avions hors d’état de voler devront être détruits. Le cinquième point traite des liaisons. Il ordonne notamment de faire garder par de fortsdétachements les centraux téléphoniques et les stations émettrices de l’Etat. Adressé aux commandants supérieurs, le Mémorandum n°1 ne devra pas être diffusé parceux-ci à leurs subordonnés : ils se contenteront de leur en donner communication verbale. Ilsera mis en œuvre soit de la propre initiative des dits commandants supérieurs, soit aprèstransmission en clair par le Comando Supremo de la phrase : « Accusate ricevuta delPromemoria N.1 » (Accusez réception du Mémorandum n°1).Ce Mémorandum n’est en fait destiné qu’aux commandements occidentaux des trois Armes. Iln’y a toujours rien pour le sud des Balkans et la Grèce.

Rome – Reçu en début d’après-midi par le maréchal Badoglio, l’ambassadeur Rahn s’inquiètede l’attitude du gouvernement italien. Le déroulement de l’entrevue nous est connu grâce àl’un des aides de camp de Badoglio. Le visage affable, celui-ci sourit tristement : « Je suis lemaréchal Badoglio, l’une des deux plus vieux maréchaux d’Europe. Oui, avec le maréchalMackensen, nous sommes les plus anciens en cette dignité. La défiance du gouvernement duReich à mon endroit est incompréhensible et m’attriste profondément. » Le maréchal s’arrête,marquant sa douloureuse surprise d’une fugitive crispation de ses traits. Puis il ajoutefermement : « Signor Ambasciatore, j’ai donné ma parole, j’y ferai honneur. Je vous pried’avoir confiance en moi et en l’Italie. »Rahn est édifié. Dans la nuit, il câble à Berlin qu’il convient de procéder « dès que possible »au désarmement des troupes italiennes et à la capture du Roi et de son gouvernement.

Vatican – Les manifestations qui accompagnent maintenant chaque messe pontificale ont étéplus clairsemées en ce dimanche. Certains pensent que le mouvement pour la paix s’épuise.Mais le général Carboni sait que cela correspond à la consigne donnée par le Comité Centraldu Front National d’Action, grâce à l’accord conclu la veille avec lui. Dans les faubourgs deRome court un autre slogan : « Tedeschi Fuori ! » (Les Allemands dehors !).

Syracuse – De retour de leur dangereuse mission, les quatre officiers alliés confirment que lesite de Salerne se prête bien à un débarquement ainsi que, dans le golfe de Gaète, une zoneproche de l’embouchure du fleuve Volturno. Cependant, dans ce secteur, le soutien aérien seranécessairement plus limité qu’à proximité des bases alliées.

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Néanmoins, si les aérodromes de la région de Naples ainsi que le port de la ville peuvent êtreconquis rapidement, rien ne s’opposera à une remontée rapide des forces alliées vers Rome.Il est alors décidé de faire appel au 1er RCP (Régiment de Chasseurs Parachutistes), qui serachargé de prendre le contrôle des aérodromes de la région napolitaine.………Sicile – Dans la journée arrivent sur leurs nouvelles bases de Trapani et de Palerme (quicomprend désormais six pistes principales équipées de PSP) les unités suivantes :Armée de l’Air (Trapani)4e Escadre de Chasse (I/4, II/4, III/4) : 20 NA-73/92 et 40 Mustang IA/IC FGA5e Escadre de Chasse (I/5, II/5, III/5) : 60 Mustang II7e Escadre de Chasse (I/7, II/7, III/7) : 60 Mustang IIGC I/8 : 20 Beaufighter VIFUSAAF33rd FG (58th, 59th, 60th FS): 54 P-51A & B (Trapani)79th FG (85th, 86th, 87th FS): 54 P-51B (Trapani)1st FG (27th, 71st, 94 th FS): 54 P-38F (Palerme)14th FG (48th, 49th, 50th FS): 54 P-38F (Palerme)82nd FG (95th, 96th, 97th FS): 54 P-38F (Palerme)416th FS: 18 Beaufighter VIF (Palerme)………Le reste de la chasse se répartit entre Comiso (dont l’important complexe de terrains a été déjàutilisé durant la campagne de Sicile) et les aérodromes construits dans la plaine de Catane. Laplupart de ces avions sont sur place depuis la seconde moitié des combats de Sicile et leurséchelons logistiques les ont rejoints avant la fin de cette campagne :Aéronautique Militaire41e Escadre de Chasse Reine Astrid (I/41 Prince Baudouin, II/41 Prince Albert, III/41 Princesse Joséphine-Charlotte) : 60 Hawk-87 (Comiso)Armée de l’Air39e Escadre de Chasse (I/39, IV/39) : 20 NA-73/92 et 40 Mustang IA/ICFGA (Comiso)RAF233th Wing (SAAF) (Sqn 2, 4, 5, 7): 64 P-40E et K (Catane)7th SAAF Wing (Sqn 80, 127, 274, 335): 64 Hurricane IIb/c (Catane)244th Wing (Sqn 73, 92, 145): 48 Spitfire Vb/c et Sqn 601 : 16 Spifire IX (Catane)245th Wing (Sqn 119, 126, 185, 249): 64 Spitfire Vb/c (Catane)Sqn 603, 605: 32 Hurricane IIc (AT) (Catane)Sqn 89: 16 Beaufighter VIF (Catane)Sqn 227: 16 Beaufighter TFVI (Catane)Sqn 235, 248: 32 Banshee II (Catane)USAAF31st FG (307th, 308th, 309th FS): 54 Spitfire V (Comiso)52nd FG (2nd, 4th, 5th FS): 54 Spitfire V (Comiso)324th FG (314th, 315th, 316th FS): 54 P-40E/K (Catane)57th FG (64th, 65th, 66th FS): 54 P-40E/K (Catane)

Atlas méduséDésinformation majeureAlger – Autour de la table de conférence en bois ciré sont assis quelques hommes – deuxhauts responsables du Renseignement militaire français, un membre du cabinet du Présidentdu Conseil et un du cabinet du ministre de la Défense, plus quatre représentants des deuxprincipaux alliés de la France, deux Britanniques et deux Américains, pas plus. Tous les huitsont suspendus aux lèvres de Pierre de Froment, grand patron de l’opération Méduse, quivient de se lever.

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– Bonjour, messieurs. Je vous remercie d’être venus. Cette réunion a pour but de vouséclairer concernant la situation actuelle de l’opération Méduse.Il y a sans doute un peu plus de deux ans que les Collaborateurs ont créé le réseau Atlas.Nous avons décelé son existence au début de l’an dernier et nous avons peu à peu réussi à lenoyauter. Actuellement, quelques-uns de nos pénétrants 12 ont réussi à atteindre certains desplus hauts postes d’Atlas.Le chef d’Atlas en Tunisie a été retourné, il travaille à présent pour nous. D’autres de seshommes sont dans la même situation et d’autres sont tout simplement des hommes à nousrecrutés par les précédents selon nos… suggestions. Seul un tiers de la structure tunisienned’Atlas est réellement collabo, et nous le contrôlons grâce aux autres agents.En Algérie, le travail est moins avancé, les difficultés sont plus grandes et le vivier dessympathisants ennemis plus riche, mais nous avons placé suffisamment de pions pour ne pascraindre grand-chose. La… disparition soudaine de M. Vaugrand, qui s’était intronisé patrond’Atlas pour toute l’AFN, mais en pratique pour l’Algérie, nous tranquillise tout à fait.Par ailleurs, nous avons accompli depuis des mois en direction des Allemands tout un travaild’accréditation en leur donnant des renseignements exacts et vérifiables, dans la foulée del’opération menée peu avant le déclenchement de Torche.Le capitaine Stirling, un solide Ecossais, lève la main : « Quel genre de renseignements ? »– Par exemple des noms d’unités envoyées sur le front de Sicile. Lorsque nous apprenionsqu’un régiment avait subi des pertes contre les Italiens, nous nous empressions decommuniquer sa position aux Allemands. L’information que nous leur transmettions arrivaittoujours avant celle des services italiens et, ironiquement, c’est nous qui étions crédités de sadécouverte. A présent, les Allemands sont probablement tout à fait persuadés de la fiabilitéd’Atlas.– Mais vous, en êtes-vous sûr ?L’homme qui vient de parler est un colonel britannique doté d’une forte moustache poivre etsel. Cet officier inconnu du public est le chef de la Force A, le réseau de contre-espionnageallié en Méditerranée. Le réseau X, en Afrique du Nord, en est la composante française.– Mon colonel ?– Il y a quelques jours, vous avez éliminé Vaugrand, un personnage clef, pourtant. Necraignez-vous pas que cela provoque la méfiance de l’Abwehr ? D’ailleurs, pourquoi l’avez-vous fait ? A cause des messages en code qu’il envoyait aux Allemands ?– Nous avons cassé le code, et vous avez raison, ce sont bien ses messages qui nous ontpoussé à l’éliminer, mon colonel, mais pas parce qu’ils étaient dangereux. Ses transmissionsn’étaient qu’un galimatias politique sans intérêt. Elles nous ont surtout démontré quel’homme voulait se mêler de tout ce qui se passait au sein d’Atlas et qu’il était bien une sortede commissaire politique. Quand il a réussi à obtenir sa nomination officielle à la têted’Atlas-AFN, il est devenu clair qu’il fallait l’éliminer avant qu’il ne découvre ce qui sepassait réellement.– Je comprends vos raisons, mais… Comment dites-vous… Cela ne pourrait pas leur mettrela mouche à l’oreille ?– La puce à l’oreille, mon colonel ! Non, car c’est officiellement l’un des six agentsdébarqués le 3 décembre par avion qui a fait le coup, et les Allemands ont pris l’assassinat deVaugrand pour un règlement de compte entre lavalistes et doriotistes ! Comme l’Abwehrn’aime guère Doriot, c’est tout juste s’ils ne nous ont pas demandé de féliciter le tueursupposé.Le colonel anglais approuve d’un hochement de tête satisfait. Froment feuillette un dossier,puis : « Nous sommes ainsi entrés dans la phase deux de Méduse. Le but est à présentd’opérer une désinformation militaire majeure. En accord avec le haut commandement allié,

12 Agents de renseignements qui se font recruter par l’ennemi pour agir de l’intérieur.

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nous devons pousser l’ennemi à surestimer nos forces et à se tromper sur le lieu dudébarquement en Italie qui semble à présent inévitable, même s’il ne figurait pas forcémentdans nos plans avant l’élimination de notre grand ami Mussolini. »Le capitaine de frégate Lagny demande la parole.– Commandant ?– Ne devions-nous pas les convaincre que le débarquement aurait lieu ailleurs qu’en Italie ?– Nous diffusons également des informations sur un débarquement en Sardaigne, en Grèce etmême en Provence. Mais disons qu’Atlas les juge peu fiables. Curieusement, il apparaît queles Allemands étaient sûrs que nous avions pris la Sicile pour aller envahir l’Italie, bien avantque nous n’en ayons décidé ainsi ! Donc, nous allons dans leur sens, ce qui nouscrédibilise…– Je comprends.Froment reprend son exposé.– Il y a trois jours, nous avons envoyé ce message aux Allemands : « Préparatifs importantsdans toute l’AFN. L’ensemble des troupes françaises, britanniques et américaines ayant prispart aux opérations en Sicile [suivait une liste détaillée d’unités qui ne leur apprendra rien]se prépare à une opération amphibie très prochaine. Destinations possibles : Sardaigne etCorse, Italie, Sud de la France. »Hier, nous sommes montés d’un cran : « URGENCE. Grande opération amphibie imminente.Mouvements navals intenses. Forte activité aéronautique. Les Dissidents [c’est le nom que lesmembres d’Atlas donnent à notre armée nationale, un comble n’est-ce pas] reçoivent denombreux renforts anglais et américains. »Demain, nous allons envoyer le message suivant : « EXTRÊME URGENCE. Débarquementau sud de l’Italie en préparation, aux abords du détroit de Messine. Autre débarquement plusau nord prévu par la suite, pour piéger les forces de l’Axe. »– Quel est l’effet attendu ? demande le chef de la force A.– Ils ne vont évidemment pas hasarder à toute vitesse des forces loin au sud, avec des Italienson ne peut moins fiables. Quand ils verront se réaliser nos prédictions, ils croiront durcomme fer à tout ce que nous leur annoncerons ensuite… Par ailleurs, ils nous ont demandéce que les Alliés pensaient de Badoglio.– Et qu’avez-vous répondu ?– Là, nous avons hésité. Il fallait répondre, pourtant ! Alors, nous avons expliqué que lesFrançais n’en pensaient que du mal, qu’ils étaient certains que l’Italie resterait dans l’Axe etque le maréchal ne valait pas mieux que Mussolini. Mais nous avons ajouté que lesAméricains pensaient que Badoglio allait trahir l’Allemagne et que les Anglais étaient entreles deux !Un léger rire parcourt l’assistance…………D’après « Atlas médusé – La réponse du contre-espionnage français aux menées des espionsdu NEF et de l’Axe en Afrique du Nord », par A. Naxagore, Paris, 1946.

21 décembreL’Italie basculeComptes à reboursRome – Dans la foulée de la diffusion du Promemoria N.1, le général Ambrosio rencontre ànouveau les amiraux Sansonetti et Giartosio pour discuter de la mise en sécurité des derniersbâtiments de la Regia Marina. Ils décident de déplacer les unités encore à Gênes, La Spezia etLivourne vers Naples le 24 décembre (ou au plus tard le 25), pour éviter de donner l’alerteaux Allemands.

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Ambrosio rencontre ensuite Carboni et Castellano. Convaincus qu’un affrontement avec lesAllemands est inéluctable, ils décident de demander aux Alliés l’envoi à Rome de quelquesofficiers parachutistes qui seront chargés de préparer l’arrivée d’une division.De son côté, le maréchal Badoglio a son entrevue hebdomadaire avec le Roi. « J’ai décidé dene pas parler à la radio, indique Victor-Emmanuel. Je vous laisse toute latitude pour le fairequand il faudra annoncer la nouvelle au peuple. » L’heure fixée pour le changement de capdu pays (qui sera communiquée par radio aux forces italiennes) reste 04h00 le vendredi 25décembre. L’annonce de Badoglio sera préenregistrée et lancée sur les ondes dès 07h00.

Bologne – Les officiers envoyés en reconnaissance à Rome font leur rapport à l’état-major dela brigade Hermann-Göring. Il leur semble possible de prendre aisément le contrôle desprincipaux aérodromes de Rome, et en particulier Fiumicino et Guidonia.Viterbe – Le général Wolff et le colonel Dollmann viennent accueillir, dans le plus grandsecret, un bataillon de la Waffen-SS. Dans la soirée, ils partent pour la région de Pescara afind’y rencontrer les officiers des grandes unités allemandes qui y sont stationnées.

Tunis – Les mécaniciens alliés mettent à profit le mauvais temps pour réviser leurs machines,qu’il s’agisse des bombardiers ou des avions de transport des Troop Carrier Groups (USAAF),des Transport Wings (RAF) et des Groupes de Transport (AdA).

Heurs et malheurs (ordinaires) des sous-marins des deux bordsAu large des côtes algériennes, 02h23 GMT – Le sous-marin U-593 (Kptlt G. Kelbling)remporte le dernier et plus gros succès des U-boots en Méditerranée pour ce mois dedécembre. A 40 nautiques au nord d’Oran, il attaque un convoi Glasgow-Gibraltar-Alger. Desquatre torpilles lancées, une va au but, touchant à bâbord le transport de troupes britannique(ex-paquebot) Strathallan (23 722 GRT). Mais c’est un coup heureux : il atteint le gros naviredans la salle des machines, brisant la cloison qui sépare celle-ci des chaudières etendommageant un réservoir de mazout qui se met à fuir dans le compartiment des chaudières.Privé d’énergie et accusant une forte gîte (15°), le Strathallan semble pourtant pouvoir êtresauvé et remorqué jusqu’à Oran par l’un des escorteurs du convoi puis par le remorqueurHMS Restive, mais le mazout entré en contact avec les chaudières s’enflamme, provoquant unviolent incendie. Le paquebot finira par couler à 12 nautiques d’Oran le 22 décembre à 04h00GMT ; il n’y aura toutefois que 16 morts sur les 5 122 personnes à bord (466 hommesd’équipage et 4 656 passagers).Ce succès chanceux est le quatrième pour l’U-Bootwaffe en Méditerranée. Entre le 1er et le 21décembre, les deux autres sous-marins disponibles en ont en effet remporté trois. Le 9,également non loin d’Oran, l’U-431 (Kptlt W. Dommes) a réussi à placer une torpille sur ledestroyer HMS Porcupine, qui n’a pas coulé mais, ramené à Mers-el-Kébir par le remorqueurM N Fort, a été reconnu irréparable (total constructive loss) 13. Le 16, l’U-73 (Oblt H.Deckert) a intercepté au nord-ouest d’Alger un convoi français venant de Casablanca, luicoulant les cargos Thésée (2 088 GRT) et Madali (2 983 GRT). Quatre succès sans même unbateau sérieusement endommagé : un résultat auquel les sous-mariniers allemands n’étaientplus habitués.

22 décembreL’Italie basculeIl est plus tard que certains ne pensent…

13 Néanmoins, le Porcupine survivra d’une certaine façon. Coupé en deux à Mers-el-Kébir, il sera remorqué àPortsmouth, où ses deux moitiés seront baptisées HMS Pork et HMS Pine et utilisées comme casernements.

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Rome – Le général Ambrosio étudie avec les généraux Baldassare et De Stefanis ledéploiement de la division Ariete. Giuseppe De Stefanis obtient la mise à disposition de sadivision d’une partie des forces de la 133 e Division Blindée Ariete II, en cours dereconstitution autour de Littoria sous les ordres du général Carlo Ceriana Mayneri : 20Semoventi M41 et M42 de 75/18 ainsi qu’un groupe anti-aérien de 10 canons de 90/53 AA surcamion Breda 52. Le général Enrico Kellner (2e Division “Celere” Emanuele Filiberto Testadi Ferro) se joint sur le tard à cette réunion ; il lui est demandé de rapprocher de la capitale le2e Groupement Blindé San Marco.………Après s’être soucié de la protection de la capitale, le Comando Supremo se préoccupe(enfin !) des forces stationnées en Herzégovine, au Monténégro, en Albanie et en Grèce. Illeur adresse, toujours par porteurs spéciaux, le Mémorandum n°2 (Promemoria N.2).Pour ce qui est de l’Armée de Terre, il est notamment enjoint au Commandement Supérieurdes Forces Armées en Albanie de regrouper ses forces en réduisant graduellement lasuperficie des territoires occupés, l’objectif étant de garantir, dans le pire des cas, le contrôledes ports principaux, et notamment de Cattaro et Durazzo. En Grèce, liberté est laissée augénéral Geloso, commandant supérieur des Forces Armées, et au général Pafundi d’adoptervis-à-vis des Allemands l’attitude jugée la plus opportune. Néanmoins, il est fortementsuggéré à tous : – de dire aux Allemands que, s’ils s’abstiennent d’actes de violence armée, les troupesitaliennes ne prendront pas les armes contre eux et ne feront cause commune ni avec lesrebelles ni avec les troupes alliées déjà au contact ou qui viendraient à débarquer ; – de conserver un certain temps les positions de défense côtière avant de les remettre auxAllemands ; – de réunir au plus vite leurs forces sur les côtes à proximité des ports.Pour ce qui est de la Regia Aeronautica, les unités encore présentes dans les Balkans devrontrejoindre les aérodromes de la mère patrie. Toutes les installations et les matériels terrestresdevront être détruits. Le personnel au sol partagera le sort des unités de l’Armée de Terre. Enfin, quant à la Marine, les navires de guerre ou de commerce présents en Grèce devrontrentrer en Italie. Les unités qui courront le risque de tomber aux mains des Allemands devrontse saborder.Qu’il y ait ou non proclamation d’un armistice, les troupes de chacune des trois Armesdevront réagir immédiatement et énergiquement, sans ordre spécial, à toute violence venantdes Allemands ou des populations locales, de façon à éviter d’être désarmées ou réduites àl’impuissance. Il faudra commencer à rapatrier le plus possible d’hommes n’ayant pas detâches strictement opérationnelles.Les instructions contenues dans le Mémorandum seront mises en œuvre soit de la propreinitiative des dits commandants supérieurs, soit après transmission en clair par le ComandoSupremo de la phrase : « Accusate ricevuta del Promemoria N. 2 » (Accusez réception duMémorandum n°2). Les commandements supérieurs concernés répondront par télégramme :« Ricevuto Promemoria N. 2 » (Reçu Mémorandum n°2). Après lecture du Mémorandum, lesdits commandements supérieurs pourront prendre les notes strictement nécessaires avant debrûler le document. Les ordres ne devront être transmis qu’oralement à chaque échelon de lahiérarchie.En fait, le Promemoria N. 2 ne parviendra avant la proclamation de l’armistice qu’à un seul deses destinataires, le général Geloso, commandant les Forces Armées de Grèce. Ni seshomologues du Monténégro et d’Albanie, ni même le général Pafundi (cependant le mieuxinformé) ne recevront ce document, qui n’aurait au demeurant eu une réelle utilité que sil’armistice avait été proclamé au moins une semaine plus tard. Encore Geloso ne devra-t-il sachance relative qu’au hasard. Son chef d’état-major, le général de brigade Donato Tripiccione,

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se trouvant à Rome ce 22 décembre, un officier du Comando Supremo lui apporte leMémorandum N° 2 dans sa chambre d’hôtel en fin d’après-midi. Tripiccione n’a que le tempsde prendre le dernier vol militaire du jour entre Rome et Athènes. Tard dans la soirée, ilparvient au QG des Forces Armées de Grèce. En remettant le document à Carlo Geloso, il luirapporte que Rome considère les unités de Grèce comme perdues ; on compte sur son prestigeet son habileté pour éviter à ses hommes de lourdes pertes ou l’internement.Ce même jour, le général Renato Sandalli, ministre de l’Aviation et chef d’état-major de laRegia Aeronautica, convoque dans son bureau le général Giuseppe Santoro, sous-chef d’état-major, et le général commandant la 3e Escadre Aérienne (dont le siège est à Rome). Mais c’estpour leur parler avant tout des négociations d’armistice en cours, plus que de la mise en œuvredes deux mémorandums ! L’attitude du général Sandalli est représentative de celle des autresofficiers supérieurs incomplètement informés : tous sont persuadés que l’armistice annoncé nesera pas une réalité avant début janvier au plus tôt, et qu’il ne faut donc rien précipiter afin deleurrer les Allemands…

Pescara – Les préparatifs allemands sont presque achevés. L’état-major de la Das Reichinvite ses homologues de la division Pasubio (9e DI motorisée, général Carlo Biglino) à venirfêter Noël dans ses cantonnements. Celui de la 10. Panzer fait la même invitation à l’état-major de la division Trieste (101e DI motorisée, général Francesco La Ferla). Cette amabiliténe manque pas de surprendre les officiers de cette dernière, car elle se trouve cantonnée prèsd’Avezzano, à près de 80 km de la zone de déploiement de la 10. Panzer. Mais ils acceptentl’offre avec le sentiment de remplir un devoir patriotique.………Pescara – Van Vessem télégraphie à Rastenburg « Colis localisé ».

Syracuse – L’état-major allié donne son accord à une opération aéroportée sur Rome, mais àcondition que sa faisabilité soit établie au préalable. Il est décidé qu’un avion italien viendradans la nuit chercher le Brigadier Taylor (commandant des troupes parachutistes US) et lecolonel Glaizot pour les conduire à Rome.Pour se prémunir contre toute traîtrise des Italiens, le commandement allié décide d’avancerde 24 heures l’opération amphibie. L’appareillage de Tunisie est fixé au 23 décembre à 00h00et l’appareillage de la côte nord de la Sicile au 24 décembre. L’opération Bedlam à Reggio deCalabre et l’opération Slapstick à Tarente sont prévues pour le 25 décembre. L’opérationAvalanche doit être déclenchée dès les premières heures du 25 décembre.Aérodrome de Gerbini (Catane), 23h00 – Un SM.73 venu de Rome embarque Taylor etGlaizot.

23 décembreL’Italie basculeGermani ad portas !Tunis et Bizerte, 00h30 – Le convoi allié quitte la Tunisie, sous la protection d’une partie del’escadre du vice-amiral Godfroy.

Italie centrale – Dans la nuit, les éléments mécanisés et motorisés de la Hermann-Göring semettent en route pour Civitavecchia et Viterbe. Les autorités italiennes sont informées (maisseulement vers midi…) de ce mouvement, présenté comme un exercice en prévision d’unetentative alliée de débarquement sur la côte ouest. En fin de journée, ces éléments sont enplace et commencent à se déployer tactiquement à partir des deux villes et à proximité de laligne de chemin de fer qui se dirige vers la capitale.

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Naples – Le détachement de la Xa Mas reçoit la visite du GeneralMas, accompagné du CFForza. L’amiral di Savoia-Aosta rassure ses hommes, inquiets de la multiplication des raidsaériens ennemis et des rumeurs de prochain débarquement allié (ils ne craignent pas tantl’issue de l’offensive ennemie que le risque de rester inutiles, sans ordres). Il leur assure laprotection d’une compagnie d’infanterie de marine du régiment San Marco et leur demandede rester en poste et de suivre les ordres, quoi qu’il arrive…

Rome – Tout se noue dans la capitale italienne, pour les deux camps.Arrivés au petit matin, le général Taylor et le colonel Glaizot sont reçus par le généralCarboni, qui fait pour eux le point complet de ce qu’il sait du déploiement des troupesallemandes. Il ne leur cache pas qu’il n’a guère confiance dans les troupes de sécurité de laRegia Aeronautica pour défendre les aérodromes contre un coup de main allemand. Parcontre, la garde de Rome elle-même apparaît mieux assurée, en particulier grâce audéploiement de la division Ariete. Les deux officiers alliés vont alors visiter différentssecteurs pouvant servir de zone d’atterrissage aux parachutistes et à leurs planeurs. Dansl’après-midi, ils sont reçus par le général Ambrosio, à qui ils indiquent qu’il est hors dequestion d’organiser un largage de parachutistes au nord de Rome, où les conditions desécurité sont très médiocres, mais que l’opération est possible au Sud. En début de soirée,Taylor et Glaizot repartent en avion pour la Sicile.17h30 – Ambrosio va trouver le maréchal Badoglio pour l’informer de la situation et de sonévolution. Il trouve le Maréchal confiant, et même assez content de lui et de la mascaradequ’il a jouée à l’ambassadeur d’Allemagne. Ambrosio est beaucoup plus inquiet : « Nousjouons très gros, Monsieur le Maréchal ! L’Italie joue très gros ! » Mais Badoglio sourit :« Ne vous en faites pas. Demain matin, j’enregistrerai mon adresse au peuple italien. »18h45 – Rentré à son bureau, Ambrosio est informé que les Allemands font des difficultéspour livrer du mazout aux navires italiens à Gênes et à Livourne.20h00 – Le général Carboni vient informer Ambrosio de la présence de la Hermann-Göring àCivitavecchia et au sud de Viterbe, donc pratiquement « aux portes de Rome ». Carbonipropose d’avancer la date de la reddition de 24 heures, de l’aube du 25 à l’aube du 24 (lelendemain matin). Mais pour Ambrosio, la décision est très difficile. Après une longuediscussion, il décide de maintenir la date prévue, mais demande à Carboni de placer deshommes du SIM à différents points stratégiques de Rome et de coordonner ses actions avecDe Stefanis.………21h00, Palais Farnèse (ambassade de France) – Victor Barthélemy, représentant du NEF enItalie (il n’a jamais obtenu des Italiens le droit de s’intituler Ambassadeur de France), a prisune grande décision. Depuis l’arrestation de Mussolini, il n’a eu de cesse de demander uneentrevue auprès du maréchal Badoglio ou au moins auprès de son ministre des AffairesÉtrangères. Las ! Tout au plus a-t-il eu droit, il y a une semaine, à la visite d’un sous-directeurvenu en coup de vent lui affirmer que « les relations entre l’Italie et le gouvernement demonsieur Laval [n’étaient] en rien modifiées par le récent remaniement du gouvernementitalien » – un remaniement, l’éviction de Mussolini ? Litote, ça devait sûrement être un motitalien… Dans un français parfait, à peine chantant, l’aimable sous-fifre avait ajouté qu’il étaitconvaincu que « l’amitié franco-italienne [sortirait] renforcée de ces épreuves et desmalentendus qui [avaient] pu un moment éloigner les deux peuples frères en latinité » – et là,Barthélemy s’était demandé si l’Italien n’était pas en train, par erreur, de lui réciter lecompliment prévu pour accueillir l’envoyé d’Alger, qui, si ça se trouvait, était déjà désigné !Après dix-huit tentatives pour contacter par téléphone Flandin, le ministre des AffairesEtrangères du NEF, pour lui faire part de son inquiétude, et après six courriers diplomatiques

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dont il ignorait si un seul était parvenu à destination, il a fini par recevoir, la veille, untélégramme des plus cordiaux mais des plus brefs : « Je vous remercie des précieusesinformations que vous avez su me transmettre à propos de l’évolution de la situation politiqueen Italie. Je suis persuadé, mon cher ami, que vous saurez, dans cette délicate situation, fairepour le mieux afin de préserver les intérêts de la France. »Alors que les rumeurs les plus contradictoires enflent dans la Ville Eternelle – retour du Duce,débarquement des Alliés, coup de force allemand, voire révolution communiste ! – VictorBarthélemy a décidé de faire pour le mieux : il fuit !Accompagné de deux secrétaires seulement, il quitte Rome en pleine nuit. Sa voiture file versle nord aussi vite que le lui permettent ses phares à demi masqués pour respecter le couvre-feu. Après une pénible pérégrination au milieu des unités allemandes, tentant d’éviter lesvilles en proie à des troubles divers, il parviendra à Paris début janvier.Il ne reste au Palais Farnèse qu’une petite équipe de diplomates déboussolés qui aurontl’honneur fort discutable d’être les premiers membres de l’administration française à êtrejugés pour faits de Collaboration.………22h30 – Wolff et Dollmann sont de retour à l’ambassade d’Allemagne. Là, ils déchiffrent unmessage urgent de Berlin, fixant les opérations Asche, Schwarze et Student pour le lendemainà 23h30.………23h00 – Ambrosio donne l’ordre d’annuler les permissions des hommes des divisions Ariete,Emanuele Filiberto Testa di Ferro, Pasubio et Trieste. Un ordre qui ne sera, hélas, pastoujours suivi à la lettre…