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  • DE LA DCONSTRUCTION DE LA DIFFRENCE DES SEXES LA NEUTRALISATION DES SEXES , POUR UNE SOCIT POSTSEXUELLE ! Jean-Pierre Vidal ERES | Connexions 2008/2 - n 90pages 123 138

    ISSN 0337-3126

    Article disponible en ligne l'adresse:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-connexions-2008-2-page-123.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Vidal Jean-Pierre, De la dconstruction de la diffrence des sexes la neutralisation des sexes , pour une socit postsexuelle ! , Connexions, 2008/2 n 90, p. 123-138. DOI : 10.3917/cnx.090.0123--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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    Jean-Pierre VidalDe la dconstruction de la diffrence des sexes la neutralisation des sexes , pour une socit postsexuelle !

    Celui qui promettra lhumanit de la dlivrer de lembarrassante sujtion sexuelle,

    quelque sottise quil choisisse de dire, sera considr comme un hros. S. Freud, 1914

    Chaque fois quest rcuse la diffrence masculin-fminin,est renforce lopposition maternel-infantile.

    M. Schneider, 2002

    Depuis les annes 1970, dans le monde anglo-saxon et singuli-rement aux tats-Unis, les tudes sur les genres (Gender Studies) ont engag un vaste dbat autour du clivage masculin-fminin et de la diffrenciation des sexes. Ces controverses thoriques, relatives lef-facement des diffrences par la dconstruction dune pseudo-naturalit ou dun essentialisme erron, se sont nourries dun certain nombre dauteurs franais, notamment J. Derrida, G. Deleuze, M. Foucault, J. Lacan et bien dautres auteurs importants. On a qualifi ces tudes relatives la neutralisation des sexes de French Theory. Mme sil nest pas sr que lutilisation des textes sur lesquels se fondent les divers avatars de lindiffrentialisme aurait suscit, en son temps, laccord sans nuances de leurs auteurs, nous devons convenir que ces dplacements de textes produisent dsormais un vritable effet de rplique polmique sur notre continent et conduisent de nouvelles interrogations sur les fondements (historiques, anthropologiques) de la

    Jean-Pierre Vidal, 25 rue de Turenne, 66100 [email protected].

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    division des sexes et sur les effets hgmoniques de lhtrosexualit. Si, dans cette contestation de laltrit sexuelle, source dingalits juridiques et politiques, il sagit den finir avec landrocentrisme et, en amont, avec lhtrocentrisme, il convient den finir galement avec la dissymtrie que maintient lempire du ventre (Iacub, 2004) et lutro-centrisme. Crer, dans cette perspective, une socit postsexuelle (!) impose de dfinir les modalits et les rgles mme de dpasser les donnes biologiques ( le droit de se passer du corps pour procrer ) qui diffrencient les hommes des femmes, tant il est imprativement requis d arracher le corps la nature . Ces questions autour du corps, de ses reprsentations, de ses usages et jouissances, portes principalement par le mouvement Queer, ne se limitent pas nourrir des tudes universitaires (philosophiques, socio-logiques, historiques, anthropologiques, juridiques, psychanalytiques, etc.) ; elles font dbat et polmique dsormais au sein de la socit tout entire travers les rflexions imposes par la contraception ( un enfant, si je veux, quand je veux ), lavortement, la grossesse, laccouchement sous X (le droit aux origines), la filiation (biologique et symbolique), les gestations pour autrui (les mres porteuses, la marchandisation du corps, leugnisme), les fcondations non sexuelles (AMP), les pro-crations assistes ou artificielles, ladoption (plnire, simple), le clo-nage 1, mais aussi par la conqute des mmes droits sexuels pour tous et donc par les problmatiques homosexuelles (le mariage homosexuel, lhomoparentalit), et galement propos de toutes les sexualits mar-ginales ou subversives (sadomasochisme en public ou en groupe 2 , drag-queens ou kings, les sexualits de lextrme ou les forcens du dsir ) (Bourseiller, 2000), ou encore concernant la prostitution (le droit ou linterdit de se prostituer librement, la valeur du consentement), la pornographie (sa rpression ou sa banalisation), les crimes sexuels (le viol), la pdophilie (le dni de la diffrence des gnrations). Certes, face une telle accumulation de thmes si disparates en apparence, on peut se demander quels rapports tous ces problmes de socit autour des sexualits, des nouveaux rapports entre les sexes et traditionnellement investis par le mouvement fministe, ont-ils entre eux ? Selon Marcela Iacub, tous ces sujets relveraient de la mme problmatique : ils sont lis par un destin intellectuel commun, o la question du traitement politique quon souhaite faire de la diffrence des sexes est centrale (2000, p. V). Le mouvement Queer nest sans doute quun avatar symptomati-que de la rencontre de ce quil serait convenu de dsigner (Lyotard, 1979) par le concept de postmodernit (et ses connotations) pour rendre

    1. M. Iacub, Faut-il interdire le clonage humain ? , La Mazarine, septembre 1997.2. Comme le note P. Macary, dans son article sur Le mouvement queer : des sexualits mutantes ? : Pour M.-H. Bourcier, les pratiques SM en public ou en groupe ont t pour les lesbiennes une faon de dprivatiser et de rendre visible la sexualit dite fminine (p. 45, note 6).

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    compte (ou appeler de ses vux ?) des ruptures anthropologiques et des mutations culturelles relatives aux modalits de fabrication du sujet, avec la contestation banale des nouvelles orientations contemporaines des politiques publiques en matire sexuelle et familiale (Iacub, 2002, p. II). Le Queer reprsenterait la partie visible, extrme et radicale de la dconstruction qui infiltre la vie sociale et dlite les institutions tra-ditionnelles. Quoi quil en soit, on ne peut manquer ce propos de se poser un certain nombre de questions. La revendication galitariste qui sinscrit ici dans une vritable passion de lgalit (Chasseguet-Smirgel), et qui rclame de ce fait, sous des formes politiques diverses comme dans ses combats idologi-ques, lgalit de tous les individus quelles que soient leurs sexualits, et partant, la disparition de la diffrence des sexes dans le domaine juridique et politique, est-elle rductible la simple mise en question de strotypes culturels ? Correspond-elle lexpression des avances conceptuelles lies aux changements ncessaires et inluctables, cons-cutifs lvolution des mentalits et la transformation des murs ? Assistons-nous linvention de nouvelles humanits, voire celle dun nouvel humanisme (Maniglier, 2000) ? Plus radicalement, avons-nous affaire au refus du symbolique, une entreprise sournoise de dsym-bolisation, voire une atteinte rsolue porte lOrdre symbolique ? Ou encore, est-ce la forme que prend la rvolte contre lordre biologi-que qui anime le monde occidental (Chasseguet-Smirgel, 2003, p. 6) ? Le rejet du corps, voire un dni de celui-ci ? Et comme la consquence du refus du fminin dans les deux sexes ? Et, au bout du compte, lradication de la figure de La Mre afin dchapper lemprise tyran-nique et hgmonique de celle-ci ? Sagit-il des effets pathogniques et symptomatiques dans le social de lempire des mres ? Touchons-nous, enfin, ce qui relverait dune psychopathologie de la vie politique (Schneider, 2002) ?Un mouvement postfministe ! partir des annes 1980, aux tats-Unis, tout un courant de pense qui senracine dans les mouvements homosexuels et fministes va pro-fiter du potentiel subversif des sexualits marginales pour questionner lordre social et politique (Saez, 2005, p. 89). En raction lem-bourgeoisement des mouvements homosexuels nord-amricains, des collectifs de lesbiennes trs dfavorises et issues des minorits raciales se sont autoproclams queer pour affirmer leur volont de non-intgration une socit fonde sur la norme htrosexuelle et reven-diquer leur diffrence. Elles contestaient lappartenance une espce didentit homosexuelle juge bonne, saine, normale, blanche, issue de la classe moyenne suprieure. Ainsi, certains types de constructions identitaires et certains modes de jouir seraient exclus par les construc-tions normatives auxquelles se rfrent les mouvements fministes

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    traditionnels, cartant de leur rang les formes extrmes du lesbianisme comme les butchs 3 (les camionneuses , hypermasculines) ou les fem (en raison de leur hyperfminit). Queer est, lorigine, un mot anglais signifiant trange , peu commun , bizarre , souvent utilis aux tats-Unis comme insulte envers les individus gays, lesbiennes, transsexuels tymologique-ment, ce signifiant renvoie un travers qui soppose, dans la langue anglaise moderne, straight (droit, correct, cest--dire htrosexuel dans le champ de la sexualit). Il est cens dsigner lautre dans son tranget ou sa bizarrerie. Par ironie, provocation et dfi, il fut rcupr et revendiqu par des militants et intellectuels auprs de qui se succ-dent et se juxtaposent les mouvements fministes, homosexuels, trans-sexuels, bisexuels, intersexuels, sadomasochistes, ftichistes, travestis, transgenres mais aussi chicanas, chmeurs, postcoloniaux Flix Guattari crivait dans Recherches en 1973 (Trois milliards de pervers) : Nous entrons dans le temps o les minoritaires du monde commencent sorganiser contre les pouvoirs qui les dominent et contre toutes les orthodoxies. Issu du nologisme, introduit par M. Foucault, de biopolitique pour identifier une forme dexercice du pouvoir portant non plus sur les ter-ritoires mais sur la vie des gens et sur des populations, la sexopolitique va apparatre comme une des formes dominantes de laction biopoliti-que dans le capitalisme contemporain. Avec elle le sexe (les organes soi-disant sexuels, les pratiques sexuelles, mais aussi les codes de la masculinit et de la fminit, les identits sexuelles normales et dvian-tes) entre dans les calculs de pouvoir, faisant des discours sur le sexe et des technologies de normalisation des identits sexuelles un agent de contrle de la vie (Prciado, 2003). Cest la rencontre et loffensive des minoritaires sexuels, littra-lement des anormaux et des mauvais sujets (sropos) qui vont constituer un espace de contestation pour ce quon va nommer la multitude queer . Dsormais, ce signifiant, dtourn de sa valeur dinsulte, dborde les termes stricts de lhomosexualit pour dsigner toute pratique transgressant les classifications en vigueur, les reprsen-tations traditionnelles, les normes sexuelles, la rsistance aux processus du devenir normal . Ds lors, sous ce nom queer 4 seront mises en pices toutes les identifications une classe, une race ou mme un groupe dappartenance prexistant dans le champ des sexualits. 3. Parmi les lesbiennes butchs, certaines se font couper les seins, administrer des hormones pour avoir de la moustache et de la barbe. Cf. M.-H. Bourcier, Queer Zones, 2001.4. En France, le terme queer est notamment connu du fait de sries tlvises faisant passer les gays pour des gens branchs (Une mission de tl ralit de huit pisodes, diffuse en France sur TF1 en 2004, Queer, cinq experts dans le vent, met en scne cinq experts homosexuels dbarquant chez un htrosexuel prsent comme manquant cruellement de style et de got, avec pour mission de faire de lui un homme neuf en douze heures.) Quoi quil en soit, ce terme sert avant tout de point de ralliement pour ceux qui ne se reconnaissent pas dans lhtro-sexisme de la socit, et cherchent redfinir les questions de genre (Gender Studies).

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    Ce mouvement entend sinscrire dans la promotion radicale de lindi-vidu ; chacun est en droit de revendiquer sa singularit et de refuser de sidentifier des figures juges caduques comme celles de luniversa-lit, lre de ce qui a t salu comme lre de lindividu (Renaut, 1989). Toutefois, propos de ce quon nomme la pense queer , il est difficile de parler de thorie tant son objet est imprcis, diffus, ses th-mes disparates ; il sagirait plutt dun mouvement ou dun courant de pense, voire dune sensibilit. cet gard, les queers chappent toute saisie dans un classement diffrenciateur. Contestant toute rfrence identitaire, ce mouvement ne constitue pas un ensemble de conceptions systmatiquement organises sur un sujet dtermin et donc susceptible de faire lobjet dune dfinition claire. Ds lors, plutt que de parler de thorie on parlera, propos de la pense queer, de lignes de forces (Macary) ou de caractristiques propres ce courant de pense (Brassi, 2006) 5, propos duquel il nest pas anodin que ce soient des femmes qui inaugurent ce mouve-ment et que les auteurs qui le reprsentent soient majoritairement des femmes (Monique Wittig, Judith Butler, Dona Haraway, Teresa de Lauretis, Marie-Hlne Bourcier, Beatriz Preciado, Sabine Prokhoris, Eve Kosofsky Sedwick, pour les plus connues) ou plus prcisment des dites femmes , tant il est vrai quelles refusent catgoriquement de sinscrire dans cette identit. Les attributs de genre ne relvent, ni nexpriment une identit naturelle. Il ny a pas dtre-femme ; le terme ne renvoie qu un simple signifiant : il ny a ni homme ni femme en substance (Butler) ; la femme na de sens que dans les systmes de pense et les systmes conomiques htrosexuels. Les lesbiennes ne sont pas des femmes (Wittig, 1973, p. 76). Sil fallait, malgr tout, tenter de reprer ce quil y a de commun dans lexpression de la multitude queer , on pourrait considrer selon Pascale Macary que le cur du queer, cest la dconstruction du sexe, du genre, et partant du corps et de la jouissance sexuelle tels que lun et lautre sont normaliss, aucun de ces topo ntant naturel ou biologique. Le sexe (biologique) et le genre (lidentit sexuelle), bass sur le binaire masculin/fminin, sont fictions, constructions dun discours dominant marqu de son htrosexualit. Le sujet lui-mme est fictif et il sagira de dtruire tout essentialisme dclar ou cach dans les modes de penser (2006, p. 44). Pourquoi y a-t-il deux sexes, se demande J. Butler, et pas autant que dindividus ? Par ailleurs, ny aurait-il pas autant de sexualits diffrentes que dindividus ? Selon M-H. Bourcier, queer est le terme qui dsigne celles et ceux qui se prtendent de sexe et de genre ind-termins, voire multiples (2001). Dans la proclamation dun corps indtermin il sagit, pour J. Chasseguet-Smirgel, de dnaturaliser les 5. Albi, le 16 fvrier 2006. Thorie Queer et psychanalyse , Sminaire Cration, psycha-nalyse, politique .

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    catgories masculin/fminin et de considrer les diffrences (des sexes et des gnrations) comme entirement construites, ractionnaires et sources de violences. Pour ces motifs il faut se dbarrasser du pouvoir htrosexuel (2003). Ainsi, M. Wittig en tait arrive concevoir et dcrire lhtro-sexualit non pas comme une pratique sexuelle mais comme un rgime politique, cest--dire comme faisant partie de ladministration des corps et de la gestion calcule de la vie, et relevant, de ce fait, de la biopolitique . Lhtrosexualit serait le produit dune technologie biopolitique destine produire des corps straight. Il sensuit que le concept de gender est avant tout une notion sexopolitique avant de devenir un outil thorique du fminisme amricain. Dsormais, dans le dbat qui va opposer les fministes constructivistes et les fmi-nistes essentialistes , la notion de gender va devenir loutil thorique fondamental pour conceptualiser la construction sociale, la fabrication historique et culturelle de la diffrence sexuelle, face la revendication dune quelconque fminit comme substrat naturel et comme forme de vrit ontologique. Comment faire des choses avec des mots 6 ? Parmi les caractristiques de ce courant de pense, nous retrouvons de manire rcurrente une critique radicale des identits sexuelles, ques-tionnes en tant quessences immuables et transcendantales (Saez, 2005). Le nominalisme 7 auquel ces postfministes se rfrent vise une ds-ontologisation du sujet de la politique sexuelle (Preciado, 2003). Selon J. Butler, les signifiants homme ou femme ne rvlent ni nexpriment aucune identit naturelle ; ce ne sont que de simples per-formatifs, autrement dit leffet dun acte de discours qui fait advenir ltre ce quil nomme . Ainsi les genres masculin et fminin sont-ils prsums exprimer la naturalit des corps mle et femelle, alors que lapparente substance du sexe nest ralise que par une astuce du lan-gage (la grammaire) et du discours qui conduit au genre. Il sensuit que ltre de genre est un effet et non une cause rvlant une identit natu-relle prexistante sa nomination. Quant largument biologique selon lequel la catgorie femme dpendrait de la facult reproductrice des femelles, ne conduirait-il pas exclure de cette catgorie les femelles non pubres, les femmes mnopauses ou striles ? Les corps ne seraient pas sexus en eux-mmes et la diffrence entre les corps ne proviendrait 6. Cf. J.L. Austin : How to do things with words ? (1962).7. Le nominalisme est une doctrine philosophique qui suppose que la ralit rside dans les mots ou dans les ides que les mots dsignent. Les espces, genres ou entits ne seraient pas des tres rels, mais seulement des tres de langage. La structure du langage est diffrente de celle du rel et chaque terme ne correspond pas ncessairement une chose. Les universaux ont une fonction purement smantique. Seuls existent les individus concrets. Aucun universel nest une substance existant hors de lme , crit Guillaume dOckham dans sa Somme de toute logique (I, 15).

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    pas de la facult reproductrice des unes oprant naturellement une dis-tinction avec les autres, mais dune nomination diffrentielle institue par le langage htrosexu. Le masculin et le fminin ne seraient que des fictions construites par le discours dominant et normatif de lhtrosexualit. Lefficience de cette production rsulterait de la permanence de sa rptition et dactes ritrs. Non seulement, pour Butler, le genre et le sexe sont dtermins par la matrice culturelle mais celle-ci fonctionne de telle sorte que certaines formes d identits ne puissent pas exister ; cest le cas des identits pour lesquelles le genre ne dcoule pas directement du sexe, ou lorsque les pratiques du dsir et la jouissance ne dcoulent ni du sexe ni du genre. Ainsi, le sige de la violence rside dans le vaste champ de la normalisation opre par lhgmonisme de la matrice culturelle htrosexuelle, tant il est vrai que linstitution de ce binarisme (deux genres), prtendument fond sur la positivit des identits de genre et considrant implicitement quun sexe ne vaut que pour un autre sexe, exclut toute autre forme dexpression de la sexualit, cest--dire que les sexes puissent tre multiples, quil puisse y avoir autant de sexes que dindividus. On doit en conclure qu il ny a pas de diffrences sexuel-les, mais une multitude de diffrences (Prciado, 2003). On pourrait objecter que sil y a une pluralit de sexualits, il ny a pas une pluralit de sexes (Schneider, 2007). Le queer fait une lecture des pratiques sexuelles non normatives en tant que formes de rsistance symbolique et politique, jamais en tant que positions subjectives dorigine psychologique ou psychanalytique, et en tant que structures du dsir (Butler, 2005). Ainsi, toutes ces prati-ques sexuelles minoritaires ne correspondraient pas une catgorie cli-nique de la psychologie ou une structure (quelque chose de fixe et de stable) psychanalytique, cest--dire un tre (le ftichiste, le sado, le masochiste ou le pervers ) qui pratiquerait toujours un mme type de sexualit, alors que celle-ci peut tre adopte, selon J. Saez (2006), en fonction de contextes historiques et politiques (!). Il sensuit que le queer ne fait aucune rfrence une quelconque conception de la sub-jectivit dans le sens psychanalytique ; il ny a ni causalit ni explication thorique des options sexuelles. En dfinissant implicitement une normalit, lhtrosexualit serait en tant quhtrosexiste un rgime disciplinaire sur le sexe. Certes, pour les psychanalystes, dans linconscient, il ny a ni masculin ni fminin ; il ny a ni hommes ni femmes et le dsir nest pas dtermin par le genre de lobjet lu. Dans la pulsion sexuelle, tout est variable. Lobjet est contingent, il est susceptible de toutes les substi-tutions ; selon Freud, on peut toujours remplacer un objet par un autre. Le but est susceptible dchange, de modification, dinhibition 8. Les sources, enfin, sont connectes les unes aux autres, susceptibles de se 8. Le but sexuel nest jamais le simple corrlatif dune activit physiologique , J. Laplanche, 1993, p. 56.

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    vicarier. Dans cette conception, objet, source et but dans la pulsion sexuelle sont finalement vanescents (Laplanche, 1993, p. 35). Et, si nous devons convenir quon ne choisit pas de dsirer, ni ce quon dsire, ni qui on dsire (Schneider, 2002, p. 99), la sexualit humaine ne peut nous pargner une rflexion sur ses origines et sur le mode dacquisition de ce schme de comportement, ds lors quon ne peut considrer celui-ci comme une raction finalise et prforme sur le modle dun instinct, cest--dire non acquis par lindividu, inn pour tout dire et donc se dveloppant selon des exigences exclusivement endognes. Or, toutes dviations (par rapport au but, cest--dire le processus qui obtient le plaisir, par rapport lobjet et par rapport la source, cest--dire par lusage sexuel de zones corporelles qui ne sont pas celles ncessaires au cot) dtruisent chez ladulte lide dune pr-formation, dune finalit (et), puisque le seul but assignable tous ces actes dits sexuel [] ne peut tre une fin biologique, ce ne peut tre purement et simplement que le plaisir (Laplanche, 1993, p. 24).Les origines de la sexualit humaine Il est singulier que le mouvement queer fasse limpasse sur les origines de la sexualit et singulirement sur la faon dont se modle la pulsion sexuelle. ce sujet, veut-on esquiver toute question sur le com-ment rendre compte de lorigine des variations de la fonction sexuelle, des sexualits dviantes ou marginales ? Comment celles-ci ont-elles pu chapper au dterminisme culturel ? Comment ont-elles russi se soustraire lattraction, voire la pression exerce par la norme ? Doit-on considrer que les sexualits marginales, loppos de lhtro-sexualit issue dun conditionnement et faonne par la matrice cultu-relle, seraient prdtermines par la gntique ? On ne peut dun ct dtruire une conception adaptative et harmonieuse de la sexualit rduisant la pulsion sexuelle la biologie, soumettre celle-ci aux alas de lhistoire et de la politique, et de lautre prtendre que les choix dobjets autres, diffrents, hors normes, seraient entirement libres et aucunement dpendants ou induits. Comment rendre compte de la manire dont se faonne la pulsion sexuelle ? Comment comprendre ses avatars, alas et vicissitudes ? Autrement dit, ne cherche-t-on pas luder toute interrogation sur la manire de concevoir la trace de la perversion de lautre dans le corps de lenfant (Laplanche, 1993, p. 56) ? Convenir des composantes multiformes de la sexualit humaine nous interpelle plus sur les destins de la pulsion sexuelle que sur la diffrence des sexes et lorigine de lhtrosexualit. Si on ne peut plus gure concevoir lappareil psychique comme une monade ferme sur elle-mme, ni rduire linconscient aux limi-tes de lappareil psychique individuel, on ne peut davantage dissocier

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    la formation de la vie pulsionnelle des relations interpsychiques qui stablissent dans les conjonctions ou les corrlations de subjectivits (Kas, 1993 ; 1999 ; 2007). cet gard, on ne peut plus sen tenir une conception de la ralit psychique qui serait localise entirement dans le sujet, envisag dans la singularit de son appareil psychique. La perspective inaugure par les travaux rcents sur la psychana-lyse du lien interroge la formation de la vie pulsionnelle dans lintersubjectivit et suppose un rapport dialectique entre intersubjectivit et vie subjective intrapsychique (cf. Kas). Or, dans le lien nous avons affaire de lautre, la subjectivit de lautre et, partant, nous avons prendre en compte la fonction de lautre dans la psych de lindividu (ibid.). Il sensuit que nous pouvons supposer que des processus et des modalits intersubjectives sont susceptibles de contribuer la formation de linconscient et donc que celle-ci peut tre troitement associe aux vicissitudes, aux formes et aux contenus de linconscient dun autre ou de plus dun autre (Kas, 1999, p. 122). Selon ce point de vue, nous sommes conduits admettre la source de la pulsion lintervention de lautre, de la mre, par exemple, vritable sourcire , mme de dtecter, de faire jaillir, de canaliser une pul-sion strictement potentielle (ibid., p. 116). Or, ce propos, selon une perspective psychanalytique freudienne analyse par J. Laplanche, relativement la thorie de la sduction, il ny aurait pas dendogne qui ne comporte un exogne implant , quelque chose dexterne qui viendrait se greffer sur le fonctionnement endogne (1993, p. 55). Mais quel est cet objet demble extrieur (ibid., p. 64) ? Lessentiel du sexuel chez lenfant vient de lautre (ibid., p. 73), de lautre adulte, du partenaire de lautoconservation, de celle ou de celui qui assure lalimentation, les soins, la protection. Ici, lactivit 9 est du ct de lautre (ibid., p. 69). Quant ce qui sim-plante, provenant de ladulte, ce sont des messages avant tout somati-ques, insparables des signifiants gestuels, mimiques ou sonores, qui les portent (ibid., p. 13). Mais, si cet autre adulte qui tient le langage de la tendresse a de multiples faces : nourrir, donner des soins, protger, il est aussi mul-tiple ; il dsigne pour Freud, aussi bien, le pre, la mre, lhomme, la femme, leurs successeurs, leurs substituts. Et bien videmment, toutes les zones corporelles font appel aux soins de ladulte, des soins qui sont prsents ds les premires heures (ibid., p. 76). Or, lautre dans laccomplissement de ces activits est forcment m et domin par des fantasmes. Il ny a pas un acte de cet ordre auquel ne sadjoindrait une part de fantaisie. Les zones rognes (zones de passage, de soins, de propret) sont donc lobjet de soins imbibs de fantasmes majeurs de ladulte (ibid., p. 77). Ces lieux de soins, lieux de passage et dchange que sont les orifices du corps sont des lieux de polarisation de quelque 9. Ce nest pas la femme que lon tte, cest la femme qui nourrit J. Laplanche, 1993, p. 69.

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    chose dexterne qui vient se greffer travers ces soins, sur le fonc-tionnement endogne (ibid., p. 55). Ainsi, cest dans linteraction de la tendresse que se glisse, que vient sinsinuer laction inconsciente de lautre, la face sexuelle inconsciente du message de lautre (ibid., p. 73). Cet autre est un autre compromis par son propre inconscient, par son autre interne, de sorte que les messages quil envoie sont des messages eux-mmes compromis, ou nigmatiques (ibid., p. 98). En dfinitive, la sexualit rotique ne se constitue que dans le fantasme et ne parat associe aucun plan prtabli. De fait, cette sexualit rotique est une sexualit qui ne trouve son origine que dans linconscient et, en dfinitive, peut tre considre comme la trace de la perversion de lautre dans le corps de lenfant (ibid., p. 12). Mais on ne perdra pas de vue que cest aussi, au dpart, une sexualit qui nest pas lie, cest--dire qui nest pas unifie, aussi bien dans ses zones, dans ses objets, que dans ses ralisations, dans ses buts (ibid., p. 98), et qui comme telle se confond avec la pulsion de mort , conue comme un processus de dliaison dont les effets ne manqueront pas dinfiltrer aussi toute vie relationnelle ou sociale. Si, comme le souligne J. Laplanche, la vrit de la sexualit cest la pulsion de mort 10 , cest quen tant que dlie lorigine, la sexualit est du ct de la destructivit (Laplanche, 1987, p. 143-144). Enfin, si on ne peut raisonnablement ngliger les consquences psychologiques de la diffrence anatomique entre les sexes , il va sans dire quon ne peut mconnatre les consquences sociales de celle-ci et partant refuser denvisager sous cet aspect le refus de laltrit comme un effet de la frnsie dionysiaque, sorte de pulsionnel diabolique 11 et avatar de la pulsion de mort , pour autant que les deux types de pulsions dcrits par Freud (pulsion de mort et pulsion de vie) se trou-vent tous deux dans le champ de la pulsion sexuelle (ibid., p. 143) et susceptibles dinfiltrer la vie sociale dont le Malaise de la culture serait le symptme. Lenjeu, par-del les apparences, semble bien se confondre avec une entreprise de dsymbolisation. Ds lors, largument constructiviste selon lequel on ne nat pas femme, on le devient , selon la formule de S. de Beauvoir, et si lhtro-sexualit est le produit dune socit normative, toutes les autres sexua-lits, dont les plus marginales (ou les plus aberrantes), ne peuvent man-quer davoir aussi leurs causes et leur explication, y compris au sein dune socit assujettie la matrice dune culture normative htro-sexuelle . Resterait sinterroger sur le comment et pour quels bn-fices cette socit normative les produit. Peut-on navement considrer que les idologies ducatives destination des parents (et valant 10. Laplanche, Problmatique IV, p. 128.11. On se souviendra que le diabolique est lantonyme du symbolique. Aussi prfrerons-nous ce terme celui de dmoniaque ( pulsionnel dmoniaque ) utilis par J. Laplanche, 1993, p. 112.

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    comme autant de prescriptions) 12 ou pdagogiques lusage des ensei-gnants 13, par exemple, seraient trangres aux destins des divers avatars (et vicissitudes) de la pulsion sexuelle dans les expressions contingentes de ses diffrents aspects (pulsion de vie/pulsion de mort) ? Certes, il nexiste pas de sexualit sans violence, tant il est vrai que la pulsion sexuelle reste faite demprise sur lautre (Schneider, 2007, p. 99), mais prtendre radiquer celle-ci revient vouloir rprimer le dsir jusqu sabstenir de dsirer et implicitement crer (rver ?) une socit postsexuelle ! Se passer du corps pour procrer ! La passion de lgalit entre les individus, qui conduit conce-voir ceux-ci comme ncessairement et strictement interchangeables (indistincts, quivalents, indfinis), staye en dfinitive sur le refus de laltrit et plus sournoisement sur la haine de lautre. Il ne peut y avoir de place que pour les diffrentes mtamorphoses du mme. La revendication de lgalit des droits devenant quivalente au droit lgalit , conjugue aux droits lenfant , ne pouvait manquer de se trouver intimement associe la rvolte contre lordre biologique confinant les femmes dans leur destine biologique. Ds lors, il savrait logique de prtendre labolition de toute diffrence et de se proclamer de sexe indtermin, de ntre donc ni homme ni femme. Il convenait den finir avec toute dissymtrie et, en consquence, avec le sacre et lempire du ventre 14, et partant de refuser de fonder laccs la parentalit sur les simples comptences corporelles 15 (Iacub, 2004, p. 351), de revendiquer le droit de se passer de son corps pour pro-crer et, le moment venu, se passer du corps lui-mme, en ayant recours quelque moyens mcaniques, sil en existe un jour (ibid., p. 350) et, de la sorte, arracher le corps la nature . Ainsi que le dfend M. Iacub, lutrus artificiel est [] une perspective formidable [] Au-del du fait que, pour beaucoup de femmes, ce sera une manire de se librer dun poids terrible, lutrus artificiel permettra en mme temps dgali-ser les rles des hommes et des femmes lgard de la procration, et les rles paternel et maternel lgard de lenfant 16 (Iacub, 2006).

    12. En Australie, si on laisse pleurer un bb, on sexpose une dnonciation et la visite de la police !13. Par exemple, que toute forme dautorit est une marque de mchancet et de ce fait prju-diciable. Nous ne pouvons nous empcher dtablir un lien entre la disparition de lautorit et de la dissymtrie quelle introduit entre les adultes et les enfants, et la contestation perverse de la diffrence des gnrations.14. Quant au ventre, il est effectivement le lieu de la dissymtrie. 15. Refusant de fonder laccs la parentalit sur les simples comptences corporelles, comme si les organes secrtaient des droits, un tel systme introduirait non seulement plus de libert, mais aussi plus dgalit (M. Iacub).16. Dans Philosophie Magazine, n 1, avril-mai 2006, Dbat Sylviane Agacinski, Marcela Iacub : La fin de la domination masculine .

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    Ainsi, les corps deviendraient des moyens parmi dautres de rali-ser un projet parental (Iacub, 2004, p. 349). Quant l Origine , elle naurait aucune importance [], ntant plus le fondement du lien de filiation (ibid., p. 350). Avant que la machine faire la vie ne contribue la changer rel-lement , on peut considrer que cette machine est une belle occasion saisir (Iacub, 2002, p. 154), et ce parce que la domination dun sexe sur lautre passe prcisment par la procration. Il sensuit que la libration des femmes nest possible que par leur matrise de la procration, do la ncessit de dlivrer les femmes de cette tche biologique (ibid., p. 147). On peut en convenir, ce qui est en jeu cest bien la dmaternisa-tion 17 et conjointement la question de lorigine ; il sagit de se dbar-rasser de lide mme dorigine et dinstituer, comme le stigmatise J. Chasseguet-Smirgel, un univers sans diffrences, sans origine, sans pulsions, sans avant, ni aprs (2003, p. 74). Toutefois, on ne peut viter de se poser la question : comment interprter un tel refus du corps auquel la machine est appele se sub-stituer ? Comment comprendre la rduction de celui-ci un ensemble dorganes spars, un assemblage dorganes dpourvus de sens , puisque le ventre de la mre porteuse peut tre occasionnellement assimil un simple incubateur avec lequel la gestatrice nest cense entretenir aucun lien affectif susceptible de compromettre la transaction future avec quelque parent adoptif ? Sur quoi repose un tel dtachement du corps, quand il ne sagit pas (dans certains comportements) dune totale dtestation, si nous convenons de donner un sens symptomatique certaines pathologies, ds lors que nous refusons de les considrer du seul point de vue de leurs manifestations singulires, mais comme de vritables sociopathies ? Nous convenons de lier ensemble diffrents rapports au corps, tant il nous semble fcond de faire lhypothse, ce propos, dun soubassement commun la manire de traiter (maltraiter) son corps. Ici, se rejoignent dans une vritable convergence ce qui peut tre imput au travail de la dliaison et ce qui relve de la dsymbolisa-tion. Pour sa part, J. Chasseguet-Smirgel (2003), dans son remarquable ouvrage sur Le corps comme miroir du monde, impute ces diffrentes idologies qui infiltrent sourdement notre monde et o convergent la destruction des diffrences, la dmaternisation, les troubles alimentaires de la fminit, la destruction du corps, lutopie de la jouissance et celle de lgalit, la perte de lactivit symbolique et une rvolte contre lordre biologique qui trouverait sa source dans la fuite devant la mre (p. 80) et sa toute-puissance, et comme volont danantissement des capacits spcifiquement fminines (p. 81).

    17. Tota mulier in utero, dit un adage misogyne.

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    Conclusion On peut faire lhypothse que ce qui se dbat au sein de la socit occidentale, propos des composantes multiformes de la sexualit humaine, vise dconstruire la diffrence des sexes par la dnonciation des effets normatifs de lhtrosexualit, responsable des ingalits et de la domination des hommes sur les femmes 18, de la distinction entre les bonnes et les mauvaises sexualits, auxquelles sont attribus des droits diffrents, donc ingaux. Si ce qui est rcus, cest la diffrence masculin-fminin, ce qui est en cause propos des identits qui ne devraient plus tre fondes sur son sexe (tre homme ou femme ), mais sur sa sexualit, cest en dfinitive lordre symbolique qui fonde la diffrence des sexes et des gnrations. Le modle fond sur la dichotomisation de lespce humaine, cette idologie du binaire qui nous tient lieu duniversel, aurait pour effet de conduire (selon certains) tout la fois loppression des femmes, la culpabilisation des striles, la marginalisation des sexualits diff-rentes et au mal-tre des identits sexuelles imposes (Peyre et Wiels, 1997, cit par Liliane Kandel, 2000, p. 296). Il sensuit que cet ordre suppos et impos compromettrait lgalit et lharmonie, et perptuerait les dissymtries gnratrices de disparits et de violences. Sagit-il alors, pour paraphraser G. Deleuze (1969), dins-taurer un monde sans autres, jusqu sen prendre la structure dautrui (Vidal, 2002 ; 2007) ? La diffrence des sexes nest dsavoue quau profit dun monde androgyne des doubles ou des rpliques (Deleuze, p. 279). Souvenons-nous de ce film rcent de Jean-Jacques Zilbermann (1998), et dont le titre nous fit peut-tre sourire : Lhomme est une femme comme les autres ! La paix, lgalit et lharmonie seront donc censes rsider dans leffacement des diffrences entre les hommes et les fem-mes, voire dans La confusion des sexes (Schneider, 2007) ! Jusquici, Dionysos se tenait cach prt surgir de sa rserve , le voil qui reparat ds que la suspicion pse sur Promthe, selon G. Durand. Sagirait-il de vivre dsormais lombre de Dionysos , comme nous y invite M. Maffesoli (1985) ? Dionysos est le dieu de la revanche des forces primitives sur la civi-lisation. Cest le dieu aux multiples visages, dieu de la mascarade, dieu des contraires (Bollack, 2005, p. 87) ; il est double et bipolaire (ibid., p. 24), un dieu homme et non-homme, mle et femelle (ibid., p. 25), de nature mtisse (ibid., p. 11), son identit est instable (ibid., p. 9) ; divi-nit androgyne, il incarne le dpassement des diffrences (ibid., p. 88), le polymorphisme de la non-distinction (ibid., p. 15) ou de la confusion des sexes ; lorsquil entre en scne dans Les Bacchantes dEuripide,

    18. Cf. le numro 609 de la revue Les temps modernes qui consacrait un dossier cette ques-tion Diffrence des sexes et ordre symbolique , et dans lequel M. Tort intitulait son article : Quelques consquences de la diffrence psychanalytique des sexes .

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    cest habill en femme 19. Il est le matre sans limites de toutes les mtamorphoses (p. 107). tranger, il vient dailleurs, du dehors, mais il nest pas lautre , celui que lon nest pas ; il est tout ce quil veut tre (ibid.). Sa nature est insaisissable tant il pousse la confusion des identits lextrme. En outre, il est aussi le matre des illusions, des hallucinations et des mirages (ibid., p. 15), un producteur de fantasmes (ibid., p. 97), un provocateur de la conviction dlirante ; dans Les Bacchantes dEuripide, la folie induite ou implante par le dieu va de linversion des sexes au crime contre nature . Cest lui qui distribue les rles dune folie sinistre (J. et M. Bollack, 2005, Avant-propos , p. 9). Ce dieu de lindiffrenciation des sexes (p. 22) qui, en tant que femme, dispose de lattrait des sductions imaginaires, a tourn la tte de toutes les femmes de Thbes, il en a fait les adeptes dchanes ou les dvotes incontrles dune religion autre et nouvelle , les par-tisanes dun militantisme fminin, fanatique et missionnaire (p. 77). Prenons garde que ce qui spcifie la perversion consiste convain-cre celui qui doit devenir sa victime dadhrer lidologie (vision du monde, point de vue, croyance, opinion, illusion) qui la dtruira. Sans doute le psychanalyste a-t-il prendre la mesure de ce qui se joue et se dnie dans la fminisation (maternalisante) du corps social et, bien en de, des dbats sur lindiffrenciation des sexes, pour autant que ce soit laxe autour duquel tournent les changements qui affectent la famille, ses compositions, la parentalit, la filiation, les rapports entre les sexes et les sexualits, etc. Sans doute, ce qui est en question au fon-dement de tout cela, rside-t-il dans la problmatique du fminin. Non du fminin, conu comme quelque part maudite (Bataille), la marque de lirrationnel ou de la draison, quelque continent noir, mais concidant plutt avec ce quliane Allouch (2007) nomme le fminin lmentaire, qui dsigne la capacit de rceptivit primitive lautre et soi et qui concerne chacun, tant les femmes que les hommes, si tant est que les deux sexes esquivent le fminin (cf. Schneider, 2007, p. 26). E. Allouch le dfinit comme la capacit du psych-soma primitif de se laisser pntrer par la libido de lautre primordial sans se sentir attaqu ni dtruit (p. 94). Quant cette capacit de rceptivit lautre, elle est cense permettre aux sujets devenus hommes ou femmes diffrencis daccueillir la diffrence, laltrit de lautre, et den jouer sans terreur et mme avec joie (ibid.), encore faut-il, pour cela, pouvoir se vivre et se penser comme un sujet dans un monde o on ne cherche pas dissoudre la structure autrui 20. Resterait comprendre pourquoi lre 19. Et vous autres, allez dans la ville, ordonne Penthe aux gardes, dbusquez ltranger aux allures de femelle, qui introduit une maladie nouvelle chez nos femmes (v. 352-354).20. [] cette dissolution progressive mais irrversible de la structure, nest-ce pas ce que le pervers atteint [] dans son le intrieure ? Pour parler comme Lacan, la forclusion dautrui fait que les autres ne sont plus apprhends comme des autruis, puisque manque la structure qui pourrait leur donner cette place et cette fonction. Mais nest-ce pas aussi bien tout notre monde peru qui scroule ? Au profit dautre chose ? G. Deleuze, 1972, p. 266.

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    de lindividu et ses avatars pervers tentent de se substituer celle du sujet (sujet du groupe et sujet de linconscient, lequel ne se construit que dans linteraction des subjectivits) dans le dni de toute dpendance, histoire et origine. Chaque individu dsormais revendique sa singularit dans laquelle il senferme : lre de lindividu , il ny a pas de place pour autrui, comme dans le rve dune socit narcissique qui nous permettrait dchapper la sordide ncessit de vivre avec lautre (Wilde, cit par Schneider, 2005, p. 245). Cest dabord en autrui, par autrui, que la diffrence des sexes est fonde, tablie. Instaurer le monde sans autrui, redresser le monde (comme Vendredi le fait, ou plutt comme Robinson peroit que Ven-dredi le fait), cest viter le dtour. Cest sparer le dsir de son objet, de son dtour par un corps, pour le rapporter une cause pure : les l-ments. A disparu lchafaudage dinstitutions et de mythes qui permet au dsir de prendre corps, au double sens du mot, cest--dire de se don-ner une forme dfinie et de fondre sur un corps fminin. Robinson ne peut plus sapprhender lui-mme, ou apprhender Vendredi, du point de vue dun sexe diffrenci. Libre la psychanalyse de voir dans cette abolition du dtour, dans cette sparation de la cause du dsir avec lob-jet, dans ce retour aux lments, le signe dun instinct de mort instinct devenu solaire (Deleuze, op. cit., p. 276).BibliographieALLOUCH, E. 2007. Le fminin violent , dans cole de la violence. Violence

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