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La lutte contre la maladie de Chagas La violence sexuelle comme arme de guerre Lettre du terrain : Haïti Nouveau programme de traitement antirétroviral en Éthiopie L’introduction de la TCA dans la lutte contre la malaria en Afrique Arjan Erkel est libéré après 607 jours de captivité MSF au Canada Le livre : Hope in Hell DANS CE NUMÉRO 2 4 6 8 10 13 14 15 LA LUTTE CONTRE UNE MALADIE NÉGLIGÉE : LA MALADIE DE CHAGAS Dépêches Vol. 6, nº 2 BULLETIN MSF CANADA Lauréat du prix Nobel de la paix 1999

Dépêches (Été 2004)

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Dépêches est le bulletin de Médecins Sans Frontières (MSF) Canada.

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La lutte contre la maladie de Chagas

La violence sexuellecomme arme de guerre

Lettre du terrain : Haïti

Nouveau programme detraitement antirétroviralen Éthiopie

L’introduction de la TCA dans la lutte contre lamalaria en Afrique

Arjan Erkel est libéréaprès 607 jours de captivité

MSF au Canada

Le livre : Hope in Hell

DANS CE NUMÉRO

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LA LUTTE CONTRE UNE MALADIE NÉGLIGÉE :

LA MALADIE DE CHAGAS

DépêchesVol. 6, nº 2

B U L L E T I N M S F C A N A D A

L a u r é a t d u p r i x N o b e l d e l a p a i x 1 9 9 9

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Dépêches Vol. 6, nº 2

Deux jeunes hommes, équipés d’une lampe de poche et d’une tigede fer, cherchent des insectes dans chacune des 72 maisons de lacommunauté de San Simón. Dans ce village, ces jeunes sont appelésles vinchuqueros – un jeu de mots avec rancheros (cow-boys) et vinchucas, le nom local donné aux insectes qui transmettent lamaladie de Chagas. Les chasseurs travaillent pour Médecins SansFrontières (MSF) dans le cadre de la lutte contre l’une des maladiesles plus mortelles de la Bolivie.

La vinchuca fait environ cinq centimètres de long à maturité.L’insecte grimpe jusqu’au sommet des murs à l’intérieur des maisonspuis saute et plane jusqu’à ce qu’il atterrisse sur le bras exposé d’unenfant endormi. La maladie se transmet lorsque l’insecte pique etdépose sur la peau des excréments et que la victime, sans le savoir,transmet en se grattant de minuscules parasites à son système san-guin. Il faut parfois de 10 à 15 ans avant que des symptômes de lamaladie n’apparaissent.

Les deux vinchuqueros sont Félix et Raúl, et ils doivent parfoismarcher pendant plus de sept heures avant d’atteindre une maison qu’ils fouilleront de fond en comble afin de dépister

l’insecte mortel. Les enfants les suivent partout. « Ce sont nosassistants », déclare Félix.

Félix et Raúl, ainsi qu’un troisième membre, Jesús, sont en charged’inscrire le nombre d’enfants âgés de moins de 15 ans vivant danschaque maison. C’est l’une des tâches qui leur incombe dans lecadre du volet « rechercher et tuer » du programme de préventionet de traitement mis sur pied par MSF il y a un an à Entre Ríos,dans la région d’O’Connor, au sud de la Bolivie. Dans cette région,la maladie touche 30 pour cent des enfants âgés de moins de 14 ans. Le traitement de la maladie constitue l’autre volet du programme de MSF.

La recherche et l’élimination des insectes se fait de façonméthodique. L’équipe pulvérise d’insecticide les toits, les murs, leplancher, et inspectent les denrées alimentaires, les lits, les fissureset les recoins des murs de boue. Il s’agit d’une inspection complètevisant à trouver tous les insectes et leurs nids. L’équipe fait la pul-vérisation afin de tuer tous les insectes que l’inspection ne permetpas de déceler.

L’éradication est essentielle à l’efficacité du traitement. Car même sion réussit à éliminer l’insecte dans ce lieu, s’il revient, les gens ayantreçu un traitement contre la maladie peuvent être réinfectés. Le pro-blème, c’est qu’il n’y a pas de traitement efficace contre la maladiede Chagas. L’éradication et le traitement doivent être constants.

« Il n’existe pas de vaccin, explique Francisco Román, coordonnateurrégional dans la municipalité d’Entre Ríos. Les enfants peuvent êtreinfectés de nouveau le soir même à la maison, pendant qu’ils dorment.C’est pourquoi il est capital d’être sur le qui-vive quant à la présencedu vecteur (l’insecte) et d’administrer le traitement approprié. »

« Les enfants ont entre 60 et 80 pour cent de chance de guérir.Mais plus les enfants vieillissent, et plus les effets secondaires desmédicaments augmentent tandis que leur efficacité diminue »,explique le docteur Fernando Parreño, le pédiatre associé au projet.

La Bolivie détient malheureusement le record des infections de lamaladie de Chagas en Amérique latine. La maladie est endémiquedans 60 pour cent du pays. La moitié de la population – environ 3,5 millions de personnes – est à risque. La maladie de Chagas est

« Les enfants ont entre 60 et 80 pour cent de chance de guérir. Mais plus les enfantsvieillissent, et plus les effets secondaires des médicaments augmentent tandis que

leur efficacité diminue. »

DR FERNANDO PARREÑO, PÉDIATRE ASSOCIÉ AU PROJET

C h a g a s

Un membre del’équipe localede MSF pulvériseun insecticideafin d’éliminerles vinchucas,les insectes qui transmettentla maladie de Chagas.

LA LUTTE CONTRE LA MALADIE DE

CHAGAS

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la quatrième maladie en importance et elle est responsable de 13 pour cent des décès au pays.

Dans les pays occidentaux développés, ces chiffres auraient depuisbien longtemps motivé les sociétés pharmaceutiques à trouver unecure, ou du moins un traitement ou un vaccin efficace. Mais lamaladie de Chagas est aussi connue comme une maladie touchantles pauvres et, par conséquent, depuis 30 ans maintenant, il n’existequ’un seul traitement, déjà désuet, pour lequel on ne connaît quecertains des effets secondaires et de la résistance.

Au début, les symptômes ne sont pas très inquiétants. La personnese sent fatiguée et souffre de maux de ventre. Mais la fatigue devientéventuellement tellement grande que la personne ne peut plus allertravailler ou effectuer la moindre petite tâche. Une insuffisancecardiaque est généralement la cause du décès.

Quand MSF est arrivé à Entre Ríos il y a un an, le taux d’infestationde la maladie de Chagas atteignait 19 pour cent. La situation étaitalors tellement critique que le besoin le plus urgent était d’éradiquerl’insecte. « Il était hors de question de commencer le traitement, aaffirmé Román. La fumigation et la réparation de chaque maisondans le cadre du programme gouvernemental ont grandement diminuéle risque d’infection. »

MSF a déjà visité six des communautés les plus populeuses entourantEntre Ríos, et compte traiter 2000 enfants en trois ans et visiter les103 communautés de la région d’O’Connor. Le projet, qui a commencéen septembre 2003, devrait se terminer en septembre 2005.

MSF est actuellement le seul organisme à offrir un traitement auxenfants âgés de moins de 14 ans, le groupe d’âge pour lequel letraitement est le plus efficace.

La procédure de traitement est longue. Tout d’abord, on fait des prises de sang aux enfants et on les analyse. Après avoir reçu lesrésultats du laboratoire, l’équipe de MSF visite les parents des enfantsinfectés – il y en a eu 606 jusqu’à présent dans cette seule commu-nauté – et offre le traitement gratuitement. Si MSF ne payait pas lecoût des médicaments, les familles touchées devraient débourser 50 $US par enfant, un montant prohibitif dans leur situation.

À l’école Buenavista, plusieurs enfants attendent déjà le véhiculede MSF. Le Dr Fernando Parreño serre la main de chaque patient et,

après avoir vérifié le nom sur la liste, lui remet un sachet contenantdes comprimés coupés en quatre. La méthode consiste à prendredeux quarts par jour pendant une semaine complète. Cela signifieque le Dr Parreño doit lui-même couper les comprimés.

« Le traitement est compliqué et, pour couronner le tout, ceux quile suivent sont surtout des enfants et aucune formule adaptée à eux,comme un sirop, n’a été mise au point, se plaint-il. MSF administredu benzinadol (Roche), un médicament qui a commencé à êtreutilisé sur le bétail dans les années 1970. Bien que la maladiede Chagas ait été découverte au début du siècle dernier, nous nesavons presque rien sur elle. »

L’équipe de MSF prend bien soin de ses jeunes patients et est atten-tive à toute réaction indésirable possible. Il y a quelques jours, levéhicule de MSF a fait trois heures de route entre Entre Ríos etTarija pour amener une enfant guaranie, Grecia, à l’hôpital. La peaude Grecia présentait une brûlure chimique, une réaction indésirableau traitement. Le personnel de MSF n’avait jamais vu ça. « Elle vamieux maintenant. Mais c’était la première fois que nous voyionsune réaction comme celle-la; nous devons donc faire très attention »,explique le Dr Parreño.

MSF essaie de conscientiser davantage la communauté à la maladiede Chagas. Elle a fait passer une série de messages publicitaires,ayant la forme de courtes pièces de théâtre pour la radio, afin derenseigner les gens sur la maladie et sur les moyens de la préveniret de la traiter.

Les enfants sont les plus susceptibles d’assimiler l’information.Señor Reinaldo, de la communauté San Simón, dit que les enfantsjouent leur rôle dans l’éradication de la vinchuca.

« Ils attrapent l’insecte, séparent la tête du corps et les jettent auxpoules. » Mais il admet également qu’il ne savait pas que cesinsectes étaient aussi dangereux : « Mon père est mort à cause dela maladie de Chagas, je crois. Il a fait une crise cardiaque. »

— Olga Ruiz

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La Bolivie détient malheureusement le record des infections de la maladie de

Chagas en Amérique latine

MSF est actuellement le seul organisme à offrir un traitement auxenfants âgés de moins de 14 ans, le groupe d’âge pour lequel letraitement est le plus efficace.

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Dépêches Vol. 6, nº 2

ÇASUFFIT! NON À LAVIOLENCE SEXUELLE COMME ARME DE GUERRE

L a v i o l e n c e s e x u e l l e

«Avant hier, je suis allée dans la brousse pour chercher du bois. J’y ai rencontré trois soldats du gouvernement,

ils étaient armés. L’un d’entre eux m’a vu et m’a demandé où j’allais. Je lui ai répondu que j’étais venue

chercher du bois. Il m’a alors dit que pendant le reste de la journée, je serais à lui. J’étais effrayée. Il m’a

forcée à le suivre dans la brousse et m’a déshabillée. Puis il m’a violée. Quand je me suis rhabillée, il m’a

volé 50 dollars libériens que j’avais sur moi. Je suis rentrée au camp et hier, je me suis sentie très mal. Mon

estomac me fait beaucoup souffrir mais je n’ai pas d’argent pour me faire soigner. »

Jeune femme de 27 ans vivant dans un camp de personnes déplacées à Monrovia, Libéria, juin 2003.(La photo représente une autre jeune femme.)

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Le viol, une arme de guerreLes guerres rendent les femmes et les jeunes filles particu-lièrement vulnérables. Femmes, jeunes filles et même parfoisde jeunes enfants sont trop souvent violés, enlevés et contraints à un esclavage sexuel. La détérioration des structureséconomiques et sociales crée un nid propice à la multiplicationde ces violences. Quand elles sont forcées de quitter leur maison, les femmes et les jeunes filles sont séparées de leurfamille et donc exposées à diverses agressions. Elles peuventalors être contraintes de faire commerce de leur corps pours’assurer une protection ou simplement pour avoir un abri ou se nourrir.

Dans ces situations, les viols et violences sexuelles ont non seule-ment tendance à augmenter mais tendent même à devenir systé-matiques : le viol devient une arme de guerre dont les femmes etles jeunes filles sont la cible. L'ennemi choisit de s'en prendre àelles car l'humiliation et le mal qu'il leur inflige les affectent pro-fondément, mais touchent et humilient aussi leur famille et souventtoute la communauté.

Mettre fin à l'impunitéMalheureusement, l'impunité est souvent la règle. Malgré les progrès réalisés dans la reconnaissance du viol et d'autres actes deviolence sexuelle comme crimes de guerre (le Statut de la Courpénale internationale fait désormais spécifiquement référence auviol), les mesures prises au niveau international et national sontpeu claires et restent inadéquates.

Les acteurs locaux, nationaux et internationaux doivent prendretoutes les mesures nécessaires pour aborder la question de l’im-punité et aider à prévenir de tels actes de violence. Les séances desuivi psychologique avec les survivantes ont également mis enlumière l’importance, dans le processus curatif, d’une reconnais-sance du viol comme un crime punissable, même dans une légis-lation internationale.

Des femmes et des jeunes filles marquées à vieLes violences sexuelles ont des conséquences médicales désas-treuses. Le traumatisme physique peut être d'une grande gravité etde nombreuses victimes contractent aussi des maladies transmisessexuellement, dont le VIH/sida.

Un viol provoque chez la victime des traumatismes psychologiqueset des souffrances durables. Chez certaines femmes, le trauma-tisme se manifestera par un sentiment de honte, de la culpabilité etune tendance à l’isolement.

En plus des traumatismes physiques et psychologiques, lesfemmes qui ont été violées sont souvent stigmatisées par leurcommunauté. Certaines sont même parfois rejetées par leur mari.Ces femmes sont alors contraintes de se débrouiller toutes seuleset de vivre dans la pauvreté. Il est donc impératif que le viol nesoit plus stigmatisé pour que ces femmes puissent à nouveau exister et retrouver toute leur place dans la société.

La réponse de MSF La prise en charge de la violence sexuelle est une tâche difficile etles obstacles, y compris culturels, sont nombreux pour soigner etsoutenir les victimes de manière adéquate. Cela est encore plus vraidans des contextes d'urgence ou de semi-urgence où l'accès auxsoins de santé de base est parfois inexistant et l’espace privé pourles soins et le conseil, tout à fait utopique! Malgré tout, nous avonsla responsabilité de soigner les victimes.

MSF s’efforce de fournir des soins complets et de qualité aux vic-times de violence sexuelle de manière confidentielle. Nous soignonsles blessures physiques des victimes, offrons une contraceptiond'urgence et fournissons un traitement pour la prévention des maladies transmises sexuellement. Cela inclus le VIH pour lequelnous administrons des médicaments antirétroviraux qui permettentde prévenir la transmission du virus. Pour être efficaces, cesmédicaments doivent être pris dans les 72 heures après le viol; laprise en charge médicale immédiate est donc vitale.

La violence sexuelle étant bien souvent un sujet tabou, il est égale-ment important de mener des activités éducatives à cette problé-matique et expliquer aux femmes que des traitements médicauxsont disponibles. Dans le cadre de certains projets, MSF organiseégalement des séances de conseils psychosociaux.

Les programmes de MSFMSF apporte des soins médicaux et un soutien aux victimes deviolences sexuelles dans différents pays tels la Républiquedémocratique du Congo, le Burundi, la République du Congo et leLibéria. La prédominance d’États africains ne signifie pas pourautant que les autres pays soient épargnés par ces violences. Celareflète combien il est difficile de venir en aide aux victimes de vio-lences sexuelles dans des pays comme la Tchétchénie, le Pakistanou l'Afghanistan où les tabous et la stigmatisation sont parfoisplus importants et où les femmes risquent d'être répudiées oumême tuées, lorsque leur famille découvre ce qu’elles ont subi.

Des silhouettes de bois placées le long des rues de Brazzaville enRépublique du Congo dans le cadre d’une campagne mise sur piedpar MSF, symbolisent le traumatisme subi par les victimes de viol.

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Je suis arrivé dans la capitale de Port-au-Prince avec une infir-mière en fin février. L’objectif de notre mission était de fournirdes soins de santé de base dans le nord et le nord-est du pays.Nous voulions aussi nous assurer que les hôpitaux puissent faireface à un possible afflux de victimes frappées par la violence.

Sur la route nous menant de l’aéroport au bureau de MSF, les rues vides de gens et de circulation indiquaient un état d’insécurité. Le pays était paralysé et une tension régnait dansla capitale.

Apprenant que la sécurité était stable dans le nord, notre équipea décidé de s’envoler vers la République dominicaine pourrevenir en Haïti par le nord. L’aéroport était fermé mais nousavons obtenu la permission d’utiliser un avion affrété. Nous

avons été les derniers à décoller de l’aéroport avant l’arrivée destroupes internationales, quelques jours plus tard. De SantoDomingo en République dominicaine, nous avons pris un auto-bus jusqu’à la frontière. Nous avons traversé à pied et loué un vieux véhicule. Cinq heures de route cahoteuse plus tard,nous sommes arrivés à Cap-Haïtien, la deuxième plus grandeville d’Haïti.

Nous avons visité autant de régions qu’il nous a été possible decouvrir pour bien cerner la situation. J’ai été agréablement sur-pris de constater que la plupart des infrastructures de santéfonctionnaient, malgré quelques petits problèmes, comme desdifficultés d’approvisionnement en médicaments et une diminu-tion du personnel. La plupart des problèmes étaient dus à lapénurie d’essence. Ce produit était devenu rare et la situation

L e t t r e d u t e r r a i n

Dépêches Vol. 6, nº 2

Les nouvelles télévisées nous ont livré un sombreportrait de la situation en Haïti. Deux cent ans aprèss’être libérée du joug de ses maîtres coloniaux, Haïti

a plongé une fois de plus dans le chaos. En début février, un groupe armé apris Gonaïves, la quatrième plus grande ville d’Haïti. Un effet domino a étéamorcé, provoquant, moins d’un mois plus tard, l’exil du président.

HAÏTI

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influait sur le prix du transport, empêchant les gens de sedéplacer pour consulter.

Heureusement, avec le départ du président et l’arrivée destroupes internationales, les routes ont été réouvertes et la situa-tion s’est rapidement améliorée. MSF a mis en place desmesures logistiques pour régler les problèmes d’approvision-nement en médicaments et en d’autres nécessités, comme lepropane, l’oxygène et l’essence, mais comme telle, notre inter-vention s’est avérée limitée.

Mes expériences passées dans les pays en développementm’avaient démontré que les systèmes de santé peuvent parfois

être vraiment inefficaces en l’absence d’une infrastructure.Dans des situations d’urgence passées, j’avais vu des systèmesde santé complètement paralysés à cause du pillage intensifperpétré par des groupes armés. J’avais vu aussi du personnelmédical prendre la fuite en raison de l’insécurité qui régnait.Ces scénarios ne s’appliquaient pas dans le cas d’Haïti. Les dif-ficultés d’approvisionnement étaient minimes, la plupart du per-sonnel médical était encore au poste et l’infrastructure de santépublique fonctionnait.

Nous avons rencontré du personnel très compétent dans la plu-part des établissements de santé. Nombre de dispensairesruraux bénéficient d’un programme de coopération avec le gou-vernement de Cuba. De plus, Haïti est un pays géographique-ment petit, qui comporte de nombreux hôpitaux, centres desanté et dispensaires. La population ne semble donc pas avoirdes difficultés d’accès aux soins de base. Alors que les rapportsofficiels que nous avions lu affirmaient que 50 pour cent desHaïtiens n’avaient pas accès à des soins de base, nous avonsparcouru diverses régions dans les deux départements et nul nenous a dit qu’il était impossible d’obtenir des soins.

J’ai parlé avec une femme, Gabrielle, âgée de 54 ans, qui vivaitavec quatre enfants et son conjoint handicapé. Le seul revenuque la famille touchait provenait d’un petit kiosque. Lorsque jeme suis informé de son état de santé, elle m’a dit qu’elle avait

été malade récemment. Elle avait d’abord pris une potion locale,une sorte de tisane. Son état ne s’améliorant pas, elle a consultéun guérisseur. Lorsque cette dernière solution s’est avérée inef-ficace, elle s’est rendue à l’hôpital. Les frais de consultation etde médicaments s’élevaient à 23 $US, une somme importantepour une famille qui n’a presque aucun revenu. « Commentavez-vous pu payer? » lui ai-je demandé. Elle m’a répondu : « Des amis et la famille ». C’est là une situation courante. Lafamille immédiate, la communauté et la diaspora aident souventles gens lorsqu’ils sont dans le besoin.

Je ne dis pas que le système est parfait. Le personnel de santépublique est mal rémunéré, ce qui entraîne souvent un manque

de motivation. Presque tous les médecins publics comblent lemanque à gagner en ayant leur propre clinique privée. Le sys-tème de santé ici est fondé sur le rétablissement des coûts. Parailleurs, il existe un système d’exonération pour les pauvres. Lesmesures sont appliquées en fonction de chaque cas ethabituellement selon la discrétion des administrateurs. Le pour-centage de personnes qui reçoivent des soins de santé gratuitsou partiellement gratuits varie de 10 à 20 pour cent. Nombre depersonnes qui n’ont pas les moyens de payer pour des soins desanté attendent jusqu’à ce qu’il y ait des complications, ce quiaugmente le coût éventuel d’un traitement.

L’introduction d’un programme contre le VIH/sida constitue unbesoin criant que nous avons identifié au sein de la population.Ces programmes sont rares au pays. Au moment même où j’écrisces lignes, deux nouveaux membres ce sont joints à notre équipeafin d’analyser davantage les possibilités.

— Sylvain Groulx

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Sylvain Groulx, originaire de Montréal, est logisticien.

Il a travaillé en tant que volontaire avec MSF en Haïti

durant sept semaines plutôt cette année. C’était sa

5e mission avec MSF.

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Humera, le 14 février 2004

La semaine a commencé par une marche dans la ville pourannoncer l'arrivée des antirétroviraux (ARV). Partout, des ballons,des enfants. Un haut-parleur diffusait de l’information sur lestests de dépistage, le suivi du VIH et le traitement antirétroviral.Toute une histoire, ici, à Humera! C'est aussi un événement danstoute l’Éthiopie, car il s’agit de l’unique programme qui permetaux personnes démunies d’avoir accès aux antirétroviraux.

Toutefois, ce sont les patients que nous voyons qui représententle véritable défi. Ils arrivent ici avec une sérologie (la preuve dela maladie) qui, en Occident, les classerait dans la catégorie despersonnes décédées. Les malades sont émaciés, couverts demouches, de véritables squelettes vivants. La tuberculose, lekala-azar, la malaria, la pauvreté, la famine, le fait d'être sans-abri, les préjugés, des températures atteignant 45 degrés et

le VIH les assaillent. Comment un être humain peut-il endurerde telles épreuves? Pourtant je suis venu ici pour parler d'unavenir meilleur, de responsabilités, et je suis bien résolu àchanger cette image.

Comment nous y prenons-nous? Tout d’abord nous leur donnonsune raison de faire le test. En effectuant un test de dépistageanonyme dans un centre où ils peuvent recevoir des conseils, ilsont déjà franchi la première étape du programme. Cettedémarche permet déjà aux femmes d’accoucher de bébés sainset non contaminés si celles-ci sont séropositives.

Notre programme de suivi du VIH a pour objectif de conseillerles malades sur les mesures qu’ils peuvent prendre afind’endiguer la progression de la maladie et de leur offrir lesanalyses de laboratoire nécessaires à l’accès aux traitementspréventifs de même qu’aux traitements thérapeutiques.

Dépêches Vol. 6, nº 2

É t h i o p i e

UN PEU D’ESPOIREN ÉTHIOPIE :UN NOUVEAU PROGRAMME ARV

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Les patients qui répondent aux critères de sélection peuvent alorsparticiper à notre programme de traitement antirétroviral. Cespetites pilules, à prendre deux fois par jour, peuvent réduire lacharge virale des malades et permettre à leur système immunitairede récupérer afin que ceux-ci puissent reprendre du poids, retrou-ver leur énergie et envisager un avenir. La réduction de leur chargevirale diminue également leur état contagieux ainsi que leur propen-sion à la maladie.

L’alimentation des malades est un autre élément fondamental.L’aspect nutritionnel est un point encore faible dans notre pro-gramme mais qui est rapidement corrigé afin de permettre auxpatients d’obtenir le meilleur de cette initiative. Même avec tous lessoins médicaux, une mauvaise alimentation immobilise le proces-sus de guérison. MSF est conscient de ce faible maillon et concen-tre ses efforts pour y remédier.

Un autre élément est l'attitude des patients. Comment expliqueraux malades d’avoir une attitude positive alors qu’ils ne sont que desimples ouvriers immigrants sans aucune famille ou foyer? Pour cespersonnes, mourir est leur destin, car tel est le destin des pauvres.Ils se sont réfugiés dans différents pays selon les troubles dumoment. Pour quelque temps, ils sont en Érythrée, puis au Soudan,et maintenant ici, en Éthiopie. Ils portent les cicatrices de cesmigrations dans une région encline aux sécheresses, aux maladieset à la misère.

Nous commençons par construire des abris. Puis nous essayons derépondre aux besoins les plus élémentaires comme l'accès à l’eau,les latrines et la cuisine. Ces abris ne ressemblent en rien à nosmaisons, mais c'est un endroit sûr qui leur permet d’avoir une cer-taine stabilité et de s’installer de façon plus permanente. Nousavons également un programme de rapatriement pour ceux qui veu-lent rentrer chez eux. Les malades qui optent pour le programmede rapatriement ne peuvent participer au programme des antirétro-viraux, étant donné qu’ils doivent être à Humera pour se procurerles médicaments.

Leurs besoins de base satisfaits, les malades peuvent com-mencer à s'organiser grâce à deux groupes de soutien. Cesgroupes peuvent changer le sort des patients et leur permettred’envisager une vie nouvelle en dépit de la maladie, la même qui,autrefois, les décimait.

Mon rôle est de leur prouver que la mort n’est pas inéluctable àmoins de croire le contraire. En dépit de ce contexte, je crois que jepeux les y convaincre, moi et l’imposante équipe de chauffeurs, decuisiniers, de personnel médical, de conseillers, de techniciens delaboratoire, de pharmaciens, d’éducateurs en matière de santé et dedirigeants communautaires, qui consacrent leur temps, leur énergieet leur vision à ce projet.

Rien que ce mois-ci, nous avons effectué des tests de dépistage sur11 personnes. Huit ont été testés entre mercredi et vendredi de

cette semaine. Qu'est-il arrivé? Mercredi, nous avons donné uneprésentation sur la santé, ce qui a permis aux personnes de prendreconscience de la situation, d’être informées et de faire confianceaux tests de dépistage.

Pour les personnes qui ont effectué le test et qui ont déjà des symp-tômes, recourir à nos services est plutôt facile. Pour celles dont letest, effectué dans le cadre des préparatifs de leur mariage, s’avèrepositif, mais sont asymptomatiques, elles ont plus de mal àaccepter la nouvelle, car elles associent le VIH avec le sida. L’un neva pas sans l’autre. C’est là où ma participation est importante. Jeleur montre la face asymptomatique de la maladie en effectuant destests devant eux afin de leur montrer le visage du VIH.

Il reste encore beaucoup à faire pour lutter contre les préjugés, etnous avons formé une équipe d'éducateurs en matière de santé quidoit être déployée lundi. Une autre équipe de conseillers en VIH serendra sur les lieux à la mi-février. Tous ces efforts contribuent àcréer une communauté plus informée et plus saine. Ces travaux per-mettent également d’accepter la maladie et d’aider ces personnes àretourner à la vie active comme membres productifs. Ils peuvent yarriver et ils y arriveront s'ils collaborent.

Tout ce que nous leur demandons, c’est de prendre leurs médica-ments conformément aux prescriptions, de faire un effort pourmanger des aliments sains et cuits, de consommer des protéines etboire de l’eau potable et, de garder une attitude positive. Lorsquevous voyez dans l’état où ils arrivent, il n'est pas difficile de croireen des jours meilleurs.

— Carlos Cordero conseiller en adhésion au traitement

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Dépêches Vol. 6, nº 2

L a m a l a r i a

UN MÉDICAMENT OFFRANTD’EXCELLENTS RÉSULTATS :L’INTRODUCTION DE LA TCADANS LA LUTTE CONTRE LA MALARIA EN AFRIQUE

Au Nigéria, MSF offredes tests de dépistageet des traitements auxenfants de moins decinq ans et aux femmesenceintes dans le cadred’un programme contrela malaria.

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La malaria, ou paludisme, tue plus d’un million de personnes chaqueannée, la majorité en Afrique, la majorité ayant moins de cinq ans. Lamalaria est la première cause de décès chez les enfants africains. Lesfaits sont accablants. Des années 1955 à 1969, sous Le programmemondial de l’éradication du paludisme lancé par l’Organisation mon-diale de la santé (OMS), les taux de mortalité liés à cette maladie ontchuté de façon significative. Toutefois, la tendance a par la suitechangé en Afrique subsaharienne. De 1970 à 1997, le taux de mor-talité a grimpé de plus de 50 pour cent. Le nombre et la gravité desépidémies ont énormément augmenté. Les médicaments d’usage sontmaintenant moins efficaces dans de nombreux cas puisque le para-site a développé une résistance.

Cependant, un traitement beaucoup plus efficace est disponibledepuis quelques années. Des dérivés de l’artémisinine, un extrait deplante d’abord utilisé en Chine il y a plus de 2000 ans, combinés àcertains autres médicaments, donnent d’excellents résultats dans laplupart des cas de lutte contre P. falciparum, la plus répandue et laplus mortelle des souches de malaria. Le problème qui se pose main-tenant est l’opposition des gouvernements. Ceux-ci refusent d’ajusterles protocoles de traitement nationaux de sorte à adopter la thérapiecombinée à base d’artémisinine, ou TCA, comme traitement de pre-mière intention. Selon MSF, de nombreuses vies seront épargnées sice traitement est adopté.

Dans le cadre de son travail auprès de patients atteints de malaria,MSF a constaté les résultats extraordinaires de la TCA dans les cli-niques, les hôpitaux et les camps de réfugiés partout dans le monde.La TCA agit rapidement, comporte peu d’effets secondaires, soulageles symptômes cliniques et réduit le taux de parasites plus rapide-ment que ne le fait tout autre médicament. Cela signifie égalementque le parasite est moins exposé à des doses préventives du médica-ment (présentes dans le corps mais qui ne combattent pas activementla maladie) et a peu de possibilités de développer une résistance. En fait, aucun cas de résistance n’a été documenté. Par contre, la résistance à la chloroquine, l’un des principaux médicamentsantipaludéens de première intention actuellement utilisé en Afrique,a atteint un taux de 80 pour cent à certains endroits.

Un autre médicament fréquemment utilisé, la sulfadoxine-pyriméthamine (SP), dont le nom commercial est Fansidar, n’est pasefficace dans le tiers des cas, dans nombre de régions du continent.L’OMS recommande l’adoption d’un traitement plus efficace lorsquela résistance atteint les 15 pour cent ou plus, et plus spécifiquement,l’adoption de polythérapies, de préférence celles qui utilisent desdérivés d’artémisinine, pour traiter la malaria à P. falciparum, enréponse à une résistance croissante.

Pourquoi donc les gouvernements ne s’empressent-ils pas de changerleurs protocoles de traitement antipaludéen? À part les raisons poli-tiques, la réponse est simple : la TCA coûte trop cher. La chloroquinene coûte que quelques cents par patient, et les autres thérapies combinées sans dérivés d’artémisinine, comme l’amodiaquine avec la SP, coûte à peine un peu plus, soit 0,25 $US. Les TCA sont beau-coup plus coûteuses, allant de 1,30 $US (pour l’amodiaquine et

l’artésunate) à plus de 2 $US (pour le médicament de marqueCoartem, qui combine l’artéméther et la luméfantrine). À long terme,l’adoption de la TCA est une voie sensée, même en termes purementéconomiques, mais le prix est intimidant et même prohibitif pour denombreux gouvernements africains à court d’argent.

Au Burundi, le gouvernement, jusqu’à dernièrement, a rejeté lesappels l’enjoignant d’introduire la TCA malgré les taux cata-strophiques de malaria et une résistance extrêmement élevée auxmédicaments de première et de seconde intention (SP et chloro-quine). En 2001, MSF a réalisé, conjointement avec le ministère dela Santé, une série d’études sur la résistance et a relevé, dans troisprovinces, une résistance à la chloroquine allant de 64 à 93 pourcent, ainsi qu’une résistance à la SP de 33 à 67 pour cent. Une étudesubséquente a démontré qu’il n’y avait aucune résistance à la TCA.MSF, qui ne pouvait plus justifier le respect des protocoles nationaux,

DONNÉES SUR LA MALARIA• La malaria frappe 300 à 500 millions de personnes

chaque année, dont plus de 90 pour cent en

Afrique subsaharienne.

• Cette maladie sévit dans plus de 100 pays et menace

40 pour cent de la population mondiale.

• La malaria est transmis par le moustique anophèle et

causé par le parasite Plasmodium. Des quatre espèces

de Plasmodium, le falciparum est responsable de la

majorité des infections et le plus mortel.

• Le parasite cause une fièvre, des maux de tête et des

douleurs articulaires. Une infection au falciparum non

traitée peut dégénérer en une malaria grave, suivi d’un

coma et éventuellement d’un décès.

• La malaria frappe les communautés pauvres et rurales

plus que toute autre maladie.

• Dans certaines régions, la malaria a pris des pro-

portions épidémiques. Cette situation est causée

par les conflits armés, les déplacements massifs

de populations, les crises économiques et les

changements climatiques.

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Dépêches Vol. 6, nº 2

a commencé à utiliser, illégalement mais ouvertement, la TCA.Faisant face à des données probantes et encouragé par despromesses de dons de la part de donateurs importants, le gou-vernement a finalement annoncé qu’il introduirait la TCA commetraitement de première intention au plus tard en juillet 2003. À lafin de 2003, MSF, avait œuvré à l’introduction de la TCA dans tousles établissements de santé du pays.

Malheureusement, des 41 autres pays africains où la malaria estendémique, seulement cinq ont modifié leur protocole. Plusieursse sont engagés à le faire, mais étant donné les enjeux, le change-ment est trop lent. En Éthiopie, où une épidémie a récemmentfrappé 10 à 15 millions de personnes, le gouvernement, épousantla logique actuelle de donateurs importants comme UNICEF, traînedes pieds pendant que des millions de personnes reçoivent desmédicaments moins efficaces. MSF est témoin des conséquences– des enfants malades et mourants – et exerce des pressions enfaveur de l’adoption de la TCA. Malgré cela, le gouvernementéthiopien n’a pas permis à MSF d’utiliser la TCA pour combattre larécente épidémie – même si les taux de mortalité ont grimpé bienau-delà de l’état d’urgence – et n’est nullement intéressé à changerson protocole national.

La malaria tue quotidiennement 3000 personnes. Nombre d’ellespourraient vivre si elles avaient accès à la TCA. Les gouvernementsnationaux et les partenaires financiers doivent s’engager à faire de laTCA le traitement antipaludéen de première intention. Il n’existeaucune autre option humanitaire. Chaque jour, des gens souffrent etmeurent à cause de ces protocoles désuets qui prescrivent desmédicaments de moindre efficacité.

— Joseph Leberer

DONNÉES SUR LA MALARIA• Au Burundi, au cours d’une année normale (sans épidémie),

près d’un tiers de la population est atteinte de malaria.

• Entre 1997 et 2002, de graves flambées de malaria ontéclaté dans 358 régions de l’Afrique.

• Des résultats préliminaires d’une étude sur la résistancemenée en Éthiopie affichent un taux de résistance à la SPde 40 à 70 pour cent, et un taux d’efficacité de 100 pourcent pour ce qui est du médicament combiné Coartem.

• Selon MSF, si la demande augmente de façon importante,le prix du médicament combiné amodiaquine et artésunatepourrait chuter à 0,60 $US d’ici la fin de 2004.

• Selon l’OMS, la malaria coûte à l’Afrique la sommeestimée de 12 milliards de dollars US par année. Lecoût économique qu’entraîne cette maladie est énormeen termes de perte de revenus et de fardeau financierimposé aux services de santé.

• Selon une estimation de MSF, l’introduction de la TCA auBurundi, au Kenya, au Rwanda, en Tanzanie et en Ougandacombinés coûterait seulement 19,1 millions de dollars USde plus qu’il en coûte actuellement.

Page 13: Dépêches (Été 2004)

Page 13

Arjan Erkel a été libéré. Il est maintenant en sécurité chez lui, auxPays-Bas, auprès de sa famille. Le volontaire et chef de mission deMSF au Daguestan a été pris en otage le 12 août 2002 et estdemeuré séquestré pendant 607 jours.

Le 11 avril à Moscou, Arjan a retrouvé son père, Dick Erkel. Cedernier avait pris place à bord d’un avion militaire néerlandais,envoyé en mission spéciale pour ramener Arjan. Père et fils furentréunis et se sont ensuite envolés pour les Pays-Bas.

MSF a été informé de la libération d’Arjan lorsque ses représentantsont reçu un appel à 3 h 00 heure locale, le dimanche 11 avril, d’ungroupe nommé les Vétérans des renseignements extérieurs (VFA). Lafamille Erkel a été immédiatement informée.

Bien que la libération d’Arjan soit un immense soulagement pourl’organisation, MSF a souligné l’ampleur des conséquences quecette détention prolongée a provoqué sur la capacité de dispenserune aide aux civils victimes de la guerre dans la région.

« MSF est extrêmement heureux de voir Arjan de retour parmi lessiens », a déclaré le Dr Rowan Gillies, président du Conseil inter-national de MSF, « mais nous devons nous rappeler qu’un prixénorme a été payé, non seulement par Arjan mais aussi par d’in-nombrables personnes. L’enlèvement d’Arjan a mené à une diminu-tion importante des programmes d’aide aux personnes déplacées ettouchées par la guerre, partout dans la région. Il a renforcé le cli-mat d’intimidation à l’endroit des intervenants humanitaires, quiexiste dans cette zone depuis des années. »

Le fait qu’Erkel ait été gardé en détention prolongée pendant 20 moiset que MSF ait dû embaucher une entreprise de sécurité privée russe

pour gérer le processus de libération révèle que le gouvernement dela Fédération russe, ses alliés et ses partenaires acceptent le climatde violence dans la région.

Des actes de violence et des menaces à l’endroit des organisationshumanitaires constituent un phénomène qui perdure dans la régiondepuis plus d’une décennie. Depuis 1995, plus de 50 travailleursd’aide humanitaire internationale ont été séquestrés. Aujourd’hui, laviolence continue et la prestation d’aide humanitaire demeure difficile.

« Cette situation ne peut plus durer. Le pays hôte a la responsabilitéde corriger la situation dès maintenant », a affirmé le Dr Gillies.

Le Dr Gillies a exprimé l’appréciation de MSF face à la mobilisationqui a eu lieu concernant le cas d’Arjan.

« MSF remercie de tout cœur tous ceux qui ont démontré leursolidarité envers Arjan, des centaines de milliers de gens enRussie, au Daguestan et partout dans le monde qui ont signénotre pétition, aux nombreux représentants des organisationsnationales et internationales et aux représentants gouvernementauxqui ont manifesté leur appui. »

Durant la durée de la captivité d’Arjan, soit près de 20 mois, lesCanadiennes et les Canadiens se sont joints au monde entier pourmanifester leur appui aux efforts déployés pour assurer sa libéra-tion. En 2003, plus de 450 000 personnes de tous les coins duglobe ont signé une pétition exigeant sa libération immédiate. Lejournal Globe and Mail a fourni gratuitement de l’espace publici-taire pour la publication d’avis enjoignant la population de signer lapétition, qu’ont appuyée des auteurs comme Margaret Atwood,Michael Ondaatje, Karen Connelly et Ronald Wright.

M i s e à j o u r

ARJAN ERKEL EST LIBÉRÉ APRÈS 607 JOURS DE CAPTIVITÉSA SÉQUESTRATION MET EN ÉVIDENCE DES PROBLÈMES RÉGIONAUX

Arjan Erkel, au centre, s’adresseaux médias à Moscou peu après

sa libération.

Page 14: Dépêches (Été 2004)

Dépêches Vol. 6, nº 2

C-9, le projet de loi très vanté ayant pour but à l’originede favoriser l’accès aux médicaments pour les pays endéveloppement, établit un dangereux précédent.Concrètement, le projet de loi ne permettra pasd’améliorer la situation des gens dans les pays endéveloppement qui ont désespérément besoin d’obtenirdes médicaments à prix abordables. En introduisant unprojet de loi inadéquat à la Chambre des communes enmai 2004, le gouvernement canadien a renoncé à sesengagements internationaux.

Le projet de loi contient plusieurs failles critiques quirendront difficile la production de médicamentsgénériques et leur exportation vers les pays endéveloppement, voire impossible dans certains cas.Notamment, l’inclusion d’une liste de médicaments,qui n’inclut même pas les médicaments combinés àdoses fixes de première intention pour combattre le sida, et d’uneclause qui pourrait empêcher les ONG d’importer des médicamentsdans ces régions, figurent parmi ces failles.

Le projet de loi C-9 est au centre de la controverse depuis septembre2003, date à laquelle le gouvernement canadien a annoncé l’introduction d’une loi permettant de mettre en œuvre la décisionprise par l’organisation mondiale du commerce (OMC) le 30 août2003. La décision avait pour but de régler les problèmes soulevés

par les ADPIC concernant l’exportation de médicaments génériquesproduits sous licences obligatoires vers les pays pauvres dépourvusd’une capacité de les produire sur leur territoire. Le Canada est le premier pays du G8 à tenter de mettre en œuvre cette décisionen présentant un projet de loi national. Toutefois, le résultat finalde cette démarche n’est rien de plus qu’un exemple illustrant

la volonté ultime du gouvernement canadien de protéger les droitsdes détenteurs de brevets plutôt que ceux des patients.

« Après des années de négociations ardues au sein de l’OMC, lespays en développement avaient reçu pour message qu’ils avaientremporté une victoire quand tous les pays membres de l’OMC ontentériné la décision le 30 août », a déclaré David Morley, directeurgénéral de MSF. « L’engagement du Canada concernant la mise enœuvre de cette décision aurait dû être directe. Au lieu de cela,après huit mois de négociations intenses, nous avons en fin decompte rien de plus qu’un projet de loi qui offre aux pauvres unesolution superficielle. »

Les maladies transmissibles tuent plus de 14 millions de person-nes chaque année. Une personne sur trois dans le monde n’a pasaccès aux médicaments essentiels et plus de la moitié d’entre ellesvivent en Afrique et en Asie.

MSF continue d’exhorter le gouvernement canadien de respecterl’engagement qu’il a pris à Doha, celui de protéger la santépublique plutôt que les intérêts commerciaux.

MSF s’engage à tester la viabilité de la nouvelle loi canadienne entoute bonne foi mais demeure profondément inquiet quant à sacapacité d’améliorer l’accès à tous les médicaments requis dansles pays en développement et quant au dangereux précédentqu’elle établit à l’échelle internationale.

PROJET DE LOI C-9 :LE CANADA NE RESPECTE PASSES ENGAGEMENTS FACE À LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE

« Après des années de négociations ardues ausein de l’OMC, les pays en développement avaient

reçu pour message qu’ils avaient remporté unevictoire quand tous les pays membres de l’OMC ont

entériné la décision le 30 août. »

DAVID MORLEY, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE MSF

— Isabelle Jeanson

M S F a u C a n a d a

Page 15: Dépêches (Été 2004)

AfghanistanRonald HenbestSuaad Mohammad

Afrique du SudPeter Saranchuk

AngolaMaryse Bonnel

ArménieMarise Denault Sonya Jacques

BangladeshViolet Baron

BurundiRachelle BrièreIvan GaytonTara NevilleJason PeatDominique ProteauClaude Trépanier

Côte d’IvoireAdèle Leblanc Shelina MusajiBrigitte RobichaudVanessa Van Schoor

ÉthiopieIsabelle AubryAlexandra ConseilCara KosackJoseph LebererRik Nagelkerke

GéorgieRobert Parker

GuinéeAlnaaze Nathoo Michel Paradis

HaïtiCathy Huser

IndeKevin Coppock

KenyaChristina Cepuch Françoise GoutierDenis Guzzi

LibériaJosée Pepin

MauritanieJacinthe Pressé

MozambiqueDolores Ladouceur

MyanmarMarilyn Abraham Stephanie Faubert

NigériaNicole Fulton Nayana Somaiah

OugandaLynne Chobotar

PakistanRonald Henbest

République démocratique duCongoBerthier Bourque Heather CulbertJulie DoldersumVincent EchavéJean-Francois HarveyVéronique MogéLynda MooreRichard PoitrasKatiana RivetteHeather Thomson

République duCongoFrédéric Beaudoin Lindsay BrysonMario CussonMike FarkJudy McConneryFrançois Riffaud

RussieNicole Aubé

Steve CornishGabriele Pahl

Sierra LeoneCatherine Wright

SomalieSylvain Deslippes Mario FortinSheila Stam

SoudanIsabel Batten Lia CopelandNancy DaleSteve DennisClaudine MaariDavid MichalskiTiffany MooreLeslie Shanks

Sri LankaAdam Childs Doug Kittle

TchadHélène Genest Clea KahnChristine NadoriPatrick RobitailleJean SanderSophie Villemaire

Territoires palestiniensJohana Amar

TurkménistanChristine Hwang

ZambieTim Christie Paige Davies

ZimbabweChentale de Montigny

LES CANADIENNES ET CANADIENS EN MISSION

DépêchesMédecins Sans Frontières

720, av. Spadina, bureau 402Toronto, Ontario M5S 2T9

Tél. : (416) 964.0619Téléc. : (416) 963.8707

Numéro de téléphone sans frais :1.800.982.7903

Courriel : [email protected] Site Web : www.msf.ca

Rédactrices :linda o. nagy

Dominique Desrochers

Directeur de la rédaction :Tommi Laulajainen

Collaborateurs : Carlos Cordero, Sylvain Groulx, Isabelle

Jeanson, Joseph Leberer, Olga Ruiz

Tirage : 65 000Graphisme : Company B Communications

Impression : Warren's Imaging and Dryography

Été 2004

ISSN 1484-9410

Crédit photos :Remco Bohle, Alixandra Fento,Alain Fredaigue, Erwin van der

Landt, Isabel Leal, Simon Lourie, Olga Ruiz,

Sven Torfinn, Linda Van Weyenberg

Missions de MSF

Les médecins volontaires qui risquent leur vie pour opérer les gens,mettre sur pied ou rétablir des hôpitaux et des cliniques, gérer desprogrammes de nutrition et de santé et former du personnel médicallocal, voilà ceux qui sont aux premières lignes de Médecins SansFrontières. Ce livre suit ces médecins volontaires au cours d’activitésqui les amènent à risquer leur santé et leur vie pour traiter despatients désespérément dans le besoin.

Combinant des écrits touchants à des photos couleur dramatiquesde partout dans le monde, Hope in Hell examine la vie des profes-sionnels médicaux oeuvrant avec MSF.

Les sujets suivants figurent parmi les thèmes traités :• les opérations chirurgicales d’urgence réalisées dans des

régions ravagées par la guerre en Afrique et en Asie;• la prestation de soins auprès des personnes sans abri en Europe;• la compréhension des coutumes culturelles et des différences

sociétales qui influent sur les soins de santé;• les témoignages et le signalement d’atrocités génocidaires.

De plus, le livre explore les événementsmondiaux les plus récents et présentela réaction de MSF face à ceux-ci. Ilparle notamment des défis liés à laprestation d’aide pendant le massacreau Rwanda et de la décision controver-sée de critiquer les É.-U. pour avoirlivré de l’aide humanitaire aux citoyensafghans tout en faisant la guerre.

Le livre traite également de la fondationtumultueuse de MSF en 1971 en tantque première organisation non gouvernementale vouée à laprestation d’une assistance médicale d’urgence ainsi qu’à desactivités de témoignage dénonçant publiquement les souffrancesdes populations qu’elle dessert.

Le livre Hope in Hell est écrit par Dan Bortolotti et publié parFirefly Books. Il sera disponible à l’automne 2004.

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LE LIVRE : HOPE IN HELL

L e c t u r e s u g g é r é e

Page 16: Dépêches (Été 2004)

www.msf.ca342, rue Sherbrooke Est, bureau 2

Montréal QC H2X 1E6

Quelques mots dans votretestament suffisent…

Constituer un patrimoine durable afin d’apporter des soins assurant la survie aux populations en détresse à travers le monde.

Photo © Gilles Saussier

Pour des renseignements sur la façon de faire un legs testamentaireà MSF, veuillez utiliser l’enveloppe ci-jointe ou communiquer avec :

Nancy ForgraveResponsable des dons planifiés(416) 642-3466 / 1 800 [email protected]

Numéro d’enregistrement d’organisme de bienfaisance : 13527 5857 RR0001