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DOSSIER : C-2010-3665-1 (09-1587-1) LE COMMISSAIRE À LA DÉONTOLOGIE POLICIÈREc.L’agent VINCENT LANGLAIS, matricule 12801Membre de la Sûreté du Québec
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COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
MONTRÉAL
DOSSIER : C-2010-3665-1 (09-1587-1)
LE 14 JANVIER 2013
SOUS LA PRÉSIDENCE DE Me MICHÈLE COHEN
LE COMMISSAIRE À LA DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
c.
L’agent VINCENT LANGLAIS, matricule 12801 Membre de la Sûreté du Québec
DÉCISION SUR SANCTION
[1] Le 20 juillet 2012, le Comité de déontologie policière (Comité) rend une
décision sur le fond dans le présent dossier et statue :
« C-2010-3665-1
Chef 1
[549] QUE l’agent VINCENT LANGLAIS, matricule 12801, membre de la Sûreté du Québec, le 5 juin 2009, à Salaberry-de-Valleyfield, ne s’est pas comporté de manière à préserver la confiance et la considération que requièrent ses fonctions, à l’égard de M. Yvon Trudel, en posant des actes fondés sur l’âge et qu’en conséquence sa conduite constitue un acte dérogatoire à l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec;
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Chef 2
[550] QUE l’agent VINCENT LANGLAIS, matricule 12801, membre de la Sûreté du Québec, le 5 juin 2009, à Salaberry-de-Valleyfield, ne s’est pas comporté de manière à préserver la confiance et la considération que requièrent ses fonctions, à l’égard de M. Yvon Trudel, en lui manquant de respect ou de politesse et qu’en conséquence sa conduite constitue un acte dérogatoire à l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec;
Chef 3
[551] QUE l’agent VINCENT LANGLAIS, matricule 12801, membre de la Sûreté du Québec, le 5 juin 2009, à Salaberry-de-Valleyfield, ne s’est pas comporté de manière à préserver la confiance et la considération que requièrent ses fonctions, à l’égard de M. Yvon Trudel, en faisant usage d’un langage injurieux à son endroit et qu’en conséquence sa conduite constitue un acte dérogatoire à l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec;
Chef 4
[552] QUE l’agent VINCENT LANGLAIS, matricule 12801, membre de la Sûreté du Québec, le 5 juin 2009, à Salaberry-de-Valleyfield, n’a pas respecté l’autorité de la loi, à l’égard de M. Yvon Trudel, en usant de la force sans droit contre lui et qu’en conséquence sa conduite constitue un acte dérogatoire à l’article 7 du Code de déontologie des policiers du Québec;
Chef 6
[554] QUE l’agent VINCENT LANGLAIS, matricule 12801, membre de la Sûreté du Québec, le 5 juin 2009, à Salaberry-de-Valleyfield, n’a pas respecté les droits de M. Yvon Trudel qui était sous sa garde, en étant négligent ou insouciant à l’égard de la santé de celui-ci et qu’en conséquence sa conduite constitue un acte dérogatoire à l’article 10 du Code de déontologie des policiers du Québec;
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Chef 7
[555] QUE l’agent VINCENT LANGLAIS, matricule 12801, membre de la Sûreté du Québec, le 5 juin 2009, à Salaberry-de-Valleyfield, a abusé de son autorité, à l’égard de Mme Rachel Carrier, en l’intimidant et qu’en conséquence sa conduite constitue un acte dérogatoire à l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec; »
RAPPEL DES FAITS
[2] Le 5 juin 2009, l’agent Vincent Langlais répond à un appel placé sur les
ondes radio par une préposée aux télécommunications de l’Unité de gestion des
appels (UGA) de la Sûreté du Québec, concernant la demande d’une employée
d’une résidence privée pour aînés de trouver et de ramener un de ses résidents.
[3] Selon l’information transmise sur les ondes radio par la préposée de l’UGA,
l’homme en question, à la demande de son fils, n’a pas la permission de sortir seul
parce qu’il fait « de l’errance »1, et bien qu’il n’ait pas de problème de mémoire, le
fait de sortir seul pourrait constituer un danger pour lui.
[4] L’agent Langlais trouve rapidement l’homme recherché et intervient auprès
de celui-ci.
ARGUMENTATION DES PARTIES
[5] Le Comité résumera maintenant l’essentiel des plaidoiries des procureurs
des parties.
1 Pièce C-2-A, p. 4.
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Procureure du Commissaire
[6] La procureure du Commissaire à la déontologie policière (Commissaire) fait
les représentations suivantes dans le cadre de l’audience sur sanction :
– Que ce soit dans le cadre de l’audience sur le fond ou de l’audience sur
sanction, l’agent Langlais n’a pas exprimé de regrets ni de remords à
l’égard de la conduite qui lui a été reprochée par le Comité, ni fait preuve
d’empathie pour l’expérience vécue par M. Trudel lors de son intervention
auprès de celui-ci. « C’est ce qu’il manque à un policier automate d’être
un peu humain pour mieux jauger une situation. »
– Le côté social du travail du policier a été complètement évacué et même
terni par la conduite de l’agent Langlais et on ne voit rien dans son
attitude, trois ans plus tard, qui nous permette de penser qu’il a appris de
ses erreurs.
– Le 5 juin 2009, l’agent Langlais a agi de façon irréfléchie, inacceptable,
contre tout gros bon sens.
– Le respect d’une personne âgée est un principe qui doit être acquis.
– De plus, M. Trudel n’était pas un incapable. C’était un citoyen doté de
tous ses droits humains.
– L’agent Langlais a agi comme un « vrai cowboy », « comme un fanfaron
sans réflexion, en public, a dégradé l’image de la police, a déconsidéré la
fonction gravement » et il a choqué de purs étrangers dont les serveuses
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qui ont témoigné devant le Comité et un client du restaurant,
M. Stéphane Daoust, qui, même lorsqu’il croyait que ce policier intervenait
auprès de M. Trudel pour une question de non-paiement de son repas,
trouvait sa manière d’agir envers une personne âgée inadmissible.
– Pour ce qui est de l’implication de l’agent Langlais dans deux activités de
bénévolat, une le 10 juin 2009, lors de laquelle, en compagnie d’un
collègue policier, il a participé à une partie de balle molle avec des jeunes
du Centre jeunesse de la Montérégie2 et l’autre, le 24 octobre 20103, date
à laquelle il a participé à une activité de recrutement au bénéfice de la
Sûreté du Québec, auprès d’une quarantaine d’étudiants en techniques
policières, il y avait un intérêt professionnel, personnel et non pas
altruiste relié à ces activités.
[7] Pour le premier chef de la citation, la procureure du Commissaire
recommande d’imposer à l’agent Langlais une suspension sans traitement de
cinq jours ouvrables de huit heures.
[8] Au soutien de cette recommandation, elle réfère le Comité à deux décisions4
qu’il a rendues concernant des policiers qui ont posé des gestes fondés sur la race
de la personne, en soulignant que la décision du Comité dans la présente affaire
est la première qu’il ait rendue sur la discrimination fondée sur l’âge.
2 Pièce SP-2.
3 Pièce SP-3.
4 Commissaire c. Pelletier, C.D.P., C-2005-3275-2, 19 avril 2006 et Commissaire c. Gauthier,
C.D.P., C-2009-3581-2, 18 juillet 2011.
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[9] Elle plaide que l’agent Langlais est intervenu mécaniquement auprès d’une
personne qui avait ses pleines capacités juridiques et que, même s’il a un dossier
déontologique vierge, comme sa conduite a porté atteinte à des droits
fondamentaux, il ne peut y avoir d’excuse pour une telle conduite, ni de gradation
de la sanction à faire. L’acte à réprimer est révoltant en soi et il n’y a pas de facteur
atténuant dont on puisse tenir compte. De plus, on ne peut imaginer que M. Trudel
n’ait pas été affecté par le comportement et l’attitude de l’agent Langlais.
[10] Pour le deuxième chef de la citation, la procureure du Commissaire
recommande d’imposer une suspension sans traitement d’une journée ouvrable de
huit heures, à être purgée concurremment à la sanction pour le premier chef.
[11] Pour le troisième chef de la citation, elle recommande d’imposer une
suspension sans traitement d’une journée ouvrable de huit heures, à être servie
concurremment aux sanctions pour le premier et le deuxième chef.
[12] Au soutien de ses recommandations à l’égard des deuxième et
troisième chefs de la citation, elle réfère le Comité aux décisions rendues dans
six affaires5.
5 Commissaire c. Péan, C.D.P., C-97-2162-3, 14 octobre 1997; Commissaire c. Benoît, C.D.P.,
C-98-2578-2, 28 mai 1999; Commissaire c. Gilbert, C-2004-3175-3, 1er juin 2004; Commissaire c. Bernier, C.D.P., C-2005-3223-2, 20 décembre 2005; Commissaire c. Boivin, C.D.P., C-2009-3524-3, 2 mars 2010 et Commissaire c. Héroux, C.D.P., C-98-2470-2, 30 avril 1999.
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[13] Pour le quatrième chef de la citation, la procureure du Commissaire plaide
que la force était tellement gratuite, démesurée et prolongée dans le temps que le
Commissaire suggère d’imposer une suspension sans traitement de cinq jours
ouvrables de huit heures, à être servie consécutivement aux sanctions imposées
pour les premier, deuxième et troisième chefs de la citation. Une recommandation
qu’elle dit être « dans la fourchette médiane élevée ». Pour ce chef, elle réfère le
Comité à neuf décisions6.
[14] Elle rappelle que le droit à l’intégrité physique de l’individu est un droit
fondamental qui est garanti par les chartes et elle ajoute que, pour assurer la
confiance du public et parce que l’objectif de dissuasion des décisions antérieures
du Comité portant sur l’usage de la force n’a toujours pas été rencontré, une plus
grande sévérité dans les sanctions s’impose à ce stade.
[15] Pour ce qui est de la conduite visée par le sixième chef de la citation, la
procureure du Commissaire suggère d’imposer une suspension sans traitement de
cinq jours ouvrables de huit heures à titre de sanction, à être purgée de façon
consécutive à la sanction imposée pour le quatrième chef de la citation. Ceci, en
tenant compte du fait que la négligence ou l’insouciance de l’agent Langlais à
l’égard de la santé d’un homme âgé s’est étalée dans le temps, qu’il n’a exprimé
aucun souci pour l’état de santé de M. Trudel, que ce soit au moment des
événements ou dans les journées qui ont suivi, et qu’il n’a exprimé aucun regret ou
remord devant le Comité.
6 Commissaire c. Parent, C.D.P., C-2009-3543-2, 20 janvier 2011; Commissaire c. Fortin, C.D.P.,
C-2010-3684-3, 2 avril 2012; Commissaire c. Blémur, C.D.P., C-2004-3187-3, 10 mars 2005; Commissaire c. Masson, C.D.P., C-2009-3497-3, 18 septembre 2009; Commissaire c. Boudreau, C.D.P., C-2010-3604-2, 26 janvier 2012; Commissaire c. Malo, C.D.P., C-2009-3552-1, 4 août 2010; Commissaire c. Gauthier, C.D.P., C-2009-3581-2, 18 juillet 2011; Commissaire c. Lemay, C.D.P., C-2010-3651-1, 20 janvier 2011 et Commissaire c. Bruneau, C.D.P., C-2010-3700-2, 21 juin 2012.
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COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
[16] Elle réfère le Comité à cinq décisions7 pour soutenir cette recommandation.
[17] Quant au septième chef de la citation, la procureure du Commissaire
souligne que la conduite reprochée à l’agent Langlais s’est également étalée dans
le temps puisque, après être sorti du restaurant, il y revient, demande à
Mme Rachel Carrier de lui donner ses papiers d’identité, ressort puis retourne plus
tard au restaurant pour lui parler. Durant tout ce temps, il ne se pose pas de
question et ne réévalue pas la situation. On ne peut imaginer d’autre raison pour
cela que le fait que ce policier « continue à jouer de l’uniforme et de la badge ».
[18] Pour ce septième chef, elle suggère donc d’imposer à l’agent Langlais une
suspension sans traitement d’un jour ouvrable de huit heures, à être purgée
consécutivement à la sanction imposée pour le chef 6. À l’égard de ce
septième chef, elle réfère le Comité à sept décisions8.
[19] La procureure du Commissaire suggère donc au Comité d’imposer un total
de seize jours ouvrables (de huit heures par jour) de suspension sans traitement.
[20] Selon celle-ci, le Commissaire est conscient que c’est une sanction sévère,
mais les faits reprochés à l’agent Langlais sont graves et ternissent l’image
policière, alors que les policiers font justement de l’intervention sociale pour
mousser leur image et pousser leur recrutement.
7 Commissaire c. Stante, C.D.P., C-2004-3210-3, 4 février 2009; Commissaire c. Guay, C.D.P.,
C-91-1023-2, 11 décembre 1992; Commissaire c. Lapointe, C.D.P., C-99-2796-2, 21 août 2001; Commissaire c. Bergeron, C.D.P., C-96-1846-3, 5 décembre 1997 et Commissaire c. Auger, C.D.P., C-96-1846-3, 29 janvier 1999.
8 Commissaire c. Bleu Voua, C.D.P., C-2009-3507-2, 26 août 2011; Commissaire c. Charrette,
C.D.P., C-95-1659-3, 20 février 1996; Commissaire c. Tremblay, C.D.P., C-95-1679-2, 27 février 1996; Commissaire c. McGovern, C.D.P., C-2000-2928-3, 8 janvier 2002; Commissaire c. Bernier, C.D.P., C-2005-3223-2, 20 décembre 2005; Commissaire c. Clément, C.D.P., C-93-1232-1, 18 mai 1994 et Commissaire c. Laberge, C.D.P., C-98-2651-2, 9 décembre 1999.
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Procureur du policier
[21] Le procureur de l’agent Langlais n’est pas d’accord pour dire que ce dernier
n’a pas montré de l’empathie.
[22] L’agent Langlais a fait preuve de transparence trois fois.
[23] Le fils de M. Trudel, M. Gérald Trudel, a eu le privilège d’aller au poste de
police pour écouter l’enregistrement des ondes radio de l’appel initial, ce qui n’est
pas commun. À cette occasion, l’agent Langlais l’a reçu et a été poli et patient avec
lui. Le seul refus qu’il lui a opposé est quand il a voulu le photographier.
[24] De plus, l’agent Langlais a accordé deux entretiens téléphoniques à
M. Gérald Trudel, afin de répondre à ses questions, dont une, qui a été enregistrée9
à son insu, est produite en preuve. L’agent Langlais n’a jamais cherché à éviter les
questions, bien au contraire, et il a été généreux de son temps.
[25] Le procureur de l’agent Langlais y voit de l’empathie pour la mésaventure
vécue par M. Trudel et il demande au Comité de tenir compte, dans la
détermination de la sanction à imposer à son client, du fait qu’il a fait preuve de
transparence pour donner un maximum d’information à un citoyen qui voulait
comprendre ce qui s’est passé.
[26] Il demande également au Comité de tenir compte du fait que l’agent Langlais
est quelqu’un capable de faire preuve de sang-froid et de maîtrise de soi, tel qu’il
ressort du témoignage du lieutenant Alexandre Pinard et de la pièce SP-1, ce qui
devrait rassurer le Comité.
9 Pièce C-4-A.
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COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
[27] À cet égard, il réfère le Comité à la décision qu’il a rendue dans
l’affaire Bergeron10, où aux pages 41 et suivantes, le Comité explique que le degré
de gravité de la faute commise par le policier doit être déterminé tant à la lumière
de critères objectifs qu’à la lumière de critères subjectifs, lesquels critères pourront
constituer, soit des circonstances atténuantes, soit des circonstances aggravantes.
[28] Le Comité devrait également tenir compte des deux activités de bénévolat
dont font état les pièces SP-2 et SP-3, ainsi que du fait que, quelques années avant
de devenir policier, l’agent Langlais a entraîné bénévolement, pendant trois ans,
des équipes de compétition de judo composées de jeunes âgés de 10 à 12 ans.
[29] Le procureur de l’agent Langlais soutient que les décisions du Comité font
l’objet d’une publicité médiatique de manière systématique, de même qu’à l’intérieur
des organisations policières. Les rapports annuels de ces dernières en font
mention. Les cas inusités reçoivent une attention particulière. Ceci a un effet
dissuasif sur les policiers dont le Comité doit tenir compte.
[30] Selon ce procureur, nous avons affaire ici à un bon policier qui, lors d’un
événement, a commis des manquements. Ça ne devrait pas lui valoir une
suspension sans traitement de seize jours, ce qui équivaut pratiquement à un mois
de salaire. Il suggère plutôt de lui imposer les sanctions suivantes :
– Chef 1 : un avertissement.
– Chef 2 : une réprimande.
– Chef 3 : une réprimande.
10
Commissaire c. Bergeron, C.D.P., C-96-1845-3, 5 décembre 1997.
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– Chef 4 : trois journées de suspension, à la lumière des décisions rendues
dans les affaires Barbeau11 (décision dans laquelle le Comité réfère à
plusieurs autres décisions), Lavoie12, Godbout13, Ledoux14, Lafrance15,
Daoust16, Blémur17, Audette18 et Dallaire19.
– Chef 6 : une journée de suspension à être imposée de manière
concurrente à la sanction pour le chef 4.
– Chef 7 : un blâme.
[31] Au moment des événements, l’agent Langlais avait environ trois années
d’expérience comme patrouilleur à horaire variable. Il n’avait pas encore sa
permanence. Il n’a pas d’antécédents déontologiques ni disciplinaires.
[32] Comme l’agent Langlais a des quarts de travail de douze heures par jour, il
faut, si le Comité lui impose des journées de suspension, préciser qu’une journée
de suspension équivaut à une journée de travail de huit heures.
11
Commissaire c. Barbeau, C.D.P., C-2007-3421-3, 27 février 2009. 12
Commissaire c. Lavoie, C.D.P., C-98-2622-3, 18 juillet 2001. 13
Commissaire c. Godbout, C.D.P., C-99-2825-2, 5 décembre 2001. 14
Commissaire c. Ledoux, C.D.P., C-2000-2911-1, 29 mai 2002. 15
Commissaire c. Lafrance, C.D.P., C-2002-3096-3, 20 mai 2003. 16
Commissaire c. Daoust, C.D.P., C-2000-2950-1, 12 septembre 2002. 17
Commissaire c. Blémur, C.D.P., C-2004-3187-3, 10 mars 2005. 18
Commissaire c. Audette, C.D.P., C-2005-3291-3, 24 octobre 2006. 19
Commissaire c. Dallaire, C.D.P., C-2005-3272-3, 13 avril 2006.
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COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
Réplique de la procureure du Commissaire
[33] La procureure du Commissaire estime que les sanctions suggérées par le
procureur de l’agent Langlais sont dérisoires, disproportionnées et n’atteindraient
pas les buts fixés par le législateur quant à la protection du public et quant aux
attentes professionnelles, dont celle, pour un policier, de savoir faire preuve de
sens commun lorsqu’il interagit avec les citoyens.
[34] Elle souligne qu’il n’y a ni preuve ni commentaire du procureur de
l’agent Langlais qui puissent indiquer que ce policier a tiré une leçon de vie de cet
événement.
APPRÉCIATION DE LA PREUVE ET MOTIFS DE LA DÉCISION
[35] Le rôle du Comité est de veiller au respect des règles prescrites par le Code
de déontologie des policiers du Québec20 (Code) et de sanctionner toutes
infractions à ces règles.
[36] L’article 235 de la Loi sur la police21 stipule que, au moment de la
détermination de la sanction, le Comité doit prendre en considération la gravité de
l’inconduite, compte tenu de toutes les circonstances, ainsi que la teneur du dossier
déontologique du policier cité qui, en l’espèce, est vierge.
20
R.R.Q., c. P-13.1, r. 1. 21
L.R.Q., c. P-13.1.
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COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
[37] Ce faisant, le Comité doit respecter les objectifs du Code, lesquels sont
décrits à son troisième article :
« 3. Le présent Code vise à assurer une meilleure protection des citoyens et citoyennes en développant au sein des services policiers des normes élevées de services à la population et de conscience professionnelle dans le respect des droits et libertés de la personne dont ceux inscrits dans la Charte des droits et libertés de la personne (L.R.Q., c. C-12). »
[38] Dans l’affaire Bergeron22, le Comité rappelle le but de la sanction :
« […] Il faut se rappeler que la sanction disciplinaire n’a pas pour but de punir l’individu concerné, il s’agit là d’un des objectifs du droit pénal, mais de protéger le public en dissuadant cet individu (professionnel ou policier) de récidiver et en dissuadant les autres membres de sa profession de commettre de semblables infractions. »
[39] Le degré de gravité de la faute commise par le policier doit être déterminé
tant à la lumière des facteurs objectifs, qui sont propres au dossier, qu’à la lumière
des facteurs subjectifs, lesquels facteurs pourront constituer des circonstances
atténuantes ou aggravantes.
[40] La sanction choisie doit tenir compte de toutes les circonstances de l’affaire,
qu’elles soient aggravantes ou atténuantes.
[41] Elle doit être juste et raisonnable, tout en s’harmonisant avec la
jurisprudence du Comité et des tribunaux supérieurs en semblable matière.
[42] C’est donc à la lumière de tous les critères et objectifs mentionnés plus haut
que le Comité décidera quelles sanctions il y a lieu d’imposer à l’agent Langlais.
22
Précitée, note 10.
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COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
[43] Lors de l’audience sur sanction, la partie policière a fait entendre
deux témoins, soit l’agent Langlais et le lieutenant Pinard.
[44] Le témoignage du lieutenant Pinard fait état du courage et du sang- froid que
l’agent Langlais a su démontrer dans le cadre d’une intervention à haut risque et
lors d’une poursuite automobile.
[45] Un certificat méritoire a été décerné à ce dernier « Pour avoir accompli, dans
l’exercice de ses fonctions le 26 octobre 2007, un acte méritoire en extirpant une
victime qui était à l’intérieur de son logement en flamme lors d’un incendie »23, ce
qui est fort louable.
[46] Cette preuve du courage et du sang-froid que l’agent Langlais sait démontrer
dans des situations à haut risque apporte peu d’éclairage au Comité quant à la
manière dont il intervient au quotidien, en tant que patrouilleur, là où l’attitude du
policier, sa manière d’interagir avec le citoyen, sa capacité d’ajuster sa conduite à la
situation à laquelle il fait face et sa probité prennent toute leur importance.
[47] Il en va de même pour les activités de bénévolat suivantes, dont
l’agent Langlais a fait état lors de l’audition sur sanction :
– Quelques années avant de devenir policier, l’agent Langlais a entraîné
bénévolement, pendant trois ans, des équipes de compétition de judo
composées de jeunes âgés de 10 à 12 ans.
– Le 10 juin 2009, il a participé à une partie de balle molle avec des jeunes
du Centre jeunesse de la Montérégie24.
23
Pièce SP-1. 24
Pièce SP-2.
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COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
– Le 24 octobre 201025, il a participé à une activité de recrutement au
bénéfice de la Sûreté du Québec, auprès d’une quarantaine d’étudiants
en techniques policières.
[48] Le Comité ne retient pas l’argument du procureur de ce policier, qui est
rapporté au paragraphe 29, puisqu’aucune preuve n’a été faite de la couverture
médiatique ou autre qu’a reçue la décision sur le fond du Comité ni, ce qui est plus
important, sur l’effet de cette couverture sur l’agent Langlais. Bien que ce dernier ait
témoigné devant le Comité, il ne s’est pas exprimé sur ce sujet.
[49] À cet égard, la décision rendue dans l’arrêt Ewanchuk26 fait état des limites à
l’importance qui peut être donnée à la publicité entourant une affaire :
« 68. We conclude that the sentencing judge did not err in taking judicial notice of the publicity surrounding Ewanchuk’s case. Nor did he err in drawing the reasonable inference that this publicity had the effect of conveying public denunciation and providing specific deterrence. Nothing in his reasons for sentence suggests that this sentencing judge placed undue emphasis on publicity. However, we caution that, without specific evidence of publicity and its effects on a particular offender, the weight to be placed on publicity as a mitigating factor may be limited. » (Soulignement du Comité)
[50] Contrairement à ce que le procureur de l’agent Langlais a plaidé devant le
Comité, son client ne peut s’attribuer le mérite d’avoir donné au fils de M. Trudel,
M. Gérald Trudel, le privilège d’être allé au poste de police pour écouter
l’enregistrement des ondes radio de l’appel initial. C’est le supérieur de
l’agent Langlais, le lieutenant Jules Paré, qui lui a demandé de rencontrer
M. Gérald Trudel pour lui faire entendre l’enregistrement de cet appel. Étant en
position hiérarchique inférieure, l’agent Langlais pouvait difficilement refuser
d’agréer à cette demande. 25
Pièce SP-3. 26
R. c. Ewanchuk, [2002] ABCA 95.
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COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
[51] Les arguments du procureur de l’agent Langlais, que le Comité rapporte aux
paragraphes 22, 24 et 25, étonnent lorsque l’on considère qu’il ressort clairement
de la preuve qu’une bonne partie de ce que l’agent Langlais a déclaré au téléphone
à M. Gérald Trudel est un tissu de mensonges qui ne peut avoir été concocté que
dans le but de prévenir une plainte déontologique ou d’autres recours contre lui.
L’extrait suivant de la décision du Comité sur le fond en est une bonne illustration :
« [380] À la lumière de toute la preuve, il est clair pour le Comité que ce que l’agent Langlais dit à M. Gérald Trudel, durant une longue conversation téléphonique qui a été enregistrée à son insu, concernant des prétendues vérifications auprès d’une préposée de L’Anneau d’Or, est contraire à la vérité et ne peut absolument pas avoir été déclaré de bonne foi.
[381] Il est plus qu’improbable que, même plusieurs semaines après les événements, l’agent Langlais ne se soit pas souvenu du fait que les tentatives de joindre quelqu’un à L’Anneau d’Or aient été infructueuses.
[382] Ceci, de sorte que lorsqu’il dit, par exemple, ce qui suit, il sait pertinemment que ce qu’il dit n’est pas vrai, mais il déforme les faits, probablement dans l’espoir de prévenir des recours contre lui :
1. “On a double vérifié et puis triplement vérifié avec la dame au centre, puis elle nous dit ça, que c’est écrit dans le dossier.”
2. “[...] Lui, il disait habiter au Reflet, là on voulait être sûr que c’était la bonne personne. On a rappelé encore à l’Anneau d’Or, puis là ils m’ont confirmé oui, Yvon Trudel, plus date de naissance, il est supposé être ici, il ne peut pas sortir seul, j’ai dans mon dossier qu’il souffre de démence, puis de vous appeler si jamais il sort.”
3. “Oui oui, mais on a rappelé sur place, on lui a demandé : ‛Madame, monsieur nous dit qu’il a le droit de sortir, la répartitrice a rappelé. L’agente Audet est allée sur place : ‛Non, il n’a pas le droit de sortir, puis il faut qu’il vienne.’ ”
[383] Il va de soi que ceci porte atteinte à la crédibilité du témoignage que ce policier a rendu devant le Comité.
C-2010-3665-1 /17
COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
[384] Soulignons que durant cette même conversation téléphonique, l’agent Langlais déclare : “La dame, quand on lui a ramené, elle dit : ‛Il y va, mais il n’est pas capable de revenir tout seul.’ ”
[385] Le Comité n’accorde aucune crédibilité à cette déclaration qui ne concorde pas d’ailleurs avec les témoignages rendus par les agents Langlais et Audet devant le Comité. » (Références omises)
Chef 1 (ne s’est pas comporté de manière à préserver la confiance et la
considération que requièrent ses fonctions, à l’égard de M. Trudel, en posant
des actes fondés sur l’âge) (Article 5 du Code)
[52] Le Comité a conclu, dans sa décision sur le fond, que l’agent Langlais a fait
preuve d’incompétence grossière et de manque flagrant de jugement et dérogé à
l’article 5 du Code en posant les actes suivants, sur la base d’une présomption, vu
l’âge de M. Trudel, que l’information qui a été communiquée sur les ondes radio et
les commentaires émis par une serveuse, Mme Christiane Hébert, étaient fondés :
1. L’agent Langlais aborde M. Trudel en lui disant qu’il est ici pour le
ramener à son centre L’Anneau d’Or parce qu’il y a des gens là-bas qui
l’ont porté disparu parce qu’il ne peut pas sortir tout seul.
2. Il lui ordonne à plusieurs reprises de le suivre et le menace de recourir à
la force contre lui s’il ne le suit pas.
3. Il fait usage de la force à son endroit et l’oblige à sortir du restaurant
contre son gré.
C-2010-3665-1 /18
COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
[53] L’agent Langlais pose ces actes, sur la base de cette présomption, dans les
circonstances suivantes :
1. En n’ayant pas d’autre élément pour apprécier par lui-même le danger
qu’il pourrait y avoir pour M. Trudel de sortir seul, que le fait que
Mme Hébert lui ait dit « Il y a M. Trudel qui est là, des fois il est mêlé un
peu » ou « Il y a M. Trudel qui est là, il a l’air un peu perdu des fois » et
alors qu’il n’a posé aucune question à celle-ci pour avoir plus de détails
sur ce qui lui fait dire cela.
2. Sans avoir enquêté plus à fond sur l’information communiquée sur les
ondes radio, voulant que, selon une préposée de L’Anneau d’Or, une
résidence privée pour personnes âgées, une interdiction de sortir seul
aurait été inscrite au « dossier » de M. Trudel, « à la demande de son
fils », parce qu’« il pourrait y avoir du danger pour lui ».27
3. Alors qu’il ignore si un régime de protection a été ouvert à l’égard de
M. Trudel qui donnerait quelque droit que ce soit à son fils.
4. Alors que l’information apparemment contradictoire donnée sur les
ondes radio est qu’« il fait de l’errance », mais qu’il « n’a pas de
problème de mémoire » et qu’il « sait très bien » où il habite.28
5. Alors qu’il n’a rien constaté dans la conduite de M. Trudel à l’intérieur du
Plaza Déli qui puisse lui permettre de croire que son état mental pourrait
constituer un danger pour lui.
27
Voir la citation au paragraphe 19 de la décision sur le fond. 28
Ibid.
C-2010-3665-1 /19
COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
6. Il pose ces actes en public, dans un restaurant où il y a une cinquantaine
de clients, en majorité des personnes âgées, portant ainsi atteinte au
droit de M. Trudel à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de
sa réputation, un droit garanti par l’article 4 de la Charte des droits et
libertés de la personne29.
7. Alors qu’il aurait été facile pour un des deux policiers qui a répondu à cet
appel, c’est-à-dire, soit l’agent Langlais ou l’agente Olivia Audet, de se
rendre à la résidence L’Anneau d’Or, qui se trouvait juste en face du
restaurant, pour faire enquête.
8. Alors qu’il n’y a aucune urgence de sortir M. Trudel du restaurant où il le
trouve attablé et attendant son repas.
9. Alors que, vu l’âge de M. Trudel, le recours à la force comporte le risque
de conséquences fâcheuses sur sa santé, ne serait-ce qu’à cause des
émotions fortes que cela peut lui faire vivre.
10. Alors qu’il ne dispose d’aucune information sur la santé physique de
M. Trudel, un homme de 85 ans, ni sur ses antécédents médicaux.
[54] Le Comité réitère ce qu’il a dit aux sous-paragraphes suivants du
paragraphe 450 de sa décision sur le fond :
« 3. Quand bien même l’agent Langlais aurait eu des motifs raisonnables de croire que M. Trudel était la personne recherchée, il ne pouvait, après l’avoir trouvé, continuer de présumer de la véracité des informations qui ont été transmises à la police par une préposée de L’Anneau d’Or.
29
L.R.Q., c. C-12.
C-2010-3665-1 /20
COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
4. Pourtant, il ressort de la preuve et de ce qu’il déclare au téléphone à M. Gérald Trudel que c’est ce qu’il a fait. Le Comité souligne en passant qu’il considère très préoccupant qu’il laisse entendre à ce dernier que le fait de faire une telle présomption est une pratique courante et sa manière habituelle d’agir lorsqu’une disparition est signalée par une résidence pour personnes âgées.
5. L’agent Langlais avait le devoir de faire une enquête afin, non pas de poser un diagnostic sur l’état de santé de M. Trudel, mais d’être en mesure d’apprécier la dangerosité que le fait d’être sorti seul pouvait constituer pour lui.
6. Pour effectuer cette enquête, son devoir était tout d’abord de l’aborder et de lui parler de manière appropriée. Le Comité souligne en passant que l’aborder, en lui disant de but en blanc comme il l’a fait, qu’il est ici pour le ramener à son centre L’Anneau d’Or parce qu’il y a des gens là-bas qui l’ont porté disparu parce qu’il peut pas sortir tout seul, n’était évidemment pas une manière appropriée d’agir puisque, d’une part, il aurait dû adopter une attitude bienveillante et que, d’autre part, il indique par ces paroles qu’il a préjugé de son incapacité de sortir seul.
[…]
22. L’intérêt public est desservi lorsqu’un policier, tel que l’agent Langlais l’a fait à l’intérieur du Plaza Déli, agit par automatisme et de manière autoritaire lorsqu’il intervient auprès d’une personne âgée afin de la ramener à la résidence privée pour personnes âgées où elle habite, au lieu de faire enquête, par des moyens qui sont respectueux des droits de cette personne, afin d’être en mesure d’apprécier si le fait d’être sorti seul peut présenter un danger pour elle. » (Références omises)
[55] Le Comité se doit aussi de rajouter qu’il était du devoir de l’agent Langlais
d’aborder M. Trudel avec un esprit ouvert, ce qu’il n’a pas fait. Il y a lieu de citer, à
cet égard, les passages suivants de la décision du Comité sur le fond :
C-2010-3665-1 /21
COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
« [430] Aussitôt que l’agent Langlais obtient la confirmation que c’est bien un “Monsieur Trudel” qui est recherché, il dit à Mme Dandurand : “Oh, c’est beau, on va le ramener à la maison.”30
[431] Le fait de dire cela indique qu’il a présumé de la véracité des allégations qui ont été transmises à la police au sujet de M. Trudel, ce que, une fois ce dernier trouvé, il ne pouvait plus faire, son devoir étant au contraire de prendre le temps de faire enquête sur ces allégations. »
[56] Dans la détermination de la sanction à imposer pour le présent chef de la
citation, le Comité devra aussi tenir compte des circonstances suivantes :
1. L’agent Langlais est un jeune policier qui, au moment des événements,
soit le 5 juin 2009, a un peu moins de trois années d’expérience en tant
que policier. Ni son jeune âge ni son peu d’expérience ne constituent des
facteurs atténuants.
2. L’agent Langlais n’a pas exprimé de regrets devant le Comité pour sa
conduite.
3. Rien ne permet de croire qu’il a tiré une leçon de ces événements ou de
son expérience devant le Comité. À cet égard, les trois éléments qui
suivent ne sont pas faits pour rassurer le Comité, d’autant plus qu’ils
mettent en cause la probité de ce policier :
30
Voir au paragraphe 22 de la décision sur le fond la citation de cette conversation sur les ondes.
C-2010-3665-1 /22
COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
– (1) Lors de sa conversation téléphonique avec M. Gérald Trudel,
l’agent Langlais a déformé les faits, fort probablement dans l’objectif
de tenter de prévenir une plainte déontologique ou d’autres recours
contre lui. Le contenu des paragraphes 380 à 385 de la décision sur le
fond, que le Comité cite au paragraphe 51 de la présente décision, en
est une bonne illustration.
– (2) Non seulement l’agent Langlais n’a pas reconnu sa faute
déontologique devant le Comité, mais il a donné une version des faits
qui, à certains égards, est tellement incompatible avec ce qu’il a
déclaré à M. Gérald Trudel au téléphone31, que le Comité est
convaincu qu’elle ne peut refléter la vérité. Le Comité réfère en
particulier au contenu des paragraphes 386 à 390 de sa décision sur
le fond.
– (3) Lors de son témoignage sur le fond de la cause, l’agent Langlais
n’a pas reconnu que M. Trudel a été capable de donner sa date de
naissance, ce que le Comité interprète comme étant une tentative de
sa part d’occulter ce fait. Le Comité s’exprime sur ce sujet aux
paragraphes 370 à 374 de sa décision sur le fond.
[57] En posant des actes fondés sur l’âge de M. Trudel, l’agent Langlais a porté
atteinte aux droits fondamentaux de ce dernier, qui sont garantis par l’article 15 de
la Charte canadienne des droits et libertés de la personne32 et par l’article 10 de la
Charte des droits et libertés de la personne.
31
Pièce C-4-A. 32
Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (1982, R.-U., c. 11)].
C-2010-3665-1 /23
COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
[58] Les extraits pertinents de ces articles se lisent comme suit :
Charte canadienne des droits et libertés de la personne
« 15. (1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur […] l’âge […]. »
Charte des droits et libertés de la personne
« 10. Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur […] l’âge […].
Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit. »
[59] Le fait pour un policier de poser des gestes qui ne sont pas exempts de toute
discrimination constitue une faute déontologique qui ne peut être considérée que
comme très grave, puisqu’une telle conduite va à l’encontre des valeurs égalitaires
qui sont reconnues par les chartes et qui sont le fondement d’une société inclusive
et fondée sur la règle de droit.
[60] Poser des gestes en se fondant sur l’un des motifs de discrimination reconnu
par la Charte des droits et libertés de la personne, va d’ailleurs directement à
l’encontre des objectifs du Code, tels qu’ils sont décrits spécifiquement à son
troisième article que le Comité cite au paragraphe 37.
[61] En posant les actes décrits au paragraphe 52, sur la base d’une
présomption, vu l’âge de M. Trudel, que l’information qui a été communiquée sur les
ondes radio et les commentaires émis par une serveuse, Mme Hébert, étaient
fondés, l’agent Langlais a porté sérieusement atteinte à la confiance et à la
considération que requièrent ses fonctions. Le Comité devra aussi tenir compte de
cela dans son évaluation de la sanction à imposer à ce policier.
C-2010-3665-1 /24
COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
[62] Cette sanction devra permettre d’atteindre l’objectif de dissuader
l’agent Langlais de récidiver et elle devra aussi viser l’objectif de dissuasion
générale, afin de dissuader d’autres policiers d’adopter une conduite similaire à
celle de ce policier.
[63] En tenant compte de la gravité de l’infraction, du caractère dissuasif et
exemplaire que doit revêtir la sanction, des circonstances, du fait que
l’agent Langlais n’a pas d’antécédent déontologique et des décisions sur sanction
rendues par le Comité dans les affaires Pelletier33 et Fournier34, le Comité
considère que la recommandation formulée par la procureure du Commissaire est
bien fondée et qu’une suspension sans traitement de cinq jours ouvrables de
huit heures est juste et raisonnable pour cette infraction.
Chef 2 (ne s’est pas comporté de manière à préserver la confiance et la
considération que requièrent ses fonctions, à l’égard de M. Trudel, en lui
manquant de respect ou de politesse) (Article 5 du Code)
[64] Comme il ressort de sa décision sur le fond35, le Comité a conclu que, dans
les circonstances de la présente affaire, l’agent Langlais, par les conduites qui
suivent, a dérogé à l’article 5 du Code en manquant de respect et de politesse
envers M. Trudel :
1. En lui disant, de but en blanc, qu’il est ici pour le ramener à son centre
L’Anneau d’Or parce qu’il y a des gens là-bas qui l’ont porté disparu
parce qu’il ne peut pas sortir tout seul, ce qui laisse entendre qu’il a
préjugé de son incapacité de sortir seul et qui porte, par le fait même,
33
Commissaire c. Pelletier, C.D.P., C-2005-3275-2, 19 avril 2006. 34
Commissaire c. Fournier, C.D.P., C-2011-3722-2, 4 décembre 2012. 35
Voir les paragraphes 460, 461 et 463 de la décision sur le fond.
C-2010-3665-1 /25
COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
atteinte à son honneur, à sa dignité et à son amour-propre. Ceci,
soulignons-le, alors qu’il n’a pas discuté avec lui au préalable, afin
d’apprécier si son état mental pouvait présenter un danger pour lui.
2. En intervenant auprès de lui dès le départ de manière autoritaire, en lui
ordonnant de le suivre et en réitérant cet ordre à plusieurs reprises.
3. En prenant des airs de supériorité et de commandement pour lui parler.
[65] Pour ce qui est des circonstances dans lesquelles ce policier a adopté cette
conduite, le Comité réitère ce qu’il a dit au paragraphe 465 de sa décision sur le
fond, où il s’exprime comme suit :
« […] il y a lieu de rappeler que l’agent Langlais intervenait auprès d’une personne âgée, en public, que son intervention était motivée par des soupçons qu’il puisse être dangereux pour M. Trudel de retourner seul à sa résidence et non sur des motifs raisonnables de le croire, qu’il n’avait pas le droit d’ordonner à ce dernier de le suivre ni d’utiliser la force contre lui et qu’il n’y avait aucune urgence de le sortir du restaurant où il se trouvait. »
[66] Compte tenu de la connexité entre la conduite décrite au
premier sous-paragraphe du paragraphe 64 ci-dessus et celle visée par le
premier chef de la citation, la sanction que le Comité imposera pour le présent chef
ne visera que les conduites décrites aux sous-paragraphes 2 et 3 du
paragraphe 64.
[67] En tenant compte des faits et circonstances exposés au paragraphe 56, la
sanction qui sera imposée pour le présent chef de la citation doit avoir pour objectif
de dissuader l’agent Langlais de récidiver.
C-2010-3665-1 /26
COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
[68] Elle devra aussi viser l’objectif de dissuasion générale et refléter la
réprobation du Comité pour le manque de respect et de politesse envers une
personne âgée.
[69] Les sanctions imposées par le Comité en matière de manque de respect ou
de politesse s’échelonnent généralement entre l’avertissement et la suspension
sans traitement de deux jours.
[70] En tenant compte de la gravité de l’infraction, du fait que l’agent Langlais n’a
pas reconnu sa faute déontologique ni exprimé de regrets pour sa conduite, du
caractère dissuasif et exemplaire que doit revêtir la sanction, de toutes les
circonstances, du fait que l’agent Langlais n’a pas d’antécédent déontologique, de
la jurisprudence36 soumise par la procureure du Commissaire et de la décision
rendue par le Comité dans l’affaire Champagne37, le Comité estime que la
recommandation formulée par cette dernière est bien fondée et qu’une suspension
sans traitement d’une journée ouvrable de huit heures est une sanction juste et
raisonnable.
[71] La procureure du Commissaire suggère que cette sanction soit servie
concurremment à la sanction imposée pour le premier chef de la citation. Le Comité
ne donnera pas suite à cette recommandation vu le caractère distinct des fautes
reprochées sous les chefs 1 et 2 de la citation.
36
Précitée, note 5. 37
Commissaire c. Champagne, C.D.P., C-2010-3682-2, 29 février 2012.
C-2010-3665-1 /27
COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
Chef 3 (ne s’est pas comporté de manière à préserver la confiance et la
considération que requièrent ses fonctions, à l’égard de M. Trudel, en faisant
usage d’un langage injurieux à son endroit) (Article 5 du Code)
[72] Pour ce qui est du troisième chef de la citation, tel que le Comité en a conclu
dans sa décision sur le fond, l’agent Langlais a commis un acte dérogatoire à
l’article 5 du Code en tenant un langage « injurieux » à l’endroit de M. Trudel, au
sens de « traiter injustement, faire tort »38, en disant à Mme Carrier « Savez-vous
qu’il est en danger de mort quand il n’est pas dans son centre? », dans les
circonstances suivantes :
1. Alors qu’il ne détenait pas objectivement de motifs raisonnables lui
permettant de faire une telle affirmation.
2. Alors que M. Trudel lui paraissait « lucide » et « tout à fait alerte », tel
qu’il le reconnaît durant sa conversation téléphonique39 avec
M. Gérald Trudel, soit, plus particulièrement, dans les extraits de cette
conversation qui sont cités au paragraphe 389 de la décision sur le fond.
3. Alors qu’il n’était même pas sûr que M. Trudel était bel et bien la
personne qui avait été portée disparue par L’Anneau d’Or et qu’il
s’inquiétait du fait d’avoir possiblement fait usage de la force contre la
mauvaise personne. Rappelons qu’il s’en exprime de la manière suivante
à la préposée de l’UGA : « OK, c’est pas pratique parce que moi je me
suis tiraillé avec un M. Trudel sauf que c’est peut-être pas le bon. »40
38
Voir la définition du mot « injure » dans Le Petit Robert de la langue française 2006, p. 1367. 39
Pièce C-4-A. 40
Pièce C-2-A, p. 12.
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COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
[73] Soulignons que les paroles « Savez-vous qu’il est en danger de mort quand
il n’est pas dans son centre? » ont été prononcées par l’agent Langlais lorsqu’il est
revenu à l’intérieur du restaurant, 15 à 20 minutes après que Mme Carrier lui ait
remis son permis de conduire.
[74] Le Comité réitère ce qu’il a dit au paragraphe 516 de sa décision où il
s’exprime comme suit :
« En affirmant, par cette question et dans ces circonstances, que M. Trudel “est en danger de mort quand il n’est pas dans son centre”, l’agent Langlais a démontré une insouciance totale à l’égard du droit de M. Trudel à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation, qui sont des droits garantis par l’article 4 de la Charte des droits et libertés de la personne. » (Référence omise)
[75] Il ressort du témoignage de Mme Carrier que c’est à haute voix et « devant
tout le monde » que l’agent Langlais lui a demandé : « Savez-vous qu’il est en
danger de mort quand il n’est pas dans son centre? » Ce qui constituait non
seulement une atteinte aux droits mentionnés au paragraphe qui précède, mais
aussi une atteinte à la vie privée de M. Trudel, qui est un droit garanti par l’article 5
de la Charte des droits et libertés de la personne.
[76] Le Comité estime probable qu’il ait prononcé ces paroles injurieuses à haute
voix, non seulement afin de culpabiliser publiquement Mme Carrier pour s’être
immiscée dans son intervention auprès de M. Trudel, mais aussi dans le but de
justifier son recours à la force aux yeux des personnes qui en ont été témoins.
[77] Dans les circonstances décrites au paragraphe 72, cette conduite est
d’autant plus mauvaise et répréhensible.
[78] Elle va à l’encontre du devoir qu’avait l’agent Langlais de respecter les droits
de M. Trudel et elle porte atteinte à la confiance et à la considération que requiert
sa fonction.
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COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
[79] En tenant compte des faits et circonstances exposés au paragraphe 56, la
sanction qui sera imposée pour le présent chef de la citation doit avoir pour objectif
de dissuader l’agent Langlais de récidiver.
[80] Elle devra aussi viser l’objectif de dissuasion générale afin de dissuader
d’autres policiers d’adopter une telle conduite.
[81] Les sanctions imposées par le Comité pour l’usage d’un langage injurieux
varient généralement entre l’avertissement et la suspension sans traitement de trois
jours.
[82] En tenant compte de la gravité de l’infraction, du caractère dissuasif et
exemplaire que doit revêtir la sanction, de toutes les circonstances, du fait que
l’agent Langlais n’a pas d’antécédent déontologique, de la jurisprudence41 soumise
par la procureure du Commissaire et de la décision rendue par le Comité dans
l’affaire Champagne42, le Comité estime que la recommandation formulée par cette
dernière est bien fondée et qu’une suspension sans traitement d’une journée
ouvrable de huit heures est une sanction juste et raisonnable.
[83] La procureure du Commissaire suggère que cette sanction soit imposée de
façon concurrente aux sanctions pour les premier et deuxième chefs.
[84] Le Comité ne retient pas cette suggestion vu l’absence de connexité entre le
fait que l’agent Langlais ait dit à Mme Carrier, dans les circonstances décrites aux
paragraphes 72 et 73, « Savez-vous qu’il est en danger de mort quand il n’est pas
dans son centre? », et les conduites visées par les premier ou deuxième chefs de la
citation que l’agent Langlais a eu envers M. Trudel à l’intérieur du restaurant.
41
Précitée, note 5. 42
Précitée, note 37.
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COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
Chef 4 (n’a pas respecté l’autorité de la loi, à l’égard de M. Trudel, en usant de
la force sans droit contre lui) (Article 7 du Code)
[85] Le Comité a conclu de la preuve que l’agent Langlais a commis un acte
dérogatoire à l’article 7 du Code en usant de la force sans droit à l’encontre de
M. Trudel.
[86] Voici en quoi consiste la force dont il a fait usage :
1. « Pour faire sortir M. Trudel de force de la banquette sur laquelle il est
assis, il place sa main gauche au-dessus du coude de ce dernier, tient de
sa main droite son poignet, puis il tire vers l’extérieur en augmentant
graduellement la force. Suivant l’expression utilisée par l’agent Langlais,
la résistance physique de M. Trudel, est “impressionnante pour une
personne de son âge”. Au lieu de reconsidérer sa décision de faire usage
de la force contre lui, il augmente le degré de force qu’il utilise, jusqu’à ce
qu’il réussisse à avoir le dessus sur lui. »43 Selon la version donnée par
l’agent Langlais, ce premier épisode se passe en deux temps.
2. Il prend M. Trudel sous les aisselles et le traîne à reculons jusqu’au
corridor. Ce deuxième épisode se passe aussi en deux temps, se situant
avant et après l’intervention de Mme Carrier.
[87] L’agent Langlais a eu recours à cette force sans droit dans les circonstances
suivantes :
1. Contre un homme de 85 ans, dont, par surcroît, il ignore l’état de santé
physique. Tout ceci, au risque de conséquences fâcheuses sur sa santé,
ne serait-ce qu’à cause des émotions fortes que cela peut lui faire vivre. 43
Sous-paragraphe 2 du paragraphe 467 de la décision sur le fond du Comité.
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COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
2. Alors qu’il n’y a aucune urgence de ramener M. Trudel à la résidence
privée pour personnes âgées d’où il est sorti pour aller manger dans un
restaurant.
3. Alors qu’il n’a pas de motifs raisonnables de croire qu’il est bel et bien la
personne recherchée par cette résidence.
4. Alors qu’il n’a pas abordé M. Trudel de la bonne manière44 et qu’il lui a
parlé de façon autoritaire, ce qui n’était pas une façon de faire qui était
appropriée dans les circonstances.
5. Sans avoir fait une enquête afin, non pas de poser un diagnostic sur l’état
de santé de M. Trudel, mais d’être en mesure d’apprécier la dangerosité
que pouvait constituer pour lui le fait d’être sorti seul.
6. En n’ayant pas d’autre élément pour apprécier par lui-même le danger
qu’il pourrait y avoir pour M. Trudel de sortir seul, que le fait qu’une
serveuse, Mme Hébert, ait dit de ce dernier « des fois il est mêlé un peu »
ou « il a l’air un peu perdu des fois », et sans avoir questionné davantage
celle-ci pour avoir plus de détails.
7. Sans avoir enquêté plus à fond l’interdiction de sortir seul qui, selon une
préposée de L’Anneau d’Or, aurait été inscrite au « dossier » de
M. Trudel, « à la demande de son fils », parce qu’« il pourrait y avoir du
danger pour lui ».
8. Alors qu’il ignore si un régime de protection a été ouvert à l’égard de
M. Trudel qui donnerait quelque droit que ce soit à son fils.
44
Voir le sous-paragraphe 6 du paragraphe 450 de la décision sur le fond du Comité.
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COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
9. Alors que l’information apparemment contradictoire donnée sur les ondes
est qu’« il fait de l’errance », mais qu’il « n’a pas de problème de
mémoire » et qu’il « sait très bien » où il habite.
10. Alors qu’il aurait été facile pour l’agent Langlais d’aller à la résidence
L’Anneau d’Or, qui se trouvait juste en face du restaurant, pour y faire
enquête, ou d’y envoyer l’agente Audet qui était dans les parages.
11. Alors que ce policier n’a rien constaté dans la conduite de M. Trudel qui
puisse lui permettre de croire que son état mental pourrait constituer un
danger pour lui.
12. Alors qu’il n’a pas de motifs raisonnables de croire que l’état mental de
M. Trudel peut présenter un danger pour lui.
13. Alors que M. Trudel n’est visiblement pas dans une situation de danger
immédiat puisqu’il le trouve attablé dans un restaurant et attendant son
repas.
14. Dans un restaurant bondé dont la clientèle est composée en majorité de
personnes âgées, ce qui n’a pas manqué de choquer les employées et
les clients de ce restaurant qui en ont été témoins.
[88] Dans l’évaluation de la sanction à imposer à l’agent Langlais, le Comité
tiendra compte du fait qu’il n’est pas en présence dans la présente affaire d’un
geste isolé ou spontané, mais plutôt d’un usage de la force sans droit qui s’est
déroulé en plusieurs séquences, sur une période assez longue pour permettre à
l’agent Langlais de faire preuve de sens commun et de revenir sur sa décision de
sortir M. Trudel du restaurant par la force.
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COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
[89] Le Comité tiendra aussi compte du fait que l’agent Langlais a persisté dans
son obstination à vouloir faire usage de la force dans les circonstances suivantes :
1. Malgré le fait que M. Trudel résistait de toutes ses forces lorsqu’il
essayait de le faire sortir de la banquette où il était assis.
2. Même après que M. Trudel ait manifesté des signes de malaises
physiques.
3. Malgré l’intervention de Mme Carrier.
[90] Il va de soi que le fait que M. Trudel ait résisté à la force qui était exercée
contre lui, au moment où il était attablé, ne peut constituer un facteur atténuant,
puisque l’agent Langlais a eu recours à la force contre lui sans droit.
[91] Rappelons que, après être intervenu auprès de Mme Carrier, l’agent Langlais
retourne voir M. Trudel qui est au sol, pose une main sur son épaule et lui demande
si tout va bien.
[92] Comme ce dernier réplique « Toi, lâche-moi! », et bien qu’il ne lui ait pas
demandé s’il se sent assez bien pour se lever et marcher par lui-même, il le prend
sous les aisselles et le traîne à reculons vers la sortie du restaurant, manifestant,
entre autres, par cette manœuvre, un manque total de respect pour les droits
fondamentaux de M. Trudel et une ignorance grossière des règles applicables en
matière d’emploi de la force.
[93] En faisant usage de la force sans droit, à l’encontre de M. Trudel, dans les
circonstances décrites plus haut, l’agent Langlais a porté atteinte aux droits
fondamentaux suivants de celui-ci :
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COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
Le droit à l’intégrité physique, à la liberté et à la sécurité de sa
personne45;
Le droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa
réputation46.
[94] Il ne fait pas de doute que cette intervention physique a dû être une
expérience émotionnellement très éprouvante et humiliante pour M. Trudel, d’autant
plus qu’elle se déroulait à l’intérieur d’un restaurant bondé où il était connu. Le
Comité en tiendra compte dans son évaluation de la sanction.
[95] En tenant compte des faits et circonstances exposés au paragraphe 56, la
sanction qui sera imposée pour le présent chef de la citation doit avoir pour objectif
de dissuader l’agent Langlais de récidiver.
[96] Le Comité constate que dans aucune des décisions47 qui lui ont été
soumises par les procureurs des parties il n’a été question du recours à la force à
l’encontre d’une personne âgée. Il semble d’ailleurs qu’il n’y ait aucun précédent de
la sorte dans la jurisprudence du Comité.
[97] Le Comité constate aussi que plusieurs des décisions qui lui ont été
soumises par le procureur de l’agent Langlais portent sur l’usage d’une force plus
grande que nécessaire, dans des circonstances où le policier était en droit de faire
usage de la force, ce qui doit être distingué de la présente affaire puisque rien ne
justifiait l’utilisation de la force contre M. Trudel.
45
Charte canadienne des droits et libertés, article 7 et Charte des droits et libertés de la personne, article 1.
46 Charte des droits et libertés de la personne, article 4.
47 Procureure du Commissaire : note de bas de page 6 et procureur du policier : notes de bas de
page 11 à 19.
C-2010-3665-1 /35
COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
[98] Lorsque l’utilisation de la force sans droit est en cause, les sanctions
imposées par le Comité consistent généralement en des suspensions sans
traitement dont la durée varie en fonction des circonstances particulières à chaque
cas.
[99] La procureure du Commissaire suggère d’imposer une suspension de
cinq jours tandis que le procureur de l’agent Langlais suggère plutôt une
suspension de trois jours.
[100] Les personnes âgées appartiennent à une catégorie de citoyens qui, du fait
de leur plus grande vulnérabilité physique que la moyenne de la population, doivent
être protégés. Le recours à la force sans droit à l’encontre d’une de ces personnes
est une conduite qui se situe à un haut niveau de gravité.
[101] La sanction qui sera choisie pour le présent chef de la citation doit refléter la
réprobation du Comité pour une telle conduite et envoyer un message clair de
dissuasion générale.
[102] Notons que dans l’affaire Daoust48, le Comité a imposé trois jours ouvrables
de suspension sans traitement à titre de sanction au policier intimé dans les
circonstances suivantes :
« [13] La conduite de l’agent Daoust a été trouvée dérogatoire parce que celui-ci a saisi la plaignante qui était immobile sur le trottoir, l’a amenée au sol et l’a menottée en employant une force plus grande que celle nécessaire pour ce faire.
[14] Il est vrai que la plaignante avait déjà entravé le travail policier mais en aucun moment, elle n’a menacé sa sécurité. De plus, la plaignante avait déjà obéi à deux reprises au policier.
48
Précitée, note 16.
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COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
[15] La plaignante est une jeune fille au gabarit nettement inférieur à celui du policier, elle était en état d’ébriété, n’avait absolument rien dans les mains et ne faisait preuve d’aucune agressivité vis-à-vis du policier au moment où ce dernier a utilisé la force à son égard. L’intervention policière était terminée et la sécurité de l’agent Daoust n’était d’aucune façon menacée. Certes, la patience du policier avait été mise à l’épreuve mais celui-ci devait se contrôler et faire preuve de jugement dans les circonstances. »
[103] Dans l’affaire Lafrance49, le Comité impose cinq jours ouvrables de
suspension sans traitement à l’agent Alexandre Lafrance pour son usage de la
force en résumant les faits comme suit :
« [7] Les deux policiers prétextent la commission d’une infraction à la réglementation municipale sur les chiens pour intercepter un individu qui avait passé un commentaire sur l’habillement qu’ils portaient dans le contexte des moyens de pression des policiers. Au moment de son interception, cet individu marchait sur le trottoir en tenant son chien en laisse. Sortant rapidement de leur auto-patrouille, les deux policiers le maîtrisent avec force, le couchent sur le capot de l’auto-patrouille, lui passent les menottes et l’arrêtent sans droit et de façon abusive. […] »
[104] Dans cette décision, qui date de presque 10 ans, le Comité fait les
commentaires suivants qu’il y a lieu de réitérer :
« [36] La protection du public exige du Comité une vigilance en ces matières puisque le public ne pourra être efficacement protégé que par des services policiers au sein desquels se retrouveront des normes élevées de services à la population et de conscience professionnelle dans le respect des droits et libertés de la personne. (Référence omise)
[37] À maintes reprises, le Comité a réitéré la nécessité, pour les policiers, de se comporter de manière à ne pas ternir la fonction policière et à bien saisir les limites de leurs pouvoirs, lesquels doivent toujours être utilisés avec circonspection. Vraisemblablement ce message n’est pas encore bien compris. »
49
Précitée, note 15.
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COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
[105] En tenant compte de la gravité de l’infraction, du fait que l’agent Langlais n’a
pas reconnu sa faute déontologique ni exprimé de regrets pour sa conduite, du
caractère dissuasif et exemplaire que doit revêtir la sanction, de toutes les
circonstances dont le motif à l’origine de l’intervention auprès de M. Trudel, du fait
que l’agent Langlais n’a pas d’antécédent déontologique, de toute la jurisprudence
soumise par les parties50 dont, en particulier, les décisions rendues dans les
affaires Daoust et Lafrance citées plus haut, le Comité ne croit pas que la sanction
suggérée par le procureur de l’agent Langlais soit proportionnelle à la gravité de la
faute de ce dernier, ni qu’elle envoie un message suffisamment dissuasif.
[106] Il estime plutôt que la recommandation formulée par la procureure du
Commissaire, soit une suspension sans traitement de cinq jours ouvrables de
huit heures, est une sanction juste et raisonnable et il l’adopte. Cette sanction devra
être purgée consécutivement à la sanction imposée pour le troisième chef de la
citation.
Chef 6 (n’a pas respecté les droits de M. Trudel qui était sous sa garde, en
étant négligent ou insouciant à l’égard de la santé de celui-ci) (Article 10 du
Code)
[107] Selon le témoignage de l’agent Langlais, lorsqu’il menace M. Trudel d’utiliser
la force contre lui s’il ne le suit pas, celui-ci répond : « Va chercher ta gang, je
partirai pas avec toi, je m’en irai pas d’ici. »
50
Procureure du Commissaire : voir note de bas de page 6 et procureur de l’agent Langlais : voir notes de bas de page 11 à 19.
C-2010-3665-1 /38
COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
[108] C’est immédiatement après cela qu’il commence à faire usage de la force
contre M. Trudel. Ceci, alors que ce dernier lui avait dit et répété qu’il refusait de le
suivre, de sorte qu’il était prévisible qu’il résiste physiquement à l’usage de la force
contre lui, avec tous les risques que cela pouvait comporter pour sa santé vu son
âge.
[109] Dans sa décision sur le fond, le Comité a conclu que, par la conduite décrite
au paragraphe 467, l’agent Langlais a dérogé à l’article 10 du Code en étant
négligent ou insouciant à l’égard de la santé de M. Trudel.
[110] Ce paragraphe se lit comme suit :
« [467] Les faits suivants ont été établis par prépondérance :
1. L’agent Langlais intervient physiquement auprès de M. Trudel, un homme de 85 ans, sans connaître son état de santé physique et alors qu’il n’y avait pas d’urgence justifiant le recours à la force contre lui.
2. Pour faire sortir M. Trudel de force de la banquette sur laquelle il est assis, il place sa main gauche au-dessus du coude de ce dernier, tient de sa main droite son poignet, puis il tire vers l’extérieur en augmentant graduellement la force. Suivant l’expression utilisée par l’agent Langlais, la résistance physique de M. Trudel, est “impressionnante pour une personne de son âge”. Au lieu de reconsidérer sa décision de faire usage de la force contre lui, il augmente le degré de force qu’il utilise, jusqu’à ce qu’il réussisse à avoir le dessus sur lui.
3. Après que l’agent Langlais ait réussi à sortir M. Trudel de la banquette sur laquelle il était assis, ce dernier manifeste les signes de malaises physiques qui ont été décrits par Mmes Hébert et Carrier à l’audience, ce que ce policier constate lui-même.
– Le Comité considère que, dans ces circonstances, considérant les émotions fortes que M. Trudel vivait et le fait qu’il venait, à son âge, de résister de toutes ses forces à l’emploi de la force à son endroit,
C-2010-3665-1 /39
COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
l’agent Langlais ne pouvait raisonnablement croire, tel qu’il l’a prétendu durant sa conversation avec M. Gérald Trudel, que M. Trudel a fait semblant de se sentir mal :
“Là où je l’ai soulevé là, c’est quand il a faibli. Je ne suis pas sûr que c’était vraiment réaliste là. […] Je pense qu’il m’a fait un peu de comédie, mais… c’est ça. Il a comme voulu tomber par terre là, je l’ai pris par à brasse-corps, je l’ai soulevé, je l’ai traîné jusqu’au corridor. […]”
4. Lorsque, après être intervenu auprès de Mme Carrier, l’agent Langlais retourne auprès de M. Trudel qui est assis sur le sol, il voit qu’il est un petit peu essoufflé. Il pose une main sur son épaule et lui demande si tout va bien et M. Trudel réplique : “Toi, lâche-moi”.
5. L’agent Langlais témoigne du fait qu’il déduit de cette réponse que ce dernier n’est pas en difficulté et qu’il le reprend sous les aisselles et le traîne à reculons. Comme il l’a souligné plus haut, le Comité considère que l’agent Langlais ne pouvait raisonnablement déduire de cette réaction de rejet à l’égard de son geste, qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter de l’état de santé de M. Trudel.
6. Après que l’agent Langlais ait traîné M. Trudel jusqu’au corridor qui, selon ce policier, “est déterminé par le début des banquettes”, comme il voit “que monsieur est mou mais qu’il se laisse faire, pis qu’il est capable de se tenir debout”, il le soulève et le remet sur ses pieds en lui disant : “Là, c’est assez on sort!” Lorsqu’il le fait, il constate qu’ “ il était essoufflé un petit peu”.
– Là encore, l’agent Langlais tire des déductions déraisonnables en interprétant le fait que M. Trudel soit mou et qu’il se laisse faire comme étant de la résistance passive, alors que c’est lui qui a entrepris, manu militari, de le traîner à reculons en le prenant sous les aisselles lorsqu’il lui a dit de le lâcher, plutôt que de lui demander de marcher.
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COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
– D’une part, laisser ses talons traîner à terre et se laisser faire était la façon la plus sécuritaire d’agir dans les circonstances. D’autre part, selon le témoignage de Mme Carrier, que le Comité estime crédible, M. Trudel avait la tête penchée et n’avait pas l’air de bien se porter.
– Comme il l’a déjà dit plus haut (voir paragraphe 403), le Comité n’est pas convaincu de la crédibilité du témoignage de l’agent Langlais voulant que, lorsqu’il dit à M. Trudel “Là, c’est assez, on sort!”, ce dernier lui répond “Toi, touche-moi pas, je vas sortir tout seul”, non plus que de la crédibilité de la version qu’il donne au téléphone à M. Gérald Trudel, voulant qu’il ait demandé à M. Trudel si tout allait bien et que ce dernier lui ait répondu par l’affirmative.
7. L’agent Langlais a ordonné à M. Trudel de marcher et l’a fait marcher, malgré le fait qu’il avait fait de gros efforts physiques, qu’il était essoufflé, qu’il avait manifesté des signes de malaise physique dans le restaurant et qu’il était émotionnellement sous le choc de ce qu’il venait de vivre dans un restaurant bondé où il était connu.
8. L’agent Langlais n’a pas informé l’agente Audet du fait que M. Trudel a manifesté des signes de malaise physique à l’intérieur du restaurant Plaza Déli, bien qu’il les ait laissés seuls à deux reprises pour aller parler à Mme Carrier.
9. Il n’en a pas non plus informé la préposée de L’Anneau d’Or qui a accueilli M. Trudel, se contentant de lui dire qu’il a résisté à ce qu’on le ramène. » (Références omises)
[111] En agissant ainsi l’agent Langlais a fait preuve de manque flagrant de
jugement et d’incompétence grossière. Ceci, d’autant plus que cette conduite
constituait en elle-même un risque pour la santé de M. Trudel, vu son âge, ne
serait-ce qu’à cause des émotions fortes que cela lui faisait vivre.
[112] Dans son évaluation de la sanction, le Comité tiendra compte du fait que
l’agent Langlais a persisté dans son comportement négligent ou insouciant à l’égard
de la santé de M. Trudel malgré l’intervention de Mme Carrier.
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COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
[113] En tenant compte des faits et circonstances exposés au paragraphe 56, la
sanction qui sera imposée pour le présent chef de la citation doit avoir pour objectif
de dissuader l’agent Langlais de récidiver.
[114] Le fait pour un policier d’être négligent ou insouciant à l’égard de la santé
d’une personne âgée, auprès de laquelle il intervient, est une conduite qui se situe
à un niveau élevé de gravité puisqu’elle met en cause les droits à la vie et à la
sécurité qui sont garantis par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et
libertés et par l’article 1 de la Charte des droits et libertés de la personne et
puisqu’une telle conduite va à l’encontre des objectifs du Code qui « […] vise à
assurer une meilleure protection des citoyens et citoyennes en développant au sein
des services policiers des normes élevées de services à la population et de
conscience professionnelle […] »51
[115] La sanction qui sera choisie pour le présent chef de la citation doit refléter la
réprobation du Comité pour une telle conduite et envoyer un message clair de
dissuasion générale.
[116] La procureure du Commissaire suggère au Comité d’imposer une
suspension sans traitement de cinq jours ouvrables, à être purgée de façon
consécutive à la sanction imposée pour le quatrième chef de la citation.
[117] Le procureur de l’agent Langlais suggère d’imposer plutôt un jour ouvrable
de suspension sans traitement à être purgé de manière concurrente à la sanction
pour le quatrième chef de la citation.
51
Article 3 du Code.
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COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
[118] Le Comité considère qu’il n’y a pas lieu pour lui de retenir la suggestion du
procureur de l’agent Langlais d’imposer la sanction pour les chefs 4 et 6 de manière
concurrente, puisque les fautes reprochées par ces deux chefs sont distinctes.
[119] Les sanctions imposées par le Comité pour la négligence ou l’insouciance à
l’égard de la santé d’un individu sous la garde d’un policier s’échelonnent entre la
réprimande et la suspension sans traitement d’une durée pouvant aller jusqu’à
60 jours, selon les circonstances de l’affaire. Cependant, aucune des décisions
antérieures du Comité ne concerne des faits similaires à ceux en l’espèce.
[120] Dans l’affaire Stante52, qui peut constituer un point de repère au niveau de la
sanction pour ce type d’infraction, le Comité a imposé une journée de suspension
sans traitement à deux policiers pour avoir transporté un détenu vers un centre
hospitalier sans lui avoir attaché sa ceinture de sécurité.
[121] Dans cette décision, il impose aussi aux mêmes policiers une suspension
sans traitement de 25 jours pour avoir démontré de la négligence et de
l’insouciance en omettant volontairement d’informer l’infirmière qui les a accueillis à
l’urgence, que leur détenu a reçu des coups de poing à la figure.
[122] Tout ceci étant dit, en tenant compte de la gravité de l’infraction, du caractère
dissuasif et exemplaire que doit revêtir la sanction, de toutes les circonstances dont
le motif à l’origine de l’intervention de l’agent Langlais auprès de M. Trudel, du fait
que l’agent Langlais n’a pas d’antécédent déontologique et, enfin, de la
jurisprudence soumise par la procureure du Commissaire53, le Comité estime que
52
Commissaire c. Stante, C.D.P., C-2004-3210-3, 4 février 2009. 53
Précitée, note 7.
C-2010-3665-1 /43
COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
la recommandation formulée par cette dernière, soit une suspension sans
traitement de cinq jours ouvrables de huit heures, à être purgée de façon
consécutive à la sanction imposée pour le quatrième chef de la citation, est une
sanction juste et raisonnable et il l’entérine.
Chef 7 (a abusé de son autorité, à l’égard de Mme Carrier, en l’intimidant)
(Article 5 du Code)
[123] Par les agissements décrits au paragraphe 487 de la décision du Comité,
l’agent Langlais a abusé de son autorité à l’égard de Mme Carrier en l’intimidant, ce
qui porte atteinte à la confiance et à la considération que requiert la fonction
policière et constitue une infraction à l’article 5 du Code.
[124] Il y a lieu de citer ce paragraphe où le Comité a souligné la conduite qui
constitue de l’intimidation :
« [487] Le Comité retient les éléments suivants de la preuve :
1. Lorsque Mme Carrier s’interpose dans l’intervention physique qui a cours auprès de M. Trudel, l’agent Langlais ne se contente pas de lui ordonner de cesser de le faire, il lui dit qu’il peut la faire arrêter pour entrave au travail d’un policier;
2. Après avoir confié M. Trudel à l’agente Audet, l’agent Langlais retourne dans le restaurant et crie : “Je veux parler à la serveuse blonde!” Lorsque Mme Carrier vient à sa rencontre, il lui demande ses pièces d’identité, puis il quitte le restaurant avec son permis de conduire.
C-2010-3665-1 /44
COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
3. Lorsque l’agent Langlais revient dans le restaurant pour remettre à Mme Carrier son permis de conduire, il lui souligne à nouveau qu’il peut la faire arrêter pour entrave au travail d’un agent de la paix. Elle lui demande : “Est-ce que vous allez le faire?” Il lui répond : “Ça dépend comment ça se passe dehors.” Il laisse donc, par cette réponse, planer la possibilité que des accusations pour entrave au travail d’un agent de la paix soient portées contre elle. »
[125] L’agent Langlais a intimidé ainsi Mme Carrier, sachant qu’elle s’est interposée
pour porter secours à M. Trudel, un homme âgé qui manifestait les signes de
malaises physiques qui ont été décrits par Mme Hébert54 et par Mme Carrier55 à
l’audience sur le fond.
[126] Ceci, dans le contexte où le fait de porter secours à une personne en danger
peut être une obligation légale, tel qu’il ressort des dispositions suivantes de la
Charte des droits et libertés de la personne et du Code civil du Québec56 :
Charte des droits et libertés de la personne
« 2. Tout être humain dont la vie est en péril a droit au secours.
Toute personne doit porter secours à celui dont la vie est en péril, personnellement ou en obtenant du secours, en lui apportant l’aide physique nécessaire et immédiate, à moins d’un risque pour elle ou pour les tiers ou d’un autre motif raisonnable. » (Soulignement du Comité)
54
Voir les paragraphes 62 et 64 de la décision sur le fond. 55
Voir les paragraphes 79, 81 et 82 de la décision sur le fond. 56
L.Q. 1991, c. 64.
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COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
Code civil du Québec
« ART. 1471 La personne qui porte secours à autrui ou qui, dans un but désintéressé, dispose gratuitement de biens au profit d’autrui est exonérée de toute responsabilité pour le préjudice qui peut en résulter, à moins que ce préjudice ne soit dû à sa faute intentionnelle ou à sa faute lourde. »
[127] Lorsque l’agent Langlais revient dans le restaurant, 15 à 20 minutes après
que Mme Carrier lui ait remis son permis de conduire, il lui dit à nouveau qu’il peut la
faire arrêter pour entrave au travail d’un agent de la paix et, bien qu’elle se soit
excusée auprès de lui en disant « Je m’excuse, j’aurais pas dû intervenir. Moi c’est
mon cœur de mère qui a parlé », il laisse planer la possibilité que de telles
accusations puissent ultérieurement être portées contre elle. Le tout, dans les
circonstances suivantes :
1. Alors qu’il n’est pas sûr que M. Trudel est bien la personne recherchée
par la résidence L’Anneau d’Or et qu’il est inquiet du fait d’avoir
possiblement recouru à la force à l’encontre de la mauvaise personne.
Rappelons qu’il s’en exprime de la manière suivante à la préposée de
l’UGA : « OK, c’est pas pratique parce que moi je me suis tiraillé avec un
M. Trudel sauf que c’est peut-être pas le bon. »
2. Alors que non seulement il n’a jamais eu de motifs raisonnables de croire
que l’état mental de M. Trudel pouvait présenter un danger pour lui, mais
il lui parait « lucide » et « tout à fait alerte » tel qu’il le reconnaît durant sa
conversation téléphonique avec M. Gérald Trudel57, ce qui ne peut
qu’augmenter ses craintes quant à la légalité de son intervention
physique.
57
Voir le paragraphe 389 de la décision sur le fond.
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COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
[128] Pour le présent chef, ni le jeune âge de l’agent Langlais ni son peu
d’expérience ne constituent des facteurs atténuants.
[129] Dans les circonstances qui suivent, la sanction qui sera choisie pour la
présente infraction doit avoir pour objectif de dissuader ce policier de récidiver :
1. L’agent Langlais n’a pas exprimé de regrets devant le Comité pour sa
conduite.
2. Rien ne permet de croire qu’il a tiré une leçon de ces événements ou de
son expérience devant le Comité.
[130] Pour ce septième chef de la citation, la procureure du Commissaire
recommande au Comité d’imposer à l’agent Langlais une suspension sans
traitement d’un jour ouvrable, à être purgée consécutivement à la sanction imposée
pour le chef 6.
[131] Le procureur de l’agent Langlais suggère plutôt de lui imposer un blâme.
[132] Le Comité a pris connaissance de la jurisprudence soumise par la
procureure du Commissaire58 au soutien de sa recommandation.
[133] Les sanctions imposées par le Comité pour l’intimidation se situent entre un
avertissement et une période de suspension sans traitement dont la durée varie en
fonction des circonstances de l’affaire.
58
Précitée, note 8.
C-2010-3665-1 /47
COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
[134] Il n’y a pas de décisions antérieures du Comité portant sur un cas semblable
à la présente affaire. Le Comité estime cependant que les décisions rendues dans
les affaires Clément59 et Franco60 peuvent nous servir de guide.
[135] Dans l’affaire Clément61, le Comité a imposé une suspension sans traitement
de trois jours ouvrables au policier, pour avoir demandé au passager d’une
automobile son permis de conduire sur un ton qui ne laissait pas de place au refus,
alors qu’il savait que ce dernier n’avait pas à s’identifier puisqu’il n’était pas le
conducteur et qu’il n’avait commis aucune infraction.
[136] Il est à noter que dans l’affaire Laberge62, c’est plutôt une journée de
suspension sans traitement que le Comité a imposé à deux policiers pour le fait
d’avoir demandé au passager d’une automobile de s’identifier, alors qu’ils savaient
ou auraient dû savoir qu’ils n’avaient aucune autorité pour le faire.
[137] Dans l’affaire Franco63, le policier intercepte légalement le véhicule conduit
par le plaignant afin de vérifier son certificat d’immatriculation et son permis de
conduire et il lui demande si le véhicule lui appartient. Le plaignant répond par la
négative et lui remet ces documents. Ceux-ci en mains, l’agent Franco demande au
plaignant si le véhicule est volé. Le plaignant mentionne le fait qu’il est en
possession de la clé de l’automobile et suggère à ce policier de retourner à son
véhicule pour enquêter sur la plaque. Ce dernier réplique « Tu veux me niaiser? On
finit à minuit. On va faire du temps supplémentaire », indiquant par là au plaignant
que son manque de collaboration aura pour conséquence un long délai pendant les
vérifications.
59
Commissaire c. Clément, C.D.P., C-93-1232-1, 18 mai 1994. 60
Commissaire c. Franco, C.D.P., C-2007-3419-2, 22 février 2008. 61
Précitée, note 59. 62
Commissaire c. Laberge, C.D.P., C-98-2651-2, 9 décembre 1999. 63
Précitée, note 60.
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COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
[138] Ayant conclu que cette réplique constitue de l’intimidation, afin d’amener le
plaignant à répondre à une question à laquelle il n’était pas obligé de répondre, le
Comité a imposé deux jours de suspension sans traitement à
l’agent Emmanuel Franco.
[139] En tenant compte de la gravité de l’infraction, du caractère dissuasif et
exemplaire que doit revêtir la sanction, de toutes les circonstances et du fait que
l’agent Langlais n’a pas d’antécédent déontologique, le Comité considère qu’une
suspension sans traitement de trois jours ouvrables de huit heures serait juste et
raisonnable. Cependant, exceptionnellement, compte tenu du nombre de jours de
suspension déjà imposé pour les autres chefs de la citation, il réduira la sanction
pour le présent chef à un jour ouvrable de suspension sans traitement, celle-ci
devant être purgée consécutivement à la sanction imposée pour le chef 6.
SANCTIONS
[140] PAR CES MOTIFS, le Comité IMPOSE à l’agent VINCENT LANGLAIS,
matricule 12801, membre de la Sûreté du Québec, de façon consécutive, les
sanctions suivantes :
Chef 1
[141] une suspension sans traitement de cinq jours ouvrables de huit heures
pour avoir dérogé à l’article 5 du Code de déontologie des policiers du
Québec, en posant des actes fondés sur l’âge;
C-2010-3665-1 /49
COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
Chef 2
[142] une suspension sans traitement d’un jour ouvrable de huit heures pour
avoir dérogé à l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec, en
manquant de respect ou de politesse à l’égard de M. Yvon Trudel;
Chef 3
[143] une suspension sans traitement d’un jour ouvrable de huit heures pour
avoir dérogé à l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec, en
faisant usage d’un langage injurieux à l’endroit de M. Yvon Trudel;
Chef 4
[144] une suspension sans traitement de cinq jours ouvrables de huit heures
pour avoir dérogé à l’article 7 du Code de déontologie des policiers du
Québec, en usant de la force sans droit contre M. Yvon Trudel;
Chef 6
[145] une suspension sans traitement de cinq jours ouvrables de huit heures
pour avoir dérogé à l’article 10 du Code de déontologie des policiers du
Québec, en étant négligent ou insouciant à l’égard de la santé de
M. Yvon Trudel;
C-2010-3665-1 /50
COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE
Chef 7
[146] une suspension sans traitement d’un jour ouvrable de huit heures pour
avoir dérogé à l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec, en
abusant de son autorité à l’égard de Mme Rachel Carrier, en l’intimidant.
Michèle Cohen, avocate
Me Christiane Mathieu
Procureure du Commissaire
Me André Fiset
Procureur de l’agent Vincent Langlais
Lieu de l’audience : Montréal
Date de l’audience sur sanction : 29 août 2012