16
L orsqu’on m’a appris par téléphone que ma première mission pour MSF se déroulerait en Ouganda, j’ai dû faire plusieurs recherches avant de trouver quelque information sur ce pays et les difficultés qui m’attendaient. En effet, le conflit qui sévit dans la région septentrionale de ce pays est l’une des dix crises humanitaires les plus négligées de la planète. Même si aux yeux de la communauté interna- tionale, l’Ouganda jouit d’une stabilité relative depuis l’accession au pouvoir, en 1986, du prési- dent Yoweri Kaguta Museveni, la réalité est tout autre dans le nord du pays ravagé par la guerre. Les habitants de cette région subissent depuis 18 ans les répercussions d’un conflit brutal. Depuis 1986, la Lord’s Resistance Army (LRA - l’Armée de résistance du Seigneur) terrorise la région dans l’intention avouée de destituer le président ougandais. Le chef de la LRA, Joseph Kony, a circonscrit sa campagne armée au nord du pays, attaquant les civils qu’il dit vouloir « libérer » du joug de Museveni. Les enfants sont particulièrement vulnérables aux attaques des rebelles; jusqu’à maintenant, la LRA a enlevé des dizaines de milliers d’enfants NORD DE L’OUGANDA Combattre la maladie et l’insécurité dans le DANS LES CAMPS AU NORD DE L’OUGANDA, MSF OFFRE DES SOINS DE SANTÉ PRIMAIRES, DE L’EAU POTABLE, DES INSTALLATIONS SANITAIRES, ET DES TRAITEMENTS NUTRITIONNELS THÉRAPEUTIQUES AUX ENFANTS GRAVEMENT MALNUTRIS. (suite à la page 2) Dépêches BULLETIN MSF CANADA Vol.7, n o 2 DANS CE NUMÉRO 1 6 8 9 10 13 14 15 Nord de l’Ouganda : combattre la maladie et l’insécurité Les enfants de la Somalie Le pouvoir de la parole en Zambie Le rêve de l’accès aux médicaments pour tous La maladie de Chagas Un nouveau médicament simplifie le traitement de la malaria Au revoir et merci! Personne ne peut arrêter la pluie Lauréat du prix Nobel de la paix 1999

Dépêches (Été 2005)

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Dépêches est le bulletin de Médecins Sans Frontières (MSF) Canada.

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Page 1: Dépêches (Été 2005)

Lorsqu’on m’a appris par téléphone que mapremière mission pour MSF se déroulerait en

Ouganda, j’ai dû faire plusieurs recherches avantde trouver quelque information sur ce pays et lesdifficultés qui m’attendaient. En effet, le conflitqui sévit dans la région septentrionale de ce paysest l’une des dix crises humanitaires les plusnégligées de la planète.

Même si aux yeux de la communauté interna-tionale, l’Ouganda jouit d’une stabilité relativedepuis l’accession au pouvoir, en 1986, du prési-dent Yoweri Kaguta Museveni, la réalité est toutautre dans le nord du pays ravagé par la guerre.

Les habitants de cette région subissent depuis18 ans les répercussions d’un conflit brutal.

Depuis 1986, la Lord’s Resistance Army (LRA -l’Armée de résistance du Seigneur) terrorise larégion dans l’intention avouée de destituer leprésident ougandais. Le chef de la LRA, JosephKony, a circonscrit sa campagne armée au norddu pays, attaquant les civils qu’il dit vouloir « libérer » du joug de Museveni.

Les enfants sont particulièrement vulnérablesaux attaques des rebelles; jusqu’à maintenant, laLRA a enlevé des dizaines de milliers d’enfants

NORD DE L’OUGANDACombattre la maladie et l’insécurité dans le

DANS LES CAMPS AU NORD DE

L’OUGANDA, MSF OFFRE DES SOINS DE

SANTÉ PRIMAIRES, DE L’EAU POTABLE,

DES INSTALLATIONS SANITAIRES, ET

DES TRAITEMENTS NUTRITIONNELS

THÉRAPEUTIQUES AUX ENFANTS

GRAVEMENT MALNUTRIS.

(suite à la page 2)

DépêchesB U L L E T I N M S F C A N A D A

Vol.7, no2

DANS CE NUMÉRO

1

6

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9

10

13

14

15

Nord de l’Ouganda :

combattre la maladie et

l’insécurité

Les enfants de la

Somalie

Le pouvoir de la parole

en Zambie

Le rêve de l’accès aux

médicaments pour tous

La maladie de Chagas

Un nouveau médicament

simplifie le traitement

de la malaria

Au revoir et merci!

Personne ne peut

arrêter la pluie

Lauréat du prix Nobel de la paix 1999

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pour les enrôler de force et les soumettre àl’esclavage sexuel.

Plus de 1,6 million d’habitants ont été déplacésdurant ce conflit, soit 80 % de la population dela région. Les conditions sont déplorables dansles camps pour personnes déplacées. Ces campsdits « protégés » avaient officiellement étécréés en 1996, sur une base temporaire, pourleur offrir un refuge sûr en attendant que l’arméeougandaise (UPDF) mettent les rebelles enéchec.

Les civils ougandais ont été forcés de laisser der-rière eux leurs maisons, leurs terres et leurs viespour se réfugier dans des villages surpeuplés qui nesont pas très sûrs, où les conditions de vie sontpitoyables et l’accès aux soins médicaux insuf-fisant. Une soi-disant mesure temporaire, en placedepuis maintenant neuf ans. L’accès à l’eaupotable est inadéquat et l’insalubrité contribue à lapropagation des maladies.

Comme il est dangereux pour eux de s’aventurerjusqu’à leurs terres pour les cultiver, les habi-tants des camps dépendent de l’aide accordéepar le Programme alimentaire mondial pour senourrir. Ceux qui tentent malgré tout de le faire

s’exposent aux attaques de la LRA ou au risqued’être considérés par l’UPDF comme des parti-sans du mouvement rebelle.

Même si les organismes humanitaires ont fait dunord de l’Ouganda une priorité, l’aide demeure limi-tée en raison de l’insécurité dans la région. Denombreux organismes n’interviennent que dans lescamps les plus protégés par crainte de subir desattaques. On trouve des postes sanitaires, maisceux-ci sont souvent abandonnés à cause du risqued’embuscade sur les routes. Ici, la mort est un faitquotidien, même si sa cause est souvent une mala-die traitable comme la malaria, la diarrhée ou uneinfection respiratoire. La malnutrition est un pro-blème omniprésent; elle fait ses plus grandes vic-times chez les nourrissons et les jeunes enfants.

Je suis arrivée en Ouganda en octobre 2004 pourtravailler dans l’un des plus grands camps pour per-sonnes déplacées du nord du pays, au plus fortd’une flambée de choléra. J’étais appelée par MSFà intervenir dans plusieurs programmes, mais dansles premiers temps, cette maladie a monopolisétoute mon attention. Nous avons d’abord travaillésans relâche à l’établissement d’un centre detraitement du choléra, au recrutement et à la for-mation du personnel national et à l’organisation

O u g a n d a

Carrie Bernard (à droite) a travaillé cinq mois à Gulu dans le nord de l’Ouganda en tant que médecin bénévole. Elle atravaillé dans un refuge de nuit pour les enfants, un centre de traitement du choléra et des centres de soins isolés.

LES ENFANTS SONT

PARTICULIÈREMENT VULNÉRABLES

AUX ATTAQUES DES REBELLES;

JUSQU’À MAINTENANT, LA LRA A

ENLEVÉ DES DIZAINES DE MILLIERS

D’ENFANTS POUR LES ENRÔLER DE

FORCE ET LES SOUMETTRE À

L’ESCLAVAGE SEXUEL.

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pour les enrôler de force et les soumettre àl’esclavage sexuel.

Plus de 1,6 million d’habitants ont été déplacésdurant ce conflit, soit 80 % de la population dela région. Les conditions sont déplorables dansles camps pour personnes déplacées. Ces campsdits « protégés » avaient officiellement étécréés en 1996, sur une base temporaire, pourleur offrir un refuge sûr en attendant que l’arméeougandaise (UPDF) mettent les rebelles enéchec.

Les civils ougandais ont été forcés de laisser der-rière eux leurs maisons, leurs terres et leurs viespour se réfugier dans des villages surpeuplés qui nesont pas très sûrs, où les conditions de vie sontpitoyables et l’accès aux soins médicaux insuf-fisant. Une soi-disant mesure temporaire, en placedepuis maintenant neuf ans. L’accès à l’eaupotable est inadéquat et l’insalubrité contribue à lapropagation des maladies.

Comme il est dangereux pour eux de s’aventurerjusqu’à leurs terres pour les cultiver, les habi-tants des camps dépendent de l’aide accordéepar le Programme alimentaire mondial pour senourrir. Ceux qui tentent malgré tout de le faire

s’exposent aux attaques de la LRA ou au risqued’être considérés par l’UPDF comme des parti-sans du mouvement rebelle.

Même si les organismes humanitaires ont fait dunord de l’Ouganda une priorité, l’aide demeure limi-tée en raison de l’insécurité dans la région. Denombreux organismes n’interviennent que dans lescamps les plus protégés par crainte de subir desattaques. On trouve des postes sanitaires, maisceux-ci sont souvent abandonnés à cause du risqued’embuscade sur les routes. Ici, la mort est un faitquotidien, même si sa cause est souvent une mala-die traitable comme la malaria, la diarrhée ou uneinfection respiratoire. La malnutrition est un pro-blème omniprésent; elle fait ses plus grandes vic-times chez les nourrissons et les jeunes enfants.

Je suis arrivée en Ouganda en octobre 2004 pourtravailler dans l’un des plus grands camps pour per-sonnes déplacées du nord du pays, au plus fortd’une flambée de choléra. J’étais appelée par MSFà intervenir dans plusieurs programmes, mais dansles premiers temps, cette maladie a monopolisétoute mon attention. Nous avons d’abord travaillésans relâche à l’établissement d’un centre detraitement du choléra, au recrutement et à la for-mation du personnel national et à l’organisation

O u g a n d a

Carrie Bernard (à droite) a travaillé cinq mois à Gulu dans le nord de l’Ouganda en tant que médecin bénévole. Elle atravaillé dans un refuge de nuit pour les enfants, un centre de traitement du choléra et des centres de soins isolés.

LES ENFANTS SONT

PARTICULIÈREMENT VULNÉRABLES

AUX ATTAQUES DES REBELLES;

JUSQU’À MAINTENANT, LA LRA A

ENLEVÉ DES DIZAINES DE MILLIERS

D’ENFANTS POUR LES ENRÔLER DE

FORCE ET LES SOUMETTRE À

L’ESCLAVAGE SEXUEL.

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page 5Dépêches Vol.7, no2

d’une campagne d’éducation auprès de la popula-tion pour tenter de juguler la progression de cettemaladie pouvant causer la mort.

Je m’étais attendue à travailler dur. Mais je nem’attendais pas à devoir négocier avec des mili-taires pour être autorisée à soigner mes patients.Voilà pourtant comment les choses se passent dansun lieu où l’armée confine les citoyens dans leurhutte parce qu’elle cherche à distinguer les civilsdes rebelles.

Nos efforts ont porté fruit; la poussée de choléra aété maîtrisée, si bien que j’ai pu canaliser mesénergies vers les centres de soins primaires dansles régions isolées du nord. MSF gère des centresde santé dans les zones où le gouvernement n’a pasréussi à le faire en raison de la guerre. Tous lesjours, nous prenions en charge des gens gravementatteints de malaria, de malnutrition et de déshy-dratation causée par la diarrhée.

Nos traitements ont souvent été couronnés de suc-cès mais, dans de nombreux cas, des patients sontmorts parce que les transporter à l’hôpital était tropdangereux. Lorsque les combats s’intensifient, ilest impossible d’accéder aux centres de santé pen-dant plusieurs jours; notre personnel national setrouve alors coupé du monde et les réserves demédicaments baissent. Le courage et la détermina-tion dont font preuve les membres du personnelnational dans pareilles circonstances m’ont réelle-ment impressionnée. Ce sont eux qui m’ont donnéla force de continuer, même quand la situationsemblait désespérée.

Le soir, il était parfois difficile de garder espoir envoyant des milliers d’enfants défiler dans notreasile de nuit à la recherche d’un lieu sûr pourdormir. Quelque 4500 enfants (certains à peinecapables de marcher) parcourent ainsi une dizainede kilomètres par crainte d’être attaqués et enlevéspar les rebelles. Malgré la fierté que j’éprouvaisenvers notre programme (nous offrions un lieusécuritaire, du counselling, des soins infirmiers etun encadrement fourni par des adultes), j’étaisbouleversée à l’idée que ces enfants devaient quit-ter chaque soir la maison de leurs parents, pouraller dormir dans une tente surpeuplée en compa-gnie d’autres étrangers. Et notre refuge était loind’être le seul : on estime à 50 000 le nombred’enfants dans la même situation.

Dans cette région, les besoins sont immenses. Versla fin de mon séjour, nous avions commencé à met-tre en œuvre des programmes de lutte contre la vio-lence sexuelle et la violence envers les femmes. Cesont des problèmes de plus en plus présents. MSFtente de répondre à l’accroissement des besoins enmatière de traitement, de counselling et d’éduca-tion. Les asiles de nuit ne sont pas près de dis-paraître et les gens qui vivent dans les campséloignés ont désespérément besoin d’être soignés.Même si, en dernière analyse, le plus grand besoinde tous, c’est que la paix s’installe dans le nord del’Ouganda, en attendant ce jour, MSF continue àfournir une aide essentielle aux plus vulnérables.

Carrie BernardMédecin, Gulu, nord de l’Ouganda

LES CIVILS OUGANDAIS ONT ÉTÉ FORCÉS

DE LAISSER DERRIÈRE EUX LEURS

MAISONS, LEURS TERRES ET LEURS VIES

POUR SE RÉFUGIER DANS DES VILLAGES

SURPEUPLÉS QUI NE SONT PAS TRÈS

SÛRS, OÙ LES CONDITIONS DE VIE SONT

PITOYABLES ET L’ACCÈS AUX SOINS

MÉDICAUX INSUFFISANT.

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d’une campagne d’éducation auprès de la popula-tion pour tenter de juguler la progression de cettemaladie pouvant causer la mort.

Je m’étais attendue à travailler dur. Mais je nem’attendais pas à devoir négocier avec des mili-taires pour être autorisée à soigner mes patients.Voilà pourtant comment les choses se passent dansun lieu où l’armée confine les citoyens dans leurhutte parce qu’elle cherche à distinguer les civilsdes rebelles.

Nos efforts ont porté fruit; la poussée de choléra aété maîtrisée, si bien que j’ai pu canaliser mesénergies vers les centres de soins primaires dansles régions isolées du nord. MSF gère des centresde santé dans les zones où le gouvernement n’a pasréussi à le faire en raison de la guerre. Tous lesjours, nous prenions en charge des gens gravementatteints de malaria, de malnutrition et de déshy-dratation causée par la diarrhée.

Nos traitements ont souvent été couronnés de suc-cès mais, dans de nombreux cas, des patients sontmorts parce que les transporter à l’hôpital était tropdangereux. Lorsque les combats s’intensifient, ilest impossible d’accéder aux centres de santé pen-dant plusieurs jours; notre personnel national setrouve alors coupé du monde et les réserves demédicaments baissent. Le courage et la détermina-tion dont font preuve les membres du personnelnational dans pareilles circonstances m’ont réelle-ment impressionnée. Ce sont eux qui m’ont donnéla force de continuer, même quand la situationsemblait désespérée.

Le soir, il était parfois difficile de garder espoir envoyant des milliers d’enfants défiler dans notreasile de nuit à la recherche d’un lieu sûr pourdormir. Quelque 4500 enfants (certains à peinecapables de marcher) parcourent ainsi une dizainede kilomètres par crainte d’être attaqués et enlevéspar les rebelles. Malgré la fierté que j’éprouvaisenvers notre programme (nous offrions un lieusécuritaire, du counselling, des soins infirmiers etun encadrement fourni par des adultes), j’étaisbouleversée à l’idée que ces enfants devaient quit-ter chaque soir la maison de leurs parents, pouraller dormir dans une tente surpeuplée en compa-gnie d’autres étrangers. Et notre refuge était loind’être le seul : on estime à 50 000 le nombred’enfants dans la même situation.

Dans cette région, les besoins sont immenses. Versla fin de mon séjour, nous avions commencé à met-tre en œuvre des programmes de lutte contre la vio-lence sexuelle et la violence envers les femmes. Cesont des problèmes de plus en plus présents. MSFtente de répondre à l’accroissement des besoins enmatière de traitement, de counselling et d’éduca-tion. Les asiles de nuit ne sont pas près de dis-paraître et les gens qui vivent dans les campséloignés ont désespérément besoin d’être soignés.Même si, en dernière analyse, le plus grand besoinde tous, c’est que la paix s’installe dans le nord del’Ouganda, en attendant ce jour, MSF continue àfournir une aide essentielle aux plus vulnérables.

Carrie BernardMédecin, Gulu, nord de l’Ouganda

LES CIVILS OUGANDAIS ONT ÉTÉ FORCÉS

DE LAISSER DERRIÈRE EUX LEURS

MAISONS, LEURS TERRES ET LEURS VIES

POUR SE RÉFUGIER DANS DES VILLAGES

SURPEUPLÉS QUI NE SONT PAS TRÈS

SÛRS, OÙ LES CONDITIONS DE VIE SONT

PITOYABLES ET L’ACCÈS AUX SOINS

MÉDICAUX INSUFFISANT.

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page 7Dépêches Vol.7, no2

La Somalie se classe parmi les pays lesplus pauvres de la planète et ne suscite

guère d’intérêt dans le monde. On estime sapopulation à près de huit millions d’habi-tants. Au terme de vingt années de guerrecivile, un gouvernement inexpérimenté apris les rênes du pouvoir, alors que partoutdans le pays l’insécurité règne.

Toutes les régions de la Somalie accueillentun nombre élevé de personnes déplacées.Craignant d’être persécutées dans leurancien lieu de résidence parce qu’ellesn’appartenaient pas au clan dominant, cespersonnes ont cherché refuge ailleurs dansle pays. Elles vivent dans un grand dénue-ment, privées de nourriture et des produitsde première nécessité. Le statut des person-nes déplacées à l’intérieur de leur proprepays n’est pas reconnu par l’ONU; par con-séquent, celles-ci ne reçoivent aucune aideinternationale. En Somalie, des centainesde milliers de déplacés vivent dans descampements érigés en bordure des grandesvilles, sans emploi, sans eau ni installationssanitaires, et très peu de nourriture; on yrencontre les problèmes de santé que cescirconstances engendrent habituellement.

La Somalie ne compte aucun système public de santé ou d’aide sociale, mais lapauvreté est omniprésente. L’accès auxsoins est restreint (d’après une estimation,le pays compterait huit médecins pour unmillion de citoyens). De nombreusesfamilles parcourent des centaines de kilo-mètres à pied pour conduire un enfantmalade à l’établissement de santé le plusproche. Le vaccin contre la polio est gra-tuit, mais ce ne sont pas tous les enfantsqui en bénéficient; les vaccins contre lacoqueluche, le tétanos et la diphtérie sonten nombre limité.

Cette terre ensoleillée et désertique estpeuplée de nombreux chameaux, dechèvres et d’enfants. La plupart desSomaliens mènent une vie nomade et viventdans la brousse. Le climat est chaud, lacouverture végétale rare et les rivières sevident durant la saison sèche.

Les familles nombreuses sont la règle; cer-tains hommes prennent plus d’une épouse.Chaque femme donne naissance à sixenfants en moyenne. Toutefois, selon lesestimations les plus récentes, un enfant sur

quatre n’atteint pas l’âge de cinq ans et letaux de mortalité infantile est l’un des plusélevés au monde.

De nombreux enfants vivent dans la brousseavec leurs parents et observent un mode devie semblable à ce qu’il devait être il y ades milliers d’années. Leurs chansons por-tent souvent sur les chameaux. Les ani-maux constituent les biens les plus précieux de la famille; on boit le lait deschèvres et des chameaux.

Dès qu’ils sont capables de s’en occuper,parfois même dès l’âge de cinq ans, lesenfants conduisent les bêtes là où l’on trouve de l’herbe et de l’eau pour les faireboire et manger. Peu vont à l’école; environ45 % des hommes et 25 % des femmesseulement savent lire.

On soumet encore de nombreuses petitesfilles, vers l’âge de cinq ou six ans, à lamutilation génitale; c’est une coutumecertes moins répandue qu’autrefois, maisqui se pratique encore et cause beaucoupde souffrance au sein de la populationféminine.

L e t t r e d u t e r r a i n

À l’hôpital, un enfant qui s’est piqué au piedavec une épine se remet du tétanos, fortheureusement – c’est une infection qu’on nevoit pratiquement plus en Europe ou enAmérique du Nord, à cause des programmesde vaccination. Les affections infantiles lesplus dévastatrices sont les maladies diar-rhéiques et la tuberculose. Il n’y a pas dechiffres concernant la prévalence duVIH/sida, mais selon toute vraisemblance,celle-ci n’est pas aussi forte ici qu’ailleursen Afrique subsaharienne.

Nous voyons aussi des enfants qui ont étéblessés par une mine antipersonnel ou même par balle. Les accidents de laroute sont chose courante. Il n’est pasinhabituel qu’un enfant blessé arrivé deloin meure avant que nous puissions inter-venir. La mort d’un enfant est toujours unévénement tragique, mais elle l’est encoredavantage lorsqu’il s’agit d’une maladieévitable, dont on peut guérir si l’on dispose des ressources nécessaires.

Médecins Sans Frontières (MSF) est l’undes rares organismes non gouvernemen-taux actifs en Somalie. Ses équipes

prodiguent des soins de santé à desadultes et à des enfants qui en ont déses-pérément besoin. MSF a pris en charge lagestion de l’hôpital de Galkayo auPuntland, où l’on trouve une unité pédia-trique et une maternité.

De plus, MSF a établi un centre d’alimenta-tion thérapeutique dans les quartiers nordet sud de Galkayo. Il n’est pas inhabitueld’y accueillir des enfants pesant moins de60 % du poids normal pour leur taille.Souvent, ils souffrent aussi de maladiesgraves comme la rougeole, la diarrhée et latuberculose. Nous les traitons et lesramenons peu à peu à une alimentationnormale, grâce à une méthode d’interven-tion très spécialisée.

Les enfants de la Somalie méritent d’avoiraccès à l’école, de recevoir des soins desanté adéquats, et de vivre une vie longue etpacifique.

Irene TurpieMédecin, Galkayo, Somalie

LA MORT D’UN ENFANT EST TOUJOURS

UN ÉVÉNEMENT TRAGIQUE, MAIS ELLE

L’EST ENCORE DAVANTAGE LORSQU’IL

S’AGIT D’UNE MALADIE ÉVITABLE DONT

ON PEUT GUÉRIR SI L’ON DISPOSE DES

RESSOURCES NÉCESSAIRES.

Les enfants de la Somalie

Irene Turpie est médecin et vit àDundas en Ontario. En 2005, elle aparticipé en tant que volontaire à unprojet de MSF à Galkayo, Somalie.La ville de Galkayo est divisée endeux et chaque côté est contrôlé pardifférents partis. Il y a plusieurspersonnes provenant d’autres régionsdu pays dans cette ville comme c’estsouvent le cas dans des zones oùrègnent guerre civile et agitation.

Page 7: Dépêches (Été 2005)

page 7Dépêches Vol.7, no2

La Somalie se classe parmi les pays lesplus pauvres de la planète et ne suscite

guère d’intérêt dans le monde. On estime sapopulation à près de huit millions d’habi-tants. Au terme de vingt années de guerrecivile, un gouvernement inexpérimenté apris les rênes du pouvoir, alors que partoutdans le pays l’insécurité règne.

Toutes les régions de la Somalie accueillentun nombre élevé de personnes déplacées.Craignant d’être persécutées dans leurancien lieu de résidence parce qu’ellesn’appartenaient pas au clan dominant, cespersonnes ont cherché refuge ailleurs dansle pays. Elles vivent dans un grand dénue-ment, privées de nourriture et des produitsde première nécessité. Le statut des person-nes déplacées à l’intérieur de leur proprepays n’est pas reconnu par l’ONU; par con-séquent, celles-ci ne reçoivent aucune aideinternationale. En Somalie, des centainesde milliers de déplacés vivent dans descampements érigés en bordure des grandesvilles, sans emploi, sans eau ni installationssanitaires, et très peu de nourriture; on yrencontre les problèmes de santé que cescirconstances engendrent habituellement.

La Somalie ne compte aucun système public de santé ou d’aide sociale, mais lapauvreté est omniprésente. L’accès auxsoins est restreint (d’après une estimation,le pays compterait huit médecins pour unmillion de citoyens). De nombreusesfamilles parcourent des centaines de kilo-mètres à pied pour conduire un enfantmalade à l’établissement de santé le plusproche. Le vaccin contre la polio est gra-tuit, mais ce ne sont pas tous les enfantsqui en bénéficient; les vaccins contre lacoqueluche, le tétanos et la diphtérie sonten nombre limité.

Cette terre ensoleillée et désertique estpeuplée de nombreux chameaux, dechèvres et d’enfants. La plupart desSomaliens mènent une vie nomade et viventdans la brousse. Le climat est chaud, lacouverture végétale rare et les rivières sevident durant la saison sèche.

Les familles nombreuses sont la règle; cer-tains hommes prennent plus d’une épouse.Chaque femme donne naissance à sixenfants en moyenne. Toutefois, selon lesestimations les plus récentes, un enfant sur

quatre n’atteint pas l’âge de cinq ans et letaux de mortalité infantile est l’un des plusélevés au monde.

De nombreux enfants vivent dans la brousseavec leurs parents et observent un mode devie semblable à ce qu’il devait être il y ades milliers d’années. Leurs chansons por-tent souvent sur les chameaux. Les ani-maux constituent les biens les plus précieux de la famille; on boit le lait deschèvres et des chameaux.

Dès qu’ils sont capables de s’en occuper,parfois même dès l’âge de cinq ans, lesenfants conduisent les bêtes là où l’on trouve de l’herbe et de l’eau pour les faireboire et manger. Peu vont à l’école; environ45 % des hommes et 25 % des femmesseulement savent lire.

On soumet encore de nombreuses petitesfilles, vers l’âge de cinq ou six ans, à lamutilation génitale; c’est une coutumecertes moins répandue qu’autrefois, maisqui se pratique encore et cause beaucoupde souffrance au sein de la populationféminine.

L e t t r e d u t e r r a i n

À l’hôpital, un enfant qui s’est piqué au piedavec une épine se remet du tétanos, fortheureusement – c’est une infection qu’on nevoit pratiquement plus en Europe ou enAmérique du Nord, à cause des programmesde vaccination. Les affections infantiles lesplus dévastatrices sont les maladies diar-rhéiques et la tuberculose. Il n’y a pas dechiffres concernant la prévalence duVIH/sida, mais selon toute vraisemblance,celle-ci n’est pas aussi forte ici qu’ailleursen Afrique subsaharienne.

Nous voyons aussi des enfants qui ont étéblessés par une mine antipersonnel ou même par balle. Les accidents de laroute sont chose courante. Il n’est pasinhabituel qu’un enfant blessé arrivé deloin meure avant que nous puissions inter-venir. La mort d’un enfant est toujours unévénement tragique, mais elle l’est encoredavantage lorsqu’il s’agit d’une maladieévitable, dont on peut guérir si l’on dispose des ressources nécessaires.

Médecins Sans Frontières (MSF) est l’undes rares organismes non gouvernemen-taux actifs en Somalie. Ses équipes

prodiguent des soins de santé à desadultes et à des enfants qui en ont déses-pérément besoin. MSF a pris en charge lagestion de l’hôpital de Galkayo auPuntland, où l’on trouve une unité pédia-trique et une maternité.

De plus, MSF a établi un centre d’alimenta-tion thérapeutique dans les quartiers nordet sud de Galkayo. Il n’est pas inhabitueld’y accueillir des enfants pesant moins de60 % du poids normal pour leur taille.Souvent, ils souffrent aussi de maladiesgraves comme la rougeole, la diarrhée et latuberculose. Nous les traitons et lesramenons peu à peu à une alimentationnormale, grâce à une méthode d’interven-tion très spécialisée.

Les enfants de la Somalie méritent d’avoiraccès à l’école, de recevoir des soins desanté adéquats, et de vivre une vie longue etpacifique.

Irene TurpieMédecin, Galkayo, Somalie

LA MORT D’UN ENFANT EST TOUJOURS

UN ÉVÉNEMENT TRAGIQUE, MAIS ELLE

L’EST ENCORE DAVANTAGE LORSQU’IL

S’AGIT D’UNE MALADIE ÉVITABLE DONT

ON PEUT GUÉRIR SI L’ON DISPOSE DES

RESSOURCES NÉCESSAIRES.

Les enfants de la Somalie

Irene Turpie est médecin et vit àDundas en Ontario. En 2005, elle aparticipé en tant que volontaire à unprojet de MSF à Galkayo, Somalie.La ville de Galkayo est divisée endeux et chaque côté est contrôlé pardifférents partis. Il y a plusieurspersonnes provenant d’autres régionsdu pays dans cette ville comme c’estsouvent le cas dans des zones oùrègnent guerre civile et agitation.

Page 8: Dépêches (Été 2005)

Depuis l’entrée en vigueur, en avril 2005, dela Loi de l’engagement de Jean Chrétien

envers l’Afrique, les sociétés canadiennes ontenfin la possibilité de produire des versionsgénériques de médicaments, destinés à êtreexportés vers les pays en développement auxprises avec des problèmes de santé publique.

Tel que le soulignait la dernière livraison deDépêches (vol. 7, no 1), Médecins SansFrontières a placé une commande auprès d’unfabricant pour vérifier si la nouvelle loi permet-tra réellement de fournir des médicamentsaux patients qui en ont besoin.

Depuis l’adoption de cette loi par le Parlementen avril 2004, pas un seul comprimé n’estencore sorti du pays, mais un espoir pointe àl’horizon. Une société canadienne importante,Apotex, a accepté de mettre au point uneassociation à dose fixe (soit trois médicamentsen un) pour le traitement du VIH/sida. Le pro-duit est en cours d’élaboration et le fabricanta déposé une demande d’approbation auprèsde Santé Canada.

La nouvelle loi canadienne (appelée succes-sivement projet de loi C-56, C-9, puis C-29)constitue la première tentative de mise enœuvre du paragraphe 6 de la Déclaration deDoha, ratifié le 30 août 2003. Dans cettedécision, l’Organisation mondiale du com-merce (OMC) avait accepté d’autoriser pen-dant un certain temps la fabrication de ver-sions génériques de médicaments brevetéssous licence obligatoire, à condition quecelles-ci soient destinées à l’exportation. Onne sait pas encore comment cette loi setraduira en pratique et quels problèmes ellepourrait soulever.

Le dévouement inlassable de certains acteurscanadiens dans ce dossier. Sans le zèle et ladétermination manifestés par différents inter-venants au cours des 18 derniers mois,notamment des organismes de la sociétécivile, des fonctionnaires, des politiciens cana-diens et de Stephen Lewis, envoyé spécial àl’ONU pour le VIH/sida en Afrique, le dossiern’aurait vraisemblablement pas abouti.

Obstacles de nature technique. La complexitéde la loi et les restrictions qu’elle imposepourraient la rendre impraticable.

Liste de médicaments. La loi ne devrait pas s’ac-compagner d’une liste limitant les médica-ments auxquels elle s’applique, mais c’estmalheureusement le cas. La moitié desmédicaments qu’elle renferme ne sont plusprotégés par un brevet ou bien sont desmédicaments rarement utilisés ou anciens; laliste est extrêmement restrictive pour ce quiest des autres médicaments admis. Le produitque MSF a demandé à Apotex de fabriquer n’yfigure pas; par conséquent, sa requête pourraitêtre rejetée, bloquée ou provoquer des délais.

La bonne volonté des fabricants. Rien ne garan-tit aux fabricants génériques qu’un médica-ment donné sera approuvé par Santé Canadaou que le détenteur du brevet ne chercherapas à contester la décision.

Incitatifs financiers limités. Certains fabricantsaffirment que le gouvernement devrait offrirde meilleurs incitatifs financiers (comme desallégements fiscaux ou des subventions) pourles encourager à s’engager dans la productiond’un médicament dans le cadre de cette loi.

ENSUITE?

Le fait d’obtenir l’accès à un traitement depremière intention contre le VIH/sida cons-tituerait une réussite en soi. Savoir qu’il s’agit d’un médicament d’origine canadienneest une chose dont les citoyens de ce payspourront être fiers.

Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue le portrait d’ensemble. Lancé en 2001, l’appel

en faveur de « l’accès aux médicaments pourtous », confirmé par la Déclaration de Doha,n’a pas encore abouti à la production d’un seulcomprimé. Le jour où l’on administrera enfin lepremier médicament élaboré au Canada dansun pays en développement, cinq années aumoins se seront écoulées. Nous aurons doncmis tout ce temps avant qu’un fabricantgénérique dans un État membre de l’OMC neréussisse à produire un seul médicament envertu des dispositions du paragraphe 6.Combien de personnes le VIH/sida aura-t-ilfauchées entre temps? ONUSIDA estime quepour la seule année 2004, le nombre de vic-times a atteint les trois millions.

Cette lenteur du processus est inacceptable.Bien peu de pays se sont précipités pour sui-vre la voie tracée par le Canada; les fabricantseuropéens de génériques ont quant à euxclairement indiqué qu’ils n’y voyaient aucunintérêt. Comment alors ne pas perdre toutespoir que des instruments juridiques commele paragraphe 6 nous aident à changer lecours de la crise du sida?

Le Canada peut s’estimer satisfait d’avoiraccompli quelque chose, mais nous ne pou-vons nous permettre de croire que là réside lasolution. Le rêve de l’accès aux médicamentspour tous est bien loin d’être réalisé… etjusqu’à présent, les mots de Doha sont restéslettre morte.

Rachel Kiddell-MonroeCoordonnatrice de la campagne Accès

aux médicaments essentiels

LE RÊVE DE L’ACCÈS

A c c è s a u x m é d i c a m e n t s e s s e n t i e l s

AUX MÉDICAMENTS POUR TOUS

Dans une certaine mesure, quiconquemilite en faveur de l’équité en matière de

santé dans le monde prêche aux convertis.Par exemple, il est facile de convaincre leslecteurs de ce bulletin qu’il est primordiald’améliorer l’accès au dépistage et au traite-ment pour les personnes séropositives etqu’il faut éduquer le mieux possible la popu-lation sur cette maladie si l’on veut en ralen-tir la transmission. Or il est beaucoup plusdifficile de toucher les personnes qui se sen-tent peu concernées par le problème de lasanté dans le monde parce que leur espritest accaparé par les multiples détails de lavie quotidienne. Pour des organismescomme Médecins Sans Frontières, l’OMS oula Croix-Rouge, présenter des arguments quiconvaincront que la santé, tout comme lamaladie, ne doit pas connaître de frontières,pose un défi constant.

MSF prend souvent la parole au nom de per-sonnes ou de pays que la pauvreté ou laguerre réduit au silence, en espérant qu’ilspuissent un jour s’exprimer avec leurs pro-pres mots. C’est précisément cet espoir quiest en train de se concrétiser en Zambie.

MSF administre un projet situé dans la zonerurale de Nchelenge, au nord de la Zambie,après avoir remodelé un programme qui avaitautrefois servi à accueillir l’afflux massif deréfugiés venus de la République démocra-

tique du Congo (RDC) voisine. La situation enRDC a évolué, et MSF s’est adapté. En 2001,ses travailleurs ont amorcé un programme dedépistage du VIH, d’éducation et de consul-tation à l’intention de la population zam-bienne. En janvier 2004, un premier patienta reçu un traitement antirétroviral (ARV). Lesgens viennent de centaines de kilomètres à laronde pour bénéficier du programme.

Pour les Zambiens, le VIH fait partie de laréalité quotidienne depuis des décennies. Or,comme dans tant d’autres pays d’Afrique, seseffets se font voir plutôt qu’entendre. La plu-part des pays africains n’ont pas fait preuvede la même prévoyance que l’Ouganda, où legouvernement s’est attaqué directement auproblème en favorisant un dialogue ouvertentre les patients, les autorités et les médias.Jusqu’à présent, la pauvreté, la stigmatisa-tion et la désinformation ont empêché que lamême chose se produise en Zambie.Toutefois, un groupe de plus en plus nom-breux de patients déterminés à vivre « posi-tivement » et à s’affirmer est en train detransformer les choses avec l’aide de MSF.

Dans les groupes de soutien qui se sont cons-titués à Nchelenge, tout comme dans lesautres projets MSF au centre du pays, lesgens apprennent à prendre la parole. Chaquejour, des dizaines de personnes, séropositivesou non, se réunissent pour discuter du com-bat que leur communauté livre contre le sidaet des moyens de remporter la bataille. Onmet en commun des idées qui leur permet-

tront d’assurer le gagne-pain des plus atteintspar la maladie parmi elles. On discute desmesures que devrait prendre le gouvernementpour les aider. On est bien informé, et ledébat est passionné. Tous quittent la petitesalle avec l’envie de changer les choses, latête pleine d’idées.

En Zambie, le VIH fait la manchette. Presquetous les jours, les quotidiens de Lusaka pro-posent un reportage sur l’accès aux soins ourapportent les propos d’un porte-parole. Ondénonce la réticence des politiciens, notam-ment du président, à se soumettre publique-ment à un test de dépistage. Selon le chef demission du projet de Nchelenge, RiekjeElema, la communauté séropositive acquièrede mois en mois une notoriété grandissante.

Avec les élections prévues en 2006, voilà ungroupe auquel les politiciens prêtent désor-mais une oreille attentive. On pense que legouvernement annoncera bientôt que les ARVseront distribués gratuitement dans tout lepays. Les Zambiens sont en voie d’accomplirce à quoi MSF n’osait rêver. Au lieu de tenterde convaincre un auditoire récalcitrant de lapertinence de leurs arguments, ils sont entrain de faire la preuve qu’on ne peut resterindifférent à ce qu’ils ont à dire.

James MaskalykMédecin en tournée dans les projets de MSF

en Zambie

Z a m b i e

ZAMBIE

Dépêches Vol.7, no2

Le pouvoir de la parole en

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Page 9: Dépêches (Été 2005)

Depuis l’entrée en vigueur, en avril 2005, dela Loi de l’engagement de Jean Chrétien

envers l’Afrique, les sociétés canadiennes ontenfin la possibilité de produire des versionsgénériques de médicaments, destinés à êtreexportés vers les pays en développement auxprises avec des problèmes de santé publique.

Tel que le soulignait la dernière livraison deDépêches (vol. 7, no 1), Médecins SansFrontières a placé une commande auprès d’unfabricant pour vérifier si la nouvelle loi permet-tra réellement de fournir des médicamentsaux patients qui en ont besoin.

Depuis l’adoption de cette loi par le Parlementen avril 2004, pas un seul comprimé n’estencore sorti du pays, mais un espoir pointe àl’horizon. Une société canadienne importante,Apotex, a accepté de mettre au point uneassociation à dose fixe (soit trois médicamentsen un) pour le traitement du VIH/sida. Le pro-duit est en cours d’élaboration et le fabricanta déposé une demande d’approbation auprèsde Santé Canada.

La nouvelle loi canadienne (appelée succes-sivement projet de loi C-56, C-9, puis C-29)constitue la première tentative de mise enœuvre du paragraphe 6 de la Déclaration deDoha, ratifié le 30 août 2003. Dans cettedécision, l’Organisation mondiale du com-merce (OMC) avait accepté d’autoriser pen-dant un certain temps la fabrication de ver-sions génériques de médicaments brevetéssous licence obligatoire, à condition quecelles-ci soient destinées à l’exportation. Onne sait pas encore comment cette loi setraduira en pratique et quels problèmes ellepourrait soulever.

Le dévouement inlassable de certains acteurscanadiens dans ce dossier. Sans le zèle et ladétermination manifestés par différents inter-venants au cours des 18 derniers mois,notamment des organismes de la sociétécivile, des fonctionnaires, des politiciens cana-diens et de Stephen Lewis, envoyé spécial àl’ONU pour le VIH/sida en Afrique, le dossiern’aurait vraisemblablement pas abouti.

Obstacles de nature technique. La complexitéde la loi et les restrictions qu’elle imposepourraient la rendre impraticable.

Liste de médicaments. La loi ne devrait pas s’ac-compagner d’une liste limitant les médica-ments auxquels elle s’applique, mais c’estmalheureusement le cas. La moitié desmédicaments qu’elle renferme ne sont plusprotégés par un brevet ou bien sont desmédicaments rarement utilisés ou anciens; laliste est extrêmement restrictive pour ce quiest des autres médicaments admis. Le produitque MSF a demandé à Apotex de fabriquer n’yfigure pas; par conséquent, sa requête pourraitêtre rejetée, bloquée ou provoquer des délais.

La bonne volonté des fabricants. Rien ne garan-tit aux fabricants génériques qu’un médica-ment donné sera approuvé par Santé Canadaou que le détenteur du brevet ne chercherapas à contester la décision.

Incitatifs financiers limités. Certains fabricantsaffirment que le gouvernement devrait offrirde meilleurs incitatifs financiers (comme desallégements fiscaux ou des subventions) pourles encourager à s’engager dans la productiond’un médicament dans le cadre de cette loi.

ENSUITE?

Le fait d’obtenir l’accès à un traitement depremière intention contre le VIH/sida cons-tituerait une réussite en soi. Savoir qu’il s’agit d’un médicament d’origine canadienneest une chose dont les citoyens de ce payspourront être fiers.

Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue le portrait d’ensemble. Lancé en 2001, l’appel

en faveur de « l’accès aux médicaments pourtous », confirmé par la Déclaration de Doha,n’a pas encore abouti à la production d’un seulcomprimé. Le jour où l’on administrera enfin lepremier médicament élaboré au Canada dansun pays en développement, cinq années aumoins se seront écoulées. Nous aurons doncmis tout ce temps avant qu’un fabricantgénérique dans un État membre de l’OMC neréussisse à produire un seul médicament envertu des dispositions du paragraphe 6.Combien de personnes le VIH/sida aura-t-ilfauchées entre temps? ONUSIDA estime quepour la seule année 2004, le nombre de vic-times a atteint les trois millions.

Cette lenteur du processus est inacceptable.Bien peu de pays se sont précipités pour sui-vre la voie tracée par le Canada; les fabricantseuropéens de génériques ont quant à euxclairement indiqué qu’ils n’y voyaient aucunintérêt. Comment alors ne pas perdre toutespoir que des instruments juridiques commele paragraphe 6 nous aident à changer lecours de la crise du sida?

Le Canada peut s’estimer satisfait d’avoiraccompli quelque chose, mais nous ne pou-vons nous permettre de croire que là réside lasolution. Le rêve de l’accès aux médicamentspour tous est bien loin d’être réalisé… etjusqu’à présent, les mots de Doha sont restéslettre morte.

Rachel Kiddell-MonroeCoordonnatrice de la campagne Accès

aux médicaments essentiels

LE RÊVE DE L’ACCÈS

A c c è s a u x m é d i c a m e n t s e s s e n t i e l s

AUX MÉDICAMENTS POUR TOUS

Dans une certaine mesure, quiconquemilite en faveur de l’équité en matière de

santé dans le monde prêche aux convertis.Par exemple, il est facile de convaincre leslecteurs de ce bulletin qu’il est primordiald’améliorer l’accès au dépistage et au traite-ment pour les personnes séropositives etqu’il faut éduquer le mieux possible la popu-lation sur cette maladie si l’on veut en ralen-tir la transmission. Or il est beaucoup plusdifficile de toucher les personnes qui se sen-tent peu concernées par le problème de lasanté dans le monde parce que leur espritest accaparé par les multiples détails de lavie quotidienne. Pour des organismescomme Médecins Sans Frontières, l’OMS oula Croix-Rouge, présenter des arguments quiconvaincront que la santé, tout comme lamaladie, ne doit pas connaître de frontières,pose un défi constant.

MSF prend souvent la parole au nom de per-sonnes ou de pays que la pauvreté ou laguerre réduit au silence, en espérant qu’ilspuissent un jour s’exprimer avec leurs pro-pres mots. C’est précisément cet espoir quiest en train de se concrétiser en Zambie.

MSF administre un projet situé dans la zonerurale de Nchelenge, au nord de la Zambie,après avoir remodelé un programme qui avaitautrefois servi à accueillir l’afflux massif deréfugiés venus de la République démocra-

tique du Congo (RDC) voisine. La situation enRDC a évolué, et MSF s’est adapté. En 2001,ses travailleurs ont amorcé un programme dedépistage du VIH, d’éducation et de consul-tation à l’intention de la population zam-bienne. En janvier 2004, un premier patienta reçu un traitement antirétroviral (ARV). Lesgens viennent de centaines de kilomètres à laronde pour bénéficier du programme.

Pour les Zambiens, le VIH fait partie de laréalité quotidienne depuis des décennies. Or,comme dans tant d’autres pays d’Afrique, seseffets se font voir plutôt qu’entendre. La plu-part des pays africains n’ont pas fait preuvede la même prévoyance que l’Ouganda, où legouvernement s’est attaqué directement auproblème en favorisant un dialogue ouvertentre les patients, les autorités et les médias.Jusqu’à présent, la pauvreté, la stigmatisa-tion et la désinformation ont empêché que lamême chose se produise en Zambie.Toutefois, un groupe de plus en plus nom-breux de patients déterminés à vivre « posi-tivement » et à s’affirmer est en train detransformer les choses avec l’aide de MSF.

Dans les groupes de soutien qui se sont cons-titués à Nchelenge, tout comme dans lesautres projets MSF au centre du pays, lesgens apprennent à prendre la parole. Chaquejour, des dizaines de personnes, séropositivesou non, se réunissent pour discuter du com-bat que leur communauté livre contre le sidaet des moyens de remporter la bataille. Onmet en commun des idées qui leur permet-

tront d’assurer le gagne-pain des plus atteintspar la maladie parmi elles. On discute desmesures que devrait prendre le gouvernementpour les aider. On est bien informé, et ledébat est passionné. Tous quittent la petitesalle avec l’envie de changer les choses, latête pleine d’idées.

En Zambie, le VIH fait la manchette. Presquetous les jours, les quotidiens de Lusaka pro-posent un reportage sur l’accès aux soins ourapportent les propos d’un porte-parole. Ondénonce la réticence des politiciens, notam-ment du président, à se soumettre publique-ment à un test de dépistage. Selon le chef demission du projet de Nchelenge, RiekjeElema, la communauté séropositive acquièrede mois en mois une notoriété grandissante.

Avec les élections prévues en 2006, voilà ungroupe auquel les politiciens prêtent désor-mais une oreille attentive. On pense que legouvernement annoncera bientôt que les ARVseront distribués gratuitement dans tout lepays. Les Zambiens sont en voie d’accomplirce à quoi MSF n’osait rêver. Au lieu de tenterde convaincre un auditoire récalcitrant de lapertinence de leurs arguments, ils sont entrain de faire la preuve qu’on ne peut resterindifférent à ce qu’ils ont à dire.

James MaskalykMédecin en tournée dans les projets de MSF

en Zambie

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page 11Dépêches Vol.7, no2

J’ai passé l’année de mes 20 ans à m’im-merger dans la vie des familles habitant

dans les oasis égyptiens, à accompagner unguerrier Massaï jusqu’à son village au nord duKenya, à parcourir l’Himalaya nu-piedscomme les gourous Indiens, fascinée par lesmultiples cultures. À mon retour au Canadaen 1989, j’ai commencé des études enanthropologie, un parcours qui me donneaujourd’hui le statut singulier de docteure enanthropologie. C’est quelque part au toutdébut de ce parcours que j’ai fait connais-sance avec Médecins Sans Frontières (MSF);la vision, les gens et le côté pratique de l’or-ganisation ont retenu mon attention. J’ai vouéles sept dernières années de ma vie profes-

sionnelle à tenter de mieux comprendre cetteculture humanitaire dans ses rapports avecdes groupes autochtones. J’en ai fait un sujetde thèse de doctorat, un livre et une façonpersonnelle d’appliquer l’anthropologie. Je mesuis particulièrement préoccupée du volet dela rencontre entre deux médecines :médecine biomédicale humanitaire etmédecine traditionnelle autochtone, une ren-contre qui exige un effort de collaborationentre les deux partis. Ceci m’amène à monhistoire d’aujourd’hui.

MSF-OCBA [bureau de Barcelone] m’avaitinvitée à Itaka Guasu, chez les peuplesautochtones Guarani au sud de la

Bolivie. Ces survivants de périodesd’esclavage, de conversions missionnaires etde multiples autres relations d’exploitationpar les colonisateurs espagnols font aujour-d’hui face à de graves problèmes de santé,dont une maladie qui conduit à une mortsubite, plusieurs hommes et femmes dans laquarantaine. Cette maladie est aujourd’huiconnue sous le nom de maladie de Chagas,nommée d’après le scientifique CarlosChagas qui a découvert, en 1909, le para-site qui en serait la cause, à savoir le tri-panosoma cruzi. La maladie de Chagas serépand actuellement de façon épidémique.Elle est sournoise : elle se développe lente-ment et progressivement sur des périodes seprolongeant jusqu’à 30 ans; elle est sanssymptômes apparents, difficile à déceler età reconnaître jusqu’à ce que, soudainement,elle cause la mort. Elle est dévastatrice,surtout dans les milieux pauvres et margi-nalisées telles les populations autochtones.

Au moment de cette invitation, une équipe deMSF conduisait déjà des interventions auprèsdes populations du sud de la Bolivie en vue decontrôler la maladie de Chagas et devait inter-venir sous peu chez les Guarani. L’interventionconduite était essentiellement un traitementbiochimique au benznidazole. Pourtant il estconnu que le traitement pharmacologiqueutilisé de façon isolée ne suffit pas pour con-trôler cette maladie; il faut en éliminer la

cause, à savoir l’insecte (la vinchuca) quitransporte le parasite (et le transmet auxhumains) et dont les spécimens pullulentdans les habitations de cette région. C’est làque les choses deviennent plus complexes,car elles impliquent la participation active dechaque maisonnée Guarani. Pour éviter laréinfection, les maisons doivent être détruites,reconstruites, arrosées, nettoyées selon desprincipes d’hygiène particuliers; les animauxdomestiques doivent habiter à l’extérieur…,une série de modifications majeures au stylede vie des Guarani auxquelles ces derniersrésistent. Le coordonnateur du projet de MSFm’a ainsi lancé une invitation spéciale afinqu’ensemble nous puissions aller voir qu’ellesétaient les raisons de ce manque d’intérêtquant à la mise en pratique des recommanda-tions de la santé publique chez les Guarani. Ildevait y avoir une explication chez ce peupledigne et riche en connaissances. Noussommes allés voir du côté des médecines tra-ditionnelles qui entrent souvent en compéti-tion avec les nouvelles connaissancesthérapeutiques introduites.

Nous avons d’abord rencontré des représen-tants autochtones et internationaux qui tra-vaillaient déjà dans la région afin d’obtenirleur autorisation pour discuter avec les per-sonnes se préoccupant actuellement de lasanté de ces populations. Nous sommesensuite allés visiter ces personnes. Le premier

représentant que nous avons rencontré, DonFelix, était à la fois auxiliaire de santé et her-boriste; il travaillait simultanément avec desproduits pharmaceutiques et des produits àbase de plantes, et collaborait avec lesUpurupuanos (guérisseurs / divinateurs)depuis déjà plusieurs années. Personnevenant d’une organisation de santé interna-tionale ne l’avait jamais consulté concernantses connaissances thérapeutiques tradition-nelles, et il était agréablement surpris quenous nous intéressions à ses savoirs sur lesplantes médicinales et à son rôle de média-teur entre les cultures. Don Felix et tous ceuxet celles avec qui nous avons parlé ont insistésur le rôle crucial que jouent les Upurupuanoschez les Guarani. Ces guérisseurs diagnos-tiquent le mal-être en lisant dans les feuillesde coca; leurs conseils sont très appréciés etont toujours un impact social important. Ils neparlent pas de la maladie de Chagas en tantque telle, mais possèdent les capacités et lesconnaissances susceptibles de donner desexplications sur celle-ci, explications quisauraient être significatives pour les Guarani.Là réside peut-être la voie qui permettrait auxpopulations autochtones d’apprendre lesfaçons d’éviter la réinfection par les vinchucaset de lutter contre la maladie de Chagas.Transiter par les thérapeutes venant du milieusocial local peut fournir les outils sociaux etculturels afin que la biotechnique soit utile.Ainsi les chances de contrôler la maladie de

M a l a d i e d e C h a g a s

AU-DELÀ DEScultures

LES RENCONTRES QUE L’AIDE

HUMANITAIRE CATALYSE AVEC LES

PEUPLES AUTOCHTONES PEUVENT

ÊTRE DES OCCASIONS EN OR POUR

MIEUX COMPRENDRE LES ENJEUX

DE LA SANTÉ DANS DES

CONTEXTES DIFFÉRENTS.

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J’ai passé l’année de mes 20 ans à m’im-merger dans la vie des familles habitant

dans les oasis égyptiens, à accompagner unguerrier Massaï jusqu’à son village au nord duKenya, à parcourir l’Himalaya nu-piedscomme les gourous Indiens, fascinée par lesmultiples cultures. À mon retour au Canadaen 1989, j’ai commencé des études enanthropologie, un parcours qui me donneaujourd’hui le statut singulier de docteure enanthropologie. C’est quelque part au toutdébut de ce parcours que j’ai fait connais-sance avec Médecins Sans Frontières (MSF);la vision, les gens et le côté pratique de l’or-ganisation ont retenu mon attention. J’ai vouéles sept dernières années de ma vie profes-

sionnelle à tenter de mieux comprendre cetteculture humanitaire dans ses rapports avecdes groupes autochtones. J’en ai fait un sujetde thèse de doctorat, un livre et une façonpersonnelle d’appliquer l’anthropologie. Je mesuis particulièrement préoccupée du volet dela rencontre entre deux médecines :médecine biomédicale humanitaire etmédecine traditionnelle autochtone, une ren-contre qui exige un effort de collaborationentre les deux partis. Ceci m’amène à monhistoire d’aujourd’hui.

MSF-OCBA [bureau de Barcelone] m’avaitinvitée à Itaka Guasu, chez les peuplesautochtones Guarani au sud de la

Bolivie. Ces survivants de périodesd’esclavage, de conversions missionnaires etde multiples autres relations d’exploitationpar les colonisateurs espagnols font aujour-d’hui face à de graves problèmes de santé,dont une maladie qui conduit à une mortsubite, plusieurs hommes et femmes dans laquarantaine. Cette maladie est aujourd’huiconnue sous le nom de maladie de Chagas,nommée d’après le scientifique CarlosChagas qui a découvert, en 1909, le para-site qui en serait la cause, à savoir le tri-panosoma cruzi. La maladie de Chagas serépand actuellement de façon épidémique.Elle est sournoise : elle se développe lente-ment et progressivement sur des périodes seprolongeant jusqu’à 30 ans; elle est sanssymptômes apparents, difficile à déceler età reconnaître jusqu’à ce que, soudainement,elle cause la mort. Elle est dévastatrice,surtout dans les milieux pauvres et margi-nalisées telles les populations autochtones.

Au moment de cette invitation, une équipe deMSF conduisait déjà des interventions auprèsdes populations du sud de la Bolivie en vue decontrôler la maladie de Chagas et devait inter-venir sous peu chez les Guarani. L’interventionconduite était essentiellement un traitementbiochimique au benznidazole. Pourtant il estconnu que le traitement pharmacologiqueutilisé de façon isolée ne suffit pas pour con-trôler cette maladie; il faut en éliminer la

cause, à savoir l’insecte (la vinchuca) quitransporte le parasite (et le transmet auxhumains) et dont les spécimens pullulentdans les habitations de cette région. C’est làque les choses deviennent plus complexes,car elles impliquent la participation active dechaque maisonnée Guarani. Pour éviter laréinfection, les maisons doivent être détruites,reconstruites, arrosées, nettoyées selon desprincipes d’hygiène particuliers; les animauxdomestiques doivent habiter à l’extérieur…,une série de modifications majeures au stylede vie des Guarani auxquelles ces derniersrésistent. Le coordonnateur du projet de MSFm’a ainsi lancé une invitation spéciale afinqu’ensemble nous puissions aller voir qu’ellesétaient les raisons de ce manque d’intérêtquant à la mise en pratique des recommanda-tions de la santé publique chez les Guarani. Ildevait y avoir une explication chez ce peupledigne et riche en connaissances. Noussommes allés voir du côté des médecines tra-ditionnelles qui entrent souvent en compéti-tion avec les nouvelles connaissancesthérapeutiques introduites.

Nous avons d’abord rencontré des représen-tants autochtones et internationaux qui tra-vaillaient déjà dans la région afin d’obtenirleur autorisation pour discuter avec les per-sonnes se préoccupant actuellement de lasanté de ces populations. Nous sommesensuite allés visiter ces personnes. Le premier

représentant que nous avons rencontré, DonFelix, était à la fois auxiliaire de santé et her-boriste; il travaillait simultanément avec desproduits pharmaceutiques et des produits àbase de plantes, et collaborait avec lesUpurupuanos (guérisseurs / divinateurs)depuis déjà plusieurs années. Personnevenant d’une organisation de santé interna-tionale ne l’avait jamais consulté concernantses connaissances thérapeutiques tradition-nelles, et il était agréablement surpris quenous nous intéressions à ses savoirs sur lesplantes médicinales et à son rôle de média-teur entre les cultures. Don Felix et tous ceuxet celles avec qui nous avons parlé ont insistésur le rôle crucial que jouent les Upurupuanoschez les Guarani. Ces guérisseurs diagnos-tiquent le mal-être en lisant dans les feuillesde coca; leurs conseils sont très appréciés etont toujours un impact social important. Ils neparlent pas de la maladie de Chagas en tantque telle, mais possèdent les capacités et lesconnaissances susceptibles de donner desexplications sur celle-ci, explications quisauraient être significatives pour les Guarani.Là réside peut-être la voie qui permettrait auxpopulations autochtones d’apprendre lesfaçons d’éviter la réinfection par les vinchucaset de lutter contre la maladie de Chagas.Transiter par les thérapeutes venant du milieusocial local peut fournir les outils sociaux etculturels afin que la biotechnique soit utile.Ainsi les chances de contrôler la maladie de

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AU-DELÀ DEScultures

LES RENCONTRES QUE L’AIDE

HUMANITAIRE CATALYSE AVEC LES

PEUPLES AUTOCHTONES PEUVENT

ÊTRE DES OCCASIONS EN OR POUR

MIEUX COMPRENDRE LES ENJEUX

DE LA SANTÉ DANS DES

CONTEXTES DIFFÉRENTS.

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P r o g r è s m é d i c a u x

Le Groupe de travail sur les médicamentspour les maladies négligées (DNDi – Drug for

Neglected Diseases Initiative) a annoncé lamise au point d’une nouvelle formule de poly-thérapie destinée au traitement de la malaria.On estime que cette maladie fait chaque annéeentre un et deux millions de victimes; dansquatre-vingt-dix-neuf pour cent des cas, cesdécès surviennent en Afrique subsaharienne.La malaria est présente dans plus de 100 payset menace 40 % de la population mondiale.

La nouvelle formule annoncée concerne l’as-sociation de deux médicaments en un seulcomprimé, soit l’artésunate et l’amodiaquine(AS/AQ). Grâce à celle-ci, on a pu réduire sub-stantiellement la dose pour adulte, qui estactuellement de quatre comprimés à prendredeux fois par jour pendant trois jours (soit 24comprimés en tout), à deux comprimés àprendre une fois par jour pendant la mêmedurée (c’est-à-dire six comprimés). DNDi aégalement élaboré une formule pédiatrique :un comprimé de petite taille, facile à avaler etsoluble dans l’eau.

DNDi est un programme de recherche sur lesmédicaments à but non lucratif, qui a été fondéen 2003 par les entités suivantes : l’Institut derecherche médicale du Kenya, le Conseil derecherche médicale de l’Inde, la FondationOswaldo Cruz du Brésil et le ministère de lasanté de la Malaisie, tous des organismes derecherche publics; l’Institut Pasteur, un institutde recherche privé; le programme deRecherche sur les maladies tropicales del’OMS, une organisation internationale derecherche, et Médecins Sans Frontières.

DNDi a récemment signé une entente avec lasociété Sanofi-Aventis pour que celle-ci achèvel’élaboration de la formule à dose fixe AS/AQ etprépare le dossier nécessaire en vue de l’enre-gistrement obligatoire du médicament et duprocessus de présélection de l’OMS.

Le médicament sera offert au secteur public, aux organismes internationaux etaux ONG, aux prix cibles de moins de 1 $US et de 0,50 $US respectivementpour les traitements pour adulte et pourenfant. Sanofi-Aventis a accepté de fairedon à DNDi de trois pour cent des ventes ausecteur privé, qui serviront en retour àréduire le coût du traitement.

Sanofi-Aventis a en outre accepté de se char-ger de l’enregistrement, de la production et dela distribution initiales du médicament au prixcoûtant. Celui-ci devrait être mis en vente aumilieu de 2006.

L’entente conclue entre DNDi et Sanofi-Aventis est non exclusive. Toutefois, DNDi agaranti l’exclusivité à cette dernière pendanttoute la durée du programme de développe-ment du produit et jusqu’à ce que le premierenregistrement soit chose faite.

DNDi a pour mission de mettre au point desmédicaments nouveaux ou améliorés, adap-tés au terrain, pour traiter les maladies négli-gées qui affligent les pays très pauvres,notamment la leishmaniose, la trypanoso-miase africaine (la maladie du sommeil) etla maladie de Chagas. Le programme viseégalement à sensibiliser la communautéinternationale au besoin urgent d’élaborerdes médicaments pour lutter contre cesmaladies et à renforcer la capacité existantedans les pays où elles sont endémiques.

Pour en apprendre davantage sur DNDi etle rôle crucial des médicaments dans lalutte contre les maladies négligées, con-sulter www.dndi.org. [site en anglaisseulement]

Tiré du bulletin d’information de DNDi No10, avril 2005

Le 8 juin dernier, DNDi lançait unappel aux gouvernements pour qu’ilsappuient de manière significative etsoutenue les efforts visant à renouvelerles vaccins et les méthodes diagnos-tiques destinés aux personnes qui souf-frent et meurent de maladies négligées.

Cette date marque le lancement d’unecampagne d’un an ayant pour objectifd’inviter tous les organismes et les indi-vidus ayant des vues communes, y com-pris des leaders d’opinion et des mem-bres de la communauté scientifique etde la presse, à signer une pétition quisera déposée à l’Assemblée mondialede la Santé en 2006.

Chaque jour, plus de 35 000 personnessuccombent à des maladies infectieusescomme le sida, la malaria ou la tubercu-lose, ou à des maladies hautement négli-gées comme la leishmaniose, la maladiede Chagas et la maladie du sommeil.

Si des mesures vigoureuses ne sont pasmises en place, ces maladies conti-nueront de ravager les pays en développe-ment, avec les conséquences mondialesque cela suppose. Les gouvernementsdoivent agir DÈS AUJOURD’HUI.

Pour se renseigner sur la campagne et surles façons d’y participer, ou pour consul-ter la liste des signataires, visiterwww.dndi.org. [en anglais seulement]

AGIR POUR ENRAYER LES MALADIES NÉGLIGÉES

UN NOUVEAUMÉDICAMENT

Chagas pourraient être augmentées, et lestraitements pharmaceutiques pourraient alorsatteindre une meilleure efficacité.

Les « découvertes » scientifiques ne sontutiles et ne peuvent devenir efficacesqu’au moment où elles s’ancrent dans lequotidien de manière significative. Plutôtque d’ « éduquer » unilatéralement lespopulations ciblées, ici les Guarani, à par-tir des principes et techniques de la bio-médecine sur lesquels se basent les savoirshumanitaires, MSF-OCBA a, par ma visite,lancé la possibilité de joindre ces « décou-vertes » à celles que les populationslocales ont aussi mises à jour en ce quiconcerne la santé et les maladies. Celapermet une approche multidirectionnelleplus compréhensive et flexible qui travailleet coopère avec le potentiel thérapeutiqueexistant sur place. Une communication etun échange de savoirs significatifs pour lesdeux groupes devraient porter fruit. Sansce dialogue, il s’agit d’un rendez-vousmanqué.

Les rencontres que l’aide humanitaire cata-lyse avec les peuples autochtones peuventêtre des occasions en or pour mieux com-prendre les enjeux de la santé humaine dansdes contextes différents. Mes recherchespréalables portant sur un projet de MSFHollande auprès de populations autochtonesde l’Amazonie brésilienne ont démontré que l’approche biomédicale dite neutreadoptée au niveau de MSF internationaldevient politique et culturellement distinctealors qu’elle prend place au sein des popu-lations nationales et locales des projets(Laplante 2004). Flexibilité, adaptabilité,compréhension sont tous des élémentsnécessaires pour travailler dans les dif-férents contextes culturels. Mon séjour enBolivie a essentiellement consisté à laisserles populations Guarani et leur médecinetraditionnelle, le temps de prendre leurplace dans les discussions entourant la maladie de Chagas. Le contexte nationalbolivien à l’intérieur duquel vivent aujour-d’hui les Guarani est d’ailleurs propice à cescontributions.

La Bolivie est une société multiethniqueayant une longue tradition de co-habitationavec la maladie de Chagas. Des traces du para-site ont été retrouvées dans des momies desanciennes civilisations Inca (1400 ans av. J.-C.)et Wankari (400 A.D.) du pays. La traditiondes herboristes autochtones Kallaway, qui apu un jour être aussi organisée dans leshautes Andes que l’est aujourd’hui la tradi-tion biomédicale au niveau international, sepréoccupe encore aujourd’hui de questionsde santé liées à la maladie de Chagas et adéveloppé certains traitements et manièresde faire qui minimisent son ampleur. LaBolivie compte de riches expériences de col-laboration entre les approches traditionnellesen santé et les approches biomédicales, desexpériences de collaboration qui peuventlargement contribuer à la lutte contre la maladie de Chagas.

Julie LaplanteAnthropologue, consultante pour MSF

SIMPLIFIE LE TRAITEMENTDE LA MALARIA

Page 13: Dépêches (Été 2005)

page 13Dépêches Vol.7, no2

P r o g r è s m é d i c a u x

Le Groupe de travail sur les médicamentspour les maladies négligées (DNDi – Drug for

Neglected Diseases Initiative) a annoncé lamise au point d’une nouvelle formule de poly-thérapie destinée au traitement de la malaria.On estime que cette maladie fait chaque annéeentre un et deux millions de victimes; dansquatre-vingt-dix-neuf pour cent des cas, cesdécès surviennent en Afrique subsaharienne.La malaria est présente dans plus de 100 payset menace 40 % de la population mondiale.

La nouvelle formule annoncée concerne l’as-sociation de deux médicaments en un seulcomprimé, soit l’artésunate et l’amodiaquine(AS/AQ). Grâce à celle-ci, on a pu réduire sub-stantiellement la dose pour adulte, qui estactuellement de quatre comprimés à prendredeux fois par jour pendant trois jours (soit 24comprimés en tout), à deux comprimés àprendre une fois par jour pendant la mêmedurée (c’est-à-dire six comprimés). DNDi aégalement élaboré une formule pédiatrique :un comprimé de petite taille, facile à avaler etsoluble dans l’eau.

DNDi est un programme de recherche sur lesmédicaments à but non lucratif, qui a été fondéen 2003 par les entités suivantes : l’Institut derecherche médicale du Kenya, le Conseil derecherche médicale de l’Inde, la FondationOswaldo Cruz du Brésil et le ministère de lasanté de la Malaisie, tous des organismes derecherche publics; l’Institut Pasteur, un institutde recherche privé; le programme deRecherche sur les maladies tropicales del’OMS, une organisation internationale derecherche, et Médecins Sans Frontières.

DNDi a récemment signé une entente avec lasociété Sanofi-Aventis pour que celle-ci achèvel’élaboration de la formule à dose fixe AS/AQ etprépare le dossier nécessaire en vue de l’enre-gistrement obligatoire du médicament et duprocessus de présélection de l’OMS.

Le médicament sera offert au secteur public, aux organismes internationaux etaux ONG, aux prix cibles de moins de 1 $US et de 0,50 $US respectivementpour les traitements pour adulte et pourenfant. Sanofi-Aventis a accepté de fairedon à DNDi de trois pour cent des ventes ausecteur privé, qui serviront en retour àréduire le coût du traitement.

Sanofi-Aventis a en outre accepté de se char-ger de l’enregistrement, de la production et dela distribution initiales du médicament au prixcoûtant. Celui-ci devrait être mis en vente aumilieu de 2006.

L’entente conclue entre DNDi et Sanofi-Aventis est non exclusive. Toutefois, DNDi agaranti l’exclusivité à cette dernière pendanttoute la durée du programme de développe-ment du produit et jusqu’à ce que le premierenregistrement soit chose faite.

DNDi a pour mission de mettre au point desmédicaments nouveaux ou améliorés, adap-tés au terrain, pour traiter les maladies négli-gées qui affligent les pays très pauvres,notamment la leishmaniose, la trypanoso-miase africaine (la maladie du sommeil) etla maladie de Chagas. Le programme viseégalement à sensibiliser la communautéinternationale au besoin urgent d’élaborerdes médicaments pour lutter contre cesmaladies et à renforcer la capacité existantedans les pays où elles sont endémiques.

Pour en apprendre davantage sur DNDi etle rôle crucial des médicaments dans lalutte contre les maladies négligées, con-sulter www.dndi.org. [site en anglaisseulement]

Tiré du bulletin d’information de DNDi No10, avril 2005

Le 8 juin dernier, DNDi lançait unappel aux gouvernements pour qu’ilsappuient de manière significative etsoutenue les efforts visant à renouvelerles vaccins et les méthodes diagnos-tiques destinés aux personnes qui souf-frent et meurent de maladies négligées.

Cette date marque le lancement d’unecampagne d’un an ayant pour objectifd’inviter tous les organismes et les indi-vidus ayant des vues communes, y com-pris des leaders d’opinion et des mem-bres de la communauté scientifique etde la presse, à signer une pétition quisera déposée à l’Assemblée mondialede la Santé en 2006.

Chaque jour, plus de 35 000 personnessuccombent à des maladies infectieusescomme le sida, la malaria ou la tubercu-lose, ou à des maladies hautement négli-gées comme la leishmaniose, la maladiede Chagas et la maladie du sommeil.

Si des mesures vigoureuses ne sont pasmises en place, ces maladies conti-nueront de ravager les pays en développe-ment, avec les conséquences mondialesque cela suppose. Les gouvernementsdoivent agir DÈS AUJOURD’HUI.

Pour se renseigner sur la campagne et surles façons d’y participer, ou pour consul-ter la liste des signataires, visiterwww.dndi.org. [en anglais seulement]

AGIR POUR ENRAYER LES MALADIES NÉGLIGÉES

UN NOUVEAUMÉDICAMENT

Chagas pourraient être augmentées, et lestraitements pharmaceutiques pourraient alorsatteindre une meilleure efficacité.

Les « découvertes » scientifiques ne sontutiles et ne peuvent devenir efficacesqu’au moment où elles s’ancrent dans lequotidien de manière significative. Plutôtque d’ « éduquer » unilatéralement lespopulations ciblées, ici les Guarani, à par-tir des principes et techniques de la bio-médecine sur lesquels se basent les savoirshumanitaires, MSF-OCBA a, par ma visite,lancé la possibilité de joindre ces « décou-vertes » à celles que les populationslocales ont aussi mises à jour en ce quiconcerne la santé et les maladies. Celapermet une approche multidirectionnelleplus compréhensive et flexible qui travailleet coopère avec le potentiel thérapeutiqueexistant sur place. Une communication etun échange de savoirs significatifs pour lesdeux groupes devraient porter fruit. Sansce dialogue, il s’agit d’un rendez-vousmanqué.

Les rencontres que l’aide humanitaire cata-lyse avec les peuples autochtones peuventêtre des occasions en or pour mieux com-prendre les enjeux de la santé humaine dansdes contextes différents. Mes recherchespréalables portant sur un projet de MSFHollande auprès de populations autochtonesde l’Amazonie brésilienne ont démontré que l’approche biomédicale dite neutreadoptée au niveau de MSF internationaldevient politique et culturellement distinctealors qu’elle prend place au sein des popu-lations nationales et locales des projets(Laplante 2004). Flexibilité, adaptabilité,compréhension sont tous des élémentsnécessaires pour travailler dans les dif-férents contextes culturels. Mon séjour enBolivie a essentiellement consisté à laisserles populations Guarani et leur médecinetraditionnelle, le temps de prendre leurplace dans les discussions entourant la maladie de Chagas. Le contexte nationalbolivien à l’intérieur duquel vivent aujour-d’hui les Guarani est d’ailleurs propice à cescontributions.

La Bolivie est une société multiethniqueayant une longue tradition de co-habitationavec la maladie de Chagas. Des traces du para-site ont été retrouvées dans des momies desanciennes civilisations Inca (1400 ans av. J.-C.)et Wankari (400 A.D.) du pays. La traditiondes herboristes autochtones Kallaway, qui apu un jour être aussi organisée dans leshautes Andes que l’est aujourd’hui la tradi-tion biomédicale au niveau international, sepréoccupe encore aujourd’hui de questionsde santé liées à la maladie de Chagas et adéveloppé certains traitements et manièresde faire qui minimisent son ampleur. LaBolivie compte de riches expériences de col-laboration entre les approches traditionnellesen santé et les approches biomédicales, desexpériences de collaboration qui peuventlargement contribuer à la lutte contre la maladie de Chagas.

Julie LaplanteAnthropologue, consultante pour MSF

SIMPLIFIE LE TRAITEMENTDE LA MALARIA

Page 14: Dépêches (Été 2005)

DépêchesMédecins Sans Frontières

720, av. Spadina, bureau 402Toronto, Ontario, M5S 2T9

Tél. : (416) 964-0619Téléc. : (416) 963-8707

Numéro de téléphone sans frais :1.800.982.7903

Courriel : [email protected] Web : www.msf.ca

Rédactrices :linda o. nagy

Dominique Desrochers

Directeur de la rédaction :Tommi Laulajainen

Collaborateurs :Carrie Bernard, DNDi, Nancy Forgrave, Rachel Kiddell-Monroe, Julie Laplante,

James Maskalyk, David Morley, Irene Turpie

Tirage : 90 000Graphisme : Artshouse Communications Inc.

Impression : Warren's Imaging and Dryography

Été 2005

ISSN 1484-9372

Crédit photos :Jet Belgraver, Chris de Bode,

Jean Marc Giboux, Julie Laplante,Sebastien Le Clezio, Greg Locke,

Stefan Pleger, John Reardon, Julie Rémy, Gilles Saussier,

Stephen Shames, Serge Sibert/Cosmos,

Kenneth Tong

page 15Dépêches Vol.7, no2

Cet été, je quitterai MSF Canada aprèsavoir occupé le poste de directeur

général pendant sept ans, au terme d’unparcours qui fut pour moi des plusenrichissants.

Bien des choses se sont passées au cours decette période, mais certaines personnes etcertains faits resteront gravés dans mamémoire :

• la contribution de médecins canadienscomme Richard Bedell, David Tu, CherylMcDermid et Sumeet Sodhi à la luttecontre le VIH/sida;

• le rôle vital qu’a joué la campagne Accèsaux médicaments essentiels face à lanécessité de faire fléchir le prix desmédicaments et de préconiser un nou-veau traitement de la malaria dans nom-bre de pays;

• le dévouement du personnel nationalavec lequel j’ai eu le plaisir de travaillerl’an dernier en République du Congo, àtitre de chef de mission dans un paysoublié et dévasté par la guerre;

• l’engagement d’un si grand nombre devolontaires canadiens, dont l’indéfectibledévouement aura permis de transformerla vie d’une multitude de gens : merci àJane Little, Steve Cornish, VincentÉchavé, Michael Hall, les sœurs

Skinnider, Reine Lebel, Leslie Shanks etaux innombrables autres personnes qui sesont investies pour apaiser les souf-frances des délaissés de ce monde;

• la compréhension des Canadiens et desCanadiennes, qui ont continué à appuyerMSF même lorsque sa position était con-traire au vent dominant – dénoncer lejumelage entre action militaire et actionhumanitaire en Afghanistan, réprouverl’exploitation des travailleurs humani-taires à des fins politiques au Kosovo ou,plus récemment, interrompre notre col-lecte de fonds pour les victimes du tsunamiune fois nos objectifs atteints.

Ce fut pour moi un réel privilège de dirigerune organisation aussi dynamique que MSFet de collaborer avec un personnel aussicompétent. Ensemble, nous avons réussi àen faire l’un des organismes internationauxles plus efficaces et respectés au Canada.Après mon départ, je travaillerai à un projetde livre sur MSF, destiné aux jeuneslecteurs, à la demande d’une maison d’édi-tion canadienne.

Sans l’appui inestimable de nos donateurset de nos donatrices, nous serionsdépourvus de l’indépendance et de lacapacité nécessaires pour mener à biennotre travail : traverser les lignes ennemies

pour dispenser des soins médicaux aux pau-vres, introduire les traitements antirétrovi-raux dans les coins les plus reculés del’Afrique et affronter les gouvernements etles interlocuteurs internationaux qui placentleurs propres intérêts devant ceux desdéshérités du monde.

Je me garderai toutefois d’afficher une atti-tude trop triomphaliste alors qu’il reste tantà faire. Dans les pays en développement,seulement 10 % des personnes atteintesdu sida reçoivent les traitements dont ellesont besoin. Nos volontaires accomplissentun travail exceptionnel au Darfour, au Congoet en Somalie, mais sont parfois dépasséspar l’ampleur de la souffrance.Présentement, nous ne pouvons même pastravailler en Afghanistan puisque l’assassi-nat de nos cinq collègues dans ce pays l’andernier demeure irrésolu.

Refuser de se laisser abattre quels quesoient les obstacles : voilà l’une desgrandes forces de Médecins SansFrontières. Grâce à votre appui inestimable,nous finissons toujours par trouver unmoyen de venir en aide à ceux et celles quien ont besoin. Je vous en remercie.

David MorleyDirecteur général, MSF Canada

AU REVOIR ET MERCI!

M S F a u C a n a d a

L’histoire se déroule en Angola, aux derniersstades de la guerre qui a déchiré ce payspendant 30 ans. No One Can Stop the Rainraconte l’expérience de deux volontaires deMédecins Sans Frontières (MSF), unchirurgien et son épouse, qui décident, àmi-chemin dans leur carrière, de laisser der-rière eux une vie confortable pour affronterle meilleur et le pire de l’humanité.

Nous suivons le parcours du couple jusqu’àKuito, au cœur même du pays, au fil deslettres et des extraits de leur journal per-sonnel. À l’époque, cette capitale deprovince jouissait de la réputation peuenviable d’être la ville la plus minée au

monde. Travaillant auprès des personnesdéplacées et des victimes des mines et dela malnutrition, les auteurs se font lestémoins de faits et d’événements qui nousoffrent une perspective unique sur la vie ausein de la vaste citadelle humanitaire. Ilsracontent bien sûr l’expérience de laguerre, mais aussi les rencontresenrichissantes que le hasard met sur leurroute, avec des habitants et d’autres volon-taires comme eux.

No One Can Stop the Rain, par KarinMoorhouse et Dr Wei Cheng, est publiéchez Insomniac Press. En vente danstoutes les bonnes librairies.

Personne ne peut arrêter la pluie

L e c t u r e s u g g é r é e

AFRIQUE DU SUDPeter Saranchuk

ANGOLAMiriam Lindsay

BURUNDIEugénie GrangerGabriela PhalDiane RachieleJennifer Weterings

COLOMBIEDarryl Stellmach

CÔTE D’IVOIREJessika HuardKurt Jansen

ÉTHIOPIEMartin AlpertIsabelle Aubry

HAÏTISylvain CharbonneauRobert ParkerJean Sander

INDELynne ChobotarSajida HussainClaude Trépanier

INDONÉSIESasha BernatskyMichelle ChouinardBrigitte LaroseGurnam SodhiKarin Sutherland

KENYASylvain DeslippesDavid MichalskiTiffany Moore

LIBÉRIAAsit MitraCarrie Morrison

MYANMARNancy DaleCarol FrenetteJim NewtonManisha Rajora

NIGÉRIAAdam Childs

OUGANDADonald ChambersAsha GervanMaïwenn HenriquetThomas KellyThierry OulhenTom Ripley

OUZBÉKISTANCatherine de Ravinel

PAKISTANDavid de Bold

RÉPUBLIQUE DÉMO-CRATIQUE DU CONGO

Nicolas BarrouilletFrédéric BeaudoinPaul BlasigÉmilie FrédérickSylvain GroulxSerena KasparianDawn KeimJean-Sébastien Matte

Andrew MortonMarlene PowerMireille RoyPatrick Ulrich

RÉPUBLIQUE DUCONGO

Maryse BonnelTyler FainstatSophia KapellasPatrick RobitailleHeather Thomson

SIERRA LEONEJohana AmarPriscilla BrookeChentale de MontignyNancy Graham

SOMALIESteve DennisBruce Lampard

SOUDANReshma AdatiaMario FortinIvan GaytonMegan HunterZayd MajokaNasser SalamArun SharmaSheila StamHassan Valji

TCHADKevin CoppockVance CulbertFrédéric DubéDarcy Gagnon

ZAMBIEBonnie FournierEva LamSima Patel

LES CANADIENNES ET CANADIENS EN MISSION

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DépêchesMédecins Sans Frontières

720, av. Spadina, bureau 402Toronto, Ontario, M5S 2T9

Tél. : (416) 964-0619Téléc. : (416) 963-8707

Numéro de téléphone sans frais :1.800.982.7903

Courriel : [email protected] Web : www.msf.ca

Rédactrices :linda o. nagy

Dominique Desrochers

Directeur de la rédaction :Tommi Laulajainen

Collaborateurs :Carrie Bernard, DNDi, Nancy Forgrave, Rachel Kiddell-Monroe, Julie Laplante,

James Maskalyk, David Morley, Irene Turpie

Tirage : 90 000Graphisme : Artshouse Communications Inc.

Impression : Warren's Imaging and Dryography

Été 2005

ISSN 1484-9372

Crédit photos :Jet Belgraver, Chris de Bode,

Jean Marc Giboux, Julie Laplante,Sebastien Le Clezio, Greg Locke,

Stefan Pleger, John Reardon, Julie Rémy, Gilles Saussier,

Stephen Shames, Serge Sibert/Cosmos,

Kenneth Tong

page 15Dépêches Vol.7, no2

Cet été, je quitterai MSF Canada aprèsavoir occupé le poste de directeur

général pendant sept ans, au terme d’unparcours qui fut pour moi des plusenrichissants.

Bien des choses se sont passées au cours decette période, mais certaines personnes etcertains faits resteront gravés dans mamémoire :

• la contribution de médecins canadienscomme Richard Bedell, David Tu, CherylMcDermid et Sumeet Sodhi à la luttecontre le VIH/sida;

• le rôle vital qu’a joué la campagne Accèsaux médicaments essentiels face à lanécessité de faire fléchir le prix desmédicaments et de préconiser un nou-veau traitement de la malaria dans nom-bre de pays;

• le dévouement du personnel nationalavec lequel j’ai eu le plaisir de travaillerl’an dernier en République du Congo, àtitre de chef de mission dans un paysoublié et dévasté par la guerre;

• l’engagement d’un si grand nombre devolontaires canadiens, dont l’indéfectibledévouement aura permis de transformerla vie d’une multitude de gens : merci àJane Little, Steve Cornish, VincentÉchavé, Michael Hall, les sœurs

Skinnider, Reine Lebel, Leslie Shanks etaux innombrables autres personnes qui sesont investies pour apaiser les souf-frances des délaissés de ce monde;

• la compréhension des Canadiens et desCanadiennes, qui ont continué à appuyerMSF même lorsque sa position était con-traire au vent dominant – dénoncer lejumelage entre action militaire et actionhumanitaire en Afghanistan, réprouverl’exploitation des travailleurs humani-taires à des fins politiques au Kosovo ou,plus récemment, interrompre notre col-lecte de fonds pour les victimes du tsunamiune fois nos objectifs atteints.

Ce fut pour moi un réel privilège de dirigerune organisation aussi dynamique que MSFet de collaborer avec un personnel aussicompétent. Ensemble, nous avons réussi àen faire l’un des organismes internationauxles plus efficaces et respectés au Canada.Après mon départ, je travaillerai à un projetde livre sur MSF, destiné aux jeuneslecteurs, à la demande d’une maison d’édi-tion canadienne.

Sans l’appui inestimable de nos donateurset de nos donatrices, nous serionsdépourvus de l’indépendance et de lacapacité nécessaires pour mener à biennotre travail : traverser les lignes ennemies

pour dispenser des soins médicaux aux pau-vres, introduire les traitements antirétrovi-raux dans les coins les plus reculés del’Afrique et affronter les gouvernements etles interlocuteurs internationaux qui placentleurs propres intérêts devant ceux desdéshérités du monde.

Je me garderai toutefois d’afficher une atti-tude trop triomphaliste alors qu’il reste tantà faire. Dans les pays en développement,seulement 10 % des personnes atteintesdu sida reçoivent les traitements dont ellesont besoin. Nos volontaires accomplissentun travail exceptionnel au Darfour, au Congoet en Somalie, mais sont parfois dépasséspar l’ampleur de la souffrance.Présentement, nous ne pouvons même pastravailler en Afghanistan puisque l’assassi-nat de nos cinq collègues dans ce pays l’andernier demeure irrésolu.

Refuser de se laisser abattre quels quesoient les obstacles : voilà l’une desgrandes forces de Médecins SansFrontières. Grâce à votre appui inestimable,nous finissons toujours par trouver unmoyen de venir en aide à ceux et celles quien ont besoin. Je vous en remercie.

David MorleyDirecteur général, MSF Canada

AU REVOIR ET MERCI!

M S F a u C a n a d a

L’histoire se déroule en Angola, aux derniersstades de la guerre qui a déchiré ce payspendant 30 ans. No One Can Stop the Rainraconte l’expérience de deux volontaires deMédecins Sans Frontières (MSF), unchirurgien et son épouse, qui décident, àmi-chemin dans leur carrière, de laisser der-rière eux une vie confortable pour affronterle meilleur et le pire de l’humanité.

Nous suivons le parcours du couple jusqu’àKuito, au cœur même du pays, au fil deslettres et des extraits de leur journal per-sonnel. À l’époque, cette capitale deprovince jouissait de la réputation peuenviable d’être la ville la plus minée au

monde. Travaillant auprès des personnesdéplacées et des victimes des mines et dela malnutrition, les auteurs se font lestémoins de faits et d’événements qui nousoffrent une perspective unique sur la vie ausein de la vaste citadelle humanitaire. Ilsracontent bien sûr l’expérience de laguerre, mais aussi les rencontresenrichissantes que le hasard met sur leurroute, avec des habitants et d’autres volon-taires comme eux.

No One Can Stop the Rain, par KarinMoorhouse et Dr Wei Cheng, est publiéchez Insomniac Press. En vente danstoutes les bonnes librairies.

Personne ne peut arrêter la pluie

L e c t u r e s u g g é r é e

AFRIQUE DU SUDPeter Saranchuk

ANGOLAMiriam Lindsay

BURUNDIEugénie GrangerGabriela PhalDiane RachieleJennifer Weterings

COLOMBIEDarryl Stellmach

CÔTE D’IVOIREJessika HuardKurt Jansen

ÉTHIOPIEMartin AlpertIsabelle Aubry

HAÏTISylvain CharbonneauRobert ParkerJean Sander

INDELynne ChobotarSajida HussainClaude Trépanier

INDONÉSIESasha BernatskyMichelle ChouinardBrigitte LaroseGurnam SodhiKarin Sutherland

KENYASylvain DeslippesDavid MichalskiTiffany Moore

LIBÉRIAAsit MitraCarrie Morrison

MYANMARNancy DaleCarol FrenetteJim NewtonManisha Rajora

NIGÉRIAAdam Childs

OUGANDADonald ChambersAsha GervanMaïwenn HenriquetThomas KellyThierry OulhenTom Ripley

OUZBÉKISTANCatherine de Ravinel

PAKISTANDavid de Bold

RÉPUBLIQUE DÉMO-CRATIQUE DU CONGO

Nicolas BarrouilletFrédéric BeaudoinPaul BlasigÉmilie FrédérickSylvain GroulxSerena KasparianDawn KeimJean-Sébastien Matte

Andrew MortonMarlene PowerMireille RoyPatrick Ulrich

RÉPUBLIQUE DUCONGO

Maryse BonnelTyler FainstatSophia KapellasPatrick RobitailleHeather Thomson

SIERRA LEONEJohana AmarPriscilla BrookeChentale de MontignyNancy Graham

SOMALIESteve DennisBruce Lampard

SOUDANReshma AdatiaMario FortinIvan GaytonMegan HunterZayd MajokaNasser SalamArun SharmaSheila StamHassan Valji

TCHADKevin CoppockVance CulbertFrédéric DubéDarcy Gagnon

ZAMBIEBonnie FournierEva LamSima Patel

LES CANADIENNES ET CANADIENS EN MISSION

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LES DONS PLANIFIÉS

Nancy ForgraveResponsable des dons planifiés