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Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Revue du Rhumatisme 75 (2008) 137–141 Déconditionnement, atrophie musculaire et rééducation Muscular inactivity, atrophy and physical rehabilitation Alain Yelnik , Olivier Hantkie, Nacéra Bradai Service de médecine physique et de réadaptation, groupe hospitalier Lariboisière–Fernand-Widal, université Paris-7, AP–HP, 200, rue du Faubourg-St-Denis, 75010 Paris, France Rec ¸u le 3 septembre 2007 ; accepté le 3 septembre 2007 Disponible sur Internet le 8 novembre 2007 Mots clés : Immobilisation ; Déconditionnement musculaire ; Rééducation ; Neuromyopathie de réanimation Keywords: Immobilization; Muscular inactivity; Physical rehabilitation; Critical illness neuromyopathy 1. Introduction Le déconditionnement à l’effort qui touche l’ensemble de la musculature est une complication constante de l’immobilisation. Les très nombreuses études menées chez l’animal ont des résultats parfois contradictoires. C’est pourquoi, bien qu’en nombre moindre, nous consacrerons cet article exclusivement aux résultats des études menées chez l’homme. Différentes conditions permettent d’observer l’effet du déconditionne- ment à l’effort chez l’homme sain : il s’agit principalement des vols en apesanteur et des séjours en décubitus prolongé au lit chez le sujet volontaire. L’immobilisation segmentaire après traumatisme d’un membre permet d’étudier les effets locaux de l’absence d’activité musculaire. On ne peut en outre dissocier les effets du déconditionnement de ceux liés aux pathologies ayant motivé l’immobilisation : traumatologie et pathologies neurologiques centrales ou périphériques principa- lement. Le déconditionnement peut être classé de léger à sévère de la fac ¸on suivante : simple diminution d’activité comme l’arrêt d’entraînement sportif ; vol spatial et immobilisa- tion au lit (une activité physique est encore possible) ; immobilisation segmentaire plâtrée puis, au maximum, les para- lysies neurologiques notamment celles d’origine médullaire. À ces situations pathologiques, il faut aussi rappeler qu’une simple inhibition musculaire réflexe d’origine capsulaire est habituelle après chirurgie articulaire [1] ou lors d’un épanche- Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Yelnik). ment intra-articulaire chronique comme dans la gonarthrose [2,3]. 2. Rappel physiologique Les quelques 430 muscles striés squelettiques constituent chez l’homme 30–50 % de la masse totale. La dépendance entre les systèmes musculaires et le système nerveux est complète puisque tout acte moteur résulte de la combinaison de plusieurs niveaux de contrôle : réflexe, automatique et/ou volontaire. Le muscle ne peut évidemment pas non plus être isolé du système cardiovasculaire. Un muscle est constitué de faisceaux musculaires, eux- mêmes constitués d’environ 150 fibres musculaires, disposées de fac ¸on fusiforme ou péniforme (uni-, bi- ou multipenné). Le tendon musculaire est constitué pour 90 % de fibres collagènes disposées en parallèle sous l’effet des forces de traction. On distingue trois principales fibres musculaires. Les fibres I ou slow twitch (ST) sont des fibres fines, sombres, développant une faible amplitude de tension mais avec un long délai d’épuisement (plusieurs heures) ; leur métabolisme est aérobie-oxydatif. Les fibres II ou fast twitch (FT) se distinguent en deux types : fibres IIB, blanches, développant une forte amplitude de tension mais avec un délai d’épuisement court (quatre minutes) au métabo- lisme anaérobie et fibres IIA dites « intermédiaires » développant une amplitude de tension moyenne avec un délai d’épuisement d’environ une heure au métabolisme mixte. On distingue ainsi schématiquement des muscles rouges qui sont pour la plu- part des muscles lents et des muscles blancs ou muscles rapides. 1169-8330/$ – see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rhum.2007.09.004

Déconditionnement, atrophie musculaire et rééducation

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Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

Revue du Rhumatisme 75 (2008) 137–141

Déconditionnement, atrophie musculaire et rééducation

Muscular inactivity, atrophy and physical rehabilitation

Alain Yelnik ∗, Olivier Hantkie, Nacéra BradaiService de médecine physique et de réadaptation, groupe hospitalier Lariboisière–Fernand-Widal,

université Paris-7, AP–HP, 200, rue du Faubourg-St-Denis, 75010 Paris, France

Recu le 3 septembre 2007 ; accepté le 3 septembre 2007Disponible sur Internet le 8 novembre 2007

ots clés : Immobilisation ; Déconditionnement musculaire ; Rééducation ; Neuromyopathie de réanimation

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eywords: Immobilization; Muscular inactivity; Physical rehabilitation; Critica

. Introduction

Le déconditionnement à l’effort qui touche l’ensemble de lausculature est une complication constante de l’immobilisation.es très nombreuses études menées chez l’animal ont des

ésultats parfois contradictoires. C’est pourquoi, bien qu’enombre moindre, nous consacrerons cet article exclusivementux résultats des études menées chez l’homme. Différentesonditions permettent d’observer l’effet du déconditionne-ent à l’effort chez l’homme sain : il s’agit principalement

es vols en apesanteur et des séjours en décubitus prolongéu lit chez le sujet volontaire. L’immobilisation segmentaireprès traumatisme d’un membre permet d’étudier les effetsocaux de l’absence d’activité musculaire. On ne peut en outreissocier les effets du déconditionnement de ceux liés auxathologies ayant motivé l’immobilisation : traumatologie etathologies neurologiques centrales ou périphériques principa-ement.

Le déconditionnement peut être classé de léger à sévèree la facon suivante : simple diminution d’activité comme’arrêt d’entraînement sportif ; vol spatial et immobilisa-ion au lit (une activité physique est encore possible) ;mmobilisation segmentaire plâtrée puis, au maximum, les para-ysies neurologiques notamment celles d’origine médullaire.

ces situations pathologiques, il faut aussi rappeler qu’uneimple inhibition musculaire réflexe d’origine capsulaire estabituelle après chirurgie articulaire [1] ou lors d’un épanche-

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (A. Yelnik).

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169-8330/$ – see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.rhum.2007.09.004

ess neuromyopathy

ent intra-articulaire chronique comme dans la gonarthrose2,3].

. Rappel physiologique

Les quelques 430 muscles striés squelettiques constituenthez l’homme 30–50 % de la masse totale. La dépendance entrees systèmes musculaires et le système nerveux est complèteuisque tout acte moteur résulte de la combinaison de plusieursiveaux de contrôle : réflexe, automatique et/ou volontaire. Leuscle ne peut évidemment pas non plus être isolé du système

ardiovasculaire.Un muscle est constitué de faisceaux musculaires, eux-

êmes constitués d’environ 150 fibres musculaires, disposéese facon fusiforme ou péniforme (uni-, bi- ou multipenné). Leendon musculaire est constitué pour 90 % de fibres collagènesisposées en parallèle sous l’effet des forces de traction. Onistingue trois principales fibres musculaires. Les fibres I oulow twitch (ST) sont des fibres fines, sombres, développant uneaible amplitude de tension mais avec un long délai d’épuisementplusieurs heures) ; leur métabolisme est aérobie-oxydatif. Lesbres II ou fast twitch (FT) se distinguent en deux types : fibresIB, blanches, développant une forte amplitude de tension maisvec un délai d’épuisement court (quatre minutes) au métabo-isme anaérobie et fibres IIA dites « intermédiaires » développantne amplitude de tension moyenne avec un délai d’épuisement

’environ une heure au métabolisme mixte. On distingue ainsichématiquement des muscles rouges qui sont pour la plu-art des muscles lents et des muscles blancs ou musclesapides.
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La plus petite unité fonctionnelle du muscle est le sarcomère,imité par deux bandes « Z » consécutives, lieu d’implantationes filaments d’actine. La contraction résulte de l’interactiones protéines contractiles qui sont principalement l’actine et layosine mais aussi la troponine et la protéine C, régulatrices de

a réaction actine/myosine. Le déclencheur électromécanique dea contraction est la dépolarisation du réticulum sarcoplasmiqueui entraîne un relarguage explosif du calcium; la relaxation seait par pompage du calcium par le réticulum sarcoplasmique.

La plaque motrice où se réalise la synapse neuromusculairest située à égale distance des extrémités de la fibre. La vitessee conduction axonale est plus lente (58 à 92 m par seconde)our les fibres de type I que pour les fibres IIB (85 à 114 mar seconde). Les fuseaux neuromusculaires sont les récep-eurs proprioceptifs, point de départ des efférences IA du réflexe

yotatique. L’unité motrice est constituée par l’ensemble d’unotoneurone et de toutes les fibres (100 à 200) qu’il innerve.

’augmentation de force est assurée par le recrutement d’unitésotrices nouvelles.En ce qui concerne le métabolisme énergétique, l’hydrolyse

e l’ATP est le seul mécanisme permettant de fournir l’énergieour la mobilisation du système actine/myosine et le relarguagees ions calcium par le réticulum sarcoplasmique. Le stock’ATP doit être constamment renouvelé. Il existe trois voiesossibles : le métabolisme anaérobie alactique à déclenchementmmédiat et de puissance mécanique maximum (660 watts) maise durée très courte, inférieure ou égale à 30 secondes ; le méta-olisme anaérobie lactique dont la production mécanique estorte (400 watts), de déclenchement immédiat mais qui conduitar la glycolyse à la production de lactate limitant l’exercice ;nfin le métabolisme aérobie qui développe une puissance maxi-ale inférieure (260 watts) de déclenchement retardé, mais qui

eut être très prolongé (plusieurs heures).Les substrats énergétiques sont essentiellement les glucides

tockés sous forme de glycogène dans la fibre musculaire et leoie et les lipides (acides gras libres captés dans le sang maisurtout triglycérides présents dans la cellule musculaire). Après’effort, les réserves de glycogène et de triglycérides sont recons-ituées grâce à une augmentation de la sensibilité à l’insulineour la captation intracellulaire.

La consommation d’oxygène (VO2) du muscle dépend de’apport en oxygène selon le débit sanguin local et de la capacité’utilisation d’oxygène par les cellules musculaires. L’exercicehysique stimule le système nerveux orthostatique, permet-ant l’augmentation du débit cardiaque, la vasoconstriction deserritoires vasculaires non impliqués et la vasodilatation deserritoires musculaires.

On préfèrera ici le terme « d’activité musculaire » à celuie « contraction », puisque l’activité musculaire peut se faireous forme concentrique, avec rapprochement des extrémités duuscle, mais aussi sous forme excentrique, avec éloignement de

elles-ci.

. Le déconditionnement à l’effort proprement dit

L’inactivité est responsable d’atrophie musculaire, de pertee force, de fatigue et de menace de rétraction musculaire.

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.1. Adaptation des propriétés contractiles du muscle

.1.1. Atrophie musculaireL’amyotrophie d’immobilisation s’installe rapidement en

uelques jours. Elle est principalement liée à la diminution dea synthèse protéique et à l’augmentation de sa dégradation. Onbserve par exemple une atrophie de 7 à 11 % sur le quadricepst plus encore sur les muscles ischiojambiers et lombaires aprèses vols spatiaux de courte durée [1], une atrophie de 8 % poures extenseurs de genou après immobilisation au lit d’un mois [4]ortant plus sur les fibres rapides que sur les fibres lentes. Unemmobilisation plâtrée de genou peut conduire à une atrophiee 20 % en un mois, 40 % en quatre mois sur le quadriceps [5].ette atrophie s’accompagne d’une rétraction par diminution duombre de sarcomères si le muscle est immobilisé en positionaccourcie [6]. Il n’y a pas ou peu de perte du nombre de fibresusculaires, au moins pour une inactivité de durée relativementodérée de quelques semaines à quelques mois. Une répartition

ifférente du type des fibres I et II a pu être observée mais aveces résultats contradictoires.

.1.2. Diminution de la force musculaireL’importance de la perte de force musculaire dépend de

’activité du muscle antérieure à la période d’inactivité. Elle estoujours plus marquée sur les muscles antigravitaires et sur leursntagonistes. Les différences observées dépendent également duype de muscle analysé. Mais si la perte de force est en proportionlus marquée chez le sportif, ses conséquences fonctionnelleson beaucoup plus graves chez le sujet âgé.

La perte de force est fonction de la durée de la période’inactivité, nulle au cours des vols spatiaux inférieurs àept jours, elle peut atteindre 30 % au-delà de 200 jours.’immobilisation au lit touche les membres inférieurs maislus encore le rachis où la perte de force atteint un maximumroche de 30 à 40 % à la fin du quatrième mois puis reste stablei l’alitement est prolongé [4]. L’alitement prolongé diminuen moyenne de 24 % la puissance maximum instantanée desuscles [1]. On observe habituellement une augmentation du

emps de contraction [7] mais aussi une augmentation du tempse demi-relaxation des unités motrices.

Outre la diminution de la force musculaire, une diminu-ion des propriétés élastiques est observée. Après vol spatialrolongé, une augmentation de 25 % de la raideur musculoten-ineuse est habituelle [1]. Enfin, une perte de résistance desendons est liée à l’orientation anarchique des fibres.

.1.3. Adaptations structurales et métaboliquesL’immobilisation prolongée entraîne, pour des immobi-

isations relativement courtes (17 jours), une altération desécanismes de contraction des ponts actinomyosine avec aug-entation du seuil d’activation des fibres I, une diminution

e l’activité des enzymes oxydatives et une augmentation de

’activité des enzymes de la glycolyse anaérobie [1]. Ellentraîne également une insulinorésistance du muscle, limitant saapacité à utiliser les ressources glucidiques circulantes et néces-ite chez le diabétique une augmentation des apports d’insuline.
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A. Yelnik et al. / Revue du R

La fatigue musculaire observée après l’immobilisation auit, directement en rapport avec l’atrophie musculaire, pourraittre en partie liée à une diminution de l’apport en oxygène pariminution de la densité capillaire et à une diminution de laonsommation d’oxygène. La fatigue prédomine sur les musclese la fonction antigravitaire. Enfin, certaines microlésions mus-ulaires consécutives à la décharge, pourraient expliquer lesourbatures, problème majeur et durable après vol spatial oummobilisation au lit : désorganisation des protéines myofibril-aires, élargissement de la bande Z, œdème cellulaire, présencee mitochondries dans l’espace cellulaire, traduisant la rupturee la membrane cellulaire.

.2. Adaptation nerveuse

La perte de force n’est pas uniquement secondaire à desdaptations musculaires. En effet, le rôle des mécanismes ner-eux est mis en évidence par l’expérience de Duchateau etainaut [8]. Après immobilisation plâtrée de six semaines de

’avant-bras chez huit patients, l’analyse du muscle adducteuru pouce montre que la perte de force est plus importante55 %) lorsqu’elle est testée par une contraction volontaireaximum, que lorsqu’elle est testée par une contraction téta-

ique induite par électrostimulation (33 %). Ce phénomène agalement été observé après suppression de la charge corpo-elle sur un membre inférieur [9] ou après alitement [10].n observe un recrutement plus limité des unités motrices,ais surtout une réduction de leur fréquence maximum de

écharge. Celle-ci est plus marquée dans les fibres lentes etontribue à la diminution de force. Elle s’explique en par-ie par une adaptation du système neurosensoriel périphériqueais également par une moindre capacité intrinsèque du sys-

ème nerveux central à activer les unités motrices. Il a parxemple été montré que la zone corticale permettant d’activer leibial antérieur par stimulation magnétique après quatre à sixemaines d’immobilisation est diminuée [11]. Enfin, la sus-eptibilité d’un groupe musculaire aux effets de l’inactivitéemble dépendre de la durée et de l’activité résiduelle pendant’immobilisation : c’est tout l’intérêt des contractions isomé-riques (cf. infra).

.3. Récupération spontanée

Ces modifications sont réversibles en quelques semaines,elon la durée et les conditions de l’inactivité. Les premièresodifications à récupérer sont les modifications nerveuses, dès

a deuxième semaine après cinq à six semaines d’inactivité. Lesodifications musculaires sont plus longues à se rétablir. La

écupération de la vitesse maximum de force précède la récu-ération de la vitesse de relaxation. La récupération dépend dea durée de la période d’inactivité. Après un vol spatial de un

ois, il suffit de six jours pour récupérer le pic de force du qua-riceps, mais 26 jours après un vol de 170 à 180 jours, le déficit

st toujours proche de 20 % [1]. Si l’immobilisation ne dépasseas dix jours, elle peut être effective en quatre jours, mais aprèsn déconditionnement de quatre à six semaines, la capacité deravail à l’effort n’est pas restaurée après deux mois. La récupé-

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ation de la masse musculaire demande plus de temps que cellee la force.

.4. Particularités de l’immobilisation en réanimation

En réanimation, se surajoute fréquemment une entité spé-ifique appelée «neuromyopathies acquises en réanimation »NMAR). Cette entité exclue les atteintes du système ner-eux central et les pathologies neuromusculaires présentes à’admission. Si deux formes ont longtemps été distinguées, laeuropathie et la myopathie de réanimation, de nombreusestudes ont démontré qu’elles n’étaient que des variations d’uneême entité. En effet les NMAR sont liées à l’association d’une

tteinte structurelle axonale du nerf, mais aussi du muscle, et’un trouble de l’excitabilité musculaire [18]. Cependant, dansa littérature médicale on ne retrouve pas d’étude expliquantvec un niveau de preuve suffisant le mécanisme physiopatholo-ique des NMAR. Leur fréquence atteint cliniquement 25 % enéanimation [19] mais un dépistage électromyographique peutn porter la fréquence à 76 % [20]. Certains facteurs de risquesarticuliers ont été identifiés : durée de l’immobilisation et de laentilation mécanique, défaillance multiorganes, sepsis sévère,yperglycémie, corticothérapie, curarisation. Le diagnostic deMAR est difficile avant le réveil du patient, mais c’est laériode de son installation principale. Les NMAR se traduisentar un déficit musculaire des quatre membres à prédominanceroximale, globalement symétrique et de sévérité variable, desifficultés de sevrage de la ventilation mécanique avec uneiminution de la capacité d’expectoration. Les réflexes ostéoten-ineux sont fréquemment diminués ou abolis. Des troubles de laensibilité sont souvent associés. Classiquement, une améliora-ion spontanée, potentialisée par la rééducation, est observableans les sept à dix jours qui suivent le réveil. Le déficit muscu-aire s’améliore souvent nettement dans les trois semaines quiuivent le réveil [20] mais de nombreuses études insistent sur laossible persistance d’un déficit musculaire et/ou sensitif par-ois supérieur à un an, l’importance du suivi médical au longours et la poursuite de la rééducation [21,22].

Les explorations paracliniques n’ont d’intérêt, qu’en cas deoute diagnostique [23]. L’électromyogramme objective uneolyneuropathie sensitivomotrice des quatre membres globa-ement homogène (axonopathie sans atteinte démyélinisante)ssociée à un syndrome myogène non spécifique. La biopsieusculaire, rarement réalisée, retrouve souvent une atrophie desbres de type II avec une perte des filaments de myosine, associédes degrés variables de nécrose musculaire.

.5. Particularités du sujet âgé

Si les effets de l’immobilisation sont réversibles chez le sujeteune, les personnes âgées ont considérablement plus de difficul-és à récupérer leurs capacités physiques. Parmi les altérationsu vieillissement normal, on constate une diminution du nombre

t de la taille des fibres musculaires (sarcopénie) avec un dys-onctionnement mitochondrial et des capacités aérobies, qui seraduit par une amyotrophie et une perte de force. Parmi ses mul-iples étiologies, la diminution du nombre de motoneurones tient
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ne place majeure [24]. La baisse de la synthèse d’hormonesexuelles et des hormones de croissance a également été incrimi-ée [25]. L’immobilisation est toujours néfaste chez le sujet âgé.lle expose notamment au risque du syndrome de glissement. Ilst donc impératif de limiter au maximum les indications et laurée de l’immobilisation des personnes âgées afin de rompree cercle vicieux entre :

sarcopénie → fonte musculaire → chutes et fractures →mmobilisation → sarcopénie.

Certaines pathologies ostéoarticulaires et neurologiquesxposent le sujet âgé immobilisé au risque de rétractions enuelques jours s’il n’est pas correctement positionné et suffisam-ent mobilisé. Le renforcement musculaire a un effet bénéfique

ur la force et à un degré moindre sur la masse musculaire. Laupplémentation en hormones sexuelles et de croissance n’a paslairement établi son efficacité [26].

. Prévention des conséquences du déconditionnement à’effort

.1. Prévention des rétractions

Chez un sujet sain, le risque de rétraction est pratique-ent inexistant en dehors d’une immobilisation segmentaire

lâtrée prolongée. En revanche, de très nombreuses situationsathologiques sont à très haut risque de rétractions musculo-endineuses : toute altération de la commande neuromusculaire’origine centrale ou périphérique, sujet âgé ou détérioré, syn-rome douloureux majeur. . . Seule la kinésithérapie quotidiennear mobilisation manuelle passive est susceptible d’empêcheres rétractions musculotendineuses ; elle devrait être systéma-ique.

.2. Prévention de la perte de force

Dès les premiers jours, il faut assurer un apport protidiqueuffisant. L’exercice musculaire pendant la période d’inactivitéu d’immobilisation forcée, chaque fois qu’il est possible, c’est--dire en dehors de déficience neurologique, est efficace pourrévenir la perte de force. Cela demande toutefois des mesuresui peuvent être draconiennes en état d’apesanteur. Les cos-onautes soviétiques ont ainsi développé l’utilisation d’une

ombinaison appelée « le pingouin », vêtement comportant desangles élastiques qui obligent le sujet à exercer une contre-ression permanente pour se redresser et maintenir une activitéhysique des muscles antigravitaires. Seule une telle activitéuasi-permanente associée à deux à trois heures d’exercice parour permet de maintenir un potentiel de force musculaire satis-aisant sur les vols de plusieurs mois.

Heureusement, en période d’immobilisation au lit prolon-ée, et pour peu que les contractions musculaires soient renduesossibles par un système nerveux efficient, l’exercice muscu-aire est efficace. Il semble que l’effet principal de cette activité

usculaire au cours d’un alitement prolongé soit essentielle-ent en rapport avec le maintien d’une activation nerveuse

11,12]. Différents programmes de contractions musculaires ontté essayés avec des succès satisfaisants. Des contractions iso-

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inétiques du quadriceps de 30 à 45 minutes par jour au cours’un alitement d’un mois suffisent à maintenir la force [13]. Desxercices du quadriceps en contractions isométriques (sans mou-ement) sont moins efficaces qu’en contractions isocinétiquesais suffisent à maintenir un potentiel de force par rapport à

’absence d’exercice [14,15]. La difficulté est de fournir un pro-ramme musculaire qui permette de faire travailler l’essentieles muscles nécessaires : triceps, quadriceps, fessiers et musclesu tronc principalement. De tels programmes sont certainementifficiles à mettre en œuvre mais peuvent être bénéfiques, poureu, que ces patients soient dans l’état médical et neurologique’effectuer ces exercices ! C’est ici que le réentraînement parlectrostimulation peut prendre toute sa place. Sans aller jusqu’àeprendre les programmes du professeur Bergonnier [16] pro-osés au début du xxe siècle sous le terme d’ « ergothérapie pararadisation généralisée », le maintien d’un potentiel musculairet d’une capacité d’adaptation à l’effort par électrostimulationsérite certainement d’être réhabilité, telle qu’il a pu être proposé

our les muscles quadriceps, triceps et fléchisseurs de genou lors’alitement prolongé d’un mois [17].

Il y a en outre tout intérêt à faire pratiquer autant que possible,ors d’un décubitus prolongé, une activité physique pour mainte-ir l’adaptation cardiovasculaire à l’effort dont l’altération, qui’a pas été développée ici, est une des composantes majeurese la fatigue après déconditionnement à l’effort. Toute personnelitée de facon prolongée devrait avoir la possibilité de prati-uer, selon ses moyens physiques, une activité musculaire et’entretien cardiovasculaire à l’effort, par l’utilisation notam-ent de pédaliers utilisables au lit ou en position assise. Lors

e toute immobilisation segmentaire plâtrée, la pratique pluri-uotidienne de contractions isométriques ne suffit pas à lutterontre l’amyotrophie mais entretient la commande nerveuse ettténue la perte de force.

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