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[email protected] Extrait du livre « Définir un plan de protection sur un réseau à haute tension » le 08/12/2016 1 DEFINIR UN PLAN DE PROTECTION SUR UN RESEAU A HAUTE TENSION EXTRAITS

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[email protected] Extrait du livre « Définir un plan de protection sur un réseau à haute tension » le 08/12/2016

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DEFINIR UN PLAN DE PROTECTION SUR UN RESEAU A HAUTE TENSION

EXTRAITS

[email protected] Extrait du livre « Définir un plan de protection sur un réseau à haute tension » le 08/12/2016

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Avant propos

A partir du moment où l’électricité a cessé d’être une science pour devenir une technique, les

exploitants ont été confronté à la nécessité de maintenir en temps réel l’équilibre entre les ressources

d’énergie électrique et les besoins des usagers domestiques et industriels. Il leur a fallut également

maitriser les échanges d’énergie sur des distances pouvant être importantes. Le stockage de l’énergie

électrique ne pouvant être obtenu à des coûts économiquement acceptables que sur de faibles quantités, il a été nécessaire de multiplier les sources et les interconnecter. Cela a naturellement

conduit les sociétés électriques à agrandir les zones d’exploitation obtenant de ce fait une meilleure

stabilité. Ces évolutions sont devenues un concept utilisé dans les réseaux de transport sous le

vocable « système électrique ».

Pour assurer la sureté et la sécurité d’acheminement de l’énergie, un système électrique doit être

exploité en cohérence. La sûreté est la qualité première d’un système électrique. Elle se définit

comme la capacité à résister aux pannes sans développement de conséquences graves pour la

poursuite de son fonctionnement. Les évolutions normales de la consommation, les aléas d’exploitation, la nécessité de maintenir la fréquence à une valeur satisfaisante exigent de garantir

les équilibres à tout moment et en tout point du réseau. Cette fonction est assurée normalement par les réserves tournantes et les systèmes de régulation. Malgré ces dispositions, un déséquilibre entre

production et consommation peut apparaître : perte d’une source importante ; déclenchement d’un

ouvrage essentiel ; îlotage d’une partie du réseau. Si ce déséquilibre ne peut être rapidement corrigé d’une manière délibérée, les exploitants, pour éviter le blackout, doivent mettre en œuvre des

moyens automatiques d’ultimes recours intégrés dans le plan de défense du réseau. La sécurité

d’acheminement de l’énergie entre lieux de production et de consommation nécessite une infrastructure appelée réseau, partie visible du système électrique. La structure des réseaux dont la

vocation est d’assurer les grands transits d’énergie doit nécessairement être sécurisée Il existe cependant des ouvrages représentant des goulets d’étranglement dont la perte est de nature à

entrainer des ruptures d’approvisionnement dommageables pour l’exploitation et parfois même des

pertes de stabilité. Ces ouvrages qui ont un caractère stratégique sont pour l’essentiel les lignes, les transformateurs et les jeux de barres. Leur construction, leur insertion et leur exploitation doivent

être particulièrement soignées afin de réduire les risques d’avarie.

L’architecture d’un réseau influe sur la sureté et le fonctionnement du système électrique. Elle est

caractérisée par sa topologie (aérien, souterrain, maille, boucle, antenne, etc.) et par son régime du neutre. Sa performance dépend de la fiabilité présentée par les différents constituants du réseau, par

la manière de les concevoir (cohérence), de les construire (règles de l’art), de les maintenir

(politiques) et de les exploiter (métiers). Un réseau électrique permet de collecter l’énergie provenant

de ressources diverses, de la transporter et de la distribuer suivant un format spécifié. Cet ensemble

doit être conduit de manière à limiter les pertes techniques, répondre aux aléas, réaliser l’adaptation aux charges et bien entendu participer à la sureté du système électrique ainsi qu’à la sécurité

d’approvisionnement de l’énergie. En toutes circonstances, le réseau doit être manœuvrable, observable et maintenable. Il est cependant évident que le niveau de sûreté requit dépend de la

vocation du réseau et de son importance dans le système. Le poste électrique, ouvrage essentiel du

réseau, regroupe des fonctions de conduite, de manœuvre et de protection. Il héberge les

transformateurs, les jeux de barres, les appareils de manœuvre et les équipements du contrôle-

commande du réseau. De ce fait il représente un ouvrage stratégique et complexe pour lesquels le degré de fiabilité de chaque composant est généralement élevé indépendamment du palier technique

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utilisé. Il peut être dédié à une fonction ou en assurer simultanément plusieurs : interconnexion ;

distribution de l’énergie ; interfaçage entre plusieurs réseaux. Les ouvrages d’un réseau d’énergie

électrique sont forcément sollicités par des contraintes d’exploitation, par des surtensions, par la

défaillance des matériels vétustes et par des évènements extérieurs au réseau tels que l’activité

humaine et les phénomènes météorologiques. De ce fait, et compte tenu des risques pour les

matériels de réseau ainsi que pour les biens et les personnes, l’exploitant doit nécessairement mettre en œuvre des dispositions permettant à la fois de réduire les risques d’apparition d’évènements

initiateurs, de limiter les contraintes à des valeurs tolérables et de réaliser la protection ultime des

biens et des personnes. L’écrêtage des surtensions à front raide est assuré par des éclateurs et des

parafoudres déployés sur le réseau. La limitation des contraintes diélectriques à la fréquence

industrielle est obtenue par le choix du régime de neutre du réseau et par les systèmes de régulation automatique du réseau. La tenue en tension des ouvrages ainsi que les caractéristiques des dispositifs

de protection sont définies dans le cadre d’une coordination des isolements du réseau1. Les ouvrages

sont également protégés par des automates de protections dédiés contre les contraintes produites par

des conditions de fonctionnement ou d’exploitation anormales. Les défauts affectant l’isolement du

réseau sont détectés par des protections dédiées à ces typologies de défaut et organisées en plans de protection contre les défauts d’isolement. Parallèlement l’exploitant structure le réseau de manière à

réduire les contraintes de courant ou de tension. Quelle que soit la typologie d’un défaut d’isolement,

la réduction des contraintes est assurée par la limitation des puissances de court-circuit et par le

choix d’un régime de neutre cohérent. L’ensemble est consolidé par un plan de protection assurant l’élimination ultime des défauts d’isolement.

Lorsque l’on évoque les protections des réseaux ou des ouvrages, il est impératif d’en préciser les

contours. Il faut distinguer.

1) Concernant les réseaux

les réseaux publics de transport ;

les réseaux publics de distribution ;

les réseaux industriels.

2) Concernant les plans de protection

les protections d’exploitation ;

le plan de défense du système électrique ;

les plans de protection contre les courts-circuits.

L’association de ces plans de protection permet de palier aux défaillances du réseau ou du système

électrique. Un plan de protection est dédié. Il ne doit pas interférer avec d’autres. A titre d’exemple :

Une protection d’exploitation ne doit pas intervenir sur un court-circuit ;

Un court-circuit ne doit pas solliciter le plan de défense du système électrique ;

Le plan de protection du réseau public n’a pas à intervenir pour un défaut affectant un réseau industriel ;

1 Le sujet est en partie traité dans le livre « Les transformateurs électriques, fonctionnement, mise en œuvre et exploitation » M Lambert ; Dunod ; 2016.

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La protection générale du réseau industriel ne doit pas être sollicitée par un court-circuit

affectant le réseau public.

Il existe cependant des situations où ce concept est difficilement réalisable notamment lorsque les

réseaux présentent de très faibles puissances de court-circuit, les petits réseaux isolés par exemple.

Ce livre décrit le concept des plans de protections utilisés pour détecter et éliminer les défauts

d’isolement affectant les réseaux à haute tension. Par des exemples pratiques, il montre comment, à partir de critères directement mesurables, un plan de protection peut assurer la sécurité des personnes

et des biens.

Il comporte huit chapitres :

Chapitre 1 : Généralités

Chapitre 2 : Les composantes symétriques

Chapitre 3 : Le choix des critères de détection

Chapitre 4 : La détection des défauts polyphasés

Chapitre 5 : la détection des défauts à la terre

Chapitre 6 : Les plans de protection des réseaux

Chapitre 7 : Les automatismes associés

Chapitre 8 : Les plans de protection des ouvrages

Cet ouvrage Cet ouvrage n’est pas consacré aux technologies utilisées par les constructeurs

d’équipement. Il a été conçu à l’intention des professionnels, concepteurs ou exploitants des réseaux d’énergie électrique à haute tension. Rédigé à partir de mes expériences il sera particulièrement utile

pour comprendre les thèmes développés par les experts. Il apportera aux professionnels des éclaircissements et des compléments d’informations sur des sujets qui ne leur sont pas forcément très

accessibles. Il les aidera également à avoir une vision globale et cohérente des plans de protection

des réseaux publics et industriels. Enfin, il pourra être utilisé comme support pour les enseignants et

leurs étudiants dans le cadre des formations en génie électrique.

Cet ouvrage fait référence à mes précédents livres « Les régimes de neutre et les schémas des liaisons à la terre », paru chez Dunod en 2011 et « Les transformateurs triphasés, fonctionnement,

mise en œuvre et exploitation » paru chez Dunod en 2016.

Remerciements

Je remercie les constructeurs, les exploitants et les concepteurs qui, durant de nombreuses années,

m’ont apporté aide et assistance dans l’accomplissement de mes missions, avec qui j’ai eu le plaisir

de dialoguer ou de travailler et qui m’ont fait partager leurs expériences.

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Introduction

Durant la première moitié du XXe siècle, les réseaux d’énergie électrique ont été conçus pour

permettre aux personnes qui en faisaient la demande d’accéder à l’énergie électrique. La

préoccupation des exploitants allait alors vers la recherche d’un compromis entre les investissements et la sûreté d’approvisionnement. Par la suite, l’évolution des exigences a provoqué une mutation

dans la manière de concevoir les ouvrages puis de les exploiter. La continuité de la fourniture, la

qualité de l’onde électrique, la sécurité des biens et des personnes ainsi que la préservation de

l’environnement ont pris une place importante dans la conception et la réalisation des réseaux

d’énergie électrique. Aujourd’hui la nécessité de maîtriser les coûts semble également s’imposer. C’est dans ce cadre que doit se définir un plan de protection contre les défauts d’isolement.

Définir le plan de protection d’un ouvrage ou d’un réseau électrique consiste à identifier les risques

et les grandeurs électriques mises en jeu. C’est ensuite choisir, en cohérence, les dispositifs qui, au meilleur coût, conviennent le mieux pour détecter les avaries ou les anomalies, alerter l’exploitant et

en fonction des obligations, assurer la mise hors tension de l’ouvrage ou du réseau. Dans ce cadre, il

est fait obligation au gestionnaire du réseau de faire en sorte que toute défaillance de l’isolement d’un réseau soit détectée et que l’élément en défaut soit mis hors tension. Le législateur admet en

effet rarement que l’exploitation d’un réseau puisse se faire à défaut maintenu.

Un plan de protection comporte donc des équipements réglés pour assurer des fonctions spécialisées permettant de contribuer à la pérennité des investissements, la continuité de la fourniture ainsi qu’à

la sécurité des biens et des personnes.

En HTA, sur les ouvrages de faible puissances2, la détection et les éliminations des défauts

d’isolement sont souvent obtenues par des fusibles ou des disjoncteurs équipés de déclencheurs

directs. Pour les plus fortes puissances, on utilise des équipements de protections raccordés au secondaire des capteurs de tension et de courant. Dans la plupart des cas les protections sont

sensibles aux grandeurs électriques directement accessibles.

Cela étant dit, les dispositifs composant les plans de protections sont parfois couteux. Ils peuvent également présenter une durée de vie ou d’obsolescence relativement faible. Il faut donc réfléchir

aux moyens qui doivent être mis en œuvre pour rester dans des limites économiquement acceptable

en prenant en compte le cout de l’ouvrage à protéger ainsi que son importance dans le système

électrique.

2 La puissance limite préconisée par la norme NFC 13-100 pour l’utilisation de fusibles HTA de protection des transformateurs HTA/BT est de 1250 kVA.

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GENERALITES

Sur les réseaux à haute tension, les plans de protection contribuent en temps réel à la maîtrise des contraintes produite par des évènements souvent imprévisibles. Un aléa peut avoir pour origine une anomalie d’exploitation ou un défaut d’isolement. Il peut être également la conséquence de la perte sur avarie d’un ouvrage important. Quelque soit l’évènement initiateur, les plans de protection doivent contribuer à des degrés différents. - à la stabilité du réseau ; - à la protection des personnes et des biens ; - à la pérennité des matériels composant les ouvrages du réseau; - au maintien d’une bonne qualité de service au plus grand nombre d’usagers ; Ce chapitre décrit les principes qui régissent les plans de protections dédiés à la détection et à l’élimination des défauts d’isolement.

1.1 Les défauts d’isolement

Un défaut d’isolement affectant un ouvrage, une installation ou un équipement est le résultat de la rupture diélectrique d’un isolant ayant pour origine :

l’activité humaine ;

le vieillissement des isolants, la présence de corps étrangers, la pollution, le givre, etc ;

des surtensions de manœuvre ou d’origine atmosphérique ;

des surtensions temporaires excessives à la fréquence industrielle ;

des contraintes thermiques importantes ;

la défaillance mécanique d’un matériel ;

des conditions d’exploitation anormales ;

le non respect des règles de l’art pour l’insertion des matériels ;

une politique de maintenance inadaptée.

1.1.1 Les défauts monophasés

Les défauts d’isolement entre une phase et la terre ont pour particularité de développer une énergie

qui dépend fortement de l’impédance apparente du circuit, du régime de neutre et du schéma des liaisons à la terre du réseau. Les typologies de défaut sont pour l’essentiel :

un contact ou un amorçage d’une phase avec la masse ou la terre sans rupture de

conducteur (figure 1.1a) ;

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la rupture du conducteur avec un contact avec la masse ou la terre coté source (figure 1.1b);

la rupture du conducteur avec un contact avec la masse ou la terre coté charge (figure 1.1c).

a

b

c

n

B

C

N

B

C P

a

b

c

n

B

C

N

P

Source

a

b

c

n

B

C

N

P

a)

b)

c)

Source

Source Charge

J

J

J

B

C

Charge

B

C

Charge

Figure 1.1 Typologie des défauts monophasés

Pour une tension de service donnée, le courant de court-circuit correspondant aux figures 1.1a et

1.1b dépend à la fois de la puissance de court-circuit au point de défaut, du régime du neutre et de la résistance du défaut. Si on examine pour ces cas la répartition statistique des résistances de défaut,

on constate que 90 % des défauts ont des résistances comprises entre 5 et 200 . Les protections

principales des réseaux doivent donc être capables de détecter et d’éliminer automatiquement ces défauts. Il existe cependant des cas où la résistance du défaut peut être nettement supérieure à ces

valeurs. Dans le cas de la figure 1.1c, le courant de défaut dépend du schéma des liaisons à la terre de la charge en aval du défaut et de la puissance absorbée par celle-ci. Dans l’exemple de la figure

1.1c l’intensité dans le défaut serait sensiblement égale à

3U9

PJ

Pour P=100 kW et U=20 kV, J=0,96 A. La résistance apparente du défaut étant supérieure à 10000 , il serait donc nécessaire de mettre en œuvre un plan de protection complémentaire capable de

détecter ce type de défaut.

1.1.2 Les défauts affectant plusieurs phases

Les typologies les plus courantes sont :

Les défauts entre plusieurs phases isolés de la terre (figure 1.2a) ;

Les défauts entre plusieurs phases et une même terre locale (figure 1.2b) ;

Les défauts monophasés avec des phases et des terres locales distinctes (figure 1.2c).

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a

b

c

n

B

C

N

B

C P

a

b

c

n

B

C

N

P

Source

a

b

c

n

B

C

N

P

a)

b)

c)

Source

Source Charge

J

J1

B

C

Charge

B

C

Charge

J2

Rm1

Rm2

Figure 1.2 Typologie des courts-circuits polyphasés

Parce qu’il développe dans le défaut une grande énergie un défaut polyphasé et qu’il met en danger

la sécurité des personnes et des biens, parce qu’il peut être à l’origine des creux de tension3

importants et des perturbations sur les équipements domestiques et industriels, les défauts d’isolement affectant plusieurs phases doivent être rapidement détectés et éliminés automatiquement

dans des délais conformes aux obligations réglementaires et contractuelles.

Un court-circuit polyphasé présente une impédance qui dépend de la résistance du défaut et de la puissance de court-circuit du réseau au point de défaut. La résistance du défaut ayant un caractère

aléatoire et présentant généralement une faible valeur, celle-ci n’est en principe pas prise en compte

pour le calcul des réglages des protections. Il existe toutefois une typologie de défauts affectant plusieurs phases qui présentent une résistance susceptible d’être importante. Ce sont les doubles ou

triples défauts monophasés.

Un « défaut double » a pour origine un premier court-circuit monophasé sur un réseau ayant un

facteur de mise à la terre4 Zo/Zd supérieur à 3. Ce défaut développe des surtensions temporaires, en

mode commun et à la fréquence industrielle, susceptibles par leur amplitude de provoquer, si l’isolement est insuffisant, des amorçages entre les autres phases et la terre. Sur ces réseaux, la

« tenue 50 Hz » par rapport à la terre doit être définie pour la tension composée5. Les défauts

doubles peuvent affecter plusieurs lignes (figure 1.3a), différents matériels connectés ou appartenant

à une même ligne ou un même équipement.

Les défauts doubles sont non seulement dangereux pour les personnes et les animaux mais également destructeurs pour les biens. En effet, les montées en potentiel des prises de terre qui en

découlent dépendent plus du rapport des résistances de défaut que du régime de neutre. La figure

1.3b présente le mécanisme de production des montées en potentiel des prises de terre dans le cas ou

les amorçages se situent sur le même équipement. Ce type de défaut ne doit pas être confondu avec

un défaut polyphasé à la terre mais plutôt comme un défaut polyphasé résistant ou comme plusieurs

défauts monophasés affectant simultanément des phases différentes. Les courants de défaut

3 Norme NF EN 50160 4 Le sujet est présenté dans le livre « Les régimes de neutre et les schémas des liaisons à la terre ». 5 24 kV pour les réseaux 20 kV.

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dépendant essentiellement de la somme et du rapport des résistances Rm1 et Rm2, leur valeur peut

être inférieure au seuil de détection des protections contre les défauts polyphasés. C’est la raison

pour laquelle la détection des défauts doubles est en principe confiée aux protections homopolaires.

I1

I2

Phase 3

Phase 2

INRm1

Rm2

15 km 148²

30 5

Ph3

Vm1=16820 V Vm2=3660 V

IN

Rm1 Rm230 5

20400 V Ph2

IN

Rm1 Rm2

225 A

I2=732 AI3=561A

a)

b)

Figure 1.3 Double défaut monophasé

1.2 Les aspects réglementaires

1.2.1 Les défauts polyphasés

Les risques induits par un défaut polyphasé pour les personnes et les biens ainsi que pour les processus industriels implique qu’il n’est pas envisageable de maintenir sous tension un ouvrage en

défaut. L’exploitant à donc l’obligation de mettre en œuvre les moyens les plus performants pour

détecter et traiter rapidement tout défaut d’isolement affectant plusieurs phases du réseau. Il faut donc que le plan de protection soit suffisamment sensible pour être en mesure de détecter et

d’éliminer rapidement6 tout court-circuit polyphasé apparaissant sur le réseau.

1.2.2 Les défauts avec la terre

Cas général

Lorsqu’une partie active d’un ouvrage à haute tension est soumis à un défaut d’isolement par rapport

à la terre ou à la masse, il est impératif que le traitement du défaut soit conforme aux obligations de

sécurité concernant les biens et les personnes. La règle qui prévaut généralement consiste à réaliser

d’une manière automatique la mise hors tension de l’ouvrage en défaut. Cependant, il est nécessaire

de prendre en compte les limites imposées par la métrologie qui ne permet pas de détecter un défaut lorsqu’il est très résistant7. Dans la suite de l’ouvrage on conviendra qu’un défaut franc est un court-

circuit qui est détecté par le plan de protection principal ; un défaut résistant est détecté uniquement par le plan de protection complémentaire ; un défaut très résistant n’est pas détectable par les

automates.

6 La rapidité du plan de protection est traitée au paragraphe 1.2.2. 7 Cas d’un conducteur tombé coté charge par exemple (figure 1.1c).

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L’exploitation du réseau à défaut maintenu

Par dérogation l’exploitant peut être autorisé à exploiter le réseau avec un défaut à la terre maintenu sous réserve de respecter les conditions fixées par le législateur. Ce mode d’exploitation présente un

intérêt technico économique par le fait que l’énergie non distribuée est réduite, encore faut-il que les

modalités puissent dans tous les cas être validées. A titre indicatif, l’exploitation d’un réseau ou un

élément de réseau avec un défaut maintenu peut être autorisé si :

la sécurité des personnes8 est garantie par la suppression des risques d’électrisation9. Les

tensions de toucher à l’endroit du défaut et la tension de pas dans l’environnement de celui-ci ne doivent excéder les limites autorisées par la réglementation (50 V efficace en France par

exemple)

l’énergie développée dans le défaut doit être limitées à une faible valeur10 ;

le défaut doit être détecté et signalé d’une manière automatique ;

le défaut doit être localisable dans les meilleurs délais ;

l’avarie ne doit pas pouvoir évoluer11 en défaut polyphasé du fait de l’apparition des surtensions

temporaires à la fréquence industrielle produites par l’évènement initiateur ;

Si une de ces conditions n’est pas respectée, la mise hors tension automatique de l’ouvrage ou de

l’installation en défaut s’impose.

Il faut noter que certains pays excluent l’exploitation à défaut maintenu des réseaux aériens.

Dans tous les cas, l’exploitation à défaut maintenu doit respecter le cadre de cohérence fixé par le législateur en matière de sécurité électrique.

1.3 Présentation d’un plan de protection

Le choix des moyens qui doivent être mis en œuvre dans un plan de protection dépend à la fois du coût et de la position stratégique des ouvrages, de leur exposition aux contraintes ainsi que des impératifs d’exploitation notamment en matière de sureté et de sécurité. Définir un plan de

protection revient à en fixer les contours. Les dispositions qui sont prises doivent être sûres et durables.

1.3.1 Principes généraux

Il faut distinguer les protections et les plans de protection.

Une protection de réseau est un élément matériel appartenant au plan de protection du réseau ; Elle

est aujourd’hui représentée par une fonction incluse dans un automate. Dans la suite de l’ouvrage on l’appellera équipement de protection ou automate de protection. Une protection est constituée

physiquement d’un équipement alimenté par des capteurs appelés également « réducteurs de mesure ou transformateurs de mesure ». Ce dispositif est le plus souvent sensible à un critère directement

8 La norme CEI 479-1 est le document de référence en matière de sécurité électrique. 9 Par le choix du régime de neutre isolé ou compensé. 10 On comprend aisément que le maintien d’un défaut est incompatible sur un réseau exploité avec un neutre direct à la terre ou faiblement impédant. 11 L’isolement en mode commun du réseau doit être garanti et être conforme aux spécifications.

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mesurable. Il existe cependant quelques cas où la protection est conçue pour être sensible au

phénomène physique produit par un évènement initiateur. C’est le cas par exemple du relais

Buchholz dont le fonctionnement est conditionné au mouvement d’huile dans un transformateur

produit par la décomposition du diélectrique sous l’effet d’un arc électrique.

Une protection peut supporter une ou plusieurs fonctions définies suivant une codification normative

telle que la norme12 IEEE/ANSI 37-2.

Le code ANSI décrit à la fois la fonction d’une protection et son logiciel. C’est ainsi qu’un automate prévu pour fonctionner pour un dépassement de seuil intensité sera représenté par le code 50 si son fonctionnement est instantané et 51 si son fonctionnement est temporisé. Lorsque l’automate est alimenté par un tore homopolaire son code sera 51G, s’il est alimenté par la sommation des trois intensités d’une ligne il sera codifié 51N.

Le rôle des transformateurs de mesure (TC, TT) consiste à fournir à l’automate et en temps réel des

grandeurs analogues à celles existant sur le réseau. L’automate assure le traitement de ces grandeurs

et, lorsque les limites sont atteintes, commande le système d’alerte et éventuellement la mise hors

tension de l’ouvrage en défaut suivant un processus défini et configuré par l’exploitant. Certaines

fonctions élémentaires peuvent être prévues pour échanger des informations afin de constituer un système logique ou analogique de protection.

La performance d’une protection ou d’un système de protection a une limite imposée par la

métrologie et la technologie employée. Pour atteindre le niveau de performance souhaité il est souvent utile d’associer, d’une manière cohérente, plusieurs dispositifs dans un ensemble appelé plan

de protection.

C’est ainsi qu’un plan de protection contre les défauts d’isolement comportera plusieurs dispositifs

hiérarchiquement organisés et de préférence sensibles à des critères de défauts différents. On trouvera par exemple une protection principale associée à une protection complémentaire permettant

de détecter les défauts dans un spectre d’impédances important. Certains plans de protection

intègrent des fonctions permettant d’assurer automatiquement et en sécurité le retour à un service normal ou dégradé.

Une protection est un composant matériel du plan de protection du réseau. Le plan de protection est un ensemble de dispositions cohérentes et organisées dont le but est de détecter l’ensemble des défauts et les anomalies affectant l’isolement du réseau électrique, de permettre la localisation de l’ouvrage en défaut et si les règles d’exploitation le prévoient, d’assurer sa mise hors tension puis d’initier en sécurité le processus de reprise de service.

Un plan de protection contre les défauts d’isolement doit respecter trois principes.

Premier principe

Afin de préserver la sécurité des personnes et l’intégrité des matériels électriques, tout défaut

d’isolement apparaissant sur un élément du réseau ou raccordé à celui-ci doit être détecté et traité en conformité avec les textes réglementaires.

Deuxième principe

Pour répondre aux obligations contractuelles de la continuité de la fourniture d’énergie électrique, le

processus d’élimination d’un défaut doit respecter les principes de sélectivité.

12 American National Standards Institute

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Troisième principe

Le processus de reprise de service doit respecter les règles de sûreté et de sécurité conformément aux obligations contractuelles et réglementaires. Le régime de neutre du réseau ou de l’installation doit,

dans tous les cas, être maintenu.

1.2.2 Les propriétés essentielles

La sensibilité

C’est la vertu première d’un plan de protection.

Pour la détection d’un défaut polyphasé, la sensibilité de la protection correspond à sa zone de

surveillance. Cette zone dépend à la fois du critère de détection utilisé, du réglage de la protection et,

suivant le critère, du profil des puissances de court-circuit.

Dans le cas d’un défaut à la masse ou à la terre, la sensibilité d’une protection correspond à la valeur

maximale de la résistance du défaut que celle-ci est capable de détecter. Elle dépend essentiellement

du régime de neutre, du critère de détection utilisé, du réglage de la protection et du profil des puissances de court-circuit. La sensibilité d’une protection contre les défauts à la terre ayant

forcément une limite, il est de la responsabilité de l’exploitant du réseau de mettre en œuvre les moyens complémentaires capables de détecter les défauts les plus résistants pour assurer la

protection des biens et des personnes13.

La rapidité

Est-il nécessaire qu’une protection soit rapide ?

Qu’est ce qu’une protection rapide ?

Si la nécessité de disposer de protections présentant une rapidité d’acquisition et de traitement des

grandeurs électriques émanant du défaut ne fait aucun doute, la rapidité avec laquelle doit être mis

en œuvre le processus d’alerte et de mise hors tension de l’ouvrage ou de l’installation en défaut doit être relativisé. Dans tous les cas, il doit être compatible avec les exigences du réseau et l’obligation

d’assurer la protection des biens et des personnes sur et dans l’environnement des ouvrages :

afin de ne pas perdre la stabilité du réseau et les auxiliaires des centrales nucléaires, le plan de

protection du réseau de transport à 400 kV français comporte des dispositifs assurant une sélectivité absolue dans un temps n’excédant pas 100 ms. Ces dispositifs sont considérés comme

étant les protections principales du réseau. Le plan de protection comporte également des

dispositifs complémentaires offrant une sélectivité relative, de plusieurs centaines de

millisecondes si le défaut est monophasé et inférieur ou égal à 250 ms si le défaut est polyphasé.

pour maitriser les conséquences d’un défaut d’isolement dans un transformateur ou dans un jeu

de barres sous enveloppe métallique il faut faire en sorte que la temporisation de la protection

n’excède pas 200 ms et soit de préférence inférieure à 100 ms ;

13 Il existe toutefois quelques typologies de défauts à la terre qui ne peuvent pas être détectés. Ce sont les défauts très résistants.

[email protected] Extrait du livre « Définir un plan de protection sur un réseau à haute tension » le 08/12/2016

13

la protection générale d’un réseau industriel raccordée au réseau public HTA14 ne doit pas

excéder 200 ms si l’on veut respecter le principe de sélectivité entre les deux réseaux.

la temporisation d’une protection à maximum d’intensité « code 51 » installée au secondaire

d’un transformateur HTB/HTA est inférieur au temps du troisième stade de la protection de

distance équipant le réseau de répartition HTB, soit 1s environ.

A titre de comparaison, les protections d’exploitation des ouvrages ont des délais de fonctionnement pouvant atteindre 30 mn, temporisations nécessaires aux exploitants pour réagir et manœuvrer le

réseau afin de retrouver une situation normale sans entrainer la mise hors tension d’usagers.

La temporisation « tp » au déclenchement d’un dispositif de protection contre les défauts est le temps existant entre la détection du défaut et l’ouverture du disjoncteur.

La temporisation d’une protection

La temporisation « tP » d’une protection comprend :

un temps « ta » relatif à l’acquisition et au traitement des grandeurs analogiques. Ce temps

dépend de la technologie de l’automate ; il est environ de 20 ms en technologie électromécanique et peut descendre à 5 ms en technologie numérique ;

un temps de configuration « tconf » fixé par l’exploitant pour assurer la sélectivité du plan de

protection, ne pas déclencher sur des défauts auto extincteurs ou laisser passer les grandeurs

électriques transitoires provoquées par les manœuvres d’exploitation ;

un temps « tdisj » correspondant à la manœuvre de la commande et des pôles du disjoncteur. Le

temps de fonctionnement mécanique d’un disjoncteur moderne est de 30 ms environ ;

Le temps global « tDec » d’élimination d’un défaut d’isolement est la somme tP + tarc où « tarc » correspond au nombre de demi-périodes nécessaires à l’extinction des arcs électriques par les pôles

du disjoncteur. Le temps d’arc d’un disjoncteur à coupure dans le SF6 est de 20 à 30 ms, celui d’un

disjoncteur à coupure dans l’huile peut atteindre 60 ms.

Lorsqu’il s’agit d’étudier une sélectivité par l’échelonnement des temporisations il convient

également de tenir compte de la dispersion des temporisations ainsi que du temps « tr »nécessaire à

la retombé de la protection lorsque la valeur du critère de défaut utilisée par celle-ci redescend en

dessous du seuil de détection.

Ces temporisations dépendent des technologies employées

A l’apparition du défaut le délai minimal nécessaire pour que le disjoncteur passe en position

d’ouverture est égal à tp=5+30=35 ms+tconf. Le temps d’élimination minimale d’un défaut est quant à

lui tDec=tp+20 ms soit 55 ms.

Le temps maximal qui peut être nécessaire à un plan de protection électromécanique pour assurer l’ouverture d’un ancien disjoncteur peut atteindre tp=20+40+tconf=60 ms+ tconf. Le temps

d’élimination maximal d’un défaut si la coupure à lieu dans l’huile est tDec=tp+60 ms+ tconf soit 120 ms+ tconf.

La dispersion cumulée des temporisations peut être évaluée à 20 ms.

14 On se reportera à la norme NFC 13-100

[email protected] Extrait du livre « Définir un plan de protection sur un réseau à haute tension » le 08/12/2016

14

La rapidité d’élimination d’un défaut n’est pas forcément une exigence. Elle est imposée par la nécessité d’assurer la stabilité d’un système électrique. Elle permet en outre de préserver les ouvrages contre les contraintes thermiques ou mécaniques et de limiter les risques d’incendie. Dans les autres cas, la rapidité d’une protection n’est pas une priorité. On considère généralement qu’une protection est rapide si celle-ci est capable d’éliminer un défaut d’isolement sur ouvrage en moins de 100 ms. Ces dispositifs sont en principe des protections de zone à sélectivité absolue.

La sélectivité

Un plan de protection doit être sélectif. En cas de défaut, la sélectivité permet au plus grand nombre d’usagers de bénéficier de la continuité de la fourniture. Les ouvrages consacrés aux protections des

réseaux qualifient la sélectivité comme étant la capacité d’un dispositif à ne mettre hors tension que

les ouvrages strictement nécessaires à l’élimination d’un défaut. Il faut considérer la sélectivité

longitudinale et la sélectivité transversale. La première correspond à la sélectivité existant entre les

protections équipant deux ouvrages successifs, une ligne et un jeu de barres par exemple. La seconde intervient sur deux équipements de mêmes niveaux tels que deux lignes connectées à un même jeu

de barres. Les publications spécialisées évoquent plusieurs types de sélectivité. Les plus utilisées

sont :

la sélectivité absolue qui est obtenue par des protections de zone très rapides (<100ms) telles

que les protections différentielles à comparaison de courant ou de phase ;

la sélectivité relative qui prend en compte les grandeurs électriques mises en jeu par le défaut.

Ce sont par exemple les protections à minimum d’impédance ou bien encore les protections à maximum de courant ou de puissance homopolaire. La sélectivité relative est obtenue par le

choix du critère de détection du défaut, par la désensibilisation de la protection et par l’échelonnement des temporisations.

Il faut noter que l’utilisation de protections homopolaires (51N, 59N et 67N) dans l’environnement d’un transformateur offre, sous certaines conditions, une sélectivité longitudinale naturelle entre un

réseau primaire et un réseau secondaire15. En effet, les transformateurs assurent naturellement le

filtrage des composantes homopolaires sous réserve que leurs neutres primaire, secondaire et éventuellement tertiaire, ne soient pas fixés au même potentiel.

La sélectivité relative est assurée essentiellement par l’échelonnement des temporisations. A titre

d’exemple on considère le cas d’un défaut affectant une ligne alimenté par un générateur. Le défaut est situé en aval de B. Son élimination doit donc normalement être obtenue par l’ouverture du

disjoncteur B.

A B

ta=20 mstr=20 mstconf= 100 mstdisj=40 mstarc=50 ms

ta=5 mstr=5 mstconf=300 mstdisj=30 mstarc=20 ms

Gt2 t1

Figure 1.4 intervalle de sélectivité

Pour éviter que le défaut entraine le déclenchement simultané en A et B il faut que le temps tDec en A soit supérieur au temps tDec en B tel que t2=t1+t.

t1 est la valeur de tp en B

15 Le sujet est développé dans le livre « Les transformateurs triphasés, fonctionnement, mise en œuvre et exploitation »

[email protected] Extrait du livre « Définir un plan de protection sur un réseau à haute tension » le 08/12/2016

15

t2 est la valeur de tp en A

t est l’intervalle de sélectivité.

Il faut également que la protection en A soit revenue au repos à la disparition du critère de défaut

avant qu’elle puisse commander son disjoncteur. On appellera « tr » le temps de retombé de la

protection. Il s’agit de calculer t en tenant compte des technologies employées.

En « A » la technologie de l’automate est numérique, le disjoncteur est à coupure dans le SF6, sa

commande est mécanique.

t2 = ta+tconf+tdisj= 5+300+30=335 ms

En « B » la technologie de l’automate est électronique, le disjoncteur est à coupure dans l’huile, sa

commande est mécanique.

t1 = ta+tconf+tdisj = 20+100+40=160 ms

A t0, le défaut apparaît et si le critère de défaut est supérieur au seuil de fonctionnement des

protections en A et en B, le disjoncteur installé en B éliminera le défaut à t0+tp+tarc=t0+ 160 ms+50 ms= t0+210 ms. La protection située en A retombera à t0+ t1+tr= t0+215 ms. Si le défaut n’est pas éliminé par le disjoncteur B, le disjoncteur situé en A assurera la mise hors tension de la ligne à t0+

t2+tarc=355 ms. L’échelonnement des temporisations sera donc t=t2-t1=355-210=145 ms pour une

différence tconf =200 ms. En pratique et pour un plan de protection électromécanique, l’exploitant choisit généralement un intervalle de sélectivité tconf ≥ 300 ms. L’exemple montre que la

technologie des équipements et des matériels interviennent dans le calcul de l’intervalle de

sélectivité. Un intervalle de configuration de 100 ms est difficilement compatible si les équipements de la cellule B sont moins rapides que ceux installés en A. La sélectivité relative, la sensibilité et la

rapidité d’un plan de protection ne font pas toujours bon ménage. Pour obtenir un plan de protection rapide, il est nécessaire de réduire les intervalles de sélectivité. Cela réduit la fiabilité de celle-ci sur

des cumuls de temps de fonctionnement de protection.

t1 t2 t3t0

t1t0 t3t0 t2

Seuil

Figure 1.5 Cumul de temps produit par deux défauts

[email protected] Extrait du livre « Définir un plan de protection sur un réseau à haute tension » le 08/12/2016

16

Le cumul des temporisations est un phénomène qui se rencontre plutôt sur les réseaux comportant de

l’aérien. Lorsque des évènements liées à des intempéries, à de la pollution ou à des surtensions

temporaires excessives, apparaissent sur des lignes différentes avec des décalages de plusieurs

centaines de millisecondes, il existe un risque de « black out » provoquées par la défaillance de la sélectivité si le seuil de fonctionnement de la protection située en amont est atteint. Afin de réduire

les risques, l’intervalle de sélectivité configuré dans l’équipement situé en amont doit alors être augmenté pour atteindre et même dépasser 500 ms. La protection est de ce fait ralentie ce qui est

dommageable pour la réalisation du plan de protection du jeu de barres. C’est une des raisons pour

laquelle les exploitants mettent en œuvre aujourd’hui des systèmes de protections communicantes

permettant d’accélérer les protections tout en respectant les principes de sensibilité et de sélectivité.

Etudier un plan de protection revient souvent à chercher le meilleur compromis entre la sensibilité, la rapidité et la sélectivité.

1. 3 Les protections de secours

1.3.1 Les risques de défaillance d’une protection

Les protections et les systèmes de protection contre les défauts d’isolement peuvent être à tout moment défaillants. Il est donc légitime d’analyser la criticité des équipements qui participent au

plan de protection et des moyens qui peuvent être mise en œuvre pour palier aux conséquences d’une défaillance. La chaine de protection est composée :

des réducteurs de mesures ;

de l’automate ;

de la bobine de déclenchement du disjoncteur ;

du câblage des circuits logiques et analogiques et de leur alimentation en auxiliaire.

La défaillance peut donc affecter ces différents composants et avoir pour origine :

des spécifications matérielles inadaptées;

une compatibilité électromagnétique insuffisante ;

une mauvaise insertion ;

un défaut générique ;

le vieillissement du matériel ;

une mauvaise configuration ;

la perte des auxiliaires de sécurité

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17

1.3.2 L’automate

La fiabilité présentée par une fonction de protection dépend des spécifications de l’automate, de sa

conception, de sa réalisation, de son insertion, et de sa configuration. Les automates numériques sont

particulièrement sensibles à l’environnement électromagnétique. Il appartient donc aux concepteurs de spécifier les règles d’insertion et d’environnement électromagnétiques. La configuration et

l’orientation16 de la protection sont de la responsabilité de l’exploitant qui doit définir les réglages et effectuer ou faire effectuer le contrôle électrique des installations de contrôle commande et des

fonctions de protection avant la mise en service.

1.3.3 La compatibilité électromagnétique

Dans les ouvrages à haute tension, la coexistence des courants forts et des courants faibles est

permanente. Elle peut être à l’origine des désordres affectant les installations de contrôle commande.

La résistance d’un équipement ou d’une installation de contrôle commande aux perturbations électromagnétiques est désignée par le vocable « Compatibilité électromagnétique ».

« C’est la capacité d’un dispositif, équipement ou système, à fonctionner de manière satisfaisante dans un environnement électromagnétique sans introduire de perturbations intolérables pour quoi que ce soit dans cet environnement.» Cf VEI 161-01-07 et C15100.

La prise en compte de la CEM17, de la conception à la réalisation des installations de contrôle

commande, permet de garantir un niveau d’immunité aux perturbations électromagnétiques BF et HF. Le résultat est obtenu par les choix techniques utilisés pour la réalisation des équipements, par

un environnement compatible et par une insertion soignée. La CEM n’est pas le seul élément à

prendre en compte pour une insertion compatible avec un bon comportement des équipements de contrôle commande. En effet, malgré les cahiers des charges contraignants et des essais sévères de

qualification, les équipements de contrôle commande peuvent être soumis à des contraintes

dépassant les spécifications. Il faut donc faire en sorte de limiter le niveau de celles-ci.

1.3.4 Les réducteurs de mesure

Ce sont des composants essentiels de la métrologie. Quelque soit leur technologie, les réducteurs de

mesures (TT et TC) doivent, en toute circonstance, transmettre à l’automate de protection les grandeurs analogiques du réseau en respectant leur phase et leur amplitude dans les conditions

prévisibles de fonctionnement. Leurs spécifications doivent être définies en fonction de leur utilisation et de l’environnement électrique (puissance de court-circuit, régime de neutre, etc).

Figure 1.6 Transformateur de tension HTA/ BT en avarie

16 Lorsque l’automate comporte des fonctions sensibles aux déphasages des grandeurs électriques. 17 Compatibilité électromagnétique.

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18

Les exigences en matière de rapidité impliquent forcément que l’acquisition et la transmission des

grandeurs analogiques vers l’automate soient rapides sans que pour autant la phase et le module en

soient affectés. Pour atteindre ces objectifs le circuit secondaire d’un réducteur de mesure doit être

adapté à sa puissance de précision. Enfin, il ne faut pas perdre de vue que les transformateurs de tension ainsi que les transformateurs de courant qui sont soumis aux contraintes du réseau doivent

répondre aux spécifications générales des matériels à haute tension.

1.3.5 Les auxiliaires de sécurité

Les auxiliaires de sécurité sont utilisés pour alimenter les services dédiés aux plans de protection,

aux automatismes associés et aux systèmes de conduite. A l’exception des contrôles commandes dont la logique de fonctionnement est à manque de tension, le fonctionnement des équipements de

protection fonctionnant à émission nécessite la présence d’une source auxiliaire particulière. Cette

source peut être à courant alternatif ou à courant continu. Il est cependant indispensable que leurs

sources ainsi et leur distribution soient fiabilisées. Sur les installations importantes par exemple telle

qu’un ouvrage du réseau 400 kV, chaque cellule comporte sa batterie et son redresseur. Dans les postes à haute tension de plus faible importance la source est commune à l’ensemble des

installations. Les circuits à courant continu sont cependant subdivisés en tranches formées à partir d’un disjoncteur de tranche ou d’un disjoncteur divisionnaire. Dans certains ouvrages l’exploitant

met en œuvre un système de backup garantissant à tout moment la disponibilité des sources auxiliaires.

1.3.6 Les conséquences

La défaillance du plan de protection d’un ouvrage affecté par un court-circuit à pour conséquence probable la destruction de cet ouvrage et la mise en danger des personnes se trouvant dans son

environnement.

Figure 1.7 Tableau HTA incendié par un court-circuit non éliminé

Compte tenu des pertes de production provoquées par la destruction d’un ouvrage il est impératif de

prévoir des dispositifs de secours assurant d’une manière ultime la sécurité des biens et des

personnes.

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19

1.3.7 Le secours d’une protection défaillante

Le secours d’une protection peut être réalisée en local ou à distance. Les moyens mis en œuvre

doivent assurer à tout moment la détection, le traitement et la mise hors tension du défaut dans les

conditions prévues au cahier des charges. Les moyens qui doivent être mis en œuvre dépendent cependant de l’importance de l’ouvrage à protéger, de son coût et de sa position dans le réseau.

Le secours local

Il peut être obtenu par le doublement des matériels et des équipements composants la protection ;

doublement de l’automate avec un traitement maître-maître ou maître-esclave ;

Installation d’une protection complémentaire utilisant un critère de détection différent de celui

dédié à la protection principale avec une priorité de fonctionnement pour cette dernière ;

Installations d’une protection autonome18 associée à un percuteur de déclenchement ;

Doublement des bobines de déclenchement du disjoncteur ;

Lorsque les installations représentent des ouvrages stratégiquement très importants, on peut également envisager le doublement disjoncteurs et des réducteurs de mesure. Le coût est

cependant énorme.

Il arrive toutefois que dispositif assurant le secours local se révèle insuffisant Il faut donc pouvoir

compter sur un secours distant.

Le secours distant

Les réseaux étendus sont composés de lignes reliant les postes où sont regroupés les composants du

plan de protection. Une protection distante met en œuvre des équipements dont la fonction est d’assurer avec une sélectivité relative le secours d’une protection ou d’un système de protection

installés dans autre site. C’est le cas par exemple d’un plan de protection équipant un poste source HTB/HTA du réseau public de répartition dont le secours est assuré par les protections de ligne des

postes sources encadrant appartenant au même réseau. Ce secours bien évidemment est temporisé.

Ces fonctions sont généralement assurées par des protections à minimum d’impédance (code 21 ou 21B), à maximum de courant (codes 51, 51N, 51G) et à maximum de puissance homopolaire (67N

ou 67G)

A B

Figure 1.8 Protection de secours distante

La protection de ligne située au poste A peut intervenir en secours pour un défaut situé dans la

cellule transformateur du poste B par la mise hors tension de la ligne AB et du poste B par le

18 Fonctionnement sans source auxiliaire.

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disjoncteur de ligne situé en A. Il est nécessaire cependant que la protection située en A soit

suffisamment sensible. Il faut également que la protection A soit plus lente que les protections

installées en B

1.4 Organisation du plan de protection

1.4.1 Principes

Le plan de protection est un ensemble de dispositions cohérentes comportant des protections

principales, des protections complémentaires et des protections de secours dont la vocation est de

détecter la défaillance de l’isolement du réseau. Les protections principales sont généralement des dispositifs rapides mais souvent peu sensibles. Les protections complémentaires sont en principe

plus sensibles mais peu rapides. La fonction essentielle d’une protection de secours permet au plan

de protection d’assurer, d’une manière ultime, l’élimination du défaut d’isolement. Les protections

de secours sont sélectives avec les protections principales et complémentaires, ces dernières, pouvant

sous certaines conditions, assurer la fonction de protection de secours.

La détection et l’élimination d’un défaut d’isolement sont assurées dans bien des réseaux par deux

plans de protection distincts :

le plan de protection contre les défauts polyphasés ;

le plan de protection contre les défauts à la terre.

Lorsque le réseau est exploité avec un régime de neutre direct à la terre (F<3), un même dispositif de protection peut assurer la détection des défauts polyphasés et des défauts à la terre peu résistants. La

sensibilité de la protection pour la détection des défauts à la terre est limitée à quelques dizaines d’Ohms.

1.4.2 Le plan de protection élémentaire

Un plan de protection élémentaire est dédié à un ouvrage (ligne, transformateur, jeu de barres, etc.).

Il dispose d’un processus autonome de détection et d’élimination des défauts. Il est constitué pour cela de capteurs locaux ou distants alimentant des automates de protection. Le dispositif peut être

complété éventuellement par des automatismes de reprise de service ou de changement de source.

Si l’on considère par exemple un transformateur ou un jeu de barres, le plan de protection élémentaire comporte les équipements nécessaires à la détection des défauts internes à l’ouvrage. Ce

sont généralement des protections fonctionnant en moins de 100 ms. Dans cet environnement il

existe également des protections assurant une fonction de secours pour la détection des défauts externes à l’ouvrage. Celles-ci sont lentes et peu sensibles. Dans quelques cas cependant leur

fonctionnement peut être accéléré par un traitement logique des informations ou par une téléaction.

1.3.2 Le plan de protection coordonné

Le plan de protection coordonné d’un réseau est le résultat de la juxtaposition de plusieurs plans

élémentaires de protection fonctionnant d’une manière autonome mais néanmoins coordonnée.

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Le secours entre plans de protections élémentaires peut ne pas être exigé et, d’en bien des cas, ne pas

être garanti19. Si les plans élémentaires de protection agissent d’une manière autonome, ils doivent

cependant contribuer à la synergie du plan de protection coordonné en détectant, dans les limites de

leur sensibilité, les anomalies susceptibles d’affecter la qualité de service, limiter les conséquences

d’un court-circuit pour la tenue des matériels, contribuer à la préservation de la sécurité des biens et

des personnes et, assurer la continuité de la fourniture pour l’essentiel des utilisateurs.

Quelque soit sont importance, sa vocation et sa place dans le réseau, un plan de protection contre les défauts d’isolement est caractérisé par sa sensibilité et sa capacité à discriminer la partie du réseau en défaut. Il existe cependant des cas ou l’utilisation d’un dispositif complémentaire très sensible mais non sélectif peut être exigé pour assurer d’une manière ultime la sécurité des biens et des personnes. Ces dispositifs sont cependant fortement temporisés.

Enfin de clarifier ce concept, nous examinerons dans les chapitres 3 et 4 le cas d’un réseau

HTB/HTA affecté par un défaut d’isolement.

19 Cas des protections homopolaires dans l’environnement d’un transformateur.