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Ecole Nationale d’économie Appliquée Université de Montréal ENEA Institut d’urbanisme Département Aménagement du Territoire, Environnement et Gestion Urbaine DESS urbanisme Pays en ATEGU, Développement BP : 5084 Dakar, SENEGAL Décentralisation de la gestion des services d’eau et d’assainissement, entre mondialisation et participation des habitants Le cas de l’agglomération dakaroise au SENEGAL Montréal, Février 2007 Latyr DIOUF, Aménageur Chef du dept Aménagement, Environnement et Gestion urbaine Ecole Nationale d’économie Appliquée Dakar, Senegal [email protected] 1

Décentralisation de la gestion des services d’eau et d ...archives.cerium.ca/IMG/pdf/Communication_No2.pdf · bailleurs de fonds et veille à l’exécution de la politique de

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Ecole Nationale d’économie Appliquée Université de Montréal ENEA Institut d’urbanisme Département Aménagement du Territoire, Environnement et Gestion Urbaine DESS urbanisme Pays en ATEGU, Développement BP : 5084 Dakar, SENEGAL Décentralisation de la gestion des services d’eau et d’assainissement, entre mondialisation et participation des habitants Le cas de l’agglomération dakaroise au SENEGAL Montréal, Février 2007 Latyr DIOUF, Aménageur Chef du dept Aménagement, Environnement et Gestion urbaine Ecole Nationale d’économie Appliquée Dakar, Senegal [email protected]

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PLAN Introduction I Le contexte : 1 1 Le cadre institutionnel

- Diversification des acteurs - Confrontation de logiques d`acteurs

1 2 Le cadre territorial a) Dakar et ses fonctions -La concentration-centralisation -La concentration -exclusion b) Le Zonage urbain : modèle de l`étalement urbain II Le problème de l`accès à l`eau potable et à l`assainissement 2 1 L`accès à l`eau potable pour les plus pauvres 2 2 l`accès à l`assainissement dans les quartiers pauvres 2 3 Nécessite de nouvelles reformes CONCLUSION

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INTRODUCTION

Même s’il est vrai que l’eau semble inépuisable sur la terre, seule une infime partie des eaux de notre planète est utilisable (moins de 1%). Et parce qu’elle est source de vie, sa rareté et sa répartition inégale à l’échelle planétaire créent autour de sa gestion des enjeux stratégiques et politiques liés à sa production, son utilisation et son élimination.

« Plus d’une personne sur trois, dans le monde, en ce début de troisième millénaire, souffre

dans sa vie et sa dignité du problème de l’eau… ».1

Avec un taux d’urbanisation de plus de 48%, le Sénégal voit la majeure partie de ses citadins

s’agglutiner dans les banlieues peu salubres dont les pouvoirs publics ont de plus en plus du mal à encadrer. La situation est plus grave dans la capitale sénégalaise, Dakar.

L’avènement de l’approfondissement de la décentralisation en 1996 avait, entre autres objectifs de réduire les écarts entre collectivités territoriales, de renforcer l’effet positif de la subsidiarité dans les collectivités locales de la capitale

La même année 1996 a été celle de la première mise en œuvre de la réforme institutionnelle

du secteur de l’hydraulique urbaine avec une plus grande ouverture au secteur privé renforçant la logique financière des services d’eau et d’assainissement, alors que l’eau devait être considérée comme un besoin vital. Cette nouvelle situation n’a pas eu beaucoup d’effets positifs sur l’accès à l’eau et à l’assainissement des populations des quartiers périphériques, les domaines de l’hydraulique et de l’assainissement n’étant pas transférés aux collectivités locales.

Malgré la prégnance de ses deux secteurs au cœur de la demande sociale urbaine, l’Etat et

les institutions internationales ont continué de jouer les premiers rôles. Eau et Assainissement : Un cadre institutionnel de plus en plus complexe

a) Une diversification des acteurs institutionnels

L’état dans le domaine de l’approvisionnement en eau potable et de l’assainissement a éparpillé ses responsabilités à travers plusieurs institutions :

-d’abord la Direction de l’Hydraulique et de l’Assainissement du Ministère de l’Agriculture

et de l’Hydraulique, qui a été jusqu’en 1996 avec la SONEES, la seule structure de planification et de gestion du sous secteur de l’eau et de l’assainissement, voit sa mission repositionnée par rapport à la naissance des trois sociétés concessionnaires. Elle exerce la tutelle sur les sociétés concessionnaires, gère le portefeuille de l’Etat, assure la coordination des relations avec les

1 Michel CAMDESSUS ancien président du FMI, président du Festival International de géographie 2003 (FIG) : in FIG infos n° 2 Septembre 2003

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bailleurs de fonds et veille à l’exécution de la politique de l’état en conformité avec la loi n° 82-13 du 4 mars 1981 portant code de l’eau.

-La Société Nationale d’Exploitation des Eaux du Sénégal (SONEES), une société

parapublique à qui l’Etat a délégué par concession la gestion du patrimoine, est propriétaire des installations ; elle est chargée de rechercher les financements sur le marché international, programmer les investissements, assurer la maîtrise d’ouvrage du renouvellement, de la réhabilitation et de l’extension des infrastructures ainsi que le contrôle de la qualité de l’exploitation.

-La Société des Eaux du Sénégal (SDE) est une société privée où l’Etat ne détient que 5% des actions ; elle a un contrat d’affermage qui lui donne comme responsabilités : • l’exploitation et l’entretien de l’infrastructure et du matériel d’exploitation ; • le renouvellement du matériel d’exploitation pour moins de 15 millions de FCFA par

équipement ; • le renouvellement du réseau (canalisation sur 17 km), des branchements (6 000 par an) et des

compteurs (14 000 par an) ; • l’exploitation des réseaux financés par des tiers ; • le recouvrement des factures d’eau potable et des redevances d’assainissement ; • la communication et la relation avec la clientèle ; • l’étude et la justification du renouvellement et/ou de l’extension de l’infrastructure ;

-L’Office National d’Assainissement du Sénégal (ONAS) est une société publique qui

assure la maîtrise d’ouvrage des travaux d’assainissement, s’occupe de l’exploitation et de la maintenance des ouvrages d’assainissement. Née de la réforme de 1996, cette société a bénéficié du financement des 163 milliards du PELT en plus de la surtaxe d’assainissement afin d’améliorer la couverture des zones urbaines et périurbaines de la région de Dakar et des villes secondaires du Sénégal.

Malgré la volonté de l’Etat et des organismes sous sa tutelle d’assurer avec équité le service

public, l’insuffisance des ressources augmente la prégnance des bailleurs de fonds sur l’orientation des politiques mais en même temps affaiblit dans un contexte de démocratisation et de décentralisation, les pouvoirs publics face à une société civile occupant de plus en plus d’espace dans la formation de l’opinion publique.

Dans ce contexte, les problèmes d`éducation, de formation et d`info-sensibilisation ne sont plus pris en charge, alors qu’ils constituent en matière d’environnement la clef de voute des changements de comportements qui doivent accompagner la mise en place des infrastructures et équipements sociaux.

b) Une confrontation de logiques d’acteurs

La réforme de 1996 a créé un cadre favorable à l’intervention de nouveaux acteurs aux logiques parfois divergentes. On peut les classer en trois catégories : les partenaires financiers, les collectivités locales et la société civile. - Les partenaires financiers

Les bailleurs de fonds des deux projets (Projet Sectoriel Eau et Projet Eau Long Terme) sont : l’AFD, la KFW, La BEI, la BOAD, la BADEA, la SONEES et surtout l’IDA. Regroupés autour d’un pool bancaire composé de la Citybank et de la CBAO et à cause d’un contexte de réduction de l’APD, ces partenaires ont avant tout une logique financière cherchant à garantir le remboursement des prêts contractés par l’Etat du Sénégal (Carole Albouze 2003). Cette logique

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financière se traduit par une démarche allant dans le sens du renforcement des capacités institutionnelles et opérationnelles de gestion du sous secteur et par une approche techniciste des programmes et des projets qui sont d’abord lus à travers le prisme de la rentabilité financière et de la rationalité économique. -Les collectivités locales

L’année 1996 est l’année d’entrée en vigueur de la troisième phase de la réforme administrative territoriale et locale par la loi n° 96-06 du 22 mars 1996 qui, en plus d’avoir transféré neuf domaines de compétences nouvelles aux communes et communautés rurales, a créé deux nouvelles collectivités locales : la région qui devient pour la première fois une collectivité locale et la commune d’arrondissement qui n’existe que dans la partie urbaine de l’agglomération dakaroise. Les communes urbaines de la région de Dakar (Dakar, Pikine, Guédiawaye et Rufisque) sont découpées en quarante trois (43) communes d’arrondissement. La logique de transfert de compétences et la gestion de proximité qui sont au cœur du projet de décentralisation installent les communes de ville et les communes d’arrondissement dans une position inconfortable : sans moyens conséquents elles sont amenées à gérer la demande sociale locale et les énormes attentes des communautés qui sont aussi des bases électorales pour les états majors politiques.

Le concept décentralisation comporte une ambiguïté. En effet, « le terme anglais “decentralization” tel que la BM l’emploie recouvre en réalité une signification plus large que son équivalent français puisqu’il désigne le transfèrt de compétences et de pouvoirs depuis l’Etat central vers toute entité périphérique, qu’elle soit publique ou privée, élue ou désignée, professionnelle ou communautaire2 ». Sous ses termes, nous voyons un désengagement de l’Etat central qui, petit à petit mène à une privatisation. Et même si ce n’est pas l’initiative privée qui définit l’intérêt général, il n’en demeure pas moins que c’est le principe d’efficacité économique qui est au centre de la gestion du service.

Au Sénégal, il existe un décalage entre le discours et les pratiques. La loi 96-06 du 22 mars 96 portant sur le transfert de compétences ne donne pas d’aptitudes aux collectivités locales dans le secteur de l’eau et de l’assainissement, or le contrat d’affermage leur confère une place décisive dans le choix de cites d’implantation de canalisations et de bornes fontaines, d’un commun accord avec la SONEES et la SDE. De même, les collectivités locales gèrent aussi l’identification des demandes en BF, le choix des fontainiers mais également interviennent en matière de financement, de réalisation et d’entretien.

Entre les collectivités locales et les populations se situe un maillon intermédiaire formé par les chefs et délégués de quartiers ; en effet ces derniers sont à la fois porte-paroles des populations et auxiliaires des pouvoirs publics, notamment les collectivités locales. Ce rôle d’interface leur donne un pouvoir certain, ayant souvent un niveau d’information largement supérieur à la moyenne de leur localité. -La société civile

Elle comprend plusieurs sous composantes caractérisées par un manque de coordination des actions et des démarches.

2 p13 PRUD)

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Dans le sous secteur de l’hydraulique et de l’assainissement, l’Association de Défense des usagers de l’Eau, de l’Electricité et des Télécommunications du Sénégal (ADEETELS), une association de consommateurs constitue la figure de proue dans le travail de lobbying pour l’accès des pauvres à l’eau potable et à l’assainissement. Agissant au niveau politique national, cette association, en plus de sa mission de plaidoyer pour les quartiers pauvres, mène aussi des actions de terrain à Dakar dont :

-une étude bilan du contrat entre l’Etat et la SDE ; -pilotage d’un projet de 118 millions financé par l’Union Européenne par l’intermédiaire de

l’Organisation Internationale des Consommateurs (OIC) pour la réalisation de 52 bornes fontaines, de 600 puisards et latrines dans les quartiers de Médina Gounas (commune de Guédiawaye), de Diamaguene-Arafat (commune de Dakar) et de Malika (commune de Pikine) ;

- organisation de réflexion collective sur l’eau et l’assainissement du 5 au 7 novembre 2003 ;

-l’ organisation d’une rencontre nationale des acteurs de l’eau et de l’assainissement entre la société civile, les pouvoirs publics et l’association des consommateurs afin de réfléchir sur les stratégies de renforcement du pouvoir d’accès à l’eau et à l’assainissement des usagers les plus pauvres.

Tout compte fait, l’ADEETELS développe une approche de lobbying et de plaidoyer afin d’intégrer d’avantage les consommateurs les plus modestes dans les politiques publiques d’eau et d’assainissement ; -Les organisations non gouvernementales (ONG)

Elles sont de plus en plus actives dans le sous-secteur de l’eau et de l’assainissement dans la mouvance des projets de lutte contre la pauvreté. La pionnière dans ce domaine est l’ONG ENDA TERS-MONDE qui a une longue expérience dans le domaine de l’eau et de l’assainissement en milieu urbain défavorisé avec comme projet pilote « l’Opération Puisards de Grand Yoff » à partir des années 1980.

Aujourd’hui à coté d’ENDA d’autres ONG comme Plan International, AFVP (Association Française des Volontaires du Progrès), le CREPA (Centre Régional pour l’Eau Potable et l’Assainissement) développent des micro projets soit intégrés à d’autres actions, soit sectoriels dans les quartiers de la banlieue. La plus part de ces projets sont financés de l’extérieur ou relèvent simplement d’un contrat de prestation de services pour l’Agence d’Exécution des Travaux d’Intérêt Public (AGETIP) dans le cadre du Programme Eau Long Terme. Dans les deux cas les ONG sont des intermédiaires entre bailleurs, techniciens et communautés de base et servent d’interface entre le social, le politique et le technico-financier.

Ainsi, dans le PELT, l’ONAS a fait recours à l’AGETIP pour sélectionner, recruter, superviser et assurer le paiement des ONG prestataires de services qui sont désignées par l’AGETIP. Ainsi, plusieurs niveaux de compétences se distinguent pour l’exécution du projet « d’amélioration des conditions de vie des populations à faibles revenus des zones périurbaines en leur favorisant l’accès à de meilleurs services d’assainissement » : ce qui ne manque pas d’approfondir la complexification du rôle des acteurs.

-Les associations communautaires de base sont dans leur grande diversité, des cadres

d’expression et d’organisation pour les populations locales ; elles ne jouent pas les mêmes fonctions, ni ne portent les mêmes légitimités ; elles constituent souvent la porte d’entrée des ONG et des projets dans les quartiers urbains, ce qui en fait aussi des lieux d’affrontement de plusieurs intérêts liés souvent au contrôle des ressources additionnelles et/ou au pilotage des projets initiés de l’extérieur. Dans le domaine de l’eau et de l’assainissement elles participent, par le clientélisme : à

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orienter les investissements, au choix des sites et des modèles techniques et surtout des modes de gestion et de répartition des bénéfices des actions nouvelles.

Dans ce nouveau contexte fait de diversification des intervenants aussi bien « d’en-haut » que « d’en-bas », la décentralisation peut-elle être une politique de conciliation des intérêts multiples et servir de cadre de construction collective d’une gouvernance locale susceptible d’améliorer l’accès des pauvres au développement urbain durable ? Toute modélisation hâtive et surtout toute généralisation peut être hasardeuse ; chaque situation constitue un cas spécifique et génère des processus et une dynamique particulière.

LE CADRE TERRITORIAL

Dakar et ses fonctions primatiales a) Le symbole de la concentration - centralisation

Située sur les routes maritimes reliant l’Europe, l’Afrique et l’Amérique, Dakar occupe une position stratégique.

La croissance de Dakar s’est amorcée quand la ville devint la capitale fédérale de l’Afrique de l’Ouest en 1902 :

-en 1926 40.000 habitants - en 2001 2.900.000 pour toute la presqu’île - à l’horizon 2015 l’agglomération atteindra 4.000.000 d’habitants.

La concentration de 55% des citadins dans la presqu’île du Cap-Vert s’explique en grande partie par la concentration des fonctions urbaines essentielles dans la capitale de l’Afrique de l’Ouest devenue capitale d’un petit pays :

-les fonctions administratives et politiques - les fonctions économiques (55% du PIB, 83% des entreprises modernes, 95% des

constructions, 82% du commerce, 83% des banques et assurances et 2/3 des salariés du secteur moderne…) ;

- les fonctions culturelles et de loisirs : Toutes ces fonctions ont été renforcées par un réseau national de voies de communication

(routes, rail, air) qui relie toutes les régions du Sénégal à Dakar où convergent les biens et les personnes. En centralisant toutes les fonctions essentielles et tous les équipements socio économiques d’envergure, Dakar mettait ainsi en place tous les facteurs pour la conquête de l’ensemble de la presqu’île du Cap Vert et inaugurait, comme mode d’occupation de l’espace, l’étalement urbain qui rejetait de plus en plus loin les plus pauvres.

b) Une politique de concentration- exclusion

Ce mouvement de populations centre–périphérie est paradoxalement accompagné d’une

concentration des équipements socio-économiques dans la zone du plateau et ses environnements immédiats. Cette stratégie de concentration des équipements et de délocalisation des pauvres vers les zones basses de la périphérie est à la base d’un urbanisme à « sens unique » et d’un développement à plusieurs vitesses qui caractérisent Dakar dans son évolution.

La capitale : une métropole à plusieurs vitesses

a) un zonage urbain marqué par la période coloniale :

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Dakar est une ville fortement marquée par un urbanisme colonial basé sur un zoning hermétique et sur une discrimination dans l’occupation de l’espace qui ont été à l’origine de la structure urbaine actuelle de la capitale Sénégalaise ; cette structure est composée de quatre parties bien délimitées : - le Plateau - la Médina et le Grand Dakar - la proche banlieue : Grand Yoff - la grande périphérie : Pikine et Guédiawaye

L’afflux de plus en plus important de populations rurales amenèrent les autorités de

l’époque, en 1952, à créer une nouvelle ville à 15km de Dakar : ainsi naquit la grande périphérie matérialisée par Pikine et son prolongement Guédiawaye, pour endiguer l’exode rural de plus en plus important et « délocaliser » les populations qui « n’ont pas hésité à squatter » les poches d’espace autour des foyers d’activités que sont le port et les marchés en expansion (Sandaga au plateau et Tilène dans la Médina).

b- les réalités de la période post-coloniale

L’indépendance n’a pas apporté de grands changements dans la politique de développement

urbain de Dakar ; c’est la poursuite de la volonté de planification urbaine qui a été à l’origine de la mise en place de société immobilière publique auxquelles l’Etat a assigné le rôle de moderniser l’habitat urbain par la production de logements décents et accessibles à tous

* De 1960 à 1970 : une volonté des pouvoirs publics de planifier le développement urbain par la création de sociétés immobilière destinées à trouver des logements décents à la classe moyenne ( fonctionnaires et autres hauts salariés du secteur privé). Les limites essentielles de ce modèle ont été, entre autres : l’exclusion des autres citoyens non salariés (artisans, petits commerçants du secteur informel, employés temporaires etc) qui sont les plus nombreux et ceux qui sont les occupants ou les candidats à l’occupation illégale des espaces libres. En effet, seuls les travailleurs assujettis à la taxe de l’habitat avaient droit à ces logements, mais aussi les meilleurs sites convoités par ces sociétés ont déjà été quasiment occupés et doivent toujours faire l’objet de déguerpissement entraînant des coûts sociaux additionnels.

Quelles sont les leçons à tirer de ces politiques mises en œuvre depuis l’indépendance ? Les différents modèles d’urbanisme mis en place par les pouvoirs publics depuis la colonisation ont donné la priorité à une approche de « zoning » urbain basé sur une discrimination économique et sociale entre une certaine clientèle, économiquement solvable et rigoureusement sélectionnée, et une population abandonnée à elle-même et qui bricole en attendant le moment propice pour exprimer ses sentiments.

Le logement étant toujours l’instrument essentiel de la politique urbaine, les programmes et projets d’infrastructures et d’équipements urbains ont longtemps été articulés à la politique du logement. Cet urbanisme inégalitaire a généré une ville à deux vitesses et deux types de citadins vivant dans un espace et une société fragmentés créant des goulots d’étranglement pour la politique de décentralisation et de développement local participatif au niveau des communes d’arrondissement, plus particulièrement pour celles de la périphérie.

L’amélioration du niveau d’équipement des quartiers périphériques est au centre des programmes de restructuration et de redynamisation urbaine appuyés par les partenaires au développement et les organisations non gouvernementales et portés par les collectivités locales et le

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mouvement associatif dans le cadre des nouvelles politiques de lutte contre la pauvreté. L’élaboration en 2OO1 d’un Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté (DSRP) a donné l’occasion aux pouvoirs publics de dégager des actions prioritaires, entre autres, la généralisation de l’accès aux services sociaux essentiels et le renforcement des capacités des communautés par l’implantation d’infrastructures de base de qualité et mieux réparties géographiquement et socialement. « Les ressources du PPTE devraient être affectées principalement vers le milieu rural et les périphéries urbaines, plus précisément dans les secteurs de l’éducation, de la santé, de l’accès à l’eau, de l’assainissement et de l’agriculture ».3 L’approvisionnement en eau potable et la lutte contre l’insalubrité de manière générale figurent parmi les premières attentes des communautés des bidonvilles. La rencontre nationale des acteurs de l’eau et de l’assainissement tenu du 5 au 7 novembre 2003 à Dakar, et réunissant société civile, pouvoirs publics et associations de consommateurs pour « renforcer le pouvoir des usagers pour leur accès à l’eau et à l’assainissement »4 1, est une illustration de la prise de conscience de l’acuité du problème. Cette réunion a été l’occasion de faire ce constat : « de manière pratique, certaines populations sont tout simplement exclues des réseaux d’eau potable (…). Il faut améliorer la situation des zones périurbaines (…). Il convient, ensuite de réfléchir sérieusement à la régulation de l’approvisionnement en eau potable. Par qui ? Comment ? Sont des questions essentielles pour une distribution équitable ».5 Quelques cas

La situation particulière de l’agglomération dakaroise fait que bon nombre de zones érigées

en communes d’arrondissement peuvent permettre de trouver des éléments de réponses à nos préoccupations. Cependant, nous choisirons trois sites échantillons qui nous semblent assez significatifs en termes de caractéristiques générales et de spécificités dans les domaines de l’eau et de l’assainissement :

il s’agit de la Medina, premier site aménagé pour les autochtones, prés du centre ville ; de Grand Yoff, premier site de recasement des déguerpis des alentours du port et aussi

réceptacles des migrants( internes et externes) dans la proche banlieue ; et de Malika, un village devenu par l’étalement urbain, un quartier de l’agglomération

dakaroise.

LA MEDINA : le premier quartier résidentiel pour la population autochtone

3 Ministère de l’Economie et des Finances : mémoire présenté par le Sénégal à la 3e CNU sur les PMA (2002) 4Ministère de l’Economie et des Finances : mémoire présenté par le Sénégal à la 3e CNU sur les PMA (2002) 5 Wal Fadjri du Vendredi 7 novembre 2003 2- Dr Aidara ( Ahmadou Abdoulaye) Président de l’association des abonnés à l’eau, l’électricité et au téléphone du Sénégal : wal fadjri du 7 novembre 2003

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Le plus vieux quartier de la capitale sénégalaise après le Plateau, devenu commune

d’arrondissement avec la 3e phase de la décentralisation survenue en 1996, occupe une place de choix dans ce qu’est aujourd’hui l’agglomération dakaroise. D’une superficie de 2,4 km2, la Médina est limitée au nord par le Boulevard de le Gueule Tapée, au sud par l’Avenue Malick Sy, à l’est par la Route Nationale (futur Autoroute) et à l’ouest par l’Océan Atlantique. Elle reposait, à ses origines, sur un profil pédologique de basse plaine inondable dont certaines poches sont encore marécageuses en hivernage. Toutefois, le site a été loti et viabilisé.

Historiquement peuplé de Lébous, le quartier regroupe aujourd’hui les différentes ethnies du Sénégal et même des populations étrangères du fait de sa proximité du Plateau, la zone des affaires par excellence. Cette situation fait de la Médina un quartier relativement bien équipé dans les domaines de l’eau et de l’assainissement. Toutefois, la vétusté de ces infrastructures, surtout un réseau devenu sous dimensionne par rapport a la sur densification de l `habitat posent de gros problèmes d’assainissement.

Sur le plan associatif, la Collectivité Lébou est la première institution à caractère coutumière qui, avec ses 12 « Pinth », sort des frontières de la commune et constitue un lobby puissant influençant la prise de décisions au sein de la Mairie de Dakar. Viennent en suite les organisations à caractère ethnique, religieux, socioprofessionnel, nationaliste ou selon l’âge ou le sexe.

Grand Yoff : Un quartier a double dynamique : recasement et exode rural

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La commune d’arrondissement de Grand – Yoff couvre une superficie de 7,3 km2. Elle est limitée au nord par la route de l’Aéroport, à l’ouest par la Voie de Dégagement Nord (VDN), au sud par la route de Front de Terre et à l’Est par l’Autoroute. Le peuplement de Grand Yoff remonte aux années 1955–1956 par déguerpissement des quartiers centraux de la ville de Dakar suite à l’application des plans directeurs d’Urbanisme. L’occupation du site s’est faite selon trois schémas assez différenciés. D’abord l’installation des populations déguerpies du centre ville sur des sites avec une simple parcellisation sans viabilisation réelle où elles seront suivies par de nouveaux arrivants s’appropriant les terrains inondables cédés par les exploitants agricoles. Puis, l’anticipation de l’Etat qui tente d’occuper les réserves foncières stratégiques situées autour des routes de l’aéroport et de l’autoroute, crée des cites tout autour pour des classes moyennes ( HLM) Et enfin à partir des années 1980, l’occupation des dernières réserves foncières par d’autres promoteurs immobiliers privés et des coopératives d’habitat.

Grand Yoff est certainement l’un des quartiers de Dakar où le tissu associatif est le plus dense. La massification de la pauvreté est l’une des raisons fondamentales de l’émergence de plusieurs associations dont certaines ont une longue tradition d’interaction avec les ONG d’appui au développement. Ce tissu associatif est très diversifié. Il existe dans chaque sous quartier un nombre assez important de groupements de toutes sortes. Cependant, malgré l’hétérogénéité des cultures la cohabitation se fait dans un cadre pacifique marqué par la solidarité et l’entraide. Les 41% du foncier sont des occupations irrégulières situées essentiellement dans le premier noyau, notamment. Les cités sont construites par les sociétés immobilières sur le domaine national ou sur des domaines de l’Etat qui seront transformés en titres fonciers individuels à la fin de la période de payement. 78 % des habitations en dur contre 22% en baraques.

Grand Yoff présente de multiples facettes dans le domaine de l’eau potable et surtout de l’assainissement ; nous avons des quartiers bien viabilisés, tous connectés à l’eau potable et à l’égout et qui sont situés en hauteur : c’est toutes les cités situées entre le CICES et le noyau central de Grand Yoff. Les quartiers traditionnels, mal viabilisés et situés dans la cuvette ont connu d’énormes difficultés d’inondation d’accès à l’eau potable et d’élimination de leurs eaux usées. Malika : le quartier village

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Le village de Malika, situé sur les rives de l’Atlantique à 22 km au nord-est de Dakar a été créé en 1904 par le fondateur de la « Tarikha Layène » Seydina Limamou Laye. Le village traditionnel était sur le site de Guédiaga qui est un lieu de prière pour les Layènes. Avec le développement effréné de Dakar, le village érigé en commune d’arrondissement est actuellement englouti dans l’agglomération dakaroise. La CA compte 40 000 habitants pour 10 km2, soit environ 4 000 habitants au km2 d’après les dernières estimations de la DPS.

Le mouvement associatif est dominé par un réseau de Groupements Féminins regroupé

dans trois fédérations. Ces groupements féminins bien que n’étant pas les seules OCB présentes dans la CA, semblent être les plus dynamiques selon les autorités locales. Leurs domaines d’actions sont aussi importants que variés et vont de l’éducation et la formation à l’environnement (set-setal) en passant par la santé en autre (vulgarisation des programmes). Cependant, il existe d’autres types d’organisations suivant les activités socio-économiques. Ces associations se regroupent dans un CLD dont certains déplorent la représentativité et la fonctionnalité.

La commune est confrontée à un habitat informel dont les conséquences ne manquent pas d’affecter la vie sociale : manque de lotissement légal, voies d’accès étroites, ruelles finissant souvent en ‘‘cul de sac’’, densification progressive de l’habitat, manque de planification spatiale (…) sont les maîtres maux dont souffre la CA. A cela s’ajoute un déficit chronique d’assainissement collectif poussant du coup les populations à recourir au système individuel d’évacuation des eaux usées.

Cette commune d’arrondissement qui fait partie de Pikine irrégulier, logée dans l’une des nombreuses cuvettes qui bordent le littoral nord de la presqu’île du Cap-Vert. Composée dans sa grande majorité de quartiers non lotis, non viabilisés, ne bénéficie d’aucun système d’élimination des eaux usées et pluviales ; l’insécurité foncière, la nature dépressionnaire du site et le faible

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niveau de revenus des habitants limitent les possibilités d’intervention pour améliorer le cadre de vie et les conditions sanitaires des ménages. LE PROBLEME DE L`ACCES A L`EAU POTABLE ET A L`ASSAINISSEMENT

Les ressources en eau potable sont très inégalement réparties à l’échelle planétaire, mais aussi à l’intérieur des régions géographiques et des pays. « A elle seule, l’eau illustre les inégalités de développement et les injustices d’une certaine forme de globalisation. Alors qu’un habitant de la planète sur cinq n’a pas accès à l’eau potable, le Nord consomme sans compter … »6. L’accès à l’eau potable et à l’assainissement pose un réel problème d’éthique ; si on dépense plus par habitant pour que les saumons remontent la Tamise que pour réduire de moitié d’ici à 2015 le nombre de personnes n’ayant pas accès à l’eau potable (Pierret, 2003), c’est que l’enjeu est à la fois un enjeu de pouvoir et de savoir qui amène à questionner le modèle de gouvernance internationale dans lequel le facteur solidarité est réduit à sa plus simple expression.

La situation est encore plus prégnante et surtout moins tolérable quand elle concerne les citoyens d’un même pays ; l’eau étant un bien commun, pourquoi observe-t-on une inégalité dans sa distribution et dans son élimination après usage ? Les pouvoirs publics, l’Etat en particulier, peuvent-ils justifier, au risque de remettre en question leur légitimité, l’inégale répartition des moyens publics mis au service de la collectivité pour la production, la distribution et l’élimination de l’eau à tous ?

Au Sénégal, après plus de quatre décennies d’indépendance, 22% de la population des villes n’ont pas encore accès à l’eau potable contre 35% en milieu rural (Carole Albouze 2003). En ce qui concerne l’assainissement, seuls 7,3% des ménages sont branchés à l’égout. La région de Dakar occupe une place de choix dans la distribution des services d’assainissement (24,7%) avec une répartition très inégale entre départements: département de Dakar 47,2%, le département de Pikine 1,5% et celui de Guédiawaye 4% (Jérome Klefstad 2003). On constate une inégale répartition entre le milieu urbain et le milieu rural, un déséquilibre entre Dakar et le reste du pays mais surtout un grand écart de couverture entre les différents quartiers de la capitale.

Cet échec de l’Etat providence a poussé les Institutions Internationales à changer de politique en se tournant vers la privatisation avec l’émergence de nouveaux acteurs (privés, ONG,…). Cependant, cette nouvelle formule facilite-t-elle la mise en place et la gestion des services d’accès à l’eau potable et à l’assainissement ? Comment ces différents acteurs en jeu contribuent-ils au processus de création de systèmes de régulation sociale et de construction de nouveaux modèles de démocratie locale dans les différentes collectivités territoriales?

Ces acteurs dopés par une mondialisation non négociée ne sont ils pas plus portes a transformer les besoins et priorités sociales en simples biens marchands, excluant de plus en plus la majorité des habitants que les politiques d,ajustement ont fragilises ? Comment concilier mondialisation inéluctable et plus grande participation des citoyens dans le respect de l’esprit de la décentralisation et du développement local ?

Le déséquilibre dans la répartition des équipements de base, induit par la politique de logement, touche plus particulièrement les services d’approvisionnement en eau potable et en assainissement qui devraient être considérés comme des besoins vitaux et non comme de simples produits de marché.

6 2 Laurent Fabius : ancien premier ministre français : pour une démocratie de l’eau : FIG infos n° 2 septembre 2003

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L’accès à l’eau potable

L’accès à l’eau potable a été amélioré dans toute l’agglomération dakaroise à partir de deux

stratégies : la multiplication des branchements sociaux et l’augmentation de l’implantation de bornes fontaines à partir de 1996. Cependant les mesures qui ont accompagné ces stratégies, ont beaucoup amoindri les possibilités des plus pauvres des villes à accéder à l’eau potable ; il s’agit de la suspension de la fourniture d’eau à la plupart des collectivités locales débitrices (services communaux, écoles élémentaires, mosquées et autres espaces publics gérés par les communes qui fournissaient de l’eau aux plus vulnérables …) et la vente de l’eau à la borne fontaine à partir des année 1980. Ces deux mesures ont posé des pressions supplémentaires sur la bourse des pauvres :

-d’abord le prix de l’eau devient plus cher que pour les abonnés à domicile ; à raison de 25 cfa pour une bassine de 30 litres, l’eau devenait trois fois plus chère que même pour les tranches sociales des abonnés (l’achat à la fontaine revient à 1000cfa le m3 contre 323,1cfa pour les abonnés).

- en suite la nécessité de stockage de l’eau de boisson, de l’eau de cuisine et de l’eau de

toilette a entraîné les coûts supplémentaires les plus visibles. Les familles sont obligées de s’équiper en fûts, en seaux, en bassines et même en citernes de réserve pour stocker l’eau qu’elles achètent des bornes fontaines. En plus les pertes en eau sont très importantes, compte tenu de la distance de la maison à la borne fontaine et surtout par le fait que l’eau est transportée par des bassines ou des seaux non couverts par les jeunes filles et les femmes. Les pertes peuvent atteindre 10% du volume entre le transport, le transvasement et l’utilisation. Il faut ajouter à tous ses inconvénients les risques de souillure et le gaspillage par les enfants et les adolescents lors des activités de cuisine, de lessive et de vaisselle.

Enfin, les coupures d’eau consécutives aux travaux de réhabilitation et de raccordement au réseau, sont beaucoup plus préjudiciables aux pauvres qui manquent souvent d’informations à ce sujet et ont peu de possibilités de stocker des réserves d’eau au-delà d’une journée. Parfois les pénuries d’eau peuvent durer plusieurs jours durant lesquels les femmes parcourent de longues distances pour trouver quelques litres du liquide précieux. Cette situation affectent plus les non abonnés qui ne peuvent profiter des deux ou trois heures d’ouverture du réseau situées la plupart du temps entre quatre heures et huit heures du matin en cas de rationnement pour longue coupure ou délestage.

La situation des pauvres est encore plus difficile quant à leurs possibilités d’accès aux services d’assainissement. L’accès aux services d’assainissement Les facteurs limitants de l’accès des plus pauvres aux services d’assainissement procèdent essentiellement : -des difficultés d’atteindre leurs sites géographiquement difficiles et foncièrement irréguliers ; -de l’exigence de contribution au financement pour le recouvrement des coûts ; -de la complexité des procédures et des montages institutionnels des projets et des programmes initiés essentiellement de l’extérieur des communautés et des collectivités locales.

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La difficulté des pauvres pour accéder à des systèmes d’assainissement adéquats est ainsi plus ardue que pour l’eau potable. La complexité des techniques d’assainissement collectifs, les coûts des investissements initiaux, la configuration des quartiers spontanés sont amplifiés par la faiblesse des revenus des pauvres et l’insuffisante offre publique de services d’assainissement. La possibilité la plus répandue pour les pauvres d’éliminer leurs eaux usées, c’est l’adoption de systèmes individuels peu coûteux et techniquement plus simples avec l’espoir d’accéder un jour aux réseaux collectifs dans un processus d’intégration à la ville.

Ces systèmes individuels artisanaux d’assainissement (latrines, puisards) entraînent des coûts supplémentaires d’entretien et de vidange fréquents. En plus, les plus pauvres se trouvent souvent marginalisés dans l’accès aux financements externes destinés à l’amélioration des systèmes d’assainissement des quartiers spontanés du fait de leur capacité de contribution financière limitée et de leur faible implication dans les structures associatives locales qui constituent les portes d’entrée des appuis extérieurs. A Grand Yoff comme à Malika, les plus pauvres ne sont pas les plus touchés par les projets d’appui et les ONG ; ils sont situés dans les zones les plus difficiles, ils ont une situation très précaire (locataires, chômeurs, handicapés, nouveaux arrivants…) et ils maîtrisent très peu les circuits d’articulation avec les acteurs externes

De ce fait, nous pensons qu’une meilleure implication de la société civile (acteur collectif) dans la régulation de l’eau potable et de l’assainissement (par la création de services publics décentralisés) avec une place de choix pour les organisations communautaires et les collectivités locales, peut améliorer l’accès des quartiers périphériques aux services d’eau et d’assainissement dans un contexte de décentralisation et de démocratisation.

L’émergence des communes d’arrondissement en 1996 avait, entre autre objectif, de corriger les écarts entre collectivités locales de la capitale. Aujourd’hui, la décentralisation a montré ses limites et pour la parfaire, il nous faudra trouver des solutions aux questions suivantes pour l’avènement d’une politique sociale partagée : Quel est le territoire pertinent pour porter ces services d’approvisionnement en eau potable et de gestion de l’environnement ? Quel est le niveau de responsabilisation des acteurs à la base eu égard à la complexité des techniques utilisées en matière d’eau et d’assainissement ? Quelle est la place de la dimension socio-économique dans la définition des ces services (niveau de revenus, type d’activités, les niveaux de formation et d’organisation des populations ?) La problématique de la participation des populations à la gestion des problèmes qui les concernent a été l’un des plus grands enjeux du développement dans le Tiers-monde durant ces dix dernières années ; de nombreuses approches dites « participatives » ont été expérimentées et généralisées d’abord en milieu rural avant d’être testées en ville ; si des approches d’animation urbaine ont été utilisées pendant longtemps par certaines ONG, notamment Enda_Tiers- Monde, c’est avec les projets de restructuration urbaine qu’elles ont été systématisées et institutionnalisées ; ainsi conçues, ces approches n’ont été que des stratégies d’intervention de l’Etat dans des milieux très spécifiques constitués d’habitat spontané, non structuré, nécessitant une forte adhésion de la population mais de manière ponctuelle. La participation n’a jamais été une démarche consciemment adoptée et systématiquement utilisée par les différents intervenants en ville ; la décentralisation qui devait être le cadre idéal d’expérimentation de cette démarche, s’est jusqu’ici limitée à une gestion de la représentativité institutionnelle comme seule source de légitimité. Cette légitimité institutionnelle doit être complétée par une légitimité sociale qui ne dérive pas directement d’un mandat électif dont les jeux et les enjeux sont déterminés dans les états- major centraux des partis politiques. Parlant de « légitimités », Bernard Husson pense à la légitimité institutionnelle et sociale ;

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Dans le contexte d’une décentralisation, le territoire devient le lieu d’expression et d’encrage de ces légitimités et pouvant les transformer en sentiments d’appartenance et d’identité. Le territoire urbain est un condensé de sous espaces sociaux et culturels dessinés par la géographie sociale des habitants qui n’ont pas souvent choisi volontairement de vivre ensemble. Ce contexte où la majorité de la population s’est construite spontanément d’autres référentiels organisationnels de proximité, une démarche partenariale de construction d’un espace public plus solidaire et de « gouvernance participative » selon la perception de Denis-Riquier-Desjardins peut donner un nouveau contenu à une décentralisation formelle par le haut, donc non encore traduite par sa prise en charge complète par les acteurs sociaux de base. Il est cependant important de se demander dans ce cadre-là, qui doit organiser la participation, quel type de cadre mettre en place, quelle orientation et quel mode de fonctionnement pour ces espaces de dialogue politique dont parle Enda Tiers Monde? Si ces interrogations ne sont pas posées, on court le risque d’une instrumentalisation de la participation qui va déboucher sur la marginalisation de certains groupes, surtout les plus vulnérables et les moins visibles politiquement. Au-delà de la nécessité de limitation des « conflits de représentativité » entre les élus locaux (légitimité institutionnelle) et les leaders d’organisations communautaires de base (légitimité sociale et territoriale), cette démarche de coproduction de l’espace public renferme un enjeu important de formation de « citadinité, de citoyenneté » et de (fiscalité ) pour la recherche « d’une véritable éthique démocratique » dont parle Emile Lebris . En effet, la citadinité et la citoyenneté ne sont pas des acquis spontanés ; elles se construisent, s’élaborent et se consolident avec le temps, mais aussi selon le mode de gestion de l’espace public local. En plus, tous les habitants de la ville ne vivent pas leur citadinité et leur citoyenneté de la même manière, avec la même intensité. Pour construire une culture commune, c’est à dire une « citoyenneté partagée », il est important de créer le cadre approprié, autour de préoccupations, d’aspirations et de perceptions communes qui prennent en compte la logique pragmatique de l’urbanisme au quotidien. Cette co- production d’urbanité et de « citoyenneté partagée » s’accompagne d’une co-production de services urbains, car « espace public et services publics vont de pair ».1 En termes de cadres de coproduction, le Sénégal a expérimenté de nombreuses formules : cadres essentiellement dits de « concertation », ces structures mises en place sur l’initiative d’ONG et d’institutions internationales de développement, ont souvent été taillées sur mesure avec des objectifs limités à la cogestion des services publics et à la participation des groupes de base au fonctionnement et au renouvellement des équipements communautaires. Les différents comités de développement, les conseils de quartier, les associations de riverains, les comités de gestion de services publics, apparaissent, la plupart du temps, en aval de la mise en place des actions et des équipements d’intérêt public. En milieu urbain toutes les stratégies de construction d’espace public de participation ont été basées sur un nombre de groupes institutionnalisés, voire instrumentalisés aussi bien par les pouvoirs publics centraux que locaux. Il s’agit essentiellement des « Associations Sportives et Culturelles » (ASC) des jeunes des quartiers ; « les Groupements de Promotion Féminine » (GPF) ; « les Groupements d’intérêt Economique » (GIE). - Espaces et Territoires Bulletin de la Société Languedocienne de Géographie Université Paul Valérie Montpellier, janvier- décembre 1999

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Il s’agit là d’un champ de recherche visant à identifier les réseaux visibles et les moins visibles qui forment et structurent la « demande » urbaine locale dans les communes d’arrondissement situés dans les zones sub-urbanisées de la capitale où l’insuffisance des services publics renforce d’avantage la vulnérabilité des plus pauvres qui y vivent ou qui y développent des activités. L’objectif le plus important c’est surtout d’améliorer l’efficacité du peu de services publics disponibles dans la commune par une solidarité plus large de tous les habitants dont la majorité n’est pas toujours « intéressée » à la chose publique locale. Le postulat de départ de cette démarche est que la production de l’espace public dans les collectivités locales, notamment dans les communes d’arrondissement qui sont en principe des collectivités de gestion de proximité et de participation, est génératrice d’exclusion et de marginalisation. Ce postulat soulève nécessairement des questionnements dont les réponses doivent permettre de défricher des pistes de réflexion afin d’amorcer le débat sur la profonde crise urbaine, qui est en même temps une crise d’urbanité. D’abord, qu’elles sont les différentes formes de légitimités que l’on rencontre dans les différentes communes d’arrondissement ? Qui portent ces légitimités ? Quelles sont les différentes logiques qui guident ces légitimités Comment les différents animateurs perçoivent la gestion de l’espace public et des services publics ? Comment construire un acteur collectif producteur d’un discours plus solidaire, d’espace de convergence et de nouvelles convivialités ? La gestion de l’eau dans la ville, notamment dans les quartiers peu urbanisés (manque d’espace collectif, sous équipement, faibles revenus, sur densification du tissu urbain…) compte tenu de son importance et des enjeux qu’elle véhicule, pourrait être saisie comme une opportunité de construire dans les territoires décentralisés que sont les communes d’arrondissement de Dakar, une nouvelle citoyenneté locale autour de nouvelles valeurs de développement local urbain partenarial et ouvert. L’action publique locale d’approvisionnement en eau potable et d’élimination des eaux usées domestiques doit être portée par un acteur collectif dynamique, territorialement visible, politiquement et socialement légitime ; l’eau dans la ville concerne aussi bien riches et pauvres, résidents comme passagers, acteurs professionnels comme sociaux . c’est autour des besoins essentiels qu’on peut organiser une dynamique d’élaboration collective de politiques locales acceptées par tous et donc efficaces, efficientes et aux impacts durables.

La nécessité d’une nouvelle reforme pour un développement urbain

durable Montrer l’intérêt stratégique de repositionner l’eau potable et l’assainissement comme des

besoins sociaux et non comme de simples biens par une approche plus sociale de la gestion. Mettre en relief la nécessité d’une meilleure articulation entre réforme territoriale et

reforme du secteur de l’eau et de l’assainissement en milieu urbain afin de mieux rationaliser les services publics ; dans l’esprit de la décentralisation et du développement local, mettre les collectivités et les communautés au centre des stratégies de gestion des services publics locaux.

Responsabiliser les collectivités locales et surtout les ONG et les Organisations

communautaires de base dans la gestion des services publics locaux : planification, suivi évaluation, contribution financière, gestion et formation-information-sensibilisation.

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CONCLUSION Ces objectifs ne sont réalisables qu’une fois mise en place des Services Publics

Décentralisés de l’Eau et de l’Assainissement (SPDEA). Ces SPLEA seront des systèmes flexibles et modulables reliant la SDE, la SONES, l’ONAS et les Communes de ville et/ou d’Arrondissement, espace local de production et de consommation. Ils seront des agences communales basées dans les communes de ville et/ou d’arrondissement et prendront en charge les questions liées à : l’équité spatiale (l’universalisation de l’accès aux services) et sociale (amélioration du bien-être des pauvres au moyen de redisibutions tarifaires et fiscales ; à une efficacité technique (création de systèmes locaux adaptés et peu coûteux) ; à l’efficacité dans la gestion (gestion de proximité) ; à l’approche d’efficience par rapport au coût par un contrôle assuré au niveau local.

L’impact attendu avec un tel système est : * une approche plus sociale (redéfinition de tranches sociales en fonction des familles

nombreuses ; * la rentabilité pour les collectivités locales (meilleure indexation des taxes qui leur sont

reversées par les concessionnaires) ; * une plus grande rationalisation de l’offre par combinaison des services à l’échelle

locale * plus grande implication des communautés (OCB, ménages, associations de riverains…)

pour la gestion des bornes fontaines, puisards et autres… # Plus grand intérêt des ONG pour le financement et l`accompagnement des activites

d`eau et d`assainissement Ce qui permettra de construire un acteur collectif et une «citoyenneté partagée» pour

répondre aux préoccupations, aspirations et perceptions communes de la collectivité. Il s’agira d’abord de mettre la collectivité locale au cœur des dispositifs de réponse aux questions posées par les communautés que la mondialisation, concrétisée par les sociétés concessionnaires, tarde à résoudre avec satisfaction.

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