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Accountancy&Tax – n° 3 / 2017 7 Déontologie Secret professionnel Action préventive ou réaction à une demande de renseignements de l'administration fiscale La comptabilité se trouve chez le client Sur la base de la législation considérée 1 axée sur le contri- buable, le fisc peut procéder à un contrôle fiscal de la comp- tabilité. Si la comptabilité se trouve au cabinet de l'expert- comptable externe et que, après clôture de l'exercice ou après dépôt de toutes les déclarations fiscales 2 , le professionnel ne restitue pas la comptabilité à son client, l'administration fiscale peut, à juste titre ou non, considérer l'expert-comptable externe comme étant le représentant mandaté pour la conser- vation de la comptabilité. Nous recommandons donc vivement à l'expert-comptable externe de restituer tous les livres, comptes et pièces justifica- tives au contribuable dès que l'exercice est clôturé ou après que toutes les déclarations fiscales ont été déposées. Le contri- buable et le professionnel sont ainsi tous deux assurés d'être en règle avec l'obligation légale de l'article 315, 4°, dernier alinéa, du Code des impôts sur les revenus, qui s'énonce comme suit : « Sauf lorsqu'ils sont saisis par la justice, ou sauf dérogation accordée par l'administration, les livres et documents de nature à permettre la détermination du montant des reve- nus imposables doivent être conservés à la disposition de l'administration, dans le bureau, l'agence, la succursale ou tout autre local professionnel ou privé du contribuable où ces livres et documents ont été tenus, établis ou adressés, jusqu'à l'expiration de la septième année ou du septième exercice comptable qui suit la période imposable. » Si, de ce fait, l'administration fiscale s'adresse directement au contribuable, le risque est moindre que le fisc prenne connais- sance d'informations couvertes par le secret professionnel de l'expert-comptable externe. Lorsque l'expert-comptable externe reçoit une communi- cation électronique ou papier annonçant un contrôle fiscal du client, il doit avant toute chose rediriger l'administration fiscale vers le contribuable, dès lors qu'il a restitué la comptabilité à son client, tel que recommandé. La comptabilité ne se trouve pas chez le client Si – contrairement à la recommandation de l'Institut – les livres, comptes et pièces justificatives des exercices clôturés ou des déclarations fiscales se trouvent au cabinet de l'expert- comptable externe, ce dernier doit attirer l'attention de l'admi- nistration fiscale sur son obligation de secret professionnel. 3 L'expert-comptable externe ne peut, en effet, communi- quer que la comptabilité et les pièces justificatives légales. Tous les autres documents de travail et toute communication/ correspondance confidentielle entre le client et le titulaire de profession libérale sont couverts par le secret professionnel. En ce qui concerne la communication de la comptabilité et des pièces justificatives légales, il est recommandé que l'expert- comptable externe (ou l'administration même) prenne préala- blement contact avec le client. Ainsi, la certitude est acquise que le client est au courant de l'organisation d'un contrôle fiscal. En outre, cette mesure permet de savoir clairement si le client accepte (et ce, de préférence par écrit) que l'expert-comptable externe agisse pour son compte en tant que représentant man- daté pour la conservation des documents. En ce qui concerne tous les autres documents ou éléments, l'administration fiscale reconnaît dans son propre commen- taire que les titulaires de professions libérales ont la possibilité d'invoquer leur obligation de secret professionnel et que cela risque d'empêcher l'administration fiscale de recueillir certains renseignements. 4 L'Institut attire l'attention de ses membres sur l'importance de cette distinction, vu que toute communication d'un document couvert par le secret professionnel constitue une infraction à la législation et à la déontologie professionnelle. L'article 458 du Code pénal dispose en effet : « Les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharma- ciens, sages-femmes et toutes autres personnes déposi- taires, par état ou par profession, des secrets qu'on leur confie, qui, hors le cas où ils sont appelés à rendre témoi- gnage en justice ou devant une commission d'enquête Lorsqu'à l'occasion d'un contrôle fiscal, l'expert-comptable externe reçoit del'administration fiscale une communication accompagnée d'une demande de renseignements ou d'une demande d'envoi de documents comptables, il doit tenir compte des arguments juridiques exposés ci-dessous avant de répondre à cette demande du fisc.

Déontologie Secret professionnel Action préventive ou ... · S'il a restitué les documents papier au client, c'est normale-ment au contribuable qu'incombe la responsabilité de

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Accountancy&Tax – n° 3 / 2017 7

Déontologie Secret professionnel

Action préventive ouréaction à une demande de

renseignements de l'administration fiscale

La comptabilité se trouve chez le clientSur la base de la législation considérée1 axée sur le contri-buable, le fisc peut procéder à un contrôle fiscal de la comp-tabilité. Si la comptabilité se trouve au cabinet de l'expert-comptable externe et que, après clôture de l'exercice ou après dépôt de toutes les déclarations fiscales2, le professionnel ne restitue pas la comptabilité à son client, l'administration fiscale peut, à juste titre ou non, considérer l'expert-comptable externe comme étant le représentant mandaté pour la conser-vation de la comptabilité.

Nous recommandons donc vivement à l'expert-comptable externe de restituer tous les livres, comptes et pièces justifica-tives au contribuable dès que l'exercice est clôturé ou après que toutes les déclarations fiscales ont été déposées. Le contri-buable et le professionnel sont ainsi tous deux assurés d'être en règle avec l'obligation légale de l'article 315, 4°, dernier alinéa, du Code des impôts sur les revenus, qui s'énonce comme suit :

« Sauf lorsqu'ils sont saisis par la justice, ou sauf dérogation accordée par l'administration, les livres et documents de nature à permettre la détermination du montant des reve-nus imposables doivent être conservés à la disposition de l'administration, dans le bureau, l'agence, la succursale ou tout autre local professionnel ou privé du contribuable où ces livres et documents ont été tenus, établis ou adressés, jusqu'à l'expiration de la septième année ou du septième exercice comptable qui suit la période imposable. »

Si, de ce fait, l'administration fiscale s'adresse directement au contribuable, le risque est moindre que le fisc prenne connais-sance d'informations couvertes par le secret professionnel de l'expert-comptable externe.

Lorsque l'expert-comptable externe reçoit une communi-cation électronique ou papier annonçant un contrôle fiscal du client, il doit avant toute chose rediriger l'administration fiscale vers le contribuable, dès lors qu'il a restitué la comptabilité à son client, tel que recommandé.

La comptabilité ne se trouve pas chez le clientSi – contrairement à la recommandation de l'Institut – les livres, comptes et pièces justificatives des exercices clôturés ou des déclarations fiscales se trouvent au cabinet de l'expert-comptable externe, ce dernier doit attirer l'attention de l'admi-nistration fiscale sur son obligation de secret professionnel.3

L'expert-comptable externe ne peut, en effet, communi-quer que la comptabilité et les pièces justificatives légales. Tous les autres documents de travail et toute communication/correspondance confidentielle entre le client et le titulaire de profession libérale sont couverts par le secret professionnel.

En ce qui concerne la communication de la comptabilité et des pièces justificatives légales, il est recommandé que l'expert-comptable externe (ou l'administration même) prenne préala-blement contact avec le client. Ainsi, la certitude est acquise que le client est au courant de l'organisation d'un contrôle fiscal. En outre, cette mesure permet de savoir clairement si le client accepte (et ce, de préférence par écrit) que l'expert-comptable externe agisse pour son compte en tant que représentant man-daté pour la conservation des documents.

En ce qui concerne tous les autres documents ou éléments, l'administration fiscale reconnaît dans son propre commen-taire que les titulaires de professions libérales ont la possibilité d'invoquer leur obligation de secret professionnel et que cela risque d'empêcher l'administration fiscale de recueillir certains renseignements.4

L'Institut attire l'attention de ses membres sur l'importance de cette distinction, vu que toute communication d'un document couvert par le secret professionnel constitue une infraction à la législation et à la déontologie professionnelle. L'article 458 du Code pénal dispose en effet :

« Les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharma-ciens, sages-femmes et toutes autres personnes déposi-taires, par état ou par profession, des secrets qu'on leur confie, qui, hors le cas où ils sont appelés à rendre témoi-gnage en justice ou devant une commission d'enquête

Lorsqu'à l'occasion d'un contrôle fiscal, l'expert-comptable externe reçoit del'administration fiscale une communication accompagnée d'une demande de

renseignements ou d'une demande d'envoi de documents comptables, il doit tenir compte des arguments juridiques exposés ci-dessous avant de répondre à

cette demande du fisc.

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Déontologie

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Secret professionnel

parlementaire et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punis d'un emprison-nement de huit jours à six mois et d'une amende de cent euros à cinq cents euros. »

Le secret professionnel de l'expert-comptable a été inscrit dans la loi du 22 avril 1999 relative aux professions comptables et fiscales et dans l'arrêté royal du 1er mars 1998 fixant le règle-ment de déontologie des experts-comptables5 et confirmé par la jurisprudence dans un arrêt de la Cour de cassation de 20076.

La Cour a jugé que les personnes qui, dans l'exercice de leur profession, prennent connaissance d'actes auxquels la loi, dans un intérêt général et d'ordre public, imprime le caractère confi-dentiel et secret, sont tenues par un secret professionnel.7

Le secret professionnel a la même raison d'être que l'intérêt général. Les experts-comptables et/ou conseils fiscaux doi-vent, en effet, être placés dans les conditions leur permettant d'exercer leurs missions d'assistance et de conseil en pleine connaissance de cause.8

Le législateur a, dès lors, introduit le secret professionnel afin de protéger les secrets d'affaires que le client confie au professionnel ou dont ce dernier prend connaissance lui-même dans le cadre de la prestation de services fiscaux et comptables.9 Qui plus est, le secret professionnel garantit aux clients que leurs informations potentiellement sensibles seront traitées de manière confidentielle et correcte, s'ils font appel au professionnel.

Sans ce secret professionnel, les clients de l'expert-comp-table externe auraient tendance à ne plus communiquer d'in-formations conformes à la réalité, par crainte que ces informa-tions ne soient révélées publiquement ou utilisées contre eux, de sorte que la comptabilité et les avis rendus par l'expert-comptable ne seraient pas basés sur des données correctes.

La Cour de cassation a confirmé dans son arrêt du 2 juin 2010 que le secret professionnel s'étend à tout ce que le client confie au professionnel et à ce que celui-ci a constaté ou découvert dans l'exercice de sa profession.10

Outre la protection des secrets d'affaires, le secret profes-sionnel garantit également la confidentialité des informations qui relèvent de la vie privée et dont l'expert-comptable ou le conseil fiscal a connaissance de par l'exercice de sa profession.11

Il y a violation du secret professionnel dès lors qu'un do-cument comptable est publié ou communiqué, quel que soit

l'endroit où ce document se trouve. Le caractère confidentiel d'un document peut ainsi empêcher son utilisation en justice, même dans la situation où il n'est pas communiqué par le professionnel, mais découvert chez la personne à qui il était destiné (le client).12

Il se peut, en effet, qu'à l'occasion d'un contrôle fiscal, le client, par crainte ou par gêne, ordonne à l'expert-comptable externe de communiquer tous les documents comptables et fiscaux à l'administration fiscale.

C'est la raison pour laquelle le secret professionnel est d'ordre public, de sorte que même l'accord exprès du client en vue de la communication au fisc de tout le back-up du pro-gramme informatique contenant le dossier du client – donc y compris de tous les documents de travail et communications échangées – ne peut défaire l'expert-comptable externe de son secret professionnel. En l'occurrence, l'expert-comptable externe lui-même doit encore vérifier quels documents peuvent ou ne peuvent pas être communiqués à l'administration fiscale.13

Si l'administration fiscale n'accepte pas le secret pro-fessionnel de l'expert-comptable externe, elle doit, confor-mément à l'article 334 du Code des impôts sur les revenus, prendre contact avec l'Institut des experts-comptables et des conseils fiscaux, de manière à ce que celui-ci puisse apprécier dans quelle mesure la demande de renseignements ou de com-munication de documents se concilie en cause avec le respect du secret professionnel.14

La tâche de l'Institut consistera, dans le litige qui oppose l'administration à l'expert-comptable externe, à se prononcer sur la question de savoir si et éventuellement dans quelle me-sure la demande de renseignements ou de production de livres et documents se concilie avec le secret professionnel auquel la personne sollicitée est tenue.

L'Institut ne pourra en aucun cas défaire l'expert-comptable externe de l'obligation légale de secret professionnel.15

Communication de la comptabilité sur base volontaire1. Limites à la compétence de contrôle du fiscPremièrement, nous attirons l'attention sur quelques autres problèmes juridiques qui peuvent se poser lors de la création/communication au fisc d'un back-up de l'ensemble du dossier comptable du contribuable.

Lorsqu'un expert-comptable reçoit de l'administration fiscale une demande de communication de documents comptables et/

« La législation fiscale dispose qu'un contrôle fiscal ne peut normalement remonter que trois ans en arrière,

voire à sept ans au maximum dans les cas d'intention frauduleuse »

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Déontologie

ou de déclarations fiscales, il doit, comme nous l'avons déjà pré-cisé ci-dessus, prendre d'abord contact avec le client/contribua-ble. S'il a restitué les documents papier au client, c'est normale-ment au contribuable qu'incombe la responsabilité de répondre.

Moyennant l'accord écrit du client, l'expert-comptable externe peut lui-même répondre à cette demande de rensei-gnements du fisc. Ni le contribuable ni l'expert-comptable ne sont toutefois obligés d'accéder à cette demande de l'administration fiscale. La législation et la jurisprudence, notamment la Cour de cassation, ont en effet considéré que l'administration fiscale peut adresser au contribuable une demande écrite de communication de documents, mais ne peut l'ordonner ni l'imposer.16

L'expert-comptable, s'il n'est pas mandataire, ne peut de toute façon jamais communiquer des documents à une quelconque autre personne/organisation/administration, sans l'accord écrit de son client.

Même avec l'accord ou un mandat du client, l'expert-comptable ne peut jamais – en raison du secret professionnel auquel il est tenu – communiquer les documents de travail et communications personnelles à l'administration fiscale.

Si l'expert-comptable n'accède pas à cette demande de copie et d'envoi de documents à l'administration fis-cale, le fisc peut se rendre sur place, chez le contribuable. Étant donné que la comptabilité (notamment tous les livres, comptes et pièces justificatives) n'est pas couverte par le secret professionnel, le fisc a, en effet, le droit de consulter ces documents sur place.

La comptabilité que le contribuable ou l'expert-comptable externe a communiquée volontairement peut être utilisée comme preuve. Il ne saurait en être tiré argument pour ensuite déclarer que cette preuve a été « obtenue illégalement ».17 Il importe dès lors que l'expert-comptable invoque le secret professionnel avant de communiquer quelque renseignement/document que ce soit.

Si le contribuable ou l'expert-comptable externe a commu-niqué des pièces ou documents au fisc en raison de la référen-ce faite par le fisc dans son courrier aux sanctions applicables par l'administration fiscale et uniquement dans ce cas,18 il est possible d'invoquer l'argument selon lequel la preuve a été ob-tenue illégalement. La jurisprudence s'est toutefois empressée d'appliquer le test Antigone dans cette situation. Le test Antigone désigne l'évaluation à laquelle le juge doit

« Un expert-comptable qui est contacté par le fisc doit avant

toute chose rediriger le fisc vers son client et ensuite invoquer

son obligation de secretprofessionnel »

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Secret professionnel

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Déontologie

« La comptabilité que le contribuable oul'expert-comptable externe a communiquée

volontairement peut être utilisée comme preuve. Il nesaurait en être tiré argument pour ensuite déclarer que

cette preuve a été "obtenue illégalement" »

procéder lorsqu'il (elle) est amené(e) à déterminer s'il y a lieu d'écarter du dossier une mesure d'enquête ou une preuve ob-tenue, au motif qu'une condition de forme prescrite à peine de nullité n'a pas été respectée ou que la fiabilité de la preuve est entachée d'irrégularité.19

La Cour de cassation a jugé que la preuve obtenue en ma-tière fiscale ne peut être écartée que dans certaines situations.20

Une pièce justificative ne peut être écartée que si la preuve a été obtenue d'une manière à ce point contraire à ce qui peut être attendu d'une autorité correcte, que cet usage doit en toutes cir-constances être considéré comme inacceptable, ou si cet usage compromet le droit du contribuable à un procès équitable.21

Par un arrêt du 17 décembre 2015, la Cour de justice a toutefois remis en cause le test Antigone réalisé par le pouvoir judiciaire en matière de TVA en jugeant qu'en matière de TVA, la preuve obtenue illégalement ne peut être utilisée, quelles que soient les circonstances, dans la suite du contrôle fiscal, s'il peut être démontré que les droits de la partie, à qui la preuve s'ap-plique, ont été violés. Les preuves obtenues doivent être écar-tées, et la décision contestée, qui se fonde sur ces preuves, doit être annulée si celle-ci se trouve, de ce fait, sans fondement.22

Pour l'heure, cette interprétation de la Cour de justice n'a cependant pas encore été appliquée dans d'autres domaines de la législation fiscale – par exemple, en matière d'impôts sur les revenus –, comme la Cour d'appel d'Anvers le prouve dans son arrêt du 14 décembre 201623.

2. Condition de forme ?Deuxièmement, la demande de l'administration fiscale de communiquer sous une autre forme déterminée, sans que l'administration fiscale doive se déplacer, les renseignements demandés qui sont disponibles sur papier ou en outprints ne repose sur aucun fondement légal. Tant l'administration que la jurisprudence confirment que la demande de renseig-nements ou la demande de communication de documents comptables doit satisfaire à l'exigence de raison.24

À cet égard, force est donc de constater que la demande de l'administration, que les renseignements demandés soient établis dans un programme déterminé ou d'une manière spé-cifique afin de lui être communiqués, est clairement déraison-nable, vu que cette demande revêt un caractère purement volontaire, tel que démontré antérieurement. De même, lorsque les renseignements demandés sont conser-

vés dans un système informatique, c'est l'exigence principale de l'article 315bis du Code des impôts sur les revenus sont d'application, qui dispose que « les données enregistrées sur des supports informatiques doivent être communiquées sous une forme lisible et intelligible », qui est d'application.25

L'Institut tient à souligner qu'une visite de l'administration fiscale sur place, chez l'expert-comptable, est à éviter autant que possible, étant donné que pendant le contrôle fiscal, elle peut demander de pouvoir consulter les systèmes informa-tiques qui contiennent également des données qui sont à tout moment couvertes par le secret professionnel de l'expert-comptable. Dans la plupart des programmes comptables élec-troniques, ces données ne peuvent pas être séparées de celles que l'administration fiscale a le droit de consulter.

Pendant un contrôle fiscal effectué sur place, le fisc peut en effet invoquer l'article 315bis, § 3, du Code des impôts sur les re-venus qui prévoit que l'administration peut obliger le profession-nel à lui donner accès aux supports informatiques utilisés pour la tenue de la comptabilité et à en effectuer des copies « dans la forme que les agents souhaitent » et peut également demander à l'expert-comptable d'effectuer les traitements informatiques qui sont nécessaires dans le cadre du contrôle fiscal.

Étant donné que dans les programmes comptables électro-niques, il n'est pas possible de séparer les documents couverts par le secret professionnel de ceux qui ne le sont pas, une consultation de ces programmes constituera toujours une violation du secret professionnel. C'est la raison pour laquelle l'expert-comptable doit à tout moment faire valoir son secret professionnel à l'égard de l'administration fiscale et doit invo-quer l'article 334 du Code des impôts sur les revenus, à la suite de quoi l'administration fiscale est tenue de contacter l'Institut, de manière à ce qu'il soit possible de juger in concreto quelles données peuvent ou non être transmises au fisc.

3. Portée dans le tempsTroisièmement, la législation fiscale dispose qu'un contrôle fiscal ne peut normalement remonter que trois ans en arrière, voire à sept ans au maximum dans les cas d'intention fraudu-leuse.26 Étant donné que la plupart des programmes compta-bles ne permettent pas d'isoler des exercices, le back-up ou upload demandé comprend plus que probablement des exer-cices ou déclarations fiscales qui outrepassent la compétence du fisc/excèdent la portée du contrôle fiscal.

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Secret professionnel

Conclusion27

Au départ de l'analyse juridique ci-dessus et tenant compte du principe de légalité fiscale et de la protection des informa-tions du client de l'expert-comptable par le secret profession-nel, il convient de rappeler qu'un expert-comptable externe ne peut en aucun cas communiquer le back-up ou upload complet d'un programme comptable ou d'un dossier client à l'administration fiscale.

Si l'expert-comptable externe est contacté, il doit avant toute chose rediriger le fisc vers son client (le contribuable) et ensuite invoquer son obligation de secret professionnel. Il ne doit envoyer une copie de la comptabilité (tous les livres, comptes et pièces justificatives) qu'à condition qu'il dispose d'un mandat écrit préalable ou d'une autorisation écrite spé-ciale du client. Il peut ainsi, dans la plupart des cas, éviter que l'administration fiscale vienne sur place, à son bureau, pour contrôler les documents comptables.

Comme nous l'avons déjà dit précédemment, l'expert-comptable externe doit exiger, dès lors que l'administration fiscale n'accepte pas son secret professionnel, que cette der-nière prenne contact avec l'Institut des experts-comptables et des conseils fiscaux conformément à l'article 334 du Code des impôts sur les revenus et, dans le pire des cas, si l'administra-tion n'accédait pas à cette exigence, contester lui-même par écrit la légalité du contrôle.

Les membres de l'Institut peuvent toujours prendre contact avec l'Institut pour demander une assistance/un avis concer-nant le contrôle fiscal et/ou le contact avec le fisc.

Jelle David, Eva Stroobants, et Charles Bayart, Service juri-dique IAB. En collaboration avec le Prof. Dr. Axel HaeltermanPartner Tax, Freshfields Bruckhaus Deringer

1 Articles 315, 315bis et 315ter du Code des impôts sur les revenus du

10 avril 1992 et articles 60 et 61 du Code de la taxe sur la valeur ajoutée

du 3 juillet 1969.

2 Il est recommandé de restituer les documents en matière de TVA à votre

client après chaque période de déclaration (mensuelle, trimestrielle ou

annuelle).

3 Article 458 du Code pénal ; article 52 de l'arrêté royal du 1er mars 1998

fixant le règlement de déontologie des experts-comptables.

4 Commentaire de l'administration fiscale n° 322/8 ; Commentaire de

l'administration fiscale n° 317/11.

5 Article 58 de la loi du 22 mars 1999 relative aux professions comptables et

fiscales ; article 52 de l'arrêté royal du 1er mars 1998 fixant le règlement de

déontologie des experts-comptables.

6 Cass., 27 juin 2007, Rev. dr. pén., 2008, n° 1, p. 69.

7 Cass., 27 juin 2007, Rev. dr. pén., 2008, n° 1, p. 69.

8 « La nature confidentielle des avis émis par les experts-comptables et les

conseils fiscaux ! », Accountancy & Tax, mars 2015.

9 L. Huybrechts, « Het zaken-, bank- en beroepsgeheim in het strafproces »,

in Ondernemingsstrafrecht, Brugge, die Keure, 1999, p. 54.

10 Cass., 2 juin 2010, Juristenkrant, 2010, n° 212, p. 5.

11 T. Afschrift, « Le secret professionnel de l'expert-comptable à l'égard de

l'administration fiscale », in Liber amicorum Raymond Knockaert, Tielt,

Lannoo, 1998, p. 21.

12 Comm. Bruxelles, 28 décembre 2007, RW, 2008-2009, n° 5, p. 204.

13 « La nature confidentielle des avis émis par les experts-comptables et les

conseils fiscaux », Accountancy & Tax, mars 2015 ; T. Litannie et V. Alvarez

Fernandez, « Les professionnels de la comptabilité et le secret profession-

nel », C&FP, 2006, pp. 5 à 7 ; voy. également R. Prioux, « Les exceptions

au secret professionnel du réviseur d'entreprises », in X., La révision des

comptes annuels et des comptes consolidés, Bruxelles, Bruylant, 2000.

14 Commentaire de l'administration fiscale n° 3334/6-8.

15 Commentaire de l'administration fiscale n° 3334/7.

16 Cass., 21 novembre 2014, F.13.0159.N ; Anvers, 9 décembre 2014,

2013/AR/1990 ; Anvers, 31 mai 2016, 2015/AR/141.

17 Cass., 19 septembre 2014, C.12.0375.N.

18 Articles 351, 445 et 449 du Code des impôts sur les revenus ; article 70, § 4,

du Code de la taxe sur la valeur ajoutée.

19 L'IEC a consulté Maître T. Lauwers à ce sujet.

20 Cass., 22 mai 2015, F.13.0077.N.

21 L'IEC a consulté Maître T. Lauwers à ce sujet.

22 CJUE, 17 décembre 2015, C-419/15.

23 Anvers, 14 juin 2016, 2017/AR/2248.

24 Anvers, 3 novembre 2015, 2014/AR/561 ; Commentaire de l'administration

fiscale n° 316/2.

25 Idem article 61, § 1er, al. 4, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée.

26 Article 333 et 354 du Code des impôts sur les revenus ; Trib. Namur (4e

ch.), 6 avril 2011, 03/2477/A, 08/2763/A, RGCF, 2011/4, p. 335 ; Fisc. Act.,

2011, n° 29, p. 10 (+ site web du SPF).

27 Un conseil fiscal n'est pas autorisé à établir une comptabilité, mais, dans la

mesure où le présent article s'applique également au conseil fiscal en ce

qui concerne les pièces justificatives à joindre à une déclaration fiscale, un

expert-comptable peut, en l'occurrence, également être interprété comme

un conseil fiscal.

« L'administration fiscale reconnaît dans son proprecommentaire que les titulaires de professions libérales

ont la possibilité d'invoquer leur obligation de secret pro-fessionnel et que cela risque d'empêcher l'administration

fiscale de recueillir certains renseignements »