denys l'aéropagite, hiérarchie céleste

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La Hirarchie cleste

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La Hirarchie clesteDenys lAropagite LE LIVRE DE LA HIRARCHIE CLESTETraduites du grec par Labb DARBOY professeur de thologie au sminaire de Langres (1845)

CHAPITRE 1COMMENT TOUTE ILLUMINATION DIVINE, QUI PAR LA BONT CLESTE PASSE AUX CRATURES, DEMEURE SIMPLE EN SOI, MALGR LA DIVERSIT DE SES EFFETS, ET UNIT LES CHOSES QUELLE TOUCHE DE SES RAYONS. I. Toute grce excellente, tout don parfait vient den haut, et descend du Pre des lumires. (Jac 1,17). Il y a plus : toute manation de splendeur que la cleste bienfaisance laisse dborder sur lhomme, ragit en lui comme principe de simplification spirituelle et de cleste union, et par sa force propre, le ramne vers lunit souveraine et la difique simplicit du Pre. Car toutes choses Viennent de Dieu et retournent Dieu, comme disent les saintes Lettres (cf. Rom 11,36). II. Cest pourquoi, sous linvocation de Jsus, la lumire du Pre, oui, la vraie lumire qui claire tout homme venant an monde (Jn I,8), et par qui nous avons obtenu daborder le Pre, source de lumire, levons un regard attentif vers lclat des divins oracles que nous ont transmis nos matres : l, tudions avec bonne volont ce qui fut rvl, sous le voile de la figure et du symbole, touchant les hirarchies des esprits clestes. Puis, ayant contempl dun oeil tranquille et pur ces splendeurs primitives, ineffables, par lesquelles le Pre, abme de divinit, nous manifeste sous des types matriels les bienheureux ordres des anges, replions-nous sur le principe infiniment simple do ces splendeurs drivent. Ce nest pas dire toutefois que, jamais elles existent en dehors de lunit qui fait leur fond ; car, lorsque sattemprant par providentielle bont aux besoins de lhomme pour le spiritualiser et le rendre un, elles se rpandent heureusement en rayons multiples, alors mme elles gardent essentiellement une identit immuable et une permanente unit ; et sous leur puissante influence, quiconque les accueille, comme il doit, se simplifie et devient un, au degr o il en est personnellement capable. Effectivement ce principe originel de divine lumire ne nous est accessible, quautant quil se voile sous la varit de mystrieux symboles, et quavec amour et sagesse il descend pour ainsi dire, au niveau de notre nature. III. Aussi le suprme et divin lgislateur a fait que notre sainte hirarchie fit une sublime imitation des hirarchies clestes ; et Il a symbolis les armes invisibles sous des traits palpables et sous des formes composes, afin quen rapport avec notre nature, ces institutions saintement figuratives llevassent jusqu la hauteur et la puret des types quelles reprsentent . Car ce nest qu laide demblmes matriels que notre intelligence grossire peut contempler et reproduire la constitution des ordres clestes. Dans ce plan, les pompes visibles du ciel nous rappellent les beauts invisibles, les parfums qui embaument les sens, reprsentent les suavits spirituelles ; lclat des flambeaux est le signe de lillumination mystique ; le rassasiement des intelligences par la contemplation a son emblme dans lintroduction de la sainte doctrine, la divine et paisible harmonie des cieux est figure par la subordination des divers ordres de fidles, et lunion avec Jsus Christ par la rception de la divine Eucharistie. Et ainsi de toute autre grce, les natures clestes y participant dune faon qui nest pas de la terre, et lhomme seulement par le moyen de signes sensibles. Cest donc pour nous diviniser en ]a forme o cela se pouvait que nous avons t misricordieusement initis au secret des hirarchies clestes par la notre qui en est comme le rudiment, et associs elles dans la participation aux choses sacres ; et les paroles de la sainte criture ne dpeignent les pures intelligences sous des images matrielles, que pour nous faire passer du corps lesprit, et des pieux symboles la sublimit des pures essences.

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CHAPITRE 2QUON DONNE TRES BIEN LINTELLIGENCE DES CHOSES DIVINES ET CLESTES PAR LE MOYEN DE SIGNES QUI NE LEUR RESSEMBLENT PAS. I. Jai cru devoir procder ainsi : exposer dabord le but des diffrentes hirarchies, et le profit qui revient leurs membres divers ; puis clbrer les churs clestes, daprs ce que nous en apprennent les saints enseignements ; enfin dire sous quelles formes les ordres invisibles nous sont reprsents dans les critures, et quelle conception toute Spirituelle ces symboles nous doivent ramener. Car il ne faut pas imaginer avec lignorance impie du vulgaire fine ces nobles et pures intelligences aient des pieds et des visages, ni quelles affectent la forme du buf stupide, ou du lion farouche, ni quelles ressemblent en rien laigle imprieux, ou aux lgers habitants des airs. Non encore ; ce ne sont ni des chars de feu qui roulent dans les cieux, ni des trnes matriels destins porter le Dieu des dieux, ni des coursiers aux riches couleurs, ni des gnraux superbement arms, ni rien de ce que les critures nomment dans leur langage si fcond en pieux symboles. Car, si la thologie a voulu recourir a la posie de ces saintes fictions, en parlant des purs esprits, ce fut, comme il a t dit, par gard pour notre mode de concevoir, et pour nous frayer vers les ralits suprieures ainsi crayonnes un chemin que notre faible nature peut suivre. Il. Quiconque applaudit aux religieuses crations sous lesquelles on peint ces pures substances que nous navons ni vues, ni connues, doit se souvenir que ce grossier dessein ne ressemble pas loriginal, et que toutes les qualifications imposes aux anges ne sont, pour ainsi dire, quimaginaires. Dautre part, il y en a qui veulent que la thologie, quand elle prte un corps aux choses qui nen ont pas, respecte du moins leur noblesse naturelle, et les dpeigne sous les formes les plus pures et les plus spiritualises en quelque sorte, et naille pas appliquer les plus ignobles conditions du multiple des substances minemment simples et spirituelles. Car ainsi, croient-ils, notre pense apprendrait slever, et de sublimes vrits ne seraient pas dfigures par dinconvenantes comparaisons : faire autrement, cest outrager les vertus clestes et fausser notre esprit fix sur de profanes symboles. Car peut-tre va-t-il imaginer que le ciel tressaille donc sous les pas des lions et des chevaux, ou retentit dhymnes mugissantes, et quon y voit tout une rpublique doiseaux et dautres animaux encore et des objets purement matriels : tous tres plus ou moins stupides et pleins de passions diverses dont le texte sacr rappelle limpertinente ide, en tablissant une ressemblance nigmatique l o il ny a pas de ressemblance relle. cela je rponds : tout homme studieux de la vrit dcouvrira la sagesse des saints oracles en cette peinture des intelligences clestes, et comment il fut pourvu avec bonheur ce que ni les vertus divines ne fussent indignement rabaisses, ni notre esprit trop,plong en de basses et terrestres imaginations. Au reste, si lon revt de corps et de formes ce qui na ni corps ni formes, ce nest pas seulement parce que nous ne pouvons avoir lintuition directe des choses spirituelles, et quil nous faut le secours dun symbolisme proportionn notre faiblesse, et dont le langage sensible nous initie aux connaissances dun monde suprieur ; cest encore parce quil est bon et pieux que les divines Lettres enveloppent sous le mystre dnigmes ineffables, et drobent au vulgaire la mystrieuse et vnrable nature des esprits bienheureux. Car chacun nest pas saint, et la science nest pas pour tous, disent les critures (5). Si donc quelquun rprouve ces emblmes imparfaits, prtextant quil rpugne dexposer ainsi les beauts saintes et essentiellement pures sous de mprisables dehors, nous ferons simplement observer que cet enseignement se fait de deux manires. III. Effectivement on conoit que la vrit puisse soffrir sous les traits sacrs de figures auxquelles elle ressemble, ou bien sous le dguisement de formes qui lui sont diamtralement opposes. Ainsi, dans le mystrieux langage des livres sacrs, ladorable et sur-essentielle Nature de notre Dieu bienheureux se nomme quelquefois Verbe, intelligence, essence (6), comme pour exprimer sa raison et sa sagesse. Son existence si souverainement essentielle, et seule cause vritable de toutes les existences, y est compare la lumire (7), et sappelle vie. Mais quoique ces nobles et pieuses manires de dire paraissent mieux aller que les symboles purement matriels, elles sont loin toutefois de reprsenter la divine ralit qui surpasse toute essence et toute vie, que nulle lumire ne reflte, et dont napproche ni raison, ni intelligence quelconque. Souvent encore, prenant loppos, et levant notre

La Hirarchie cleste pense, les critures nomment cette substance invisible, immense, incomprhensible (8), indiquant ainsi ce quelle nest pas, et non point ce quelle est. Et ces paroles me semblent plus dignes ; car, si jen crois nos saints et traditionnels enseignements, quoique nous ne connaissions pas cet infini sur-essentiel, incomprhensible, ineffable, cependant nous disons avec vrit quil nest rien de tout ce qui est. Si donc, dans les choses divines, laffirmation est moins juste, et la ngation plus vraie, il convient quon nessaie point dexposer, sous des formes qui leur soient analogues, ces secrets envelopps dune sainte obscurit ; car ce nest point abaisser, cest relever au contraire les clestes beauts que de les dpeindre sous des traits videmment inexacts, puisquon avoue par la quil y a tout un monde entre elles et les objets matriels. Que ces dfectueux rapprochements aident notre pense, slever, cest, je crois, ce quun homme rflchi ne voudra pas nier ; car il est probable que de plus majestueux symboles sduisent certains esprits qui se reprsentent les natures clestes comme des tres brillants dor et dun splendide clat, riches, magnifiquement vtus, rayonnants dune douce lumire, enfin affectant je ne sais quelles autres formes que la thologie prte aux bienheureux archanges. Cest afin de dsabuser ceux qui ne souponnent rien au dessus des beauts du monde sensible, et pour lever sagement leur pense, que les saints docteurs ont cru devoir adopter ces images si dissemblables ; car ainsi formes abjectes ne peuvent sduire sans retour ce quil y a de matriel en nous, parce que leur grossiret mme rveille et soulve la partie suprieure de nos mes et de la sorte ceux mmes qui sont pris des choses terrestres jugent faux et invraisemblable que de si difformes inventions ressemblent aucunement la splendeur des ralits clestes et divines. Du reste, il faut se souvenir que rien de ce qui existe nest radicalement dpouill de quelque beaut ; car toutes choses sont minemment bien, dit la vrit mme. IV. Toutes choses donc offrent matire aux plus nobles contemplation ; et il est permis de prsenter le monde purement spirituel sous lenveloppe si peu assortie cependant du monde matriel, tant avr dailleurs que ces formes vont au premier dune tout autre manire quau second. Effectivement chez les cratures prives de raison, lirritation nest quune fougue passionnelle, et leur colre un mouvement tout fait fatal, mais quand on parle de lindignation des tres spirituels, on veut au contraire marquer la mme nergie de leur raison, et leur invincible persistance dans lordre divin et immuable. galement nous disons que la brute a des gots aveugles et grossiers, des sortes de penchants quune disposition naturelle ou lhabitude lui a forcment imposs, et une puissance irrsistible des apptits sensuels qui le poussent vers le but sollicit par les exigences de son organisme. Quand donc imaginant des ressemblances loignes, nous attribuons de la convoitise aux substances spirituelles, il faut comprendre que cest un divin amour pour le grand Esprit qui surpasse toute raison et toute intelligence que cest un immuable et ferme dsir de la contemplation minemment chaste et inaltrable, et de la noble et ternelle union avec cette sainte et sublime clart, avec cette beaut souveraine qui na pas de dclin. De mme, par leur fougue imptueuse, on prtend dsigner la magnanime et inbranlable constance quelles puisent dans un pur et perptuel enthousiasme pour la divine beaut, et dans un gnreux dvouement a ce qui est vraiment aimable. Enfin, par silence et insensibilit, nous entendons, chez les brutes et chez les tres inanims, la privation de la parole et du sentiment ; mais en appliquant ces mots aux substances immatrielles et intelligentes, nous voulons dire que leur nature suprieure nest point soumise la loi dun langage fugitif et corporel, ni notre sensibilit organique, et indigne de purs esprits. Ce nest donc point inconvenant de dguiser les choses clestes sous le voile des plus mprisables emblmes ; dabord, parce que la matire tirant son existence de celui qui est essentiellement beau, conserve dans lordonnance de ses parties quelques vestiges de la beaut intelligible ; ensuite parce que ces vestiges mmes nous peuvent ramener la puret des formes primitives, si nous sommes fidles aux rgles antrieurement traces, Cest--dire, si nous distinguons en quel sens diffrent une mme figure sapplique avec gal justesse aux choses spirituelles et aux choses sensibles. V. Du reste la thologie mystique, comme on sait, nemploie pas seulement ce langage saintement figuratif, quand Il sagit des ordres clestes, mais aussi quand elle parle des attributs divins. Ainsi, tantt voile sous les plus nobles substances, la divinit est le soleil de justice, ltoile du matin dont le lever se fait au fond des curs pieux, ou la lumire spirituelle qui nous enveloppe de ses rayons : tantt revtant de plus grossiers symboles, cest un feu qui brle sans consumer, une eau qui donne la vie satit, et qui, pour parler en Figure, descend en nos poitrines, et

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La Hirarchie cleste coule flots intarissables : tantt enfin, dguise sous des objets infimes, cest un parfum de bonne odeur (15), cest une pierre angulaire. Mme les critures la prsentent sous des formes animal, la comparant au lion, a la panthre, au lopard et lours en fureur. Mais il y a quelque chose qui pourrai sembler plus injurieux et moins exact encore ; cest que le Seigneur sest nomm lui-mme un ver de terre comme lenseignent nos matres dans la foi. De la sorte tous ceux qui, pleins dune divine sagesse, parlent le langage de linspiration sacre, conservent aux choses saintes leur puret originelle, au moyen de ces imparfaites et vulgaires indications ; et ils usent tellement de cet heureux symbolisme que dun ct, ni les profanes ne pntrent le mystre, ni les hommes dattention pieuse ne sattachent rigoureusement ces paroles purement figuratives, et que dautre part, les ralits clestes brillent travers des formules ngatives qui respectent la vrit, et des comparaisons dont la justesse se cache sous lapparence dun objet ignoble. Il nest donc pas mal, pour les raisons quon a dites, de donner aux natures spirituelles des formes qui ne leur ressemblent que de si loin. Effectivement si la difficult de comprendre nous a pousss la recherche, et si une scrupuleuse investigation nous a ports jusqu la hauteur des choses divines peut-tre le devons-nous aux mprisables apparences imposes aux saints anges ; car ainsi notre esprit ne pouvant se faire ces repoussantes images, tait sollicit de se dpouiller de toute conception matrielle et saccoutumait avec bonheur slever du symbole jusqu la puret du type. Ceci soit dit pour justifier les critures davoir dguis les natures clestes sous lemblme obscur des tres corporels. Maintenant il faut dfinir ce que nous entendons par la hirarchie et quels avantages reviennent ceux qui sy font initier. Or, je supplie mon Jsus Christ (sil mest permis de lappeler mien), de me guider en ces discours, lui qui inspire tout bon enseignement sur les hirarchies. Pour vous, mon fils, selon la loi sacre de la tradition sacerdotale, recevez avec de saintes dispositions des paroles saintes ; devenez divin par cette initiation aux choses divines ; cachez au fond de votre cur les mystres de ces doctrines dunit, et ne les livrez pas aux profanations de la multitude. Car comme disent les oracles il ne ne faut pas jeter aux pourceaux lclat si pur et la beaut si splendide des perles spirituelles.

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CHAPITRE 3ON EXPOSE LA DFINITION DE LA HIRARCHIE ET SON UTILIT I. Selon moi, la hirarchie est la fois ordre, science et action, se conformant, autant quil se peut, aux attributs divins, et reproduisant par ses splendeurs originelles comme une expression des choses qui sont en Dieu. Or, la beaut incre, parce quelle est simple, bonne et principe de perfection, est pure aussi de tout vil alliage ; toutefois et selon les dispositions personnelles de chacun elle communique aux hommes sa lumire, et, par un mystre divin, les refait au modle de sa souveraine et immuable perfection. Il. Le but de la hirarchie est donc dassimiler et dunir Dieu, quelle adore comme matre et guide de sa science et de ses fonctions saintes. Car, contemplant dun oeil assur la beaut surminente elle la retrace en soi, comme elle peut ; et elle transforme ses adeptes en autant dimages de Dieu : purs et splendides miroirs o peut rayonner lternelle et ineffable lumire, et qui, selon lordre voulu, renvoient libralement sur les choses infrieures cette clart emprunte dont ils brillent. Car ni les initiateurs, ni les initis des crmonies sacres ne doivent singrer en des fonctions qui nappartiennent pas leur ordre respectif ; mme ce nest qu la condition dune ncessaire dpendance, quon peut aspirer aux divines splendeurs, et les contempler avec le respect convenable, et imiter la bonne harmonie des esprits clestes. Ainsi, par ce mot de hirarchie, on entend un certain arrangement et ordonnance sainte, image de la beaut incre, clbrant en sa sphre propre, avec le degr de pouvoir et de science qui lui revient, les mystres illuminateurs, et sessayant retracer avec fidlit son principe originel. Effectivement la perfection des membres de la hirarchie est de sapprocher de Dieu par une courageuse imitation, et, ce qui est plus sublime encore, de se rendre ses cooprateurs, comme dit la parole sainte, et de faire clater en eux, selon leur force propre, les merveilles de laction divine.

La Hirarchie cleste Cest pourquoi lordre hirarchique tant que les uns soient purifis et que les autres purifient ; que les uns soient illumins et que les autres illuminent ; que les uns soient perfectionns et que les autres perfectionnent ; il sensuit que chacun aura son mode dimiter Dieu. Car cette bienheureuse nature, si lon me permet une si terrestre locution, est absolument pure et sans mlange, pleine dune ternelle lumire, et si parfaite quelle exclut tout dfaut ; elle purifie, illumine et perfectionne ; que dis-je ? elle est puret, lumire et perfection divine, au-dessus de tout ce qui est pur, lumineux et parfait ; principe essentiel de tout bien, origine de toute hirarchie, surpassant mme toute chose sacre par son excellence infinie. III. Il me semble donc ncessaire que ceux quon purifie, ne conservant plus aucune souillure, deviennent libres de tout ce qui a besoin dexpiation ; que ceux quon Illumine soient remplis de la divine clart, et les yeux de leur entendement exercs au travail dune chaste contemplation ; enfin, que ceux quon perfectionne, une fois leur imperfection primitive abolie, participent la science sanctifiante des merveilleux enseignements qui leur furent dj manifests, pareillement, que le purificateur excelle en la puret quil communique aux autres ; que lilluminateur dou dune plus grande pntration desprit, galement propre recevoir et transmettre la lumire, heureusement inond de la splendeur sacre, la rpande flots presss sur ceux qui en sont dignes ; enfin, que le dpositaire habile des secrets traditionnels de la perfection, initie saintement ses frres la connaissance des mystres redoutables quil a lui-mme contempls. Ainsi, les divers ordres de la hirarchie cooprent laction divine, chacun selon sa mesure propre, et par la grce et la force den haut, lis accomplissent ce que la divinit possde par nature et excellemment, ce quelle opre dune faon incomprhensible, ce que la. hirarchie manifeste et propose limitation des intelligences gnreuses et chres au Seigneur.

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CHAPITRE 4QUE SIGNIFIE LE NOM DANGES ? I. Je crois avoir dfini, comme il convient, ce que c est quune hirarchie. Il faut clbrer maintenant celle des anges, et contempler dun oeil tout spiritualis les fictions vnrables sous lesquelles ils nous apparaissent dans les critures. Ainsi les mystrieux symboles nous lveront la hauteur de ces pures et clestes substances, et nous jouerons le principe de la science hirarchique avec cette saintet que sa majest rclame, et ces actions de grces que la religion pratique. Avant tout, on doit dire que Dieu, essence suprme, a fait acte damour en donnant toutes choses leur essence propre, et en les levant jusqu ltre: car Il nappartient qu la cause absolue, et la souveraine bont dappeler la participation de son existence les cratures diverses, chacune au degr o elle en est naturellement capable. Cest pourquoi toutes, elles relvent de la sollicitude providentielle de Dieu, cause universelle et sur-essentielle ; mme elles nexisteraient point, si lessence ncessaire et le premier principe ne stait communiqu. Ainsi par cela mme quelles sont, les choses inanimes participent de Dieu, qui par la sublimit de son essence est ltre de tout ; les choses vivantes participent de cette nergie naturellement vitale, si suprieure toute vie ; les tres raisonnables et intelligents participent de cette sagesse, qui surpasse toute raison et intelligence, et qui est essentiellement et ternellement parfaite. Il est donc certain que les essences diverses sont dautant plus proches de la divinit, quelles participent delle en plus de manires. Il. Voil pourquoi, dans cette librale effusion de la nature divine, une plus large part dut choir aux ordres de la hirarchie cleste quaux cratures qui existent simplement, ou qui ont le sentiment sans la raison, ou mme qui sont, comme nous, doues dintelligence. Car sessayant imiter Dieu, et, parmi la contemplation transcendante de ce sublime exemplaire, saisis du dsir de se, rformer son image, les purs esprits obtiennent de plus abondants trsors de grce, assidus, gnreux et invincibles dans les efforts de leur saint amour pour slever toujours plus haut ; puisant sa source la lumire pure et inaltrable par rapport laquelle ils sordonnent, vivant dune vie pleinement intellectuelle. Ainsi ce sont eux qui, en premier lieu, et plusieurs titres, sont admis la participation de la divinit, et expriment moins imparfaitement, et en plus de manires, le mystre de la nature infinie ; de l vient quils sont spcialement et par excellence honors du nom danges, la splendeur divine leur tant dpartie tout dabord, et la

La Hirarchie cleste rvlation des secrets surnaturels tant faite lhomme par leur entremise. Ainsi les anges nous ont intim la loi comme enseignent les saintes Lettres. Ainsi, avant et aprs la loi, les anges conduisaient Dieu nos illustres anctres, tantt en leur prescrivant des rgles de conduite, et les ramenant de lerreur et dune vie profane au droit chemin de la vrit, tantt en leur manifestant la constitution de la hirarchie cleste, ou leur donnant le spectacle mystrieux des choses surhumaines, ou leur expliquant, au nom du ciel, les vnements futurs. III. Si quelquun veut dire que Dieu Sest rvl immdiatement et par Lui-mme de pieux personnages, que celui-l sache par les affirmations positives des critures que personne sur terre na vu ni ne verra lessence intime de Dieu (4), mais que ces apparitions saintes se font, pour lhonneur de ladorable majest, sous le voile de symboles merveilleux que la nature humaine puisse supporter. Or, ces visions retraant comme une image de la divinit, autant du moins que ce qui a forme petit ressembler ce qui est sans forme, et par l levant jusque vers Dieu ceux qui elles sont accordes, la thologie, dans son langage plein de sagesse, les appelle thophanies ; et ce nom leur convient, puisquelles communiquent lhomme une divine lumire et une certaine science des choses divines. Or, les glorieux patriarches recevaient des esprits clestes lintelligence de ces mystrieuses manifestations. Car les critures nenseignent-elles pas que Dieu donna Lui-mme Mose ses ordonnances sacres, pour nous faire savoir que cette loi ntait que la figure dune autre sainte et divine conomie ? Et nanmoins nos matres affirment quelle nous fut transmise par les anges pour nous montrer quil est dans les exigences de lordre ternel que les choses infrieures slvent Dieu par le moyen des choses suprieures. Et cette rgle natteint pas seulement les esprits qui soutiennent vis--vis lun de lautre des rapports de supriorit et dinfriorit, mais bien encore ceux qui sont au mme rang, le souverain auteur de tout ordre voulant quen chaque hirarchie il y et des puissances constitues en premier, second et troisime lieu, afin que les plus leves fussent guides et matresses des autres dans les travaux de lexpiation, de lillumination et de la perfection. IV. Aussi voyons-nous que le mystre de la charit du Seigneur fut dabord rvl aux anges, et quensuite, par leur mdiation, la grce de cette connaissance descendit jusqu nous. Le prtre Zacharie apprit de saint Gabriel que lenfant qui lui viendrait des cieux, contre toute esprance, serait le prophte de lopration divine que Jsus devait misricordieusement manifester en sa chair pour le salut du monde. Par le mme messager divin, Marie sut comment se consommerait en elle le miracle ineffable de lIncarnation du Verbe. Un autre envoy informa Joseph de lentier accomplissement des saintes promesses faites David son aeul. Ce fut encore un ange qui annona la bonne nouvelle aux bergers purifis par le repos et le silence de la solitude, tandis que les churs de larme cleste enseignaient aux hommes cet hymne de gloire tant rpt dans lunivers. Mais, levant les yeux vers des rvlations plus sublimes encore, jobserve que le principe sur-essentiel des substances clestes, le Verbe, en prenant notre nature sans altration de la Sienne, ne ddaigna pas daccepter lordre de choses tabli pour lhumanit ; mme il se soumit docilement aux prescriptions que Dieu son Pre lui intima par le ministre des esprits. Ainsi, cest un ange qui fit connatre Joseph la volont divine touchant la fuite en gypte, et galement sur le retour en Jude. Et toute la vie du Seigneur offre le spectacle de la mme subordination ; car vous connaissez trop bien la doctrine de nos traditions sacerdotales pour que jaie besoin de vous rappeler quun ange fortifia Jsus agonisant, et que le Sauveur lui-mme fut appel ange du grand conseil, lorsque, pour oprer heureusement notre rdemption, il prit rang parmi les interprtes de la Divinit ; car, comme il dit en cette qualit, tout ce quil avait appris du Pre, il nous la manifest.

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CHAPITRE 5POURQUOI ON APPELLE GNRALEMENT DU NOM DANGES TOUTES LES CLESTES ESSENCES ? On enseigne que le nom danges, quoiquil convienne proprement au dernier rang de la hirarchie cleste, peut sappliquer cependant aux ordres suprieurs ; car ils ont les qualits, et ils peuvent remplir les fonctions, et par suite porter les titres qui appartiennent leurs subalternes, mais non pas rciproquement. Jai fait voir, comme jai pu, do vient que les critures donnent le nom danges aux esprits bienheureux. Il me semblerait bon dexaminer maintenant pourquoi la thologie dsigne indiffremment par cette commune appellation toutes les natures clestes en gnral tandis que, dans lexplication de chaque ordre en particulier, elle enseigne que les anges tiennent le dernier rang de la hirarchie invisible quils compltent, et quau-dessus deux on trouve la milice des archanges, les principauts, les puissances, les vertus et tous les esprits plus sublimes encore que la tradition nous fait connatre. Or, nous disons que, dans toute constitution hirarchique, les ordres suprieurs possdent la lumire et les facults des ordres infrieurs, sans que ceux-ci aient rciproquement la perfection de ceux-l. Cest donc justement que, dans la thologie, on appelle anges toute la foule sacre des intelligences suprmes, puisquelles servent aussi manifester lclat des splendeurs divines. Mais, aucun titre, les clestes natures du dernier rang ne pouvaient recevoir la dnomination de principauts, de trnes, de sraphins, puisquelles ne partagent pas tous les dons des esprits suprieurs. Or, de mme que par elles nos saints pontifes sont initis la connaissance de lineffable clart quelles contemplent, ainsi le dernier ordre de larme anglique est lev Dieu par les augustes puissances des degrs plus sublimes. On pourrait encore rsoudre la difficult dune autre sorte, en disant que ce nom danges fut donn toutes les vertus clestes, raison de leur commune ressemblance avec la Divinit et de leur participation plus ou moins intense ses splendeurs ternelles. Mais afin que nulle confusion ne se mle en nos discours, considrons religieusement ce que les critures disent des nobles proprits de chaque ordre de la hirarchie cleste.

CHAPITRE 6QUE LES NATURES CLESTES SE DIVISENT EN TROIS ORDRES PRINCIPAUX. I. Quel est le nombre, quelles sont les facults des divers ordres que forment les esprits clestes? En quelle manire chaque hirarchie est-elle initie aux secrets divins? Cest ce qui nest exactement connu que par celui qui est ladorable principe de leur perfection. Toutefois, eux-mmes nignorent ni les qualits ni les illuminations dont ils sont particulirement dous, ni le caractre auguste de lordre auquel ils appartiennent, Mais les mystres qui concernent ces pures intelligences et leur sublime saintet ne sont point choses accessibles lhomme, moins quon ne soutienne que, par la permission de Dieu, les anges nous ont appris les merveilles quils contemplent en eux-mmes. Cest pourquoi nous ne voulons rien affirmer de notre chef, mais bien exposer, selon nos forces, ce que les docteurs ont vu dans une sainte intuition et ce quils ont enseign touchant les bienheureux esprits. Il. Or, la thologie a dsign par neuf appellations diverses toutes les natures angliques, et notre divin initiateur les distribue en trois hirarchies, dont chacune comprend trois ordres. Selon lui, la premire environne toujours la divinit et sattache indissolublement elle dune faon plus directe que les deux autres, lcriture tmoignant dune manire positive que les trnes et ces ordres auxquels on donne des yeux et des ailes, et que lhbreu nomme chrubins et sraphins, sont immdiatement placs auprs de Dieu et moins spars de lui que le reste des esprits. Ainsi, daprs la doctrine de nos illustres matres, de ces trois rangs rsulte une seule et mme hirarchie, la premire, qui est la plus divine et qui puise directement leur source les splendeurs ternelles. Dans la deuxime, on trouve les puissances, les dominations et les vertus. Enfin, la troisime et dernire se compose des anges, des archanges et des principauts.

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CHAPITRE 7DES SRAPHINS, DES CHRUBINS ET DES TRNES QUI FORMENT LA PREMIRE HIRARCHIE. I. Acceptant cette distribution des saintes hirarchies, nous affirmons que tout nom donn aux intelligences clestes est le signe des proprits divines qui les caractrisent. Ainsi, au tmoignage des hbrasants, le mot de sraphins signifie lumire et chaleur, et celui de chrubins plnitude de science on dbordement de sagesse. Il convenait sans doute que la premire des hirarchies clestes ft forme par les plus sublimes esprits ; car tel est le rang quils occupent pardessus tous les autres, que, dans un commerce immdiat et direct, la divinit laisse dcouler sur eux plus purement et plus efficacement les splendeurs de sa gloire et les connaissances de ses mystres. On les appelle donc flammes brillantes, trnes, fleuves de sagesse, pour exprimer par cette dnomination leurs divines habitudes. Cest ainsi que le nom des sraphins indique manifestement leur durable et perptuel attrait pour les choses divines, lardeur, lintensit, limptuosit sainte de leur gnreux et invincible lan, et cette force puissante par laquelle ils soulvent, transfigurent et rforment leur image les natures subalternes en les vivifiant, les embrasant (les feux dont ils sont eux-mmes dvors, et cette chaleur purifiante (lui consume toute souillure, et enfin cette active, permanente et inpuisable proprit de recevoir et de communiquer la lumire, de dissiper et dabolir toute obscurit, toutes tnbres. Le nom des chrubins montre quils sont appels connatre et admirer Dieu, contempler la lumire dans son clat originel et la beaut incre dans ses pins splendides rayonnements ; que, participant la sagesse, ils se faonnent sa ressemblance et rpandent sans envie sur les essences infrieures le flot des dons merveilleux quils ont reus. Le nom des nobles et augustes trnes signifie quils sont compltement affranchis des humiliantes passions de la terre ; quils aspirent, dans leur essor sublime et constant, laisser loin au-dessous deux tout ce qui est vil et bas quils sont unis ni Trs-Haut de toutes leurs forces avec une admirable fixit - quils reoivent dun esprit pur et impassible les douces visites de la divinit ; quils portent Dieu, en quelque manire, et sinclinent avec un frmissement respectueux devant ses saintes communications. Il. Tel est, selon nous, le sens des noms divers que portent ces esprits. Il nous reste expliquer la hirarchie quils forment. Je pense avoir dj suffisamment marqu que toute hirarchie a pour but invariable une certaine imitation et ressemblance de la Divinit, et que toute fonction quelle impose tend la double fin de recevoir et de confrer une puret non souille, une divine lumire et une parfaite connaissance des saints mystres. Je voudrais maintenant enseigner dune manire convenable comment lcriture comprend lordre sublime des intelligences les plus leves. Sachons dabord que cette premire hirarchie est galement propre toutes les natures suprieures, qui, venant immdiatement aprs leur souverain auteur et places, pour ainsi dire, au voisinage de linfini, lemportent sur toute puissance cre, soit visible, soit invisible. Elles sont donc trs-minement pures, non pas seulement en ce sens que nulle tche, nulle souillure ne les avilit et quelles ne subissent pas la loi de nos imaginations matrielles, mais surtout parce que, inaccessibles tout principe de dgradation et doues dune saintet transcendante, elles slvent par l mme au-dessus des autres esprits, si divins quils soient ; et encore parce quelles trouvent dans un gnreux amour de Dieu la force de se maintenir librement et invariablement en leur ordre propre, et que nulle altration ne leur peut survenir, la raideur dune volont invincible les attachant saintement aux fonctions merveilleuses qui leur furent assignes. galement elles sont contemplatives ; et par l je ne veux pas dire quelles peroivent les choses intellectuelles au moyen de symboles sensibles, ni que le spectacle de diverses et pieuses images les lve Dieu ; mais je comprends quelles sont inondes dune lumire qui surpasse toute connaissance spirituelle, et admises, autant que leur nature permet, la vision de cette beaut surminente, cause et origine de toute beaut, et qui reluit dans les trois adorables Personnes ; je comprends quelles jouissent de lhumanit du Sauveur autrement que sous le voile de quelques figures o se retracent ses augustes perfections ; car, par laccs libre quelles ont auprs de lui, elles reoivent et connaissent directement ses saintes lumires ; je comprends enfin quil leur est donn dimiter Jsus Christ dune faon plus releve, et quelles participent, selon leur capacit, au premier coulement qui se fait de ses vertus divines et humaines.

La Hirarchie cleste Elles sont parfaites aussi, non point parce quelles savent expliquer les mystres cachs sous la varit des symboles, mais parce que, dans leur haute et intime union avec la divinit, elles acquirent, touchant les uvres divines, cette science ineffable que possdent les anges, car ce nest point par le ministre de quelques autres saintes natures, mais de Dieu immdiatement, quelles reoivent leur initiation. Elles slvent donc lui sans intermdiaire, par leur vertu propre et par le rang suprieur quelles occultent ; et par l encore elles se fixent dans une saintet immuable et sont appeles la contemplation de la beaut purement intelligible. Ainsi constitues dune faon merveilleuse par lauteur de toute hirarchie quelles entourent au premier rang, elles apprennent de lui les hautes et souveraines raisons des oprations divines. III. Or, les thologiens enseignent clairement que, par une admirable disposition, les ordres infrieurs des pures intelligences sont instruits des choses divines par les ordres suprieurs, et que les esprits du premier rang leur tour reoivent directement de Dieu la communication de la science. Effectivement les saintes critures nous montrent tantt quelques-unes de ces natures saintes apprenant de natures plus augustes que cest le Seigneur des vertus clestes et le Roi de gloire qui, sous forme humaine, slve dans les cieux ; tantt quelques autres interrogeant Jsus Christ en personne, et dsirant connatre luvre sacre de notre rdemption, recueillant les instructions de sa bouche, et informes par lui-mme des miracles de sa bont envers les hommes : cest moi, dit-il, qui parle justice et jugement pour le salut. Ici jadmire comment les essences que leur sublimit, place au-dessus de toutes les autres, prouvent, aussi bien que leurs subalternes, quelque timidit de dsir lendroit des communications divines : car elles ne dbutent point par dire au Seigneur : Pourquoi vos vtements sont-ils rougis mais elles se questionnent dabord elles-mmes, manifestant par l leur projet, leur envie de connatre lauguste merveille, et ne prvenant pas la rvlation progressive des lumires clestes. Ainsi la premire hirarchie des esprits bienheureux est rgie par le souverain initiateur mme, et parce quelle dirige immdiatement vers lui son essor, recueillant, autant quil se peut, la puret sans tche qui produit la vive lumire, do nat la saintet parfaite, elle se purifie, sillumine et se perfectionne ; oui, pure de tout ce qui est infinie, brillante des premiers rayons de la lumire, riche et orne dune science sublime quelle puise sa source. Mme je pourrais bien dire en un mot que cette drivation de la science divine est tout ensemble expiation, illumination et perfection ; car elle purifie vraiment de toute ignorance, en communiquant chaque intelligence, selon sa dignit propre, la connaissance des mystres ineffables ; elle claire aussi, et, par la puret quelle donne, permet aux esprits de contempler au grand jour de cette lumire Surminente les choses quils navaient point encore vues ; enfin elle les perfectionne en les confirmant dans la claire intuition des plus magnifiques splendeurs. IV. Telle est, autant que je puis savoir, la premire hirarchie des cieux ; range comme en cercle autour de la divinit, elle lenvironne immdiatement, et, parmi les joies dune connaissance permanente, elle tressaille dans la merveilleuse fixit de cet lan sublime qui emporte les anges. Elle jouit dune foule de suaves et pures visions ; elle brille sous le doux reflet de la clart infinie ; elle est nourrie dun aliment divin, tout la fois abondant, puisque cest la premire distribution qui sen fait, et rellement un, et parfaitement identique, cause de la simplicit de lauguste substance. Bien plus, elle a lhonneur dtre associe Dieu, et de cooprer ses uvres, parce quelle retrace, autant que peut la crature, les perfections et les oprations divines. Elle connat dune faon surminente plusieurs ineffables mystres, et entre, selon sa capacit, en participation de la science du Trs-haut. Effectivement la thologie a enseign lhumanit les hymnes que chantent ces sublimes esprits, et ou lon dcouvre lexcellence de la lumire qui les inonde : car, pour parler le langage terrestre, quelques-uns dentre eux rptent avec le fracas des grandes eaux : Bnie soit la gloire de Dieu du saint lieu o il rside ! Et dautres font retentir ce majestueux et clbre cantique : Saint, saint, saint est le Seigneur des armes ; toute la terre est pleine de sa gloire ! Mais nous avons expliqu notre faon ces chants sacrs des cieux dans le trait des hymnes divins, o il nous semble avoir clairci suffisamment cette matire. Je me contente de rappeler ici que la premire hirarchie, initie par linfinie charit la connaissance des divins mystres, les transmet avec bienfaisance aux hirarchies infrieures. Pour tout dire en un mot, elle leur enseigne que la majest terrible, digne de toute louange, et au-dessus de toute bndiction, doit tre connue et glorifie autant quil se peut par les intelligences auxquelles le Seigneur se communique, puisquau tmoignage de lcriture, elles sont, par leur sublimit divine, comme daugustes et saints lieux ou la divinit repose. Elle leur enseigne que lunit trs simple subsistant en trois Personnes embrasse dans les

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La Hirarchie cleste soins de sa providence la cration entire, depuis les plus nobles essences des cieux jusquaux plus viles substances de la terre ; car elle est le principe ternel et la cause de toutes les cratures quelle treint par un lien merveilleux, ineffable.

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CHAPITRE 8DE LA SECONDE HIRARCHIE, QUI SE COMPOSE DES DOMINATIONS, DES VERTUS ET DES PUISSANCES. I. Passons maintenant la seconde classe des clestes intelligences, et, dun oeil spiritualis, essayons de contempler les dominations et les admirables phalanges des puissances et des vertus ; car toute appellation donne ces tres Suprieurs rvle les proprits augustes par lesquelles ils se rapprochent de la divinit. Ainsi le nom des saintes dominations dsigne, je pense, leur spiritualit sublime et affranchie de toute entrave matrielle, et leur autorit la fois libre et svre, que ne souille jamais la tyrannie daucune vile passion. Car ne subissant ni la honte daucun esclavage, ni les conditions dune dgradante chute ces nobles intelligences ne sont tourmentes que du besoin insatiable de possder celui qui est la domination essentielle et lorigine de toute domination elles se faonnent elles-mmes et faonnent les esprits subalternes la divine ressemblance ; mprisant toutes choses vaines, elles tournent leur activit vers ltre vritable, et entrent en participation de son ternelle et sainte principaut. Le nom sacr des vertus me semble indiquer cette mle et invincible vigueur quelles dploient dans lexercice de leurs divines fonctions, et qui les empche de faiblir et de cder sous le poids des augustes lumires qui leur sont dparties. Ainsi portes avec nergie imiter Dieu, elles ne font pas lchement dfaut limpulsion cleste ; mais contemplant dun oeil attentif la vertu sur-essentielle, originale, et sappliquant en reproduire une parfaite image, elles slvent de toutes leurs forces vers leur archtype, et leur tour sinclinent, la faon de la divinit vers les essences infrieures pour les transformer. Le nom des clestes puissances, qui sont de mme hirarchie que les dominations et les vertus, rappelle lordre parfait dans lequel elles se prsentent linfluence divine, et lexercice lgitime de leur sublime et sainte autorit. Car elles ne se livrent pas aux excs dun tyrannique pouvoir ; mais slanant vers les choses den haut avec une imptuosit bien ordonne, et entranant avec amour vers le mme but les intelligences moins leves, dun ct elles travaillent se rapprocher de la puissance souveraine et principale ; et de lautre, elles la rflchissent sur les ordres angliques par les admirables fonctions quil leur est donn de remplir. Orne de ces qualits sacres, la seconde hirarchie des esprits clestes obtient puret, lumire et perfection cri la manire que nous avons dite, par les splendeurs divines que lui transmet la premire hirarchie, et qui ne lui viennent ainsi quau second degr de leur manifestation. Il. Ainsi la communication de la science qui se fait un ange par le ministre dun autre ange, explique comment les dons clestes semblent perdre de leur clat, mesure que, sloignant de leur origine, ils sabaissent sur des tres moins levs. Car comme nos matres dans les choses saintes enseignent que lintuition pure nous instruit plus parfaitement que toute communication mdiatement reue, de mme je e pense que la participation directe laquelle sont appels les anges suprieurs, leur manifeste mieux la divinit, que sils taient initis par dautres cratures. Cest pour cela aussi que notre tradition sacerdotale dit que les esprits du premier rang purifient, illuminent et perfectionnent les Intelligences moins nobles, qui, par ce moyen, slvent vers le principe sur-essentiel de toutes choses, et entrent, autant que leur condition permet, en part de la puret,de lillumination et de la perfection mystiques. Car cest une loi gnrale, tablie par linfinie sagesse, que les grces divines ne sont communiques aux infrieurs que par le ministre des suprieurs. Vous trouverez cette doctrine exprime dans les critures. Ainsi quand Dieu, par clmence paternelle, eut chti Isral prvaricateur, en le livrant pour sa conversion et son salut au joug odieux des nations barbares, il voulut encore, essayant de ramener au bien les tendres objets de sa sollicitude, briser leurs chanes et les rtablir en la douceur de leur antique flicit : or, en cette circonstance, un homme de Dieu, nomm Zacharie, vit un de ces anges qui entourent la divinit au premier rang (car comme jai dit, la dnomination danges est commune toutes les clestes essences). Lauguste Intelligence recevait de Dieu mme

La Hirarchie cleste de consolantes paroles ; sa rencontre savanait un esprit dordre infrieur, comme pour connatre ce qui avait t rvl. Et effectivement, inform du conseil divin par cette initiation mystrieuse, il eut ordre den instruire son tour le prophte, qui apprit ainsi que JRUSALEM au sein de labondance se rjouirait de la multitude de ses habitants. Un autre thologien, zchiel, nous fait savoir que le Seigneur trs-glorieux, qui rgne sur les chrubins, porta ce dcret dans son adorable justice : que dans les chtiments paternels qui devaient corriger, comme il a t dit, le peuple isralite, les innocents seraient misricordieusement spars des coupables. Cette disposition est communiqu au premier des chrubins dont les reins brillent sous une ceinture de saphir, et qui a revtu la robe flottante des pontifes. En mme temps, il reoit ordre de transmettre le secret divin aux autres anges arms de haches. Car pour lui, il doit traverser jrusalem, et placer un signe sur le front des hommes innocents ; et aux autres il est dit : Suivez-le au travers de la ville ; frappez, et que votre oeil ne se laisse point attendrir ; mais napprochez pas de ceux qui sont marqus du signe. Nest-ce point par semblable disposition quun ange dit Daniel : Le dcret est prononc et quun esprit du premier ordre va prendre des charbons ardents au milieu des chrubins. Et ne reconnat-on pas plus nettement encore cette distinction hirarchique des anges, en voyant un chrubin placer ces charbons dans les mains de cet autre qui est revtu de ltole sacre ? en voyant quon appelle larchange Gabriel et quon lui dit : fais entendre cette vision au prophte (5 ) en apprenant enfin tout ce que rapportent les thologiens, touchant ladmirable subordination des churs angliques Type auguste que notre hirarchie doit reproduire aussi parfaitement quil lui est possible, pour tre comme un reflet de la beaut des anges, et pour nous lever par leur ministre vers le principe absolu de toute suprmatie et autorit.

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CHAPITRE 9DE LA DERNIRE HIRARCHIE CLESTE QUI COMPREND LES PRINCIPAUTS, LES ARCHANGES ET LES ANGES I. Il nous reste considrer la dernire des hirarchie clestes en laquelle brillent les saintes principauts les archanges et les anges. Mais je crois quil faut dabord constater, comme nous pourrons, le sens de leurs nobles qualifications. Or, le nom des clestes principauts fait voir quelles ont le secret divin de commander avec ce bon ordre qui convient aux puissances suprieures ; de se diriger invariablement elles-mmes et de guider avec autorit les autres vers celui qui rgne par-dessus tout ; de se former, au degr o cest possible, sur le modle de sa principaut originale et de manifester enfin son autorit souveraine par la belle disposition de leurs propres forces. II. Lordre des archanges appartient la mme division que les saintes principauts. Il est vrai toutefois comme jai dit ailleurs, quils forment aussi une seule et mme division avec les anges. Mais comme toute hirarchie comprend de premires, de secondes et de troisimes puissances, lordre sacr des archanges est un milieu hirarchique o les extrmes se trouvent harmonieusement runis. En effet, il a quelque chose de commun avec les principauts et avec les anges tout ensemble. Comme les unes, il se tient perdument tourn vers le principe sur-essentiel de toutes choses, et sapplique lui devenir semblable, et mne les anges lunit par linvisible ressort dune autorit sage et rgulire comme les autres, il remplit les fonctions dambassadeur, et, recevant des natures suprieures la lumire qui lui revient, il la transmet avec divine charit dabord aux anges et ensuite par eux lhumanit selon les dispositions propres de chaque initi. Car, comme on la dj vu, les anges viennent complter les diffrents ordres des esprits clestes, et ce nest quen dernier lieu et aprs tous les autres que leur choit la perfection anglique. Pour cette raison et eu gard nous, le nom danges leur va mieux quaux premiers, les fonctions de leur ordre nous tant plus connues et touchant le monde de plus prs. Effectivement il faut estimer que la hirarchie suprieure et plus proche par son rang du sanctuaire de la divinit, gouverne la seconde par des moyens mystrieux et secrets ; son tour, la seconde, qui renferme les dominations, les vertus et les puissances, conduit la hirarchie des principauts, des archanges et des anges dune faon plus claire que ne fait la premire, mais plus cache aussi que ne fait la troisime ; celle-ci enfin, qui nous est mieux connue, rgit les hirarchie humaines lune par lautre, afin que lhomme slve et se tourne vers Dieu, communie et sunisse lui, en suivant les mmes degrs par lesquels, au moyen de la merveilleuse

La Hirarchie cleste subordination des hirarchies diverses, la divine bont a fait descendre vers nous les saintes manations des lumires ternelles. Cest pourquoi les thologiens assignent aux anges la prsidence de nos hirarchies, attribuant saint Michel le gouvernement du peuple juif et dautres le gouvernement dautres peuples ; car lternel a pos les limites des nations en raison du nombre de ses anges. III. Si lon demande comment donc il sest fait que les Hbreux seuls furent appels la connaissance de la vrit, nous rpondrons quil ne faut pas imputer ladministration des bons anges la chute universelle des peuples dans lidoltrie, mais que, de leur propre mouvement, les hommes eux-mmes sont sortis de la voie qui mne Dieu, entrans par orgueil et perversit dans le culte honteux des divinits mensongres. Au reste, nous avons des preuves que les mmes choses arrivrent Isral. Tu as rejet la connaissance de Dieu, dit le prophte, et tu es all aprs les dsirs de ton cur. Car ni la fatalit ne domine notre vie, ni la libert des cratures ne saurait teindre les lumires que leur envoie la divine Providence ; seulement, raison de lingalit que prsentent les diffrents esprits, ou bien ils ne participent nullement, par suite dune triste rsistance, leffusion des splendeurs clestes, ou bien le rayon divin, malgr son unit, sa simplicit parfaite, son immutabilit et sa plnitude, leur est communiqu en des proportions diverses avec plus ou moins dabondance, plus ou moins de clart. Et effectivement, les autres nations do nous avons nous-mmes lev les yeux vers cet immense ocan de lumire la participation de laquelle tous sont libralement convis, les autres nations ntaient point rgies par je ne sais quels dieux trangers, mais bien par lunique principe de tout ; et lange gardien de chacune delles entranait vers la vrit souveraine les hommes de bonne volont. Et ici rappelez-vous en preuve Melchisdech, cet homme si aim des cieux, zl pontife, non pas dimaginaires divinits, mais du Trs-Haut, qui est seul rellement Dieu. Or, les thologiens ne lappellent pas seulement serviteur de lternel, ils le nomment encore prtre, pour montrer aux esprits clairvoyants que non seulement il tait rest fidle celui qui est, mais quil initiait aussi ses frres la connaissance de la seule vraie divinit. IV. Je veux rappeler encore votre science sacerdotale que les soins providentiels et labsolu pouvoir de Dieu furent manifests en songe Pharaon par lange des gyptiens et Nabuchodonosor par lange de Babylone, et que Joseph et Daniel, serviteurs du vrai Dieu, et qui galaient presque les anges en saintet, furent prposs ces peuples pour expliquer les visions figuratives dont la divinit leur avait eux-mmes appris le secret par le ministre des clestes esprits : car il ny a quun seul principe de tout et une seule Providence. Cest pourquoi on ne doit pas simaginer quune sorte de hasard ait fait choir Dieu le gouvernement de la Jude, et quen dehors de son empire, les anges ses rivaux ou ses adversaires, ou mme quelques autres dieux, prsident aux destines du reste du monde. Certes, si on les comprend bien, nos Lettres sacres ne veulent pas dire que Dieu ait partag avec dautres dieux ou avec les anges ladministration de lunivers, tellement quen cette division la nation hbraque ft devenue son lot ; mais elles veulent dire quune mme et universelle Providence ayant spcialement dsign certains anges, commit leur garde le salut de tous les hommes, et que, parmi linfidlit gnrale, les enfants de Jacob conservrent presque seuls le trsor des saintes lumires et la connaissance du Trs-Haut. De l vient que lcriture, prsentant Isral comme vou au culte du vrai Dieu: Il est devenu la portion du Seigneur, ajoute-t-elle. Et dessein de montrer qu lgal des autres peuples Isral avait t confi lun des anges, pour apprendre sous sa conduite connatre le principe unique de toutes choses, elle rapporte que saint Michel est le guide sacr des Juifs. Par l, elle nous fait entendre quil ny a dans lunivers quune seule et mme Providence infiniment leve par sa nature au-dessus de toutes puissances visibles et invisibles ; que lange prpos chaque nation attire vers la divinit, comme vers leur propre principe, ceux qui le suivent de tout leffort de leur bonne volont.

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CHAPITRE 10RSUM ET CONCLUSION DE CE QUI T DIT TOUCHANT LORDRE ANGLIQUE. I. De ce qui a t dit, on doit infrer que les intelligences du premier rang qui approchent le plus de la divinit, saintement inities par les splendeurs augustes quelles reoivent immdiatement, silluminent et se perfectionnent sous linfluence dune lumire la fois plus mystrieuse et plus vidente ; plus mystrieuse, parce quelle est plus spirituelle et doue dune plus grande puissance de simplifier et dunir ; plus vidente, parce qualors, puise sa source, elle brille de son clat primitif, quelle est plus entire et quelle pntre mieux ces pures essences. cette premire hirarchie obit la deuxime ; celle-ci commande la troisime, et la troisime est prpose la hirarchie des hommes ; et ainsi, par divine harmonie et juste proportion, elles slvent lune par lautre vers celui qui est le souverain principe et la fin de toute belle ordonnance. II. Or, tous les esprits sont les interprtes et les envoys dune puissance suprieure. Les premiers portent les volonts immdiates de la divinit, que, dautres reoivent pour les transmettre ceux qui viennent ensuite. Car notre Dieu, en qui toutes choses forment une harmonie sublime, a tellement constitu la nature des tres, soit raisonnables, soit purement intellectuels, et rgl leur perfectionnement, que chaque hirarchie forme un tout parfaitement organis et comprend des puissances de trois degrs divers. Mme, vrai dire, chaque degr offre en lui ce merveilleux accord : cest pour cela sans doute que la thologie reprsente les pieux sraphins comme sadressant lun lautre, enseignant ainsi avec parfaite vidence, selon moi, que les premiers communiquent aux seconds la connaissance III. Bien plus, jajouterai avec raison quon doit spcialement distinguer en toute intelligence humaine ou anglique des facults de premier, second et troisime degr, correspondant prcisment aux trois ordres dillumination qui sont propres chaque hirarchie ; et cest en traversant ces degrs successifs que les esprits participent, en la manire o ils le peuvent, la puret non souille, la lumire surabondante et la perfection sans bornes. Car rien nest parfait de soi ; rien nexclut la possibilit dun perfectionnement ultrieur, sinon celui qui est par essence la perfection primitive et infinie.

CHAPITRE 11POURQUOI LES ESPRITS ANGLIQUES SONT NOMMS GNRALEMENT VERTUS CLESTES. I. Maintenant il importe de considrer pour quelle raison nous avons coutume de donner indistinctement toutes les natures angliques le nom de vertus clestes. Or, on ne saurait faire ici le raisonnement quon a fait plus haut ; on ne saurait dire que le rang des vertus soit le dernier parmi les hirarchies invisibles, et que, comme les puissances suprieures possdent tous les dons communiqus aux puissances infrieures, et non pas rciproquement, il en rsulte que toutes les divines intelligences doivent tre appeles vertus, et non pas sraphins, trnes et dominations. Ce raisonnement ne vaut pas, disons-nous ; car les anges, et au-dessus deux les archanges, les principauts et les puissances ne sont placs par la thologie quaprs les vertus, et, par suite ne participent pas toutes leurs proprits ; et toutefois nous les nommons vertus clestes aussi bien que les autres sublimes esprits. II. Nanmoins, en gnralisant ainsi cette dnomination noirs nentendons pas confondre les proprits des diffrents ordres ; seulement, comme par la loi sublime de leur tre on distingue dans tous les purs esprits lessence la vertu et lacte, si tous ou quelques-uns dentre eux sont dits indiffremment essences ou vertus clestes, but estimer que cette locution dsigne ceux dont nous voulons parler prcisment par lessence ou la verni qui les constitue. Certainement, aprs les distinctions si nettes que nous avons tablies, nous nirons pas attribuer aux natures moins parfaites des prrogatives surminentes, et troubler de la sorte lharmonieux accord qui rgne parmi les rangs des anges ; car, ainsi quon l dj remarqu plus dune fois, les ordres suprieurs possdent excellemment les proprits des ordres infrieurs ; mais ceux-ci ne sont point arms de toute la perfection des autres, qui, recevant sans intermdiaire les splendeurs divines, ne les transmettent aux natures moins leves quen partie et au degr o elles en sont capables.

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CHAPITRE 12DO VIENT QUE LON DONNE LE NOM DANGES DE NOTRE HIRARCHIE I. Ceux qui sappliquent la mditation de nos profonds oracles adressent encore cette question : sil est vrai que linfrieur ne partage pas entirement les qualits du suprieur, pourquoi dans les saintes critures nos pontifes sont-ils appels anges du seigneur tout-puissant ? II. Or cette parole ne semble point oppose nos prcdentes assertions ; car, si la perfection des premiers ordres ne se trouve pas chez les derniers dans toute son excellence, nanmoins elle leur est communique en partie, et, selon le degr de leur capacit, par la loi de cette universelle harmonie qui unit si intimement toutes choses. Par exemple, les chrubins jouissent sans doute dune sagesse et dune connaissance merveilleuses ; mais les esprits infrieurs participent aussi la sagesse et la connaissance, dune faon moins sublime, il est vrai, et moins abondamment, parce quils sont moins dignes. Ainsi le don de la connaissance et de la sagesse est commun toutes les intelligences clestes ; mais ce qui est propre chacune delles, ce qui est dtermin par leur nature respective, cest de recevoir le bienfait divin immdiatement et en premier lieu, ou bien mdiatement et en degr infrieur. Et lon ne se trompe pas, en appliquant ce mme principe tous les esprits angliques ; car, comme dans les premiers brillent minemment les augustes attributs des derniers, de mme ceux-ci possdent les qualits de ceux-l, toutefois avec moins dexcellence et de perfection. Il nest donc pas absurde, comme on voit, que la thologie donne le nom danges aux pontifes de notre hirarchie, puisque, en la mesure de leurs forces, ils sassocient au ministre des anges par la fonction denseigner, et, autant quil est permis lhumanit, slvent jusqu leur ressemblance par linterprtation des sacrs mystres. III. Bien plus, vous pouvez savoir quon appelle dieux les natures clestes qui sont au-dessus de nous, et mme les pieux et saints personnages qui ornent nos rangs, quoique la souveraine et mystrieuse essence de Dieu soit absolument incommunicable et suprieure tout, et quoique rien ne puisse avec justesse et en rigueur lui tre rput semblable. Mais quand la crature, soit purement spirituelle, soit raisonnable, essayant avec ardeur de sunir son principe, et aspirant sans cesse et de toutes ses forces aux lumires clestes, parvient imiter Dieu, si ce mot nest pas trop hardi, alors la crature reoit glorieusement le nom sacr de Dieu.

CHAPITRE 13POURQUOI IL EST DIT QUE LE PROPHTE ISAE FUT PURIFI PAR UN SRAPHIN I. Appliquons-nous encore considrer pourquoi il est dit quun sraphin fut envoy lun de nos thologiens ; car on demande avec raison comment il se fait que ce soit une des plus sublimes intelligences, et non pas un des esprits infrieurs qui purifie le prophte. Il. Quelques-uns, pour lever la difficult, invoquent en principe cette analogie intime qui rgne, comme nous avons vu, entre toutes les clestes natures : daprs cela, lcriture nindiquerait pas quune intelligence du premier ordre fit descendue pour purifier Isae, mais seulement quun des anges qui prsident notre hirarchie reut, en ce cas, la dnomination de sraphin, prcisment raison de la fonction quil venait remplir, et parce quil devait enlever par le feu liniquit du prophte, et ressusciter dans son me purifie le courage dune sainte obissance. Ainsi nos oracles parleraient ici, non pas de lun des sraphins qui entourent le trne de Dieu, mais de lune de ces vertus purifiantes qui sont immdiatement au-dessus de nous. III. Un autre me donna touchant la prsente difficult une solution qui nest pas du tout dnue de sens. Selon lui, quelle quelle fit dailleurs, la sublime intelligence, qui par cette vision symbolique initie le prophte aux secrets divins, rapporta dabord Dieu, puis la premire hirarchie, le glorieux office qui lui tait chu de communiquer la puret en cette rencontre. Or ce sentiment est-il vrai ? Celui qui men instruisit le dveloppait de cette sorte : La vertu divine atteint et pntre intimement toutes choses par sa libre nergie, quoiquen cela elle chappe tous nos regards, tant par la sublimit inaccessible de sa pure substance, qu raison des voies mystrieuses par lesquelles sexerce sa providentielle activit. Ce nest pas dire toutefois quelle ne se manifeste point aux natures intelligentes au degr o elles en sont capables ; car confiant la

La Hirarchie cleste grce de la lumire aux esprits suprieurs, par eux elle la transmet aux esprits infrieurs avec parfaite harmonie, et en la mesure que comportent la condition et lordre de chacun deux. Expliquons-nous plus clairement par le moyen dexemples qui conviennent mal la suprme excellence de Dieu, mais qui aideront notre dbile entendement : le rayon du soleil pntre aisment cette matire limpide et lgre quil rencontre dabord, et do il sort plein dclat et de splendeur ; mais sil vient tomber sur des corps plus denses, par lobstacle mme quopposent naturellement ces milieux la diffusion de la lumire, il ne brille plus que dune lueur terne et sombre, et mme saffaiblissant par degrs, il devient presque insensible. galement sa chaleur se transmet avec plus dintensit aux objets qui sont plus susceptibles de la recevoir, et qui se laissent plus volontiers assimiler par le feu ; puis son action apparat comme nulle ou presque nulle dans certaines substances qui lui sont opposes ou contraires ; enfin, ce qui est admirable, elle atteint, par le moyen des matires inflammables, celles qui ne le sont pas ; tellement quen des circonstances donnes, elle envahira dabord les corps qui ont quelque affinit avec elle, et par eux se communiquera mdiatement soit leau, soit tout autre lment qui semble la repousser. Or cette loi du monde physique se retrouve dans le monde suprieur. L, lauteur souverain de toute belle ordonnance tant visible quinvisible fait clater dabord sur les plus sublimes intelligences les splendeurs de sa douce lumire ; et ensuite les saints et prcieux rayonnements passent mdiatement aux intelligences subordonnes. Ainsi celles qui les premires sont appeles connatre Dieu, et nourrissent le brlant dsir de participer sa vertu, slvent aussi les premires lhonneur de retracer vritablement en elles cette auguste image, autant que le peut la crature ; puis elles sappliquent avec amour attirer vers le mrite but les natures infrieures, leur faisant parvenir les riches trsors de la sainte lumire, que celles-ci continuent transmettre ultrieurement. De la sorte, chacune, delles communique le don divin celle qui la suit, et toutes participent leur manire aux largesses de la Providence. Dieu est donc, proprement parler, rellement et par nature, le principe suprme de toute illumination, parce quil est lessence mme de la lumire, et que ltre et la vision viennent de lui ; mais son imitation et par ses dcrets, chaque nature dillumination pour la nature infrieure, puisque, comme un canal, elle laisse driver jusqu celle-ci les flots de la lumire divine. Cest pourquoi tous les rangs des anges regardent juste titre le premier ordre de larme cleste comme tant, aprs Dieu, le principe de toute connaissance sacre et pieux perfectionnement, puisquil envoie au reste des esprits bienheureux, et nous ensuite, les rayons de lternelle splendeur : de l vient que, sils rapportent leurs fonctions augustes et leur saintet Dieu comme celui qui est leur crateur, dun autre ct, ils les rapportent aussi aux plus leves des pures intelligences qui sont appeles les premires les remplir et les enseigner aux autres. Le premier rang des hirarchies clestes possde donc un plus haut degr que tous les autres et une dvorante ardeur, et une large part dans les trsors de la sagesse infinie , et la savante et sublime exprience des mystres sacrs, et cette proprit des trnes qui annonce une intelligence toujours prpare aux visites de la divinit. Les rangs infrieurs participent, il est vrai, lamour, la sagesse, la science, lhonneur de recevoir Dieu : mais ces grces ne leur viennent qu un degr plus faible et dune faon subalterne, et ils ne slvent vers Dieu que par le ministre des anges suprieurs qui furent enrichis les premiers des bienfaits clestes. Voil pourquoi les natures moins sublimes reconnaissent pour leurs initiateurs ces esprits plus nobles, rapportant Dieu dabord, et eux ensuite, les fonctions, quelles ont lhonneur de remplir. IV. Notre matre disait donc que la vision avait t manifeste au thologien Isae par un des saints et bienheureux anges qui prsident notre hirarchie ; et que le prophte, illumin et conduit de la sorte, avait joui de cette contemplation sublime, o, pour parler un langage symbolique, lui apparurent et les plus hautes intelligences sigeant immdiatement au-dessous de Dieu., et environnant son trne, et au milieu du cortge la souveraine majest dans la splendeur de son essence ineffable, slevant par del ces vertus si parfaites. Dans ces visions, le prophte apprit que, par la supriorit infinie de sa nature, la divinit lemporte sans comparaison sur toute puissance soit visible, soit invisible, et quelle est absolument spare du reste des tres, et na rien de semblable mme aux plus nobles substances ; il apprit que Dieu est le principe et la cause de toutes les cratures, et la base inbranlable de leur permanente dure, et que de lui procde ltre et le bien-tre des cratures mme les plus augustes ; il apprit encore

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La Hirarchie cleste quelles sont les vertus toutes divines des sraphins dont le nom mystrieux exprime si bien lardeur enflamme, ainsi que nous le dirons un peu plus loin, autant quil nous sera possible dexpliquer comment lordre sraphique slve,vers son adorable modle. Le libre et sublime essor par lequel les esprits dirigent vers Dieu leur triple facult est symbolis par les six ailes dont ils semblaient revtus aux yeux du prophte. De mme ces pieds et ces visages sans nombre, que la vision faisait passer sous son regard, lui taient un enseignement, aussi bien que ces ailes qui voilaient les pieds, et celles qui voilaient le visage, et celles qui soutenaient le vol constant des anges ; car, pntrant le sens mystrieux de ce spectacle, il comprenait de quelle vivacit et puissance dintuition sont doues ces nobles intelligences, et avec quel religieux respect elles sabstinrent de porter une tmraire et audacieuse prsomption dans la recherche des profonds et inaccessibles secrets de Dieu, et comment elles sappliquent imiter la divinit par un infatigable effort, et dans un harmonieux concert. Il entendait cet hymne de gloire si pompeux et tant rpt, lange lui communiquant la science, autant que ctait (...) Enfin son cleste instituteur lui faisait connatre que la puret des esprits, quelle quelle soit, consiste en la participation la lumire et la saintet non souille. Or cest Dieu mme qui pour dineffables motifs, et par une incomprhensible opration, communique cette puret toutes cratures spirituelles ; mais elle est dpartie plus abondamment, et dune faon plus vidente, ces vertus suprmes qui entourent de plus prs la divinit : pour ce qui regarde et les rangs subalternes de la hirarchie anglique, et la hirarchie humaine tout entire, autant chaque intelligence est loigne de son auguste principe, autant vis--vis delle le don divin affaiblit son clat, et senveloppe dans le mystre de son unit impntrable. Il rayonne sur les natures infrieures au travers des natures suprieures, et pour tout dire en un mot, cest par le ministre des puissances plus leves quil sort du fond de son adorable obscurit. Ainsi Isae, saintement clair par un ange, vit que la vertu purifiante et toutes les divines oprations reues dabord par les esprits plus sublimes, sabaissent ensuite sur tous les autres, selon la capacit quelles trouvent en chacun deux: cest pourquoi le sraphin lui apparut comme lauteur, aprs Dieu, de la purification quil raconte. Il nest donc pas hors de raison daffirmer que ce fut un sraphin qui purifia le prophte. Car comme Dieu purifie toute intelligence, prcisment parce quil est le principe de toute puret ; ou bien, pour me servir dun exemple familier, comme notre pontife, quand il purifie ou illumine par le ministre de ses diacres ou de ses prtres, est justement dit purifier et illuminer, ceux quil a levs aux ordres sacrs lui rapportant leurs nobles fonctions ; de mme lange qui fut choisi pour purifier le prophte, rapporta et la science et la vertu de son ministre Dieu dabord comme leur cause suprme, et puis au sraphin, comme au premier initiateur cr. On peut donc se figurer lange comme instruisant Isae par ces pieuses paroles : "Le principe suprme, lessence, la cause cratrice de cette purification que jopre en toi, cest celui qui a donn ltre aux plus nobles substances, qui conserve leur nature immuable, et leur volont pure, et qui les attire entrer les premires en participation de sa providentielle sollicitude." (Car cest ce que signifie lambassade du sraphin vers le prophte, daprs le sentiment de celui qui mexpliquait cette opinion.) "Or ces esprits sublimes, nos pontifes et nos matres, aprs Dieu, dans les choses saintes, qui mont appris communiquer la divine puret, ce sont eux, cest cet ordre auguste qui par moi te purifie, et dont lauteur bienfaisant de toute purification emploie le ministre, pour tirer de son secret, et envoyer les dons de son active providence." Voil ce que mapprit mon matre ; et moi je vous le transmets, Timothe. Maintenant je laisse votre science et votre discernement, ou bien de rsoudre la difficult par lune ou lautre des raisons proposes, et de prfrer la seconde comme raisonnable et bien imagine, peut-tre comme plus exacte ; ou de dcouvrir par vos propres investigations quelque chose de plus conforme la vrit ; ou enfin, avec la grce de Dieu, qui donne la lumire, et des anges qui nous la transmettent, dapprendre de quelque autre une meilleure solution. En ce cas, faites-moi part de votre bonne fortune ; car mon amour pour les saints anges se rjouirait de possder sur cette question des donnes plus claires.

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CHAPITRE 14QUE SIGNIFIE LE NOMBRE DES ANGES DONT IL EST FAIT MENTION DANS LCRITURE Je crois bien digne encore de lattention de nos esprits ce qui est enseign touchant les saints anges, savoir : quil y en a mille fois mille, et dix mille fois dix mille, lcriture redoublant ainsi et multipliant lun par lautre les chiffres les plus que nous ayons, et par la faisant voir clairement quil nous est impossible dexprimer le nombre de ces bienheureuses cratures. Car les rangs des armes clestes sont presss, et ils chappent lapprciation faible et restreinte de nos calculs matriels, et le dnombrement nen peut tre savamment fait quen vertu de cette connaissance surhumaine et transcendante que leur communique si libralement le Seigneur sagesse incre, science infinie, principe sur-essentiel et cause puissante de toutes choses, force mystrieuse qui gouverne les tres, et les bornes en les embrassant.

CHAPITRE 15QUELLES SONT LES FORMES DIVERSES DONT LCRITURE REVT LES ANGES, LES ATTRIBUTS MATRIELS QUELLE LEUR DONNE, ET LA SIGNIFICATION MYSTRIEUSE DE CES SYMBOLES. I. Mais, si bon vous semble, enfin, donnons quelque relche notre entendement aprs cette contention quont rclame nos regards sur le riche et vari spectacle des formes nombreuses sous lesquelles apparaissent les natures angliques, pour remonter ensuite de la grossiret du symbole lintelligible et pure ralit. Or, avant tout, je vous ferai observer que linterprtation mystique des figures et des emblmes sacrs nous montrera parfois les mmes rangs de larme cleste tour tour comme suprieurs et infrieurs, les derniers comme investis du commandement, et les premiers comme soumis des ordres, tous enfin comme ayant des puissances de triple degr, ainsi quon a vu. Cependant il ne faut pas croire que ces assertions impliquent aucune absurdit. Car, si nous disions que certaines natures angliques sont gouvernes par des esprits plus nobles quelles rgissent nanmoins, et que ceux qui ont autorit reconnaissent lempire de leurs propres subordonns, il y aurait vraiment l confusion de langage et contradiction flagrante. Mais si nous affirmons, non pas que les anges initient ceux-l mme dont ils reoivent linitiation, ou rciproquement, mais bien que chacun deux est initi par ses suprieurs, et initie son tour ses infrieurs, personne sans doute ne prtendra que les figures dcrites dans les saintes Lettres ne puissent lgitimement et proprement sappliquer aux puissances du premier, du deuxime et du troisime ordre. Ainsi lintention fixe de slever vers le parfait, lactivit constante et fidle se maintenir dans les vertus qui leur sont propres, cette providence secondaire par laquelle ils sinclinent vers les natures infrieures et leur transmettent le don divin, tous les esprits clestes participent ces qualits, mais en des proportions quon a dj indiques : les uns pleinement et avec sublimit, les autres seulement en partie et dune faon moins minente. II. Mais entrons en matire, et, au dbut de nos interprtations mystiques, cherchons pourquoi, parmi tous les symboles, la thologie choisit avec une sorte de prdilection le symbole du feu. Car, comme vous pouvez savoir, elle nous reprsente des roues ardentes, des animaux tout de flamme, des hommes qui ressemblent de brlants clairs ; elle nous montre les clestes essences entoures de brasiers consumants, et de fleuves qui roulent des flots de feu avec une bruyante rapidit. Dans son langage, les trnes sont de feu ; les augustes sraphins sont embrass, daprs la signification de leur nom mme, et ils chauffent et dvorent comme le feu ; enfin, au plus haut comme au plus bas degr de ltre, revient toujours le glorieux symbole du feu. Pour moi, jestime que cette figure exprime une certaine conformit des anges avec la divinit ; car chez les thologiens lessence suprme, pure, et sans forme, nous est souvent dpeinte sous limage du feu, qui a, dans ses proprits sensibles, si on peut le dire, comme une obscure ressemblance avec la nature divine. Car le feu matriel est rpandu partout, et il se mle, sans se confondre, avec tous les lments dont il reste toujours minemment distingu ; clatant de sa nature, il est cependant cach, et sa prsence ne se manifeste quautant quil trouve matire son activit ; violent et invisible, il dompte tout par sa force propre, et sassimile nergiquement ce quil a saisi ; il se communique aux objets, et les modifie, en raison directe de leur proximit ; il renouvelle toutes choses par sa

La Hirarchie cleste vivifiante chaleur, et brille dune lumire inextinguible ; toujours indompt, inaltrable, il discerne sa proie, nul changement ne latteint, il slve vers les cieux, et par la rapidit de sa fuite, semble vouloir chapper tout asservissement ; dou dune activit constante, les choses sensibles reoivent souvent de lui le mouvement ; il enveloppe ce quil dvore, et ne sen laisse point envelopper ; il nest point un accident des autres substances ; ses envahissements sont lents et insensibles, et ses splendeurs clatent dans les corps auxquels il sest pris ; il est imptueux et fort, prsent tout dune faon inaperue ; quon labandonne son repos, il semble ananti ; mais quon le rveille, pour ainsi dire, par le choc, linstant il se dgage de sa prison naturelle, et rayonne et se prcipite dans les airs, et se communique libralement, sans sappauvrir jamais. On pourrait signaler encore de nombreuses proprits du feu, lesquelles sont comme un emblme matriel des oprations divines. Cest donc en raison de ces rapports connus que la thologie dsigne sous limage du feu les natures clestes : enseignant ainsi leur ressemblance avec Dieu, et les efforts quelles font pour limiter. 3. Les anges sont aussi reprsents sous forme humaine, parce que lhomme est dou dentendement, et quil peut lever le regard en haut ; parce quil a la forme du corps droite et noble, et quil est ne pour exercer le commandement ; parce quenfin sil est infrieur aux animaux sans raison pour ce qui est de lnergie des sens, du moins il lemporte sur eux tous par la force minente de son esprit, par la puissance de sa raison, et par la dignit de son me naturellement libre et invincible. On peut encore, mon avis, emprunter aux diverses parties du corps humain des images qui reprsentent assez fidlement les esprits intelligence les habitants des cieux contemplent les secrets ternels, et avec quelle docilit, avec quelle tranquillit suave, avec quelle rapide intuition, ils reoivent la limpidit si pure et la douce abondance des lumires divines. Le sens si dlicat de lodorat symbolise la facult quils ont de savourer la bonne odeur des choses qui dpassent lentendement, de discerner avec sagacit et de fuir avec horreur tout ce qui nexhale pas ce sublime parfum. Loue rappelle quil leur est donn de participer avec une admirable science au bienfait de linspiration divine. Le got montre quils se rassasient des nourritures spirituelles et se dsaltrent dans des torrents dineffables dlices. Le tact est lemblme de leur habilet distinguer ce qui leur convient naturellement de ce qui pourrait leur nuire. Les paupires et les sourcils dsignent leur fidlit garder les saintes notions quils ont acquises. Ladolescence et la jeunesse figurent la vigueur toujours nouvelle de leur vie, et les dents, la puissance de diviser, pour ainsi dire, en fragments la nourriture intelligible qui leur est donne ; car tout esprit, par une sage providence, dcompose la notion simple quil a reue des puissances suprieures, et la transmet ainsi partage ses infrieurs, selon leur disposition respective cette initiation. Les paules, les bras et les mains marquent la force quont les esprits dagir et dexcuter leurs entreprises. Par le cur, il faut entendre leur vie divine qui va se communiquant avec douce effusion sur les choses confies leur protectrice influence ; et par la poitrine, cette mme nergie qui faisant la garde autour du cur maintient sa vertu invincible. Les reins sont lemblme de la puissante fcondit des clestes intelligences. Les pieds sont limage de leur vive agilit, et de cet imptueux et ternel mouvement qui les emporte vers les choses divines ; cest mme pour cela que la thologie nous les a reprsentes avec des ailes aux pieds. Car les ailes sont une heureuse image de la rapide course, de cet essor cleste qui les prcipite sans cesse plus haut, et les dgage si parfaitement de toute vile affection. La lgret des ailes montre que ces sublimes natures nont rien de terrestre, et que nulle corruption nappesantit leur marche vers les cieux. La nudit en gnral, et en particulier la nudit des pieds fait comprendre que leur activit nest pas comprime, quelles sont pleinement libres dentraves extrieures, et quelles sefforcent dimiter la simplicit qui est en Dieu. 4. Mais puisque, dans lunit de son but et la diversit de ses moyens, la divine sagesse donne des vtements aux esprits, et arme leurs mains dinstruments divers, expliquons encore du mieux possible ce que dsignent ces nouveaux emblmes. Je pense donc que le vtement radieux et tout de feu figure la conformit des anges avec la divinit, par suite de la signification symbolique du feu, et la vertu quils ont dilluminer prcisment parce que leur hritage est dans les cieux, doux pays de la lumire ; et enfin leur capacit de recevoir et leur facult de transmettre la lumire purement intelligible. La robe sacerdotale enseigne quils initient la contemplation des mystres clestes,

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La Hirarchie cleste et que leur existence est tout entire consacre Dieu. La ceinture signifie quils veillent la conservation de leur fcondit spirituelle, et que recueillant fidlement en eux-mmes leurs puissances diverses, ils les retiennent par une sorte de lien merveilleux dans un tat didentit immuable. 5. Les baguettes quils portent sont une figure de leur royale autorit, et de la rectitude avec laquelle ils excutent toutes choses. Les lances et les haches expriment la facult quils ont de discerner les contraires, et la sagacit, la vivacit et la puissance de ce discernement. Les instruments de gomtrie et des diffrents arts nous montrent quils savent fonder, difier, et achever leurs uvres, et quils possdent toutes les vertus de cette providence secondaire qui appelle et conduit leur fin les natures infrieures. Quelquefois aussi ces objets emblmatiques que portent les saintes intelligences, annoncent le Jugement de Dieu sur nous, soit. par exemple, les svrits dune utile correction, soit les vengeances de la justice ; soit aussi la dlivrance du pril et la fin du chtiment, le retour de la prosprit perdue, ou bien enfin laccroissement divers degrs des grces tant corporelles que spirituelles. Certainement un esprit clairvoyant saura bien appliquer avec justesse les choses quil voit aux choses quil ne voit pas. VI. Quand les anges sont appels vents, cest pour faire connatre leur extrme agilit et la rapidit de leur action, qui sexerce, pour ainsi dire, instantanment sur toutes choses, et le mouvement par lequel ils sabaissent et slvent sans peine pour entraner leurs subordonns vers une plus sublime hauteur, et pour se communiquer eux avec une providentielle bont. On pourrait dire aussi que ce nom de vent, dair branl, dsigne une certaine ressemblance des anges avec Dieu: car, ainsi que nous lavons longuement tabli dans la thologie symbolique, en interprtant les sens mystrieux des quatre lments, lair est un symbole bien expressif des oprations divines, parce quil sollicite en quelque sorte et vivifie la nature, parce quil va et vient dune course rapide et indomptable et parce que nous ignorons les mystrieuses profondeurs dans lesquelles il prend et perd son mouvement, selon cette parole : Vous ne savez ni do il vient ni o il va. La thologie reprsente aussi les anges sous la forme de nues ; enseignant par l que ces intelligences sont heureusement inondes dune sainte et ineffable lumire, et quaprs avoir reu avec une joie modeste la gloire de cette illumination directe, elles en laissent parvenir leurs infrieures les rayons abondants, mais sagement temprs et quenfin elles peuvent communiquer la vie, laccroissement et la perfection, en rpandant comme une rose spirituelle, et en fcondant le sein qui la reoit par le miracle de cette gnration sacre. VII. Dautres fois les anges sont dits apparatre comme lairain, lambre on quelque pierre de diverses couleurs. Lambre, mtal compos dor et dargent, figure, raison de la premire de ces substances, une splendeur incorruptible, et qui garde inaltrablement sa puret non souille ; et cause de la seconde, une sorte de clart douce et cleste. Lairain, daprs tout ce quon a vu, pourrait, tre assimil soit au feu, soit lor mme. La signification symbolique des pierres sera diffrente, selon la varit de leurs couleurs ; ainsi les blanches rappellent la lumire ; les rouges, le feu ; les Jaunes lclat de lor ; les vertes, la vigueur, la jeunesse. Chaque forme aura donc son sens cach, et sera le type sensible dune ralit mystrieuse. Mais je crois avoir suffisamment trait ce sujet, cherchons lexplication des formes animales dont la thologie revt parfois les clestes esprits. VIII. Or, par la forme de lion, il faut entendre lautorit et la force invincible des saintes intelligences, et le secret tout divin qui leur est donn de senvelopper dune obscurit majestueuse, en drobant saintement aux regards indiscrets les traces de leur commerce avec la divinit - (imitant le lion quon dit effacer dans sa course lempreinte de ses pas, quand il fuit le chasseur). La forme de buf applique aux anges exprime leur puissante vigueur, et quils ouvrent en eux des sillons spirituels, pour y recevoir la fcondit des pluies clestes : les cornes sont le symbole de lnergie avec laquelle ils veillent leur propre garde. La forme daigle rappelle leur royale lvation et leur agilit, limptuosit qui les emporte sur la proie dont se nourrissent leurs facults sacres, leur attention la dcouvrir, et leur facilit ltreindre, et surtout cette puissance de regard qui leur permet de contempler hardiment et de fixer sans fatigue les splendides et blouissantes clarts du soleil divin.

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La Hirarchie cleste Le cheval est lemblme de la docilit et de lobissance ; sa couleur est galement significative : blanc, il figure cet clat des anges qui les rapproche de la splendeur incre ; bai, il exprime lobscurit des divins mystres ; alezan, il rappelle la dvorante ardeur du feu ; marqu de blanc et de noir, il symbolise la facult de mettre en rapport et de concilier ensemble les extrmes, dincliner sagement le suprieur vers linfrieur, et dappeler ce qui est moins parfait sunir avec ce qui est plus lev. Mais si nous ne cherchions une certaine sobrit de discours, nous eussions pu appliquer avec quelque bonheur aux puissances clestes toutes les qualits et les formes corporelles de ces divers animaux, par des rapprochements o la similitude claterait au travers de diffrences sensibles : comme si nous voulions voir, par exemple, dans lirascibilit des brutes, cette mle nergie des esprits, dont la colre nest quun obscur vestige, ou bien dans la convoitise de celles-l, le divin amour de ceux-ci, ou, pour tout dire en un mot, dans les sens et les organes des animaux sans raison, les penses si pures et les facults immatrielles des anges. Jen ai assez dit pour lhomme intelligent ; mme linterprtation dun seul de ces symboles suffit bien pour guider dans la solution des questions analogues. 9. Considrons encore ce que veut dire la thologie, lorsque parlant des anges, elle nous dcrit des fleuves, des chars et des roues. Le fleuve de feu dsigne ces eaux vivifiantes qui, schappant du sein inpuisable de la divinit, dbordent largement sur les clestes intelligences, et nourrissent leur fcondit. Les chars figurent lgalit harmonique qui unit les esprits dun mme ordre. Les roues garnies dailes et courant sans cart et sans arrt vers le but marqu, expriment lactivit puissante et linflexible nergie avec lesquelles lange, entrant dans la voie qui lui est ouverte, poursuit invariablement et sans dtour sa course spirituelle dans les rgions clestes. Mais ce symbolisme des roues est susceptible encore dune autre interprtation ; car ce nom de galgal qui lui est donn, au rapport du prophte, signifie en hbreu rvolution et rvlation. Effectivement ces roues intelligentes et enflammes ont leurs rvolutions, qui les entranent dun mouvement ternel autour du bien immuable ; elles ont aussi leurs rvlations, ou manifestations des secrets divins, savoir lorsquelles initient les natures infrieures, et leur font parvenir la grce des plus saintes illuminations. Il nous reste expliquer enfin comment on doit comprendre lallgresse des anges. Car nimaginons pas quils soient soumis aux accs de nos joies passionnes. En disant quils se rjouissent avec Dieu de ce que sont retrouvs ceux qui taient perdus, on exprime le divin contentement, et cette sorte de paisible dlectation dont ils sont doucement enivrs, loccasion des mes que la Providence a ramenes au salut, et aussi cet ineffable sentiment de bonheur que les saints de la terre connaissent, quand Dieu les rcre par leffusion de son auguste lumire. Telles sont les explications que javais donner touchant les symboles que dcrit la th